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COURS

DE

DROIT CIVIL FRANÇAIS

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in 2011 with funding from

University of Toronto

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COURS

DE

DROIT CIVIL FRANÇAIS

D'APRÈS LA MÉTHODE DE ZACHARIjE

PAR

MM. AUBRY et RAU

CONSEILLERS A LA COUR DE CASSATION

CINQUIEME ÉDITION

revue et mise au courant de la législation et de la jurisprudence

Par MM.

G. RAU, *

Conseiller à la Cour de Cassation

Ch. FALCIMArGNE, 0. %

Conseiller à la Cour de Cassation

AVEC LA COLLABORATION DE

M. GAULT

Docteur en droit, Avocat au Conseil d'État et à la Cour de Cassation

TOME DEUXIEME

tdBLJOTMÊQUE D6 DROtf 0 ft o.

PARIS

IMPRIMERIE ET LIBRAIRIE GÉNÉRALE DE JURISPRUDENCE

MARCHAL et BILLARD tMàftu.

IMPRIMEURS -ÉDITEURS, LIBRAIRES DE LA COUR DE CASSATION J&T **.

Maison principale : Place Dauphine 27 «î^i&LiOTWèQuE*

Succursale : Rue Soufflot, 7

1897

Tous droits réservés.

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DROIT CIVIL THÉORIOUE FRANÇAIS.

SECONDE PARTIE.

DES DROITS CIVILS CONSIDÉRÉS SOUS LE RAPPORT DES OBJETS AUXQUELS ILS S'APPLIQUENT.

INTRODUCTION

I. DES OBJETS DES DROITS CIVILS EN GÉNÉRAL

§ 162.

Les objets des droits civils sont corporels ou incorporels, selon qu'ils tombent sous les sens, ou qu'ils ne peuvent être perçus que par l'entendement l.

Parmi ces objets, il en est qui, tels que le corps, la liberté, l'honneur, se confondent avec l'existence même des personnes. Il en est d'autres qui existent en dehors et indépendamment de la personne investie des droits dont ils forment la matière. Ces derniers sont appelés objets extérieurs.

Les droits relatifs aux objets de la première espèce, ne pouvant donner lieu à réclamation qu'autant qu'ils ont été lésés par suite d'un délit ou d'un quasi-délit, et produisant alors une action en dommages et intérêts, se résolvent, quant à leurs effets juridiques, en droits sur des objets extérieurs.

1 Los principaux objets incorporels dont s'occupe le Droit, sont les droits, les obligations, les actions, les productions de l'esprit, le patri- moine.

il 1

2 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

Les objets extérieurs des droits civils sont des personnes ou des choses.

Les rapports juridiques de personne à personne sont de deux espèces : ou bien une personne se trouve placée dans une position de dépendance vis-à-vis d'une autre personne, investie à son égard d'un droit de puissance ! bis ; ou bien une personne est simplement obligée au profit d'une autre à l'accomplissement d?un fait (prestation). Au premier cas, c'est la personne elle-même qui forme l'objet du droit. Au second, c'est moins la personne obligée, que la presta- tion, qui en est la matière.

On peut considérer les objets des droits civils, soit en eux-mêmes et d'après leur nature ou leur forme constitu- tive, soit sous le rapport de l'utilité qu'ils offrent a la personne qui a des droits à exercer sur eux. Envisagés sous ce dernier point de vue, et par conséquent, abstraction faite de leur individualité, ces objets s'appellent des biens.

On a coutume d'appeler biens innés les objets qui se confondent avec l'existence même de la personne, en tant qu'on les considère sous le rapport, soit des avantages matériels ou moraux qu'ils procurent, soit de l'action en dommages intérêts à laquelle la lésion de pareils objets peut donner ouverture. Dans le langage du Code, le mot biens ne comprend, ni les biens innés, ni même les droits de puissance envisagés comme tels, et indépendamment des avantages pécuniaires qui peuvent y être attachés. Cpr. art, 516 et 2092.

1 bis. C'est ainsi qu'en droit romain, le mot Jus indiquait notamment une puissance portant sur la volonté d'autrui, et la dirigeant à ce point que les acquisitions faites par la personne alieni juris, profitaient à celle qui exerçait la puissance (Patria potestas, Manus et Mancipium). La rigueur des principes a été successivement tempérée au moyen des divers pécules. Le mot dominium indiquait principalement l'idée d'un droit de propriété sur le corps d'autrui, et subsidiairement seulement celle d'un droit sur la volonté. Tel était le caractère du droit appartenant au maître sur l'esclave. Gaius§§ 48 à .'>1. Pr|f. Inst. de his qui sui vel alieni I, 8, Cpr. Accarias, Précis de Droit Ptomain. 3moEd. p. 162, 74 : p. l(i.vi 76.

INTRODUCTION. $ 162. 3

Lorsque plusieurs personnes ont simultanément des droits sur un objet, Futilité juridique en est répartie entre elles. Les mêmes objets peuvent donc constituer des biens à l'égard de différentes personnes.

La distinction des objets des droits civils, en corporels et incorporels 2, en meubles et immeubles 3, n'est point à la rigueur applicable aux biens, car ce terme n'exprime qu'une abstraction \

L'ensemble des biens d'une personne constitue son patrimoine. Les éléments du patrimoine consistent donc dans les objets des droits civils, considérés en leur qualité de biens ; et comme ces objets ne revêtent cette qualité qu'à raison des droits auxquels ils sont soumis envers une personne, on peut aussi, en substituant en quelque sorte la cause à l'effet, définir le patrimoine, l'ensemble des droits civils d'une personne sur des objets constituant des biens.

Le patrimoine est une universalité de droit, en ce sens que les biens forment, en vertu de l'unité même de la per- sonne à laquelle ils appartiennent, un ensemble juridique.

Les lois positives reconnaissent, à côté du patrimoine,

2 La distinction des biens en corporels et incorporels, peut cependant s'expliquer par les considérations suivantes : Le droit de propriété, absorbant toute l'utilité de l'objet qui y est soumis, se confond en quelque sorte avec cet objet, qui en est comme la représentation. Lors donc que l'objet d'un droit de propriété est une chose corporelle, l'utilité de ce droit se trouve, pour ainsi dire, matériellement représentée par la chose et peut, par ce motif, être envisagée comme constituant un bien corporel. 11 en est autrement des droits réels autres que la propriété. Ces droits, n'absorbant pas toute l'utilité de l'objet sur lequel ils portent, ne peuvent, en aucune manière, être considérés comme étant matériellement repré- sentés par cet objet.

3 La distinction des biens en meubles et immeubles, est entièrement de Droit positif, et ne peut être rationnellement expliquée. Elle se ratache à la distinction des droits en mobiliers ou immobiliers. Gpr. § 165.

4 En effet, l'expression biens désigne l'utilité qu'une personne peut retirer des objets sur lesquels elle a des droits à exercer, et par consé- quent, une simple qualité de ces objets, ou, si l'on veut, le résultat des droits dont ils sont la matière.

4 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

plusieurs autres universalités juridiques. Tels sont : les objets soumis au droit de retour successoral dans les hypo- thèses prévues par les art. 351, 352, 747 et 7CG ; les biens composant un majorât.

Il ne faut pas confondre avec les universalités juridiques, des collections d'objets réunis par le propriétaire à l'effet de servir à une destination ou à un usage commun, telles qu'une bibliothèque, un troupeau, etc. Les objets qui composent de pareilles collections, appelées communément universalités de fait s, sont à considérer, au point de vue juridique, comme restant distincts les uns des autres ; et, à moins de modifications résultant de la volonté du pro- priétaire ou d'une disposition spéciale de la loi, les droits ou engagements qui s'y rapportent, sont régis par les mêmes principes que les droits ou engagements relatifs à des objets qui ne feraient pas partie de collections de cette espèce. Gpr. art. 616 et. 1800.

Du reste, une universalité juridique peut, dans certains cas et à certains égards, être convertie en une universalité de fait par la volonté du propriétaire ; c'est ce qui a lieu, par exemple, lorsqu'une personne lègue titulo singulari une part héréditaire, ou même une hérédité entière qui lui est dévolue G.

II. DES DIFFÉRENTES DIVISIONS DES CHOSES ET DES BIENS.

Sources. Code Civil, art. 516-543. Coutume de Paris, art. 88-95. Bibliographie. Pothier, Traité de la communauté, nos 24 à 95. Proudhon, Traité du domaine privé et de la distinction des biens, I, p. 86 à 366. Essai sur la distinction des biens, par Malapert ; Paris 1844, 1 vol. in-8°. De la distinction des biens, par Yaugeois ;

5 Le lien qui unit les objets dépendant d'une collection de cette espèce, n'est pas un lien juridique et nécessaire, comme celui qui unit entre eux les biens composant le patrimoine d'une personne.

6 Toullicr, Y, 510. Zacharia», § 168 texte in fine, et note 8.

DÉS DIVISIONS DES CHOSES ET DES BIENS. § 163. 5

Paris 18G1, 1 vol. in-8°. Valette, De la distinction des biens publié par Herold et Lyon-Caen ; Paris 1879, in-8°.

A. De la distinction des choses considérées en elles-mêmes.

§163.

1. De la division des choses enmeubles et en immeubles.

Généralités.

Les choses corporelles sont meubles ou immeubles, selon qu'elles peuvent ou non se transporter d'un lieu à un autre sans changer dénature. Art. 528 et arg. de cet article.

La loi a étendu la même distinction aux choses incor- porelles, qui, de leur nature, ne sont ni meubles ni immeubles. Cpr. art. 526 et 529.

En général, toute chose est comprise dans l'une ou l'autre de ces classes, mais ne saurait appartenir à toutes les deux à la fois. Art. 516.

Il est cependant des cas la loi considère la même chose, tantôt comme mobilière, tantôt comme immo- bilière : c'est ce qui a lieu pour les récoltes. Art. 520.

D'un autre côté, on peut, par contrat de mariage, donner à un immeuble le caractère de meuble, et réciproquement, attribuer à un meuble la qualité d'immeuble. Mais cet ameublissement ou cette immobilisation n'ont d'effet que sous le point de vue formant l'objet de la convention. Cpr. art. 1500 à 1510.

Enfin, il existe certains meubles incorporels que les lois permettent, sous les conditions qu'elles déterminent, d'im- mobiliser même à l'égard des tiers \

i Cpr. § 165, texte n°l, lett. c.

6 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

§ 164.

Continuation. Des immeubles corporels.

Les immeubles corporels sont tels par leur nature ou par leur destination. Art. 517 \

Des immeubles par nature.

A la rigueur, les fonds de terre sont les seules choses véritablement immobilières de leur nature * bis. Les objets unis ou incorporés au sol, et notamment les bâtiments ou autres constructions, qui sont le produit de l'industrie de l'homme, n'ont point par eux-mêmes ce caractère. Toute- fois, comme la propriété du sol emporte celle du dessus et du dessous, la loi range dans la classe des immeubles par nature, en les opposant aux immeubles par desti- nation, tous les objets unis ou incorporés au sol 1 ter.

Tels sont les édifices élevés au-dessus du sol, ainsi que les constructions faites au-dessous, et tout ce qui en forme partie intégrante 2. Art. 518. Il en est de même de toute espèce de machines ou d'ouvrages fixes ou posés sur

1 Les immeubles par l'objet auquel ils s'appliquent, que mentionne également l'art. 517, sont les immeubles incorporels, dont il sera traité au § 165.

1 bis. Laurent, V. 406. Valette, Dist. des biens, p. 11.

1 ter. Par exemple, la mosaïque ancienne, ayant fait partie d'un édifice romain, adhérente au sol, et formant le pavé du rez-de-chaussée : le caractère immobilier de cet objet est déterminé au moment de la découverte. Req. 13 déc. 1881. S. 82; 1, 255.

2 II ne faut pas confondre les objets qui forment partie intégrante et constitutive d'un bâtiment avec ceux qui, tout en s'y trouvant attachés à perpétuelle demeure peuvent en être détachés sans subir de détério- ration, et sans que le bâtiment devienne impropre à l'usage auquel il est affecté par sa nature même. Les objets de la première espèce sont seuls immeubles par leur nature ; ceux de la seconde ne le sont que par leur destination. Cpr. texte et notes 62 et 63 infra ; Civ. cass., 25 février \ 824, S., 24, 1,199.

DES DIVISIONS DES CHOSES ET DES BIENS. § 164. 7

maçonnerie on sur piliers 3, encore qu'ils ne fassent pas partie intégrante d'un bâtiment \ C'est ce qui peut avoir lieu pour des moulins à eau ou à vent, des scieries, des machines hydrauliques, etc. Art. 519 et arg. de cet article. Il en est encore ainsi des tuyaux servant à la conduite ou à l'écoulement des eaux, lorsqu'ils se trouvent incorporés à un bâtiment ou au sol 5. Art. 523.

Les bâtiments, ou autres ouvrages unis au sol, sont immeubles par leur nature, qu'ils aient été construits par le propriétaire du fonds ou par un tiers, par exemple, par un fermier, par un locataire, ou par un usufruitier ; et ce, dans le cas même le tiers constructeur se serait réservé la faculté de les démolir lors de la cessation de sa jouis- sance. 6

_3 L'art. 519 n'emploie pas le terme fixés, qui indiquerait sans aucun cloute la nécessité d'une jonction artificielle, opérée à l'aide du ciment ou de crampons. Il se sert du mot fixes qui n'emporte pas nécessai- rement l'idée d'une jonction de cette nature. Si donc la machine, posée sur maçonnerie ou sur piliers, y adhère par son propre poids, cela doit suffire pour la faire considérer comme formant un seul et môme tout avec les parties incorporées dans le sol, qui sont précisément destinées à lui servir d'appui. Garnier, ïtép. de l'Enreg., 3687. Vaugeois, 166. Dcmolombe, IX, 125. Déniante, Cours, II, 341 Us, I. Zacharia\ § 170, texte et note 18 bis. Valette, Distinction, p. 12. II. Civ.cass., 12 mai 1834, S., 34, 1, 489. Voy. en sens contraire : Championnièrc et Rigaud, Des Droits d' 'enregistrement, IV ', 3174; Laurent. V, 409. Douai, 1:2 février 1862, S. &2. 2. 321 ; Giv. rej., lOavril 1864, S.. 64, 1, 286. Ces derniers arrêts rendus dans des circonstances particulières, et sur une question de conflit d'attributions entre officiers ministériels, ne nous paraissent pas devoir fixer la jurisprudence sur le point de doctrine résolu au texte.

4 Arg. a contrario art. 531. Duranton, IV, 22. Màrcadé, sur l'art. 519, no 1. Taulier, H, p. 145. Demoloinbe, IX, 124.

'J Duranton, IV, 19. Du Caurroy, Bonnier et Coustain, II, 20. Demo- loinbe, IX, 149. Coin-Delisle, Revue critique. 1858, XII. p. 397. 21. Valette, Distinction, p. 16, 6. Laurent, V.409. Voy. cep. ïoullier, 10, 15; Championnière et Rigaud, op. cit., IV, 3160 ; Taulier, II, p. 1 47. Suivant ces auteurs, les objets dont s'agit ne seraient immeubles que par destination et non par nature.

6 Gpr. art. 555. Duvcrgier sur Toullier, III, 11, notée. Marcadé. sur l'art. 519, no 2. Du Caurroy, Bonnier et Roustain, II, 16, Déniante, Cours. II, 341 bis, IL Dcmolombe, IX, 104. Vaugeois, 167. Verdier, Trans-

8 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

Mais lorsque des constructions ont été faites par un tiers qui n'avait aucun droit réel sur le fonds, et qui, en l'absence de toute renonciation de la part du propriétaire du sol au bénéfice de l'accession, ne devait pas acquérir sur ces constructions elles-mêmes un droit de superficie 7, la jouissance qui lui en appartient, ne constitue à son { profit qu'un droit mobilier 8. A plus forte raison, en serait-il ainsi de la simple indemnité qu'il aurait à réclamer du propriétaire du fonds.

Il résulte de là, spécialement, que le droit de ce tiers constructeur tombe dans la communauté légale 9, et que les constructions qu'il a élevées ne sont susceptibles, ni

cription, 1, 15. Laurent, V, 415. Douai, 19 juillet 1844, S., 44, 2, 554. Civ. cass., 3 juillet 1844, S. 44, 1, 682. Douai, 10 juillet 1844. S., 44, 2, 551. Civ. cass., 1er juillet 1845, S. 45, 1, 491. Rouen. 20 août 1859, S., 59, 2, 647. Civ. rej., 7 avril 1862, S., 62, 1, 439. Paris, 30 mai et 27 août 1864, S., 64, 2, 266 et 267. Voy. en sens contraire : Grenoble, 2 février 1827, S. 27, 2. 107. Cpr. Req. 27 mai 1873, S., 73, 1, 254.

7 Lorsqu'un droit réel sur le fonds appartient au constructeur, le caractère immobilier de ce droit s'étend aux bâtiments par lui élevés, et il en jouit au même titre. C'est ce qui aurait lieu, par exemple, pour les constructions faites par un usufruitier. Championnière etRigaud, op. cit., IV, 3184. Demolombe, IX, 170 et 171. Voy. cep. Pont, Des hypothèques, 635. Il en serait de même si, par suite de la renonciation du pro- priétaire du sol au bénéfice de l'accession, le constructeur avait acquis sur ses constructions un droit de superficie. Cpr. sur cette hypothèse : | 223, texte 2, lettre c. Laurent, Y, 414. Dijon, 13 février 1871, et la note, S., 71, 2, 81. Req., 13 février 1872, S., 72, 1, 104.

8 En dehors des hypothèses particulières dont il est question à la note précédente, il nous parait impossible de reconnaître au tiers cons- tructeur, un droit réel sur des bâtiments qui sont devenus, dans leur forme constitutive, un accessoire du fonds. Et quant à la jouissance qui

/ peut lui appartenir sur ses constructions, en qualité de locataire ou de fermier, elle ne saurait être d'une autre nature que celle qui lui compète sur le fonds même. Or, cette dernière est, comme nous le verrons, essen- tiellement personnelle et mobilière. Demolombe, IX, 168. Laurent, V, 414 et suiv. Contra : Req., 27 mai 1873, S., 73, 1, 254. Req., 13 février 1872, et rapport de M. Dumon, S. 72, 1, 104.

9 Pothier, De la communauté, 37. Championnière et Rigaud, op. cit., IV, 3177, note 1™. Persil, Questions hypothécaires, II, p. 291. Demo- lombe. IX. 168.

DES DIVISIONS DES CHOSES ET DES BIENS. § 164. 9

d'être hypothéquées par lui, ni d'être frappées de son chef dune saisie immobilière 10.

Il en résulte encore que, si un fermier, après avoir élevé des constructions sur le terrain affermé, venait à céder avec son bail la jouissance de ces constructions, ainsi que le droit de réclamer, le cas échéant, du propriétaire du sol l'indemnité par lui due, une pareille cession ne serait pas passible des droits de vente immobilière ", et ne

10 Merlin, Rép., Hypothèques, sect. III, § 3, art. 3, 6. Persil, op. et loc. citt. Championnière et Rigaud, op. et loc. dit. Duranton, XXI, 6. Demolombe, loc. cit. Martou, Des hypothèques, 111,955. Laurent, V,415. Besançon, 2-2 mai 1845, S., 47, 2, 273. Req. 14 février 1849, S., 49, 1,261. Voy. en sens contraire : Pont. Des hypothèques, II, 634. Gpr. encore sur d'autres conséquences de la règle énoncée au texte : Douai, 17 no- vembre 1846, S., 47, 2, 276 ; Civ, cass., 8 juillet 1851, S., 51, 1, 682.

11 La proposition telle qu'elle est formulée au texte, ne nous semble pas susceptible de sérieuse contestation. Voy. en ce sens Laurent, V, 416. Civ. rej., 2 juillet 1851, S., 51, 1, 535. Devrait-on admettre la même solu- tion dans le cas où, en cédant son droit au bail, le fermier ne se serait pas borné à céder également la jouissance des constructions par lui faites, mais aurait déclaré vendre ces constructions elle-mômes ? La Cour de cassation décide d'une manière constante qu'une pareille vente est passible des droits de vente immobilière, en se fondant sur ce qu'en matière d'enregistrement, la quotité des droits se détermine par la nature et la qualité de la chose vendue au moment la vente est effectuée. Voy. Civ. cass., 2 février 1842, S., 42, 1, 101 ; Civ. cass., 3 juillet 1844, S., 44, 1, 682; Civ. cass., 26 août 1844, S., 44, 1, 708 ; Civ. cass., 1er juiiiet 1845, S., 45, 1, 491 ; Civ. rej., 5 janvier 1848, S., 48, 1, 197 ; Rcq. 29 janvier 1868, S., 69, 1, 38 ; Civ. cass., 19 avril 1869, S., 70, 1, 133 ; Req. 13 fév. 1872, S., 72, 1, 104; Req. 15 nov. 1875, S., 76, 1, 86. Ces décisions, qui ont été vivement critiquées, nous paraissent cependant se jus- tifier, au point de vue de la législation fiscale, par la double considération, que la Régie de l'enregistrement, à laquelle on présente un acte de vente portant sur des constructions dont le caractère immobilier est incontestable, n'a pas à s'enquérir du point de savoir, si le vendeur est ou non proprié- taire de ces constructions, et que les droits, une fois régulièrement perçus d'après la teneur d'un acte, ne sauraient être- répétés sous le prétexte que les énonciations, d'ailleurs parfaitement claires de cet acte, n'ex- priment pas le véritable caractère des conventions intervenues entre les parties. Voy. en sens contraire : Championnière et Rigaud, op. cit., IV, 3177 et suiv. : Demolombe, IX, 169 à 172.

10 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

serait pas davantage sujette à la formalité de la trans- cription I2.

Sont encore immeubles par nature, les fruits ou récoltes pendant par branches ou par racines. Art. 520. Ainsi, par exemple, le légataire du mobilier n'a pas droit aux fruits non encore séparés du fonds au moment du décès du testa- teur 13. Toutefois, les récoltes sur pied peuvent être frappées de la saisie mobilière appelée saisie -brandon. C. Pr., art. 626. La règle posée par l'art. 520 n'est plus applicable, lorsqu'il s'agit de récoltes appartenant à un fermier, qui rentrent à tous égards dans la catégorie des meubles u.

Sont enfin immeubles par nature, les plantes, arbustes et arbres sur pied 15. Art. 521.

12 Mourlon, De la transcription, I, 13. Voy. en sens contraire : Flandin, De la transcription, I, 32. Les explications données aux notes précédentes nous dispensent de réfuter spécialement l'opinion de ce dernier auteur.

13 La cour de cassation avait également jugé, par application de l'art. 520, que, sauf le cas de saisie-brandon, les notaires sont seuls compétents, à l'exclusion des huissiers ou greffiers, pour procéder, à la vente aux enchères de fruits ou récoltes pendants par branches ou racines. Voy. civ. cass., 4 juin 1834, S., 34, 1, 402 ; Chamb. réun. cass., 11 mai 1837, S., 37, 1, 709 ; Civ. cass., 28 août 1838, S., 38, 1, 808. Mais la loi du S juin 1851, art. Ie1', a décidé que les ventes publiques volontaires soit à terme, soit au comptant, de fruits et de récoltes pen- dants par racines, et des coupes de bois taillis seront faites en concur- rence et au choix des parties par les notaires, commissaires-priseurs, huissiers et greffiers de justice de paix, même dans le lieu de la rési- dence du commissaire-priseur. Toutefois il a été jugé que les commis- saires-priseurs avaient, dans le lieu de leur résidence, à l'exclusion des notaires et autres officiers ministériels, le droit de procéder aux ventes judiciaires de récoltes sur pied, au cas de ventes forcées et de ventes autorisées par justice. Rouen, 17 juillet \^2. I). P. 84, 2, 133. Civ. rej., 30 juillet 1884, S., 85, 1, 441. Voir cependant la note insérée sous ce dernier arrêt.

14 Le droit de jouissance compétant au fermier étant purement mobi- lier, les fruits et récoltes dont il est propriétaire en vertu de ce droit de jouissance, revêtent nécessairement, à ce point de vue, le même caractère.

13 Les fleurs et arbustes plantés dans des caisses ou dans des pots ne

DES DIVISIONS DES CHOSES ET DES BIENS § 164. 11

Il n'y pas à cet égard de distinction à faire entre les arbres isolés, et ceux qui font partie, soit d'une pépi- nière, soit d'une forêt, soumise ou non à un aménagement régulier.

Il n'y a pas non plus à distinguer entre les arbres qui se trouvent encore dans le sol qui les a produits, et ceux qui, après en avoir été arrachés, ont été transplantés dans un autre fonds, ne fût-ce que pour s'y nourrir et s'y forti- fier 16. Mais les arbres qui n'auraient été que momentané- ment déposés dans un fonds, jusqu'à leur vente ou leur transplantation, ne sont point à considérer comme immeubles 17.

Que s'il s'agissait d'une pépinière créée par un fermier, les arbres qui la composent, ne prendraient pas le caractère d'immeubles 18.

Tous les objets ci-dessus indiqués, qui ne revêtent la qualité d'immeubles par nature qu'à raison de leur adhé- rence au sol, la perdent, d'une manière absolue, lorsqu'ils en sont séparés. Ainsi, les matériaux provenant de la démolition d'un édifice cessent d'être immeubles par le fait même de cette démolition 19. Art. 532. Il en est de

sont pas immeubles par nature, quand même ces caisses ou ces pots seraient placés en terre. Delvincourt, sur l'art. 521. Duranton, IV, 45. Demolombe, IX, 145. Laurent, V, 457. Gpr. Pothier, Communauté, n°34. Ces objets ne pourraient-ils pas du moins, dans de certaines conditions, devenir des immeubles par destination ? Cpr., § 164 bis, texte et note 6.

16 Duranton, IV, 44. Demolombe, IX, 147. Voy. cep. Pothier, De la communauté, n°s 34 et 46.

17 Pothier, Duranton et Demolombe, locc. citt. Gpr. Paris, 9 avril 1821, S., 22, 2,165.

18 La création d'une pépinière par un fermier ne constituant de sa part qu'un mode d'exploitation ou de jouissance, les arbres qui la composent forment des fruits, qui lui appartiennent au même titre que toute autre espèce de récoltes. Voy. texte et note 14 suprà. Duranton, loc. cit. Marcadé, sur les art. 520 et 52-1, 2. Demolombe, IX, 146. Laurent, V, 420.

19 Req., 9 août 1825, S., 26, 1, 133. Il en serait ainsi dans le cas même le propriétaire n'aurait fait procéder à la démolition que dans le but d'élever immédiatement, à la même place, et avec les mêmes matériaux, un nouveau bâtiment. Duranton, IV, 113. Marcadé, sur l'art. 532, 1. Du Gaurroy, Bonnier et Roustain, II, 46. Demolombe,

12 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

même des fruits et des arbres, qui deviennent meubles au fur et à mesure qu'ils sont détachés ou abattus 20, et dès avant leur enlèvement. Art. 520, al. 2, et art. 521 21.

D'un autre coté, les mêmes objets, quoique se trouvant encore unis ou incorporés au sol, perdent sous certains rapports leur caractère immobilier, lorsqu'ils forment directement et en eux-mêmes la matière d'une vente ou d'une disposition à titre gratuit faite en vue et sous la condition de leur séparation 2l bis. C'est ainsi que la vente d'un bâtiment pour être démoli 2I ter9 ou de futaies môme

IX, 112 à 114. Valette, p. 46,11. Lyon, 23 décembre 1814. S., 13, 2, 307. Mais les matériaux, momentanément déplacés pour cause de réparation, conservent la qualité d'immeubles. Ea, quœ ex œdificio detracta sunt ut reponantnr, œdificii sunt. L. 47, § 40, D. de act. empt, vend. (49, 4). Pothier, op. cit., n°s 39, 62 et 63. Maleville et Delvincourt, sur l'art. 532. Toullier, III. 49. Duranton, IV, 441. Marcadé, loc. cit. Dcmolombe, IX, 440 et 444. Zachariae, § 470, texte et note 35, Valette, Loc. cit. Contra. Laurent, V, 422 et 498.

20 D'après certaines coutumes, les fruits et récoltes étaient au contraire réputés meubles, avant toute séparation du sol, dès qu'approchait l'époque de leur maturité. Pothier, Des choses, part. II, § 1er, Merlin, Rép., Calteux. Dcmolombe, IX, 432 à 437. Ce dernier auteur fait observer avec raison que la saisie-brandon offre encore un vestige de cette règle coutumiôre. Cpr. Laurent, V, 423.

21 Quoique l'art. 524 ne parle que de taillis, ou de futaies mises en coupe réglées, il serait déraisonnable d'en conclure par argument a contrario, que les arbres d'une futaie non aménagée restent immeubles môme après leur abatage. Si cet article ne s'occupe pas des futaies non aménagées, c'est que le législateur avait, en le rédigeant, simplement en vue d'abroger, pour les coupes de bois, comme pour toutes espèces de fruits, la règle coutumiôre dont il a été parlé à la note précédente. Duranton, IV, 33. Dcmolombe, IX, 436. Zaeharhe, § 470, texte et note 44. Laurent, V, 424.

21 bis. Les arbres et arbustes dépendant d'une pépinière sont immeubles par destination, parce qu'ils ont été placés parle propriétaire pour le ser- vice et l'exploitation du fond. Mais il cessent d'être immeubles lorsque, par effet d'une aliénation, par exemple, d'une adjudication, l'établisse- ment dont ils font partie vient à former une propriété distincte du sol ils sont placés. Civ. eass., 5 juillet 4880. 1). P. 80, 4, 324, et la note.

21 ter. Demolombc, IX, 489. Mourlon, Transcript. I, 9. Vcrdier. Transcript. I. 42. Laurent, V, 425, et XXIX, 54. Req. 9 août 4825, S., Coll. nouv. à sa date. Civ. cass., 25 janvier 4886. S., 86. I. 269.

DES DIVISIONS DES CHOSES ET DES BIENS. § 164. 13

non aménagées pour être abattues, ne constitue qu'une vente mobilière, tant au point de vue de la quotité des droits d'enregistrement 22, que par rapport à F application de l'art. 1141 23. On doit également en conclure que de pareilles ventes ne sont pas sujettes à transcription 2\ et que la déchéance exceptionnelle à laquelle Fart. 1622 soumet en matière de vente immobilière, Faction en dimi- nution ou en augmentation de prix, ne s'applique pas à une vente de bois destinés à être abattus ss.

Mais, à moins qu'il ne s'agisse de fruits ou de récoltes, les immeubles par nature dont il est ici question ne sau- raient être réputés meubles en ce qui concerne la capacité de celui qui voudrait les aliéner, même sous condition de séparation du fonds 26. La vente des objets de cette espèce n'a pas davantage pour efîet de les mobiliser au détriment des créanciers hypothécaires 2T.

22 Championnière et Rigaud, op. cit., IY, 3817. Dcmolombe, IX, 159 à 161. Cpr. Civ. cass., 25 février 1824, S., 24. 1, 199. Il en serait ainsi, en l'absence de tout indice de fraude, alors même que la vente d'une futaie pour être abattue, aurait été faite au profit de celui qui s'était précédemment rendu acquéreur du sol, ou qui l'a acquis depuis. Cham- pionnière et Rigaud, op. cit., IV, 3170 à 3173. Demolombe, IX, 164 et 165. Laurent, Y, 426. Civ. rej., 8 septembre 1813, S., 16, 1, 15. Req., 21 mars 1820, S., 21, 1, 119. Civ. rej., 4 avril 1827, S., 27, 1, 440.

23 Demolombe. IX, 160 et suiv. Laurent, Y, 431. Req., 21 juin 1820, S., 21, 1, 109. Dijon, 28 mars 1876. D. P. 78, 2, 261.

84 Troplong, De la transcription. 83. Mourlon, De la transcription, 1, 9. Flandin, De la transcription, 1, 30 et 31, Yerdier, I, 12. Cpr. Civ. cass., 19 vendémiaire an XIY, S., 6, 1, 65.

83 Merlin, Rép., Vente, § 8. art. 7. Demolombe, IX, 163. Req., 25 février 1812 et 24 mai 1815, S., 15, 1, 180 et 335. Yov. aussi : Civ. cass.. 5 octobre 1813, S., 13, 1, 465.

20 Ainsi le tuteur, le mineur émancipé, et toute autre personne ayant le pouvoir ou la capacité de faire une vente mobilière sans être autorisée à passer une vente immobilière, ne peuvent valablement aliéner, sous condition de séparation du fonds, des immeubles par nature qui n'auraient pas le caractère de fruits. La question de capacité est ici préjudicielle, puisque la mobilisation de pareils objets ne saurait résulter que d'une vente valablement consentie. Duranton, IV, 37. Demolombe, IX, 180. Zachariœ, § 170, texte et note 15.

27 Yoy. pour le développement de cette proposition : § 286.

14 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

Quant aux fruits et récoltes sur pied, la vente ou La disposition qui en est faite en vue et sous la condition de la séparation du sol, est mobilière d'une manière absolue et à tous les égards, c'est-à-dire même en ce qui touche la capacité du vendeur 28, et les droits des créanciers hypo- thécaires 29. Il en est ainsi des coupes de taillis ou de futaies soumises à un aménagement régulier, comme de toute autre espèce de fruits, pourvu que le terme normal de la coupe soit arrivé 30.

Quoique la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous, rien n'empêche cependant qu'un fonds de terre ne puisse être divisé de telle sorte que la propriété du dessus appartienne à une personne, et la pro- priété du dessous à une autre personne. En pareil cas, les deux parties du fonds constituent, chacune en soi, un immeuble par nature distinct. C'est ce qui a lieu notam- ment par la constitution d'un droit de superficie, ou par la concession d'une mine. Loi du 21 avril 1810, art. 7 et 8.

Ce qui a été dit précédemment sur la mobilisation résul- tant, pour les objets réputés immeubles par nature, de leur séparation du sol, et sur la vente de pareils objets

28 Toute personne possédant la capacité suffisante pour louer des biens, ou pour en recueillir les fruits, est par cela même aussi autorisée à en vendre la récolte sur pied. Demolombe, IX, 180. Cpr. Laurent, V, 419.

29 L'hypothèque n'enlevant pas au propriétaire de l'immeuble hypo- théqué son droit d'administration, les créanciers hypothécaires ne sau- raient être admis à s'opposer à la vente des fruits de cet immeuble, qui. à leur égard, n'en deviennent définitivement partie intégrante qu'à partir de la transcription de la saisie immobilière. C. Pr. c, art. 682. Troplong, Des hypothèques, II, 404, et III, 834. Pont, Des hypothèques, I, 363 et 3jSo. Demolombe, IX. 187. Cpr. Civ. cass., 19 vendémiaire an XIV, S., 6, 1, 6.v>. Yoy. aussi les autorités citées à la note suivante.

30 Proudhon, Domaine privé, I, 100. Zacharhe, § 170, texte et note 12. (av. rej., %Q janvier 1808, S., 9, 1, (m. Les arbres, plantes et arbustes qui composent une pépinière, lorsqu'ils en sont détachés par l'exploita- tion régulière de cet établissement, en constituent le produit normal, et prennent au moment de leur enlèvement la qualité de meubles. Civ. cass., 5 juillet 1880, D. P. 80, 1,321.

DES DIVISIONS DES CHOSES ET DES BIENS. § 164. 15

faite sous condition de séparation, s'applique en général aux produits des mines, minières, carrières et tour- bières 31.

Des immeubles par destination.

Les immeubles par destination sont les objets mobiliers que la loi répute immeubles 31 pif, à raison de l'usage auquel ils ont été affectés par le propriétaire d'un fonds de terre ou d'un bâtiment dont ils ne font cependant pas partie intégrante32.

L'immobilisation dont s'agit ne peut résulter que du fait

31 Gpr. Loi du 21 avril 1810. art. 9. Ghampionnière et Rigaud, op. cit., IV, 3159. Proudhon, op. cit., I, 101, Dcmolombc, IX, 160. Pont, Revue critique, 1851, I, p. 545. Zachariae, § 170, texte et note 4. Rcq., 29 mars 1816, S., 17, 1, 7. Civ. rej., 13 août 1833, S., 33, 1, 784. Giv. cass., 31 juillet 1839, S., 39, 1, 675. Giv. cass., 22 août 1842, S., 42, 4, 790. Giv. cass., 11 janvier 1843, S., 43, 1, 317.

31 bis. Les caractères des immeubles par destination sont déterminés par la loi. Il ne saurait dès lors appartenir aux parties de modifier arbi- trairement les dispositions légales, et d'attribuer, par le seul effet de conventions privées, le caractère immobilier à des objets auxquels ne s'appliqueraient poin1 les prévisions du Gode. Il en pourrait résulter notamment que, par suite de conventions qui leur auraient été dissimu- lées, des créanciers chirographaires, ou privilégiés sur des meubles, se verraient primés par des créanciers ^hypothécaires se fondant sur une immobilisation que rien n'avait révélée au public. Demolombe, IX, 28. Laurent, Y, 433. Rcq., 31 juillet 1879, S., 80, 1, 409, et la note.

32 Laurent, Y, 434, 441, Valette, p. 23. Demolombe, IX, 199, semble exiger, pour tous les objets susceptibles de constituer des immeubles par destination, la double condition, qu'ils aient été attachés au fonds par le propriétaire, et qu'ils l'aient été à perpétuelle demeure ; mais cette seconde condition, qui n'est mentionnée que dans le dernier alinéa de l'art. 524, et qui ne s'applique qu'aux objets dont il est parlé en l'art. 525, est étrangère à ceux qui se trouvent énumérés aux douze premiers alinéas de l'art. 524. Goin-Delislc, Revue critique, 1858, XII, p. 385 et suiv., no 29.

32 bis. Elle peut aussi provenir du fait d'un copropriétaire par indivis. Demolombe, IX, 214 bis, Laurent, Y, 435, Paris, 15 février 1866, Req. 15 juillet 1867. S. ,68.1, 9.

33 Duranton, IV, 47. Demolombe, IX, 203 et 204. Goin-Delisle, op.

16 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

du propriétaire lui-même ou de sou représentant82^.

Ainsi, les objets affectés à l'usage d'un fonds de terre ou d'un bâtiment, par un fermier, ou par un locataire, ne sont point à considérer comme immeubles par destination33, à moins qu'ils n'y aient été placés pour le compte du pro- priétaire, et en exécution du bail33 bis. Il en est de môme des objets placés par un usufruitier 8*. Mais, au point de vue de notre matière, on doit assimiler au propriétaire, le simple possesseur anima domini, qu'il soit de bonne ou de mauvaise foi, aussi longtemps du moins que dure sa possession *\

La loi classe les immeubles par destination en deux catégories distinctes :

a La première comprend les objets que le propriétaire, soit d'un fonds de terre, soit d'une usine, soit de tout autre bâtiment à destination spéciale, y a placés pour le service et l'exploitation de ce fonds, de cette usine, ou de ce bâtiment. Art. 524, al. 1 36.

cit., 27. Zachariœ, § 170. texte et note 20. Laurent, V, 434 et 437. Valettc.p. 28. Liège, 14 février 1824, S., 2.v>. 2. 377, Lyon, 14 janvier 1832, S., 33,2, 190. Grenoble, 20 février 1843, S.. 44, »2, 11.

33 bis. Req., 13 novembre 1878. D. P. 79, 1, 447.

3* Pothier, De la Communauté, n" 62. Promlhon. Du Domaine privé I, 166. Marcadé, sur l'art. .v>27i, 4. Bugnet sur Pothier, Int. gén. aux coût., 47. Demolombe, IX, 210 et 211. Coin-Delisle, op. et loc. citt. Pont. Des hypothèques, I, 372. Laurent, V, 437. Valette, p. 21. Vaugcois, 185. Voy. en sens contraire : Duranton, IV, 59; Taulier, II, 153.

33 Marcadé, loc. cit., Demolombe, IX, 208 et 209. Contra Duranton, loc. cit. Cpr. Laurent, V, 437.

30 Le 1er al. de l'art. .K>24 renferme une innovation législative. Cpr. Riom, 6 avril 1821, S., 22, 2, 339. En Droit Romain, et suivant la règle Instrumentum fundi non est pars f'undi (L. 2, § 1, D. de inslvum. leg., 33, 7), les objets affectés à la culture et à l'exploitation d'un fonds rural ne devenaient point immeubles, à l'exception cependant des échalas el des pailles et engrais. L. 17, §§ 2 et 11, (D. de art. empt. vend. 19, 1). L'ordonnance de 1747, tit. 1, art. 6, avait, il est vrai, modifié celle règle, mais seulement en matière de substitutions. Le Code civil ayant converti en principe général la disposition de l'ordonnance de 1747, il devenait inutilede la reproduire d'une manière spéciale dans l'art. 106L Zachariàe, § 170, note 22. Voy. Valette, p. 18. I.

DES DIVISIONS DES CHOSES ET DES BIENS. § 16 i. 17

Tels sont, quant aux fonds ruraux37, les animaux atta- chés à la culture 38. c'est-à-dire, non-seulement les bêtes de trait employées aux travaux agricoles, mais encore les bestiaux destinés à fournir les engrais nécessaires à l'amen- dement des terres 39, et même ceux qui, à raison de la nature particulière d'un fonds et de son mode spécial d'exploitation, sont à considérer comme des instruments de cette exploitation 40. Art. 524, al. 3. Au contraire, les animaux placés sur un domaine pour y être engraissés, et ensuite vendus, ne deviennent point immeubles **, non plus que ne le deviennent les volailles de basse- cour *2.

Sont également immeubles par destination, comme affectés à l'exploitation des fonds de terre :

37 L'énumération donnée par l'art. 524 des objets réputés immeubles, comme' destinés au service et à l'exploitation d'un fonds rural, est pure- ment énonciative. Maleville sur l'art. 524. Demolombc, IX, 220. Coin- Dclisle, op. cit., p. 405, no 30. Zachariae, § 170, note 23. Vaugeois, 109. Baudry-Lacantinerie, I, 1024. Laurent, V, 434 et 442, Lvon, 28 juillet 1848, S., 49, 2, 366.

38 Cpr. Limoges, 15 juin 1820, S., 21, 2, 16 ; Req., 1er avril 1835, S., 36, 1, 55.

39 Marcadé, sur l'art. 522, 4. Du Gaurroy, Bonnicr ctRoustain, II, 22. Demolombc, IX, 235 et 239. Coin-Dclislc, op. cit., p. 394, no 14, p. 408, 34. Zacharise, § 170, note 24. Laurent, Y, 443. Baudry, I, 1028. Riom. 28 avril 1827, S., 29, 2, 79. Bordeaux, 14 décembre 1829, S., 30, 2, 70. Voy. aussi les arrêts cités à la note 47 infra.

40 C'est ce qui a lieu, par exemple, pour les vaches attachées à des métairies, dont l'exploitation principale consiste dans la fabrication des fromages. Proudhon, op. cit., I, 117. Les étalons attachés à un haras pourraient-ils être considérés comme des immeubles par destination ? Voy. pour l'affirmative : Dissertation, par Giraud, Revue critique, 1864, XXIV, p. 232. A notre avis, cette solution est très contestable ; elle ne pourrait tout au plus être admise que dans le cas l'établissement d'un haras aurait pour objet principal et direct l'exploitation d'un domaine, Cpr. texte et note 53 infra. Cpr. Demolombc, IX, 269 bis.

41 Duranton IV, 56. Proudhon, op. cit., I, 119. Championnière et Rigaud, op. cit., IV. 3196. Demolombc, IX, 242 et 243. Goin-Delisle, op. cit., p. 409. 35. Bourges. 6 mai 1842. D., 1844, 2, 26. Contra Laurent, V, 443. Baudry, I, 1028.

42 Troplong, De la vente, I, 323. Demolombc, IX. 244.

II 9.

18 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

Les ustensiles aratoires. Art. 524, al. 4 42 bis.

Les pressoirs, chaudières, alambics, cuves et tonnes servant à l'exploitation agricole. Art. 524, al. 10 '"-ter.

Les pailles et engrais destinés à la litière des animaux et à l'amendement des terres *3. Art. 524, al. 12.

Les grains et graines nécessaires à leur ensemence- ment u. Les oignons et racines des légumes et fleurs.

42 bis. Les outils de jardinage, Demolombe, IX, 247 Coin-Dclisle, Hevue critique, 1858, p. 441.

43 ter. De même les chais affectés à la manipulation et à la distillerie des vins, les foudres et cuves. Laurent, V, 453. Rcq., 8 décembre 188.v> S., 86, 4, -202.

43 Demolombe (IX, 250) enseigne que le foin et l'avoine nécessaires à la nourriture des bestiaux attachés au fonds, sont également immeubles par destination. Nous ne saurions adhérer à cette doctrine, qui nous parait étendre au delà de ses limites, l'idée servant de base aux dispo- sitions de l'art. o24, et d'après laquelle on ne doit ranger parmi les immeubles par destination 'que les objets directement et immédiatement destinés à l'exploitation du fonds. La suppression par la Section de législation du mot foins, qui, dans le projet de la Commission de ré- daction, se trouvait ajouté aux termes pailles et engrais, vient à l'appui de notre manière de voir. Coin-Dclisle, op. cit., p. 499 et 500, no 66 à 68. Laurent, Y, 458, applique cette doctrine même aux engrais artificiels. Civ. Cass., 30 août 1882, S., 84, 1, 383. Cpr. Troplong, Louage, 780.DcmolombCjLX, 249etsuiv. L'acquéreur d'unimmcuble particulier détaché d'un domaine donné à ferme n'a point droit à une part des pailles que doit laisser le fermier sortant : ces pailles appar- tiennent à l'ensemble du domaine. Dijon, 16 déc. 1867, S., 68, 2, 241. Cacn, 7 mars 1883. S., 84, 2, 207.

44 Si, dans le cinquième alinéa de l'art. 524, le législateur a cru devoir spécialement mentionner les semences données aux fermiers ou colons par- liaires, la raison en est que de pareilles semences devenant, comme choses fongibles, la propriété de ces derniers, on aurait pu croire que, par cela même, elle ne revêtent pas, malgré la destination à laquelle elles sont affectées, le caractère d'immeubles. Ce serait donc à tort qu'on voudrait conclure de cette disposition que les grains et graines destinés à l'ensemencement des terres cultivées par le propriétaire lui- même, ne sont pas immeubles par destination. Duranton, IV ', 57 et 58. Taulier, IL p. 148. Marcâdé, sur l'art. 524, no 4. Demolombe, IX, 248. Coin-Delisle, op. cit., p. 402. no 39. Laurent. V, 455, 456, Valette, p. 25. Lyon, 29 juillet 1848. S.. 49, 2, 366. Yoy. en sens contraire : Zachariae, § 170, noie 25, Quant aux oignons et racines de fleurs. Demolombe, l\. 251. Laurent, V, 456.

DES DIVISIONS DES CHOSES ET DES BIENS. § 164. 19

Les échalas et les perches à houblon 45.

La loi assimile aux objets placés par le propriétaire d'un fonds rural pour le service et l'exploitation de ce fonds, les animaux, estimés ou non 46, que dans ce but il a livrés au fermier ou métayer 47, ainsi que les semences qu'il lui a données. Art. 522 et 524, al. 5. Cette assimi- lation doit être étendue à tous les autres objets ci-dessus énumérés 48.

Enfin, la loi place encore dans cette première catégorie d'immeubles par destination, les pigeons des colombiers, les lapins des garennes, les ruches à miel, et les poissons des étangs 49. Art. 524, al. 6 à 9 B0. On doit, par assimi-

43 Pothicr, De la communauté, no 39. Maleville, sur l'art. 524-. Duranton,

IV. (39. Proudhon, op. cit., I, 141. Taulier, II, p. 147. Demolombe, IX, 254. Coin-Dclisle, op. cit., p. 403, 28. Zaçhariae, § 170, note 23. Laurent. V, 451 et 452.

46 En matière de cheptel, l'estimation ne vaut pas vente : elle n'est censée faite que intertrimenti causa. Cpr. § 376, texte 3.

47 Les explications données ci-dessus sur le sens des termes animaux attachés à la culture, employés par l'art. 524, s'appliquent également à l'hypothèse dont s'occupe l'art. 522. Demolombe. IX, 235. Coin-Dclisle. op.cit., p. 394 et 395, nos 14 et 15. Riom, 30 août 18-20. S., 23. 2. 20. Riom, 28 avril 1827, S., 27, 2, 79. Bourges, 24 février 1837. S., 38.2. 108,

48 Demolombe, IV, 236.

49 Les pigeons de volière, les lapins de clapier, et les poissons de vivier ne sont point immeubles. Ferrière, Co?ys et compilation des commentateurs, I, 1363 à 1365. Pothier, De la communauté. 41 , Chavot, De la propriété mobilière, I, 39. Proudhon, op. cit., I, 123. 125 et 127. Demolombe, IX. 276. Zachari?p, § 170, notes 26 et 29. Laurent.

V. 450. Valette, p. 26.

00 On a fait observer avec raison que les pigeons des colombiers, les lapins des garennes, et les poissons des étangs sont plutôt immeubles par accession que par destination. Cpr. art. 564, no 4. Demolombe. IX. 275. Voy. cep. Coin-Delisle, op. cit., p. 412. no 40. Les pigeons des colombiers ne sont déclarés gibier par l'art. 2 de la loi du 4 avril 1789, que durantle temps pendant lequel les règlements administratifs ordonnent de les tenir enfermés. Hors ce temps, ils sont, aux termes de l'art. 524 du Code civil, la propriété de celui à qui appartient le colombier : s'il est permis même alors au propriétaire sur le terrain de qui ils causent des dégâts, de les tirer, il n'a pas le droit de les emporter, et d'en faire son profit. Civ. cass., 9 juin 1886. S.. 86, 1, 425, et la note. Cpr. Laurent, VIII. 440.

18

INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

Les ustensiles aratoires. Art. 524, al. i 4- bis. Les pressoirs, chaudières, alambics, cuves et tonnes servant à l'exploitation agricole. Art. o2i, al. 10 k*teré

Les pailles et engrais destinés à la litière des animaux cl à F amendement des terres 43. Art. 524, al. 12.

Les grains et graines nécessaires à leur ensemence- ment **. Les oignons et racines des lécnmcs et fleurs.

hi

bis. Les oulils de jardinage, Dcmolombe., IX, 247 Coin-Delisle. Uevue critique. 1838, p. i41.

43 ter. De même les chais affectés à la manipulation et h la distillerie des vins, les foudres et cuves. Laurent, V, 453. Req., 8 décembre 1885 S., 86, 1. 20-2.

43 Demolombe (IX, 250) enseigne que le foin et l'avoine nécessaires à la nourriture des bestiaux attachés au fonds, sont également immeubles par destination. Nous ne saurions adhérer à cette doctrine, qui nous parait étendre au delà de ses limites, l'idée servant de base aux dispo- sitions de l'art. 524, et d'après laquelle on ne doit ranger pa^rmi les immeubles par destination 'que les objets directement et immédiatement destinés à l'exploitation du fonds. La suppression par la Section de législation du mot foins, qui, dans le projet de la Commission de ré- daction, se trouvait ajouté aux termes pailles et engrais, vient à l'appui de notre manière de voir. Coin-Delisle, op. cit., p. 499 et 500, no 66 à 68. Laurent, V, 458, applique cette doctrine même aux engrais artificiels. Civ. Cass., 30 août 1882, S., 84, 1, 383. Cpr. Troplong, Louage, 780.DcmolombeJX, 249ctsuiv. L'acquéreur d'unimmeuble particulier détaché d'un domaine donné à ferme n'a point droit à une part des pailles que doit laisser le fermier sortant : ces pailles appar- tiennent à l'ensemble du domaine. Dijon, 16 déc. 1867, S., 68, 2, 241. Cacn, 7 mars 1883. S., 84, 2, 207.

44 Si, dans le cinquième alinéa de l'art. 524, le législateur a cru devoir spécialement mentionner les semences données aux fermiers ou colons par- tiaires, la raison en est que de pareilles semences devenant, comme choses fongibles. la propriété de ces derniers, on aurait pu croire que, par cela même, elle ne revêtent pas, malgré la destination k laquelle elles sont affectées, le caractère d'immeubles. Ce serait donc à tort qu'on voudrait conclure de cette disposition que les grains et graines destinés à l'ensemencement des terres cultivées par le propriétaire lui- même, ne sont pas immeubles par destination. Duranton, IV, 57 et 58. taulier. II, p. 148. Marcâdé, sur l'art. 524, no 4. Demolombe. IX, 248. Coin-Delisle, op. cit., p. 402. no 39. Laurent. V, 455. 456. Valette, p. 25. Lyon, 29 juillet 1848, S., 49. 2, 366. Voy. eu sens contraire : Zachariae, § 170, noie 25. Quant aux oignons et racines de fleurs. Demolombe, IX. 251. Laurent, V, 456.

DES DIVISIONS DES CHOSES ET DES BIENS. § 164. 19

Les échalas et les perches à houblon *5.

La loi assimile aux objets placés par le propriétaire d'un fonds rural pour le service et l'exploitation de ce fonds, les animaux, estimés ou non 46, que dans ce but il a livrés au fermier ou métayer 47, ainsi que les semences qu'il lui a données. Art. 522 et 524, al. 5. Cette assimi- lation doit être étendue à tous les autres objets ci-dessus énumérés 48.

Enfin, la loi place encore dans cette première catégorie d'immeubles par destination, les pigeons des colombiers, les lapins des garennes, les ruches à miel, et les poissons des étangs 49. Art. 524, al. 6 à 9 50. On doit, par assimi-

43 Pothier, De la communauté, no 39. Malevillc, sur l'art. 524. Duranton,

IV. 69. Proudhon, op. cit., I, 141. Taulier, II, p. 147. Demolombe, IX, 254. Coin-Delisle, op. cit., p. 403, 28. Zaçhariœ, § 170, note 23. Laurent, V, 451 et 454.

46 En matière de cheptel, l'estimation ne vaut pas vente : elle n'est censée faite que intertrimenti causa. Cpr. § 876. texte 3.

47 Les explications données ci-dessus sur le sens des termes animaux attachés à la culture, employés par l'art. 524, s'appliquent également à l'hypothèse dont s'occupe l'art. 522. Demolombe. IX. 235. Coin-Delisle, op.cit., p. 394 et 395, nos 14 et 15. Rioin, 30 août 4820. S., 28. 2. 20. Riom, 28 avril!827, S., 27. 2, 79. Bourges, 24 février 1837. S., 38.2. 108.

48 Demolombe, IV, 236.

49 Les pigeons de volière, les lapins de clapier, et les poissons de vivier ne sont point immeubles. Perrière, Corps et compilation des commentateurs, I, 4363 à 4365. Pothier. De la communauté. 4L Chavot, De la propriété mobilière, I, 39. Proudhon, op. cit., I, 123, 125 et 127. Demolombe, IX. 276. Zachariae, § 470. notes 26 et 29. Laurent.

V. 450. Valette, p. 26.

&0 On a fait observer avec raison que les pigeons des colombiers, les lapins des garennes, et les poissons des étangs sont plutôt immeubles par accession que par destination. Cpr. art. 564, no 4. Demolombe. IX. 275. Voy. cep. Coin-Delisle, op. cit., p. 442, n<> 40. Les pigeons des colombiers ne sont déclarés gibier par l'art. 2 de la loi du 4 avril 4789. que durantle temps pendant lequel les règlements administratifs ordonnent de les tenir enfermés. Hors ce temps, ils sont, aux termes de l'art. 524 du Code civil, la propriété de celui à qui appartient le colombier : s'il est permis même alors au propriétaire sur le terrain de qui ils causent des dégâts, de les tirer, il n'a pas le droit de les emporter, et d'en faire son profit. Civ. cass., 9 juin 4886. S., 86, 4. 425, et la note. Cpr; Laurent; VIII. 440.

20 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

Lation, y ranger également toute espèce de gibier renfermé dans un parc81. Mais on ne saurait y comprendre les vers à soie placés dans une magnanerie 52.

Les établissements destinés à l'exploitation d'eaux miné- rales ayant pour objet de faire valoir le fonds même qui les contient, les meubles placés dans ces établissements pour l'usage ou l'emploi direct des eaux, deviennent im- meubles par destination "3.

Les objets mobiliers réputés immeubles par destination en ce qui concerne les usines, sont les machines, ustensiles, outils, et même les chevaux 'ô\ nécessaires à leur exploi- tation 53. Art. 524, al. 11 *6.

On doit entendre par usines, non seulement les établis-

31 Marcadé, sur l'art. 524, 4, Coin-Delislc, op. et toc. citt. Zachariae, § 470, note 27. Dcmolombc, IX,^275.

52 Discussion au conseil d'Etat (Locré, Lég., VIII, p. 33 et suiv.. 44). Dcmolombc, IX, 278. Zachariae, § 470, note 28. Laurent, V, 464.

'j3 Dcmolombc, IX, 267. Coin-Dclislc, op. cit., p. 493, no 58. Civ. cass., 48 novembre 1845, S., 46, 4, 78. Civ. cass., 9 déc. 4885, S., 86, 1.201.

5* C'est ce que l'art. 8 de la loi du 21 avril 4810, sur les mines, établit expressément quant aux chevaux nécessaires à l'exploitation des mines. Du Caurroy, Bonnier et Roustain, II, 25. Dcmolombc, IX, 269. Laurent, V, 466. Voy. en sens contraire : Duranton, IV, 56.

53 Les objets qui, bien qu'attachés à une usine, ne sont pas néces- saires à son exploitation, ne deviennent pas immeubles. Dcmolombc, IX, 268 à 274. Coin-Dclislc, op. cit., p. 498, 65. Gpr. Laurent, V, 460. Rcq. 31 juillet 1879. D., 80.1, 273. Civ. cass., 9 novembre 4885. D., 86. 4, 425. Il en est ainsi notamment des chevaux et voitures employés à transporter au dehors les objets fabriques. Laurent, V, 466. Gpr. loi du 21 avril 4840, art. 8. Bruxelles, 21 juin 4807, S., 7. 2, 1052. Metz, 2 juin 4866, S., QG, 2, 275. Pau, 26 juin 4888. D. P., 89, 2, 448. Il en est de même des métiers à tisser placés, non dans un établis- sement de tissage, mais dans une filature. Rcq., 27 mars 1821, S., 21, 4. 327. Cependant il a été jugé que les tonnes destinées au transport de la bière chez les consommateurs, peuvent être considérées comme nécessaires à l'exploitation des brasseries, et par suite comme immeubles

par destination. Laurent, V, 466. Civ. rei., 4 lévrier 4847, S., 17.4, 359.

b A'Oy. quant au matériel roulant d'un chemin de fer servant exclusive- ment à l'exploitation d'une carrière : Bourges, 22 mars 4867. S., 67. 2, 558.

DES DIVISIONS DES CHOSES ET DES BIENS. § 164. 21

sements industriels mis en mouvement au moyen d'un moteur naturel ou artificiel, mais toutes les fabriques ou manufactures établies dans des bâtiments spécialement construits ou appropriés pour les recevoir, et dont les machines, ustensiles et outils ne forment ainsi que le complément et l'accessoire 37. Telles sont, par exemple, les forges, les papeteries, les verreries, les établissements de filature ou de tissage mécanique, les raffineries, les brasseries, les distilleries, et même les imprimeries placées dans un bâtiment spécialement affecté à cet usage, alors surtout que les presses sont mises en mouvement par la vapeur 58.

Mais les simples ateliers de serrurerie, de menuiserie, d'imprimerie, qui peuvent se placer dans des localités quelconques, ne constituent pas des usines, et les usten- siles ou outils qui y sont attachés, ne revêtent pas dès lors le caractère d'immeubles 39.

En dehors des accessoires des usines proprement dites, il faut encore considérer comme immeubles, les agrès et machines nécessaires à l'exploitation de tout bâtiment à

57 Demolombe, IV, 258 à 260. Gpr. Laurent, V, 460. Lyon, 8 décembre 1826, S., 27, 2, 205. Civ. cass., 27 juin 4882, S., 83, 1, 383. Toulouse, 19 février 4883, S., 83, 2, 73. Voy. cep. Coin-Delisle, op. cit., p. 482

à 498, no 44 à 64. Ce dernier auteur, après avoir donné au mot usine une signification beaucoup trop restreinte, à notre avis, range parmi les usines certains établissements qui ne seraient point à considérer comme telles d'après sa définition. Coin-Delisle ne paraît pas, d'ailleurs, avoir remarqué que le 1er al. de l'art. 524, qui pose le principe de la matière, déclare immeubles par destination tous les objets que le propriétaire d'un fonds de quelque nature qu'il soit, sol ou bâtiment, y a placés pour le service et l'exploitation de ce fonds, et qu'ainsi un bâtiment à destination spéciale, ne constituât-il point une usine, on ne devrait pas moins reconnaître le caractère d'immeubles par destination aux objets mobiliers nécessaires à son exploitation.

58 Taulier, II, p. 152. Demolombe, IX, 265. Cpr. aussi : Bruxelles, 23 janvier 1808, S., 9. 2, 124 ; Grenoble, 26 février 1808, S., coll. nouv. à sa date. Voy. en sens contraire : Coin-Delisle, op. cit., p. 495, 60. Laurent, V, 465.

59 Duranton, IV, 65. Demolombe, IX, 261 à 263 et 265. Laurent, V, 465. Bruxelles, 11 janvier 1812, S., 13, 2, 226.

22 INTRODUCTION A LA. SECONDE PARTIE.

destination spéciale, et qui dans sa forme actuelle, serait impropre à tout autre usage. Ccst ainsi que les machines et décorations d'un théâtre sont immeubles par desti- nation fl0. Mais il en est autrement du mobilier d'une hô- tellerie ou d'un hôtel garni 61.

b. La seconde catégorie des immeubles par destination comprend les objets mobiliers qui, sans faire partie inté- grante ou constitutive d'un fonds, y ont été attachés à perpétuelle demeure par le propriétaire de ce fonds, soit pour le préserver de dégradations, soit pour en rendre l'usage plus commode ou plus agréable. Art. 524, al. 3.

En fait, il peut quelquefois être assez difficile de déter- miner si tels ou tels objets mobiliers, attachés à un bâti- ment, en forment partie intégrante, ou n'en constituent que de simples accessoires, et si par suite ils sont à considérer comme immeubles par nature, ou par destination 62. A.

60 Yoy. note î>7 supra. Marcadé, sur l'art. .v>24, 4. îjaulier, II, p. 152. Demolombc, IX, 36(5. Gpr. Duranton, IV, 06. Laurent, Y, 467. Yoy. en sens contraire : Décision ministérielle du 4 mars 1806, S., 6, 2, 93 ; Championnière et Rigaud, IV, 3190 ; Coin-Delisle, op. cit., p. 498, no 64. IMais il faudrait réputer meubles les décors appartenant à une troupe de comédiens ambulants.

ci Demolombe, IX, 264, Giv. cass., 18 novembre 4845, S., 46, 1, 78. L'opinion émise au texte nous semble trop absolue. Il est préférable selon nous de réputer immeubles par destination les meubles rqui garnissent une hôtellerie, alors que, d'une part, rétablissement ils se trouvent, spécialement construit et aménagé pour servir d'hôtellerie, ne pourrait recevoir d'affectation différente sans une transformation complète, et que d'autre part les meubles placés par le propriétaire, sont nécessaires à l'exploitation de l'hôtellerie. Gaen, 1er avril 1879. Toulouse, 18 mai 1879, S., 80, 2, 331. Toulouse, 4 août 1883. S.. 84, 2. 8. Req. 2 août \mi S., 86, 1, 417. Gpr. Nancy, 21 mars 1878. Req., 31 juillet 1879, S., 80, 1.409. Les circonstances particulières des espèces expliquent ces diver- gences apparentes. Voir la note de Lyon-Gaen, S.. 80, 1, 409.

62 Divers systèmes ont été proposés sur ce point. Suivant du Gaurroy, Bonnier et Roustain (II, 27), on ne devrait considérer que comme im- meubles par destination, les objets mobiliers servant à compléter la construction, ad integrandum domum. Marcadé (sur les art. ^2\ et. 5ïJS, n°8 1, 2, 3) enseigne, dans un sens diamétralement contraire, que Ton doit ranger parmi les immeubles par nature, tous les objets mobiliers

DES DIVISIONS DES CHOSES ET DES BIENS. § 164. 23

notre avis, le principe de solution le plus rationnel est de ranger parmi les immeubles par nature, ceux de ces objets à défaut desquels le bâtiment ne serait pas complet comme tel, et de classer parmi les immeubles par destination, ceux qui n'ont été attachés que pour lune ou l'autre des fins ci-dessus indiquées ao.

D'après ce principe, on considérera, non comme immeubles par destination, mais comme immeubles par nature, les portes, les fenêtres, les contrevents, les par- quets, les boiseries, les placards, les chambranles de cheminées, les alcôves, les râteliers d'écurie, les volets mobiles de boutique •*, et même les serrures et les clefs 63. On rangera, au contraire, parmi les immeubles par desti- nation, les chéneaux et tuyaux de descente destinés à l'écoulement des eaux pluviales ou ménagères, lorsqu'ils ne sont pas incorporés au bâtiment 66, les paratonnerres, les auvents et marquises simplement fixés au-dessus des portes d'entrée ou de boutiques.

Les objets mobiliers, placés par le propriétaire dans un bâtiment ou dans ses dépendances, ne deviennent im- meubles par destination, qu'autant qu'ils y ont été atta- chés à perpétuelle demeure, c'est-à-dire avec l'intention d'en faire des accessoires permanents du fonds.

qui se trouvent physiquement attachés au fonds dans les conditions déterminées par le lep al. de l'art. 525. Mais, ainsi que l'a fort bien fait remarquer Demolombe (IX, 284 à 328), la première de ces opinions sacrifie l'art. 518, et la seconde, l'art. 525, tandis qu'il s'agit précisément pour l'interprète de trouver une doctrine qui fasse à chacun de ces articles, la part d'application qui lui revient. Notre système concorde en général avec celui de ce dernier auteur (IX, 290 à 292). Adde Laurent, Y, 481,

63 Gpr. sur l'intérêt pratique que présente cette distinction : Demolombe, IX, 296 à 305. Laurent, Y. 481.

G4 Demolombe, IX, 293 et 294. Laurent, V, 482. Yoy. en sens con- traire : Duranton, IY, 70.

63 L. 47, pr. D. de act. empt. vend. (19, 1). Pothier, De la commu- nauté no 60. Demolombe, IX, 295. Laurent, Y, 481. Yoy. en sens con- traire : Duranton, loc. cit. ; Zacharise, § 170, texte et note 33.

GG Yoy. texte no 1 et note 5 supra. Coin-Delisle, op. cit., p. 397, no 21. Gpr. Demolombe, IX, 150 : 205. Req., 13 nov. 1878. D. 1\ 79. 1. 447.

24 INTRODUCTION A LA. SECONDE PARTIE.

Cette condition se rencontre en général, pour les objets scellés au bâtiment à chaux, à plâtre, ou à ciment, et pour ceux qui ne peuvent en être détachés sans fracture ou détérioration, ou sans endommagement de la partie du fonds à laquelle ils sont fixés. Art. 525, al. 1.

Elle se rencontre spécialement, pour les glaces, tableaux, et autres ornements, lorsque le parquet sur lequel ils sont attachés fait corps avec la boiserie, et pour les statues, lorsqu'elles sont placées dans une niche pratiquée exprès pour les recevoir. Art. 525, al. 2 et 3G6^'s.

Mais ces dispositions matérielles ne sont pas les seules à l'aide desquelles puisse se réaliser l'immobilisation. Elle peut résulter de tous autres modes d'union physique et apparente, indiquant, d'une manière non équivoque, l'intention du propriétaire d'attacher à son fonds, tels ou tels objets mobiliers à perpétuelle demeure 67.

C'est ainsi que les glaces prennent le caractère d'immeubles, quand leur agencement avec les différentes parties de l'appartement, et la manière dont elles sont fixées, manifestent avec certitude l'intention d'en faire des accessoires permanents du bâtiment 68. C'est ainsi encore

66 bis. Les tableaux des églises, qui sont d'ailleurs hors du commerce, sont également immeubles par destination pourvu qu'ils soient scellés aux murs. Contra Laurent, V, 468, qui les répute immeubles d'une façon absolue.

67 En effet, le dernier alinéa de l'art 524 déclare immeubles par desti- nation, tous les effets mobiliers que le propriétaire a attachés au fonds à perpétuelle demeure, sans subordonner l'immobilisation à la condition d'un mode déterminé d'adjonction ; et si l'art. 525 indique certains signes extérieurs comme emportant nécessairement, de la part du propriétaire, l'intention d'immobiliser tels ou tels objets mobiliers, rien n'annonce, dans la rédaction de cet article, que le législateur ait eu la volonté de rendre limitatives les indications qu'il renferme. Tout ce qu'on peut conclure des différentes applications que la loi a faites, dans l'art. 525. du principe posé par le dernier alinéa de l'art. 524, c'est que l'immo- bilisation ne saurait résulter de l'intention seule du propriétaire ; qu'il faut de plus que cette intention ait été manifestée, d'une manière non douteuse, par des signes extérieurs. Voy. les autorités citées à la note suivante.

68 Proudhon, Du domaine privé, I, 149. Duvcrgier sur Toullicr, 111,15,

DES DIVISIONS DES CHOSES ET DES BIENS. § 164. 25

que les statues sont immeubles par destination, lors- qu'elles sont posées sur un piédestal incorporé au sol par un travail en maçonnerie 69. C'est ainsi enfin qu'une horloge placée dans une partie du bâtiment disposée exprès pour la recevoir, est également immeuble par destination 70. Il en est de même de tapisseries fixées au mur par un encadrement de bois retenu lui-même par des pattes et crochets, et qui ne peuvent en être détachées sans être détéroriées ou sans détériorer le mur 70 àis.

Il y a mieux : on doit encore considérer comme attachés â perpétuelle demeure, et comme immeubles par desti- nation, les objets mobiliers qui, quoique non fixés au fonds, en forment cependant des accessoires en quelque sorte indispensables, et que le propriétaire ne possède qu'en cette qualité, et pour l'usage de ce fonds. Tel serait un bac ou bateau exclusivement destiné au passage des habitants

note a. Du Caurrov, Bonnicr et Roustain, II, 27. Demolombe, IX, 309. Paris, 10 avril 1834, S., 34, 2, 223. Paris, 19 juin 1843, S., 43, 2, 319. Req. 8 mai 1850, S., 50, 1, 523. Req., 11 mai 1853, S., 53, 1, 570. Gpr. Civ. cass., 17 janvier 1859, S., 59. 1,519. Rcq.,5 fév. 1878, S., 78,1, 353. Voy. en sens contraire : Coin-Delisle, Revue critique, 1853, III, p. 24, 1854, IV, p. 309, 4 ; Laurent, V, 409 ; Paris, 20 février 1833, S., 34, 2, 80.

60 Merlin, Rép., Biens. § 1, 7. Duvergier sur Toullier, III, 15, note h. Du Caurrov, Bonnicr et Roustain, loc. cit. Demolombe, IX, 312. Voy. en sens contraire : Toullier, III, 15 ; Taulier, II, p. /153 ; Proudhon, op. cit., I, 155. Laurent, Y, 471.

:o Merlin, Rép., Biens, § 1, no 5. Demolombe, IX, 316. Quid des cloches d'une église ? Voy. Rouen, 23 avril 1866, S., 66, 2, 273. La question nous parait devoir se résoudre par une distinction. En principe, les cloches sont meubles : mais elles deviennent immeubles par destina- tion quand elle sont unies et incorporées à l'édifice, et fixées à des charpentes de bois formant corps avec le bâtiment, art. 525. Elles restent meubles quand elles sont placées dans des cages mobiles indépendantes de la construction, Gaudry, Législation des cultes, II, 731. Le ministère de l'Intérieur a émis sur la question plusieurs avis contradictoires entre eux. Voy. S., 66, 2, 273. Note sous arrêt de Rouen précité. Infrà, § 170. Note 19 in fine.

10 bis. Trib. de Nancy, 11 juillet 1883, S., 85, 2, 208.

36 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

d'une maison située sur le bord d'une rivière 71. Telles Seraient également les pompes à incendie avec les agrès nécessaires à leur service, alors du moins qu'elles se trouvent placées dans des bâtiments qui, à raison de leur destination, sont particulièrement exposés aux dangers d'incendie 72.

Mais, les objets mobiliers, même fixés à un bâtiment, conservent leur nature de meubles, lorsqu'ils n'y ont été attachés qu'en vue de la profession du propriétaire, et par suite, d'une manière purement temporaire. C'est ce qui a lieu, par exemple, pour les enseignes des marchands, et les panonceaux des notaires 73.

Les mômes causes qui font perdre aux immeubles par nature le caractère immobilier, le font perdre a fortiori aux immeubles par destination. Ainsi, les objets de cette nature deviennent meubles, d'une manière absolue, par leur séparation du fonds sur lequel ils étaient placés, ou auquel ils se trouvaient attachés74. Ainsi encore, la vente d'immeubles par destination faite séparément du fonds n'est qu'une vente mobilière, en ce qui touche la quotité des droits d'enregistrement 73. Mais aussi, d'un autre côté,

71 Marcadé sur l'art. 52, 4. Demolombc, IX, 318. Zacharhe. § 170. note 38.

72 Demolombe, IX, 319. Zachariae, § 470.

73 Demolombc, IX, 283. Laurent, V, 476. Angers, 8 novembre 1871, S., 72, 2, 39.

74 Demolombc, IX, 322 et 323. Cpr. texte no 1 et note 19 supra.

75 Championnicre et Eligaud, op. cit., IV, 3191. Demolombe, IX, 324. Civ. rej., 23 avril 1822, S., 22. 1, 409. Civ rcj.. 19 novembre 1823, S., 24, 4, 60. Civ. rcj., 23 avril 4833, S., 33, 4, 632. Cpr., Douai. 46 décembre 4886, S., 88, 2, 445. 11 en sciait cependant autrement si, la vente du fonds et des immeubles par destination ayant eu lieu par un seul et même acte, quoique pour des prix distincts, il ressortait des circonstances que, dans l'intention des parties, les immeubles par destination devaient, après la vente, rester attachés au fonds, comme ils l'étaient antérieurement. Req., 20 juin 4832, S., 32, 1, 59k Civ. rej., 45 décembre 4857, S., 58, 4, 554. Paris, 22 mai 1868, S.. (iS, 2. 253. Limoges, 29 juin 4888, S., 88, 2, 205. Il est, du reste, bien entendu que, dans le cas môme de deux ventes séparées, portant Tune sur le

DES DIVISIONS DES CHOSES ET DES BIENS. § 164 Ms. 27

une pareille vente ne peut préjudicicr aux droits des créanciers hypothécaires 76.

Du reste, le décès du propriétaire par le fait duquel des objets mobiliers ont été convertis en immeubles par desti- nation, ne leur fait pas perdre le caractère immobilier 77.

§ 164 bis.

Continuation. Des meubles corporels.

Les meubles sont tels par leur nature (meubles corpo- rels), ou par la détermination de la loi (meubles incor- porels). Art. 527. Nous ne nous occuperons de ces derniers qu'au paragraphe suivant.

Toutes les choses corporelles qui ne rentrent pas dans l'une des catégories d'immeubles précédemment établies, sont mobilières.

Sous le rapport de leurs propriétés naturelles, les meu- bles corporels se divisent en deux classes, suivant qu'ils peuvent se mouvoir par eux-mêmes, ou quils ne peuvent changer de place que par l'effet d'une force étrangère. Art. 528. Mais cette distinction n'est en droit d'aucune importance.

Les meubles ne perdent pas leur qualité naturelle par cela seul qu'ils sont destinés à occuper constamment la même place, comme, par exemple, les moulins ou bains sur bateaux, les bacs *, et les bateaux servant au blan- chissage 2. Art. 531 3.

fonds, et l'autre sur les immeubles par destination, la Régie serait admise à prouver que la rédaction de deux actes de vente distincts n'a eu pour but que de frauder les droits du fisc,et qu'en réalité il y avait accord arrêté entre le vendeur et l'acquéreur pour la vente du fonds avec ses accessoires.

76 Yoy. sur ce point le § 286.

" Zacharias, § 170, note 20. Req., i& avril 1838, S., 36, 1, 55.

1 Voy. cep. § 164, texte et note 71, sur les bacs ou bateaux exclusi- vement affectés au service d'une maison ou d'une ferme.

2 Merlin, Uép., \o Biens, § 1, 8. Demolombe, IX, 397. Zachariae, § 170, texte et note 9. Paris, 4 frimaire an XII, S., 4, 2, 738. La vente de barques lavandières est mobilière. Req., 27 mai 1878, D. P., 79,1, 79.

3 Cpr. sur la disposition finale de cet article : C. Pr., art. 620.

28 INTRODUCTION A LA. SECONDE PARTIE.

Ils ne la perdent pas davantage à raison de l'intention que le propriétaire d'un fonds aurait manifestée, de les y incorporer. Ainsi, les matériaux assemblés pour construire un édifice restent meubles, jusqu'à ce qu'ils soient em- ployés dans la construction *. Art. 532.

Enfin, on ne doit pas considérer comme revêtant un caractère immobilier, des meubles de même nature réunis en quantité plus ou moins considérable pour servir à une des- tination commune, et qui forment ce qui s'appelle une uni- versalité défait. C'est ainsi que les marchandises composant un fonds de commerce s, les orangers et autres arbustes d'une serre 6, les livres d'une bibliothèque et les tableaux d'une galerie, conservent leur qualité de meubles. Cpr. art. 534, al. 2.

Le sens et la portée des expressions meuble, meubles meublants, biens meubles, mobilier, effets mobiliers, n'étant pas nettement déterminés par l'usage, ont donné lieu à de 'nombreuses contestations. Les rédacteurs du Code

Il est encore à remarquer que les bains et moulins sur bateaux, les bacs., les bateaux de blanchisserie et autres de même nature, sont assujettis à la contribution foncière et à celle des portes et fenêtres, alors même qu'ils ne sont pas construits sur piliers ou pilotis, et se trouvent simplement retenus par des amarres. Loi des finances du 18 juillet 4836, (Budget des recettes), art. 2.

4 Qiue parata sanl, ut imponantur, nonsunt œdijîcii. L. 17. § 10, D. de act. emp. vend. (19, 1). Cpr., § 164, texte 1 et note 19. Laurent, V, 498. Demolombe, IX, 399. Yaugeois, p. 332.

5 Troplong. Du contrat de mariage, I, 414. Rodière et Pont, Du contrat de mariage, I, 363. Demolombe, IX, 403. Zacharia4, § 170, texte et note 41. Civ, cass., 8 fructidor an III, S., 1,1, 79. Civ. cass., 9 messidor an XI, S., 4, 1, 29.

6 Cpr., § 164, texte 1 et note 15. Ce que nous disons des orangers et autres arbustes ne parait susceptible d'aucune difficulté, quand la serre est établie sur un jardin d'agrément. Merlin, Hép., Biens, § 1, 8. Taulier, II, p. 150. Demolombe, IX, 313 et 315. Laurent, V, 457. En serait- il autrement, s'il s'agissait d'une serre faisant partie d'un établissement industriel de pépiniériste ou d'horticulteur ? Nous ne le pensons pas, car, dans ce cas môme, on ne pourrait considérer les objets dont il s'agit, ni comme affectés au service ou à l'exploitation du fonds, ni comme attachés au fonds à perpétuelle demeure.

DES DIVISIONS DES CHOSES ET DES BIENS. § 164 Ms. 29

ont cru devoir fixer la signification de ces diverses locutions par les art 533, 534 et 535, dans l'espoir de couper court ainsi à toutes ultérieures difficultés ; mais cet essai n'a point été heureux, et il ne pouvait guère l'être, puisque de pareilles contestations ne sont pas susceptibles d'être réso- lues a priori, au moyen de définitions légales.

En effet, quand il s'agit de l'exécution d'une convention ou dune disposition, l'interprétation à donner aux termes dont les parties ou le disposant se sont servis, présente prin- cipalement une question de fait ou d'intention qui ne peut se résoudre que par l'ensemble des énonciations des actes et parles circontances particulières de chaque espèce. Aussi croyons-nous que le juge pourrait, après avoir détermi- né, à l'aide de ces moyens d'investigation, la véritable in- tention des parties ou du disposant, la faire prévaloir sur les définitions données par les art. 533, 534 et 535, dont le caractère n'est que déclaratif 7.

D'un autre côté, quand il s'agit de l'interprétation d'un texte de loi, c'est avant tout d'après l'objet et l'esprit de la disposition légale à interpréter [seaindum subjectam mate- riam), qu'il faut déterminer le véritable sens des termes employés par le législateur. Au surplus, nous ne croyons pas qu'il se soit jamais servi des termes meubles meublants, et nous ne connaissons même aucune disposition légale le mot meuble se trouve employé dans le sens restreint de l'art, 533 8.

Les observations précédentes s'appliquent également à l'art, 53G, dans lequel les rédacteurs du Code ont indiqué

7 Cpr. Toullicr, III, 23 à 2o ; Duranton, IV, 166 et suiv. Demo- lombe, IX, 442 et suiv. D., Rép., Biens, no 216 ; Zachariae, § 170, texte in fine et note 42. Rouen, 27 mai 1806, S., 6, 2, 129. Paris, 6 janvier 1807, S., 7, 2, 1052. Poitiers, 21 juin 1825, S., 25, 2, 409. Bordeaux, 6 août 1834, S., 35, 2, 61. Rcq., 3 mars 1836, S., 36, 1, 760. Aix, 8 juin 1838, et Rcq., 24 juin 1840, S., 40,1. 899. Bourges, 15 mai 1882. Req. 5. nov. 1883. S., 86, 1, 35. Paris, 2 janvier 1883 et Civ. cass., 19 mai 1885. S., 85, 1, 297. Civ. cass., 25 janv. 1886, S., 86, 1, 269,

8 Cpr. art. 452,453, 805, 825, 2101, 2102, 2119 et 2279. Dcmolombc, IX, 444.

?)0 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

ce que comprend la vente ou le don dune maison avec tout ce qui s y trouve 9.

§ lfi;>-

Continuation. Extension aux objets incorporels, de la distinction des choses corporelles en meubles et en immeubles.

Les objets incorporels ne sont, de leur nature, ni meubles, ni immeubles. Cette distinction ne convient, à proprement parler, qu'aux choses corporelles, et c'est à, elles seules que le Droit romain l'applique \ Le Droit français, au contraire, l'étend aux objets incorporels, et notamment aux droits et actions, qu'il déclare meubles ou immeubles, suivant la nature mobilière ou immobilière des objets auxquels ils s'appliquent. Art. 526.

Des immeubles incorporels.

Les immeubles incorporels sont :

a. Le droit de propriété 2, et les autres droits réels por- tant sur des immeubles, c'est-à-dire, non-seulement l'usufruit des choses immobilières et les services fon- ciers 2 bis, mais encore les droits d'usage et d'habitation 3 .

9 Cpr. Duranton, IV, 181. Taulier II, p. 178. Marcadé, sur l'art. 536. Du Caurroy, Bonnier et Roustain, II, 50. Demoloinhe, IX, 454 et 452. Agen,. 30 décembre 1823, S., 25, 2, 7-1. Bordeaux, 9 mars 1830. S., 30, 2, 148. Civ. rej., 28 février 1832. S.. 32. I. 246. Caen, 3 décem- bre 1851, S., 52, 2, 248.

1 Cpr. L. 7, | 4, D. de peculio (15, 1) : L. 15, § 2. D. de re judicata (42, 1). Zachariœ, § 171, texte et note l"'.

2 Si l'art. 526 ne comprend pas la propriété immobilière au nombre des immeubles incorporels, c'est sans doute parce que ce droit est eu quelque sorte représenté par l'immeuble même sur lequel il porte. Cpr. | 162, note 2. Dcmolombe, IX, 334. Laurent, V. i84.Baudry, I, n<> 1037. Colmel de Santcrrc, II. 350 bis.

2 bis. Laurent, Y, 486. Mais les fruits, et spécialement les loyers et fermages d'un immeuble soumis à l'usufruit ont le caractère de meubles, et ils peuvent dès lors être déclarés insaisissables par le testateur qui lègue cet usufruit. Civ. Cass., 1er jujn, 1863. S. 63. 1. 487.

3 Ces derniers droits que l'art. 543 comprend, avec l'usufruit, sous

DES DIVISIONS DES CHOSES ET DES BIENS. § 164 bis. 31

ainsi que le droit d'hypothèque, en tant du moins qu'on le considère dans sa nature propre, dans sa constitution, dans les effets qu'il produit, et dans ses modes particuliers d'extinction \

l'expression droits de jouissance, sont évidemment de même nature que ce dernier ; et si l'art. 526 n'en fait pas spécialement mention, la raison en est probablement que les droits d'usage et d'habitation ne sont suscep- tibles, ni de cession, ni d'hypothèques, ni de saisie. Pothier, De la communauté, no 68. Duranton, IV, 72 et 80. Demolombe, IX, 335. Laurent, V, 485. Valette, p. 35.

4 Suivant l'opinion la plus généralement adoptée, l'hypothèque ne constituerait qu'un droit mobilier, parce qu'elle ne forme, dit-on, qu'un accessoire de la créance dont elle a pour objet d'assurer le recouvrement, et qu'ainsi sa nature se détermine par celle de cette créance ; d'où il sui- vrait que, si cette dernière, comme c'est l'ordinaire, est mobilière, l'hypothèque elle-même doit être mobilière, d'autant plus que, par son résultat final, elle ne tend qu'à l'obtention d'une somme d'argent. Voy. en ce sens : Delvincourt, III, p. 293. Demante, Progr., I, 5SÉ8. Duran- ton, XIX, 244. Troplong, Du louage, 1, 17. Marcadé, sur l'art. 526, no 4, Demolombe, IX, 471 et 472. Benech, Du nantissement, p. 79. Gauthier, De la subrogation. Pour défendre la solution donnée au texte, nous n'irons pas jusqu'à dire, avec Valette (Des hypothèques, I, 124), Mar- tou (Des hypothèques, II, 690), et Pont (Des hypothèques, I, 327 et suiv.), que l'hypothèque est un démembrement de la propriété. En effet, tout en restreignant, dans une certaine mesure, l'exercice des facultés inhérentes à la propriété, l'hypothèque n'investit cependant le créancier hypothé- caire d'aucune partie des droits du propriétaire ; elle ne constitue donc qu'un droit réel sui gêner is. Mais, par cela même qu'elle constitue un droit réel, ce qui a toujours été reconnu, et ce que Marcadé seul (sur l'art. 526, no 4) a vainement essayé de contester, on doit en conclure qu'elle est en elle-même de nature immobilière, puisqu'elle a un immeu- ble pour objet immédiat. En objectant à cette conclusion que le droit hypothécaire ne tend, en dernière analyse, qu'à faire obtenir au créancier une somme d'argent, on confond l'objet même auquel ce droit s'applique, avec le résultat de son exercice. Dira-t-on que le droit d'usufruit portant sur un immeuble est un droit mobilier, parce qu'il se résout en une per- ception de fruits ? Quant à l'argument tiré de ce que l'hypothèque n'étant qu'un accessoire, sa nature doit se déterminer par celle de la créance qu'elle est destinée à garantir, il n'est au fond qu'une pétition de principe, et repose en tout cas sur une application exagérée de la maxime Accesso- rium sequitur principale suum. Il résulte bien de cette maxime que l'hypothèque suit la créance, en quelque main qu'elle passe, et s'éteint avec elle ; mais on ne saurait en inférer que, si la créance est mobilière,

32 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

h Les ne! ions qui, fondées sur un droit réel immobilier, oui simplement pour objet la reconnaissance et l'exercice de ce droit, ainsi que celles qui, quel qu'en soit le fonde- ment, tendront, soit à obtenir l'attribution ou la constitution d'un droit réel immobilier dont on n'est point encore investi, soit à récupérer un pareil droit qu'on avait précédemment aliéné '\

Ainsi sont immobilières : d'une part, l'action en revendi- cation d'un immeuble 6 les actions confessoires et l'action

le droit hypothécaire revote le même caractère, pas plus qu'on ne pour- rait considérer comme immobilier, le gage mobilier donné pour sûreté d'une créance immobilière. Ce qui prouve, d'ailleurs, que c'est à tort, qu'à tous égards et d'une manière absolue, on ne veut voir dans l'hypo- thèque qu'un accessoire de la créance, c'est que, d'une part, la capacité de s'engager n'emporte pas toujours celle de conférer une hypothèque pour la sûreté d'un engagement même valablement contracté, et que, d'autre part, l'immeuble hypothéqué peut, lorsqu'il a passé entre les mains d'un tiers détenteur, être affranchi de la charge dont il est grevé, soit par la purge, soit par la prescription, bien que la créance elle-même continue de subsister. Pothier, De la communauté, 76. De l'hypothèque, chap. I, sect. II, §1. Pont, op. et loc. citt. Nous terminerons, en faisant remar- quer que la question n'est pas de pure théorie, et qu'elle présente un véritable intérêt pratique, notamment en ce qui concerne la capacité personnelle requise pour renoncer à l'hypothèque, capacité qui doit se déterminer, à notre avis, par les règles relatives à l'aliénation des immeubles, et non par celles qui régissent l'aliénation des meubles ; Yoy. en ce sens: Martou, II, 691. Req. 2 mars 4840, S. 40, -1, 564. Civ. cass., 18 juillet 1843, S., 43, 1, 778.

3 L'art. 526 range parmi les choses immobilières, non pas seulement les actions par lesquelles on revendique un immeuble, mais toutes celles qui tendent à revendiquer un immeuble ; et ce, sans exiger qu'elles aient pour fondement un droit réel préexistant. Une action fondée sur un droit personnel peut donc être immobilière. Toutefois, il n'en est ainsi que dans le cas une pareille action tend à faire obtenir au demandeur un droit de propriété ou tout autre droit réel immobilier. Telle est l'idée que le législateur parait avoir voulu exprimer, en se servant du terme revendiquer, qui ne doit pas être entendu ici dans l'acception stricte, suivant laquelle il désigne exclu- sivement les actions réelles. Demolombe, IX. 343, Zacharhe, § 171, texte et note 4. Tel est aussi le sens de la maxime : Aetio qua tendit ab immobile, immobilis est. Pothier. Des choses, partie 11. g 14.

6 L'action en revendication conserve son caractère immobilier alors

DES DIVISIONS DES CHOSES ET DES BÏENS. § 165. 83

négatoire de servitudes7, comme aussi l'action en réduction de donations immobilières excédant la quotité disponible 7 bis% et l'action hypothécaire auxfins de surenchère8 ; d'autre part, l'action en délivrance formée par l'acquéreur d'un im- meuble non encore déterminé dans son individualité 9, les actions en nullité ou en rescision de contrats translatifs de propriété immobilière 10, enfin l'action en révocation de donation 10 bis, l'action en réméré ll, et Faction en réso- lution de vente pour défaut de paiement du prix 12, en tant

mémo que le tiers détenteur, ayant prescrit la propriété de l'immeuble revendiqué, elle se convertirait en dommages-intérêts contre l'usurpateur qui le lui a vendu. Demolombe, IX, 366 à 368. Cacn, 13 mai 1829, Dalloz, -1829, 2, 250. Cpr. Bordeaux, 20 juin 4828, S., 29, 2, 23. Req. 28 juin 1832, Dalloz, -1832. 1, 262.

-' Orléans, 19 juin 1829, S., 32, 2, 448.

7 bis. Valette, p. 38.

8 Cpr., Req. 16 décembre 1840, Sir., 41, 1, 11.

!l Chavot, De la propriété mobilière,!, 52. Du Caurroy, Bonnieret Rous- tain, II, 28. Demolombe, loc. cit. Valette, p. 38. Contra Laurent, V, 490.

10 Paris, 25 mars 1831, S., 31,2, 159. La Cour de cassation a cependant jugé que l'action en rescision d'une vente immobilière pour cause de lésion de plus des sept douzièmes, est mobilière, comme ayant pour objet principal et direct le supplément du juste prix de l'immeuble, (av. rej., 23 prairial an XII, S., 4, 1, 369. Req. 14 mai 1806, S., 6, 1, 331. Cette doctrine nous pa- rait erronée, puisque ledemandeur en rescision ne peut réclamer que la res- titution de l'immeuble, et que si le détendeur est autorisé à se rédimer de la demande, en offrant le supplément du juste prix, cette faculté ne peut chan- ger la nature de l'action, nature qui se détermine toujours par celle de la chose formant l'objet immédiat de l'action. Les mêmes raisons nous portent également à rejeter l'opinion de M. Taulier, qui enseigne (II, p, 155 et 156) que l'action en rescision pour cause de lésion de plus des sept douzièmes sera mobilière, ou immobilière, suivant le parti que prendra l'acquéreur de compléter le juste prix, ou de restituer l'im- meuble. Pothier, De la vente, no 331. Merlin, Quest., Rescision, §4. Grenier, Des donations, I, 164. Magnm, Des minorités, I, 698. De Fré- minville, De la minorité, I, 337. Duranton, IV, 97 ; XXI. 7. Demolombe, IX, 357. Zacharia^, § 171, texte et note 4. Laurent, V. 492. Valette, p. 38. Bourges, 25 janvier 1832, S., 32, 2. 556.

10 bis. Valette, p. 38, V, 488. Demolombe, IX. 352.

11 Proudhon, Du domaine p rire, I, 180. Demolombe, IX, 352. Paris, 6 ventôse an XII, S., 7, 2, 1259. Cpr. cep. Civ. rej., 25 décembre 1826, S., 27, 1, 308.

12 Zachariae, loc. cit. Laurent, Y, 492. Voy. cependant en sens con-

n 3

34 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

que ces diverses actions ont un immeuble pour* objet.

c.Les rentes et actions financières dont la loi permet l'im- mobilisation, et qui de l'ait ont été immobilisées. Telles sont les rentes surl'Ktat comprises dans la constitution d'un majorât, et les actions de la banque de France 13. Telles étaient aussi les actions des canaux d'Orléans etdeLoing14, dont le rachat pour cause d'utilité publique, autorisé par la loi du 1er avril 1860, a été définitivement opéré par celle du 20 mai 1863.

ci. La redevance due par le concessionnaire d'une mine au propriétaire du sol, tant qu'elle reste entre ses mains comme accessoire de son droit de propriété15.

traire : Proudhon, op. cit., I, 190. Taulier, II, p. 156. Dcmolombe, IX, 354 et 355. Ces auteurs se fondent sur cette idée, que le prix de vente forme l'objet direct et principal du droit du vendeur, et que la faculté qu'il a de demander, en cas de non-paiement du prix, la résolution de la vente et le délaissement de l'immeuble vendu, n'est qu'un accessoire de sa créance. Nous reconnaissons bien l'exactitude de cette dernière proposition, en ce sens que le droit de demander la résolution se trans- met avec la créance du prix, et en suit le sort. Mais il n'en résulte nulle- ment, à notre avis, que l'action en résolution, à laquelle le défaut de paiement du prix au terme fixé donnera ouverture, soit en elle-même une action mobilière. En pareil cas, le vendeur jouit de deux actions, également principales et complètement distinctes, l'une tendant au paiement du prix, l'autre à la reprise de l'immeuble. En optant pour cette dernière, il renonce conditionnellcmcnt à la créance du prix, dont l'extinction défini- tive sera la conséquence nécessaire du jugement qui admettra sa demande ; et il y a contradiction à dire que tout en provoquant la résolution, il demande toujours le paiement de son prix. Son action, fondée sur l'événe- ment d'une condition résolutoire (art. 1184 et 1654), et tendant à recou- vrer la propriété de l'immeuble vendu, ne peut être qu'une action im- mobilière, comme l'action en révocation de la donation d'un immeuble pour cause d'inexécution des charges, qui, de l'aveu même de M. Demo- lombe (IX, 2o:4), est une action immobilière.

13 Décrets du 6 janvier 1808, art. 7, du 1er mars 1808, art. 2 et 3, et du 3 mars 1810, art. 34 et 35. Gpr. § 259. Voy. cep. § 178, texte et note 6. Cpr. aussi, sur la manière de mobiliser les actions immobilisées de la banque de France : Loi du 17 mai 1834, art. .v>.

14 Décret du 1(5 mars 1810, art. 13.

lfi Loi du 21 avril 1810, art. 0 et \H. ~ Lorsque, par vente ou autre- ment, la redevance est séparée de la propriété du fonds, elle ne constitue plus qu'une rente mobilière. Civ. cass., 13 novembre 1848, S., 48, 1,

Des divisions des choses et des biens. § 165 35

Des meubles incorporels.

Tous les droits et actions relatifs aux biens, qui ne ren- trent pas dans Tune des catégories d'immeubles incorporels précédemment établies, sont mobiliers. Les meubles in- corporels comprennent donc :

a. Les droits réels de propriété et d'usufruit portant sur des choses mobilières 15 bis,

b. Les créances ayant pour objet le paiement d'une somme d'argent ou de tout autre chose mobilière i5 tery même celles dont le capital est inexigible, c'est-à-dire les rentes viagè- res ou perpétuelles, dues par l'Etat ou par des particuliers16.

682. Civ. rcj., 14 juillet 1850, S., 51, 1, 63. Voy. en sens contraire : Ballot, Revue de Droit français et étranger, 1847, IV, p. 417. Demolombe, IX, 649.

È5 bis. Valette, 49. Laurent, V, 499.

13 ter. Laurent, V, 500.

10 Les rentes foncières (census reservativï) étaient autrefois considérées comme immobilières. La plupart des coutumes attribuaient même ce caractère aux rentes constituées {census constitutivi). La loi des 18-29 décembre 1790, tout en déclarant les rentes foncières rachetables, leur conserva cependant le caractère immobilier. Tit. V, art. 3. Mais elles furent, ainsi que les rentes constituées, virtuellement mobilisées par les art. 6 et 7 de la loi du 11 brumaire an VII. Voy. aussi loi du 22 frimaire an VII, art. 27. L'art. 529 n'a fait que consacrer à cet égard le change- ment législatif opéré par ces lois. ïroplong, Des hypothèques, II, 408. Demolombe, IX, 423 et 424. Zachariae, § 171, note 7. Laurent. V, 509, 510. Giv. cass., 3 août 1807, S., 7, 1, 496. Civ. cass., 29 janvier 1813, S., 13, 1, 332. Giv. cass., 8 novembre 1824, S., 25, 1, 1. Req., 24 mars 1829, S.. 29, 1, 162. Orléans, 5 mars 1830, S., 30, 1, 339, à la note. Giv. cass., 18 février 1832, S., 32, 1, 369. Req., 2 juillet 1833, S., 33, 2, 546. Req., 17 janvier 1843, S., 43, 1, 257. Giv. cass., 27 décembre 1848, S., 49, 1, 151. Req., 20 août 1849, S., 49, 1, 743. Req., 4 décembre 1849, S., 50, 1, 41. Cpr. Ghamb. réun. cass., 27 novembre 1835, S., 35, 1, 900. Voy. en sens contraire : Merlin, Rép., Rentes foncières, § 4, art. 4 ; Proudhon, op. cit., I, 244. Le Gode civil permet d'établir les rentes perpétuelles pour le prix de la vente d'un immeuble, ou comme condition de la cession à titre onéreux ou gratuit d'un fonds immobilier. Ges rentes, dites foncières parce qu'elles sont constituées par la cession d'un fonds immobilier, ne sont plus des droits réels immobiliers : elles sont essentiellement rachetables. G. c. art. 530. Infrà, § 224 ter.

S6 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

Art. 529. Il en est ainsi, bien que ces créances ou rentes se trouvent garanties par un privilège immobilier ou par- une hypothèque17.

C. Les droits correspondant à des obligations de faireou de ne pas faire, et notamment le droit résultant pour le pro- priétaire d'un fonds, de l'obligation d'y élever des construc- tions, contractée à son profit par un tiers 18.

d, Les droits personnels de jouissance, même portant sur des immeubles, tels que celui du fermier ou loca- taire 19.

e. Les actions ou intérêts 20 dans les sociétés de commer-

17 Pothier, Des choses, part. II, § 2 ; De la communauté, 76. Rodièrc et Pont, Du contrat de mariage, I, 327. Dcmolombc, IX, 408. Zachariap, § 471, texte et note 8. Cpr. § 508, texte et note 6.

18 La loi n'a pas spécialement déterminé la nature, mobilière ou im- mobilière, des créances correspondant à des obligations de faire ou de ne pas faire. Mais il est impossible de considérer comme immobilier, le fait affirmatif ou négatif qui forme la matière d'une pareille obligation, et dès lors on est forcément amené à ranger la créance qui y est cor- rélative dans la catégorie des meubles. En vain, dit-on, en ce qui con- cerne en particulier l'obligation de construire une maison, que la créance du propriétaire du fonds sur lequel elle doit être élevée, est immoblière, par cela même qu'elle a pour objet de lui procurer un immeuble. Cette argumentation ne repose que sur une confusion évidente entre le résultat de l'obligation accomplie, et le fait de la construction qui forme seul la matière de la prestation. Toullier, 111, 20. Troplong, Du contrat de ma- riage, I, 401. Ghavot, De la propriété mobilière, I, 43 à 45. Demolombe, IX, 372 à 376. Zachariae, § 171, texte et note 6. Laurent, V, 495. Yoy. en sens contraire : Proudhon, op. cit., I, 186 et suiv. ; Taulier, II, p. 156 ; Du Caurroy, Bonnier et Roustain, II, 31 ; Rodière et Pont, Du con- trat de mariage, I, 336 ; Colmct de Santcrre, V, 60 bis, IV.

19 Le droit du fermier et du locataire n'est, en effet, qu'un droit per- sonnel. Cpr. § 365.

20 On entend par action, hoc sensu, la part d'un associé dans une so- ciété anonyme, ou dans une société en commandite par actions. Le mot intérêt, qui, dans son acception étendue, s'applique à la part d'un associé dans une société quelconque, désigne plus spécialement, et surtout quand il est employé par opposition au terme action, le droit de l'associé dans une société en nom collectif, ou du commanditaire dans une société en commandite non divisée par actions. Yoy. Lyon-Caen et Renault, Précis de Dr. commer., I, nos 370-372 et les autorités citées.

DES DIVISIONS DES CHOSES ET DES BIENS. § 165 37

ce !1 proprement dites 22, ainsi que dans celles qui, quoique ayant pour objet des opérations civiles, sont organisées et fonctionnent sous une forme commerciale, et constituent des personnes morales 23. Il en est ainsi, alors même que des immeubles se trouvent compris dans l'actif social. Ces immeubles conservent, il est vrai, le caractère immobilier relativement à l'être moral de la société et de ses créanciers. Mais le droit éventuel de chaque actionnaire ou associé sur ces immeubles n'en constitue pas moins, tant que dure la société, un droit mobilier. Art 529. Il en résulte notamment que ce droit tombe dans la communauté légale24, qu'il n'est pas susceptible d'être hypothéqué 2% et que la cession n'en est passible que du droit de vente mobilière 26.

21 Cpr. Code de commerce, art. 19. L'art. 529 ne parlant expressé- ment que des actions ou intérêts dans les compagnies de finance, de com- merce, ou d'industrie, Toullier (XII, 96) en conclut que la disposition de cet article ne s'applique qu'aux compagnies proprement dites, et ne con- cerne pas les sociétés commerciales ordinaires. Nous ne saurions partager cette opinion. Les mots sociétés et compagnies ne sont pas, il est vrai, absolument synonymes, l'usage ayant réservé le nom de compagnies aux associations dont les membres sont nombreux, et les entreprises d'une extension peu commune. Mais, au point de vue de la question qui nous occupe, cette différence ne doit pas être prise en considération. L'art. 529 est, en effet, fondé sur cette idée que, les sociétés de commerce for- mant des personnes morales sur la tête desquelles réside la propriété du fonds social, les associés n'ont, tant que dure la société, qu'un droit éventuel de copropriété sur les objets qui, au moment de sa dissolution, feront encore partie de ce fonds. Or, ce caractère est commun à toutes les sociétés commerciales, quelle qu'en soit l'importance. Cpr. § 54, texte et note 26. Marcadé, sur l'art. 529, 2. Demolombe, IX, 415. Zacbaria% § 171, note 10.

22 La disposition de l'art. 529 est étrangère aux associations commer- ciales en participation qui ne constituent pas des personnes morales. Cpr. Code de commerce, art. 47. Supra.% 54, texte et note 31. Demolombe, loc. cit. Lyon-Cacn et Renault, Précis, 1,527. Voy. en sens contraire : Champion- nière et Rigaud, Des droits d'enregistrement, IV, 3687.

23 Art. 8, al. 5, et art. 32 de la loi du 21 avril 1810, sur les mines, et arg. de ces articles. Cpr. § 54, texte, notes 21, 27 et 28. Du Caurroy, Bonnier et Roustain, IL 35. Demolombe. loc. cit. ; Civ. rej., 7 avril 1824, S., 25, 1,7.

84 Cpr. §507, texte no 1 et note 11.

23 Cpr. % 266, texte no {, lett. a, notes 49 et 20.

26 Civ. 7 rej. avril 1824, S., 25, 1, 7. Req., 14 avril 1824, S., 25, 1, 18.

ft8 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

/', Les offices, ou pour parler plus exactement, la valeur pécuniaire du droit qui appartient aux officiers ministériels dénommés dans l'art. 91 de la loi du 28 avril 1810, de pré- senter un successeur, et de stipuler un prix de eession pour la transmission de l'office 27.

g. Les droits de propriété littéraire ou artistique, et ceux qui se trouvent attachés aux brevets d'invention et aux marques de fabrique 28.

h. Les droits de péage concédés, sur des ponts dépendant du domaine public, aux entrepreneurs ou constructeurs de ces ponts 29.

27 L'ancien droit avait consacré la vénalité des offices de judicature et de plusieurs autres charges, en leur attribuant même le caractère d'im- meubles. Coutume de Paris, art. 95. Le Droit intermédiaire proscrivit, d'une manière absolue, toute vénalité de charges ou d'offices. Loi des 4 août-3 novembre 1789, art. 7. Préambule de laConstitution des 3-14 sep- tembre 1791. Sans rétablir, à proprement parler, la vénalité des offices, et sans reconnaître à leurs titulaires un véritable droit de propriété, l'art. 91 de la loi des finances du 28 avril 1816 conféra cependant aux avocats à la Cour de cassation, aux notaires, aux avoués, aux greffiers, aux huissiers, aux agents de change, aux courtiers et aux commissaires-pri- seurs, le droit de présenter un successeur à l'agrément du gouverne- ment, et autorisa ainsi implicitement ces officiers ministériels à stipuler un prix pour la cession ou la transmission de leurs charges. Ce droit de présentation, dont la valeur pécuniaire se trouve seule dans le patrimoine du titulaire de l'office, ne constitue évidemment qu'un droit mobilier. Aussi les art. 6 et suiv. de la loi du 25 juin 1841 (Budget des recettes), n'ont-ils soumis les transmissions d'offices qu'aux droits d'enregistrement établis pour les valeurs mobilières. Dard, Des offices, p. 260. Demolombe, IX, 437 et 438. Zachariae, § 171, texte et note 14. Voy. aussi les autorités citées à la note 9 du § 507, et aux notes 6 et 7 du § 522. Acide Laurent, Y, 511. Perriquet, Traité des offices ministériels. 239, Cpr. pour les cour- tiers de commerce, L. 16 juillet 1866,

28 Demolonibe, lac. cit. Taulier, V, p. 46. Voy. aussi les autorités citées à la note 8 du § 507. Pouillcl, des Brevets d'invention, n°s 197 et 198. Des marques de fabrique, 92. De la propriété littéraire et artistique, nos 483 et s. Laurent, Y, 512. Ueq. 16 août 1880, S. 81. 1. 25.

29 Aucoc, Conférences administratives, 2™" édit., III, 1002. Nîmes, 2 août 1847, S., 48, 1, 009. Civ. rej., 20 février 1865, S., 65, 1. 18S. Cpr. loi 30-31 juillet 1880, sur le rachat des pouls à péage. Le droit du concessionnaire sur le chemin de fer concédé est purement mobilier . Au-

DES DIVISIONS DES CHOSES ET DES BIENS. § 165 39

i. Toutes les actions qui ont pour objet l'exercice ou la réalisation d'un droit mobilier, alors même qu'elles ten- draient à la délivrance d'un immeuble, réclamée en vertu d'un droit simplement personnel de jouissance 30.

Les actions qui auraient en même temps pour objet des meubles et des immeubles, seraient en partie mobi- lières et en partie immobilières. Telle est l'action en déli- vrance d'une maison vendue avec les meubles qui s'y trou- vent31.

Lorsque de deux choses dues sous une alternative, l'une est mobilière, et l'autre immobilière, le caractère du droit et de l'action reste en suspens jusqu'au paiement, et c'est d'après la nature de l'objet au moyen duquel il s'effectue, que se règle rétroactivement ce caractère 32. Pour cléter-

coc, op. cit., no 4315,Dufour. Droit fldm.,VH,S73 et suiv.Civ. cass., 45 mai 4861. D. 61, 4, 225, et S., 61, 1,888. Giv. rej. 3 mars 1890. Crénière c.Chc- villot, inédit. Cons. d'Etat, 8 février 4854.Lebon, 51, p. 99. Née obstat Civ. rej., 24 janvier 4878, D. 79, 4,268. C'est un arrêt d'espèce, rendu en présence de circonstances spéciales, et qui, loin de contester le principe énoncé au texte, prend tout au contraire la précaution de le réserver en termes exprès. La Cour décide que d'après les faits de la cause, et aussi dans l'intention des parties, la concession d'éclairage faite par une ville était inséparable de l'usine à gaz, laquelle, sans cela, cesserait d'exister avec son caractère primitif : de telle sorte, qu'une saisie immobilière ayant été pratiquée sur l'usine, la valeur de la concession qui formait un accessoire nécessaire de cette usine était le gage des créanciers hypothécaires seuls. 80 Cpr. texte et notes 5 et 49 suprà.

31 Pothier, De la communauté, no 73. Zachariae, § 471, note 4. Le fonds de commerce constitué par l'exploitation d'un hôtel meublé forme une universalité juridique composée d'éléments divers, dont les uns, le maté- riel et le mobilier, sont des meubles corporels, les autres, le titre, l'acha- landage et le droit au bail sont des meubles incorporels : mais l'acha- landage et le droit au bail sont par leur réunion la partie la plus impor- tante de l'ensemble auquel ils impriment le caractère de meuble incor- porel. Dcmolombe, XL 403 et 440. Laurent, V, 543. Lèbre, Traité des fonds de commerce, no 7. Boistel, Précis de droit commercial, no 429. Aix, 42 mars 4878, S., 78, 2. 265. Req., 43 mars 4888, S., 88, 1, 302. Cpr. Lyon-Caen et Renault, I, 423. V, § 507, texte et note 46.

32 Cpr. | 300, texte et note 9. Pothier, De la communauté, 74. De- molombe, IX, 350. Quid de l'action en reprise pour récompenses ou indemnités dues à l'un ou à l'autre des époux ? Cette action est essentiel-

40 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

miner, au contraire, le caractère mobilier ou immobilier d'une obligation facultative, on doit avoir uniquement égard à la nature de la prestation principale qui en l'orme la matière 3S.

Les droits et actions ayant pour objet des universalités juridiques, même exclusivement composées de biens mo- biliers, sont assimilés à des droits ou actions immobiliers, en ce qui concerne la capacité requise pour les exercer 3*.

Quant aux droits et actions relatifs à l'état des person- nes, ils restent, d'après leur nature, en dehors de la distinc- tion des biens en meubles et immeubles, et se trouvent ré- gis par des dispositions spéciales 33.

§ 166.

2. Des choses qui se consomment et de celles qui ne se consomment pas par l'usage ; et accessoirement des choses fonrjibles, et de celles qui ne le sont pas.

Les choses qui se consomment par l'usage sont celles que l'on ne peut employer à l'usage auquel elles sont naturel- lement destinées, sans les détruire matériellement [consom- mation naturelle), ou sans les faire sortir du patrimoine de celui auquel elles appartiennent [consommation civile). Les choses qui ne se consomment pas par l'usage sont celles qui, quoique de nature à se détériorer au bout d'un laps de temps plus ou moins long, ne cessent pas d'exister par le premier usage qu'on en fait.

Les choses qui se consomment par l'usage ne peuvent être l'objet d'un usufruit proprement dit ; elles ne sont sus- ceptibles que d'un quasi-usufruit. Art. 587.

lement mobilière, et conserve ce caractère, alors même que l'époux est rempli de sa créance par un prélèvement en immeubles. Voy. § 541, texte ri» 1 et note 25.

33 Cpr. § 300, texte et note 8. Demolombe, IX, 351.

34 Arg. ait. 46o dm. 464, 817, 818 et 889. Cpr. § 114, texte et note 0, | 133, texte no (> et note 13, § 621, texte et notes 10 à l(J,

3:1 Demolombe., IX, 377.

DES DIVISIONS DES CHOSES ET DES BIENS. § 166 41

Les choses sont fongibles 1 ou non fongibles, suivant qu'elles sont ou non susceptibles d'être remplacées, dans la restitution qui doit en être faite, par d'autres choses de même espèce et qualité.

Cette distinction ne repose pas, comme la précédente, sur un caractère absolu, résultant des propriétés naturel- les et constitutives des choses, mais sur une qualité acci- dentelle et relative, qu'elles revêtent seulement en tant qu'on les envisage comme formant l'objet d'une obligation de restitution.

En matière d'usufruit, la loi imprime directement le ca- ractère de fongibilité aux choses dont on ne peut faire usage sans les consommer. Art. 587.

Dans les conventions ou dispositions de l'homme, les choses qui se consomment par l'usage sont ordinairement livrées à la condition que celui qui les reçoit pourra se li- bérer en restituant d'autres choses de mêmes espèce et qua- lité ; tandis que les choses qui ne se consomment pas par l'usage ne le sont communément que sous la condition de restitution dans leur identique individualité. Il suit de que les premières doivent être réputées fongibles, et les se- condes non fongibles, à moins que le contraire ne résulte de la volonté expresse ou tacite des parties. Ces observations expliquent comment on est arrivé à confondre les deux dis- tinctions précédentes 2. La confusion, du reste, est évi- dente : car une chose peut être fongible sans se consom- mer par l'usage 3, et réciproquement, les choses qui se

1 Les choses fongibles sont ainsi appelées, parce qu'elles se rempla- cent les unes par les autres. Res, quarum un a alterius vice fungitur.

2 Gpr. Pothier, Des obligations, no 624. Toullier, VI, 143. De là, la définition vicieuse que l'art. 1892 donne du prêt de consommation. Voy. aussi : art. 1874, Zacharia?, § 172, à la note.

3 Ainsi, un libraire qui, pour satisfaire une de ses pratiques, emprunte à l'un de ses confrères, un livre qu'il ne possède pas actuellement dans son magasin, n'est pas tenu de rendre identiquement l'exemplaire qu'il a emprunté. La convention intervenue entre les parties est évidemment, d'après leur position respective, un prêt de consommation, et non un prêt à usage.

42 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

consomment par l'usage, ne sont pas toujours et nécessai- rement tangibles '.

Les choses tangibles peuvent seules devenir l'objet d'une compensation. Art. 1291.

§ 16?

3. Des choses divisibles et des choses indivisibles. 4. Des choses 'principales et des choses accessoires.

Les choses sont divisibles ou indivisibles, suivant qu'elles sont ou non susceptibles de division, soit maté- rielle, soit même simplement intellectuelle.

Les choses corporelles, considérées en elles-mêmes, sont toutes divisibles, puisque celles môme qui ne sont pas sus- ceptibles de se diviser en parties matérielles, sont toujours intellectuellement divisibles en parties aliquotes.

Le caractère d'indivisibilité ne peut donc appartenir qu'à des objets incorporels ; et les seuls objets de cette na- ture qui soient à considérer comme indivisibles, sont les obligations indivisibles, les servitudes réelles, les hypothè- ques, le droit de rétention et la propriété du patrimoine.

La théorie des obligations indivisibles et celle de Tin- divisibilité du patrimoine seront exposées aux §§ 301 et 573.

Les servitudes réelles présentent un caractère d'indivisi- bilité absolue, puisqu'on ne peut en comprendre la divi- sion, même en quotes-parts idéales !. Art. 701) et 710.

4 Cette hypothèse, moins fréquente que la précédente, peut cependant se rencontrer. Ainsi, celui qui emprunte, non pour les consommer, mais pour servir de jetons, vingt pièces d'or, auxquelles le préteur attache un prix d'affection, sera tenu de restituer les pièces mêmes qu'il a reçues. Voy. aussi : art. 1932.

1 Ce caractère n'appartient, ni au droit de propriété sur desobjets par- ticuliers, ni aux servitudes personnelles ; aussi, à la différence des servi- tudes réelles, ces droits peuvent-ils s'acquérir ou se perdre pour partie, et l'on ne doit pas leur appliquer par analogie les dispositions des art. 709 et 710. Demolombe, X, 2:21 bis. Gpr> Duranton, IV. i68. Voy. cep. Zachariec, § 177, note

DES DIVISIONS DES CHOSES ET DES BIENS. § 168 43

Quant à l'hypothèque, elle est indivisible en ce sens, que la totalité de l'immeuble grevé garantit chaque partie de la créance, et que la totalité de la créance se trouve ga- rantie par chaque partie de cet immeuble. Art. 2114. C'est dans le même sens que doit se prendre l'indivisibilité du droit de rétention.

La distinction des choses en principales et accessoires, est fondée sur la relation intime qui peut exister entre deux choses, corporelles ou incorporelles, dont l'une est destinée à suivre le sort de l'autre. Accessorium seqnitur principale .

Une relation de cette nature existe :

a. Entre un immeuble et les accessoires qui en dépen- dent. Voy. § 164.

b. Entre deux choses appartenant à des propriétaires différents, dont l'une a été unie ou incorporée à l'autre. Voy. Art. 551 à 577.

C. Entre deux choses dont l'une est censée comprise dans la donation, le legs, la vente, ou la cession de l'autre, d'a- près l'intention présumée du donateur, du testateur, ou des parties contractantes. Voy. art. 696, 1018, 1019, 1615 et 1692.

B. De la distinction des choses relativement an droit

de propriété.

168.

Des choses qui sont ou non susceptibles de propriété . Res com- mîmes. — Res nullius, et dereliçlx. Des cours d'eau qui ne font pas partie du domaine public.

Les choses qui, destinées à l'usage commun de tous les hommes, ne sont pas susceptibles de possession exclu- sive, ne peuvent, par cela même, former l'objet du droit de propriété.

Ces choses que le Droit romain appelait res omnium com-

44 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE,

mîmes, sont l'air l, la haute mer 2, et l'eau courante comme telle, c'est-à-dire en tant qu'on l'envisage dans son état de mobilité continue et de renouvellement incessant 8.

Quoique non susceptibles de propriété, les choses de cette nature n'en tombent pas moins sous l'empire du Droit pour le règlement de leur usage, qui n'est pas, dune ma- nière absolue, abandonné à la discrétion de tous. Art. 714.

Les choses susceptibles de propriété n'ont pas toutes par cela même, un propriétaire. Cette observation s'appli- que, notamment, aux choses connues en Droit romain sous les dénominations de res nullius et de res derelictœ 4.

Les choses qu'on désignait en Droit'romain sous l'expres- sion de res nullius , vel nullius in bonis, sont celles qui, ne pouvant entrer dans le patrimoine d'une personne déter- minée que par un fait d'appréhension ou d'occupation, restent jusque-là sans propriétaire 5. Tels sont, entre au- tres : les animaux sauvages dans leur état de liberté natu- relle ; les poissons de la mer et des eaux courantes ; les co- quillages, les pierres précieuses, l'ambre et le corail qui se trouvent au fond de la mer, sur ses flots, ou sur ses bords ;

1 Toutefois, l'espace aérien qui se trouve au-dessus de la surface d'un fonds, est, à certains égards, à considérer comme appartenant au pro- priétaire de ce fonds. Cpr. § 192, texte 1. Laurent, VI, 1.

2 Les parties de mer qui baignent les côtes d'un État, sont envisagées en Droit des gens, comme formant, jusqu'à portée du canon, de* dépen- dances du domaine public de cet État. Laurent, VI, 5. Cpr. Pradicr- Fodéré, Droit international public, t. II, 867 et suiv.

3 Yoy. cependant ce qui sera dit infra, texte 3, des cours d'eau qui ne font pas partie du domaine public.

4 Yoy. aussi, quant aux choses formant des dépendances du domaine public : | 469, texte et note 3.

5 Accarias, Précis, I, 198. D'après Zacharia? (J 174, texte et note lrc), le Droit français actuel ne reconnaîtrait plus de res nullius, puisque, suivant les art. 539 et 713, les biens qui n'ont pas d'autre maître, appar- tiennent à l'État. Mais cette opinion ne repose que sur une interprétation exagérée des articles précités, dont les dispositions ne peuvent eu effet s'appliquer qu'aux choses non susceptibles de s'acquérir par l'occupation, qui, d'après Zachariœ lui-même 200), constitue encore aujourd'hui un moyen d'acquérir, Demolombe, IX. î6ii Laurent, VI, 1,

,

DES DIVISIONS DES CHOSES ET DES BIENS. § 168 45

e varech ou goémon poussant en mer, ou jeté sur la grève ; et les eaux pluviales tombant sur une voie publique.

Sous l'expression de res derelictœ, nous comprenons, comme on le faisait en Droit romain, les choses volontaire- ment abandonnées par leur propriétaire, avec l'intention de les laisser avenir au premier occupant °. Tels sont les me- nus objets ou les pièces de monnaie jetés au public à l'occa- sion d'une fête officielle ou privée, et les choses délaissées sur la voie publique.

Au point de vue de l'occupation considérée comme mode d'acquérir, les res derelictœ peuvent être assimilées aux res nullius.

Du reste, il faut bien se garder de confondre les res nul- lius, et les res derelictœ, soit avec les biens vacants et sans maître, dont les art. 539 et 713 attribuent la propriété à l'État, soit avec les épaves, et notamment avec les objets égarés dont le propriétaire n'est pas connu 7.

Les cours d'eau naturels qui, n'étant ni navigables ni flottables, ne forment pas des dépendances du domaine pu- blic, ne sont cependant pas à considérer comme placés dans le domaine privé des riverains 8. Ces derniers n'ont,

G L'abandon dont il est ici qucslion (dereliclio) ne consiste pas dans le simple fait négatif de celui qui cesse d'user d'une chose, ou qui néglige de la réclamer. La dereliclio est le fait positif du propriétaire qui se des- saisit de la possession de sa chose, avec l'intention de la laisser acquérir par le premier occupant. Cpr. L. -21, g 1 et 2, D. de acq.vel. amitt.poss. (41, 2), L. 1. D. pro derel. (41, 7). (Voyez sur la « derelictio et la ira- dictio incertœ personx, Inst., §§ 46-48, II, i, de divisione reram, Accarias, Précis, I, no 234.

7 Voy. sur ce qu'on doit entendre par biens vacants et sans maitre : § 170. Yoy. sur les épaves : §§ 170 et 201.

8 On aurait tort de conclure, par argument a contrario de l'art. 538, que les cours d'eau, qui ne sont ni navigables ni flottables, appartiennent aux riverains. De ce qu'une chose ne fait pas partie du domaine public, il n'en résulte pas qu'elle soit susceptible de propriété privée, et qu'elle doive nécessairement avoir un maitre. Du reste, les cours d'eau dont il s'a- git forment, au point de vue du droit de propriété, une catégorie de choses tout à part. On ne peut les ranger, ni dans la classe des res communes, puisqu'ils sont affectés au profit des riverains à certains droits d'ûââ&ë

46 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

sur ces cours d'eau, que les droits d'usage déterminés par L'art. 644, Le droit de pèche, et un droit éventuel à la pro- priété des îles qui peuvent s'y former. Sauf ces avantages accordés auxriverains, les coursd'eau naturels, non naviga- bles, ni flottables, ne se trouvent dans le patrimoine de personne.

(Homme il est impossible de concevoir une eau courante sans un lit dans lequel elle coule, et qui forme corps avec elle, le lit d'un coursd'eau ne saurait, pas plus que le cours d'eau lui-même, être considéré comme appartenant aux ri- verains 9.

dont ceux-ci jouissent à l'exclusion de tous autres, ni dans celle des res nulliui proprement dites, puisqu'ils ne sont pas susceptibles d'être acquis par voie d'occupation. Conf. Ducrocq, II, 1011 à 1013. Aucoc, II, 498.

0 C'est à ce point de vue que se sont placés les rédacteurs de l'art. 103 de la loi du 3 frimaire an VII et de l'art. 563 du Code civil. Quant à l'art. 561, ordinairement invoqué en sens contraire, l'induction qu'on en tire n'est nullementconcluante, ainsi que nous le démontrerons au § 203, texte, lett. c. Merlin, Rép.,\° Rivières, § 2, n" 1. Proudhon, Du domaine public, III, 930 et suiv. Foucart, Revue de législation, 1836, IV, p. 194 ; et Droit administratif, III, 1400. Rives, De la propriété du cours et du lit des rivières non ?iavigables ni flottables, Paris, 1843, br. in-8. Lafcrrière, lievue critique, 1853, III, p. 971. Demolombe, X, 128 à 141 et 143. Dufour, Droit administratif, IV, 519. Nadaud de Buifon, Des usines sur les cours d'eau, II, p. 14. Aucoc, Conf., II, p. 498. Ducrocq. II, 1013. Civ. cass., 23 novembre 1858, S., 39, 1, 682. Metz, 27 mars 1860, S., 60, 2. 313. Req., 6 mai 1861, S., 61, 1, 958. Civ. cass., 8 mars 1865, S., 65, 1, 108. Rouen, 3 janvier 1866, S. 66, 2, 152. Req., 6 novembre 1866, S., 6(i, 1, 427. Cons. d'Etat, il juillet 1879. Lebon, p. 593. C'est également le système consacré par le projet de loi adopté en 1883 par le Sénat, et actuellement porté devant la Chambre des dé- putés. — Voy. en sens contraire : Toullier, III, 144. Duranton, V, 208. Daviel, Revue de législation, 1835-1836, III, p. 418. Troplong, De la prescription, I, 145. Marcadé, sur l'art. 561. Championniêrc, Revue de législation, 1844, XXI, p. 5, et De la propriété des eaux courantes, Paris, 1846, 1 vol. in-8o. Dorlencourt, Revue pratique, 1857, IV, p. 306. Do- mante, Cours, II, 374 bis, II. Zachariap, § 203, note 14. Voy. aussi : Par- dessus, Des servitudes, I, 77. Req., 7 décembre 1842, S., 43, 1, 622. Contra Laurent, VI, nos 16 à 22. En Algérie, tous les cours d'eau tout partie du domaine public. Loi du \() juin 1851, art 2, § 3. Daresle, de la prop. en Algérie, p. 37. et suiv.

DES DIVISIONS DES CHOSES ET DES BIENS. § 168. 47

Sous ces divers rapports, il n'y a pas même à distinguer entre les rivières et les simples ruisseaux 10.

Notre Droit ancien avait admis sur cette matière des principes différents, et reconnaissait aux seigneurs haut- justiciers, la propriété des petites rivières qui se trouvaient dans le territoire de leurs seigneuries. Il faut en conclure, d'après la règle de la non-rétroactivité des lois, que si un riverain avait acquis, par des titres valables, antérieurs à 1789, les berges et le lit d'un pareil cours d'eau, ses ayants droit devraient encore aujourd'hui en être considé- rés comme propriétaires 1£.

Les canaux artificiels, autres que ceux de navigation lf, et les simples fossés appartiennent, pour les eaux, comme pour le lit, aux propriétaires des terrains dans lesquels ils ont été creusés 13.

10 La distinction qu'on a voulu établir entre ces deux espèces de cours d'eau, nous parait également incompatible avec le chap. VI de l'instruc- tion des 12-20 août 1790, qui charge les autorités administratives de di- riger, autant que possible, toutes les eaux de leur territoire, vers un but d'utilité générale, d'après les principes de l'irrigation, et avec l'art. 644, qui n'accorde aux riverains qu'un droit d'usage sur les eaux longeant ou traversant leurs propriétés, sans faire à cet égard aucune distinction entre les petites rivières et les simples ruisseaux. L'application d'une pa- reille distinction ne pourrait d'ailleurs se faire que d'une manière très- arbitraire ; et c'est un motif de plus pour la rejeter. Foucart, Droit ad- ministratif, III, 1400, in fine. David, Des cours ileau, II, 536. Cpr. Bordeaux, 29 juin 1865, S., 66, 2, 152. Ducrocq. II, 101 1 . Voy. en sens contraire : Loysel, Instit. coût. liv. II, nos g ct g. Laurent, VI, 22. Laterrière, op. ct loc. citt. Proudhon, op. cit., III, 1417. Dcmolombc, X. 142. Agcn, 4 mars 1856, S. 56, 2, 436. Bordeaux, 7 août 1863, S., 63, 2, 110. Cpr. encore : Latreille, Revue critique, 1867, XXX, p. 437, 489. et XXXI, p. 13.

11 Ducrocq, II, 1013. Laurent, VI, 55. Civ. rej., 17 juillet 1866, S., 66, 1, 425. Cpr. Bcq., 6 novembre 1866, S., 66, 2, 427, ct Amiens, 4 ou 5 août 1875. D., 77,2, 188.

12 Cpr. § 169, texte et notes H à 14.

13 Cpr. Agen, 26 juillet 1865, S., 66, 2, 115. Amiens, 4 ou 5 août 1875. 1)., 77, 2, 188.

48 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

§ 169.

Continuation. Des choses comprises dans le domaine public '.

Le domaine public comprend, d'une part, les choses qui sont livrées à l'usage du public 2 (res quœ sunl in usupubli- co), d'autre part, les choses qui, sans être abandonnées à l'usage du public, sont affectées, directement et en elles- mêmes, à un service d'utilité générale.

Tant que dure la destination à laquelle elles sont affec- tées, les choses faisant partie du domaine public ne for- ment pas l'objet d'un véritable droit de propriété. Elles ne sont, à vrai dire, dans le patrimoine de personne, et restent exclues du commerce 3.

Le domaine public se divise en domaine public, natio- nal, départemental, ou communal, suivant que c'est à l'E- tat, aux départements, ou aux communes, qu'incombent la surveillance et l'entretien des choses qui en font par- tie, qu'appartient le droit de prélever les taxes et de per- cevoir les revenus auxquels elles peuvent donner lieu, et qu'elles doivent faire retour, à titre de propriété ordinai- re, en cas de cessation de leur destination 3 &&.

1 Cpr. sur cotte matière : Traité du domaine public, ou de la distinc- tion des biens considérés principalement par rapport au domaine public, par Proudhon, Dijon, 1834, 5 vol. in-8°. Traité du domaine, parGaudry, Paris, 1861, 3 vol. in-8o. Du domaine public dans ses différences avec le domaine privé, par Perin, Paris, 186:2, 1 vol. iii-8<\ et les ouvrages de Droit administratif cités aux §§ 46 et 47.

2 Les autorités administratives excéderaient leurs pouvoirs, en faisant, quant à cet usage, des concessions privilégiées, dont l'effet serait de res- treindre l'exereiee d'une faculté qui appartient a tous. Laferrière, Jurid. admin., II, p. 527. Crim. rej., 18 septembre 1828, S., 28, 1, 361. Cons. d'Etat 30 avril 4863. Lebon, p. 405. Caen, 21 août 1866, S., 67, 2, 256.

3 Proudhon, op. cit., I, 201 à 207. Ducroeq, II, 910.

3 bis. Les portions du Domaine public qui sont susceptibles de revenu doivent être louées au profit de l'Etat pour le produit en être versé au trésor public. Trib. des Conflits, 8 avril 4852. Lebon, p. 77. Toutefois la loi du 11 frimaire an VII, art. 7, no 3, a permis à l'Etat d'abandonner

DES DIVISIONS DÈS CHOSES ET DES BIENS. § 169 49

Le domaine public national comprend, entre autres, comme objets livrés à l'usage du public, les routes et rues

aux communes le produit de la location dans les halles, les marchés et chantiers, ainsi que les taxes relatives à certaines concessions sur les rivières, sur les ports et les promenades publiques, lorsque les adminis- trations ont reconnu que cette location pouvait avoir lieu sans gêner la voie publique, la navigation, la circulation et la liberté du commerce. Les mêmes règles ont été maintenues par la loi du 18 juillet 1837, art. 31, 7, et par celle du 5 avril 1884, art. 133, 7. Quant aux rivières et ports, l'on se demandait autrefois si les perceptions autorisées par les lois de frimaire an VII et de juillet 1837, pouvaient s'étendre à des locations faites sur le domaine maritime. La loi de finances du 20 décembre 1872, art. 2, a définitivement résolu la question dans le sens de la négative, en autorisant au profit de l'Etat la perception de redevances à titre d'oc- cupation temporaire ou de location des plages ou de toutes autres dépen- dances du domaine maritime. Voir note 6 infrà. Une circulaire du Minis- tre de l'Intérieur en date du 15 mai 1884, S., 84, Lois, p. 112, inter- prète en ce sens la loi du 5 août 1884, mais en ayant soin de réserver au profit de l'Etat la faculté de renoncer dans l'intérêt des communes à la perception de redevances dans les ports et sur les quais qui ne sont pas fluviaux. Les exemples sont nombreux. Décrets 22 septembre 1883, Ville de Calais. Duvergicr. 83. p. 319. 17 mars 1881, Rouen. 9 mai, Brest. 14 juin, Le Havre. 7 juillet, Marseille. Duv. 1881. p. 94, 114, 255, 290. Un décret doit intervenir, quand les communes ont à percevoir une rede- vance, représentant la rémunération d'un service rendu, par exemple, le droit d'attache ou d'amarrage le long des quais ou à des poteaux enfoncés dans le lit des fleuves, ou dans les bassins des ports, des droits de sta- tionnement sur des voies dépendant du domaine public, de la concession de la location des chaises sur une promenade.

Mais il faudrait une loi, s'il s'agissait d'un impôt, par exemple, d'un droit de circulation frappant les bateaux d'une compagnie faisant dans un fleuve le transport des voyageurs ou des marchandises. Les dif- ficultés soulevées par ces diverses questions au sujet de la compétence sont du domaine du droit administratif. VoirDucroq, II, 959.

On doit observer que les contestations qui s'élèvent entre les communes et les redevables relativement à la perception des taxes et à la quotité des droits ne sont pas en principe assimilées aux contestations en matière d'octroi : il en est ainsi notamment pour les droits de place dans les halles et marchés, les droits d'attache des navires dans les cours d'eau navigables ou flottables. Loi du 5 avril 1884, art. 133, nos Q et suivants : il en résulte qu'elles sont portées directement, comme les contestations en matière d'enregistrement et de contributions indirectes, devant les tribu- naux de première instance qui statuent en dernier ressort. Civ. cass., 3 ii 4

50 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

et la charge de l'État, les fleuves et rivières /f navigables ou flottables avec bateaux, trains ou radeaux 5, les chemins de fer, les canaux de navigation et leurs francs bords, les rivages de la mer 6, les ports, les havres et les rades. Art.

décembre 1887, D., 88, 1, 153. Giv. cass., 15 janvier 1889, journal la Loi du 19 janvier 1889. Civ. cass., 8 mai 1889, journal la Loi, 10 mai 1889. Gons. d'Etat, 30 avril 1867. Candas, Lebon, 1867, p. 422. Voy. Revue critique de jurisprudence, 1889, p. 107 et suiv. Lois 13 juillet 1837, art. 62 ; 5 avril 1884, art.154.

* Le lit des fleuves et rivières en comprend les rives jusqu'au point arrivent les plus hautes eaux, dans leur état normal et sans débordement. Ripa ea putatur esse, quœ plenissimum flumen continet. L. 3, § 5, D. deflumin. (43, 12) Req., 8 décembre 1863, S., 64, 1, 29. Voy. les au- torités citées au § 203, texte, lett. a, et note 14. Cpr. aussi : § 185, texte et note 5.

8 G'est à ces rivières seulement que s'applique la disposition de l'art. 538, qui est étrangère aux rivières simplement flottables à bûches perdues. L'ancienne controverse qui s'était élevée à cet égard, a été résolue en ce sens par l'art. 1er de la loi du 15 avril 1829, sur la pèche fluviale. Proudlion,o/J. cit., lll, 857 à 860. Arrêt Gons., 13 décembre 1866, Lebon, 1866, p. 1132 et la note. Cpr. arrêté du 19 ventôse en VI, contenant des mesures pour assurer le libre cours des rivières et canaux navigables et flottables.

6 Art. 1er, loi 22 novembrc-ler décembre 1790 ; art. 538, Code civil.

I. Pour déterminer le point précis s'étend le rivage de la mer, et cesse par conséquent le domaine public, il convient de distinguer d'une part entre le littoral de l'Océan Atlantique (Manche et mer du Nord), et d'autre part, celui de la Méditerranée. Quant au premier, la règle est fixée par l'ordonnance d'août 1681 (livre II, titre VII, art. 1er), qU[} confor- mément aux ordonnances des 27 février 1534 et 12 février 1576, dispose : « Sera réputé bord et rivage de la mer tout ce qu'elle couvre et découvre « pendant les nouvelles et pleines lunes et jusqu'où le plus grand flot de « mars se peut étendre sur les grèves ». D'où l'on conclut qu'il n'y a pas à tenir compte du flot qui serait supérieur à la marée de mars. (Aucoc, Dé- limitation du rivage de la mer, p. 3 et suivantes. Arr. Cons., 10 mars 1882, Lebon, p. 247). Cpr. Valin, I, p. 129 et suiv.

Sur le littoral de la Méditerranée, la marée est à peu près insensi- ble, le plus grand flot de mars n'est pas celui qui s'avance le plus sur la grève : aussi, même sous l'ancien régime, on n'appliquait pas le prin- cipe de l'ordonnance, mais la règle du droit romain. « Littus est quous- « que maximus fluctus a mare pervenil. » (L. 96, et 112. D. de V. S., 50, 16. Inst. Liv. II. tit. 1. § 3. Cpr. Merlin, Questions, Rivages de la mer».

DES DIVISIONS DES CHOSES ET DES BIENS. § 169. 51 538. Il comprend, au même titre, les églises métropoles et

Ces règles sont acceptées par tous les auteurs. (Aucoc, op. cit., page 5. Dalloz, Hep., Domaine public, no 28. Chalvet, Aperçu sur la légis- lation des bords de la mer, Année 1861. Journal de droit administratif, 25. Plocquc, De la mer et de la navigation maritime, I, 168. Fournier, Domanialité publique maritime, Revue maritime et coloniale, 1878, tome 67, page 576. Voy. Circulaire du ministre de la marine, 21 février 1853, et Instruction, 18 juin 1864. Arr. Cons. , 27 juin 1884. Ville de Narbonne, Lcb., p. 535, et 27 mars 1874, Leb., p. 308. On ne doit, d'après Valin, considérer comme rivage « que la partie jusqu'où s'é- « tend ordinairement le plus grand flot de mars, laquelle est facile à re- « connaître par le gravier qui y est déposé, et non l'espace parvient « quelquefois l'eau de la mer parles coups de vents forcés, causes et suites « des ouragans et des tempêtes. » (Arrêt Parlement d'Aix du 17 mai 1742). Telle est aussi la jurisprudence du Conseil d'État. Elle décide que le domaine public maritime comprend la grève, c'est-à-dire tout le terrain uni et plat au bord de la mer, jusqu'à l'endroit parvient habituellement pour recouvrir le sol, et non pas seulement pour l'imbiber, le plus grand Ilot de mars, mais qu'il n'y a pas. sous ce rapport, à tenir compte de la plus haute marée de l'année se fait la délimitation, si cette marée se place aune autre époque de l'année. Arr. Cons. ,10 mars 1882. Duval,p.247, et les conclusions de M. Levavasseur de Précourt, comm. du Gouv. Gpr. Douai, 10 janvier 1842, S. 42, 2, 299. Req. 18 mars 1868, S. 68, 1, 156, bien que ces arrêts n'aient pas résolu identiquement la môme question. La grève est dans le domaine public, non parce qu'elle n'est pas suscepti- ble de propriété privée, mais parce qu'elle doit rester libre dans l'intérêt de la navigation. L'administration delà marine applique les mêmes règles aux bords de la Méditerranée, et elle fixe la limite du rivage de la mer a l'endroit s'arrête habituellement la plus haute vague de l'hiver (fluctus hibernus).

II. Il y a plus de difficultés en ce qui concerne la délimitation du do- maine public maritime à l'embouchure des fleuves et rivières qui se jet- tent dans la mer. Les textes font défaut. Le décret-loi du 21 février 1852 (art. 1 et 8) indique il est vrai, l'autorité compétente pour procéder à cette opération, mais il ne fixe pas les bases sur lesquelles elle doit s'ef- fectuer. L'intérêt toutefois est considérable pour les riverains. En effet, lorsqu'il s'agit d'alluvions fluviales, elles leurappartiennent, conformément à l'article 556 du Code civil : si au contraire, par l'effet d'une délimitation administrative, elles se trouvent situées dans une dépendance du domaine public maritime, les riverains n'ont droit, et encore dans certains cas dé- terminés, qu'à une indemnité à réclamer devant les tribunaux de l'ordre judiciaire. Il en serait ainsi, par exemple, au cas « de droit fondé sur une « possession constante ou sur des titres privés, comme ceux qui repose- « raient sur des aliénations ou des concessions émanées de l'administra^

52 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

« lion. » Cpr. Trib. Conflits, 11 janvier 1873, et conclusions de M. David, Comm. du Gouv. Lebon, 1873, le* supp. p. 20. Laferrière, Traité de la jur. adm., L p. 494. Il s'agit, on effet, d'une question de propriété. .Mais se trouve, à ce point de vue, la limite du domaine public maritime? Il convient de distinguer, car l'administration est appelée à tracer sur les fleuves trois délimitations distinctes relatives à des objets différents : l^La limite extrême cesse de se faire sentir l'action de la marée : c'est celle de l'inscription maritime (Cpr. Décret du 21 février 1852) ; la limite de la salure des eaux, au delà de laquelle les règlements maritimes sur la pêche sont remplacés par ceux de la pêche fluviale (art. 3, loi du 15 avril 1829, sur la pêche fluviale. Rapport précédant le décret du 21 fé- vrier 1852). Dans ces deux zones, la pêche est libre et sans redevance à payer à l'Etat : mais ceux qui s'y livrent sont soumis aux obligations de l'inscription maritime ; la ligne séparative du rivage fluvial et du ri- vage maritime, afin de déterminer, au point de vue de la propriété, la limite du domaine public maritime. Quant à la fixation de cette limite, l'ac- cord s'est fait sur plusieurs questions, cependant toutes les difficultés ne sont point résolues. L'or reconnait qu'il ne faut pas faire remonter le domaine maritime le long du lit du fleuve, jusqu'au point se fait sen- tir l'action du plus grand flot de mars. (Hcnrion de Pansey, Disserta- tions féodales, t. I, p. 650, Eaux, § 6. Merlin, Questions, Rivage. Arrêts du Conseil des 6 août et 13 décembre 1771, 17 juillet 1778. 12 août 1782. Civ. rej., 28 juillet 1869, D. P. 69, 1, 489. Avis du Conseil d'État du 4 mars 1875, sur la délimitation de la rivière d'Odet. Aucoc, Délimitation du rivage de la mer, p. 17, 18, 26, 27). De même, l'on ne doit point étendre le domaine maritime, jusqu'à l'endroit cesse la sa- lure des eaux (même avis du Conseil d'Etat du 4 mars 1875. Aucoc, p. 26). Mais en ce qui concerne la délimitation de la zone inférieure ou d'aval, la plus rapprochée de la mer, le Conseil d'Etat et la Cour de cassation sont en dissentiment. D'après la Cour, il convient de s'attacher ex- clusivement à la configuration des rives : la qualité de rivage de la mer ne peut être attribuée qu'à la grève, à la plage, au terrain qui à marée basse reste en contact exclusif avec les eaux de la mer ; la limite de la mer doit donc être fixée au point le plus bas de l'embou- chure des fleuves et rivières, en tirant une ligne qui rétablisse la con- tinuité du rivage interrompu par le fleuve. Ce système s'appuie sur les considérations suivantes : « le fleuve conserve sa nature et sa dénomina- « tion propre jusqu'au moment il se perd dans la mer, les limites de « celle-ci s'arrêtant les falaises et les grèves sont interrompues par « les rives du fleuve, et réciproquement, celui-ci et ses rives se prolon- « géant, jusqu'au point elles coupent les falaises ou le rivage delà « mer. » (Civ. rej., 28 juillet 1869, D. 1869, 1, 489. Cpr. Req., 23 juin 1830, D. 30, 1,307. Req., 22 juillet 1841, D., 41, 1, 325, qui n'ont pas jugé exactement la même question). Le Conseil d'État, au contraire, reporte plus en amont la limite du domaine public qui doit être déterminée

DES DIVISIONS DES CHOSES ET DES BIENS. § 169. 53

cathédrales 7, les bibliothèques et musées nationaux, avec les manuscrits, livres, médailles, estampes, tableaux, sta- tues et autres objets mobiliers qui en font partie 8 ; enfin tous les objets mobiliers appartenant à l'Etat, classés con- formément aux dispositions des articles 8 et 9 de la loi du 30 mars 1887, et dont la conservation présente au point de vue de l'histoire ou de l'art un intérêt national 8 bis.

selon lui, par l'ensemble des circonstances suivantes : « le relief et la direc- tion des côtes dont le parallélisme a définitivement disparu : l'étendue et la forme du bassin qu'elles circonscrivent en aval de la délimitation contestée révèle l'existence d'une baie maritime qui pénètre à une certaine profon- deur dans les terres. » (Arrêt Cons., 4 mars 1882, Gpr. Goncl. de M. Levavasseur de Précourt, Gomm. du Gouv. Lebon, p. 247). Cette doc- trine nous semble préférable. Le domaine maritime ne peut être délimité à l'aide d'une ligne idéale, tirée d'un cap ou d'une falaise à l'autre et tra- versant l'embouchure du fleuve. On est plus dans la vérité des choses en tenant compte de la configuration de l'estuaire formé, non pas seulement par l'écoulement des eaux du fleuve, mais surtout par l'effet constant du Ilot qui après avoir élargi l'échancrure du rivage, remplit la baie, en transforme les bords, modifie la végétation environnante, et apporte les sables et les limons de la mer. C'est d'après ces caractères que les dé- crets du chef de l'Etat doivent dans chaque cas particulier déterminer la limite du domaine public. Les tiers intéressés peuvent les attaquer devant le Conseil d'Etat au contentieux, mais seulement alors que la délimitation est à la fois transversale au cours d'eau, coupant l'estuaire du fleuve, et latérale ou longitudinale, faite le long des berges, latéralement au cours d'eau : Tant que les deux délimitations ne se complètent pas l'une par l'autre, les riverains n'éprouvent aucun préjudice, et dès lors, ils ne peuvent se plaindre. (Arr. Cons., 4 août 1876. Lebon, p. 782, 4 avril 1879. Ibid.p. 312. Arrêt Cons., 4 mars 1882, précité. ïrib. Conflits, 27 mai 1876, p. 500. Cpr. Conflits, 11 janvier 1873, précité).

7 Vuillefroy, Traité de V administration du culte catholique, p. 303. Dufour, Police des cultes, p. 619. Gaudry, De la législation des cultes, II, p. 497. Ducrocq, Des églises et antres édifices du culte catholique, p. 21. D. Alpli., Culte, no 479.

8Foucart, op. cit., 11,802 et 803. Civ. rej., 10 août 1841, S., 41, 1, 742. Paris, 3 janvier 1846, S., 47, 2, 77. Cpr. Aucoc. Conf. II, 494.

8 bis. Les meubles classés appartenant à l'Etat sont déclarés inaliénables et imprescriptibles. Art. 10, loi de 1887. D'où la conséquence qu'ils sont toujours susceptibles d'être revendiqués aux mains d'un tiers détenteur, sans que l'exception tirée des art. 2279 et 2280 puisse être opposée. Il n'en est pas de même des meubles classés appartenantaux départements,

54 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

La loi des 30-31 mars 1887 a ordonné des mesures par- ticulières relatives à la conservation des monuments et objets d'art, appartenant à l'Etat, aux établissements pu- blics ou aux particuliers, et offrant un intérêt historique ou artistique. Nous ne nous occuperons ici que de celles de ses dispositions qui touchent particulièrement aux immeu- bles.

La loi ne met pas les immeubles classés hors du com- merce, et elle n'en interdit pas l'aliénation : mais elle res- treint ou limite par la création d'une sorte de servitude d'u- tilité publique, le plein exercice de la propriété, afin de protéger les monuments contre les entreprises souvent malheureuses de leur propriétaire.

Elle renferme trois ordres de dispositions touchant au classement, à ses effets et au déclassement. Les formalités du classement diffèrent selon qu'il s'agit d'immeubles ap- partenant à l'Etat, à des établissements publics ou à des particuliers, et que les intéressés sont ou non d'accord. Art. 1 à 3. Si le particulier propriétaire se refuse au classement d'un immeuble, le ministre des Beaux- Arts a le droit d'en poursuivre d'office l'expropriation pour cause d'utilité pu- blique. La môme règle s'applique aux monuments mégali- thiques ou aux terrains sur lesquels ils sont situés. Art. 5.

Une fois prononcé, le classement produit des effets qui suivent, ainsi qu'une servitude réelle, l'immeuble aux mains de tout tiers détenteur. Il ne peut être détruit, même en partie, ni être l'objet d'un travail de restauration, de répa- ration ou de modification quelconque sans le consentement du ministre des Beaux-Arts : il est affranchi des servitudes

aux communes, aux fabriques et aux autres établissements publics ; la loi déclare l'aliénation nulle et Faction à fins de nullité peut être poursuivie à la requête du propriétaire ou à celle du ministre des Beaux-Arts, sans pré- judice des dommages et intérêts qui peuvent être prononcés soit contre les parties, soit contre l'officier public rédacteur de l'acte. Toutefois, au cas d'aliénation irrégulière, le meuble ne peut être revendiqué que pen- dant un délai de trois ans, qui court à partir de l'aliénation. Cpr. § 483 texte et note Ire in f{,ne, pour ]es meubles dépendant des églises, et pour les objets destinés au culte, § 170, note 19.

DES DIVISIONS DES CHOSES ET DES BIENS. § 169. 55

d'alignement ou autres qui seraient de nature à le dégra- der : enfin il ne peut être exproprié pour cause d'utilité publique, sans que le ministre des Beaux-Arts ait été appelé à présenter ses observations. Le déclassement s'effectue dans les mêmes formes que le classement, et sur l'initiative du ministre des Beaux-Arts. Art. 6 et 7.

La loi s'applique rétroactivement aux monuments histo- riques régulièrement classés avant sa promulgation. Art. 7.

Le domaine public national comprend, d'un autre côté, comme objets directement affectés à un service d'utilité générale, les portes, murs, fossés, remparts des places de- guerre et des forteresses 8 ter, les arsenaux, les casernes, les bâtiments nationaux, tels que les palais du Sénat, de la Chambre des députés et du Conseil d'Etat 9. Art. 540.

8 ter. Les terrains des places de guerre ne sont pas susceptibles d'ex- propriation pour cause d'utilité publique : il ne peut être statué sur les mesures à prendre par suite de travaux ordonnés dans un intérêt public sur ces terrains qu'avec le concours et la participation du ministre de la guerre. Civ. cass., 3 mars 1862, S., 62, 1, 468.

9 Une vive controverse s'est élevée sur le point de savoir si les édifices affectés à un service d'utilité générale doivent, par cela môme, être con- sidérés comme faisant partie du domaine public. La solution affirmative, qui est généralement admise pour les églises, et qui nous parait égale- ment incontestable pour les arsenaux, les casernes et autres bâtiments militaires (loi des 8-10 juillet 1791, tit. IV, art. 1 et 2, et décret du 24 décembre 1811, art. 54), doit, à notre avis, être étendue à tous les édi- fices affectés à un service public, à l'exception toutefois de ceux qui se trouvent dans le domaine privé d'une personne autre que la personne morale (État, département ou commune), aux usages publics de la- quelle ils sont destinés. Voy. en ce sens : Toullier, III, 39 et 50. Bressoles, Journal de Droit administratif) XI, p. 117 à 121. Troplong, De la prescription, I, 169. Dareste, De la justice administrative, p. 253. Foucart, H, 801. Gaudry, Traité du domaine, I, 269, II, 636, et III, 693. Demolombe, IX, 458 bis, in fine, et 460. Lamache, Revue critique, 1865, XXVII, p. 13. Douai, 31 août 1865, S., 66, 2, 229. Voy. en sens con- traire : Chauveau, Journal de droit administratif. X, p. 479. Dufour, Traite général de Droit administratif, V, 70, 72 et 82. Laferrière, Cours de Droit public et administratif, I, p. 555. Ducrocq, Revue historique, 1863, IX, p. 493 ; 1864, X, p. 5, 121, 218 ; 1865, XI, p. 143, et Revue critique, 1865, XXVIII, p. 318. Paris, 18 février 1854, D., 1854, 2, 178. La doctrine énoncée en la note n'est pas acceptée par M. Aucoc

56 INTRODUCTION A LA. SECONDE PARTIE.

Les chemins de fer font partie du domaine public, bien qu'ils aient été concédés à des particuliers 10.

Il en est de même des canaux de navigation ", sans qu'il y ait à cet égard de distinction à faire, entre ceux qui n'ont été concédés que temporairement, et ceux qui, comme le canal du Midi, ont fait l'objet d'une concession perpétuelle12. Seulement, dans ce dernier cas, les concessionnaires sont autorisés à faire, quant à l'usage des eaux, toutes conventions qui ne porteraient pas atteinte à l'intérêt de la navigation, et ils ont droit, en cas d'expropriation pour cause d'utilité publique, aune indemnité à raison, non-seu- lement de la dépossession de jouissance, mais encore des dé-

(Conf., t. 11.494). Cet auteur enseigne qu'il ne faut s'attacher ni à cette circonstance qu'un immeuble est affecté à un service public, ni au carac- tère plus ou moins monumental d'un édifice, pour le ranger dans le do- maine public : le seul caractère à considérer, c'est l'affectation à l'u- sage public. Ainsi des bâtiments qui sont affectés à des services publics, mais qui ne sont pas destinés à l'usage du public, comme les bâtiments des ministères, les manufactures de l'État, ne font pas partie du domaine public, mais du domaine de l'État. M. Ducrocq va plus loin encore (t. II, nos 909 et suiv.) : selon lui, tous les bâtiments sont exclus du domaine public, qui doit comprendre seulement des portions du territoire français non susceptibles de propriété privée, en d'autres termes, des terrains non couverts de constructions, et qui, par leur nature, échappent à l'ap- propriation privée. Dans le môme sens : Batbie, t. V, p. 337 à 344. Toutefois, ces auteurs exceptent certains bâtiments, à raison de leur cons- truction môme, tels que les arcs de triomphe, les fontaines monumen- tales, les colonnes commémoratives. Ces monuments sont en définitive des annexes de la voie publique, ou de la place ils sont érigés, et ils doivent, en tant qu'accessoires, être considérés comme dépendances du domaine public. L'opinion développée par M. Aucoc nous semble être la plus juridique.

10 Loi sur la police des chemins de fer, du 15 juillet 1845, art. 1. Aucoc, Confér., III, 1311. Ducrocq, II, 945. Civ. cass., 16 mai 1861, S., 61, 1 888. Cpr. Laurent sous Sirey, 83, 4, 33.

11 Merlin, Ré])., Canal. Proudhon, Du domaine public, III, 794 et 797. Daviel, Des cours d'eau, I, 33. Dufour, op. cit., IV, 291. Gaudry, op. cit., I, 197.

12 Merlin, op. etv<> citt. Foucart, Droit administratif, II, 800. Req., 29 février 1832, S., 32, 1, 521. Civ. rej., 22 août 1837, S., 37, 1, 852. Arr. Cons., 8 février et 22 mars 1851, S., 51, 2, 450 à 453.

DES DIVISIONS DES CHOSES ET DES BIENS. § 169. 57

penses faites pour l'acquisition des terrains et la construc- tion du canal 13.

Au contraire, les canaux destinés, non à la navigation, mais à l'irrigation ou au roulement d'usines, ne font pas partie du domaine public, alors même qu'ils appartiennent à l'État 14.

Le domaine public départemental se compose, entre au- tres, des routes départementales, des édifices et bâtiments départementaux, tels que les palais de justice, les prisons et les casernes de gendarmerie.

Le domaine public communal comprend notamment les rues autres que celles qui sont à la charge de l'Etat u bisy

ia C'est en ce sens que doivent être compris les arrêts ci-après indi- qués, qui ne sont nullement contraires au principe posé au texte, et aux décisions citées à la note précédente, qui consacrent ce principe. Civ, rej., 7 novembre 1863, S., 66, d, 57. Cpr. Req., 5 mars 1829, S., 29, 1, 254. Req., 22 avril 1844, S., 44, 1, 406.

" Civ. rej., 1er août 1855, S., 56, 1, 441.

14 bis. Les routes nationales ou départementales comprennent les rues des villes, bourgs et villages qui sont la continuation de ces routes (loi des 7-14 octobre 1790). Mais, en ce cas, il arrive souvent que la largeur de la route soit moindre que celle de la rue, et surtout que celle de la place qu'elle traverse. Il existe alors deux voies publiques paral- lèles, la route nationale ou départementale et la voie municipale. Cette distinction est importante principalement en ce qui concerne les char- ges de construction et l'entretien des voies publiques. Aucoc, Confé- rences, III, 965 à 966. Ducrocq, Droit admin., II, 928. Arr. Cons., 16 janvier 1828. Ville d'Eu, Lebon, p. 80. 23 août 1836, ville de Mortagne, L. 421. 26 février 1857, ville de Mauléon, L. 160 et la note. 28 novembre 1861, commune de Void, L. p. 839. Longtemps on s'est demandé a qui, de l'Etat ou des communes, appartenait le prix des parcelles de terrain qui, par l'effet de l'alignement des constructions riveraines, étaient incorporées aux routes, dans la traversée des villes et villages. La controverse a été tranchée par un avis du conseil d'Etat en date du 22 juillet 1858, lequel déclare que le droit de l'Etat sur les rues incorporées aux routes s'étant formé par une affectation gratuite, ne pouvait survivre à cette affectation, et qu'ainsi le prix des parcelles détachées de la route appartenait aux communes. Un autre avis du 22 novembre 1860 a étendu la môme règle au cas il s'agirait d'un chemin vicinal absorbé par une route nationale. Cette doctrine a été acceptée par l'administration. Circulaires du Ministre de l'Intérieur du

58 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

les promenades, les cimetières w ter , les chemins vicinaux ordinaires ou de grande communication 15, les chemins ruraux reconnus 16, les eaux affectées à des usages publics 17,

25 août 1858, du Ministre des Finances du 5 avril 1861, et du Ministre des Travaux Publics du 22 avril 1861. Aucoc, op. cit., III, 971. Ducrocq, Droit administratif, II, 1398.

14 ter. Ducrocq, II, 1418 et suiv. 1. Blanche, Dictionnaire d'adminis- tration, v° Commune, p. 432. \o Sépulture, § 3, p. 1771.

16 Quoique placés sous l'autorité des préfets, les chemins vicinaux de grande communication n'en font pas moins partie du domaine public communal des communes dont ils traversent les territoires. Rouen, 25 novembre 1863, S., 64, 2, 97.

16 La loi des 20-26 août 1881 a établi des règles nouvelles en ce qui concerne les chemins ruraux, et elle a également fait cesser d'anciennes controverses. Les chemins ruraux sont définis par la loi, (art. 1er) « Les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, et qui n'ont pas été classés comme chemins vicinaux. » Ils se divisent en chemins reconnus, dont l'état civil est constaté par des arrêtés pris par la commission départementale, sur la proposition, du Préfet, d'après l'avis du conseil municipal (art. 4), et en chemins non reconnus, qui restent dans l'état incertain et précaire sont aujourd'hui les propriétés communales n'ayant le plus souvent aucun titre. Les chemins ruraux reconnus font partie du domaine public de la commune : ils sont imprescriptibles (art. 6) : les tiers ne peuvent exercer en ce qui les concerne d'action possessoire que dans l'année de l'arrêté de recon- naissance qui vaut prise de possession au nom de la commune, et qui peut, dès lors, être assimilé à un trouble (Voy. infrà, § 186, 2). Les chemins ruraux non reconnus qui appartiennent aux communes font partie du domaine privé municipal : il sont donc soumis aux règles du droit civil, par conséquent, prescriptibles, aliénables, et ils peuvent être l'objet d'une action possessoire. Les chemins d'exploitation dont s'occupe la seconde loi des 20-26 août 1881 appartiennent aux parti- culiers (Cpr. Féraud-Giraud, Traité des voies rurales publiques et privées).

17 C'est par cette affectation seulement que des eaux communales pas- sent du domaine privé de la commune dans le domaine public communal. Civ. rej., 20 février 1867, S., 67, 1, 213.

Les eaux affectées aux usages publics sont inaliénables et impres- criptibles, d'où il suit, d'abord, qu'elles ne peuvent être concédées qu'à titre précaire et révocable, quelle que soit à ce sujet l'intention des parties, l'imprescriptibilité résultant non de la convention, mais de la nature même des eaux ; ensuite que le concessionnaire n'a point, en ce qui les concerne, l'exercice de l'action possessoire. Civ. cass., 28 mai 1866, S. 66, 1, 294. Req., 4 juin 1866, S., 66, 1, 446. Rcq., 15 novembre

DES DIVISIONS DES CHOSES ET DES BIENS. § 169. 59

tels que le nettoiement et l'arrosage des rues ou l'alimenta- tion des habitants, les canaux ou aqueducs qui les amè- nent, et les fontaines qui les distribuent 18, les bâtiments

1869, S., 70, 1, 20. Lyon, 3 mars 4877, D., 78, 2, 254. Il en doit être ainsi alors même que la concession aurait été faite avant l'acquisition des eaux par la commune, et leur affectation à un service public. Civ. cass., 24 janvier 4883, S., 83, 4,324. Les eaux qui restent dans le domaine privé de la commune sont susceptibles de concessions non précaires, que néanmoins l'administration municipale est toujours en droit de révoquer, en affectant les eaux à un usage public. Toutefois, il a été jugé qu'à l'occasion de contestations privées relatives à l'usage des eaux dont la commune a abandonné provisoirement la jouissance, les simples particuliers ne peuvent respectivement se prévaloir des conséquences de la domanialité des fontaines. Civ. cass., 49 février 4889, S. 89, 4, 208. Voir sur ces diverses questions Paul Holtzapffel, Des fontaines publiques, p. 463 et suiv. Paris, 4885, in-8o. En ce qui concerne la rétrocession de l'eau faite par l'abonné à un tiers, Cpi> Civ. rej., 25 juin 4884, S., 85, 4, 204. Paris, 5 février 4886, D. 87, 2, 47. 18 Troplong, De la prescription, I, 468. Civ. cass., 44 avril 4843, S., 43, 4, 798. Aix, 43 juin 4865, S., 66, 2, 484. Civ. rej., 28 mai 4866, S., 66, 4, 294 à 296. Dijon, 23 janvier 4867, S., 67, 2, 259. La chambre des requêtes (9 janvier 4860, S., 62, 4, 466), distinguant entre les eaux indispensables aux usages publics auxquels elles sont affectées, et les eaux surabondantes ou superflues (aquae supervacuœ, ou versures des eaux) avait décidé que ces dernières étaient susceptibles de prescrip- tion. Mais cette distinction, rejetée avec raison par chambre civile, a été abandonnée par la chambre des requêtes elle-même. Civ. cass., 20 août 4864, S., 62, 4, 65. Req., 4 juin 4866, S., 66, 4, 446. Colmar, 23 mars 4869, S., 70, 2, 8. Req., 45 novembre 4869, S.. 70, 4, 20. Civ. cass. 24 janvier 4883. S. 83, 4, 324. Ces eaux, en effet, peu- vent à tout moment être employées aux services publics dont les nécessités sont essentiellement variables. La Cour de cassation a même décidé qu'il convient de considérer comme dépendant du domaine public, et par conséquent comme inaliénables et imprescriptibles, les eaux d'une source appartenant à une commune et affectées en partie à l'ali- mentation des fontaines communales, sans distinguer entre les eaux cana- lisées pour être directement conduites aux fontaines, et celles qui, étant surabondantes ou superflues, s'écoulent dans un aqueduc d'où elles tombent dans la rivière, après avoir été utilisées pour les besoins de quelques par- ticuliers. Civ. cass., 30 avril 4889. S. 89, 4, 268. Par exception, les règles qui viennent d'être exposées ne sont pas applicables aux concessions faites dans le Comtat-Venaissin en vertu des lois romaines qui y étaient observées quant aux eaux surabondantes des fontaines publiques. Dans ce pays, les concessions conféraient aux titulaires ^un véritable titre de propriété»

GO INTRODUCTION A LA. SECONDE PARTIE.

destinés à un service communal tels que les hôtels de ville, les églises paroissiales ou vicariales 19, les édifices affectés

et la condition de révocabilité à laquelle les dites concessions étaient su- bordonnées pour le cas l'eau concédée deviendrait nécessaire aux habitants ne rendait ni précaire ni équivoque la concession fondée sur le titre. Troplong, Prescription, I, 168. Nîmes, 48 novembre 1868, S., 69, 2, 176. Civ. rej., 15 mai 1872, S. 72, 1, 100. Civ. rej. sur ce point, 15 mars 1881, S., 81, 4,213.

19 Avis du Conseil d'État des 2-6 pluviôse an XIII. Foucart, Droit ad- ministratif, II, 801. Civ. rej., 1er décembre 1823, Sir., 24, 4, 161. Civ., rej., 7 novembre 1860, S., 64, 4, 353. Presque tous les auteurs approuvent cette proposition, conforme d'ailleurs aux dispositions ex- presses de l'avis du Conseil d'Etat de l'an XIII. Toutefois, les arrêts précités de la Cour de cassation ne tranchent pas absolument la question de savoir qui, des communes ou des fabriques, est propriétaire des églises paroissiales ou vicariales. Ils décident seulement que les églises consacrées au culte sont hors du commerce, et par conséquent, impres- criptibles. (Req., 48 juillet 4838, S., 38, 4, 798. Civ. rej., 5 décembre 1838, S., 39, 4, 33. Cpr. Civ. cass., 45 novembre 4853, S., 54, 4, 444, et la note). Cette Cour apporte une réserve extrême dans ses décisions et elle semble vouloir laisser indécise la question de propriété : « Attendu qu'il résulte « des lois précitées que la propriété absolue des églises n'est exclusive- « ment attribuée ni aux communes, ni aux fabriques. ». Civ. rej., 7 juillet 4840, D. Alph.x0 Culte, n<> 485, note 2. Conf. Gaudry, Législation des cultes, t. II, p. 497 et suiv.Civ. cass., 15 novembre!853, S., 54, 4,444. La jurisprudence des Cours d'appel est plus nette en ce qui concerne le droit de propriété des communes. Poitiers, 2 février 4835, S. ,35, 2, 206. Limoges, 3 mai 4836, S., 36. 2, 473 . Grenoble, 2 janvier 4836, S., 36, 2, 473. Rouen, 23 avril 4866, S., 6Q, 2, 273. Cpr. Paris, 24 décembre 4857, S., 58, 2, 425. Dans le même sens, Cons. d'État, 6 avril 1854, Comm. de Tocqueville. Leb., p. 274. 26 février 4863, Comm. d'Omméel, Leb., p. 480. 24 novembre 4884. Conseil de fabrique de l'église St-Nicolas-des-Champs, et les conclusions de M. Margueric, commissaire du Gouvernement, L., p. 803. La question ne se pose point quand la propriété de l'église est réglée par le titre ou par l'origine de la construction : Gaudry, op. cit., t. II, p. 498 : elle ne peut s'élever qu'à l'occasion des églises rendues au culte par l'art. 75 du décret du 48 germinal an X. L'on ne saurait contester que la situation créée par la loi soit assez mal définie : il en ré- sulte surtout que l'obligation d'entretien pèse sur la fabrique et subsidiai- rement sur la commune (loi du 5 avril 1884 art. 136, 12°), qui, au surplus, ne doivent pas être considérées comme copropriétaires d'un immeuble indivis. On a voulu soutenir que les églises restituées au culte par l'effet de loi de germinal appartenaient à l'Etat. G. Appert, Heinie critique,

DES DIVISIONS DES CHOSES ET DES BIENS. § 169. 61

à l'instruction publique, les bibliothèques et musées com-

4877, p. 737. Mais cette opinion est en opposition directe avec l'esprit de la loi du 18 germinal an X, par laquelle, nul ne l'ignore, le gouverne- ment n'a eu qu'une préoccupation, celle de dégrever le budget de l'Etat en imposant aux communes les charges de l'entretien des édifices reli- gieux. Cette doctrine a été victorieusement réfutée par Aucoc, Revue critique, 1878, p. 170. Quant à la désaffectation des églises, voir Cons. d'Etat, 24 novembre 1884 précité.

Les contreforts ou piliers extérieurs des églises font, comme les églises elles-mêmes, partie du domaine public. Paris, 18 février 1851, S., SI, 2,81. Riom, 19 mai 1854, S., 54, 2, 587. Agen, 23 janvier 1860, S., 60, 2, 317. Agen, 2 juillet m2, S., 62, 2, 510. Mais il en est au- trement des terrains situés entre ces contreforts. Gaudry, Législation des cultes, H, 724. Gaen, 11 décembre 1848, S., 49, 2, 542. Giv. rej., 7 novembre 1860, S., 61, 1, 353. Contra Agen, 2 juillet 1862 précité.

Quant au mobilier dépendant des églises paroissiales, il faut distinguer : Les meubles immobilisés suivent le sort du bâtiment, et selon nous, ils appartiennent à la commune, sauf le cas d'acquisition de ces objets par la fabrique elle-même, ou de libéralité à elle faite : ainsi, par exemple, les statues placées dans des niches ou fixées sur piédestaux, les bancs attachés au sol par de la maçonnerie, les buffets d'orgue, etc. Paris, 13 mars 1880, D., 80, 2, 97. Mais la fabrique nous semble devoir être réputée propriétaire des meubles proprement dits, comme les vases sacrés, les ornements sacerdotaux, et généralement les objets destinés au service du culte. Il n'y a point de difficulté quant aux objets donnés à la fabri- que ou achetés par elle, et c'est l'hypothèse la plus fréquente : la même règle nous semble devoir s'appliquer aux meubles qui pouvaient se trouver dans les églises au moment de leur restitution au culte par l'effet de la loi de germinal. Rien ne peut faire supposer que la loi ait eu la pensée d'attribuer la propriété de ces objets aux communes, alors que tout ce qui touchait à l'exercice et aux cérémonies du culte était réservé aux fabriques. Le décret du 30 décembre 1809, art. 27, 37 et 46 nous parait avoir résolu la question en ce sens par la disposition qui charge la fabrique de fournir les vases sacrés, les ornements, le linge, etc., de les entretenir, et par conséquent de les remplacer en cas de besoin. On a soutenu que ces objets appartenaient à l'Etat, en exécution des décrets des 2-4 novembre, 13-1 8 novembre 1789, 13 et 14 brumaire an II qui ont mis à la disposition de la nation tous les biens ecclésiastiques, tant meubles qu'im- meubles : que ces décrets n'avaient pas été expressément abrogés, enfin que la restitution portait sur les édifices seulement, et non sur les objets mobi- liers. Appert, Hevue critique, 1877, p. 737. Cette opinion est logique de la part de ceux qui soutiennent que les églises paroissiales sont la pro- priété de l'Etat. Mais ne peut-on pas répondre que le décret de 1789 n'est, en ce qui touche cette matière, conciliable ni avec la loi de germi-

62 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

munaux avec les objets qui en dépendent, les halles 1J ^,les abattoirs 20, les casernes attribuées aux communes 20 bisf enfin les théâtres 20 ter .

nal, ni avec les dispositions des articles précités du décret du 30 décem- bre 1809 : qu'il doit donc être considéré comme implicitement abrogé quanta ce. Cpr. Gaudry, II, p. 513. (Dans le sens de la propriété au profit de l'Etat, Cpr. Paris, 12 juin 1879, D., 80, 2, 101. La théorie de la pro- priété au profit de l'État est nettement établie par le jugement du tribunal civil de la Seine. Tout en adoptant les motifs des premiers juges, la Cour d'appel parait s'être déterminée surtout en fait, par la raison que les tapisseries dont s'agissait étaient usées, lacérées et impropres à l'usage auquel on les destinait. Nous accepterions la doctrine de cet arrêt s'il avait établi qu'il fût question de tapis- series attachées à la muraille par des clous ou des crochets, et devenues ainsi immeubles par destination). Quoi qu'il en soit, tous les meubles tombent sous l'application de la loi des 30-31 mars 1887, lorsqu'ils ont été classés comme présentant un intérêt artistique ou historique. Suprà note 8. Nous appliquons aux cloches des églises paroissiales la théorie qui précède : sont-elles à considérer en l'espèce, comme immeubles par destination, elles appartiennent, comme l'édifice lui-même, à la commune ; sont-elles meubles, elles sont la propriété de la fabrique. Voir suprà § 164, note 70. Mais, dans tous les cas, le maire exerce un droit de police réglementé par les articles 100 et 101 de la loi municipale du 5 avril 1884. En ce qui concerne le mobilier garnissant les églises métropoles ou cathédrales, nous estimons qu'il y a lieu d'établir la même départition que ci-dessus, entre la fabrique d'une part, et d'autre part, l'État propriétaire de l'édifice. (Quant aux fabriques des cathédrales, voir Gaudry, III, p. 383). Sur toutes ces questions, voir, Borde, Des droits et des obligations réciproques des communes et des fabriques sur les édifices affectés au culte paroissial, 1 vol. in 8». Paris, 1887.

19 bis. Dans beaucoup de communes, les halles et marchés sont la propriété de simples particuliers. Loi des 15-28 mars 1790, art. 19. Ces bâtiments sont donc soumis au droit commun, sauf ce qui concerne la police et la réglementation. Ducrocq, I, 397, II, 1414.

20 Cpr. Civ. rej., 16 avril 1866, S., 66, 1, 196. Cet arrêt, qui ne dé- cide qu'une question de compétence relative aux dommages causés par un abattoir, n'a rien de contraire à la solution donnée au texte. Contra Ducrocq, II, 1416.

20 bis. Le décret du 23 avril 1810 a fait aux communes donation de di- verses casernes à charge par elles de les entretenir. Ducrocq, JI, 1414 et 1415. Les mêmes principes s'appliquent aux casernes que les commu- nes ont construites de leurs deniers.

20 ter. Contra Ducrocq, II, 1416.

DES DIVISIONS DES CHOSES ET DES BIENS. § 170. 63

Les bâtiments directement affectés à un service hospita- lier communal, doivent également, quoique les hospices constituent des personnes morales distinctes des commu- nes, être considérés comme dépendants du domaine public municipal 21.

§ 170.

Continuation. Des choses formant V objet d'un droit de propriété proprement dit ; et spécialement, de celles qui se trouvent comprises dans le domaine privé de l'État, des départements, ou des communes.

Les choses susceptibles de propriété, et qui de fait sont entrées dans un patrimoine, appartiennent, soit à l'Etat, soit à des départements 4, à des communes, à des établissements publics ou d'utilité publique, soit à des particuliers 2. Art. 537.

L'ensemble des biens qui appartiennent à l'Etat à titre de propriété privée, constitue ce qu'on appelle le domaine de l'État.

Ce domaine comprend notamment, les îles et ilôts des fleu- ves et rivières navigables ou flottables avec bateaux, trains ou radeaux 3 ; les lais et relais de la mer *, c'est-à-dire les ter-

21 Foucart, op. et toc. citt. Demolombe, IX, 460.

1 Le Gode passe sous silence les biens départementaux, par la raison qu'à l'époque de sa promulgation, les départements ne constituaient que des circonscriptions territoriales. Mais la qualité de personnes morales, qui leur avait déjà été implicitement reconnue par le décret du 9 avril 1811, leur fut définitivement attribuée par la loi du 10 mars 1838. Gpr. § 54, texte et note 3.

2 Sous cette expression, il faut comprendre non-seulement les person- nes physiques, mais aussi les personnes morales dont la capacité juri- dique n'a été soumise à aucune restriction, par exemple, les sociétés com- merciales. Gpr. | 54, texte et note 35.

3 Gode civil, art. 560. Loi sur la pèche fluviale du 15 avril 1829, art. 1. Gpr. 169, texte et note 5.

4 C'est à tort que l'art. 538 range les lais et relais de la mer parmi les dépendances du domaine public. Dans la réalité, ils font partie du domaine de l'État, et, à ce titre, ils sont aliénables et prescriptibles. Loi du 16 septembre 1807, art. 41. Rapport et décret du 24 février 1852, sur la

64 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

rains que la mer en se retirant laisse à découvert d'une ma- nière permanente 5 ; les fortifications et remparts des ci- devant places de guerre 6 ; les forets nationales ; enfin, les biens meubles ou immeubles que la loi attribue à l'Etat, soit comme biens vacants et sans maître, soit à titre d'épaves terrestres, fluviales, ou maritimes 6 bis .

On entend par biens vacants et sans maître, ceux dont les anciens propriétaires sont décédés ou ont disparu, et dont personne n'est plus admis à réclamer la propriété \

fixation des limites de l'inscription maritime et sur le domaine public ma- ritime. Garnier, Régime des eaux, I, 39. Proudhon, Du domaine public, III, 712. Foucart, Droit administratif, II, 798. Dcmolombe, IX, 458 bis. Blanche, Dictionnaire a" administration, Domaine public, p. 895. Gautier, Matières administratives, p. 416. Laurent, VI, 42. Civ. cass., 3 novembre 1824, S., 25, 1, 62. Civ. rej., 21 juillet 1828, S., 28, 1, 283. Poitiers, 4 février 1842, S., 42, 2, 221. Req., 15 novembre 1842, S., 43, 1, 75. Civ. rej., 2 janvier 1844, S., 44, 1, 331. Req. 1" novem- bre 1852, D. 53, 1,106.

s Des terrains que, par l'effet seul de la nature, la mer laisse à décou- vert d'une manière permanente, cessent d'être des rivages, et deviennent des relais. Us passent ipso facto du domaine public dans le domaine privé de l'État, indépendamment de toute délimitation administrative. Req., 11 avril 1860, S., 60, 1, 523. Arr.Cons., 18 juin 1860, S., 61, 2, 108. Au contraire, les terrains périodiquement recouverts par les eaux de la mer, sont à considérer comme des rivages, et non comme des relais, aussi longtemps qu'ils n'ont pas fait, à ce dernier titre, l'objet d'une concession du gouvernement ou d'une délimitation administrative ; et, ce n'est qu'a partir de la concession ou de la délimitation, qu'ils sortent du domaine public pour entrer dans le domaine privé du concessionnaire ou de l'Etat. Req., 4 mars 1836, S., 36, 1, 465. Req., 17 novembre 1852, S., 52, 1, 789. Civ. cass.. 21 juin 1859, S., 59, 1, 744. Cpr. Req., 9 août 1876, S., 78, 1, 469.

6 La première partie de l'art. 541 semblerait indiquer, par sa corrélation avec l'art. 540, que les terrains, fortifications et remparts des places de guerre abandonnées, forment, tout aussi bien que les terrains, fortifica- tions et remparts des places de guerre conservées, des dépendances du do- maine public ; mais ce serait une grave erreur. Au surplus, l'ine- xactitude de rédaction que présente à cet égard la première partie de l'art. 541, a été rectifiée par sa disposition finale.

G bis. Voy. pour l'Algérie, Req., 19 mai 1879, S., 79, 1, 265.

1 Les termes biens vacants et sans maître employés dansl'art.539, empor- tent l'idée de choses qui avaient autrefois un maître* et ne comprennent

DES DIVISIONS DES CHOSES ET DES BÏEtfS- § 170. 65

Tels sont notamment, les biens dépendant de successions définitivement tombées en déshérence. Art. 539 et 713.

Les épaves terrestres, attribuées à l'État par des lois spé- ciales, sont, les choses déposées dans les greffes des tribu- naux8, dans les lazarets9, ou dans les bureaux des douanes t0, les colis confiés à des entrepreneurs de roulage ou de messageries ll, enfin, les sommes versées dans les caisses des agents des postes, et les valeurs déposées ou trouvées dans les boites ou guichets des bureaux de postes 12, lors- que ces objets ou leur prix n'ont pas été réclamés dans les

par conséquent pas les rcs nallius qui n'ont jamais appartenu à personne. D'un autre côté, les rcs derclictx se distinguent également des biens vacants et sans maitre, par le caractère spécial de la derelictic qui consiste dans un abandon fait avec l'intention de laisser avenir la chose abandonnée au premier occupant, de sorte que l'acquisition de la propriété s'opère en pa- reil cas par une espèce de transmission, en ce sens du moins que les ef- fets de l'occupation remontent à l'instant même du délaissement. L. 9, § 7, D. de acq. rcr. dom. (41, 4). Du reste, les expressions biens qui ri ont pas de maître, qu'on lit dans l'art. 713, ontétéévidemment employéesdans le même sens que celles de biens vacants et sans maître, qui figurent dans l'art. 538. Laurent, VI, 39. Demolombe IX, 458.

8 Ces objets peuvent être réclamés, tant qu'ils n'ont pas été vendus ; et quant au prix en provenant, il peut l'être dans les trente années à partir de la vente. Loi du 11 germinal an IV. Ordonnance du 22 février 1829. Valette, p. 91, fait remarquer avec raison que l'ordonnance du 22 février 1829 visant l'article 2227 a dérogé à la loi du 11 germinal an IV.

9 Ces objets doivent être vendus, s'ils n'ont pas été réclamés dans les deux ans; et le délai pour en répéter le prix est de cinq années à partir de la vente. Loi du 3 mars 1822, sur la police sanitaire, art. 20.

10 A défaut de réclamation, ces objets sont vendus au bout d'un an ; et le prix en est acquis à l'Etat, s'il n'est pas répété dans l'année qui suit la vente. Loi des 6-22 août 1791, tit. IX, art. 2 et 5.

11 Lorsque ces colis n'ont pas été réclamés dans les six mois de leur arrivée, ils doivent être vendus. Le prix peut en être répété pendant deux années à partir de la vente. Décret du 43 août 1810.

12 Ces sommes ou valeurs étaient définitivement acquises à l'État, lorsque le remboursement ou la remise n'en avait pas été demandé dans le délai de huit années. Loidu 31 janvier 1833, art. 1. Loi du 5 mai 4855, art. 17 (bud- get de 4856). Valette (p. 92, texte et note 4) critique cette disposition com- me créant une prescription dont la durée n'est point conforme aux règles reçues. La loi du 45 juillet 4882 a réduit à cinq années ce délai.

66 TNTIioniHiflÔN A LA SECONDE PARTI!..

délais, plus ou moins longs, fixés à cet cifet par les lois relatives à ces matières.

Les épaves fluviales sont les objets trouvés sur les bords ou dans le lit des cours d'eau navigables ou flottables. Ces épaves, lorsqu'elles n'ont pas été réclamées en temps utile par les ayants droit, appartiennent en totalité à l'Etat, sans que les inventeurs puissent y prétendre aucune part 13.

Les épaves maritimes comprennent : d'une part, les ob- jets provenant de jets, bris, ou naufrages : d'autre part, les vêtements et autres efiets ou valeurs trouvés sur les cada- vres noyés ; enfin, les choses du crû de la mer, telles que les herbes marines, l'ambre, le corail, et les poissons à lard, lorsqu'elles sont jetées sur la grève u. Parmi ces épaves, il eh est qui, à défaut de réclamation dans le délai à ce fixé, appartiennent en totalité à l'Etat; ce sont les vais- seaux et objets naufragés, échoués sur la grève 13. Les autres se partagent, dans la proportion des deux tiers au tiers, entre l'Etat et les inventeurs, ou sont même attribués intégralement à ces derniers, ainsi qu'il sera expliqué au §201.

13 Toulouse, 10 février 4877, D., 77, 2, 175. En l'absence de réclama- tion, ces épaves sont vendues dans le délai d'un mois ; et le prix en est acquis à l'État, lorsqu'il n'a pas été réclamé daus un nouveau délai d'un mois à partir de la vente. Ordonnance du mois d'août 1669, tit. XXXI> art. 16 et 17.

14 Ordonnance de la marine du mois d'août 1681, liv. IV, tit. IX, liv. V, tit. VIL C'est par extension de l'idée d'épaves, qu'on a compris parmi les épaves maritimes, certaines choses du crû de la mer, lorsqu'el- les sont jetées sur la grève. De leur nature, ces choses sont plutôt des res nullius que des épaves.

12 Le délai pour réclamer ces épaves est d'une année à dater des publi- cations prescrites en pareil cas. Ordonnance de 1681, tit. IX, art. 24 à 26. Suivant ce dernier article, les épaves dont s'agit se partageaient au- trefois, dans la proportion des deux tiers au tiers, entre le roi et l'amiral, c'est-à-dire le chef de la marine. Mais cette charge n'existant plus, et le domaine de l'État ayant remplacé le domaine delà Couronne, c'est à l'État qu'elles reviennent aujourd'hui en totalité. Valette, p, 92. Toutefois l'or- donnance distingue entre les effets naufragés trouvés en pleine mer, ou tirés de son fond (art. 27), et les épaves jetées à la côte. Au premier cas seulement le tiers appartient à l'inventeur ; dans le deuxième, la totalité

DÈS DIVISIONS DÈS CHOSES ÉTt* DES BÏËNS. § 170. 67

Les biens meubles et immeubles formant autrefois par- tie de la dotation de la Couronne, étaient compris dans le domaine de l'Etat lli.

Les biens des communes se divisent en biens commu- naux proprement dits, et en biens patrimoniaux. Les pre- miers sont ceux qui, tels que les pâturages communs, les fo- rêts affouagères, et le droit à la récolte du varech ou goë- mon de rive 1T, sont affectés à l'usage des habitants, utsin- gali, dune ou de plusieurs communes. Les seconds sont ceux dont la jouissance appartient à la commune comme corps moral. Cpr. art. 542 17 bti.

Les biens de l'État, des départements, des communes, des établissements publics ou d'utilité publique, sont ad- ministrés d'après des formes particulières, et ne peuvent être aliénés que suivant les règles qui leur sont propres 18< Art. 537, al. 2.

appartient à l'État. Beaussant, Code maritime, t. II, p. 84 à 86. Plocque, De lame?-, nos 233 à 236. Cpr. Déclaration du 15 juin 4835.

16 Sénatus-consultc du 12 décembre 1852, art. 3.

17 Le droit de récolter le goémon attenant au rivage, et qu'on désigne sous le nom de goémon de rive, est attribué d'une manière exclusive aux habitants des communes riveraines de la mer. Voy. les décrets réglemen- taires de la pêche côtière, pour les quatre premiers arrondissements ma- ritimes, en date du 4 juillet 1853, Bulletin des lois, partie supplémentaire, série XI, B, 35, 623. Décret du 8 février 1868 relatif à la récolte des herbes maritimes, Bulletin des lois, partie supplém., série XI, B, 1395, no 23,119. Cpr. Civ. rej., 5 juin 1839, S., 39, 1, 621. Chamb. réun. cass., 17 juin 1839, S., 39,1, 718. Crim. rej., 8 novembre 1845, S., 45, 1, 814. Décret du 31 mars 1873, sur la récolte des goémons de rive par les propriétaires de terres situées dans les communes du littoral, n'habitant pas ces communes. Cpr. Plocque, De la mer, no 239. Il ne faut confondre avec le goémon de rive, ni le goémon épave, c'est-à-dire déta- ché par les flots et jeté sur la grève, ni le goémon poussant en mer, c'est-à-dire sur les rochers situés en mer et sur les rives des iles désertes. Voy. sur le goémon poussant en mer et sur le goémon épave : §201, texte no 1 et note 12 ; texte no 3 et note 43. Plocque, no 241.

17 bis. Les presbytères font partie des biens patrimoniaux de la com- mune. Voy. § 225, note 7.

18 Lois des 15 et 16 floréal an X. Loi du 5 ventôse an XII. Loi du 18 mai 1850. Loi du 1er juin 1864. Cpr. sur cette matière : Dissertation par

88 INTRODUCTION A SECONDE PAÎVflË.

Les particuliers, au contraire, ont, sous les modifications établies par les lois, la libre disposition des biens qui leur appartiennent. Art. 537, al. 1.

§171.

2. Des choses qui sont dans le commerce et de celles qui n'y sont pas.

Les choses, susceptibles d'appropriation *, sont dites hors du commerce, lorsqu'un obstacle légal s'oppose à ce qu'elles fassent partie d'un patrimoine quelconque, ou lors- que, ayant actuellement un maître, elles ne peuvent, par aucun moyen d'acquisition, pas même par prescription, passer dans le patrimoine d'une autre personne 2. Art. 1128, 1598 et 2226, et arg. de ces articles.

Parmi les choses placées hors du commerce, il faut ran- ger, en premier lieu, celles qui font partie du domaine pu- blic, national, départemental, ou communal 3.

La mise hors du commerce ne s'opère que par une in-

Ducrocq, Revue critique, 4864, XXV, p. 420, 306, 419, 494 ; 1865, XXVI, p. 11, 133, 233. Aucoc, Des sections de communes, 1 vol. in-12, 2c édition, 1864.

1 La distinction dont il est question dans ce paragraphe, est étrangère aux choses qui, d'après leur nature physique, ne sont pas susceptibles d'appropriation, fies communes, nec sunt in commercio, nec extra com- mercium. Zacharia\ § 176, note lre.

2 Zachariae 176, texte in principio) définit les choses placées hors du commerce en disant que ce sont celles dont personne, si ce n'est l'État, ne peut acquérir la propriété. Cette définition pèche sous un double rap- port. Elle ne repose d'abord que sur une confusion évidente entre le do- maine public et le domaine de l'Etat. Les choses comprises dans le domaine public, et comme telles exclues du commerce, ne font partie du patrimoine de personne, pas même de celui de l'État. D'un autre côte, il est des choses, telles que celles composant un majorât, -qui sont exclues du commerce, bien qu'elles appartiennent à un autre propriétaire que l'État.

3 Toullicr, VI, 163. Vazeille, Des prescriptions, I, 89 et suiv. Duranton, XXI, 164 et suiv. ïroplong, De la prescription, I, 171 à 174. Proudhon, Du domaine public, I, 216 et suiv. Foucart, Droit administratif, II, 797 et suiv.

DES DIVISIONS DES CHOSES ET DES BIENS. § 171. 69

corporation définitive au domaine public : une incorporation simplement projetée est insuffisante pour l'effectuer. C'est ainsi que les terrains désignés par les plans généraux d'a- lignement, comme devant faire partie, à une époque indé- terminée, de rues projetées, n'en continuent pas moins à rester dans le commerce 4.

Les choses exclues du commerce, à raison de la destina- tion d'utilité publique à laquelle elles sont affectées, y ren- trent dès que cette destination vient à cesser. Art. 541 et arg. de cet art.

Le changement de destination peut en général résulter, indépendamment de toute déclaration formelle de l'autorité, du concours de faits et de circonstances de nature à l'é- tablir d'une manière non équivoque. C'est ainsi que le lit d'un fleuve ou d'une rivière navigable ou flottable passe du domaine public dans le domaine privé des particuliers ou de l'Etat, et rentre par suite dans le commerce lorsque ce fleuve ou cette rivière s'est creusé un nouveau lit, ou que son cours a été rectifié. Cpr. art. 563. Il en est de même des portions de routes abandonnées par suite du redressement de la voie publique, et des terrains retranchés de la voirie par mesure d'alignement 3.

Toutefois, d'après la loi des 8-10 juillet 1791, les bâti- ments et terrains militaires ne peuvent perdre leur destina- tion que par une remise opérée dans la forme que prescrit l'art, 2, titre IV, de cette loi 6.

4 Giv. cass., 30 avril 1862, S., 62, 1, 597. Cpr. Ducrocq, Droit adm., II, 928.

3 Toullier, VI, 163. Vazeille, op. et loc.citt. Duranton, XXI, 172 et 176 Troplong, op. et loc. cit., Proudhon, op. cit., I, 217 et suiv. Foucart, op. citt., II, 796. Aucoc, Conférences, III, 970, 977 et 1065. Giv. rej., 25 janvier 1843, S., 43, 1, 244. Req. ,18 mars 1845, S., 45,1, 572. Req., 24 avril 1855, S., 56, 1,443. Giv. rej., 6 avril 1859, S., 59,1, 670. Giv. cass., 27 novembre 1861, S., 62, 1, 170. Giv. rej., 8 mai 1865, S., 65, 1, 273. Gpr. Montpellier, 21 décembre 1827, S., 28, 2, 81. Yoy. aussi, sur les églises et chapelles qui ne sont plus consacrées au culte : Req., 4 juin 1835, S., 35, 1, 413 ; Civ. cass., 5 décembre 1838, S., 39, 1, 33.

6 Foucart, loc. cit. Giv. cas., 3 mars 1828, S., 28, 1, 146. Chamb. réun. cass., 27 novembre 1835, S., 36, 1, 296.

70 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

D'un autre; coté, depuis la loi du 17 juillet 1819, les for- tifications et remparts des places de guerre et des postes militaires conservés ou nouvellement établis, ne peuvent plus perdre leur destination, qu'en vertu d'un décret qui supprime la place de guerre, ou qui, tout en la mainte- nant, en modifie le système de fortification 7. Loi du 17 juil- let 1819, art 1er. Le décret du 10 août-8 nov. 1853 in- dique les conséquences des divers états de paix, de guerre ou de siège.

Au nombre des choses exclues du commerce, on devait ranger, en second lieu, les biens meubles et immeubles formant autrefois la dotation de la Couronne. Toutefois, les objets mobiliers, inventoriés avec estimation, étaient susceptibles d'aliénation, moyennant remplacement, et les immeubles eux-mêmes pouvaient être échangés en vertu d'un sénatus-consulte. Sénatus-consulte du 2 décembre 1852, art. 7 et 8.

Les biens formant partie de la dotation de la Couronne ne pouvaient perdre leur destination et rentrer dans le commerce que par l'effet d'un Sénatus-consulte, qui les fai- sait passer dans le domaine ordinaire de l'Etat 8.

Enfin le décret du 1er mars 1808 place hors du commerce les biens composant un majorât, et ne les y fait rentrer que lorsque l'aliénation en a été permise conformément aux règles qu'il prescrit 9.

A l'exception des biens autrefois compris dans la dota- tion de la Couronne, les autres choses faisant partie du do- maine de l'Etat se trouvent toutes dans le commerce. Il en est même ainsi des grandes masses de bois nationaux,

7 Cpr. Req., 30 juillet 1839, S., 40, 1, 166 ; Grenoble, 2 juillet 1840, S., 41,2, 191.

8 Cpr. le Sénatus-consulte du 20 juin 1860, qui a fait rentrer le bois de Vincennes dans le domaine ordinaire de l'État, et la loi des 10 décembre 1880-11 janvier 1887 qui a ordonné l'aliénationd'unc partie des joyaux de la Couronne.

9 Décret du 1er mars 1808, art. 40 à 40, et 54 à 63. Cpr. sur l'annu- lation et la révocation des majorais : ordonnance du 10 février 182 ï, art. i ; loi du 12 mai lSiTi, art. 3.

DES DIVISIONS DES CHOSES ET DES BIENS. § 171. 71

c'est-à dire des forêts ayant une contenance d'an moins 150 hectares 10.

La loi du 12 mai 1871 a déclaré inaliénables les proprié- tés publiques ou privées saisies à Paris par ordre ou au nom du pouvoir insurrectionnel, ou bien soustraites même sans son ordre par des particuliers, à l'aide de la sédition.

Cette loi s'appplique à toute la période de temps com- prise entre le 18 mars 1871 et la fin de l'insurrection. La revendication des objets saisis ou soustraits a été auto- risée contre tous détenteurs pendant 30 ans, à partir de la cessation officiellement constatée de l'insurrection de Paris, sans que les dits détenteurs puissent invoquer, en matière immobilière, la prescription de 10 à 20 ans, et en matière mobilière les dispositions des articles 2279 et 2280. G. c, ni en aucun cas, la prescription de l'action publique.

Les choses qui sont inaliénables, ne sont pas, par cela seul, placées hors du commerce, lorsqu'elles ne sont pas

10 D'après l'ancien Droit public de la France, les biens faisant partie du domaine de l'État, considéré alors comme domaine de la Couronne, étaient inaliénables et imprescriptibles, à l'exception toutefois de ceux qui composaient ce qu'on appelait le petit domaine, tels que les lais et relais de la mer, les landes, marais, terres vaines et vagues. Préambule de l'édit de François 1er de 1539. Ordonnance de Moulins de 1566, art. 1er. Le sort des aliénations ou engagements consentis en contravention de ce principe, a été réglé parles lois des 22 novcmbre-ler décembre 1700, du 14 ventôse an VII, et du 12 mars 1820. Le principe de l'inaliénabi- lité et de l'imprescriptibilité du domaine de l'État fut abrogé par la loi des 22 novembre-ler décembre 1790, qui toutefois le maintint exceptionnel- lement pour les grandes masses de forets nationales. Voy. art. 8 et 12 de cette loi. Cette réserve ou exception fut elle-même abolie par la loi du 25 mars 1817, qui affecta tous les bois et forêts de l'État à la dotation de la caisse d'amortissement. Civ. cass., 27 juin 1854, S., 55, 1, 497. Metz, 13 février 1855, S., 55, 1, 500. Req., 9 avril 1856, S., 56, 1, 808. Dijon, 20 février 1857, S., 57,2, 614. Req., 17 février 1858, S., 58, 1. 351. Le principe nouveau de l'aliénabilité des biens compris dans le domaine de l'État emporte, d'après le Droit commun, et nonobstant la restriction qui en subordonne l'aliénation à l'autorisation préalable du pouvoir législatif, la prescriptibilité de ces biens au profit des particuliers. Art. 541 et 2227. Voy. en ce sens les arrêts ci-dessus cités. Voy. en sens contraire : Derouet, Revue pratique, 1866, XXII, p. 401 ; 1867, XXIV, p. 124 et 512. Cpr. L. 16 septembre 1871, art. 22.

72 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

en même temps absolument imprescriptibles M. Ainsi, les immeubles dotaux ne sont pas exclus du commerce ls.

III. DES DIFFÉRENTES ESPÈCES DK DROITS.

§172.

Les droits sur les objets extérieurs sont réels ou per- sonnels.

Ces derniers se subdivisent en droits personnels propre- ment dits ou de créance, et endroits de puissance.

Les droits réels sont ceux qui, créant un rapport immé- diat et direct entre une chose et la personne au pouvoir de laquelle elle se trouve soumise, d'une manière plus ou moins complète, sont par cela même susceptibles d'être exercés, non pas seulement contre telle personne détermi- née, mais envers et contre tous.

Les droits personnels proprement dits sont ceux qui, se rattachant à un lien d'obligation existant entre deux personnes déterminées, ne sont de leur nature susceptibles d'être exercés que contre la personne obligée, et contre ceux qui sont tenus de ses engagements.

A la différence de la distinction des droits en mobiliers et immobiliers, laquelle se rapporte à la nature de la chose formant l'objet de tel ou tel droit, la division des droits en réels et personnels, repose sur la nature intrin- sèque des droits eux-mêmes.

11 II résulte évidemment de l'art. 1598, que l'inaliénabilité dont une chose est frappée, n'a pas à elle seule pour effet de la placer hors du commerce. Gpr. Amiens, 16 février 1830, S., 30, 2, 413.

12 L'art. 1561 dit bien que les immeubles dotaux sont imprescriptibles. Mais il s'agit ici plutôt d'une suspension de prescription, que d'une véritable imprescriptibilité attachée à la qualité de ces immeubles. Ce qui le prouve, c'est que, d'une part, la prescription continue à courir pen- dant le mariage, lorsqu'elle a commencé auparavant, et que, d'autre part, elle peut commencera courir utilement, même pendant le mariage, par suite de séparation de biens.

DES DIFFÉRENTES ESPÈCES DE DROITS. § 172. 73

Les droits réels et personnels proprement dits diffèrent les uns des autres sous trois rapports principaux.

a. Le droit réel suppose une chose déterminée dans son individualité sur laquelle il porte. Le droit personnel n'a pour objet qu'une prestation, c'est-à-dire l'accomplisse- ment d'un fait, ou la livraison d'une chose qui peut n'être déterminée que dans son espèce.

b. Celui auquel appartient un droit réel, peut en pour- suivre l'exercice sur la chose même soumise à ce droit, et contre tout possesseur ou détenteur de cette chose. Au con- traire, celui qui n'est investi que d'un droit personnel, c'est-à-dire le créancier, ne peut l'exercer que contre la per- sonne obligée à la prestation, c'est-à-dire contre le débiteur.

c. Lorsque plusieurs personnes ont, à des époques diffé- rentes, acquis sur une chose, soit le même droit réel, soit des droits réels différents qui se trouvent en collision l'un avec l'autre, le droit acquis antérieurement l'emporte, en principe, sur le droit acquis plus tard. Au contraire, en cas de collision de divers droits personnels contre un même débiteur, aucun des créanciers nejouit, en thèse générale, d'un droit de préférence.

Le Droit français ne reconnaît que trois espèces de droits réels dans le sens complet du mot, savoir : la propriété, les servitudes, réelles ou personnelles ', et l'hypothèque 2. Art. 543, 2114 et 2166.

Nous ne mentionnons parmi les droits réels, ni la super- ficie, qui n'est qu'un droit de propriété partiel ou restreint quant à son objet, ni l'emphythéose,qui, à notre avis, ne con- fère plus aujourd'hui à l'emphytéote, qu'un droit person- nel 3.

1 Le Gode qualifie de services fonciers, les servitudes réelles, et de droits de jouissance, les servitudes personnelles. Art. 543.

2 Le droit de gage mobilier, qui, en Droit romain, constituait un droit réel complet, ne forme plus, en Droit français, en raison de la règle : Meubles n'ont pas de suite par hypothèque, qu'un droit réel incomplet. Voy. § 256. Gpr. aussi, quant au droit de rétention : § 256 bis, texte et notes 20 à 22.

3 Gpr. | 224 bit,

74 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

Malgré la diversité des prestations à raccomplissement desquelles une personne peut être obligée, et la différence des effets attachés à telle ou telle, obligation d'après l'objet particulier de la prestation, le caractère juridique des droits personnels proprement dits est au fond toujours le même.

Toutefois, il est certains de ces droits qui, contrairement à la nature générale des droits personnels proprement dits, sont susceptibles d'être efficacement opposés à d'autres per- sonnes qu'à l'obligé. Tels sont les droits de jouissance ré- sultant du bail ou de l'antichrèse 4.

Les droits de puissance sont ceux que le mariage attribue au mari sur la personne de sa femme, et ceux que la pa- ternité et la maternité confèrent au père et à la mère sur la personne de leurs enfants. Ces droits présentent une cer- taine affinité avec les droits réels, en ce qu'ils affectent la personne elle-même, et qu'on peut les faire valoir envers et contre tous, au moyen d'actions analogues à la reven- dication 5.

IV. NOTIONS GÉNÉRALES SUR L'ACQUISITION DES DROITS RÉELS ET DES DROITS PERSONNELS PROPREMENT DITS.

§173.

Des différentes manières d'acquérir en général.

On entend par manière d'acquérir les faits et les actes auxquels la loi attache, sous certaines conditions, une acqui- sition de droits.

Les art. 711 et 712 indiquent les différentes manières d'acquérir reconnues par le Droit français. Mais rénumé- ration qu'ils présentent n'est pas complète, en ce qu'ils ne

4 Cpr. art. 4743 et 2091 ; § 369, texte in fine ; § 43$, texte in fine. Mais il ne faut pas conclure de que les droits du preneur ou du créancier à antichrèse constituent des droits réels. Cpr. § 365; § i32, toc. cit.

5 Cpr. § 471, texte et notes 1 à 8 ; § 550, texte no 1, notes 10 et 11.

NOTIONS GÉNÉRALES SUR L' ACQUIS. DES DROITS. § 173. 75

font mention, ni de l'occupation et de l'invention, ni de la perception des fruits par un possesseur de bonne foi.

Les manières d'acquérir se divisent en deux grandes clas- ses, suivant que l'acquisition a lieu à titre universel ou à titre particulier.

Les manières d'acquérir à titre universel (per universita- tem), sont celles qui ont pour objet l'universalité ou une partie aliquote du patrimoine d'une personne. Elles seront exposées dans la théorie du patrimoine.

Les manières d'acquérir à titre particulier, sont celles qui ne portent que sur des objets spécialement détermi- nés (res singidœ).

Les manières d'acquérir des droits réels sur des objets particuliers, seront développées au fur et à mesure qu'il sera traité de chacun de ces droits.

Quant à l'acquisition des droits personnels proprement dits, comme elle se rattache toujours à la formation d'une obligation, les règles qui la concernent trouveront natu- rellement leur place dans la théorie générale des obliga- tions.

Suivant une ancienne doctrine, reproduite par Zachariae 178), l'acquisition des droits réels, et principalement celle du droit de propriété, supposerait en général le concours de deux éléments distincts, à savoir, le titre et le mode d'ac- quérir. D'après cette doctrine, le titre serait la cause juri- dique qui rendrait l'acquisition légalement efficace, et le mode d'acquérir, le fait par lequel elle se consommerait.

Mais cette théorie, qui ne reposerait que sur une notion inexacte, tant de l&jiista causa requise en matière de tradi- tion, que delà tradition elle-même ', et sur une extension

1 On a fait remarquer avec raison que, d'une part, la tradition n'était pas par elle-même translative de propriété, et que, d'autre part, les con- ventions de vente, de donation, ou autres, n'engendrant pas une obligatio dandi, ne pouvaient être considérées comme des titres d'acquisition propriété. Tout ce que l'on peut dire, c'est que la tradition transférait la propriété, lorsqu'elle était faite dans ce but, et qu'elle émanait du légi- time propriétaire. D'où il suit que, ce que l'on appelait la jus ta causa,

76 INTRODUCTION A SECONDE PARTIE.

plus inexacte encore de ces notions aux autres modes d'ac- quérir 2, est aujourd'hui généralement rejetée par les inter- prètes mêmes du Droit romain3. A plus forte raison doit-elle être bannie de l'enseignement de notre Droit actuel, d'après lequel la propriété se transmet par le seul effet des conventions, indépendamment de toute tradition *.

Dans la langue juridique du Droit français, le mot titre se rapporte, tantôt à l'acquisition même d'un droit, et tan- tôt à la preuve de cette acquisition.

Sous le premier de ces rapports, le terme titre se prend encore dans deux acceptions différentes, soit pour désigner toute cause légale d'acquisition, soit pour indiquer simple- ment une condition spécialement requise quant à telle ou telle manière d'acquérir.

Quand on emploie le mot titre comme synonyme de cause légale d'acquisition ou de manière d'acquérir, cette expres- sion comprend, non-seulement les conventions et les actes de disposition, mais encore l'occupation, l'accession, la perception des fruits, et même la prescription acquisitive ou l'usucapion.

Toutefois, les art. 560, 670, 690 et 691 se servent du mot titre dans un sens plus restreint, pour désigner les conven-

n'était en définitive, tout comme la qualité de propriétaire dans l'auteur de la tradition, que l'une des conditions nécessaires pour que ce fait transférât la propriété, et se confondait ainsi avec lui. Voy. notamment Accarias, Précis, I, 226.

2 La théorie du titulus et du modas acquirendi, était tellement enra- cinée dans les idées, qu'elle a pénétré jusque dans la rédaction de cer- tains Codes modernes. C'est ainsi que l'on trouve dans le Code civil autri- chien les textes suivants : § 380. Sans titre et sans mode légal d'acquérir, il n'y a pas d'acquisition de propriété possible. § 381. En matière d'occu- pation des res nullius, le titre consiste dans la liberté innée à l'homme d'en prendre possession, le mode d'acquérir dans le fait de l'appréhension.

3 Hugo, Civ. Magaiin, 1812, IV, 6. Thibaut, Vcrsuchc, I, p. 11. Pu- chta, Pandekten, % 143, texte et note c. Vangerow, System des Pandek- tenrechls, § 305. Pagenstecher, Die rômische Lehrc von Eigentlium, llte Abthcilung, p. \ et suiv.

4 Voy. ce}). Demolombe, XIII, 3.

NOTIONS GÉNÉRALES SUR L'ACQUIS. DES DROITS. § 174. 77

tions et les actes de disposition, par opposition à la prescrip- tion acquisitive.

C'est en matière de perception de fruits et de prescription acquisitive, que le mot titre est employé pour indiquer un élément nécessaire à ces modes d'acquisition 5. Il désigne alors les conventions et les actes de disposition qui, de leur nature, sont susceptibles de transférer la propriété, mais qui, dans tel cas donné, n'ont pu en opérer la transmission à raison de l'absence de l'une ou l'autre des conditions re- quises à cet effet.

Au point de vue de la preuve, le mot titre se prend pour les actes instrumentaires constatant toute cause d'acquisi- tion d'un droit réel ou personnel G.

174.

De l'acquisition par l'effet des conventions en particulier. Notions générales sur la transcription.

Dans le système du Code civil, les conventions ayant pour objet de transférer ou de constituer des droits personnels ou réels, une fois parfaites comme telles, transmettent et établissent ces droits par elles-mêmes, c'est-à-dire indépen- damment de toute formalité intrinsèque, et de tout acte d'e- xécution ; et ce, non-seulement en ce qui concerne les rap- ports des parties contractantes, mais encore vis-à-vis des tiers, auxquels telle ou telle convention serait opposable de sa nature, et d'après les règles établies en matière de preuve1. Art. 711, 1138 et 2182. C'est ainsi que les con-

6 Art. 550 et mo.

6 Gpr. art. 126, al. 1, 1334 et 1385, 1877, al. 2, 1605,1607, 1689 et 2263. Cette acception donnée au mot titre, s'explique par la circonstance que la preuve testimoniale n'étant admise en Droit français que sous de no- tables restrictions, les acquisitions par l'effet des conventions sont le plus souvent constatées par écrit. L'on est ainsi arrivé à comprendre, sous la même expression de titre, et la convention elle-même et l'acte instru- mentale qui la constate.

1 Ce point de doctrine est aujourd'hui généralement reconnu. Cpr.

78 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

ventions dont L'objet est de transférer la propriété d'une chose corporelle, mobilière ou immobilière ,opèren1 cet effet môme au regard des tiers, indépendamment de toute tradi- tion. C'est ainsi encore qu'une convention de bail investit le preneur, même à l'égard des tiers, du droit de jouir de la chose louée, indépendamment de toute mise en possession2. Le principe ci-dessus posé reçoit cependant de nombreu- ses modifications, dont les unes sont établies par le Code civil lui-même, et d'autres par des lois postérieures, mais qui toutes ne concernent que les effets des conventions à Tégard des tiers, et qui sont étrangères aux rapports des par- ties entre elles.

4o Modifications établies par le Code civil.

a. Les donations entre vifs d'immeubles susceptibles d'hy- pothèques, sont opposables aux tiers intéressés à les contes- ter, seulement après que les actes qui les renferment ont été transcrits au bureau des hypothèques 3. Art. 939 à 941.

b. Les substitutions faites par acte entre vifs ou par testa- ment, et portant, soit sur des immeubles, soit sur des créan- ces ou rentes avec hypothèque ou privilège sur des im- meubles, ne deviennent efficaces à l'égard des tiers, qu'au- tant qu'elles ont été rendues publiques dans les formes prescrites par l'art. 1069 *. Gpr. art. 1070 à 1072.

c. Le cessionnaire d'une créance n'en est saisi à l'égard des tiers, que par la notification au débiteur de l'acte de cession, ou par l'acceptation que ce dernier fait du trans- port dans un acte authentique 5. Art. 1690 et 1691.

Zachariae, § 180, texte in principio. Voy. sur la controverse à laquelle a donné lieu la question de savoir si le Code civil avait, comme la loi du 11 brumaire an VII, subordonné, quant aux tiers, l'efficacité des conven- tions translatives d'immeubles susceptibles d'hypothèques, à la formalité de la transcription : § 207, texte et note 8.

2 Cpr. § 369, texte et note 19.

3 Cpr. § 704, texte, lett. a.

* Gpr. § 696, texte no 2, notes 39 et suiv, 5 Gpr. § 359 bis, texte i.

NOTIONS GÉNÉRALES SUR L'ACQUIS. DES DROITS. § 174. 79

cl. Les hypothèques, simples ou privilégiées, ne devien- nent, en général, efficaces à l'égard des tiers, et n'ont de rang que du jour de leur inscription au bureau des hypo- thèques 6. Art. 2134 et 2166.

Quant à Fart. 1141, il ne doit pas être rangé au nombre des dispositions modificatives du principe posé en tête du paragraphe. Si, au cas de concours de ventes ou de dona- tions de choses corporelles mobilières, faites au profit de deux personnes différentes, la préférence est due à celle qui a été mise en possession réelle de la chose vendue ou donnée, encore que son titre d'acquisition soit postérieur en date, et pourvu qu'elle ait été de bonne foi, ce n'est qu'une conséquence de la maxime En fait de meubles pos- session vaut titre, et l'on ne saurait y voir une véritable exception à notre principe 7.

6 Gpr. % 369, 272 et 278.

7 Suivant plusieurs auteurs, l'art. 1141 ne pourrait s'expliquer qu'en envisageant la tradition comme nécessaire pour opérer, en matière mobilière, translation de propriété à l'égard des tiers, et ils en concluent que la disposition de l'art. 1141 déroge virtuellement à celle de l'art. 1138. Voy. Toullier, VII, 33 et 36 ; Troplong, De la vente, I, 42 ; Du- vergier, De la vente, I, 37 ; Jourdan, Thémis, Y, p. 487 ; Renaud, Revue de législation, 184o, II, p. 81 ; Hureaux, Revue de droit français et étranger, 1846, III, p. 772 et suiv., n°s 3o à 39 ; Hue, Rec. de Vacad. de lèg. de Toulouse, XII, p. 286 ; Zacharia?, § 180, texte 4. Le point de départ de cette argumentation est, à notre avis, erroné. Si le second acquéreur, mis en possession, est préféré, lorsqu'il est de bonne foi, ce n'est point parce que le premier acquéreur n'était pas devenu propriétaire de la chose vendue par le seul effet de la vente passée à son profit, mais uniquement parce que son action en revendica- tion se trouve écartée en vertu de la maxime En fait de meubles posses- sion vaut titre, comme le serait, au cas de vente de la chose d'autrui, celle du véritable propriétaire. Exposé de motifs, par Bigot-Préameneu, et Rapport au Tribunal, par Faure (Locré, Lég., XII, p. 328, no 36, et p. 332, 33). D'ailleurs, il ne faut pas perdre de vue que la préfé- rence n'est accordée au second acquéreur qu'autant qu'il est de bonne foi ; et cette condition ne se comprendrait pas en principe, si la propriété des meubles corporels ne devait se transférer, à l'égard des tiers, que par la tradition. Rivière, Revue de législation, 1851, 111, p. 311 et suiv. Marcadé, sur l'art. 1141, no 1. Larombière, Des obligations, I, art. 1141, no 18.

80

INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

£o Modification résultant de la loi du 5 juillet 1814 sur les brevets d' invention .

Aux tonnes de l'art. 20, al. 3, de eette loi, les cessions de brevets d'invention ne peuvent être opposées aux tiers, qu'à partir du jour elles ont été enregistrées au secréta- riat de la préfecture du département elles ont été pas- sées. 7 bis.

Modifications introduites par la loi du 23 mars 1855 sur la transcription .

Cette loi, dont l'objet principal a été d'assurer le cré- dit foncier, en consolidant la propriété immobilière au moyen de la publicité donnée à certains actes et jugements, par leur transcription sur les registres de la conservation des hypothèques, ne concerne que les droits réels immobiliers de propriété ou de servitude, et certains droits personnels dont l'existence est de nature à diminuer la valeur des im- meubles auxquels ils se rapportent.

D'un autre côté, la loi du 23 mars 1855 est étrangère, môme en ce qui concerne les droits dont il vient d'être parlé aux translations ou constitutions qui s'opèrent par l'effet direct et immédiat de la loi, par exemple à la transmission d'immeubles par voie de succession ab intestat, et à réta- blissement d'un usufruit légal sur des immeubles 8.

Enfin, cette loi ne s'étend pas indistinctement à toutes les transmissions ou constitutions de droits de la nature ci-

f)uvorgor, De l'effet de ta transcription, no 28. Colmet de Santerre, V, 57 bis,m. Dcmolombe, XXIV, 467 à -469. Laurent, XVI, 363 à 370, XXIX, 37. Cpr. sur l'art. 1141 : § 183, texte no 4 ; §349, texte in fine ; § 3o4. FollcviJle, Revue pratique, XX Vil, 35, 36. Dijon 28 mars 1876, S. 77, 2, 193 et note.

7 6/,s. Pouillct : Traité des brevets d'invention, nos 213 à 218.

8 Flandin, De la transcription, I, 357. Quid de l'usufruit du mari sur les biens de la femme et de la jouissance légale des père et mère ? Voy. | 228, texte in fine, notos 7 à 9. Quid des servitudes légales ? Voy. § 239 bis.

NOTIONS GÉNÉRALES SUR LACQUIS. DES DROITS. § 174. 81

dessus indiquée, môme opérées par le fait de l'homme. Celles qui résultent d'actes de dernière volonté, ne rentrent pas sous son application 9.

Les actes entre vifs et les jugements que la loi du 23 mars 1855 soumet à la formalité de la transcription, sont les suivants :

a. Les actes à titre onéreux 10, translatifs de propriété immobilière, et les actes constitutifs ou translatifs de droits réels immobiliers, susceptibles d'hypothèques. Art. 1, 1. Cpr. art. 2118.

à. Les actes, à titre onéreux ou gratuit ll, constitutifs, soit de servitudes réelles, soit de droits d'usage ou d'habitation. Art. 2, n°l.

c. Les actes constitutifs d'antichrèse, et les baux de plus de dix-huit ans. Art. 2, nos 1 et 4 n bis,

9 L'art. 1er de la loi du 23 mars 1855 ne s'applique, d'après son texte môme, qu'aux actes entre vifs ; et quoique ces dernières expressions ne se trouvent pas reproduites par l'art. 2, il n'en a pas moins été reconnu, dans tout le cours de la discussion de cette loi, que la formalité de la transcription devait rester étrangère aux actes de dernière volonté. Rap- portée M. deBelleyme (S., Lois annotées, 1855, p. 27, 4). Bressolles, Exposé sur ta transcription, no 21. Verdier, I, n 5. Lesenne, la trans- cription, no 4. Troplong,Dtf la transcription, nos 36 à 40 et 108. Flandin, op. cit., no 17. Laurent, XXIX, 39 et suiv.

10 Les mots à titre onéreux ne figurent pas au texte du no 1 de l'art. 1er de la loi du 23 mars 1855 ; nous les avons ajoutés dans notre rédac- tion, parce qu'il résulte du dernier alinéa de l'art. 11 de celte loi, qu'elle n'a pas dérogé aux dispositions du Code civil sur la transcription des donations d'immeubles susceptibles d'hypothèques, et qu'ainsi le 1 de l'art. 1er ne s'applique en réalité qu'aux actes à titre onéreux. Cpr. 704, texte, lett. b. Verdier, II, 859. Bressolles, op. cit., no 25. Quant aux immeubles par destination, Cpr. Laurent, XXIX, 54.

11 Sous ce rapport, la loi de 1855 est extensive des dispositions du Code civil qui ne soumet à la transcription que les donations entre vifs d'immeubles susceptibles d'hypothèques. Cpr. § 704, texte, lett. b, et notes 36 à 41. Flandin, no 681. Verdier, I, 229. ïroplong, Transcr., nos 112,364, 470. Mourlon, Transcr.,n<>*li0et suiv. Demolombe, Donations, III, 388.

11 bis. Est à considérer non comme un bail, mais comme un marché de fournitures, le traité portant au profit du propriétaire d'une usine à gaz. la concession de l'éclairage d'une ville. Paris, 10 juin 1869. 1). 70, 1, 303. n o

82 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

d. Les jugements constatant la translation ou la constitu- tion, d'après une convention Verbale, de droits réels ou per- sonnels de la nature de ceux indiqués aux lettres a, b etc 12. Art. l,n°3. Art. 2, 3.

e. Les actes portant renonciation à l'un des droits réels ou personnels énumérés aux lettres a, b et c, ainsi que les jugements constatant l'existence d'une pareille renonciation faite verbalement. Art. 1, n°* 2 et 3. Art. 2, nos 2 et 3.

/*. Les jugements d'adjudication, autres que ceux sur lici- tation au profit d'un cohéritier ou copartageant. Art. 1, 4.

g. Les actes ou jugements constatant en matière de baux, même au-dessous de dix-huit ans, le paiement ou la cession d'une somme équivalente à trois années de loyers ou fer- mages non échus. Art. 2, 5.

Les actes et jugements soumis à la transcription, ne sont point opposables aux tiers qui, ayant des droits sur des immeubles formant l'objet de ces actes ou jugements, les ont dûment conservés, par une transcription opérée ou par une inscription prise avant que ces mêmes actes ou juge- ments aient été transcrits. Art. 3, al. 1.

On doit dans cette matière considérer comme tiers, non- seulement ceux qui ont acquis sur un immeuble des droits réels proprement dits, mais encore les créanciers avec an- tichrèse, ainsi que les fermiers ou locataires en vertu de baux de plus de dix-huit ans 13.

12 II semblerait, au premier abord, résulter de l'économie de l'art. 2 de la loi du 23 mars 1855, que les jugements constatant l'exis- tence de baux verbaux de plus de dix-huit ans, ne sont pas, textuel- lement du moins, compris au nombre de ceux qui sont assujettis à la transcription. Voy. Bressolles, op. cit., no 32. Mais cette induction ne serait pas exacte. En soumettant à la transcription les baux d'une durée de plus de dix-huit ans, le 4 de l'article précité y soumet tout aussi bien les baux verbaux dont l'existence a été constatée par un jugement, que les baux écrits. Yerdier, I, 262.

13 Quoique l'antichrèse, dont l'efficacité est subordonnée à la détention de l'immeuble, n'emporte aucun droit de suite, et qu'elle ne constitue pas un vrai droit réel, et bien que le bail, quelle qu'en soit la durée, ne confère au preneur qu'un droit personnel, il n'en est pas moins certain, qu'au point de vue de la nécessité de la transcription et de ses effets, le législateur de 1855 a assimilé les actes constitutifs d'antichrèse et

NOTIONS GÉNÉRALES SUR L'ACQUIS. DES DROITS. § 174. 83

Les propositions précédentes, combinées avec les règles du Code Civil sur l'acquisition des droits par convention, conduisent entre autres aux applications suivantes.

Entre deux acquéreurs successifs du même immeuble, la préférence est due à celui qui le premier a fait transcrire son titre d'acquisition, quoiqu'il soit postérieur en date 13 bis.

En cas de collision entre l'acquéreur d'un immeuble et la personne au profit de laquelle a été constitué un droit d'u- sufruit ou de servitude réelle sur le même immeuble, la question de savoir si l'acquéreur est ou non tenu de suppor- ter ces charges, se résout exclusivement par l'antériorité

les baux de plus de dix-huit ans aux actes translatifs ou constitutifs de droits réels immobiliers, et a ainsi conféré aux créanciers à antichrèse et aux preneurs pour plus de dix-huit ans, qui se sont conformés aux dispositions de la loi en faisant transcrire leur titre, non-seulement la faculté d'opposer ce titre aux tiers, mais encore celle d'exciper eux-mêmes, en qualité de tiers, du défaut de transcription des titres de ceux qui voudraient contester l'efficacité de leurs droits. C'est dans ces idées qu'a été rédigé l'art. 3, qui accorde la faculté de se pré- valoir du défaut de transcription, non pas seulement aux tiers qui ont des droits réels sur l'immeuble, mais aux tiers qui ont des droits sur l'immeuble, de quelque nature que puissent être ces droits. L'intention du législateur à cet égard est d'autant plus certaine, que le mot réels, qui se trouvait dans la rédaction primitive de l'art. 3, a été, lors de la dis- cussion au Conseil d'État, retranché sur l'observation de M. Rouher, dans le but précisément d'étendre le bénéfice de cet article aux tiers qui, bien que n'ayant à faire valoir sur l'immeuble que des droits personnels, ont accompli la formalité de la transcription à laquelle ils se trouvent soumis. Voy. le passage de la discussion (inédite) au Conseil d'État, cités dans le Becueit général des lois et arrêts (S., 60, 1, 608, à la note). On pourrait sans doute objecter que le but de la loi de 1855 a été de conso- lider le crédit foncier, en protégeant les tiers-acquéreurs et les créanciers hypothécaires. Mais si tel est effectivement son objet principal, rien ne prouve que ce soit son but exclusif, et qu'on doive en rejeter l'appli- cation toutes les fois qu'il ne s'agirait plus des intérêts d'un tiers-ac- quéreur ou d'un créancier hypothécaire. N'était-il pas, d'ailleurs, naturel et équitable de faire participer aux avantages attachés à l'accomplissement de la transcription, tous ceux que l'on soumettait à la nécessité de cette formalité ?Martou, Des hypothèques, I, 66 et 91. Flandin, De la trans- cription, II, 1263 et 1264. Laurent, XXIX, 41.

13 bis. Pau 4 février 1884. D. 85, 2, 85. Cpr. Req., 31 mai 1875, S. 77, 1, 103.

84 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTlIv

de la transcription, soit de l'acte constitutif d'usufruit ou de servitude, soit de l'acte d'acquisition, sans égard à la date respective de ces deux actes.

En cas de collision entre l'acquéreur d'un immeuble et un créancier hypothécaire inscrit sur le même immeuble, l'efficacité ou l'inefficacité de l'hypothèque dépend unique- ment du point de savoir si elle a été ou non inscrite avant la transcription de l'acte d'acquisition, de telle sorte que, si l'ins- cription est antérieure à la transcription, l'hypothèque est ef- ficace, alors même qu'elle n'aurait été constituée que depuis l'aliénation, et que, réciproquement, si l'inscription est pos- térieure à la transcription, l'hypothèque est inefficace, bien qu'elle ait été constituée avec l'aliénation l*. Que s'il s'agis- sait d'une hypothèque légale dispensée d'inscription, elle serait efficace à rencontre de l'acquéreur, par cela seul qu'elle aurait pris naissance avant la transcription de l'acte d'aliénation. Art. 2133.

Les solutions qui viennent d'être données s'appliquent, mutatis mutandis, au cas un créancier à antichrèse se trouve en concours avec des tiers qui ont acquis des droits réels quelconques sur l'immeuble donné en nantissement.

La loi de 1855 n'ayant soumis à la formalité de la trans- cription, que les baux de plus de dix-huit ans, le sort des baux de dix-huit ans ou au-dessous, reste réglé par les dis- positions du Code civil.

Ainsi, de pareils baux sont opposables à l'acquéreur, pourvu qu'ils aient acquis date certaine antérieurement à l'aliénation, et ils ne peuvent, au cas contraire, lui être opposés, bien que leur date soit devenue certaine avant la transcription v\ Art. 1743.

Quant aux baux de plus de dix-huit ans transcrits, avant la transcription de l'acte d'aliénation, ils sont opposables à

14 23 février 1866, S., m, % 237. Req., 25 juillet 4877, S., 77, 1, 441 et note de Labbé. Bourges, 12 décembre 1887, S. 88, 2, 59. Vide inf'ra, § 209, note 80. Voy. cependant sur l'exception admise, en faveur du ven- deur et du copartageant, par le second alinéa de l'art. 6 de la loi du 23 mars 1855 : § 278.

15 Bressolles, op. cit., .rJ0. Lesenne, Commentaire, 77. Verdior, I, 399.

NOTIONS GÉNÉRALES SUR I,' ACQUIS. DES DROITS. § 174. 85

l'acquéreur pour toute leur durée, encore qu'ils n'aient été passés que postérieurement à l'acte d'aliénation 1G. Lors, au contraire, que de pareils baux n'ont pas été transcrits, ou ne l'ont été que postérieurement à la transcription de l'acte d'aliénation, ils ne sont opposables à l'acquéreur que pour une durée de dix-huit années 17, de sorte que le preneur ne peut demander le maintien de son bail que pour le restant de la période de 18 ans, dans laquelle il se trouve au mo~

15 Lcscnne, op. cit., 79. Rivière et Huguet, Questions sur la tratis- cription, n°s 216 et suiv. Flandin, op. cit., II, 4261 et 1262. Verdier, I, 416. Voy. en sens contraire : Bressolles, op. et loc. citt. ; Mourlon, Exa- men critique, app., 347.

17 II s'est élevé une assez vive controverse sur l'interprétation à donner au second alinéa de l'art. 3 de la loi du 23 mars 1855. La doctrine émise au texte se fonde principalement sur l'analogie qui existe entre la situa- tion que prévoit cette disposition, et l'hypothèse sur laquelle statue l'art. 1429 du Gode Civil. Cette analogie ne serait guère contestable, si, au lieu de ne soumettre à la transcription que les baux de plus de dix-huit ans, le législateur y avait assujetti les baux excédant neuf années. Or, nous ne voyons pas en quoi cette différence de terme peut infirmer l'argument d'a- nalogie qui ressort de l'art. 1429, puisqu'il s'agit toujours de savoir, d'a- près quelle base et suivant quel mode s'opérera la réduction de la durée du bail. Voy. en ce sens : Troplong, De la transcription, nos 203 et 204. Flandin, De la transcription, II, 1266 à 1269. Verdier, I, 409. Voy. aussi : Lesenne, De la transcription, no 73. Pont, Revue critique, 1857, X, p. 407 et suiv., no 9, et Des hypothèques, no 260. Ces derniers auteurs n'exami- nent la question que pour le cas le preneur se trouve encore dans la première période de dix-huit ans. D'après un autre système, le bail non transcrit devrait être maintenu pour une durée de dix-huit années, calcu- lée, non plus à partir de l'entrée en jouissance du preneur, ou de l'épo- que à laquelle a commencé une nouvelle période de dix-huit ans, mais bien à dater du moment les tiers avec lesquels ce dernier se trouve en collision, ont intérêt et qualité pour demander la réduction de la durée de son bail. Voy. en ce sens : Rivière et Huguet, Quest. sur la transcription, nos 232 et suiv. Lemarcis, Commentaire, p. 25, no 9. Mourlon, Examen critique, app., no 348, et Revue pratique, 1862, XIII, p. 321 et suiv. Mais ce système prête au second alinéa de l'art. 3 de la loi de 1855, un sens qu'il ne comporte pas. Cet article, en effet, ne dit pas que les baux non transcrits pourront toujours être opposés pour dix-huit années, tout au contraire, en statuant qu'ils ne peuvent jamais l'être pour plus de dix-huit ans, il donne clairement à entendre qu'ils sont susceptibles d'être réduits au-dessous de ce laps de temps, établi comme maximum, et non comme terme fixe et invariable de la durée du bail.

80 INTROÏM'CTION A LA SECONDE PARTIE.

ment de la transcription de l'acte d'aliénation 18. De pareils baux seraient même à considérer comme non avenus à l'é- gard de l'acquéreur, s'ils étaient postérieurs à l'acte d'alié- nation 19.

Entre deux baux de plus de dix-huit années portant sur le môme immeuble, la préférence se règle par la priorité du titre, pour le laps de dix-huit nus, et par l'antériorité de la transcription, pour ce qui excède ce terme20.

En cas de collision d'un bail de plus de dix-huit ans avec un bail de dix-huit ans ou au-dessous, la préférence est due à celui qui est antérieur en date, que le bail de plus de dix-huit ans ait ou non été transcrit 21.

A défaut de la transcription d'un acte ou jugement cons- tatant le paiement ou la cession d'une somme équivalente à trois années de loyers ou de fermages non échus, le paie- ment ou la cession ne peuvent être opposés, même pour moins de trois années, aux acquéreurs ou adjudicataires de l'immeuble loué, ni aux créanciers hypothécaires, à partir de la transcription de la saisie 22.

18 Les tiers qui ont acquis sur l'immeuble loué des droits sujets à trans- cription, ne pouvant les faire valoir qu'à partir de l'accomplissement de cette formalité, c'est à la date de la transcription, et non à celle de l'ac- quisition, qu'il faut se placer, pour déterminer dans quelle période de jouissance se trouve le preneur. Troplong, De la transcription, 203. Flandin, De la transcription, II, 1268 et 1269. Verdier, I, 410. Laurent, XXIX, 200.

19 La position d'un preneur par bail de plus de dix-huit ans, qui n'a pas fait transcrire ce bail, ou qui ne l'a fait transcrire que postérieurement à l'acte d'aliénation, ne peut pas être meilleure, sous l'empire de la loi de 1855, qu'elle ne l'était sous l'empire du Code civil. Et si la législation nouvelle lui donne le droit d'opposer son bail à l'acquéreur, pour une durée de dix-huit années, c'est dans la supposition qu'il est antérieur à l'aliénation. Lescnne, op. cit., 77. Verdier, I, 398 et 399.

20 Cpr. Troplong, De la transcription, 207. Sellier, Commentaire sur la loi du 23 mars 1855, 301 bis. Flandin, op. cit., H, 1273 et 1274. Yoy. en sens contraire : Bressolles, op. cit., 51.

21 Cpr. en sens divers : Troplong, op. cit., 208. Sellier, op. et loc. cit. Flandin, op. cit., II, 1275 et 1276. Verdier, I, 422.

22 La dernière partie de cette proposition se trouve justifiée par le rap- prochement des art. 678 et 685 du Code de procédure. Cpr. Caen, 21 dé- cembre 1874, D. 76, 2, 81. 11 a toutefois été jugé que les quittances ou

NOTIONS GÉNÉRALES SUR L'ACQUIS. DES DROITS. § 174. 87

Dans les applications précédentes, nous avons supposé des transcriptions opérées ou des inscriptions prises à des dates différentes, et sur l'antériorité respective desquelles il ne s'élève aucune difficulté. Mais il peut y avoir concours d'inscriptions ou de transcriptions effectuées le même jour. Dans ce cas, et sauf l'hypothèse spécialement prévue par l'art. 2147, la préférence se détermine d'après Tordre dans lequel les pièces remises par les parties ont été inscrites sur le registre de dépôt tenu par le conservateur des hypo- thèques, conformément à l'art. 2200 23.

cessions de loyers ou fermages consenties sans fraude peuvent même en l'absence de toute transcription être opposées aux créanciers hypothécai- res, sans distinguer entre ceux qui ont été inscrits antérieurement ou pos- térieurement à ces actes. Req. 6 mai 1867, S. 67, 1, 233. Mais il ne fau- drait pas étendre cette règle au delà du cas de bonne foi dûment constatée. i3 La solution donnée au texte nous parait virtuellement découler des dispositions de l'art. 2200, qui porte : « Les conservateurs ne pourront « transcrire les actes de mutation ni inscrire les bordereaux sur les re- « gistres à ce destinés, qu'à la date et dans l'ordre des remises qui leur « en auront été faites », et qui donne aux parties le droit de demander une reconnaissance rappelant le numéro du registre sur lequel a été ins- crite la remise de leurs pièces. Cet article, en effet, a été ajouté à la de- mande du Tribunat, qui en a expliqué le but, en disant : « La mesure « proposée évitera les suites des méprises, et assurera le droit des parties « intéressées dans l'ordre des jours elles auront fait leurs réquisitions» (Locré, Lég.f XVI, p. 322, 18). La même pensée se trouve reproduite dans le Rapport de Grenier (Locré, Lég., XVI, p. 400 et 401). Il résulte de là, à notre avis, que les rédacteurs du Code sont partis de l'idée que l'antériorité de la remise des pièces constitue pour les parties un droit ac- quis, dont une méprise du conservateur ne doit pas les priver, et' qu'ainsi c'est par la priorité du numéro d'ordre que se détermine la préférence. Ducruet, 14 bis. Fons, Précis sur la transcription, no 45. Sellier, De la transcription, no 170. Dalloz, Jur. gén., \o Transcription, no 519. Flandin, op. cit., II, 920 à 923. Paris, 9 février 1877, S., 77, 2, 55. Di- vers autres systèmes ont été proposés par Troplong (op. cit., nos 192 et suiv.), Bressolles (op. cit., no 45), Rivière et Huguet (Questions sur la transcription, nos 203 et 204) el Mourlon (Revue pratique, 1856, 1, p. 477 et suiv., no 2). Suivant le premier de ces auteurs, la question serait pure- ment de fait, et devrait, en l'absence de règle écrite, se décider d'après les circonstances de la cause, et eu égard notamment à l'ordre dans le- quel se trouve inscrite la remise des pièces sur le registre à ce destiné. Mais cette opinion qui, dans ses résultats pratiques, concordera le plus

88 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

Cette règle s'applique, non-seulement au concours de deux transcriptions, mais encore à celui d'une transcription et d'une inscription effectuées le même jour

2*

souvent avec la nôtre, ne nous paraît pas exacte en théorie. Selon nous, la question est plutôt de droit que de fait, et se trouve décidée par l'art. 2200. D'après Bressolles, Rivière et Huguet, la préférence appartiendrait à celui des deux acheteurs dont le titre a le premier reçu date certaine, ou, si leurs titres sont de même date, à celui qui se trouve en possession. Cette solution n'est pas admissible, parce qu'elle est puisée dans un ordre d'idées que la loi de 1855 a précisément eu pour but d'écarter. Enfin, Mourlon, sans tenir aucun compte de la priorité d'inscription sur le re- gistre d'ordre, donne la préférence à la transcription qui, de fait, se trouve portée la première sur le registre des transcriptions. Voy. Verdier, I, 386. Nous examinerons, texte et note 25 infrà, le mérite de ce système. " Dalloz, op. etvo citt., no 520. Flandin, op. cit., II, 924 et 925. Ver- dier, 1,389 et suiv. Trib. Arras, 5 juillet 1860, S., 60, 2, 481. Trib. Forcal- quier, 30 décembre 1880, S. 81, 2, 47. Bastia, 12 décembre 1881, S. 83, 2, 9. Req., 18 décembre 1888, S., 89, 1, 64. Cpr. Bourges, 12 décembre 1887, S., 88, 2, 59 : cet arrêt ne tranchait pas la question, il se contentait de décider que l'acquéreur, ne prouvant pas l'antériorité de la transcrip- tion de son titre, devait, en vertu de l'art. 131 S G. C.,être débouté de la demande : la Chambre des Requêtes a sanctionné le principe admis au texte. Diverses autres opinions se sont produites. Suivant Ducruet (op. et loc. citt.) et Sellier (op. cit., no 225), qui se fondent sur l'art. 2147, et sur cette idée qu'un droit de propriété et un droit d'hypothèque, ayant pour objet le même immeuble, ne sont point incompatibles, on devrait admettre la concurrence entre l'acquéreur et le créancier hypothécaire, dont la trans- cription et l'inscription auraient été faites le même jour, sans égard à la priorité de la remise des pièces par l'un ou par l'autre. Mais ces arguments ne nous paraissent pas concluants. Nous ne pouvons voir dans l'art. 2147 qu'une disposition exceptionnelle, qui n'est pas susceptible d'être étendue du cas prévu par cet article à celui dont il est actuellement question. D'un autre côté, si un droit de propriété et un droit d'hypothèque peuvent simul- tanément exister sur le même immeuble, il n'en est pas moins légalement impossible qu'une constitution d'hypothèque et une aliénation, consenties par le même individu , deviennent l'une et l'autre simultanément efficaces, de telle sorte qu'il y eût lieu à partage de la valeur de l'immeuble entre l'ac- quéreur et le créancier hypothécaire. De deux choses l'une, en effet : ou l'hypothèque a été inscrite avant la transcription, ou elle ne l'a été qu'a- près. Au premier cas, elle sera efficace pour le tout ; au second, elle res- tera sans aucun effet. La difficulté se réduit donc à une question de prio- rité de l'inscription ou de la transcription, question qui doit se résoudre d'après la règle posée au texte. Trib. civ.d'Arras, 5 juillet 1860. S., 60,2, 481. Caen, 23 février 1866, S. 67, 2, 236. Trib. de Die, 17 juin 1868, S.,

NOTIONS GÉNÉRALES SUR L 'ACQUIS. DES DROITS. § 174. 89

La circonstance que deux transcriptions faites le même jour, l'auraient été dans un ordre inverse de celui qu'indi- que le registre de dépôt, ne suffirait pas pour faire écarter la règle dont s'agit 2% sauf, dans ce cas, le recours contre le conservateur, de la part de celui qui aurait été induit en er- reur par la faute de ce fonctionnaire.

Mais la règle ci-dessus posée fléchirait devant la preuve d'une fraude ou d'une erreur commise par le conservateur,

69, 2, 153. Selon Bressolles (op. cit., no 85), et Godoffre, Journal des avoués, LXXX, art. 2243, p. 665,1a préférence se réglerait) comme au cas prévu dans la note précédente, par l'antériorité du titre, de manière que l'inscription prise en vertu d'un titre antérieur à l'acte d'aliénation, l'em- porterait sur la transcription de cet acte faite le même jour. Mais ne se- rait-ce pas aller directement contre l'esprit de la loi du 23 mars 1855, que d'accorder la préférence au moins diligent ? Enfin, d'après une dernière opinion, admise par le tribunal de Bagnères-de-Bigorre (24 février 1859, S., 60, 2, 427), la préférence devrait toujours et nécessairement être accordée a l'inscription, par le motif que le créancier hypothécaire aurait tout le jour de la transcription pour s'inscrire utilement. Il en serait sans doute ainsi, si l'art. 6 de la loi du 23 mars 1855 disait : passé le jour de la transcription y les créanciers ne peuvent prendre utilement ins- cription. Mais ce n'est point ainsi qu'il s'exprime, et en disant : à partir de la transcription, etc., il indique, de la manière la plus claire, que l'ins- cription prise après la transcription, fût-ce d'ailleurs le môme jour, n'est cependant qu'une inscription inutile. Cpr. Grenoble, 1er juillet 4865, S., 65, 2, 332.

25 Mourlon (op. et loc. cilt.) émet à cet égard une opinion contraire. Selon lui, la préférence entre deux acquéreurs dont les titres auraient été transcrits le mômejour, se réglerait toujours parl'ordrematériel dans lequel les deux transcriptions se trouvent portées sur le registre destiné à les recevoir, sans égard à l'ordre dans lequel les remises de pièces ont été inscrites sur le registre de dépôt. A l'appui de son opinion, cet auteur dit que le registre des transcriptions forme la loi unique des parties, qui n'ont point à s'enquérir des mentions consignées au registre de dépôt, et qui ne peuvent respectivement se les opposer. Dans le même sens, Verdier, I,n°3 386, 387. Mais c'est précisément la question qu'il s'agit de résoudre dans l'hypothèse où, par extraordinaire, le conservateur n'aurait pas suivi, pour opérer les transcriptions, l'ordre indiqué par ce dernier re- gistre ; et, sur ce point, nous nous bornerons à nous en référer aux ob- servations présentées à la note 23 suprà. Nec obstal Riom, 30 décembre 1884, D., 86, 2, 220. C'est une question d'espèce. Le même immeuble, compris par erreur dans les deux lots d'une seule adjudication, avait été adjugé à deux personnes différentes : le procès-verbal d'adjudication avait

90 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

dans l'ordre d'inscription, sur le registre de dépôt des piè- ces qui lui ont été remises M,

La transcription, simplement destinée à assurer la publi- cité de certains actes ou jugements, n'efface pas les vices dont ils seraient entachés. On peut donc attaquer un con- trat qui a été transcrit, par les mômes moyens que s'il ne l'avait pas été 27.

Les notions générales sur la transcription, exposées au pré- sent paragraphe, seront complétées au paragraphe suivant. Elles seront développées, en ce qui concerne spécialement les actes translatifs de propriété immobilière ou constitu- tifs de servitude, dans la théorie de la propriété et dans celle des servitudes. Nous ajouterons seulement ici, pour terminer cet aperçu sommaire, que la loi du 23 mars 1855 n'est devenue exécutoire qu'à partir du 1er janvier 1856, et que celles de ses dispositions qui sont relatives à la trans- cription, ne s'appliquent qu'aux actes passés et aux juge- ments rendus depuis cette époque 27 bis.

La loi du 23 mars 1855 a encore apporté une autre modification au principe posé en tête de ce paragraphe. D'après Fart. 9 de cette loi, modifié par la loi du 13 février 1889, les créanciers subrogés à l'hypothèque légale d'une femme mariée, n'en sont saisis à l'égard des tiers, que par

été transcrit en bloc et en même temps. Qui était propriétaire ? C'est, dit l'arrêt, celui à qui a été adjugé le premier des deux lots, et il résout la question d'après l'ordre chronologique des deux adjudications. Il fallait trouver une raison de décider, et celle-là est acceptable.

26 Cette preuve, en effet, détruirait la foi due au registre de dépôt. Du- cruet, Fons et Sellier, opp. et locc. çitt. Dalloz, op. et citt., 549. Flandin, op. cit., H, 941 .

-7 Arg. art. 4; loi du 43 mars 1855. Merlin, Quest., Expropriation forcée, § 1er, nos 1 et 2. Grenier, Des hypothèques, II, 368. Bressolles, op. cit., n«s 40 et 60. Dalloz, op. et i>° citt., nos 504 à 500. Flandin. op. cit., II, 904. Zachariae, § 408, texte et note 5. Verdier, I. 384. Req., 17 prairial an XIH, S., 5, 4,330. Nîmes, 401'rimaire an XIV, S., 6, 4, 107. Req., 44 mars 1809, S., 9, 1, 408.

27 bis. Celle disposition ne pcul s'appliquer qu'aux actes susceptibles de transcription, c'est-à-dire aux conventions écrites, et non aux conventions verbales qui n'ont d'existence légale à l'égard des tiers que lorsqu'elles ont été constatées par jugement. Civ. îej.. 11 janvier 1870. I). 70, 1. 60.

NOTIONS GÉNÉRALES SUR L' ACQUIS. DES DROITS. § 17 k bis. 91

l'inscription de cette hypothèque à leur profit, ou par la mention de la subrogation en marge de l'inscription préexis- tante. Cette modification ne s'applique pas aux subrogations consenties par des créanciers hypothécaires autres que des femmes mariées 28.

Du reste, dans les hypothèses la préférence entre deux prétendants-droit se règle par l'antériorité du titre, abstrac- tion faite de toute transcription ou inscription, cette anté- riorité ne peut s'établir qu'au moyen d'un acte authentique ou d'un acte sous seing privé ayant acquis date certaine. Art. 1328.

§174 bis.

De la manière dont s'effectue la transcription. Des actes qui, sous le rapport de leur forme, sont susceptibles d'y être soumis. Des per- sonnes qui peuvent ou qui doivent la requérir.

La transcription dont il est ici question *, consiste dans la copie littérale, sur un registre public tenu par le conserva- teur des hypothèques, des actes ou jugements qu'on peut ou qu'on doit soumettre à cette formalité 2.

En règle, les actes et jugements à transcrire doivent l'ê- tre en entier 3. Art. 2181. Il en est ainsi même des actes

28 Voy. § 288, texte et note 11.

1 La transcription, en général, est la copie d'un acte quelconque sur un registre public. Ce mot se trouve, à plusieurs reprises, employé dans ce sens, au Code de procédure. Voy. art. 678 et suiv., 719 et 720.

2 L'art. 3 projet primitif de la loi du 23 mars 1855 avait introduit un nouveau mode de transcription, qui se composait du dépôt d'une copie de l'acte à transcrire, et d'une inscription par extrait sur le registre du con- servateur. Mais, à la demande de la Commission du Corps législatif, qui a pensé que le mode de transcription suivi jusqu'alors était préférable, la suppression de cet article a été consentie par le Conseil d'État. La trans- cription continue donc à se faire dans la forme indiquée parl'art. 2181. Cpr. Instruction de la régie, du 24 novembre 1855, sur l'exécution de la loi du 23 mars 1855. Bressolles, Exposé sur la transcription, 27. Ver- dier, I. 268.

3 Les conservateurs ont-ils qualité pour refuser la transcription d'un acte présenté en extrait seulement ? Voy. pour l'affirmative : Mourlon, De la transcription, I, 217. Flandin, De la transcription, I, 775. Amiens, 15 novembre 1838, S., 39, 2,241. Orléans, 7 juin 1839, S.,, ,39, 2, 342. Paris, 16 juin 1840, S., 40, 2, 487. Civ. rej., 28 mai 1862, S.,

92 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

d'échange*, et des actes contenant vente simultanée d'im- meubles et de meubles aliénés pour un seul et même prix \

Toutefois, s'il s'agissait d'actes qui, tels que les contrats de mariage, peuvent contenir des conventions diverses, les unes susceptibles, les autres non susceptibles de la forma- lité, il suffirait de faire transcrire les parties de l'acte rela- tives aux premières 6, à moins que, dans leur ensemble, ces diverses conventions ne constituassent un tout indivisible 7.

D'un autre côté, en matière d'adjudication aux enchères publiques, et par lots, chaque adjudicataire est admis à faire transcrire séparément la partie du procès-verbal qui le concerne, mais avec copie entière du cahier des charges8.

Du reste, les procurations et autres pièces annexées aux actes présentés à la transcription, ne doivent pas être trans- crites avec ces actes 9.

La transcription se fait au bureau de la conservation des hypothèques de l'arrondissement dans lequel se trouvent si- tués les immeubles formant l'objet des actes à transcrire. Art. 2181.

62, 1, 961. Verdier, I, no 268. ChampionnièreetRigaud, Traité des droits d'Enregistrement,lY, no 4035. Cpr. Civ. Cass., 26 nov. 1884,S.,86,1,255.

4 Troplong, Des hypothèques, IV, 911. Flandin, De la transcription, I, 779. Voy. en sens contraire : Grenier, Des hypothèques, II, 369. Verdier, I, 270. Cpr. n°s 239, 240. (On suppose que les deux immeubles sont si- tuées dans le même arrondissement).

3 Mourlon, De la transcription, I, 221. Flandin, op. cit., I, 783 et 784. Verdier, I, 273.

6 Mourlon, Tram., 50 et 51. Laurent, XXIX, 74. Verdier, I, 269; 131 et 132. Bressolles, op. et toc. cilt. Troplong, De la transcription, nos 89 et 125. Rivière et Huguet, Quest. sur la transcription, no 250. Flandin, op. cit., I, 781. Mourlon, op. cit., I, 225.

7 Amiens, 15 novembre 1838, S., 39, 2, 241. Civ. rej., 28 mai 1862, S., 62, 1, 961.

8 Grenier, op. et loc. cilt. Troplong, op. cit., no 124. Flandin, op. cit., I, 776. Mourlon, op. cit., I, 221. Orléans, 7 juin 1839, S., 39, 2, 342. Cpr. Paris, 26 juin 1840, S., 40, 2, 487.

9 Merlin, Quest., Transcription, § 3, no 2. Bressolles, op. et loc. cilt. Rivière et Muguet, op. cit., 60. Alourlon, op. cit., 1, ±2C). Troplong. op. cit., nos hq et 1^7. Flandin, op. cit., I, 119 et 789. Verdier, I, 273. Voy. en sens contraire : Martou, Des hypothèques, 1, 54. Laurent, XXIX, nos 130 à 140.

NOTIONS GÉNÉRALES SUR L ACQUIS. DES DROITS. § 174 bis 93

Lorsque ces actes portent sur des actions immobilisées de la Banque de France, la formalité s'accomplit à Paris 10.

Les actes qui contiennent des conventions relatives à des immeubles situés dans des arrondissements différents, doi- vent être transcrits dans les bureaux de chacun de ces ar- rondissements, quand bien même ces immeubles feraient partie d'un seul et même domaine ".

Les actes sous seing" privé sont admis à la transcription, tout aussi bien que les actes authentiques I2. Il en est de même des actes passés en pays étranger 13.

La transcription peut être requise par toute partie inté- ressée, agissant, soit en personne, soit par le ministère d'un fondé de pouvoir. Tout porteur de la pièce nécessaire pour l'opérer, est présumé avoir mandat à cet effet ".

Les administrateurs du patrimoine d'autrui, tels que les maris ou tuteurs, sont, en vertu d'une obligation inhérente à leur qualité, tenus de requérir, dans l'intérêt des person- nes dont ils administrent les biens, la transcription des ac- tes passés au profit de ces personnes ou de leurs auteurs ,5S. Mais ces dernières ne sont point restituables contre le dé- faut de transcription, sauf le recours, s'il y échet, contre les administrateurs de leurs biens 16.

10 Rivière et Huguet, op. cit., no43o. Flandin, op. cit., I, 788.Mourlon, op. cit., I, 228. Verdicr, I, 275.

11 Troplong. op. cit., no 133. Flandin. op. cit. A, 785. Mourlon, op. cit., I, 45, 133 et 228. Verdier, I, 279.

Discussion an Co7iscil d'État (Locré, Lég., XVI, p. 282 et 283). Avis du Conseil d'État des 3-12 floréal an XIII. Ilapport fait au Corps légis- latif, par M. de Belleyme (S., Lois annotées, 1855, p. 28, no 7). Merlin, Iiép., Transcription, § 2, 1. Grenier, op. cit., II, 359. Bressolles, op. cit., 28. Troplong, op. cit., no 135. Flandin, op. cit., 1,23. Mour- lon, op. cit., I, 213. ZacharicP, § 207, texte et note 5. Verdier, I, 280.

13 Bressolles, op. cit., 44. Flandin, op. cit., I, 55 et 56.

14 Tarrible, Iiép., Transcription, §3, no 1. Battur, Des hypothèques, no 543. Mourlon, op. cit., I, 243 à 247. Zachariœ, § 207, texte et note 2. Verdier, I, 287 bis. Laurent, XXIX, no 151.

13 Cpr. Mourlon, op. cit., I, 248 et suiv. Verdier, I, 294 et suiv.

16 Art. 942, et arg. de cet article. Bressolles, op. cit., no 55. Troplong, op. cit., no 196. Rivière et Huguet, op. cit., 156. Flandin, op. cit., I, 816 et 817 ; 11, 870. Verdier, I, 303. Cpr. § 704, texte et notes 12 à 16.

94 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

Le requérant doit déposer, entre les mains du conserva- teur, une expédition de l'acte à transcrire, s'il est' authenti- que,ou cet acte lui-même, s'il est sous seing privé. Toutefois, si la transcription avait été opérée sur une simple copie, elle n'en produirait pas moins son effet, à supposer que cette copie fût conforme au titre 17.

Le conservateur n'est juge, ni de la validité des actes présentés à la formalité, ni de Futilité ou de l'inutilité de son accomplissement, et il ne peut, sous aucun prétexte, refuser ni retarder la transcription de ceux qui en sont sus- ceptibles 18. Art. 2199. Il est tenu de faire mention, sur un registre d'ordre, ou de présentation, des actes à transcrire déposés entre ses mains, et de délivrer au requérant, si celui-ci l'exige, une reconnaissance indiquant la date de ce dépôt, et le numéro sous lequel il est inscrit au regis- tre 19. Art. 2220.

La transcription doit se faire à la date et dans Tordre des présentations. Art. 2200 19 bis . Elle est mentionnée par le conservateur sur l'expédition ou l'original de l'acte qui lui a été présenté, et qu'il est tenu de restituer au requérant. Art. 2181, al. 2.

Les frais de la transcription sont avancés par ce dernier,

« Flandin, op. cit., I, 795 et 796.

18 Rivière et Huguet, op. cil., 167. Flandin, op. cit., 1, 790 et 791. Mourlon, op. cit., I, 214, Verdier, I, 281. Cpr. Civ. cass., 11 mars 1829, S., 29, 1,163. Voy. cep. Mourlon, 215-217. Laurent, XXIX, 134, et en matière d'inscription hypothécaire : Agen, 6 août 1852, S., 52, 2, 428. Req., 3 janvier 18o3, S.." 53, 1, 422.

19 Le déposant a le droit d'exiger cette reconnaissance ; mais le con- servateur ne peut le forcer à la recevoir et en payer les frais. Martou, Des privilèges et hypothèques, IV, 1593. Mourlon, op. cit., I, 232 à 234. Voy. en sens contraire : Décisions ministérielles des 14 et 28 ventôse an XIII et 6 août 1821 ; Troplong, Des hypothèques, IV, 1009 ; Pont, Des privi- lèges et hypothèques, 1432.

v> bis. Au cas la vente et la saisie; d'un immeuble ont été transcrites le même jour, le numéro du récépissé de dépôt mis à la suite des actes dont la transcription a été requise, l'ait présumer que l'acte portant le nu- méro le moins élevé a été transcrit le premier. Ileq., 18 décembre 1888, S. 89, 1, 64. Cpr. Bourges, 12 décembre 1887, S. 88, 2, 59.

NOTIONS GÉNÉRALES SUR L'ACQUIS. DES DROITS. § 175. 95

sauf à lui à les récupérer, le cas échéant, contre qui de droit n ter.

Les règles relatives à la responsabilité des conservateurs seront exposées au § 268.

§175.

Des différentes espèces de successeurs.

Une personne succède à une autre, lorsqu'elle recueille ou acquiert, en vertu de la loi ou de la volonté de l'homme, tout ou partie des droits de cette dernière, avec la faculté de les exercer désormais en son propre nom \

La personne qui se trouve investie d'un droit, non comme le tenant d'une autre personne, mais de son propre chef, ne saurait être considérée comme le successeur de celle-ci, bien qu'il s'agisse du même droit, perdu par l'une, et acquis par l'autre. Ainsi, celui qui devient, par l'effet de l'usuca- pion, soit de trente ans, soit de dix à vingt ans, proprié- taire d'un immeuble, n'est pas le successeur de la personne au préjudice de laquelle s'est accomplie l'usucapion.

D'un autre côté, lorsque, par suite de la révocation, de l'annulation, ou de la rescision d'un acte, un droit ne fait queretournerà celui qui en était primitivement investi, ce der- nier n'est pas le successeur de la personne au préjudice de la- quelle s'estopéréelarévocation, l'annulation, ou la rescision.

A plus forte raison, ne peut-on considérer celui au pro- fit duquel s'éteint une charge dont ses biens étaient grevés,

19 ter. La transcription des actes translatifs de propriété étant indivisi- ble, le droit proportionnel à percevoir lors de l'enregistrement des actes de celte nature, doit être calculé sur la totalité du prix avancé, quelle que soit l'affectation de l'usufruit et de la nue propriété de ce prix. (av. cass., 30 novembre 488o, S. $ti, 1, 433, et la note en sens opposé. Cpr. Giv. cass., 2 décembre 1854, S. 52, 1. 130.

1 Les créanciers exerçant, en vertu de l'art. 1166, et au nom de leur débiteur, les droits et actions qui lui compétent, ne sont donc pas de véritables successeurs. Zachariae, § 179, lexte et note 1. Voy. cep. § 342, texte et note 13. Cpr. sur la position des créanciers, en ce qui concerne en particulier l'application des art. 944, 1322 et 1328 : § 704, texte, notes 26 et 27 ; | 7o6, texte no 2, lett, e, notes 103 à 107.

96 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

comme le successeur de la personne investie du droit cor- respondant à cette charge Ainsi, le nu-propriétaire n'est pas, en cas d'extinction de l'usufruit, le successeur de l'usu- fruitier 2.

Les successeurs se divisent en successeurs universels et successeurs particuliers.

Les premiers sont ceux qui succèdent à l'universalité, ou à une quote-part de l'universalité, des biens d'une personne décédée 3.

Les seconds sont ceux qui ne succèdent qu'à des objets particuliers. Tels sont les acquéreurs, les fermiers ou loca- taires, les cessionnaires, les créanciers subrogés aux droits d'un autre créancier, et les légataires à titre particulier. Le donataire entre vifs de tous les biens présents du donateur n'est aussi qu'un successeur à titre particulier 4. Il en est de même du légataire, en usufruit seulement, de l'universa- lité ou d'une quote-part de l'universalité des biens d'une personne décédée. Il en est encore ainsi du légataire d'une succession recueillie par le testateur 5.

Parmi les successeurs universels, il en est qui sont cen- sés continuer la personne du défunt auquel ils succèdent : on les nomme représetitanls.Tels sont les parents légitimes appelés par la loi à recueillir une hérédité. Art. 724. Tels sont encore les légataires universels, quand il n'existe pas d'héritiers à réserve. Art. 1006.

Les successeurs universels qui ne sont pas censés conti-

2 Zachariœ, § 179.

3 Notre Droit assimile à des successeurs universels, les légataires, soit de tous les meubles ou de tous les immeubles, soit d'une partie aliquote des meubles ou des immeubles, bien que de pareils legs ne portent pas sur une partie aliquote du patrimoine. Art. 1010. D'un autre côté, notre Droit considère comme une universalité juridique, distincte de l'hérédité, les biens formant l'objet d'un retour successoral, et soumet ceux/jui l'exer- cent à l'obligation de contribuer au paiement des dettes, proportion- nellement a la valeur de ces biens, comparée à celle de l'hérédité propre- ment dite. Cpr. § 608, texte no 2.

4 Cpr. | 576, texte no 3 ; §698, texte in fine ; § 706, texte et note 2.

5 Cpr. sur ces doux points : § 714, texte, notes 15 et 46.

NOTIONS GÉNÉRALES SUR L'ACQUIS. DES DROITS. § 175. 97

nuer la personne du défunt, sont les successeurs irréguliers, les légataires à titre universel, et même les légataires universels, quand il existe des héritiers à réserve. Art. 724, 1006 et 1011.

Les successeurs universels sont en même temps succes- seurs particuliers par rapport aux objets particuliers com- pris dans l'universalité à laquelle ils succèdent.

La loi emploie fréquemment le mot ayants-cause , qui, sui- vant son acception ordinaire, ne désigne que les successeurs à titre particulier. C'est par ce motif que, dans les disposi- tions légales qui doivent s'appliquer aux diverses espèces de successeurs, le législateur se sert cumulativement des ter- mes6 représentants et ayants-cause, ou héritiers et ayants- cause.

De nombreuses difficultés se sont élevées sur la portée du mot ayant-cause, surtout en tant qu'il est employé par opposition au terme tiers. A cet égard, il importe de remar- quer que, suivant la nature de la contestation et les préten- tions qui se trouvent en conflit, la même personne est, tan- tôt l'ayant cause de telle autre personne, tantôt un tiers, de sorte que la signification des mots tiers et ayant-cause ne peut pas se déterminer d'une manière absolue et a priori, et que le sens véritable et relatif de ces termes doit être fixé scciindum subjectam materiam 7.

La position des successeurs universels, quanta leurs droits et à leurs obligations, sera expliquée dans la théorie du pa- trimoine ; nous n'aurons à nous occuper ici que des succes- seurs particuliers.

§ 176.

De la position des successeurs particuliers, au point de vue des droits qui leur compétent en cette qualité.

Le successeur particulier jouit de tous les droits et

6 Cpr. art 137, 1122 et 1322.

' Cpr. art. 941, § 704, texte et note 31 ; art. 1322 et 1H28, § 756, texte no ;2, lett. b, notes 97 à 99. Laurent XVI. 12.

n 7

§£ INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

actions que son auteur avait acquis dans l'intérêt direcl de l;i chose, corporelle ou incorporelle, à Laquelle il a succédé . c'est-à-dire des droits cl actions qui se sonl identifiés avec cette chose, comme qualités actives, ou qui en sont deve- nus des accessoires \ C'est ainsi que, même en L'absence de toute stipulation spéciale, l'acquéreur d'un immeuble profite des servitudes établies pour l'avantage de cet im- meuble, et que le cessionnaire d'une créance jouit des pri- vilèges, des hypothèques, ou des autres sûretés qui s'y trouvaient attachés. Art. 109*2 et 2112. C'est ainsi encore que Faction résolutoire pour défaut de paiement d'un prix de vente, passe de plein droit au cessionnaire de ce prix 8. C'est ainsi, enfin, qu'un sous-acquéreur peut exercer l'ac- tion en garantie pour cause d'éviction, contre le vendeur originaire, alors môme que, comme successeur à titre gra- tuit, il ne jouirait d'aucun recours en garantie, contre son au- teur immédiat, ou qu'il aurait renoncé, en faveur de ce

1 L'acquéreur est évidemment, dans ces conditions, l'ayant-cause du vendeur, en ce qui concerne les droits et actions qui se rattachent à la chose formant l'objet principal de la transmission, tout comme pour celte chose elle-même. Mais aussi n'est-ce que dans ces conditions qu'il peut se dire investi, en vertu de Tari. l\±2. et en qualité d'ayant-cause, des droits et actions de cette nature. La formule que nous avons adoptée diffère de celle proposée parZachariae(§ 183, texte inprimipio). Suivant cet auteur, le successeur particulier jouirait de tous les droits qui peuvent être con- sidérés comme corrélatifs aux obligations qui pèsent sur lui en cette qua- lité. La proposition ainsi énoncée suppose que le successeur particulier peut être tenu de certaines obligations de son auteur. Mais cette suppo- sition est, à notre avis, inexacte : ainsi que nous l'établirons au §176 bis. le successeur particulier n'est directement tenu d'aucune des obli- gations personnelles de son auteur, pas même de celles qui dériveraient de conventions passées par rapport à la chose qui lui a été transmise. Ce n'est donc pas dans une corrélation entre deux termes dont l'un fait dé- faut, qu'on peut trouver la solution du point de savoir quels sont les droits et actions qui passent au successeur particulier avec la chose à laquelle il succède ; c'est dans l'existence ou la non-existence d'un lien juridique entre cette chose et ces droits qu'il faut la chercher.

2 Cpr. § 359 bis, texte no il et note 'Xk

NOTIONS GÉNÉRALES SUR L'ACQUIS. DES DROITS. 1 176. 99

dernier, au recours qui lui appartenait comme successeur à litre onéreux 3.

Au contraire, le successeur particulier ne peut, à moins dune cession spéciale, expresse ou virtuelle *, se prévaloir des droits et actions qui, bien que nés de conventions pas- sées par son auteur au sujet de la chose à laquelle il a suc- cédé, ne rentrent point dans la catégorie de ceux dont il a été précédemment parlé s. Il suit de que l'acquéreur d'un terrain ne peut, à moins de cession spéciale, se pré- valoir du bénéfice des conventions passées par son auteur avec un tiers, qui se serait engagé à élever des constructions sur ce terrain, ou à y faire des travaux d'amélioration 8. 11 résulte môme de ce principe que l'acquéreur d'un immeuble loué ne peut, en l'absence de cession spéciale, contraindre le preneur à l'exécution du bail 7. Il en serait ainsi, alors même que le bail ayant acquis date certaine antérieure- ment à la vente, l'acquéreur se trouverait privé de la fa- culté d'expulser le preneur 8.

3 Cpr. § 355, texte 1, notes 2;> et 24 ; § 75o, texte et note 12.

4 A cet égard, il importe de remarquer que l'acquéreur d'une chose, au sujet de laquelle son auteur avait passé une convention avec un tiers, est censé virtuellement subrogé aux droits résultant de cette convention, lors- que son contrat d'acquisition lui impose l'obligation de l'exécuter.

5 Le successeur particulier ne pourrait, dans cette hypothèse, se pré- valoir des dispositions de l'art. 1 1:2:2. Ayant cause de son auteur, quant à la chose même formant l'objet de son acquisition, il ne l'est plus, en ce qui concerne le bénéfice de droits ou d'actions qui, bien que nés de con- ventions passées au sujet de celle chose, ne se sont pas identifiés avec elle, et n'en sont pas devenus des accessoires. 11 n'est, à ce point de vue, qu'un tiers, qui ne peut pas plus profiler de pareilles conventions, qu'elles ne peuvent lui être opposées. Art. 1165.

G Voy. en sens contraire : Toullier, VI, 424.

7 Cette proposition ne parait pas susceptible de difficulté, lorsque le bail n'est point opposable à l'acquéreur. Pothier, Du contrat de louage, n" 298. Duranton, XVII, 147. Zachariae, § 183, texte et note 2. Voy. cep. en sens contraire : Delvincourt, III, part. II, p. 199.

8 En vain objecterait-on qu'entre l'acquéreur et le preneur il doit y avoir réciprocité de droits ; que l'acquéreur, succédant aux obligations du bailleur, et se trouvant, à ce titre, tenu de maintenir le bail, il doit, par cela même, pouvoir contraindre le preneur à l'exécuter. L'acquéreur,

100 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

Un successeur n'acquiert pas, comme tel, des droits plus étendus ni plus solides que ceux dont jouissait son au- teur. Nemo plusjuris ad alium transferre potest, quam ipse haberet °.

De ce principe découlent lestconséquences suivantes :

a. La convention par laquelle une personne aliène une chose dont elle n'a jamais été propriétaire, ou dont elle avait déjà antérieurement transféré la propriété ne peut, par elle-même, préjudicier aux droits du légitime proprié- taire ou du précédent acquéreur. Cette conséquence s'ap- plique non-seulement aux aliénations de propriété, mais à toute constitution ou translation de droits réels, et même à la concession de droits personnels de jouissance. C'est ainsi que, dans le cas la même chose a été successivement louée à deux personnes différentes, la préférence est due au preneur dont le bail est antérieur en date 10.

b. Un droit fondé sur un titre d'acquisition sujet à révo-

en effet, bien que privé en vertu de l'art. 1743 de la .faculté d'expulser le preneur, succède si peu aux obligations conventionnelles du bailleur que, lorsque ce dernier lui a laissé ignorer l'existence du bail, il a droit à une indemnité à raison du préjudice qui peut résulter pour lui de la nécessité de le maintenir, nécessité qui découle bien plutôt d'une extension donnée par le rédacteur du Code à la maxime Ncmoplus juris ad alium transferre potest,quam ipse haberet que d'une prétendue subrogation aux obligations du bailleur. Cpr.§36o. D'ailleurs, rien n'empêche que le bailleur ne puisse, même après la vente, renoncer au bénéfice du bail, sans s'exposer pour cela à des dommages-intérêts envers l'acquéreur. Or, nous ne voyons pas à quel titre ce dernier serait autorisé à se prévaloir du bail passé par son auteur, alors qu'il ne succède pas aux obligations découlant de ce bail, et que, d'un autre côté, le bailleur, d'accord avec le preneur, reste le maître de le résilier. Voy. en sens contraire : Duranton et Zachariaj, locc. citt.

9 LL. 54, 143, 173, § 1, et 177, D. de II /. (50, 17). Art. 218-2, al. 2, C. Procéd., art. 717, al. 1, et arg. de ces articles.

10 Zachariaj, § 181, note 8. Cpr. cep. Dclvincourt, III, p. 200, note 6 ; Duranton, XVII, 143. C'est à tort que ces auteurs écartent l'application de la règle posée au texte, pour le cas l'un des preneurs est déjà entré en possession, auquel cas ils donnent la préférence à ce dernier, lorsqu'il est de bonne foi, par argument de l'art. 1141. Cet article, qui n'est qu'un corollaire de la règle posée par l'art. 2279, ne saurait, en effet, être étendu, sous prétexte d'analogie, à l'acquisition de meubles incorporels.

NOTIONS GÉNÉRALES SUR L'ACQUIS. DES DROITS. § 176. 101

cation, à annulation, ou à rescision, y reste en général soumis après sa transmission11. Resohito jure dantis, re- sohnturjus accipientis. Revocatio, nullitas et rescisio operan- tur gêner aliter ex tune.

c. Un immeuble grevé de charges correspondant, soit à des droits réels, soit môme à des droits personnels de jouissance résultant d'un bail ou d'une antichrèse, ne passe qu'avec ces charges entre les mains du successeur parti- culier auquel il est transmis. Ainsi, l'acquéreur d'un im- meuble est tenu de respecter les servitudes établies et les baux consentis par le vendeur antérieurement à la vente. Art, 1743.

Le principe ci-dessus posé est soumis à une double série d'exceptions.

Les exceptions de la première série sont corrélatives aux modifications que reçoit le principe suivant lequel les con- ventions sont par elles-mêmes translatives de droits, non- seulement entre les parties, mais même au regard des tiers, modifications qui ont déjà été exposées au§ 174 12.

Les exceptions de la seconde série se rattachent aux cas par exception à la règle Resohito jure dantis, resolvitur jus accipientis, des droits révocables avant leur transmission deviennent irrévocables entre les mains du successeur par- ticulier auquel ils ont été transmis. Il en est ainsi, quand exceptionnellement la révocation a lieu, non pas ex twic, mais ex nunc tantum, c'est-à-dire sans rétroactivité. Cpr. art. 132 et 958.

Quant aux causes qui peuvent entraîner, au profit de l'ac- quéreur, l'extinction, soit de certaines charges dont la chose

11 Yoy. art. 954, 963, 1183, 1673 et 1681. Sous ce rapport, le Droit français a donné à la maxime Nemo plus juris ad alium trans ferre potest, quant ipse liaberet, plus d'extension qu'elle n'avait en Droit romain, no- tamment en ce qui concerne les actions rescisoires. Cpr. § 336, texte n<>4.

12 Dans les hypothèses auxquelles se rapportent ces modifications, le successeur particulier acquiert, en cette qualité, des droits dont son au- teur s'était précédemment dépouillé, ou reçoit la chose à lui transmise libre des charges que ce dernier avait établies.

102 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

lui transmise était grevée, soit de cerf aines éventualités de résolution qui pesaient sur le droit de son auteur, elles ne ponstituent pas, à vrai dire, des exceptions à la maxime Nemo plusjuris ad alium tram ferre potest, quam ipse ha- beret v\

Les dispositions des art. 1141 et 2279, 2239 et 2200 ne doivent pas davantage être considérées comme consacrant des exceptions à cette maxime n.

§ 176 bis.

De la position des successeurs particuliers, en ce qui con- cerne les obligations de leur auteur.

Le successeur particulier n'est pas, de plein droit et comme tel, directement tenu des obligations personnelles de son auteur l.

Ce principe, incontestable dans sa généralité, s'applique

13 Cpr., par exemple: C. P., art. 717, al. 2 et 3. En effet, le successeur ne tient pas de son auteur le bénéfice de l'extinction des charges ou de l'éventualité de résolution dont il s'agit dans cet article. Ce bénéfice, qui lui appartient en son nom personnel, est attaché à la nature de son titre d'acquisition. Le tiers cessionnaire de bonne foi d'une inscription de rente sur l'Etat, en devient propriétaire par le tranfert opéré sur le Grand- Livre en vertu de la déclaration signée du cédant, alors même que ce dernier n'aurait été que par erreur inscrit au Grand-Livre comme titulaire de cette inscription. Buchère, Valeurs mobilières, 10:2. Loi des 2i aoùt- 13 septembre 1793, art. 6; Loi du 28 tloréal an VII; Décret du 13 ther- midor an XIII, art. 1er. Cpr. Loi du 14 ventôse an 111. Giv. cas., 49 août 1835. D. A. vo Trésor public, no 1125. Giv. Gas. 16 février 1848. D. 48, -1, 67. Giv. cass., 20 juin 1876, S. 77, 1, 450.

14 G'est à tort que Zachariae 181, texte in fine) parait admettre le contraire. Il est, en effet, évident (pie, dans les cas auxquels s'appliquent les articles cités au texte, 11 s'agit d'avantages que le successeur ne tient pas de son auteur, mais qui sont attachés à sa possession personnelle.

1 Art. 871 etarg. de cet article. Non obstat art. 209:2 : Si, d'après cet article, tous les objets composant le patrimoine d'une personne forment le gage de ses créanciers, il n'en est ainsi qu'en tant que ces objets ont, par rapport au débiteur, le caractère de biens. Or, l'aliénation leur fai- sant perdre ce caractère, ils cessent, par ce fait même, d'être soumis au droit de gage établi par l'article précité.

NOTIONS GÉNÉRALES SUR L'ACQUIS. DES DROITS. §176^5. 103

même aux obligations dérivant de conventions que ce der- nier aurait passées par rapport à la chose formant l'objet delà transmission, à moins qu'elles n'aient eu pour eifet de restreindre ou de modifier le droit transmis2, ou qu'elles ne forment la condition nécessaire de son exercice.

De découlent entre autres les conséquences suivantes :

a. L'acquéreur d'une chose donnée à bail par le vendeur, n'est pas tenu des obligations résultant du bail, et cela dans le cas même il serait privé de la faculté d'expulser le preneur 3.

b. Lorsque, par une convention autre qu'un bail ou une antichrèse, le propriétaire d'un immeuble a concédé sur cet immeuble des droits d'usage ou de jouissance, qui ne cons- tituent pas des servitudes personnelles, et qui, établis, non au profit d'un fonds, mais en faveur d'une personne, ne revêtentpas non plus le caractère de servitudes réelles, cette concession n'est pas obligatoire pour le successeur parti- culier *.

c. La convention par laquelle une personne s'est obligée envers une autre à lui donner, pour le cas elle vendrait un certain immeuble, la préférence à prix égal, n'est pas opposable au successeur particulier '.

d. L'acquéreur d'un immeuble n'est pas, en sa seule qua-

2 La règle que pose Zachariae, au §[182, texte et note 2, en disant que « le successeur particulier est tenu des obligations qui incombaient à son « auteur au sujet du droit transmis », n'est point exacte dans sa généra- lité, et elle a conduit cet auteur à des conséquences que nous avons cru de- voir rejeter. Voy. § 178, texte et note 8. Tout au moins elle est équivoque, et elle ne peut être admise que lorsqu'il s'agit d'obligations qui ont eu pour effet de restreindre ou de modifier le droit transmis, obligations qui sont à ce titre opposables au successeur particulier, en vertu de la règle Nemo plus juris in aliitm transferre potes t, quam ipse haberet. Voy. §176, texte no 2.

3 Cpr. | 176, texte no 1, notes 7 et 8 ; § 369, texte et note 18.

4 On peut donner pour exemple le cas le propriétaire d'un fonds aurait concédé à un tiers, pour son avantage personnel, le droit de s'y promener ou d'y cueillir des fruits. L. 8, proe ï). de serv. (8. 1). Cpr. § 247, texte no 1. Toullier, III, 586 et 587.

0 Cpr. § 352, texte et note 3.

104 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

lité de successeur, tenu de l'action paulienne à Laquelle se trouvait soumis son auteur ; il n'en devient passible qu'au- tant que les conditions requises pour son exercice se ren- contrent également dans sa personne c.

e. L'action possessoire qui compétait à un tiers à raison d'une usurpation de terrain, ne peut, en ce qui concerne le chef des dommages-intérêts, être exercée contre le succes- seur particulier, qui a pris possession du terrain usurpé par son auteur 7.

Nonobstant le principe posé en tête de ce paragraphe, le successeur particulier peut se trouver indirectement sou- mis à la nécessité d'acquitter les obligations contractées par son auteur, dans le cas où, faute de le faire, il serait exposé à perdre la chose par lui acquise. C'est ainsi que le tiers- acquéreur d'un immeuble hypothéqué, qui n'a pas rempli les formalités de la purge, et qui ne veut pas délaisser cet immeuble, est tenu, pour en éviter l'expropriation, d'ac- quitter toutes les dettes hypothécaires qui le grèvent. Art. 21G7. C'est ainsi encore que le sous-acquéreur d'un im- meuble, dont le prix est encore au vendeur originaire, est tenu de payer ce prix, pour éviter l'action en résolution compétent à ce dernier.

V. DE LA POSSESSION, ET DES ACTIONS P0SSESS01RES.

Sources. Code civil art. 2228 à 2235. Code de procédure, art. 23 à 27. Loi du 25 mai 1838 sur les justices de paix, art. C. Bibliographie. Traité de la possession, par Pothier. Bas RecJit des Bcsitzes, par Savigny, Ge édit., 1 vol. in-8° Gieszen 1837, traduit en français par Guenoux. Paris, in-8°. Die Lehre vom Besitze, nach den Grundsàtzen des franzô- sischen Civilrcchts, par Planck ; Gœttingen 1811, 1 vol. in-8°. Dissertatio de jurepossessionis ,parRauter ; Strasbourg

fi Cpr. % 313, texte, notes 4 et 24. Zaeharias §484, texte et note 3. 7 Cpr. § 187, texte \, in fine ; § 181), texte et note 45. Zaçhariae, loc. cit.

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOIRES. § 177 105

1812, in-4°. Traité des actions possessoires , par Aulanier ; Paris 1829, 1vol. in-8°. Traité du droit de possession et des actions possessoires, par Bélime ; Paris 1842, 1 vol. in-S°. Théorie des actions possessoires, par Crémieu ; Paris 1846, 1 vol. in-8°. Dos Recht des Besitzes im Mittelalter und in der Gegenivart, par Bruns ; Tùbingue 1848, 1 vol. in-8° ; et le compte rendu de cet ouvrage par de Parieu, Revue de législation, 1851, II, p. 175. Histoire de la possession et des actions possessoires en Droit français, par Alauzet ; Paris 1849, 1 vol. in-8°. Études historiques et critiques sur les ac- tions possessoires, par de Parieu ; Paris 1850, 1 vol. in-8°; et le compte rendu de cet ouvrage parBenech, Revue criti- que, 1854, IV, p. 377. Traité de la possession, par Molitor; Paris 1851, 1 vol.in-8°. Traité de la possession et des actions possessoires par Garnier; Paris 1847 à 1852, 2 vol. in-8°. Origine de la possession annale, par Smith; Lyon 1854, 1 vol. in-8°. Traité théorique et pratique des actions posses- siores, par Carou, 3e édit. ; Paris 1857, 1 vol. in-8°. Études sur la possession et les actions possessoires y par Marinier ; Revue critique, 1859, XIV, p. 78 et suiv., p. 131 et suiv., p. 344 et suiv. ; XV, p. 542. Le Roux de Bretagne, Nouveau traité de la Prescription en matière civile, 1869, 2 vol. in-8°. Wodon, Traité théorique et pratique de la possession et des actions possessoires ; 3 volumes in-8°, 1878. Garsonnet. Traité de procédure. T. I et III, 3 vol. in-8° parus. Paris 1882 à 1888. Bourcart, Etude historique et pratique sur les actions possessoires, 1 vol. in-8°. Paris, 1880.

À. De la possession.

§177.

Notion de la possession.

L'exercice de droits quelconques sur des objets extérieurs consiste, soit dans des actes matériels d'usage, de jouissance, ou de transformation, soit dans des actes juridiques d'ad- ministration, ou de disposition.

100 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

On appelle possession^ dans Le sens Le plus Large de cette expression, L'état ou La relation de fail qui donne à une per- sonne La possibilité physique, actuelle el exclusive, d'exercer sur une chose des actes matériels d'usage, de jouissance, ou de transformation.

Quant aux actes juridiques d'administration, ou de dis- position, l'exercice n'en est pas nécessairement lié au fait de la possession, le propriétaire dune chose pouvant la ven- dre ou la louer, alors même qu'elle est détenue ou possédée par un tiers.

Lorsqu'une personne tient de fait une chose sous sa puis- sance, sans avoir l'intention de la soumettre à l'exercice d'un droit réel, ce fait prend plus particulièrement le nom de possession naturelle ou de détention '. La détention ne produit par elle-même aucun ell'et juridique. Si le déten- teur est autorisé à repousser par la force les actes agres- sifs dirigés contre la chose qu'il détient, et à demander, au moyen de la réintégrande, la restitution de cette chose, lorsqu'il en a été dépouillé par violence, sa détention n'est cependant que l'occasion et non la cause de ces droits, dont le premier dérive du principe de la légitime défense i M*i et le second de considérations d'ordre public ~. Spoliatus ante omnia restituendus. Si, d'un autre côté, le détenteur jouit en certains cas de la faculté de retenir la chose qu'il détient, et d'en refuser la restitution jusqu'au rembourse- ment de ce quipeut lui être à l'occasion de cette chose, il ne puise pas cette faculté dans la détention même, mais dans une créance dont l'origine se rattache à cette détention s.

Lorsqu'une personne tient une chose sous sa puissance,

1 Les textes du Digeste qualifient cette possession de corporalis, L. 24. de acq. vel. amitt. poss. (44. 2), ou de naturalis (L.3.§3, ibid.).h. 4. ^ 1 et 2. Pro herede, (44. 5), L. 38. § 7. de Verb. Obi. (45.4). Cpr. Acca- rias, Précis, I, qo 242, p. 470, note c2, qui indiqua divers cas la termi- nologie latine présente de l'incertitude.

1 bis. Cpr. Code pénal, art. :m, 328 et 329.

2 Voy. sur la réintégrande : §§ 483 et lKi).

3 Voy. sur le droit de rétention : g c2.r;(i bit.

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOIRES. § 177 107

avec rintention de la soumettre à l'exercice d'un droit de propriété (etnimo sibi habcndi), ce fait constitue la posses- sion proprement dite, dans le sens juridique du mot.

A coté de la possession proprement dite, le Droit romain avait déjà admis une quasi-possession, qui s'appliquait no- tamment aux servitudes personnelles ou réelles, et qui con- sistait dans le fait de l'exercice de la servitude, fait accompagné de rintention de l'exercer à titre de droit4.

Le Code civil ayant réuni ces deux états de fait sous la dénomination commune de possession, on peut, d'après notre Droit, définir la possession, le fait de celui qui, vou- lant qu'une chose soit soumise en sa faveur à un droit de propriété ou à un droit réel de servitude, de jouissance, ou d'usage, détient cette chose, ou exerce ce droit3. Art. 2228.

On peut posséder par soi-même ou par autrui, en ce sens que, pourvu qu'une personne ait elle-même rintention de posséder, un tiers peut détenir la chose, ou exercer la ser- vitude pour le compte de cette personne 6. Art. 2228.

Quoique la possession ne constitue qu'un état de fait, la loi y attache cependant certains effets juridiques. Ces effets ne sont pas subordonnés à l'existence réelle du droit que le possesseur prétend exercer. Ils sont même, en gé- néral, indépendants de la croyance de ce dernier en ce qui touche la légitimité de ses prétentions, c'est-à-dire, en d'autres termes, de sa bonne foi ou de sa mauvaise foi. Les seules circonstances qui puissent, sous certains rap- ports, former obstacle à l'efficacité de la possession, sont les vices de précarité, de clandestinité et de violence. 7 La

4 L. 20, D. de servit. (8, 1). L. 3, § 17, D. de vi et vi arm. (43, 16). L. 2, § 3, D. de prec. (43, 26). L. 10, C. de acq. poss. (7, 32). Gaius. IV, 139. Voy. Accarias, I, nos 218 et 271.

5 Cpr. Zachariae, § 185 a, texte in fine et note 2.

G II est même des cas exceptionnels l'intention dans la personne du possesseur, peut être remplacée par celle de son représentant. Cpr. §179, texte 1, notes 11 et 12.

7 Les jurisconsultes romains appelaient justa, la possession exempte

108 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

nature do ces vices et leur influence absolue ou relative, sur l'efficacité de la possession, seront expliquées au § 180.

(V est en considérant la possession comme la cause géné- ratrice des effets juridiques qui y sont attachés, que cer- tains auteurs lui attribuent le caractère d'un droit. A notre avis, la possession ne constitue pas un droit sut generis. (le que la loi protège et garantit, c'est bien moins la posses- sion elle-même, que le droit probable de propriété ou de servitude dont celle-ci fait supposer l'existence 8.

On ne pourrait attribuer à la possession le caractère d'un droit, qu'en la rattachant à la personnalité de l'homme, dont elle est une manifestation. Mais à ce point de vue même, elle ne serait toujours qu'un droit dérivé de cette personnalité, et non un droit subsistant par lui-même, com- me la propriété ou les servitudes9. D'ailleurs, cette manière d'envisager la possession, suffisante peut-être pour expli- quer les interdits possessoires du Droit romain, n'est évi- demment pas celle qui a servi de point de départ à la théorie du Droit français sur la possession et les actions possessoires, et elle ne donnerait pas la raison de la con- dition d'annalité, à laquelle l'admission de ces actions est en général subordonnée.

des vices de précarité, de clandestinité et de violence, et injusta, celle qui était entachée de l'un ou de l'autre de ces vices. L. 1, § 9, et L. 2, D. uti pùss. (43, 17). Yoy. encore. L. 13, % 1, de public, in rem actione, 6, 2, L. 22, | 4, de noxal. act. (IX, 4.) Les rédacteurs du Code civil se sont servis, dans l'art. 1402, des termes possession légale, pour rendre l'idée qu'on exprimait en Droitromain par les mots possessio justa.

8 Yoy. dans ce sens : Thibaut, System, I, § 297. Accarias, I, 211. Troplong, De la prescription, I, 237. Zachariae, § 185 a. Cpr. Bélime, nos 42 a 1S. Laurent, XXXII, no 263.

9 Puchta, Institution en, II, § 231.

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOIRES. § 178 109

§ 178, Des objets susceptibles de possession ou de quasi-possession.

Toutes les choses corporelles i susceptibles de pro- priété 2 peuvent être l'objet de la possession.

Les choses incorporelles ne peuvent être l'objet que d'une quasi-posscsssion, qui même ne saurait les atteindre toutes indistinctement. Elle ne s'applique, d'après la légis- lation actuelle, qu'aux droits réels immobiliers de servitude, de jouissance, ou d'usage, qui seront indiqués au § 185, comme pouvant donner lieu à une action possessoire.

Ainsi, les créances, de quelque nature qu'elles soient, à l'exception cependant de celles qui se trouvent constatées par des titres au porteur 3, ne sont susceptibles, ni de pos- session, ni de quasi-possession *. C'est ce qui a lieu notam- ment pour les rentes foncières 5, et pour les rentes sur

1 Possideri autem possunt, quse sunt corporalia.L. 3,proe., D.dcacq. velamitt. j^oss, (41, 2). Yov. aussi : L. 4, § 27, 1). de acq. rer. dom. (41, 1).

2 Les choses corporelles, susceptibles de propriété, peuvent, bien que placées hors du commerce, former de fait l'objet d'une véritable pos- session. Toutefois, cette possession est, en général, destituée d'efficacité juridique, par cela même qu'elle s'applique à des objets placés hors du commerce. Cpr.§ 185, texte n<> 1* Laurent, (t. XXXII, no 26:2) n'accepte pas l'expression de quasi-possession qu'il déclare être étrangère à la termino- logie du Code.

3 Cpr. § 183, texte no 3.

4 Non obstat art. 1240 : Les expressions possesseur de la créance, sont employées dans cet article comme synonymes des termes titulaire ap- parent de la créance. Cpr. § 347, texte no 1, notes 14 et lo. Garsonnct, 1 130, note 9.

3 Dans notre ancien Droit, les rentes foncières étaient susceptibles de possession, et le trouble apporté à leur jouissance pouvait donner lieu à l'action possessoire. Coutume de Paris, art. 90 et 98. Ordonnance de!667, tit. XVIII, art. 1. Mais aujourd'hui que ces rentes ne constituent que des créances mobilières, elle ne pourraient plus, alors même qu'elles auraient été créées sous l'empire du Droit ancien, former l'objet d'une action pos- sessoire. Bélime, 283. Garsonnct* loc. cit. Garnicr, Acl. poss., p. 405

110 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

L'Etat ou les actions de la Banque de France, fussent-elles immobilisées6. Il en est de même des droits simplement per- sonnels de jouissance, bien qu'ilsportenl sur des immeubles.

Ainsi encore, les universalités de droit, l'hérédité par exemple, ne sont comme telles, c'est-à-dîre comme objets incorporels, susceptibles, ni de possession, ni de quasi- possession.

La saisine héréditaire, admise en Droit français en fa- veur des héritiers du sang, et, en certains eas, des léga- taires ou donataires universels, quoique portant sur tous et chacun des objets compris dans l'hérédité, ne produit cependant les eflets propres à la possession, que relative- ment aux objets particuliers que le défunt possédait lui- même 7.

et 409. Carou, Act. poss.. nos ->28 et 232. Aulanier, Just. de paix, p. 87. Curasson, II, 607, note 3. Wodon, Possession, II, 61. Troplong, Presc, ï, 179. Bioche, Act. poss., 145. Rousseau et Laisney, Act. poss., no 26. Civ. rej.. -29 juillet 1828, S., 28, -1, 347. Giv. cas., 14 février I833,S., 33,1, 18;i. Contràïïenrion de Pansey, Des juges de paix, en. 43, | 4 et 2. En ce qui concerne les droits dits de comptant, quart, et cliampart. Garsonnet, loc. cit. Civ. rej., 16 janvier 1826, 1). vo Act. poss., no 538. Civ. rej.. 29 juillet 1828, D. ibid., no 503. Civ. cass., 9 août 4831 et 11 fév. 4833, P. ibid. no 538.

6 Bélime, 276.

7 Les expressions possession de l'hérédité) ^ont on se sorL quelquefois, et que nous avons nous-mêmes employées, s'appliquent bien moins à l'hé- rédité, considérée comme universalité de droit, qu'aux biens qui en dé- pendent. C'est ainsi que si nous disons au § 609. que la propriété et la possession de l'hérédité passent de plein droit aux héritiers du défunt, cela doit s'entendre en ce sons que la propriété des objets composant l'hérédité et la possession de ceux que le défunt possédait, passent de plein droit à ses héritiers. D'un autre côté, on désigne encore par la lo- cution possession de ïiiérédité, la situation de fait de celui qui, se trou- vant en possession de tout ou partie des objets héréditaires, prétend à la qualité d'héritier, et se gère comme tel. Cpr. L. 9, 1). de liœrcd. petit. (S, 3).

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOlRES. § 179 111

S 179. De l'acquisition et de la perle de la possession

1. De la possession proprement dite.

a. L'acquisition de la possession s'opère par le concours des deux éléments qui la constituent. En d'autres termes, la possession d'une chose corporelle est acquise à une per- sonne, du moment existe pour elle la possibilité actuelle et exclusive d'agir matériellement sur cette chose (corpus), et qu'elle a manifesté l'intention de la garder comme sienne (animas) l.

On nomme appréhension, le fait par lequel une personne obtient la possibilité actuelle et exclusive d'agir matériel- lement sur une chose. Cette possibilité, qui peut résulter de diverses circonstances ou situations physiques, suffit (quoad corpus) pour l'acquisition delà possession, quelle que soit d'ailleurs la nature particulière des faits au moyen desquels elle a été obtenue. C'est ainsi qu'on peut prendre possession d'un fonds, sans se transporter sur ce fonds, et dune chose mobilière, sans la toucher ". Toutefois, des faits qui constitueraient par eux-mêmes des délits de Droit cri- minel contre la propriété, ou qui auraient été réprimés par un jugement, comme attentatoires à la possession d'un tiers, seraient inefficaces pour l'acquisition de la possession 3.

1 Adipiscimiir jpossessionem corpore et animo, neque per se anima, aut perse corpore. L. 3, §4, D. de acq. vel amit. poss. (44, 2). Za- chariae, § 18.vi.6. texte et note 2. Accarias, Précis, I, 212 et 243. Colmct de Santerre.YllI. 33o bis, III. Le Roux. 1. -240. Laurent. XXXII, 266. Civ. eass.. 17 juin 4862, S.. 62, 1, 711. On ne peut posséder la partie inconnue et incertaine d'un fonds. Voy. Démangeai, Cours de droit romain, I, p. 438.

2 L. 1, § 21, L. 48, § 2, L. 51. I). de acq. vel amitt. poss. (41, 2). L. 74, D. de cont. cmp. (18, 1). L. 79, U. de solut. (46, 3). Accarias, I, nos 213. Le Roux, I, no 243.

3 Accarias, I, no 214. Bélime, nos 73 et74. Civ. cass, 34 août 1842, S., 42, 4,817, Req., 26 avril 1876, S., 76, 4, 304. Cpr. § 185, texte no 2.

112 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

Lorsque L'appréhension a lieu par un fait unilatéral du nouveau possesseur, elle s'appelle occupation. Quand elle s'opère avec le concours de l'ancien possesseur qui aban- donne sa possession, on la nomme tradition ou délivrance.

L'appréhension peut avoir lieu, non-seulement par la personne qui veut acquérir la possession, mais encore par le ministère d'un tiers, agissant au nom de cette personne, par exemple, par un représentant légal, un mandataire con- ventionnel, ou même un simple negotiorum gestorh.

L'intention de garder une chose comme sienne, doit se manifester par un acte extérieur. Cet acte consiste d'ordi- naire dans l'appréhension môme, au moyen de laquelle se matérialise en quelque sorte l'intention de s'approprier la chose * bis. Mais cette intention peut également se révéler par une convention ou par un autre acte juridique (negotium juridicum),\)<iY exemple, au moyen des faits conventionnels, connus sous le nom de tradition brevi manu, et de constitut possessoire 3.

Il y a tradition brevi manu lorsque, par suite d'une con- vention intervenue entre le simple détenteur d'une chose et celui pour le compte duquel s'exerçait la possession, le premier cesse de posséder pour autrui, et commence à pos- séder en son propre nom ,!. C'est ce qui a lieu, par exem-

* L. 3, L. 18, proe., L. l\\,X).de acq.vel amitt.puss. (41, 2). L. 41, D. de usurp. et nsucap. (44, 3). L. 1 . C. de acq. cl rct. poss. (7, 32). Le Roux, I, 314 et s. La commune, comme corps moral, possède les terrains faisant partie du domaine municipal par les habitants et les étrangers qui exer- cent sur ces terrains des actes de jouissance ou d'usage conformes à leur destination. Le Roux, I, 80. Laurent, XXXII, 367. Req., 9 janvier 1873, S. 73, 1,335 et le rapport de M. Rau. Req. 9 janvier 1873, S. 73, 1, 2'lo.

4 bis Le Roux, I, 3 H.

y Sur le constitut possesssoire, voy. Accarias,I, 22">, p. 506, note 3. Sur la tradition brevi manu, op. et loc. cit., in fine. C'est bien à tort que la plupart des anciens interprètes du Droit romain ne voyaient dans la tradition brevi manu et dans le constitut possessoire que des espèces de traditions fictives. Savigny, De la possession, §§ 14 à 17. Du Caurroy, Ins- tilutes expliquées,!, 403. Troplong, De la vente, 1, 367 et suiv. Cette idée inexacte se retrouve encore dans les art. 1919 et 1930 du Code civil.

6 L* 9, § 5, D. de acq.rer. dom. (44,1). L. 9, § 9,D. dereb* crédit. (13,1).

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOIRES. § 179 113

pie, dans le cas le bailleur passe au preneur vente de la chose louée.

Le constitut possessoire s'établit par une convention en sens inverse, c'est-à-dire par une convention en vertu de laquelle le possesseur d'une chose cesse de la posséder en son propre nom, et commence à la posséder pour le compte d'autrui 7. Il en est ainsi notamment dans le cas le pro- priétaire, en aliénant sa chose, s'en réserve la jouissance à titre d'usufruit ou de bail 8.

Dans le système du Gode civil, d'après lequel tout acte translatif de propriété la transfère indépendamment de la tradition, on doit attacher aux actes de cette- nature un effet analogue à celui du constitut possessoire proprement dit, en ce sens que l'ancien propriétaire, quoique n'ayant point encore livré la chose par lui aliénée, cesse, par le fait même de l'aliénation, de la posséder pour son propre compte, et ne la détient plus que pour le compte du nou- veau propriétaire 9.

A la différence de l'appréhension, qui peut toujours avoir lieu par le ministère d'un tiers, l'intention de posséder doit en général exister dans la personne du possesseur lui- même 10. Elle se manifeste suffisamment et d'avance par le mandat donné à un tiers de prendre possession ; et, dans ce cas, le mandant acquiert la possession, dès l'instant le mandataire a appréhendé la chose pour le compte de celui- ci u. Que si un tiers avait appréhendé une chose pour le

I L. 18, proe., D. de acq. vel amitt. poss. (41, 2). L. 77, de reivind, (6, 1). Riom, 28 mai 1810, S., 11, 2, 322.

8 Cpr. Paris, 12 juin 1826, S., 28, 2, 19.

9 Arg. art. 1136 à 1138 et 1583. Troplong, De la prescription, I, 251. Duranton, XXI, 197 et 39 k Taulier, VII, p. 489. Le Roux, I, no 245. Cpr. De Folleville, Revue pratique, 1874, XXXVIII, p. 395. Riom, 28 mai 1810, S., 11, 2, 322; Lyon, 8 décembre 1838, S., 39, 2, 538. Voy. cep. Bélime, n<> 46 ; Delvincourt, II, p. 656. Cpr.

10 Possessionem acquirimus et animo et corpore : animo utique nostro, corpore, vel nostro, vel alieno. Paul. Sent., lib. V (2, 1). Accarias, I, 215, Cpr. L. 3, § 12. D. de acq. vel amitt. poss. (41, 2). Le Roux,I, 80 et 246.

II L. \?>proe., D. dcacq.rer. rfow.(41,l).L. 1. §5,L. '^2, %\, de acq, vel

Il 8

114 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

compte d' autrui, sans en avoir reçu le mandat, la pos- session serait acquise à celui au nom duquel l'appréhension a eu lieu, du moment il aurait ratifié le fait du nego- tiorum gcstor 1?.

Lorsqu'il s'agit d'individus placés en tutelle, ou de per- sonnes morales, il suffit que l'intention requise pour l'ac- quisition de lapossession soit manifestée parleurs tuteurs 13, ou par leurs représentants légaux u.

b. La possession se perd par la cessation de l'un ou de l'autre des éléments dont elle suppose le concours. La per- sistance isolée d'un seul de ces éléments ne suffit pas pour la conserver.

Toutefois le possesseur ne doit pas être considéré comme ayant cessé de posséder, par cela seul, qu'à tel moment donné, il ne se trouverait plus en situation d'exercer des actes matériels sur la chose, ou que du moins il ne songe-

awitt. poss. (41, 2). Accarias, I, 215. Il est toutefois à remarquer qu'en Droit romain la possession ainsi acquise ne devenait utile pour l'usu- capion, qu'à dater du jour le mandant avait obtenu connaissance de l'appréhension faite par le mandataire. L. 47, D. de usurp. et usucap. (41, 3). L. 2, §41. D. pro emt.{^\, 4). L. 4. C. de acq. et ret. poss. (7, 32). Mais la décision de ces lois, qui se rattachait à la distinction de la possession ad interdicta et de la possession ad usiicapionem, ne semble pas devoir être suivie chez nous. Voy. Accarias, I, no 300.

12 L. 42, | 4, D. De acq.vel amitt. poss. (M, 2). Paul, V, 2.§ 2. Pothier, no 53. Le Roux, I, no 247. Suivant Bélime (no 92), la ratification aurait, même au point de vue delà possession, un effet rétroactif. Mais c'est une erreur : si l'on comprend la rétroactivité de la ratification, quand il s'agit de l'acquisition d'un droit, il n'est plus possible de l'admettre en matière d'acquisition de possession, puisque la possession suppose l'in- tention de posséder, et que cette intention ne saurait exister avant la connaissance acquise de l'appréhension faite par un tiers pour notre compte.

13 Arg. art. 450. Cpr. L. 4, § 20, D. de acq. vel amitt. poss. (44, 2). L. 43, § 4, D. de acq. rer. dom. (44, 4). Accarias, I, no 245. Le Roux, I, no 80. Contra, Troplong, 225.

14 Cpr. L. 4, § 22. L. 2, D. de acq. vel. amitt. poss. (41, 2). Pothier, De la poss. n^ 46 et 47. Le Roux, ibid. Laurent, XXXII, 267. Les com- munes acquièrent la possession par le fait même des habitants. Aijjen, 4 mai 4870, S., 74. 2. 445, Heq. 3 janvier 4872, S., 72. 1. 245.

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOIRES. § 179 115

rait pas à le faire. La possession ne se perd que par la sur- venance d'un fait, ou d'une volonté contraire, soit à l'acte matériel, soit à l'intention, par le concours desquels elle a été acquise. Corporis vel anïmi in contrarium actus 15. En d'autres termes, la possession ne se perd que parla volonté de l'abandonner, ou par un obstacle matériel qui rend im- possible le rétablissement à volonté de l'état de choses qui la constituait.

Cette dernière idée ne doit même pas être appliquée d'une manière absolue ; il faut, à cet égard, admettre les distinc- tions suivantes.

La possession des choses mobilières se perd, dès qu'elles ont cessé d'être en notre pouvoir ou sous notre garde. Elle se perd, en particulier, en ce qui touche les animaux sauva- ges, dès qu'ils ont recouvré leur liberté naturelle, et en ce qui concerne les abeilles et les pigeons, lorsqu'ils ont perdu l'habitude de revenir à la ruche ou au colombier 16 (con- suetudo rêver tendï) .

En matière immobilière, la possession se conserve solo animo, en ce sens qu'elle ne se perd pas par la seule circons- tance que le possesseur se serait volontairement abstenu, pendant un certain temps, de tous actes matériels de possession 17, ou qu'il se serait trouvé, soit par suite d'éloi-

15 Fere quibuscumque modis obligamur, iisdem in contrarium actis liber amur, quum quibus modis acquirimus, iisdem in contrarium actis amittimus. Ut igiturnuUapossessio acquiri, nisi animo et cor pore potest, ita nulla amittitur, nisiin qua utrumque in contrarium actum. L. 153, D. de R. J. (50, 47). Cpr. L. 8, D. de acq. vel amitt. poss. (41. 2). Laurent, XXXII, 268. Cpr. Démangeât, Droit romain, I, p. 444, note 15. Voyez sur l'interprétation de la loi 153. Accarias, I, no 216, note 2.

16 L. 3, §§ 14 à 16, D. de acq. vel amitt. poss. (41, 2). Accarias, I, no 216. Le Roux 250. Marcadé, sur Fart. 2228, no 6. I, 257.

17 Licet possessio nudo animo acquiri non possit, tamen solo animo re- tineri potest. L. 4, C. de acq. vel. ret. poss. (7, 32). Dunod, Des prescrip- tions, part. I, chap.IV,p. 17. Pothier, 64. Merlin, /té/?.,v° Prescription, sect. I, §5, art. 3, 3. Troplong, De la prescription, I, 263 et 264. Le Roux, T, 250. Civ. rej., 12 février 1889. S., 90. 1. 13. Cpr. Req., 20 mai 1851, S., 51. 1.812. Voy. cep. Req., 13 mars 1867, S. ,68. t. 33. La doctrine de la Chambre civile est bien plus conforme aux principes. L'absence

116 iNtRODùctioN a La Seconde partie.

gnemeut, soit à raison de la nature de l'immeuble, dans l'impossibilité d'exercer de pareils actes 18.

Il y a mieux, la possession n'est pas perdue par cela seul qu'un tiers s'est emparé de l'immeuble 10. D'après notre Droit, elle ne se perd qu'autant que l'occupation par un tiers a duré plus dune année. Art. 2243. Lorsque l'ancien possesseur a laissé passer ce terme sans rentrer en jouis- sance, ou sans former d'action pour s'y faire réintégrer, il doit être considéré comme ayant perdu la possession, qu'il ait connu ou qu'il ait ignoré l'usurpation 20 ; et ce, encore bien qu'il ait manifesté par des actes juridiques, par exem- ple, par le paiement des contributions, l'intention de s'y maintenir 21.

Les événements de la nature qui, tels qu'une simple inon- dation, n'opposent qu'un obstacle temporaire à l'exercice d'actes matériels sur la chose possédée, n'ont pas pour con-

tactes matériels peut sans doute, lorsqu'elle a duré un certain temps, fournir un indice de la volonté d'abandonner la possession. Mais c'est à tort que certains docteurs (voy. Dunod, op. et loc. citt.) ont voulu établir à cet égard une sorte de présomption légale, d'après la quelle la posession se conserverait par la seule intention pendant dix années, et devrait, après ce terme, être réputée abandonnée. Il n'y a là, en effet, qu'une ques- tion de fait, dont la solution est, de sa nature môme, abandonnée à l'ap- préciation du juge , qui, suivant les circonstances, peut considérer l'an- cien possesseur, soit comme ayant renoncé à la possession, quoiqu'il ne se soit pas encore écoulé dix ans depuis le dernier acte matériel exercé sur la chose, soit comme ayant conservé l'intention de posséder, bien que le dernier acte de la possession matérielle remonte à plus de dix années. Le Roux, I, no 284. Bélime, nos 102 et 403. Troplong, op. cit., I, 238.

18 L. 3, § 11, D. deacq. vcl. amilt. poss. (44, 2). Le Roux, I. 237.

19 Cpr. L. 3, § 7, D. de (icq.vct.amUt.poss. (41,2). Cpr. Le Roux, ibid.

20 Bélime, nos 95et 96. Le Roux, 258. Giv. rcj.,12 octobre4844,S.,Chr. Civ. Rej. 12 février 1889. S. 90. 1. 43. Cpr. Troplong, 270. En droit romain, la possession se conservait jusqu'au moment le possesseur avait eu connaissance de l'usurpation, et elle ne se perdait que lorsque, après avoir obtenu cette connaissance, il ne faisait aucune tentative pour rentrer dans la jouissance de sa chose. L. 3, §:j 7 et 8, L. 6, § 4, et L. 7, L. 25, § 2, L. 46, D. de acq.vel. amitt. poss. (44, 2). Dans ce système de législation, il n'y avait pas de terme fixe pour la perte de la possession par l'usurpation d'un tiers.

sl Req., 20 mai 1854, S., M, 4, 812.

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOIRES. § 179 117

séquence d'en faire perdre la possession 22. Cette perte ne résulte que d'événements qui anéantissent complètement la substance de cette chose, ou qui font passer ce qui en reste dans le domaine public, ainsi que cela a lieu pour les ter- rains sur lesquels un fleuve se creuse un nouveau lit ~^bist

2. De la quasi-possession.

a. Les règles exposées aun° 1 sur l'acquisition ou la perte de la possession proprement dite, s'appliquent également à l'acquisition ou à la perte de la quasi-possession des ser- vitudes personnelles.

b. «• La quasi-possession des servitudes réelles, conti- nues et apparentes, s'acquiert par l'établissement de l'état de choses que supposent l'existence et l'exercice de la ser- vitude. Cpr. art. 688.

La quasi-possession des servitudes discontinues, appa- rentes ou non apparentes, s'acquiert par l'exercice des actes ou faits de l'homme qui la constituent. Cpr. art. 688 et 1607.

Il importe cependant, pour la saine application de ces principes, qui ne concernent que les servitudes affirmatives, de remarquer que, si le propriétaire de l'héritage au pro- fit duquel une pareille servitude a été constituée, ne peut pas se dire en possession de cette servitude, tant qu'elle n'a pas été exercée, et que, si jusque-là le propriétaire de l'hé- ritage grevé jouit en fait de la liberté de cet héritage, le Code Civil ne reconnaît cependant pas cette jouissance (pos- sessio libertatis), comme constituant une possession de na- ture à fonder l'action possessoire 23.

52 Non obstant, L. 3, § 17, et L. 30, § 3, D. de acq. vel. amiit. poss. (41, 2). Paul, dans ces deux lois, a évidemment en vue, non une simple inondation, mais l'occupation définitive d'un terrain par la mer ou par un fleuve. Maleville, sur l'art. 2243. Vazeille, Des prescriptions, I, 179. Bé- lime, 104. Demolombe, X, 174. Zacharia?, § 213, note 2. Le Roux, I, no 258. Amiens, 17 mars 1825, Dalloz, 1828, 1, 341. Voy. en sens con- traire : Dunod, op. cit., part. I, chap. IX, p. 54.

22 bis Le Roux, II, 773.

23 Ainsi que nous l'établirons au § 255, le Code civil ne reconnaît, en

118 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

Quant aux servitudes négatives, la quasi-possession s'en établit par L'abstention de la part du propriétaire de l'héri- tage servant, des actes de la nature de ceux que le titre constitutif de la servitude lui interdit 2\

Enfin, la quasi-possession des droits d'usage compétant aux riverains d'un cours d'eau naturel non compris dans le

matière d'extinction de servitudes réelles, que la prescription résultant du non-usage pendant trente ans. Art. 706. Or, cela ne peut s'expliquer que par la proposition énoncée au texte. En effet, si le seul fait du non- exercice de la servitude constituait, pour le propriétaire de l'héritage servant, une possession utile de liberté, la continuation de cette posses- sion devrait, au bout de dix à vingt ans, entraîner usucapion de la fran- chise, au profit du tiers acquéreur avec juste titre et bonne foi ; et, par cela môme qu'il n'en est point ainsi, la simple jouissance annale de liberté ne peut pas davantage fonder une action possessoire à l'effet de s'y faire maintenir. La définition que l'art. 2228 donne de la possession, vient d'ailleurs à l'appui de cette manière de voir, puisqu'il n'est pas possible de dire que celui qui jouit en fait de la liberté de son héritage, exerce pour cela un droit spécial, formant l'objet d'une possession distincte de celle de l'héritage même. Bélime (n° 160) enseigne cependant une doc- trine contraire, et va même jusqu'à dire que celui qui a constitué une ser- vitude, peut, lorsque depuis son établissement il s'est écoulé plus d'une année sans qu'elle ait été exercée, intenter une action en complainte à raison de faits qui n'en seraient que l'exercice. Si, dit-il, le défaut d'e- xercice et de la servitude en fait perdre la quasi-possession au proprié- taire de l'héritage dominant, et en entraine l'extinction au bout de trente ans, le même fait négatif doit avoir pour conséquence défaire acquérir au propriétaire de l'héritage servant une possession contraire de liberté, possession qui, continuée pendant une année, donne ouverture à l'ac- tion possessoire. Mais, en raisonnant ainsi, l'auteur a perdu de vue que l'extinction des servitudes par le non-usage pendant trente ans, n'est, comme il l'avait lui-même établi au numéro précédent, que le résultat d'une prescription purement extinctive, qui n'implique aucune idée de possession de la part de celui au profit duquel elle s'accomplit.

24 Une pareille abstention, rapprochée du titre constitutif de la servi- tude, ne peut plus être considérée comme le non-exercice volontaire d'une faculté. Résultat de la nécessité que la servitude imposait au propriétaire du fonds grevé, cet état d'abstention réalise par cela même l'exercice de la servitude. Autrement on serait conduit à dire que les servitudes né- gatives se prescrivent par trente ans, à dater du titre qui les constitue, quoiqu'il n'ait été fait aucun acte contraire à la servitude ; et cette con- séquence n'est pas admissible en présence de l'art. 707. Deinolombe, XII, 950. Civ. cass., 18 février 1841, S., 44, 1, 108, Metz, 6 juin 1866, S., 67, 2, 147. Vov. en sens contraire : Bélime, 265,

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOIRES.f 179 119

domaine public, s'acquiert pour chacun de ces droits en par- ticulier, par les actes extérieurs qui en constituent l'exer- cice.

A la théorie de l'acquisition de la quasi-possession, se rat- tache la règle posée par l'art. 2232.

Les actes qui ne sont que l'exercice d'une faculté commune à tous, et non celui d'un droit privatif, ne peuvent, à raison de leur nature même, fonder une possession utile 2S.

Il y a mieux, l'exercice des facultés inhérentes au droit de propriété, ne peut pas davantage fonder une possession utile, en ce sens du moins, que quelque prolongé qu'ait été cet exercice de la part de l'un des voisins, il ne saurait jamais avoir pour effet de restreindre ou de modifier les facultés qui appartiennent aux autres voisins en leur qua- lité de propriétaires, et de l'autoriser à demander le main- tien de l'état de choses qu'il a créé 26. Toutefois l'usage fa- cultatif d'un cours d'eau naturel, non compris dans le do- maine public, est de nature à fonder une possession utile, lorsqu'il est le résultat d'ouvrages apparents. Loi du 25 mai 1838, art. 6. On doit en outre observer que, suivant les cir- constances, des faits de puisage et d'abreuvage peuvent être considérés comme l'exercice d'une servitude ou comme l'exercice d'un droit de propriété. 26&^.

D'un autre côté, les actes de simple tolérance, c'est-à-dire ceux qui sont réputés ne s'exercer qu'à la faveur des rap- ports de bon voisinage ou de familiarité, sont également inefficaces pour fonder une possession utile à l'égard de ce- lui qui les a permis

27

25 Ainsi, par exemple, les faits de puisage ou d'abreuvage exercés par un non-riverain, dans un cours d'eau naturel auquel il accédait par une voie publique, ne l'autoriseraient pas, pendant quelque laps de temps qu'ils eussent été répétés, à se plaindre de la suppression de cette voie. Deloynes, De la prescription et des actes de pure faculté. Revue critique, 1889, p. 407, note 20.

26 Voy. a-u | 196, texte, lett. a, notes 14 à 16, une application de cette proposition. Gpr. aussi : § 194, texte in fine.

20 bis Req. 13 juin 1881. D. 84. I. 266

27 Voy. § 180, texte no 1, lett. b, et noie 16. Laurent, XXXII, 227 à 236 et 296 à 298. Deloynes, op. et loc. cit., no 2.

120 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

P- La quasi-possession des servitudes continues et appa- rentes se perd, lorsque, par le fait de l'homme, il a été opéré dans le fonds dominant, des changements qui ont fait dis- paraître l'état de choses constitutif de la servitude, ou qu'il a été établi, sur le fonds servant, des empêchements à son exercice. Gpr. art. 703 à 707.

Les événements de la nature qui, survenus soit dans le fonds dominant, soit dans le fonds servant, formeraient obs- tacle à l'exercice actuel d'une servitude continue et appa- rente, en font également perdre la quasi-possession, à moins qu'il ne reste des vestiges de l'état des choses constitutif de la servitude, auquel cas la possession se conserve par l'existence même de ces vestiges 28.

28 La question de savoir si la quasi-possession des servitudes peut ou non se conserver par des vestiges de l'état des choses qui les constituait, divise les auteurs modernes. Les dissidences qui se sont produites à cet égard, proviennent surtout de la fausse entente de quelques lois romaines, relatives à Yusucapio llbertatis en matière de servitudes urbaines, dont nous expliquerons le véritable sens, en nous occupant des modes d'ex- tinction des servitudes. Voy. L. 6, D. deserv.prœd. urb.(8, 2), L. -18 § 2, D. quemad. serv.amitl. (8, G), § 255, texte et note8. A notre avis, la quasi- possession d'une servitudecontinue et apparente, qui a étésupprimée parle fàitdu propriétairede l'héritage dominant, ou dontl'exercicc a été empêché par des actes contraires émanés du propriétaire de l'héritage servant, ne se conserve pas par de simples vestiges de l'état de choses constitutif delà servitude. Mais il en est autrement, lorsque l'obstacle qui s'oppose, pen- dant un temps plus ou moins long, à l'exercice de la servitude, provient d'un événement de la nature. En pareil cas, le non-usage de la servitude étant complètement indépendant de la volonté du propriétaire de l'héri- tage dominant, la quasi-possession en est conservée, autant qu'elle peut l'être, par le maintien de vestiges, d'ailleurs non équivoques, qui attestent et l'existence de la servitude et l'intention d'en user dès que les circons- tances le permettront. Restreinte à cette hypothèse, la maxime Pcr signum velinelur signatum, suivie par nos anciens auteurs, nous parait parfaite- ment exacte. Cpr. D'Argentré, sur les art. 266, 271 et 368 de la cou- tume de Bretagne. Dunod, Des prescriptions, part. I, chap. IV, p. 19, et part. 111, chap. VI, p. 295 et 296. Duparc-Poulain, liv. III, chap. XVII, no 30. Julien, Statuts de Provence, II, p. 555, no 27. Toullier, III, 709. Vazcille, Des prescriptions, I, 421 à 425. Troplong, De la prescription, 1,343 et 344. Bélime, no 161. Req., 28 novembre 1839, S., 39, 1, 47. Voy. cep. Pardessus, Des servitudes, II, 308. Duvergier sur Toullier, II,

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOIRES. § 179 121

La quasi-possession des servitudes discontinues, appa- rentes ou non apparentes, se perd par le fait même de la cessation volontaire des actes ou faits de l'homme qui la constituent, et, à plus forte raison, par des changements, opérés soit dans le fonds dominant, soit dans le fonds ser- vant,qui formeraient obstacle à l'exercice de la servitude, à moins cependant que cet exercice ne fût devenu impossible que par un événement de la nature, auquel cas la quasi-pos- session de la servitude se conserverait par des vestiges non équivoques de son existence 29.

Toutefois, il convient de placer ici une remarque analo- gue à celle que nous avons faite à l'occasion de l'acquisi- tion de la quasi-possession des servitudes affirmatives. Si, par la cessation de l'exercice de la servitude, le proprié- taire de l'héritage dominant en perd la possession, et si, par suite, le propriétaire de l'héritage servant recouvre en fait la jouissance de la franchise de son héritage, cette jouis- sance ne constitue cependant pas en sa faveur une posses- sion utile pour l'exercice de l'action possessoire 30.

Enfin, la quasi-possession des servitudes négatives se perd par des actes contraires à la servitude.

Du reste, la quasi-possession des servitudes, comme la possession des choses corporelles, n'est en règle définitive-

709.Demolombe, XII, 1012. Laurent, VIII, 298. Le Roux, 1,291,298. Giv. rej., 14 mars 1854, S., 54, 1, 396. Req., 4 février 1856, S., 56, 1, 433.

2'J Pour refuser aux vestiges toute efficacité, en ce qui concerne du moins les servitudes discontinues, on a dit que de pareilles servitudes ne pouvant s'exercer que par le fait de l'homme, alors même qu'elles se ma- nifestent par des signes apparents, le maintien de ces signes est im- puissant à en conserver la quasi-possession, lorsque de fait elles n'ont pas été exercées. Mais cette argumentation, qui serait parfaitement conclu- ante, s'il s'agissait d'un non-usage purement volontaire, nous parait sans portée, quand il est question d'un non-usage involontaire. Dans cette hy- pothèse, en effet, les raisons indiquées h la note précédente s'appliquent aux servitudes discontinues, avec la même force qu'aux servitudes con- tinues. Gpr. Civ. rej., 3 juin 1860, S., 60, 1, 497. En sens contraire, Laurent, ibid. Leroux, ibid.

30 Voy. en sens contraire : Bélime, no 160. L'opinion de cet auteur se réfute par les raisons déjà déduites à la note 23 suprù.

122 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

ment perdue, que lorsque l'exercice de la servitude a été interrompu pendant une année au moins. Si, cependant, l'im- possibilité d'exercer La servitude provenait d'un changement opéré par le propriétaire du fonds dominant, la possession se perdrait immédiatement, et par le fait même de ce chan- gement.

Quant au point de départ de l'année au bout de laquelle la quasi-possession d'une servitude discontinue est censée définitivement perdue, il ne saurait être invariablement fixé au dernier acte d'exercice de la servitude. S'il peut en être ainsi des servitudes de nature à s'exercer journellement, il en est autrement de celles qui ne s'exercent qu'à des inter- valles périodiques plus ou moins éloignés, telle, par exem- ple, qu'une servitude de passage pour l'exploitation des coupes d'une foret. Quant aux servitudes de ce genre, l'an- née ne commence à courir que du jour le propriétaire de l'héritage dominant, ayant intérêt à user de la servitude, a cessé de le faire 31.

§ 180.

Des vices de la possession.

On appelle vices de la possession, certaines défectuosités tenant, soit à Yanimus sibi habendi, soit à la nature des ac- tes matériels au moyen desquels la possession a été acquise ou continuée. Ces vices sont ceux de précarité, de clandes- tinité, et de violence. Art. 2229. Code de procéd., art. 23.

31 Troplong, op. cit., II, 789. Bélime, no 166. Demolombe, XII, 1013 et 1014. Laurent, VIII, 307. Le Roux, 1,283 Nancy, 23 avril 1834, S., 35,2, 458. Civ. rej., 5 juin 1839, S., 39, 1, 621. Caen, 8 lévrier 1843, S., 43, 2, 242. Lyon, 30 juin 1887. D. 89,1, 469. Contra, Pardessus, Des servitudes, II, 310. Gpr. Proudhon, De ïiisufruit, VIII, 3716. Civ. cass.,2 mars 1836, S. 36.1, 242. Req., 11 juillet 1838, S., 38, 1, 747. Civ. eass., 6 février 1839, S., 39, 1, 208. Ces derniers anvts, intervenus dans des espèces il s'agissait du droit d'usage dans les forêts, connu sous le nom de droit de maronnage, ne nous paraissent pas avoir décidé la question in terminis.

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOIRES. § 180 123

i. De la précarité.

Pour exposer, d'une manière méthodique et complète, la théorie de la précarité, il convient de distinguer la posses- sion proprement dite, c'est-à-dire celle des choses corpo- relles, et la quasi-possession des servitudes.

a. De la précarité en fait de possession de choses corporelles.

Les termes precario pos s idere désignaient, en Droit ro- main, le caractère particulier de la possession de celui au- quel le propriétaire ou le possesseur dune chose l'avait li- vrée, avec permission d'en user, mais sous la réserve de pouvoir en réclamer la restitution à volonté. Celui qui avait reçu une chose precario, la possédait quoad interdicta, en ce sens qu'il jouissait des interdits possessoires à F encontre de tous, à l'exception seulement de la personne de qui il tenait cette chose. Sa possession n'était donc entachée que d'un vice purement relatif *.

La qualification de possessio precaria n'avait jamais été appliquée, en Droit romain, à ceux qui, comme l'usufrui- tier, le fermier, ou le dépositaire, possèdent, non pour eux- mêmes, mais pour le compte d'autrui 2. Ce n'est que par suite d'une notion erronée du caractère du precarium, et

1 Voy. pour la justification de ces diverses propositions : Accarias, II, ne 596!" L. 1, proe., L. 7, L. 15, § 4, L. 17, D. de prec. (43, 26). L. 1, proe., et § 9, D. uti poss. (43, 17). En ce qui concerne la possessio quoad interdicta du créancier gagiste et du précariste, voy. Accarias, Précis du droit romain, 2«»e éd., 212, p. 470. Note 2, 214 A.

2 Quand il s'agissait de caractériser la position de ceux qui possèdent pour autrui, les jurisconsultes romains se servaient de l'une ou de l'autre des locutions suivantes : tenere, corporalitcr tenere, in possessione esse, naturaliter possidere. L. 40, § 4, L. 18. proe., L. 24, L. 49, §4, D. de acq. vel. amitt. poss. (41, 2). L. 9, D. de rei vind. (6, 1). Et lorsqu'ils em- ployaient les termes precario possidere, ils entendaient qualifier par la possession dont jouit, pour son propre compte, celui qui a reçu à pré- caire. Voy. les lois citées à la note 1. Accarias, I, 212 et Garsonnet, I, § 136, note 18.

124 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

par une confusion manifeste d'idées, qu'on a été amené, dan< notre pratique et dans le langage même de nos lois, à ap- pliquer la qualification de possession précaire à la simple détention de ceux qui possèdent pour autrui \

Ainsi comprise, la précarité ne dénote pas une posses sion simplement vicieuse, mais elle est exclusive de tout< idée de possession. Si, malgré cela, nous nous bornons i la classer parmi les simples vices de la possession, menu en ce qui concerne la possession proprement dite, c'est-à dire celle des choses corporelles, c'est uniquement pour n< pas nous écarter du point de vue auquel se sont placés le: rédacteurs de nos Codes.

Au surplus, \eprecarium, tel que le Droit romain l'en tendait, se rencontre encore aujourd'hui dans les conces- sions de jouissance sur des immeubles dépendant du do maine public ; et, en pareil cas, la précarité ne constitue comme en Droit romain, qu'un vice relatif de la posses sion \

Les simples détenteurs, dans le sens du Droit romain ou les possesseurs précaires, selon la terminologie du Droi français, sont ceux qui, détenant une chose en vertu d'um convention ou d'une qualité d'après laquelle ils sont obligé de la restituer, à l'expiration du terme fixé par la conven tion ou lors de la cessation de leur qualité, la possèden pour le compte d'autrui. Tels sont l'usufruitier 5, le fer

3 Voy. ordonnance de 1667, tit. XVIII, art. 1 ; Code civil art. 2236 t 2239. Code de procédure, art. 23. Denisart, Précaire. Bourjon, Droi commun, liv. VI, tit. IV, chap. I, sect. II, nos 9 et 10, sect. III, no 18. - Pothier, {De la possession, n°s lo et suiv.) a cependant su se garder d la confusion d'idées que nous venons de signaler, et qui a été relevée, ave une grande autorité, dans un arrêt de la Cour de cassation, rendu à 1 suite d'un remarquable rapport de M. Porriquet. Civ. cass., 26 juin 1822 S. Chr. VII, p. 99.

4 Pothier, op. cit., 96. Voy. aussi : texte, lctt. b, notes lo et 16 infre s II est bien entendu que l'usufruitier, quoique ne possédant que pou

le compte du nu-propriétaire, la chose soumise à son droit d'usufruit, cependant, pour son propre compte, la quasi-possession de ce droit. I 4, D. utiposs. (43, 17). Laurent, XXXII, 306.

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOIRES. § 180 125

mier, le séquestre, le créancier sur antichrèse 6, le mari quant aux biens de la femme, dont il a l'administration et la jouissance 7, et le tuteur quant aux biens du pupille.

Les simples détenteurs sont légalement réputés n'avoir pas Y animas sibi habendi ; et cette présomption qui se rat- tache à l'origine de leur possession, se continue pendant toute sa durée. Art. 2231. Un simple changement d'inten- tion de leur part, c'est-à-dire la seule volonté de posséder désormais pour leur propre compte, est impuissant à in- tervertir le caractère de la possession qu'ils ont appréhen- dée pour autrui. Nemo potest sibi mntare causant posses- sionis. Art. 2240.

Le vice dont se trouve entaché la possession de ceux qui possèdent pour autrui est absolu, de telle sorte qu'il la rend inefficace, non-seulement par rapport à celui pour le compte duquel ils possèdent mais à l'égard de toute personne in- distinctement 8.

D'un autre côté, le vice est perpétuel, en ce sens qu'au- cun laps de temps ne peut le faire disparaître. Art. 2236 8 bis.

6 Duranton, XXI, 253. Zacharia3, § 215 c, texte et note 9. Giv. cass., 27 mai 1812, S., 13, 1, 85. Riom, 31 mai 1828, S., 28, 2, 282.

7 Bélime, nos 117 à 121. Laurent, XXXII, 304. Le Roux, I, 383 et 384. L'opinion contraire, professée par Troplong {De la prescription, II, 483 à 486), n'est pas admissible. Sous le régime dotal, aussi bien que sous le régime de communauté, le mari ne devient pas propriétaire des biens dotaux ou propres de la femme, et il ne les possède par conséquent que pour le compte de celle-ci. Cpr. § 535, texte et note 1.

8 Duranton, XXI, 223, Laurent, XXXII, 308. Cpr. Troplong, op. cit., I, 369 et 370. Cet auteur, tout en reconnaissant que le vice de précarité est absolu en matière de prescription, semble admettre qu'il n'est que relatif en fait d'actions possessoires. Mais cette distinction doit être re- jetée ; elle ne repose que sur une confusion évidente entre le precarium du Droit romain et la précarité du Droit français.

8 bisReq. 19 février 1873, S. 73, 1 , 305. Giv. cass., 19 février 1889, S. 89, I, 208. Laurent, XXXII, 39 et suiv., critique cette règle, mais à tort suivant nous. Si l'usurpateur peut prescrire par 30 années, tandis que le fermier dont la famille occupe un domaine depuis des siècles ne le peut pas, la raison en est simple. Le fermier a un titre qui durant sa détention précaire l'empêche d'être expulsé; son titre est exclusif de toute idée de prescription, tandis que durant 30 ans l'usurpateur peut être expulsé.

126 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

L'arrivée du terme fixé pour la restitution de la chose détenue précairement, et la cessai ion du mandat légal, ou conventionnel, en vertu duquel le détenteur avait com- mencé à posséder pour autrui, n'opèrent pas interversion de possession 9. Il y a mieux, les administrateurs légaux ou mandataires conventionnels qui, après avoir rendu leur compte, ou s'être affranchis par la prescription de l'obli- gation de le rendre, seraient restés, sans contradiction for- melle, en possession des biens de ceux pour le compte des- quels ils avaient commencé à les posséder, n'en devraient pas moins être considérés comme les détenant encore à titre précaire. Ni la reddition de compte suivie de décharge, ni la prescription de l'action en reddition de compte n'opèrent en leur faveur interversion de possession 10.

9 Vazeille (Des prescriptions, I, 426 et 127) est cependant d'un avis contraire sur ce dernier point. Mais l'art. 2237 prouve clairement que la seule cessation du mandat légal ou conventionnel, en vertu duquel une personne avait commencé à posséder pour autrui, ne suffit pas pour opérer interversion de possession. D'après cet article, en effet, le vice de précarité se transmet aux héritiers de tous ceux qui possédaient pour autrui, et notamment aux héritiers des mandataires légaux ou conven- tionnels, bien qu'ils n'aient jamais été revêtus de la qualité qui rendait la possession précaire dans la personne de leur auteur. Troplong, De la prescription, II, 487. DeFréminville, De la minorité, I, 365. Demolombe, VIII, 131. Duranton, XXI, 243 et 243. Zachariae, § 215 c, notes 8 et 12. Laurent, XXXII, 303. Le Roux, I, 387. Orléans, 31 décembre 1852, S., 53, 2, 712.

10 Nous sommes à cet égard en opposition avec Troplong, de Frémin- ville et Demolombe, qui, s'occupant spécialement de la position du tuteur, admettent tous trois que la reddition du compte tutélaire, suivie de dé- charge, opère interversion de possession en faveur du ci-devant tuteur; ils attribuent le même effet à la prescription de l'action en reddition de comp- te, avec cette différence toutefois que, pour ce dernier cas, Troplong (II, 489) et Demolombe (VIII, 174) font courir l'usucapion à partir de la ma- jorité du pupille, tandis que Fréminville (loc. cit.) en recule le point de départ à l'expiration du délai de la prescription de l'action en reddition de compte. Mais l'idée d'où partent ces auteurs nous parait erronée. La dé- charge donnée au tuteur ne porte que sur les résultats de la gestion tuté- laire, et n'implique, de la part du pupille, ni renonciation à exiger la res- titution de ces immeubles, ni consentement à ce que le tuteur s'en gère

DELA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOIRES. § 180 127

Le vice de précarité ne peut être effacé que par une in- terversion de possession résultant, soit dune cause venant d'un tiers, soit d'une contradiction formelle, opposée par le détenteur, au droit de celui pour le compte duquel il possédait. Art. 2238.

Par cause venant d'un tiers, on entend tout acte, à titre onéreux ou gratuit, translatif de propriété, passé au profit du détenteur par une tierce personne. Un pareil acte opère ipso facto interversion de la possession, sans qu'il soit né- cessaire de le notifier à celui pour le compte duquel elle s'exerçait H, à supposer, d'ailleurs que cet acte soit sé- rieux, et que le détenteur ait pu croire à la possibilité d'une transmission de propriété à son profit 12. A plus forte rai- son, un acte translatif de propriété, passé au profit du dé- tenteur, opère-t-il interversion de possession, lorsqu'il émane de celui pour le compte duquel ce dernier avait commencé de posséder 13.

La contradiction de nature à opérer interversion, peut

désormais comme propriétaire. On ne saurait donc trouver dans une pa- reille décharge une cause suffisante d'interversion. Voy. dans le sens de notre opinion, Le Roux, I, 386. Laurent, XXXII, 303. Orléans, 31 décembre 1852, S., 53, 2, 712. Pau, 9 février 1857, S., 59, 2, 372. Caen, 31 juillet 1858, S., 59, 2, 97.

11 II restera sans doute à examiner en pareil cas, si, en l'absence de notification du titre, la possession ne doit pas être réputée clandestine, ou tout au moins équivoque, au regard du véritable propriétaire. Mais c'est une question complètement différente de celle que nous avons résolue au texte. Troplong, De la prescription, II, 507 et 508. Bélime, 112. Laurent, XXXII, 316. Le Roux, t. I, 403. Yoy. cep. Yazeille, Des ■prescriptions, I, 548 et suiv.

12 En exigeant, pour intervertir la possession, une cause venant d'un tiers, l'art. 2238 suppose une cause qui explique et légitime, dans la per- sonne du détenteur, la volonté de commencer à posséder pour son propre compte. Admettre que l'interversion de possession s'opère en l'absence d'une cause de cette nature, ce serait indirectement contrevenir au prin - cipe que le détenteur ne peut, par l'effet seul de sa volonté, intervertir sa possession. Delvincourt, IL part. II, p. 650. Bélime, n^ 113 à 115. Laurent, XXXII, 317. Le Roux, 1, 405. Voy. en sens contraire : Troplong, op. cit., II, 507.

13 L. 33, | 1, D. de usurp. et usuc. (41, 3). Vazeille, op cit., I, 157.

128 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

résulter de tout acte judiciaire ou extrajudiciaire, par le- quel le détenteur fait connaître à celui pour le compte du- quel il avait commencé de posséder, des prétentions con- traires au droit de ce dernier. Elle peut également résulter des faits matériels, lorsqu'ils sont assez caractérisés pour annoncer manifeslement des prétentions de cette nature, et qu'ils sont assez graves pour constituer le propriétaire qui en a obtenu connaissance, en demeure de s'y opposer, en faisant valoir ses droits. De pareils faits sont, comme tous les faits purs et simples, susceptibles d'être prouvés par témoins *\

La précarité ne se présume pas. Le possesseur ne peut être astreint, pour établir la non-précarité de sa possession, à produire un titre de propriété, et bien moins encore, à débattre la validité de celui qu'il aurait produit. C'est à la partie qui invoque la précarité à en justifier. i4 bis. Art. 2230.

b. De la précarité en fait de quasi-possession des servitudes.

En matière de servitudes, la précarité désigne le carac- tère de la possession de celui qui n'exerce une servitude qu'à titre de simple tolérance, c'est-à-dire, par suite d'une concession bénévole et toujours révocable. Le terme pré- carité se prend donc ici dans le sens ànprecariam du Droit romain I5, et il ne saurait s'entendre dans le sens dune pos-

14 C'est une question de fait, souverainement appréciée par les tri- bunaux. Req., 1er avril 1835, D. Alph. yo Usage no 139, 2°. Cpr. | 762, texte 1, notes 5 à 7. Bélimc, no 110. Troplong, op. cit., II, 514. Lau- rent, XXXII, 323. Yazeille, op. cit., I, 151 et 152. Ce dernier auteur n'est pas contraire à l'opinion indiquée au texte. En exigeant une preuve écrite de la contradiction, il suppose qu'elle n'a eu lieu que par une dé- claration purement verbale, déclaration qui, par elle-même, serait en gé- néral insuffisante pour opérer contradiction, et qui, en tout cas, ne pour- rait être prouvée par témoins.

14 bis. Pour posséder à titre de propriétaire, il n'est point nécessaire de justifier d'un titre de propriété ; il suffit de n'avoir pas reçu la chose a titre précaire. Civ. cass., 26 août 1884, S., 86, 1, 165.

»* L. 2, | 3, et L. 3, D. de prec. (43, 26).

DE LA POSSESSION ET DÈS ACTIONS POSSESSOIRES. § 180 12Ô

session appréhendée pour le compte d' autrui, puisqu'il est impossible qu'on exerce une servitude pour le compte du propriétaire ou du possesseur du fonds assujetti. Toutefois, la présomption de Fart. 2230 est inapplicable aux servitu- des discontinues, dont l'exercice est, sauf preuve contraire, réputé entaché de précarité.

Celui qui exerce une servitude à titre de tolérance, l'exerce pour son propre compte ; et sa quasi-possession, quoique précaire, n'est entachée que d'un vice purement relatif. Il en résulte qu'elle est efficace à l'égard de tous, à l'excep- tion seulement du propriétaire ou possesseur dont émane la concession 1C.

Du reste, le vice de précarité, dont se trouve entaché l'exercice dune servitude, est perpétuel, et ne peut s'effa- cer que par une contradiction formelle n. Encore, une pa- reille contradiction n'a-t-ellc pas pour effet, lorsqu'il s'a- git de servitudes imprescriptibles, d'imprimer à la posses- sion un caractère utile, soit pour l'action possessoire, soit pour l'usucapion 18. .

16 Non obstnt, art. 2:23:2. Cet article dit bien que les actes de simple tolérance ne peuvent fonder ni possession ni prescription ; mais il est évident qu'en s'exprimant ainsi, le rédacteur de cette disposition n'a eu en vue que les rapports de celui qui exerce une servitude par simple tolérance, avec le propriétaire ou le possesseur qui lui en a concédé l'exercice. C'est ce que M. Porriquet a très bien établi dans le rapport déjà cité à la note 3 suprà. C'est aussi ce que la Cour de cassation a for- mellement reconnu par son arrêt du 6 mars 1855 (Civ. cass., S., 55, 1. 507). Req., 3 janvier 1877. D. 77, 1, 14. Cpr. Caen, 3 avril 1824, S., 25, -2, 173. Voy. Cep. Req., 29 août 1831, S., 31. 1, 355.

17 Nous ne rappelons pas ici, comme moyen de faire disparaître la pré- carité, la cause venant d'un tiers, dont parle l'art. 2238, parce qu'un titre constitutif de servitude émané a non domino ne saurait, en l'absence de contradiction formelle, effacer la précarité à l'égard du propriétaire du fonds sur lequel la servitude s'est jusqu'alors exercée à titre de simple to- lérance. Les motifs qui nous portent à rejeter l'usucapion de dix à vingt ans, même en matière de servitudes continues et apparentes, nous font également penser qu'un titre émané a non domino ne suffit pas à lui seul pour opérer en cette matière interversion de possession.

18 Voy. à cet égard : § 18.vi, texte 3, lett. b. L'on pourrait se deman^ der s'il n'y a pas antinomie entre les deux propositions contenues au texte,

n 9

130 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

De la clandestinité.

La possession est clandestine, ou, en d'autres termes, non publique, lorsque les actes par lesquels elle a été appré- hendée, et continuée, n'étaient pas de nature à être connus du public et particulièrement de ceux contre lesquels on veut s'en prévaloir 19.

Le vice d'une possession clandestinement appréhendée, se trouve purgé du moment elle se révèle par des actes matériels exercés publiquement 20.

Une possession, publique à son origine, ne devient pas clandestine, par cela seul qu'elle n'a pas continué à s'exer- cer publiquement, lorsque, d'ailleurs, la nature particulière de la chose possédée ne comportait pas une jouissance pu- blique. Elle ne devrait, en pareil cas, être réputée clan-

à savoir que d'une part le vice de précarité s'efface par la contradiction, et que d'autre part, la quasi-possession ne produirait, au cas de préca- rité, aucun effet utile soit pour l'exercice de l'action possessoire, soit pour l'usucapion. La réponse est dans une distinction. La première proposition s'applique aux servitudes en général, et la seconde aux servitudes impres- criptibles, comme une servitude de passage, qui n'est point à la fois con- tinue et apparente. G. c. art. 691. Une servitude prescriptible, comme par exemple, une servitude de vue, pourrait être exercée en vertu d'une con- cession précaire, et, en ce cas, une contradiction formelle à la concession originaire effacerait le vice de précarité.

19 Zachariae, § 21o c, texte et note 18. D'après le Droit français, qui exige la publicité de la possession comme condition de son efficacité (art. i22:29), il n'y a point, en général, à examiner, si le possesseur a ou non cherché à tenir sa possession secrète. Les jurisconsultes romains, au con- traire, ne considéraient la possession comme clandestine, qu'autant que le fait de l'appréhension avait été intentionnellement celé. L. 6, proe.f L. 40, § 3, 1). de acq. vel amitt. poss. (41, 2). Accarias, Droit romain, II, no 966, p. 1355 et note 3. n" 968. Gpr. Bourbeau, VII, 348.

Arg. art. 2233, al. 2. Vazeille, op. cit., I, 47. ïroplong, op. cit., I, 356. Bélime, 42. Zachariae, § %io c, texte et note 19. En Droit romain, il en était autrement. L. 40, § 2, D. de acq. vel amitt. poss. (41, 2). On s'y attachait exclusivement à l'origine de la possession ; ce qui, pour les interdits uti possidetis et utra ubi, était conforme aux termes de Pédit du préteur, et ce qui s'expliquait, pour l'usucapion, par la nécessité de la bonne foi au moment de la prise de possession.

1)E LA POSSESSION ET DE£ ACTIONS POSSESSOIRES. § 180 131

destine, qu'autant que le possesseur aurait pris des précau- tions extraordinaires pour celer la continuation de sa jouis- sance 21.

La clandestinité est un vice purement relatif, qui n'est susceptible d'être opposé que par ceux qui n'ont pu con- naître la possession 22.

De la violence.

La possession est entachée de violence, ou, en d'autres termes, elle n'est pas paisible, lorsqu'elle a été acquise et gardée au moyen des voies de fait accompagnées de violen- ces matérielles ou morales 23.

21 C'est ainsi que la possession d'une cave creusée publiquement sous le sol d'un voisin, ne devient pas clandestine, par cela seul qu'après son éta- blissement, la jouissance ne s'en révèle plus par des actes de nature à être connus du public. Bélime, 43. Cpr. Curasson, Cpr. Vazeille, op. cit., I, 48. Troplong, op. cit., II, 357. Bourcart, des Act. poss. 94, IV, Comp. des juges de paix, II, no 578.

22 Pothier, De la possession, no 96. Poncet, Des actions, 82 et suiv. Troplong, op. cit., I, 369 et 370. Bélime, nos 51 et 52. Le Roux, I, 297. Civ. cass., 26 juin 1822, S., 22, 1, 362. Cpr. Zachariie, § 188, note 3.

23 Suivant Troplong (op. cit., Il, 350), la possession paisible dont parle l'art. 2229, serait celle qui n'aurait pas été fréquemment inquiétée par des tiers. En partant de cette idée, cet auteur ne se borne pas à exiger, pour l'efficacité de la possession, qu'elle ait été exempte de violence dans son appréhension, mais il demande en outre qu'elle n'ait pas été inquiétée durant son cours par des troubles fréquents. C'est ce qui res- sortirait, selon lui, du rapprochement des art. 2229 et 2233. par le motif que le dernier de ces articles serait sans objet, s'il n'avait pas été décrété dans la vue d'exiger une condition différente de celle que requiert déjà le premier. Voy. également dans ce sens : Boitant et Colmet d'Aage, Le- çons de procédure, I, 629. Crémicu, 278. Marcadé, sur les art. 2229 à 2234, 4. Bioche, Des actions poss., 13. Wodon, De la poss., I, no 13. Laurent, XXXII, 280 et suiv. et III, 285, Bourbeau. VII, nos 313 et suiv. Le Roux, I, 293. Mais cette manière de voir est, à notre avis, repoussée par les précédents historiques, et par toute l'économie du chap. II du titre De la prescription. Il nous parait certain qu'en se servant des expressions possession paisible, les rédacteurs des art. 2229 du Code civil et 23 du Code de procédure n'ont voulu que rendre en d'autres termes, l'idée exprimée dans l'art. l,tit.XVII,de l'ordonnance de 4667, par les mots posséder sans

l32 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

En Droit français, la violence employée pour acquérir la possession ne la rend pas perpétuellement vicieuse. Le vice de violence est purgé parla continuation paisible de la pos- session, sans qu'il soit nécessaire que la chose retourne préablement au pouvoir de celui qui en a été dépouillé -\ ou qu'il se produise une interversion dans la cause de la possession r\ Art. 2233. Toutefois, ce résultat n'est définiti- vement acquis, en ce qui concerne les avantages attachés à la possession, que par une jouissance paisible continuée pendant une année au moins. iS bis Code de procéd. , art. 23.

Lorsque le vice de violence a été purgé par la continua- tion paisible de la possession durant une année, les effets de celle-ci remontent au jour la violence a cessé.

La possession exempte de violence à son origine, ou dont le vice originaire de violence a été purgé par une année de possession paisible, ne devient pas vicieuse, par cela seul que le possesseur emploie la violence pour s'y maintenir M.

violence. D'un autre côté, la série des articles dont se compose le chap. II du titre De la prescription, prouve évidemment que le législateur, après avoir énuméré dans l'art. 2229 toutes les conditions requises pour que la possession puisse conduire î\ l'usucapion, n'a t'ait, dans les articles sui- vants, que développer ou expliquer ces diverses conditions. On ne verrait pas, d'ailleurs, comment des troubles plus ou moins fréquents, apportés par des tiers, pourraient avoir pour résultat de rendre la possession inef- ficace, alors que, cependant, ils n'auraient pas abouti à une interruption directe ou indirecte de l'usucapion. Maleville, sur l'art. 2229. Delvincourt, II, part. I, p. 210. Bélime, no 34. Zaehariaj, § 215 c, texte et note 15. Gol- met de Santcrre, VIII, 336 bis, VI. Garsonnet, Proc.,l, p. 584, note 15. Bourcart, Act. poss. 94, IV. Leroux, I, 297. Cpr. Req., 1er avril 1848, S., 49, 1, 449. Req., 10 mai 1865, S., 65, 1, 264. Civ. cass., 26 août 1884, S., 86, 1, 165. Cpr. Civ. cass., 7 novembre 1876. D. 77, 1, 225.

24 II en était autrement en Droit romain. Cpr. §§ 2 et 8, lnst. de vsuc. (2, 6). L. 5, C. densuc. proempt. (7, 26). Zachariae, § 215 c, texte et note 17. Accarias, II, no 966, note 2, p. 1355. Le Roux, I, no 296. La disposi- tion de la loi est vivement critiquée par Laurent, XXXII, n 284.

~'J Troplong, op. cit., I, 420. Voy. en ce sens Le Roux, I, 296. Contra : Delvincourt, II. p. 648.

22 bis. Laurent, XXXII, 284.

2G Repousser par la force un trouble apporté a la possession, ce n'est pas exercer un acte violent de possession. L. 1. g 28. D. de vi etvi arm.

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOIRES. § 181 133

La violence ne constitue, comme la clandestinité, qu'un vice purement relatif, dont ne peut exciper que celui con- tre lequel elle a été exercée 27.

§181.

De la translation, de V accession, et de la continuation de la

possession.

La possession, envisagée en elle-même et comme état de fait, n'est pas susceptible de passer en réalité dune per- sonne à une autre i ; mais il en est autrement des avan- tages qui y sont attachés, et notamment des actions ou- vertes à l'effet de s'y faire maintenir ou réintégrer. Ces avantages et ces actions passent ipso facto aux successeurs universels ou particuliers du possesseur, avec le droit pro- bable dont la possession était l'exercice ou la manifesta- tion 2.

(43, 16). Troplong, op. cil., I, 418. Bélime, no 34. Zacharia^, § 188, note 3, et | 245 c, texte et note 17. Laurent, XXXII, 284. Le Roux, I, 294. 27 Voy. les autorités citées à la note 21 suprà. Laurent, XXXII, 285.

1 De la jonction des possessions, par Folleville, Revue pratique, 1870, XXIX, p. 169, 1871 , XXXI, p. 324. Le Droit romain n'admettait môme pas que la possession du défunt se transmit à ses héritiers. L. 23, proe., D. de ucq. vel amitt. poss. (41, 2). Si, en Droit français, et en vertu de la maxime Le mort saisit le vif, la possession du défunt est censée passer de plein droit aux héritiers du sang et aux légataires universels jouissant de la saisine, ce n'est qu'une pure fiction légale, qui ne contredit pas la pro- position énoncée au texte. Cette fiction, qui avait dans notre ancien Droit une plus grande portée qu'elle n'en a aujourd'hui, produit cependant en- core cette importante conséquence, que les personnes qui jouissent de la saisine héréditaire peuvent, à la différence des successeurs universels qui n'en jouissent pas, intenter les actions possessoires du défunt, sans envoi en possession ou délivrance préalable. Cpr. note 3 infrà.

2 Ces avantages et ces actions ayant un caractère juridique, et par cela même immatériel, rien ne s'oppose à ce qu'ils passent d'une personne à une autre. Or, par cela même que, dans notre législation, les droits se transmettent par le seul effet des conventions, indépendamment de toute tradition, on doit également admettre que les actions ou avantages atta-

134 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

Ilenrésulte, d'une part, que les successeurs universels ou particuliers sont, en cette qualité, et indépendamment de toute pi'ise de possession personnelle, admis à exercer les actions possessoires qui compétaient à leur auteur8.

Il en résulte, d'autre part, que dans Le cas la posses- sion, pour produire un effet juridique déterminé, doit avoir duré un certain temps, ces successeurs sont autorisés à joindre le temps de la possession de leur auteur à celui pen- dant lequel ils ont eux-mêmes possédé accessio : possessio- num). Art, 2235*.

La translation et l'accession de possession s'opèrent non- seulement au profit des successeurs proprement dits, mais encore en faveur de tous ceux auquels le possesseur est tenu de remettre ou d'abandonner la possession, soit par suite d'une obligation de délivrance qui lui incombe, soit à raison de la résolution, de l'annulation, ou de la rescision de son titre 5.

chés à la possession passent ipso facto à celui auquel un droit a été trans- mis, comme des accessoires utiles de ce droit, et comme des moyens de le détendre ou de le consolider. Bélime, nos 183 à 187. Merlin, Quest., Complainte, § 2. Req., 12 fructidor an X. Yoy. en sens contraire : Proudhon, Du domaine privé, II, 497.

3 II est toutefois à remarquer que les successeurs irréguliers, et les lé- gataires qui ne jouissent pas de la saisine, ne sont admis à former les ac- tions possessoires, comme les pétitoires, qu'après avoir obtenu l'envoi en possession ou la délivrance, et que, jusque-Là, ils devraient être déclarés non recevables dans leur demande pour défaut de qualité. Mais ce n'est point une exception au principe de la transmission des avantages delà possession : cela tient uniquement à la circonstance que, tant que le titre de ces personnes n'a pas été vérifié par la justice ou par les héritiers in- téressés à le contester, elles ne sont pas légalement investies, à l'égard des tiers, de la qualité dont elles se prévalent. Laurent, XXXII, 3<u. Le Roux, I, 363.

* Quoique, d'après sa place au titre De la prescription, et d'après sa rédaction môme, cet article ne s'occupe de l'accession do possession qu'au point de vue spécial de la prescription, il n'est pas douteux que la règle qu'il consacre, ne soit également applicable en matière d'actions posses- soires. C'est ce que le Droit romain avait déjà admis au sujet de l'interdit ulruln. Gaii Com., IV, 151. Bélimô, 349. Crémieu, ^70. Folleville, no 28.

B Les jurisconsultes romains, qui se sont occupés avec un soin I ou t par-

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOIRES. § 181 135

C'estainsi que le légataire peut joindre à sa propre posses- sion, non-seulement celle du testateur, mais même celle que l'héritier a eue jusqu'au moment de la délivrance du legs 6. C'est ainsi encore que le vendeur ou le donateur peut, après la résolution, l'annulation ou la rescision de la vente ou de la donation, joindre à sa propre possession, celle de l'acquéreur ou du donataire \

tictlîier de l'accession de possession, s'accordaient à reconnaître que cette matière devait être réglée, plutôt par les notions de l'équité, que par les principes rigoureux du droit. C'est ce qu'énonce nettement Scanola, dans la loi 14, proe.9 D. de diu. temp. praescrip. (44, 3) : De uccessionibus pos- sessionumnihil in perpetiium, neque generaliter definire possumus; con- sistant enim in sala xquitate ; et la combinaison de ce texte avec la suite de la même loi prouve que, si ce jurisconsulte ne taisait aucune difficulté pour admettre l'accession de possession en laveur des successeurs propre- ment dits, il n'entendait cependant pas la restreindre à ces personnes. L'ensemble des décisions du Droit romain sur cette matière conduit à re- connaître que l'accession doit être admise, toutes les l'ois qu'il existe entre deux possessions un lien tellement intime et nécessaire, que l'une appa- raît comme la suite et en quelque sorte comme la continuation de l'autre. Cette manière de voira été suivie par nos anciens auteurs. Voy.d'Argentré, sur l'art. 265, chap. VI, 30, de la Coutume de Bretagne : Dunod, De la prescription, part. I, chap. IV, p. 20 et 21. Le Roux, I, 346. Or, il est d'au- tant moins probable que les rédacteurs du Code aient voulu s'écarter de cette doctrine, qu'ils se sont bornés à rappeler, dans l'art. 2235,1a règle de l'ac- cession de possession, sans la développer ; et si l'on trouve dans cet arti- cle les termes « on peut joindre à sa possession celle de son auteur, de « quelque manière qn'on lui ait succédé, » ces termes doivent s'entendre secundnm subjectam materiam, c'est-à-dire de la succession aux avanta- ges de la possession. En les restreignant aux cas une personne suc- cède, dans le sens propre de cette expression, aux droits d'une autre per- sonne, on arriverait jusqu'à dire que le légataire ne peut joindre à sa pos- session celle de l'héritier, et que le vendeur reprenant, en vertu d'un pacte de retrait, l'immeuble par lui vendu, n'est pas autorisé à joindre à sa possession celle de l'acquéreur : or, ces conséquences nous parais- sent inadmissibles. Troplong, De la prescription, I, 428 et 452. Bélinie, n°s 597 et suiv. Le Roux, I, 347 et suiv.

6 L. 13, § 10, D. de acq. vel amitt. poss. (41, 2). Dunod, op. et loc. citt. Merlin, Rép., Prescription, sect. I, § 5, art. 3, 4. Vazeille, Des prescriptions fl, 72. Troplong, op. cit., I, 452. Le Roux, 1, 363.

"' L. 13, § 2, D. acq. vel amitt. poss. (41, 2). L. 19, D. de nsurp et usu- cap. (41, 3). L. 6, | 1, D. de diu. temp. pnescrip. (44, 3). Dunod, op. et

136 INTRODUCTION A LA. SECONDE PARTIE.

Mais il ne semble pas qu'on puisse aller jusqu'à accor- der le bénéfice de l'accession à celui qui, après avoir perdu la possession par une interruption de plus d'une année, a obtenu au pétitoire un jugement qui condamne au délais- sement le possesseur intérimaire 8.

Du reste, il ne saurait être question de simple accession de possession dans les cas une personne après avoir possédé par autrui, rentre personnellement en possession. Dans ce cas, c'est en son propre nom, et comme si elle avait elle-même possédé, que cette personne est autorisée à se prévaloir de la possession exercée pour son compte. C'est

loc. citt. Merlin, op. v<> et locc. citt. Troplong, op. et loc. cilt. Bélime, nos 190 et 199.Zachariae, § 245 c, note 14. Le Roux, I, 361. Folleville, op.cit. nos 37 et 40.

8 L'opinion contraire, qui compte un grand nombre de partisans parmi les auteurs anciens et modernes, s'appuie sur la loi 13, § 9, D. de acq. vel amittposs. (41, 2), ainsi conçue : « Si jussu judicis res mihi restituta sit, accessionem. esse mihi dandam placuit. » Mais la décision de cette loi, qui parait se rattacher aux effets de la litiscontestation en Droit romain, et qui ne peut guère s'expliquer que par l'assimilation du jugement or- donnant le délaissement à un titre translatif de propriété, n'est plus com- patible avec les principes de notre Droit, d'après lequel les jugements ne sont, en général, que déclaratifs. Nous comprendrions d'ailleurs difficile- ment que l'interruption, définitivement opérée par une dépossession de plus d'une année, fût effacée par l'effet d'un jugement rendu au pétitoire, non seulement à l'égard de la partie condamnée au délaissement, mais en- core à l'égard de tout tiers contre lequel on voudrait se prévaloir de la possession. Un pareil jugement, dont l'effet est purement relatif à la par- tie contre laquelle il a été rendu, ne saurait être invoqué contre les tiers qui n'y ont point figuré. Merlin, liép., Prescription, sect. I, § o, art. 3, no 8,* 4o. Laurent, XXXII, 365. Le Roux, I, 367 à 369. Req., 42 jan- vier 1832, S., 32, 1, 81. Voy. en sens contraire : Vazeille, Des prescrip- tions, I, 176 et 177 ; Bélime, nos 20-2 et 203. Marcadé, sur l'art. 2235. 3. Folleville, op. cit. 54. Cpr. Troplong, op. cit., I, 448 et suiv. Cet au- teur, distinguant entre le cas le possesseur, condamné au délaissement, l'a été avec restitution des fruits, et celui où, à raison de sa bonne foi, il a été dispensé de cette restitution, restreint l'application de la loi 13, § 9, ci-dessus citée, au premier de ces cas. Mais cette solution, que dans notre manière de voir nous n'avons pas à examiner, nous parait avoir été victo- rieusement réfutée par Bélime (loc. cit.). Mais le possesseur expulsé qui a triomphé dans la complainte ou la reintégrande peut joindre la possession de l'usurpateur à la sienne. Troplong, 448. Le Roux, 1, 366-

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOIRES. § 181 137

ce qui a lieu, lorsque le nu-propriétaire reprend, après la cessation de l'usufruit, la chose qui s'y trouvait soumise 9.

L'accession ne peut avoir lieu qu'entre deux possessions qui se suivent sans interruption, c'est-à-dire qui n'ont pas été séparées l'une de l'autre, par une possession intermé- diaire et annale qu'aurait eue un tiers. Mais la circonstance que la possession serait simplement restée vide, ne forme point obstacle à l'accession 10. C'est ainsi que, lorsqu'une succession est dévolue à des successeurs irréguliers, ces suc- cesseurs sont, après l'envoi en possession, autorisés à join- dre à leur propre possession, celle du défunt, et même la possession restée vide dans l'intervalle du décès à l'envoi en possession.

D'un autre côté, il faut, pour qu'il y ait lieu à accession, que la possession dont le nouveau possesseur veut se pré- valoir pour la joindre à la sienne, ne soit pas vicieuse, et que, réciproquement, sa propre possession soit exempte de vices ". Il résulte, entre autres, de là, que celui qui a acheté

9 Contrairement à la proposition énoncée au texte, la Cour de cassa- tion a cependant jugé que le nu-propriétaire ne peut intenter l'action pos- sessoire qu'en vertu d'une possession remontant à une année au moins de- puis l'extinction de l'usufruit, en se fondant, d'une part, sur ce que le nu- propriétaire n'est pas le successeur de l'usufruitier, et sur ce que, d'autre part, l'usufruitier, possédant pour son propre compte, ne rentre pas dans la classe de ceux qui détiennent pour autrui. Civ. cass., 6 mars 18:2:2, S., Chr. Mais le premier de ces motifs porte à faux, puisqu'il ne s'agit pas ici d'une question d'accession. Quant au secontl, il nous parait être le résultat d'une équivoque. Il est vrai que l'usufruitier a, pour son propre compte, la quasi-possession de son droit d'usufruit. Mais il n'a pas la possession de la chose corporelle sur laquelle porte ce droit. Cette chose ne lui ayant été remise que temporairement, et sous condition de restitu- tion, il ne la détient qu'à titre précaire, c'est-à-dire pour le compte du nu-propriétaire, qui continue de la posséder par son intermédiaire pen- dant toute la durée de l'usufruit. Art. "2*236. Bélime, no 204. Proudhon, De l'usufruit, V, 2570 et suiv. Demolombe, X, 635. Laurent, XXXII, 364. Le Roux, I, 359. Follèville, op. cit. 44. Cpr. civ. C. 14 décembre 1840, S. 41.1. 237.

10 L. 13, § 5, D. de ac. vel amiit. poss. (41, 2). L. 20, D. de usurp. et usucap. (41, 3). Merlin, Rép., Prescription, sect. I, § 5, art. 3, 8. Vazeille, op. et loc. citt. Troplong, op. cit., I, 430.

11 L. 13, | 13, D. de acq. vel amitt. poss. (41, 2). Troplong, op. cit., I, 432. Laurent, XXXII, 338. Follèville op. cit. no 30.

138 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

un immeuble d'un détenteur ou possesseur précaire, ne peut joindre à sa propre possession, la détention de son auteur. Cpr. art. 2289.

Quant à La question de savoir si les vices dont se trouve entachée la possession du précédent possesseur, se trans- mettent à celle du successeur, de manière à la rendre elle- même vicieuse, ou si, au contraire, le nouveau possesseur peut, malgré les vices de la possession de son auteur, com- mencer dans sa personne une possession utile, elle ne sau- rait se présenter dans notre Droit que pour le vice de pré- carité, et elle se résout par une distinction entre les succes- seurs universels et les successeurs particuliers.

Le vice de précarité reste attaché à la possession, lors- que la chose passe aux mains d'un héritier, ou de tout au- tre sucesseur universel 12 [eontinuatio possessionù u) . Art.

12 L'art. 2237 ne mentionne, il est vrai, que les héritiers ; et, pour res- treindre l'application de cette expression aux héritiers proprement dits, c'est-à-dire aux parents légitimes que la loi appelle à la succession, on pourrait dire que c'est à raison de la saisine héréditaire, qu'ils continuent, sive volint sive nolint, la possession du défunt, avec les avantages qui s'y trouvaient attachés et les vices dont elle était affectée. Mais, pour jus- tifier la proposition énoncée au texte, il suffira de faire remarquer que la règle consacrée par l'art. 2237 était déjà admise dans le Droit romain, qui cependant ne connaissait pas la saisine héréditaire ; et que la vérita- ble raison de cette disposition se trouve dans le principe que tous les suc- cesseurs universels, héritiers ou autres, étant tenus des faits de leur au- teur, et notamment de l'obligation de restitution qui engendre le vice de précarité, ils se trouvent, comme ce dernier, dans l'impossibilité de com- mencer, dans leur personne, une possession nouvelle purgée de ce vice. Exposé de motifs, par Bigot-Préameneu (Locré, Lég., XVI, p. 565, nos 11 et 42). Pothier, De la prescription, 118. Troplong, op. cit., II, 502. Bélime, nos 1^7 à 130. Le Roux, I, 350, 351.

13 « Diutina possessio quœ prodesse cœperat defuncto, et kseredi et bo- noram possessori continuatur, licet ipse sciât prœdium alicnam. Quod si ille initium justum non liabuil, hseredi et bonoriim possessori, licet igno- ranti, possessio non prodest. » g 12, Inst. de usucap. (2, (i). Les termes possessio continuatur ne seraient point exacts, si on voulait les appliquer au fait même de la possession. Mais ils sont parfaitement justes, en tant qu'il s'agit des avantages et des vices de la possession, qui, à raison de leur caractère juridique, continuent réellement dans la personne des suc- cesseurs universels. C'est ce qu'explique très bien Papinien, dans la loi

DE LA POSSESSION KT DES ACTIONS POSSESSOIRES. § 182 139

2237. Ni l'intention qu'un pareil successeur pourrait avoir de posséder pour son propre compte, ni même l'ignorance dans laquelle il se trouverait de l'existence du vice de pré- carité, ne sauraient avoir pour effet d'effacer ce vice, qui ne peut être purgé dans la personne du successeur univer- sel, tout comme dans celle de son auteur, que par l'une des causes d'interversion indiquées dans l'art. 2238 u.

Au contraire, le vice de précarité ne se transmet pas au successeur particulier, qui peut commencer à posséder dune manière utile, alors du moins qu'il prend par lui-même ou par un tiers, possession de la chose à lui transmise. Art. 2239 u bis. Que si, par l'effet d'un constitut possessoire, il avait laissé cette chose entre les mains de son auteur, sa possession n'aurait pas un caractère suffisant de publicité, et serait équivoque à l'égard de celui pour le compte du- quel ce dernier avait commencé de posséder 13. Il y a mieux, si un fermier , après avoir vendu la chose à lui louée, et l'avoir reprise à bail de l'acquéreur, avait continué de payer le fermage au premier bailleur, celui-ci devrait être con- sidéré comme ayant continué de posséder par l'intermé- diaire du fermier 16.

§ 182.

Des effets de la possession et de la quasi-possession, en gé- néral.

La possession des choses corporelles engendre, en fa- it, D. dediv. temp. prses. (44, 3), en disant : Quum fueres in jus omnc defuncli succedit, ignoratione sua defuncti vitia non excludit, veluti quum sciens alienum Me, velprecario possedii. Laurent XXXII, 3119. Folleville, op. rit. 21.

14 Laurent, XXXII, 359. Le Roux, T, 354. Orléans, 31 décembre 4852, S., 53, 2, 742. Folleville. op. cit.

14 bis. Le Roux, I, 352. Laurent, XXXII, nos 309 et 31-2. Civ. cass., 8 novembre 1880. S., 81, 1, 52.

13 Bùlime, nos 132 et 133. Folleville, op. cit. Bourges, 18 janvier 1836, S., 26, 2, 260.

1G L. 32, § 1, D. deacq. vel amiit. poss. (41, 2). Pau, 14 mai 1830, S., 31, 2,284,

140 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

vêtir du possesseur, une présomption Légale de l'existence, dans sa personne, du droit de propriété dont elle est la manifestation \

Cette présomption est Tunique effet que la possession pro- duise immédiatement et par elle-même. Les actions posses- soires proprement dites et l'usucapion exigent en effet, ou- tre la possession, l'écoulement d'un -certain laps de temps.

Les autres effets que d'ordinaire on attribue à la posses- sion i bis^ ou ne s'y rattachent qu'occasionnellement, sans qu'elle en soit la cause génératrice, ou ne sont que des consé- quences de la présomption qu'elle engendre. Si, à condi- tions d'ailleurs égales, la préférence est due au possesseur (In pari causa melior est conditio possidentis) , soit en ce qui concerne les mesures provisoires qui peuvent devenir né- cessaires dans le cours d'une instance, soit même pour la décision du fond de la contestation, ce n'est qu'une con- séquence de la présomption de propriété qui milite en fa- veur du possesseur. Si, d'un autre côté, le possesseur ac- tionné en déguerpissement, doit être renvoyé de la demande lorsque le demandeur ne justifie pas de son droit de pro- priété, cet avantage, commun à tout défendeur, qu'il pos- sède ou ne possède pas, se rattache aux règles de la preuve, et à la maxime Adore non probante, reus absolvitur ' . En- suite, le bénéfice dont jouit le possesseur de bonne foi de faire siens les fruits qu'il a perçus, lui est plutôt accordé i raison de la perception qu'il en a faite de bonne foi, qu'er considération de sa possession. Enfin, dans certains cas, qu: seront indiqués plus loin, la possession engendre le droi de rétention 2 bis.

La force de la présomption attachée à la possession, va- rie suivant qu'il s'agit de meubles ou d'immeubles.

1 Troplong, De In prescription, I, 217 et suiv.Bélimo, n°18. Zachariœ § 186, texte et note Ire, Bonnier, Traité des preuves, H, no 837.

1 bis. Voy. notamment Zachafiae, § 186, texte et note 2 à 6.

2 Garsonnet, § 130, p. 538, note M.

2 bis. Voir infrà, % i-'S bis. Garsonnet, toc. cit., notel2. Glasson, Droi de rétention, passim*

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOIRES. § 182 141

En fait de meubles, la possession engendre par elle-même et abstraction faite de toute condition de durée, une pré- somption de propriété, qui, en général, est absolue et irré- fragable 3.

En matière immobilière, la présomption de propriété at- tachée à la possession n'est sans doute pas non plus subor- donnée à la condition que cette dernière se soit prolongée durant un certain temps. Mais, à la ditférence de ce qui a lieu en fait de meubles, cette présomption n'est point par elle-même absolue : son degré de force dépend de la du- rée de la possession, de telle sorte quelle acquiert d'autant plus de gravité que celle-ci a continué pendant un plus long espace de temps.

Avant l'écoulement d'une année de possession, la pré- somption qui milite en faveur du possesseur actuel, peut être combattue par la présomption plus forte qui résulte de la possession annale du précédent possesseur. Après l'é- coulement d'une année, au contraire, elle ne peut plus l'être que parla preuve d'un droit de propriété. En d'au- tres termes, lorsque la possession a continué sans interrup- tion pendant une année au moins, elle constitue la saisine possessoire, que la loi protège provisoirement jusqu'à la reconnaissance judiciaire du droit de propriété, et pour le maintien ou le rétablissement de laquelle elle accorde des actions spéciales, connues sous les noms de complainte et de dénonciation de nouvel œuvre \

Enfin, de simple qu'elle était dans l'origine, la présomp- tion attachée à la possession des immeubles corporels de- vient absolue et irréfragable, lorsque celle-ci a continué sans interruption pendant trente années. Art. 2262. Une posses- sion de dix à vingt ans est même suffisante pour produire

3 Cette proposition sera développée au paragraphe suivant. Garsonnet, I, § 130, p. 540, note 20.

4 Cpr. sur le caractère et l'objet de la réintégrande, comme action dis- tincte de la complainte et de la dénonciation de nouvel onivre : §§ 484 et 189. Garsonnet. loc. cit., p. 539.

142 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

cet effet, lorsqu'elle est fondée sur un juste titre, et qu'elle a été acquise de bonne foi 5. Art. 2265.

La quasi-possession dune servitude personnelle, ou d'une servitude réelle tout à la fois continue et apparente, engendre également en faveur de celui qui en jouit, une présomption légale de l'existence, dans sa personne, du droit exercé à titre de servitude. Toutefois, cette présomp- tion moins énergique que celle qui s'attache à la possession dune chose corporelle, na d'effet qu'au possessoire. Au pé- titoirc elle fléchit, tant que lusucapion n'est pas définiti- vement accomplie, devant la présomption plus forte de franchise qu'emporte de sa nature le droit de propriété 6.

Quant aux servitudes réelles, qui ne réunissent pas le double caractère de continuité et d'apparence, elles sont réputées ne s'exercer qu'à titre précaire ou de simple tolé- rance. Il en résulte que l'exercice de fait dune pareille ser- vitude ne conduit jamais à lusucapion (art. 691), et qu'il ne peut fonder une action possessoire contre le propriétaire de l'héritage servant, qu'autant que la présomption de pré- carité se trouve écartée par un titre émané de ce dernier ou de ses auteurs \

8 La possession avec juste titre et bonne foi était appelée en Droit ro- main possession civile. A cette possession, qui seule pouvait conduire à Tusucapion, on opposait la possession sans titre ni bonne foi, qui ne donnait droit qu'aux interdits, et qu'on appelait possession naturelle. Ce- pendant ces expressions étaient aussi employées pour désigner la simple détention; et, par opposition à cette dernière, la possession des interdits était simplement appelée possession, sans autre désignation. Toute pos- session exempte des vices de précarité, de clandestinité et de violence, pouvant, en Droit français, conduire à l'usucapion, est véritablement ci- vile, dans le sens que le Droit romain attachait à cette expression. La distinction de la possession en civile et naturelle, doit donc demeurer étrangère à renseignement du Droit français, pour l'intelligence duquel il suffit de séparer nettement la détention de la possession proprement dite.

c Cpr. § 190 ; § 210, texte no $ et note 10.

1 Voy. pour le développement et la justification de ces propositions : § 1*:;, texte, nos ^ et 3.

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOlRES. § 183 143

§ 183.

Des effets de la possession en matière mobilière, en parti- culier !.

En fait de meubles, la possession vaut titre 2. Art. 2279,

1 Cpr. sur cette matière : Dissertalio de vi atque efjectu possessionis rerum mobilium, ad art. 2279 Cod. civ., Auctore Ant. Baucr, Gœttingen 1843, in-4o. Dissertation sur la revendication des meubles, par Destrais; Strasbourg 1839, in-4<>. Dissertation sur la nature de la possession en fait de meubles, par Lacombe de Yillers, Revue bretonne, lHiO, p. 179 et 112. Vart. 2279 du Code civil, interprété par ses origines germaniques, par Renaud (en allemand). Traduction et analyse, par Chauffeur, Revue de législation, 18io. I. p. 371 ; II, p. %%i. Examen critique de cette même dissertation, par Rivière, Revue de législation, 1851, III, p. 310. De vestitura possessoria rerum mobilium ; Auct. Renner ; Marburgi 1857, broch. in-8. De Folleville et Lonfier, Traité de la possession des meubles, 2^ édit., 1 vol. in-8. Paris, 1875. Jobbé-Dnval. Essai historique sur la revendication des meubles, 4 vol. in-8, Paris, 1881.

2 Cette maxime, et les exceptions qu'y apporte le second alinéa de l'art. 2U279 en admettant, pour les cas de perte et de vol, Faction en revendi- cation, généralement déniée en matière mobilière, étaient déjà, sinon expressément formulées, du moins pratiquement consacrées par la loi salique et la loi ripuaire, dans leurs dispositions relatives à la procédure en entiercement. Loi salique, tit. 39 et 49. Loi ripuaire, tit. 35. Los mê- mes idées se retrouvent dans les Établissements de Saint-Louis (liv. I, chap. 91 ; liv. II, chap. 17), et dans le Miroir de Saxe (II, 36 et 60). Il résulte de ces documents que celui qui s'était volontairement dessaisi d'une chose mobilière, n'avait qu'une action personnelle en restitution contre la personne à laquelle il l'avait remise, sans pouvoir la revendi- quer entre les mains du tiers possesseur. C'est aussi ce qu'exprimaient, dans le Droit germanique, les adages : Hand mms ïïand wahren. Wo man seincn Glauben gelassen hat, da mussman ihn ivieder suchen. Voy. encore : Coutumes notoires, art. 43 ; et Décisions de Jean des Mares, art. 165. L'étude du Droit romain qui. même en matière mobilière, dis- tingue si nettement la propriété et la possession, amena peu à peu, dans l'esprit des jurisconsultes, une sorte de réaction contre ces idées. De là, les dispositions d'un grand nombre de coutumes sur la prescription ac- quisitive des meubles, prescription qui suppose jusqu'à son accomplisse- sement la possibilité de la revendication. Toutefois, dans ces coutumes mêmes, les anciens principes s'étaient partiellement maintenus, en ce que, d'une part, la complainte possessoire n'était point reçue en fait de meu-

144 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

al. 1. En d'autres termes, la possession engendre instanta- nément, et par elle-même, en faveur du possesseur dune chose mobilière, une présomption de propriété 3, à l'aide

blés, et en ce que, d'autre part, les meubles n'avaient pas de suite par hypothèque. Cet état du Droit est nettement résumé par Lcgrand (sur l'art, 72 de la coutume de Troyes, meubles ri ont pas de suite par hypo- thèque), qui s'exprime ainsi : « Notre article, conformément aux articles « des autres coutumes et à la maxime générale que nous avons dit être <( quasi-observée par toute la France, ajoute ces mots par hypothèque, « pour montrer qu'autre chose est du domaine et de la propriété du meu- « ble : et que, si aucun ayant prêté ou mis en dépôt son meuble, le gar- « dien ou dépositaire venait à le vendre, le maitre du meuble le peut re- « vendiquer comme sien, en quelque main que passe ledit meuble, « quoique possesseur de bonne foi, en sorte que les acquéreurs de bonne « foi ne se peuvent défendre, si ce n'est par le moyen de la prescription. » Voy. aussi : Loisel, Institutes coutumières, liv. III, tit. VII, régi. .vi ; liv. V, tit. IV, régi. 15 ; Duplessis, Traité des prescriptions, liv. I, chap. 1 ; Berroyer et de Laurrière, sur Duplessis, Traité des meubles, dans ses œuvres, I, p. 134. Plus tard, la pratique en revint aux errements des lois barbares et de nos anciennes coutumes, sans qu'il soit possible de préci- ser l'époque à laquelle s'opéra ce retour. Ce qu'il y a de certain, c'est que la jurisprudence du Chàtelet, attestée par Bourjon (Droit commun de la France, liv. II, tit. I, chap. 6 ; liv. III, tit. XXII, chap. 5), avait, dans le dix-huitième siècle, consacré la maxime En fait de meubles possession vaut titre. Voy. aussi : Pothier, sur la coutume d'Orléans, tit. XIV, In- trod., 4. Denisart, Prescription, 40. Les raisons données par Bourjon pour justifier cette maxime, ont été presque littéralement repro- duites dans le passage suivant de l'exposé de motifs de Bigot de Préamc- neu : « Dans le Droit français, on n'a point admis à l'égard des meubles « une action possessoirc distincte de celle de la propriété ; on y a même « regardé le seul tait de la possession comme un titre : on n'en a pas « ordinairement d'autre pour les choses mobilières. Il est d'ailleurs le « plus souvent impossible d'en constater l'identité, et de les suivre dans « leur circulation de main en main. Il faut éviter des procédures qui se- « raient sans nombre et qui, le plus souvent, excéderaient la valeur des « objets de la contestation. » Locré, Lég., XVI, p. 586, no 45. Bu- chère, Des valeurs mobilières, nos 1071 et suiv.

3 Pour expliquer la disposition du 1er alinéa de l'art. 2:279, plusieurs auteurs modernes (voy. Marcadé, sur les art. 2279 et 2280, no 1, et Dc- molombe, IX, 622) ont imaginé de dire qu'en fait de meubles, la sim- ple possession opère une prescription acquisitive instantanée. Mais cette formule implique contradiction dans les termes, puisque l'usucapion sup- pose nécessairement l'écoulement d'un certain laps de temps. L. H. D.

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOIRES. § 183 145

de laquelle il peut repousser toute action en revendication et qui est, en général, absolue et irréfragable *.

de usurp. et usucap. (41, 3). Code civil, art. 2219 et 2229. Le Roux, II, 1315. Laurent, XXXII, 541. Zacharia?, § 215 a, texte in principio. D'un autre côté, s'il s'agissait véritablement dans l'art. 2279 d'une usucapion, affranchie seulement de la condition de temps, mais exigeant toujours le juste titre et la bonne foi, le possesseur qui se prévaudrait de cette usuca- pion, serait obligé de produire son titre. Or, cette obligation ne lui est pas imposée par l'art. 2279, qui se contente de la possession ; elle serait d'ail- leurs contraire au fondement et au but de la maxime En fait de meubles possession vaut titre. Gpr. note 2 supra.Que si, pour écarter cette objection, on disait que la loi présume en faveur du possesseur l'existence d'un juste titre, nous ne verrions plus dans la prétendue usucapion que nous rejetons, qu'une fiction destituée de toute utilité ou application pratique, puisqu'il est certain que le propriétaire d'un meuble peut toujours repousser l'appli- cation delà maxime précitée, en prouvant que le possesseur est soumis en- vers lui, par une cause quelconque, à une obligation personnelle de resti- tution. Gpr. texte n<> 4 infra.

4 Arg. art. 1352, cbn. 2279, al. 2. L'action en revendication n'étant exceptionnement admise qu'aux cas de perte ou de vol, elle se trouve vir- tuellement déniée en principe, et par conséquent la présomption sur le fondement de laquelle la loi la repousse, est absolue. Delvincourt, II, part. II, p. 644. Duranton, XXI, 97. Troplong, II, 1052. Marcadé, sur les art. 2279 et 2280, 3. Zachariae, § 215 a, texte, notes 2 et 3. Req., 4 juillet 1816, S. 18, 1, 166. Bordeaux, 17 mai 1831, S., 31, 2,287. Rouen, 23 juillet 1845, S. 46, 2, 104. Voy. en sens contraire : Yazeille,D<?s prescriptions, II, 674. Montpellier, 5 janvier 1827, S. 30, 2, v188. Gpr. aussi : Bordeaux, 21 décembre 1832, S. 33, 2,202. Giv. cass., 10 février 1840, S. 40, 1, 572. Nîmes, 22 août 1842, S. 43, 2, 75. Ges derniers ar- rêts, qui déclarent dans leurs motifs que la présomption établie par l'art. 2279 n'est qu'une présomption juris tantum, susceptible d'être combattue par la preuve contraire, ont été rendus dans des espèces il s'agissait, non d'actions en revendication, mais bien d'actions personnelles en resti- tution, ou de pétitions d'hérédité, c'est-à-dire d'actions auxquelles cet arti- cle n'est point applicable, et ils ont ainsi confondu deux questions complè- tement distinctes, celle desavoir si la présomption dont s'agit est absolue, et celle de savoir quelles sont les actions contre lesquelles on peut s'en prévaloir. Les Cours d'appel et la Cour de cassation nous paraissent avoir persisté dans cette jurisprudence. Giv. cas., 15 avril 1863, S. 63, 1, 387. Paris, 19 décembre 1871, S. 71, 2, 274. Nancy, 17 avril 1873, S. 73, 2, 205. Toulouse, 17 avril 1882, S. 82, 2, 200. Req. 15 novembre 1881, S. 82, 1, 259. Req. 25 mars 1888, S. 88, 1, 148. Req. 27 mars 1889, S. 89, 1,199. En réalité,dans toutes ces affaires il s'agissait uniquement d'actions ii 10

146 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

Il suit de que l'action en revendication n'est point, en règle, recevable en fait de meubles.

Toutefois, et par exception à cette règle, celui qui a perdu une chose mobilière, ou auquel une pareille chose a été volée, est autorisé à la revendiquer entre les mains de tout tiers possesseur, même de bonne foi.

La loi du 12 mai 1871 permet aux propriétaires d'objets mobiliers soustraits durant la période de l'insurrection com- munale de les revendiquer pendant trente ans aux mains des détenteurs quels qu'ils soient, sans que ceux-ci puissent opposer les dispositions des art. 2279 et 2280. G. c. 4 &**.

Enfin la loi des 30-31 mars 1887 ajoute une autre exception s'appliquant aux objets mobiliers, classés comme présentant au point de vue de l'histoire et de l'art, un intérêt national, et appartenant à l'Etat, aux départements, aux communes, aux fabriques ou à d'autres établissements publics. Ces ob- jets peuvent, au cas d'aliénation irrégulière, être revendi- qués pendant un délaide trois ans, conformément aux dis- positions des art. 2279 et 2280 Ce. soit par les propriétaires, soit à leur défaut, par le ministre de l'instruction publique et des Beaux-arts. Art. 13* ter.

On doit considérer comme perdus, non-seulement les objets égarés par suite d'une négligence directement ou in- directement imputable à celui qui les possédait, mais en- core, et à plus forte raison, ceux dont il a été privé par un événement de force majeure, par exemple, par une inonda-

on restitution. Toutefois l'application de l'art. 2279 a été écartée lorsqu'il était jugé en t'ait que le détenteur des meubles ne les possédait que pour autrui, (av. rej. (quant à ce), 2iavril 1866, S., 66,1, 189, Conforme Req., 14 février et 10 décembre 1877, S., 78, 1, 72 et 358. Cpr. Buchère, Des va- leurs mobilières, n°s 4076 et suiv., De Folleville, n08 82 et suiv. '> bis. Cpr. § 171, texte.

4 ter. Yoy. § 169, note 8 bis.

5 La bonne foi du possesseur n'est à prendre en considération que lors- qu'il a acheté la chose volée ou perdue dans les circonstances indiquées par l'art. 2280 ; dans ce cas-là mémo, elle ne l'autorise qu'a demander la restitution du prix qu'il a payé, et elle ne produit pas en sa faveur une exception à l'aide de laquelle il puisse repousser la revendication.

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOIRES. § 183 147

tion 6. Les choses égarées par suite d'expédition à une fausse adresse sont à ranger dans la catégorie des choses per- dues, que l'erreur provienne du fait d'un commissionnaire de transports, ou de celui de l'expéditeur lui-même 7.

L'exception relative au cas de vol doit être restreinte au vol proprement dit, c'est-à-dire à la soustraction frauduleuse de la chose d'autrui. Code pénal, art. 379. Elle ne saurait être étendue aux délits qui, bien qu'ayant pour résultat, comme le vol, de dépouiller illégalement le possesseur de sa chose, ne présentent cependant pas les caractères du vol tels que les définit la loi pénale 8.

Ainsi, celui qui aurait été privé d'une chose mobilière par un abus de confiance, par une violation de dépôt, ou même par suite d'une escroquerie, ne jouirait pas de l'ac- tion en renvendication contre le tiers possesseur de cette chose 9.

6 Gpr. Toullier, XI, 323. C'est évidemment à tort que Renaud (Revue de législation, 1845, 1, p. 374) et Zachariae 215 a, note 8) émettent une opinion contraire.

7 Gpr. Req., 10 février 18-20, S., 20,1,478.

8 En restreignant la recevabilité de la revendication aux seuls cas de perte ou de vol, les rédacteurs du Gode sont évidemment partis de cette idée, déjà consacrée par notre très ancien Droit, que, si la revendication peut être exceptionnellement admise lorsque la dessaisine a été involon- taire, c'est-à-dire, comme l'énoncent les Établissement de Saint-Louis, lorsque le possesseur n'a rien fait pour perdre la saisine, elle doit, au contraire, être refusée, quand la dessaisine a été volontaire, auquel cas il ne reste au possesseur privé de sa chose qu'une action personnelle contre celui à qui il l'a remise. Wo man scinen Glauben gelassen liât, da muss man ihn Wieder suc lien. C'est on a laissé sa foiquil faut aller la cher- cher. Quant au vol, voirReq., 21 novembre 1877, S., 78, 1, 407.

9 La proposition énoncée au texte est généralement acceptée en ce qui concerne la violation du dépôt et l'abus de confiance. Merlin, Rép., Re- vendication, § 1, no 6 ; et Quest., eod. v<>, § 1. Vazeille, Des prescriptions, II, 673. Duranton, XV, 286. Troplong, De la prescription, II, 1070. Za- chariae, § 215 a, note 8. Paris, 5 avril 1813, S., 14, 2, 306. Bordeaux, 14 juillet 1832, S., 33, 2, 18. Gaen, 9 mars 1846, S. ,47, 2, 399. Paris, 7 mars 1851, S., 52, 2, 38. Paris, 29 mars 1856, S., 56, 2, 408. Civ. rej., 22 juin 1858, S., 58, 1, 591. Req., 23 décembre 1863, S., 65, 1, 187. Paris, 9 avril 1864, S., 65, 2, 172. Req., 16 juillet 1884, S., 86, 1, 407.

148 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

Mais la revendication pour cause de vol doit être admise alors même qu'à raison, soit de l'âge, soit de la qualité de Fauteur de la soustraction frauduleuse, ce fait n'est pas pu- nissable 10.

Dans les deux cas où, par exception, la revendication est recevable en matière mobilière, le demandeur justifie suf- fisamment sa demande, en prouvant que l'objet revendi- qué se trouvait entre ses mains au moment de la perte ou

En ce qui concerne les valeurs remises par le client d'un agent de change au commis de celui-ci pour effectuer une opération de report, et que le commis s'est ultérieurement appropriées: Civ. cass., 28 février 1883: S., 88, 4, 353 et la note de M. Lacointa ; Civ. cass. 6 juillet 1886, S. 87. 1, 4o£. Amiens, 2 juin 1887, S. 87, 2, 31. Le propriétaire dépossédé ne peut même se prévaloir de ce que l'acquéreur des titres ainsi détournés les a achetés à un intermédiaire autre qu'un agent de change (mêmes arrêts), Yoy.eep. en sens contraire : Toullier, XIV, 418 et 119 ; Lyon, 15 décembre 1830, S., 32, 2, 348. Mais cette proposition est fortement controversée quant à l'escroquerie. Voy. dans le sens de l'opinion émise au texte : Marcadé, sur les art. 2279 et 2280, 5. ZachariaB,/oc. cit., Laurent, XXXII, 295, Fol- leville, poss. des meubles, nos 147 et suiv. Buchève, Des valeurs mobilières, 1098. Ortlieb, Effets de la poss. des meubles, 59. Da Gourmont, Etu- des sur la poss. des meubles, nos 460 et suiv. Le Roux, II, 1330. Laurent. XXXII, 595. Civ. cass., 20 mai 1835, S., 35, 1, 321. Paris, 21 novembre 1835, S., 36, 2, 18. Rouen, 10 mars 1836, S., 36, 2, 193. Voy. en sens contraire : Troplong, op. cit., II, 1069. Paris, 13 janvier 1834, S., 34, 2, 91. Dijon, 28 novembre 1856, S., 57, 2, 223. Bordeaux, 3 janvier 1859, S., 59, 2, 452. Les motifs développés à la note 8 supra nous paraissent suffisamment justifier, même pour le cas d'escroquerie, la solution que nous avons adoptée. Que l'ancien propriétaire n'ait livré sa chose que par suite de manœuvres dolosives exercées à son égard, il ne s'en est pas moins volontairement dessaisi, il n'en a pas moins suivi la foi de celui auquel il l'a remise ; et dès lors il ne peut pas plus la revendiquer, que ne pourrait le faire celui qui aurait été victime d'un abus de confiance ou d'une viola- tion de dépôt.

10 Gpr. Gode pénal, art. 66 et 380. Voy. en sens contraire : Renaud, op. cit., p. 374, note b. L'opinion de cet auteur nous semble repoussée par cette considération bien simple, que le dessaisissement est toujours involontaire, bien qu'à raison, soit de son âge, soit de sa parenté ou de son affinité avec la victime de la soustraction frauduleuse, l'auteur du vol ne soit pas punissable. Ce qui prouve, d'ailleurs, qu'une soustraction commise dans de pareilles circonstances constitue toujours un vol, c'est que les complices et les receleurs sont punis des peines du vol.

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOIRES. § 183. 149

du vol ,! ; et cette preuve peut se faire par témoins, ou au moyen de présomptions graves, précises et concordantes12.

La personne qui revendique, même contre un tiers pos- sesseur de bonne foi, un objet mobilier volé ou perdu, n'est point, en général, tenue de rembourser à ce possesseur le prix qu'il en a payé 13.

Il en est cependant autrement, lorsque cet objet a été acheté de bonne foi, soit dans une foire ou dans un mar- ché 14, soit dans une vente publique, soit d'un marchand

11 Cette proposition est une conséquence directe et torcée de la maxime En fait de meubles possession vaut titre : on ne pourrait exiger du re- vendiquant une autre preuve que celle de sa possession au moment de la perte ou du vol, sans se mettre en opposition avec cette maxime. C'est aussi ce qu'indique nettement le texte même de l'art. 2279, qui accorde l'action en revendication à celui qui a perdu, ou auquel a été volée une chose. Destrais, Dissertation, p. 52, § 6. Renaud, op, cit., p. 375.

,2 Paris, 18 août 1851, S., 51, 2, 475. Cpr. aussi : Paris, 3 janvier 1846, S., 47, 2, 77.

13 Cpr. Loi des 28 septembre-6 octobre 1791, tit. II, art. 11.

14 Les Bourses de commerce doivent être considérées comme des marchés publics, quantaux effets au portcurqu'on est dans l'usage d'y négocier. Pa- ris, 9 décembre 1839, S., 40, 2, 113. Au contraire, le comptoir ou la bou- tique d'un changeur ne saurait être considéré comme un marché pu- blic, et par suite, le changeur ne peut, pour les effets volés ou perdus qu'il a achetés chez lui, invoquer le bénéfice de l'art. 2280. Paris, 6 juin et 9 novembre 1864, S., 64, 2, 282 et 283. Paris, 26 avril 1864, S., 65, 2, 172. La question, telle qu'elle est posée à la note ne semble pas douteuse. Paris, 11 août 1874, S., 74, 2, 148 ; Req., 21 novembre 1877, S., 78, 1, 407, et les auteurs cités plus loin. Mais elle est controversée lors- que l'exception tirée de l'art. 2280, et opposée non par le changeur lui- même, mais par un tiers qui dans la boutique du changeur s'est rendu acquéreur du titre au porteur revendiqué. L'on admet généralement, en ce cas, et avec raison selon nous, le droit au remboursement du prix payé, parce que l'acquisition a été faite, non pas, il est vrai dans un marché public, mais d'un marchand vendant des choses pareilles. En effet, à Paris surtout, l'achat et la vente des coupons et des titres au porteur sont devenus d'un usage constant dans les boutiques des changeurs, qui sont à considérer, non pas comme intermédiaires de négociation, mais comme marchands de titres. Les mêmes règles devraient être appliquées aux achats faits dans ces agences spéciales établies pour le paiement, l'a- chat ou la vente des coupons ou des titres au porteur. Lyon-Caen et Re- nault, I, 1533, Buchère, Valeurs mobilières, nos H04 et suivants. Fol-

150 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

vendant des choses pareilles. Art. 2280. Dans ces hypo- thèses, le revendiquant est obligé de rembourser au pos- sesseur actuel le prix qu'il a payé. Mais il est, à son tour, autorisé à le répéter, tant contre celui par le fait duquel il a été illégalement privé de sa chose, que contre celui qui le dernier l'a vendue, sans l'avoir acquise dans les conditions indiquées par l'art. 2280 15.

D'un autre côté, les objets mobiliers engagés aux monts- de-piété ne peuvent être revendiqués, pour cause de vol ou de perte, par celui qui s'en prétend propriétaire, qu'à charge par lui de rembourser, tant en principal, qu'intérêts et droits, la somme pour laquelle ils ont été donnés en nantis- sement, alors, du moins, que les règlements relatifs à l'en- gagement ont été observés 16.

leville, Poss., des meubles, nos 143 et suiv. no 589. LeGost, Etudes sur les titres perdus ou volés, 300. Ruben de Couder. Dict. changeur, nos 27 et 28. Paris, 9 novembre 1864. S., 64,2, 283. Paris, 19 février 1875, S., 77, 2, 171. Contra Vincent, Revue prat. 1865, XIX, p. 478. Ortlieb, Des effets de laposs. des meublés, 67. Mais il n'en serait pas de même des opérations faites dans les bureaux des banquiers qui ne peuvent ja- mais être considérés comme des marchands de titres. Buchère, loc. cit., Paris, 15 janvier, 1885, D., 85,2, 216.

15 Celui qui, ayant acheté en dehors des circonstances indiquées par l'art. 2280, une chose volée ou perdue, se trouvait exposé à la revendica- tion de cette chose, sans pouvoir réclamer le prix qu'il en a payé, ne peut, en la vendant dans un marché public ou à un marchand faisant le com- merce de choses de cette nature, ni améliorer sa position, ni empirer celle du possesseur dépouillé, autorisé à la revendiquer. Troplong, op. cit., II, 1072. Marcadé, sur les art. 2279 et 2280, 5, in fine. Paris, 9 décembre 1839, S., 40, 2, 113. Aix, 17 mai 1859, S., 59, 2, 621. Mais le proprié- taire dépossédé d'un titre au porteur perdu ou volé qui a rembourser au détenteur le prix de son acquisition, peut uniquement agir en respon- sabilité contre le détenteur intermédiaire qui aurait commis une faute. Lyon, 7 novembre 1885, S. 88, 2, 228. Cpr. Giv. Cass. 24 juin 1874, S. 75, 1, 168.

10 II en était ainsi dans notre ancien Droit. Ordonnance du roi Jean, de mars 1360, art. 12. Ordonnance de Charles VI, du 3 septembre 1406, art. 16. Lettres patentes de Charles VII, du 13 septembre 1429, art. 10, 11 et 12. Lettres patentes du 9 décembre 1777, art. 9. C'est également ce qui se trouve reproduit dans les nombreux règlements de monts-de-piété que nous avons consultés. Voy. entre autres : l'art. 70 du règlement du

DE LA POSSESSION EN DES ACTIONS POSSESSOIRES. § 183. 151

La revendication d'un objet perdu ou volé ne peut s'exer- cer que pendant trois années, à partir de la perte ou du vol ubis. En limitant à ce terme la durée de la revendication, l'art. 2279 n'a établi, ni une usucapion triennale, semblable à celle du Droit romain, ni même une prescription extinc- tive proprement dite, mais une simple déchéance, qui peut être invoquée parle possesseur actuel, quelque courte qu'ait été la durée de sa possession, et qui, d'un autre côté, peut être opposée à toutes personnes indistinctement, notamment aux mineurs et aux interdits 1T.

La maxime En fait de meubles possession vaut titre ne s'applique qu'aux meubles corporels, individuellement en- visagés, et réclamés d'une manière principale.

mont-de-piété de Paris, sanctionné par décret du 8 thermidor an XIII ; l'art. 114 du règlement du mont-de-piété de Bordeaux, sanctionné par décret du 30 juin 1806 ;les art. 64 et 128 du règlement du mont-de-piété de Strasbourg, sanctionné par ordonnance du 6 décembre 1826. Cpr. Gode civil, art. 2084. Lettre du Ministre de la Justice du 26 septembre 1836, transcrite dans l'ouvrage ci-après cité, p. 287. Groze-Magnan, Études sur les monts-de -'piété, p. 175 et suiv. Circulaire du ministre de la justice du 30 mai 1861. Giv. rej.,28 novembre 1832, S., 33, 1, 402.

16 bis. Mais ce délai passé, le propriétaire ne peut plus revendiquer que dans les termes du droit commun, l'objet perdu ou volé, c'est-à-dire en prouvant que l'acquéreur savait que ces meubles lui étaient transmis par une personne qui n'était pas propriétaire. Giv. rej., 5 décembre 1876, S., 77, 1, 201 et la note. Gonf. Buchère, 1096.

17 Qu'il ne soit pas ici question d'usucapion ou de prescription acqui- sitive, c'est ce que démontre la disposition qui fait courir le délai de trois ans, donné pour intenter la revendication, du jour môme de la perte ou du vol, c'est-à-dire de la dépossession de l'ancien possesseur, et non pas à partir seulement de la prise de possession du possesseur actuel ; dispo- sition incompatible avec l'idée de la prescription acquisitive, qui suppose une possession continuée pendant tout le temps requis pour son accom- plissement. Mais il faut aller plus loin, et reconnaître que c'est une dé- chéance, et non une véritable prescription extinctive, qui se trouve atta- chée à l'expiration du délai dont s'agit, puisque ce délai est préfîx, et qu'il restreint ou modifie l'action en elle-même, indépendamment de toute considération de négligence ou de renonciation de la part de celui auquel elle est accordée. Cpr. § 771, texte et notes 7 à 15. Planck, Die Lehre von der Verjâhrung, p. 24. Destrais, Dissertation, p. 57. Renaud, op. cit., p. 375. Zachariae, § 215 a, note 9. Buchère, 1096.

152 INTRODUCTION A LA. SECONDE PARTIE.

Elle est étrangère aux universalités juridiques ; et la pé- tition d'hérédité serait rccevablc, dans le cas même l'hé- rédité se composerait exclusivement d'objets mobiliers 18.

Elle reste également sans application, quand il s'agit de meubles dont la restitution est demandée comme acces- soires d'un immeuble revendiqué 19.

Elle ne concerne pas davantage les meubles incorporels, tels que les rentes et les créances 20, à moins qu'elles ne soient constatées par des titres au porteur 21 et que leur exis-

18 Exposé de motifs, par Bigot de Préameneu (Locré, Lég.,XYl, p. 587, 45). Maleville, sur l'art. 2479. Delvincourt, II, part. II, p. 645. Tro- plong, op. cit., II, 1066. Renaud, op. cit., p. 375 et 376. Demolombe, XXIV, 487. Zachariae, § 215 a, texte et note 5. Le Roux, II, 1328, Laurent, XXXII, 565. Civ. cass., 26 août 1833, D., 1833, 1, 207. Civ. cass., 10 février 1840, S., 40, 1, 572.

19 Cpr. § 206, texte n<> 6 in fine, notes 30 et 31.

20 Les raisons en vue desquelles cette maxime a été établie, ne s'appli- quent qu'aux objets qui sont de leur nature susceptibles d'être transmis par voie de tradition manuelle. Delvincourt, toc. cit. Vazeille, Des pres- criptions, II, 670. Troplong, op. cit. II, 1065. Chardon, Du dot et de la fraude, I, 43. Renaud, op. et toc. cit. Marcadé, sur les art. 2279 et 2280, 4. Larombière, Des obligations, I, art. 1141, 2. Demolombe, XXIV, 486. Zachariae, § 215 a, texte et note 4. Buchère 471. Le Roux, II, 1328. Laurent XXXII, 566.Colmet de S. MU, 388 bis III. Cour de cassation de Belgique, rej. 4 juin 1833, et Poitiers, 27 novembre 1833, S., 34,2,679 et suiv. Civ., rej., 4 mai 1836, S., 36, 1, 353. Civ. cass., 11 mars 1839, S., 39, 1,169. Civ. cass., 14 août 1840, S. ,40, 1,753. Douai, 28 juin 1843, S., 43, 2, 586. Grenoble 15 avril 1845, S., 46, 2, 557. Civ. rej., 29 août 1849, S., 50, 1, 193. Montpellier, 4janvicr 1853, S., 53, 2,266. Civ. rej., 4 juillet 1876, S., 77, 1, 105 et la note. Voy. en sens contraire : Rodière, Bévue de législation. 1837, VI, p. 466 et 467. Cpr. aussi : Paris, 14 juin 1834, S., 36, 2, 113. Cet arrêt, quoique bien rendu au fond, et au point de vue des règles qui régissent les ventes d'immeubles ou les cessions de meubles incorporels consenties par un héritier apparent, s'appuie sur des motifs évidemment erronés. Il en est de même des actions nominatives. Douai, 3 janvier 1873, S. 74. 1, i09.

21 Transmissibles par voie de simple tradition manuelle, les titres de cette nature se trouvent nécessairement soumis à l'application de la dis- position de l'art. 2279, par cela même que le possesseur du titre l'est aussi de la créance. Merlin, Quest., Revendication, § 1. Va/.cille, op. cit., II, 670. Troplong, op. cit., II, 1065. Marcadé, sur les art. 2279 et 2280, 4- Zachariae, g 215 a, note 4. Le Roux, II, 1328. .>, Lan mil, XXXII,

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOIRES. § 183. 153

tence ne se confonde ainsi avec celle de ces titres eux-mê- mes 22.

Quant aux manuscrits, la maxime précitée leur est ap- plicable, en tant qu'on les considère comme des objets cor- porels, et en ce sens que le possesseur est autorisé à en repousser la revendication. Mais la possession d'un manus- crit n'engendre point, en faveur du possesseur, une pré- somption légale et absolue de la concession ou de la trans-

568.Colmct de S. VIII, 388 bis IV. Civ.rej., 2 nivôse an XII, S., 4, 1, 225, Paris, 26 décembre 1822, S., 33, 2, 653. Paris, 7 mars 1851, S., 52, 2, 38. Paris, 2 août 1856, S., 57, 2, 177. Giv. rej.,17 novembre 1856, S., 56, 1, 173. Paris, 10 novembre 1858, S., 58, 2, 661. Paris, 23 décem- bre 1858, S., 59, 2, 215. Req., 23 janvier 1860, S., 60, 1, 543. Giv. cass., 15 avril 1863, S., 63, 1, 387. Paris, 9 avril 1864, S., 65,2, 172. Paris, 19 janvier 1876, S. 76, 23. Il en est de même des coupons : arrêt précité de Paris du 23 décembre 1858.Troplong (loc. cit.) assimile, sous ce rapport, aux effets au porteur, les billets à ordre transmis par un endossement régulier. Mais c'est une inadvertance manifeste.

22 La perte ou le vol d'effets au porteur a donné lieu à de sérieuses dif- ficultés concernant, d'une part, la responsabilité des agents de change ou des changeurs par l'intermédiaire desquels s'est opérée la négociation ou la vente de billets au porteur volés ou perdus, et d'autre part, les droits du propriétaire de pareils titres vis-à-vis de l'État ou des Compagnies qui les ont émis. Voy. sur ces deux points : Rapport fait au Sénat, dans sa séance du 2 juillet 1862, par M. Bonjean {Moniteur du 2 juillet 1862). Disser- tation sur les titres au porteur perdus ou volés, par Bogelot, Revue de droit commercial, 1864, II, p. 165. Études sur les titres au porteur, par Vincent, Revue pratique, 1865, XIX, p. 457 . De la revendication des titres au porteur perdus ou volés, par Ameline, Revue critique, 1865, XXVII, p. 209. Des obligations de la Banque en cas de perte ou de destruction de ses billets, par Hérisson, Revue critique, 1868, XXXII, p. 289. Bu- chère, Valeurs mobilières, 1009 et suiv. Paris, 23 juillet 1836, S., 37, 2, 103. Req., 5 décembre 1837, S., 38, 1, 329. Giv. rej., 15 novembre 1841, S., 41, 1, 829. Giv. rej., 20 avril 1848 et Giv. cass., 21 novembre 1848, S., 49, 1, 38. Paris, 27 février 1854, S., 54, 2, 355. Paris, 29 juin 1857-29 juillet 1857, S., 57, 2, 633 et 636. Req., 10 juillet 1860, S., 60, 1, 861. Paris, 16 mai 1861, S., 62, 2, 440. Paris, 17 juillet 1863, S., 63, 2, 175. Paris, 13 mai 1865, S., 65, 2,153. Giv. cass., 8 juillet 1867, -S., 67, 1, 317. Paris, 25 janvier 1868, S., 68, 2, 42, V. infrà § 183 bis. Quant aux changeurs. Buchère, 1138 et s., Folleville, 579 et s. Giv. cass., 5 juin 1872, S., 72, 1, 157, et la note. Rouen, 12 mars!873, S., 73, 2, 80. Paris, 21 août 1860, S. 81, S. 2, 15.

154 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

mission du droit de le publier. A cet égard, elle ne produit qu'une simple présomption de fait, qui demeure absolu- ment inefficace, lorsque le possesseur du manuscrit pré- tend que le droit de le publier lui a été transmis sous forme de don manuel, et qui, dans le cas môme ce possesseur invoquerait une transmission à titre onéreux, ne semble devoir être admise qu'autant que son allégation serait ap- puyée d'un commencement de preuve par écrit 23.

Du reste, la maxime précitée ne s'applique, même en fait de meubles corporels, qu'aux choses qui sont dans le commerce. Elle est donc étrangère à celles qui font partie du domaine public. Les choses de cette nature peuvent être revendiquées, quelles que soient les circonstances par suite desquelles elles ont passé dans les mains d'un particulier, et sans que le possesseur soit admis à opposer à leur re- vendication aucune déchéance ni prescription, ou à se pré- valoir du bénéfice de l'art. 2280 u.

Enfin, et en vertu d'une exception toute spéciale, les na- vires ou autres bâtiments de mer ne sont pas soumis à l'ap- plication de la règle En fait de meubles possession vaut ti- tre 25.

83 Laurent, XXXII, 570. Follcville, 69 et 70. Cpr. §659, texte, lett. b, in Une. Cpr. aussi : Paris, 10 mars 1858, S., 58, 2, 577. Voy. cep. Paris, 10 novembre 1841, S., 44, 2, 5. Le juge du fait a le droit de vérifier les circonstances et les causes de la possession du manuscrit, afin d'en détermi- ner le caractère et les effets. Paris, 1er décembre 1876, D.,78, 2, 73, et la note.

24 Cpr. § 169, texte et note 8 ; § 171. Foucart, Droit administratif, II, 802 et 803. Destrais, Dissertation, p. 48, § 3. Civ. rej., 10 août 1841, S., 41, 1, 742. Paris, 3 janvier 1846, S., 47, 2, 77.

23 C. com., art. 190,195 et 196.Bravard, Manuel de droit commercial, p. 342. Valroger, Droit maritime, I, p. 77. Bolstel, M a?iuel, de Droit com., 1156. Desjardins, Droit commercial maritime, I, 57. Lyon-Caen et Renault, Droit comm., II, p. 24 et 41. Cpr. Civ. rej., 26 mai 1852, S. 52, 1, 561. Civ. Cas. 16 mars 1864, S. 64, 1, 111. Civ. cass. 18 janvier 1870, I . I i5, 56. Cpr. Dufour, Droit maritime, II, n°s 590 et suiv. Les lois des 10 décembre 1874 et 10 juillet 1885, ont rendu les navires susceptibles d'hypothèques. En ce qui concerne cette hypothèque, voir Uoistel, 1157 et Lyon-Caen et Renault, II, n. 2399 et suiv. Desjardins, V, p. 354 et suiv. Valroger, III, p. 169 et suiv., V, p. 345 et suiv. Mallet. L'hypothèque

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOIRES. § 183. 155

Le principe établi par le 1er al. de l'art. 2279, dans l'in- térêt seul du tiers possesseur contre lequel serait dirigée une action en revendication proprement dite, ne peut être in- voqué que par celui qui possède pour son propre compte, animo domini, et non par celui qui, détenant pour autrui, se trouve soumis à une obligation de restitution 26. Ainsi, les dépositaires, les commodataires, et tous autres qui se- raient reconnus ne posséder que pour le compte d'autrui, ne sauraient, en se prévalant de la maxime En fait de meu- bles possession vaut titre, repousser Faction personnelle en restitution dirigée contre eux. A cet égard, il convient de remarquer que, si tout détenteur est présumé posséder pour lui-même, cette présomption n'est cependant qu'une présomption juris tantum, qui est, en général, susceptible d'être combattue par tous moyens de preuve 27, et même à l'aide de simples présomptions 28.

maritime, Paris, 4877, 1 vol. in-8°. Morel, Commentaire de la loi du 10 décembre 1874. Paris, 1875, un vol. in-8°.

26 C'est par les exceptions apportées à une règle, que se déterminent le plus sûrement le véritable sens et la sphère d'application de cette règle. Or, tout le contexte de l'art. 2279 prouve que le second alinéa de cet ar- ticle a pour objet d'indiquer les exceptions auxquelles se trouve soumise la règle posée dans le premier. Et comme c'est l'action en revendication qui est exceptionnellement admise au cas de perte et de vol par le second alinéa de l'art. 2279, on peut, avec certitude, en conclure que c'est aussi l'action en revendication, et l'action en revendication seule, qui se trouve en général écartée par le premier alinéa du même article. Merlin, Quest., Revendication, § 1. Troplong, De la prescription, II, 1043 et 1044. Cu- rasson, Compétence des juges de paix, I, 24. Destrais, op. cit., p. 51, § 5. Zachariap, § 215 a, texte et note 6. Nîmes, 8 janvier 1833, S., 33, 2, 202. On commet donc une grave erreur, quand on considère, comme au- tant d'exceptions à la règle En fait de meubles possession vaut titre, les cas une personne peut réclamer, non par voie de revendication, mais en vertu d'une pure action personnelle, la restitution d'une chose mobi- lière ; et c'est à cette erreur qu'il faut attribuer les hésitations et les in- certitudes qui se rencontrent dans la jurisprudence des arrêts. Cpr. note 4 SM/?m.Troplong,op.«7.,1045 et suiv.Cpr.Req.,13 mai 1889, D. 90,!. 173.

27 II est bien entendu que, si pour établir la précarité de la possession du défendeur, le demandeur en restitution se fondait sur un contrat de kmage, de dépôt ou de commodat,la preuve de l'existence de ce contrat ne pourrait s'administrer que conformément aux règles sur la preuve des conventions.

28 Bordeaux, 5 février 1827, S., 27, 2, 102. Req., 6 juillet 1841, S.,

156 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

D'un autre coté, ceux-là mêmes qui possèdent pour leur propre compte ne sont pas davantage admis à invoquer la maxime précitée, lorsqu'ils sont soumis, en vertu d'un dé- lit ou d'un quasi-délit, à une obligation personnelle de restitution.

C'est ainsi que le tiers qui, de mauvaise foi, et sachant que son auteur n'avait pas le droit d'en disposer, a reçu un objet mobilier, soit dune personne qui ne le détenait qu'à titre précaire, soit d'un individu qui l'avait volé ou trouvé, étant soumis, à raison même de sa mauvaise foi, et du dé- lit de Droit criminel ou tout au moins de Droit civil dont il s'est rendu coupable, à une obligation de restitution ou d'indemnité, ne peut, pour se soustraire à l'action person- nelle formée contre lui par le légitime propriétaire de cet objet, en appeler à la disposition du 1er al. de l'art. 2279

29

42, 1, 33. Civ. rej., 24 avril 1866, S., 66, 1,189. Paris, 26 janvier 1867, S., 67, 2, 341. Grenoble, 16 mars 1869, S., 69, 2, 99. La jurispru- dence la plus récente est conforme à ces propositions. Il est admis que la règle établie par l'art. 2279, ne s'applique que si le possesseur de l'ob- jet mobilier en a la possession légitime, animo domini, mais non point si l'origine de cette possession est équivoque ou précaire. Toutefois, la présomption existe au profit du possesseur, et la preuve contraire est ta la charge de l'adversaire. Une pareille preuve se fait conformément aux règles du droit commun, et en cas de dol, au moyen de la preuve testi- moniale, ou même de présomptions graves, précises et concordantes. Req., 14 février4£77, S., 78, 1, 72. Req. ,10 décembre 1877, D., 78, 1, 176. Pau, 6 mai 1879, S., 81, 2, 67. Toulouse, 18 mai 1881, S., 82, 1, 213, sous cass., Req., 20 juin 1881, D., 82, 1, 111. Req., 15 novembre 1881, S., 82, 1, 259. Toulouse, 17 avril 1882, S., 82, 2, 200. Req., 18 août 1884, S., 85, 1, 374. La détention effective par un tiers de valeurs mo- bilières ayant appartenu a un défunt suffit pour justifier l'affirmation du possesseur qu'elles lui ont été remises à titre de don manuel. Req., arrêt précité du 15 novembre 1881, S., 82, 1, 259. Pau, 28 mars 1885, D., 86, 2, 209, et les notes. Voyez suprà, note 4, et infrà, § 659, note 19. Il est bien à remarquer toutefois que la présomption de légitimité de la possession s'applique uniquement dans les rapports du possesseur avec les tiers, cl non point à l'égard de ceux qui auraient été parties à l'acte d'où procède la possession invoquée. Dans ce dernier cas, la situation est régie par les principes ordinaires des obligations. Folleville, Poss. des meubles, 2»>e édit., p. 95, no 56. Le Roux, II, no 1316. Laurent, XXXII, 551. Req., 5 août 1878, S., 80, 1, 294. 29 II y a dissidence entre les auteurs sur la question de savoir si, pour

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOIRES. § 183. 157

C'est par la même raison que le second acquéreur d'un objet mobilier, quoique mis en possession réelle de cet ob- jet, est tenu, lorsqu'il l'a reçu de mauvaise foi, de le res- tituer au premier acquéreur 30. Art. 1141.

Enfin, on doit également conclure de la proposition ci- dessus énoncée, que l'action personnelle en restitution, à laquelle se trouve soumis l'inventeur d'un objet perdu ou d'une chose erronément envisagée comme un trésor, n'est pas régie par les dispositions de l'art. 2279, et que, par conséquent, ce dernier n'est pas admis à repousser cette action, en invoquant la déchéance résultant de l'expiration du délaide trois ans, déchéance qui n'est établie qu'en fa- veur des tiers possesseurs 31.

pouvoir invoquer la maxime En fait de meubles possession vaut titre, il faut être possesseur de bonne foi. Yoy. pour l'affirmative : Delvincourt, I, part. II, p. 644 et 643. Duranton, IV, 433. Troplong, II, 1061. Mar- cadé, sur les art. 2279 et 2280, no 2. Demolombe, IX, 622. Cpr. aussi : Merlin, op. et loc. citt. Req., 22 mai 1824, S., 25, 1, 116. Voy. pour la négative : Rauter, Revue de législation, 1836-1837, V, p. 137 à 139. Des- trais, op cit., p. 49 et 50. Renaud, op. cit., p. 375. Zacharire, § 215 a, note 6. Mais la question formulée en ces termes nous parait mal posée. En statuant qu'en fait de meubles la possession vaut titre, la loi ne dis- tingue pas entre la possession de bonne foi et celle de mauvaise foi ; et, en cela, elle est conforme au principe que les effets de la possession sont, en général, dans notre Droit, indépendants de la bonne ou de la mau- vaise foi du possesseur. Contrairement à l'opinion des auteurs cités en premier lieu, nous pensons donc que l'action en revendication n'est pas admissible, même contre un possesseur de mauvaise foi. Mais cela n'em- pêche pas que sa mauvaise foi ne puisse donner ouverture contre lui aune action en restitution fondée sur les art. 1382 et 1383 ; et, sous ce rap- port, nous croyons devoir repousser l'opinion des auteurs cités en der- nier lieu. Ce qui prouve, au surplus, que l'action compétant en pareil cas au propriétaire n'a pas le caractère d'une action réelle, et ne repose que sur un rapport d'obligation personnelle, c'est que, d'une part, elle ne suit pas la chose entre les mains d'un possesseur de bonne foi auquel le possesseur de mauvaise foi l'aurait transmise, et que, d'autre part, ce dernier reste, malgré cette transmission, soumis aune action en domma- ges-intérêts de la part du précédent possesseur. Cpr. Le Roux, II, -1323. Laurent, XXXII, 559. Metz, 10 janvier 1867, S., 67, 2, 313.

30 Cpr. §174, texte et note 7.

31 Cpr. § 201, texte 3, note 49.

158 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

Les actions personnelles dont il vient d'être parlé, peu- vent être exercées non-seulement contre le détenteur lui- même, mais encore contre ses créanciers, qui auraient frappé de saisie les meubles à la restitution desquels il se trouvait obligé 32.

Le possesseur actuel d'une chose mobilière en étant réputé propriétaire en vertu de sa possession même, et sans être tenu de rendre compte de son origine, on doit en con- clure que les actions en résolution, en nullité, ou en res- cision, auxquelles était soumis le précédent possesseur, ne peuvent pas réfléchir contre lui.

La môme idée conduit à reconnaître que la possession d'une chose mobilière engendre, en faveur du possesseur, une présomption absolue, non-seulement de propriété, mais de propriété franche de toutes charges réelles. Il en résulte que l'usufruitier d'un objet mobilier n'est pas plus que le propriétaire, autorisé à le revendiquer contre un tiers possesseur. Il en résulte encore, que le créancier ayant un privilège, même fondé sur le nantissement, ne jouit pas, en général, du droit de suite contre le tiers possesseur de l'objet mobilier soumis à son droit de gage. Il en résulte enfin, que le créancier dont l'hypothèque s'étend à des im-

32 Bordeaux, 3 avril 1829. Gpr. Nîmes, 22 août 1842, S., 43, 2, 75. L'action en distraction, ouverte à cet effet par l'art. 608 du Code de procédure, n'est pas, ainsi qu'on l'a supposé (cpr. Destrais, op. cit., p. 53etsuiv., § 8), une véritable action en revendication, admise par exception au principe posé dans le premier alinéa de l'art. 2279, mais une simple action en délivrance ou en restitution, susceptible d'être exer- cée contre les créanciers du saisi, tout aussi bien que contre ce dernier. La saisie, en effet, ne confère pas aux créanciers saisissants, en ce qui concerne la propriété des objets saisis, un droit propre et distinct de ce- lui de leur débiteur, dont ils ne sont, sous ce rapport, que les ayants- cause. Il en résulte que toutes les actions à l'aide desquelles un tiers au- rait pu réclamer du débiteur les objets mobiliers qu'ils ont frappés de saisie, peuvent également être exercées contre eux, sauf bien entendu le droit dont ils jouissent nominc proyrio de repousser, comme ne pouvant leur être opposés, les actes simulés ou frauduleux, passés par le débiteur pour prévenir la saisie, ou pour en paralyser les effets. Req., 6 juillet 4841, S., 42, 4, 33. Gpr. §349.

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOIRES. § 183. 159

meubles par destination, n'est pas autorisé, après leur sé- paration, à les suivre entre les mains de tiers possesseurs 33.

Toutefois, dans les différentes hypothèses qui viennent d'être indiquées, le droit de revendication ou de suite se- rait exceptionnellement admis aux cas de perte ou de vol.

D'un autre côté, et en vertu d'une exception toute spé- ciale, la loi autorise le bailleur à revendiquer, pour l'exer- cice de son privilège, les objets mobiliers garnissant la maison ou la ferme louée, qui auraient été déplacés sans son consentement. Art. 2102, 1 u.

Du reste, tout ce que nous avons dit de l'action person- nelle en restitution, reçoit également son application dans les cas le possesseur d'un objet mobilier, qui voudrait invoquer la maxime En fait de meubles possession vaut ti- tre, pour écarter, soit une action en résolution, en nullité, ou en rescision, soit l'exercice d'un droit correspondant à une charge réelle, aurait acquis cet objet de mauvaise foi 3B.

Pour compléter l'explication de l'art. 2279, il reste à faire remarquer que la simple détention, à titre de gage, d'objets mobiliers, produit, en ce qui concerne les privi- lèges fondés sur le nantissement, le môme effet que la pos- session proprement dite, en ce qui concerne le droit de pro- priété. Il en résulte notamment que le créancier qui de* bonne foi a reçu en gage, d'un détenteur précaire, un ob- jet mobilier, est en droit de repousser, jusqu'à paiement de sa créance, l'action en revendication dirigée contre lui par le propriétaire de cet objet 36.

33 Les deux dernières propositions énoncées au texte se résument dans la règle que les meubles n'ont pas de suite par hypothèque. Art. 2119. Gpr. Bordeaux, 17 mai 1831, S., 31, 2, 287.

*4 Voy. l'explication de cet article au § 261, texte no 1.

35 Art. 2102, no 4, al. 3, et arg. de cet article.

36 En matière commerciale, cette opinion a été généralement admise. C'était le sentiment de Gasaregis (Disc. 187), qui invoquait surtout des raisons d'équité et de bonne foi. Giv. rej., 22 juin 1858, S., 58, 1, 591. Req., 23 janvier 1860, S., 60, 1, 543. Paris, 23 mai 1873, S. 74, 1, 345 et la note. Req., 12 mars 1888, D., 88, 1, 404. Cm Cass. 28 mars 1888, S.

ICO INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

S 183 bis.

Des titres au porteur perdus ou volés. Loi des 15 juin-

5 juillet 181 '$.

Bibliographie. De Follcvillc et Lonfier, Traité de la posses- sion des meubles et des titres au porteur, 2e édit. , 1 vol. in-8. Paris, 1875. A. Buchèrc, Traité des valeurs mobiliè- res, 2° édit., 1 vol. in-8. Paris, 1881. Moret et Desrues, Titres au porteur , 3e édition. 1 vol in-12, Paris, 1882. Audier, Des titres au porteur. 1 vol. in-8. Paris, 1885. Crépon, De la négociation des effets publics et autres, 1 vol. in-8. Paris, 1880 '.

89, 1, 265. Contra. Civ. rej., Il août 1847., S., 47, 1, 641. Nous croyons que la môme solution doit être donnée en matière civile, et par des raisons identiques. La constitution de gage est un mode d'aliénation, et il n'est pas de bonne raison pour appliquer l'art. 2:279, au cas de vente du meu- ble par le détenteur à titre précaire, et pour s'y refuser dans l'hypothèse il l'a mis en gage. D'autre part, entre un propriétaire qui a eu le tort de confier sa chose à un tiers infidèle, et un créancier qui de bonne foi l'a reçue en gage, c'est ce dernier qu'il convient de protéger : nous pensons que sa bonne foi suffît à le sauver, et c'est en définitive le seul motif donné par plusieurs arrêts décidant que le détenteur à titre précaire qui a remis la chose en gage devait, aux termes de l'art. 2279, en être réputé proprié- taire. Troplong, du Gage, nos 70 et suiv. Rugnet, sur Pothier, du Nantis- sement, noS 7 et 27. Le Roux, II, 1324. Folleville, Possession des meubles, 34 et s. Contra. Grenier, llvpoth.. Il, 314. Dallo/., rep. Prescription civile, p. 27."J. Gpr. Despcisses, tit. IX, du Gage, 4, 1, p. 2i8. Mais il en serait autrement si le gagiste n'était pas de bonne foi, ou bien, si la chose avait été soit volée au propriétaire, soit perdue par lui ou si le détenteur n'était en possession que par suite d'un nantissement régulier ou irrégu- lier faute de l'accomplissement des formalités légales : un tel nantissement ne peut conférer au détenteur qu'une possession précaire inefficace pour équivaloir à un titre. En pareil cas, le dépositaire des titres aussi bien que le propriétaire peuvent revendiquer les titres au porteur détournés sans se voir opposer l'exception de l'art. 2279. Civ. Cass.28 mars 1888, S. 89, l, 265. Gpr. §261, texte 1 et G. § 433, texte et note 1.

1 Pour la jurisprudence antérieure à la loi de 1872. Cpr. Ruchèrc, Dos valeurs mobilières, no» 1048 et suiv., 1113 et suiv., suprà, § 183, note 22. Paris, 27 février 1854, S., 54, 2, 355. 29 juillet 1857, S., 57, 2, 636. 18 mai 1865, S., 65, 2, 153 et g 183, note 22.

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS FOSSES. § 183 bis. 161

I. Le propriétaire de titres au porteur ne trouvait dans les dispositions du Code civil qu'une protection généralement insuffisante. D'une part, en effet, les titres ne pouvaient être revendiqués qu'au cas de perte ou de vol, et durant un délai de trois ans seulement : d'autre part, le porteur actuel, ayant le plus souvent acheté son titre en Bourse ou chez un changeur, était recevable à exciper du bénéfice de l'art. 2280 : le propriétaire dépossédé n'avait, môme en ce dernier cas, d'autre ressource que défaire, soit au syn- dicat des agents de change, soit aux agents individuelle- ment, opposition à la négociation du titre. Cette opposition était affichée à la Bourse ; l'agent de change qui, après l'ac- complissement de cette formalité, négociait le titre perdu ou volé, était responsable vis-à-vis du propriétaire dépossédé. Mais cela n'était possible que pour les négociations faites en Bourse: en outre, la responsabilité de l'agent de change étant susceptible d'être diversement appréciée selon les cir- constances, on ne pouvait, au milieu de toutes ces décisions d'espèces, découvrir aucune règle fixe et précise servant de guide à l'officier ministériel. Il y avait plus: à défaut de représentation des titres par elles émis, les sociétés ré- sistaient au paiement des intérêts ou des dividendes, au remboursement du capital échu, et surtout à la délivrance d'un duplicata. La jurisprudence était intervenue pour pro- téger le propriétaire du titre, à l'égard delà compagnie. Après de longues hésitations, disait le Président Bonjean dans un rapport que nous citerons plus loin, il a été décidé : Que sur la justification faite en justice par le proprié- taire, de son droit de propriété, et des faits de vol, de perte ou de destruction, la Compagnie était tenue de déposer à la caisse des Dépôts et Consignations, au fur et à mesure des échéances, les intérêts ou dividendes semestriels ou an- nuels, et de plus, en cas de liquidation ou de rembourse- ment, le capital afférent aux titres perdus ou détruits : Que le propriétaire pouvait toucher ces intérêts ou divi- dendes à l'expiration du délai de cinq ans, après lequel cha- que semestre se trouvait prescrit contre le tiers-détenteur : n il

i(')2 INTRODUCTION A LA SKCONDK PARTIE.

8°(jue relativement au capital, c'était seulement après trente années que le propriétaire dépossédé pouvait être admis à le recevoir : Enfin, qu'au bout du même; délai de trente ans, il pouvait, si la société existait encore, exiger un dupli- cata ; mais sous ce dernier rapport, la jurisprudence était fort hésitante, et dans bien des cas, elle refusait le duplicata dans la crainte de placer la société entre le possesseur du titre nouveau et le porteur du titre ancien à qui la décision de justice n'eût pas été opposable. Il résultait de ce qui précède, que les dispositions de l'article 1348, C. c. n'étaient presque jamais applicables au cas de destruction d'un titre au porteur.

II. L'immense extension des titres au porteur rendait une réforme indispensable; on la réclamait de toutes parts. Une pétition déposée au Sénat donna lieu à un rapport présenté le 2 juillet 1862 par le Président Bonjean 2. En 1868, une commission fut nommée par le ministre de la Justice : elle fit de la question une étude approfondie, mais aucun pro- jet de loi ne fut élaboré.

Les événements de 1870 et de 1871 3 décidèrent le gou-

2 Moniteur du 3 juillet 1862. Duvergier, Coll. des lois, 1872, p. 263. Voir § 183, noie 22. Ihid.pour la bibliographie antérieure àlaloi de 1872.

3 La loi des 12-19 mai 1871, déclarant inaliénables les propriétés pu- bliques ou privées saisies ou soustraites à Paris depuis le 18 mars de la même année, nous paraît avoir surtout un intérêt historique ; nous rappellerons seulement la disposition de l'art. 2, portant : «Les aliénations frappées de nullité par l'art. l«rne pourront, pour les immeubles, servir de base à la prescription de 10 ou 20 ans, et pour les meubles, donner lieu à l'application des art. 2279 et 2280 du Gode civil. Les biens aliénés en violation de la présente loi pourront être revendiqués sans aucune condition d'indemnité pendant trente ans contre tous détenteurs, à partir de la cessation officiellement constatée de l'insurrection de Paris ». Le propriétaire a le droit de revendiquer ses titres entre les mains de tout détenteur, même de bonne foi, sans que sa demande puisse être repoussée par l'exception tirée des articles 2279 et 2280 : il importerait peu que la dépossession ait eu lieu soit par l'ordre d*un comité quelconque de la Com- mune, soi! par le fait de tout individu ayant agi, même sans ordre, à La faveur de la sédition. Ail. 1er loi de 1871. Morel et Desnies, op. cit., p. 8. Contra jug., trib. civ., Seine, 3 mars 1876, journal Le Droit. 24 mars 1876. La loi de 1871 aggrave la responsabilité des changeurs à qui

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSES. § 183 bis. 163

vernement à agir. Un projet présenté le 27 juillet 1871 à l' As- semblée Nationale, devint la loi relative aux titres au por- teur1' (15jum-5 juillet 1872). Ses dispositions furent complé- tées par le règlement d'administration publique du 10 avril 1873, et étendues aux colonies par la loi du 8 avril 1880.

Les formalités exigées par la loi ont un double objet. Elles tendent d'abord à empêcher la négociation du titre perdu ou volé, puis à permettre au propriétaire d'en pour- suivre la revendication môme entre les mains des tiers por- teurs de bonne foi. La loi de 1872 n'abroge pas les arti- cles 2279 et 2280, mais elle crée un droit de suite qui s'exerce dans des conditions plus larges que sous l'empire du Code civil.

En outre, lorsque le détenteur actuel du titre ne se pré- sente pas, le propriétaire dépossédé peut, sans attendre l'expiration des délais de la prescription, et moyennant l'accomplissement de certaines formalités, faire payer par le département, la commune, rétablissement de crédit de commerce ou d'industrie qui a émis les titres, d'abord les intérêts ou dividendes, ensuite le montant du capital échu ; il peut même obtenir un duplicata du titre.

III. La première série des dispositions de la loi de 1872 (art. 2. à 10) est relative aux mesures à prendre par le pro- priétaire dépossédé, vis-à-vis de rétablissement émis- sionnaire, afin d'éviter que les paiements soient effectués aux mains d'un tiers porteur. Elles tendent à assurer autant que possible, et sans entraver la libre circulation des va- leurs, tous les avantages du titre au propriétaire qui ne peut le représenter: elle ont donc pour objet de concilier les divers intérêts opposés, celui de l'établissement émission- naire, celui du propriétaire dépossédé, celui enfin, d'un tiers porteur éventuel qui serait devenu propriétaire.

sont imposées des recherches minutieuses sur l'origine des titres. Trib. civ., Seine, 20 janvier 187o, Le Droit, 5 février 1875. Buchère, 1144.

4 Présentation le 27 juillet 1871, Journal officiel, du 43 août, 429. Rapport de M. Grivart, le 10 mai 1872, Journal off., 19 et 21 mai 1872, no H24, S., 72, 3, 244. Discussion et adoption, le 15 juin, Journal off., du 16.

10 1- INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

( Lettc procédure consiste en la notification par huissier à rétablissement débiteur, d'un acte d'opposition dont l'ef- fet est seulement d'empêcher tout paiement, sous peine de s'exposer à payer deux fois;i. L'opposition doit : né- cessairement énoncer le nombre, la nature, la valeur no- minale, le numéro, et s'il y a lieu, la série des titres; men- tionner autant que possible, l'époque et le lieu l'op- posant est devenu propriétaire, ainsi que le mode de son acquisition ; l'époque et le lieu il a reçu les derniers intérêts ou dividendes ; les circonstances qui ont accom- pagné sa dépossession ; enfin, une élection de domicile dans la commune du sièsre de l'établissement débiteur c.

Au cas de contradiction par un tiers, la question de pro- priété des titres est résolue judiciairement 7. En pareille matière, Ton entend par contradiction, tout acte par lequel un tiers autre que l'opposant, prétend avoir des droits sur les titres frappés d'opposition. La compagnie est alors tenue d'avertir l'opposant par lettre chargée, et elle cesse les paiements jusqu'après décision définitive. Art. 10 8.

Si au contraire, il ne se présente pas de tiers porteur,

s C. c. art. 4242. Req., 29 décembre 1874, S., 75, 1, 289. c Loi de 4872, art. 2. Rapport de la commission de l' Assemblée Natio- nale. Sirey. Lois annotées 1872, p. 244, col. 3. En ce qui concerne la dis- tinction à taire entre les mentions obligatoires, et les mentions facultati- ves, v. Buchère, nos 957 et suiv. De Folleville, n0« 402 et suiv. Lyon-Cacn et Renault, I, no 388. L'opposition pourrait être valablement laite par l'usu- fruitier des titres.

1 La partie la plus diligente saisira le tribunal civil, que la loi de 4872 investit de la connaissance de toutes ces difficultés. Trib. connu., Seine, 5 octobre 4872. D., 73. 3. 87.

8 Buchère, no 999. Le Gost, Titres perdus, p. 446. Req., Arrêt précité du 29 décembre 4874, trib. Seine, 24 avril 4877. Gaz., trib., 5 mai 4877, ibid., 30 juin 4877, journal le Droit, 8 août 4879. La contradiction résul- te suffisamment de la présentation des coupons des titres perdus. Morel et

■Desnies, op. cit., p. 25. Trib. Seine, 26 décembre! 1876, journal Le Droit.

3 avril 4877. Trib. Seine, 30 janvier 4879, journal Le Droit, 8 août 4879.

Contra, trib. Seine, 27 janvier 1875, journal Le Droit. 44 mars 1875.

Trib. Seine, 20 mai 1880, journal Le Droit. 45 septembre 4880. Quant à

l'obligation de la compagnie d'informer l'opposant, Req., 29 décembre

1874, D. 75. I. 351.

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSES. § 183 bis, 165

l'opposant peut, sous les conditions suivantes, toucher les intérêts ou les dividendes.

Il faut d'abord qu'une année se soit écoulée depuis l'opposition, et que dans cet intervalle, deux termes au moins d'intérêts ou de dividendes aient été mis en distribution, art 3 fl.

L'opposant doit, par la voie d'une requête présentée par avoué, demander au Président du tribunal civil de son domicile, et obtenir de ce magistrat l'autorisation de toucher les intérêts ou les dividendes à échoir, au fur et a mesure de leur exigibilité. Au cas de refus de la part du Président, l'opposant peut, sans appeler l'établissement débiteur, saisir par requête le tribunal civil, qui statue en la chambre du Conseil, après avoir entendu le ministère public. Le jugement obtenu du tribunal produira les effets attachés à l'ordonnance du Président. Art. 7 10.

L'opposant est enfin tenu de fournir une caution s'é- levant au montant des annuités échues et à une valeur double de la dernière annuité à échoir, ou bien, à défaut de caution, un nantissement en rentes sur l'Etat ou en

9 Buchèrc, nos 966 et 967. Donc, s'il n'y a point d'intérêts ou de divi- dendes mis en distribution le délai ne court pas.

10 Le président compétent est celui du tribunal du domicile de l'oppo- sant, et non pas celui du domicile de l'établissement débiteur, lequel ne doit pas être mis en cause : les mesures doivent être prises rapidement et sans recourir à l'autorité d'un magistrat souvent éloigné. La procédure s'instruit devant le tribunal civil. L'on s'est demandé si au cas ce tribu- nal confirmant l'ordonnance du président, repoussait la requête, l'oppo- sant serait recevable à interjeter appel devant la Cour. Plusieurs auteurs décident l'affirmative, en invoquant à cet égard les principes du droit commun. En ce sens, Lyon-Caen et Renault, 388, p. 194, note 2. Buchèrc, no 986. Cpr. More! et Desnies, p. 28. Mais cela nous parait con- testable, car cette procédure unilatérale n'a rien de contentieux; elle con- siste en actes d'administration judiciaire : il n'y a de procédure conten- tieuse qu'entre deux prétendants-droit au titre litigieux. On invoque à tort selon nous ces mots du rapport qui, au cas de refus par le président, au- torise l'opposant « à tenter une nouvelle épreuve. » S., 72, 3, 245, no VII. Ces expressions nous semblent relatives au droit accordé à l'opposant de saisir le tribunal.

166 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIES.

autres valeurs taobilières acceptées par la société débitrice. Art 4. La sol vabiHté de la caution est j au cas de contestation,

appréciée selon les formes du droit commercial par le Président du tribunal du domicile de la société, dont l'intérêt est engagé en pareil cas. Art. 6 11. La durée de rengagement de la caution est de deux années, au bout desquelles l'opposant peut également retirer les sommes déposées à la caisse des Dépôts, et percevoir directe- ment les intérêts et dividendes. Art 4. Au bout de trois ans sans contradiction, a dit le rapporteur de la loi, les présomptions en faveur de la sincérité de l'opposant sont devenues presque décisives. Cependant, si une contradiction se manifestait même après les trois ans, la Compagnie devrait cesser le paiement, et la contestation entre les prétendants-droit serait l'objet d'un débat con- tentieux.

Les mêmes règles s'appliquent au capital lui-même, de- venu exigible, ou aux primes et lots qui en forment l'acces- soire. Toutefois, comme il s'agit alors de l'extinction du titre lui-même, la loi a se montrer plus exigeante, et elle a prolongé les délais. La caution n'est, en ce cas, dégagée vis- à-vis de la société qu'à l'expiration d'un double délai, à sa- voir, dix années après l'époque de l'exigibilité, et cinq années au moins à compter de l'autorisation.

Ces délais écoulés, la société paie le capital à l'opposant, art. 9. art 1240. C. c. Il y a en effet très forte présomption que le titre est perdu : les tiers qui se présenteraient alors n'auraient plus de recours que contre l'opposant ou sa caution 12.

En ce qui concerne les coupons au porteur détachés, le propriétaire du titre peut, si l'opposition n'a pas été con- tredite, les toucher au bout de trois années après leur éché-

11 Quant aux formalités, l'opposant n'est pas soumis aux dispositions des art. 2075 et suiv., du Code civil, mais à celles de la loi du 23 mai 1863, devenue l'art. 94. C. com. Quant au dépôt de valeurs, voir la loi du 28 juillet 4875, Buchere, nos 988 et suiv.

12 Buchère, n°s 981 et suiv., 995 et suiv.

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSES. § 183 bis. 167

ance et après l'opposition : il n'a besoin ni d'obtenir d'au- torisation, ni de fournir caution. Art. 8. Il aurait néanmoins, en renonçant au bénéfice de l'art. 8, la facilité de toucher au bout d'une année, mais il devrait alors se soumettre aux formalités que nous avons indiquées 13.

IV. La loi de 1872 permet également au propriétaire dépossédé d'obtenir à ses frais un duplicata du titre, lors- que le capital n'en a pas été remboursé. Art. 15 u.

Ce duplicata peut être délivré aux conditions suivantes.

Que dix années se soient écoulées depuis l'autorisation obtenue du Président du tribunal civil, conformément à l'article 3, et que pendant ce délai, personne ne se soit présenté pour toucher des intérêts ou des dividendes. En pareil cas, il est bien à présumer que le titre est perdu l5 ; néanmoins, afin de donner plus de garanties à la société émissionnaire, la loi suspend le délai durant les années pendant lesquelles il n'y a point eu de distribution d'in- térêts ou de dividendes.

Que pendant ce même délai de dix ans, l'opposition continue à être portée au Bulletin officiel i5bis ;

Que moyennant un dépôt de valeurs, ou une caution, l'opposant garantisse que la publication sera faite pendant dix ans au Bulletin.

Si ces conditions sont accomplies, l'opposant recevra un titre nouveau portant qu'il est délivré comme duplicata : il produit les mêmes effets que le titre primitif, lequel est frappé de déchéance16. Si néanmoins ce titre ancien venait à reparaître, le porteur, même de bonne foi, ne pourrait

13 Lyon-Caen et Renault, no 391 ; trib. civ., Seine, 21 juin 1873, 19 mai 1874, journal le Droit, des 25 août 1873 et 25 juin 1874. En sens cont., même trib., 6 janvier 1874, journal le Droit, du 12 mars 1874.

14 Moret et Desrues, p. 88 et suiv. Nous avons dit plus haut que cette disposition est une innovation. Les tribunaux refusaient presque toujours d'ordonner la délivrance de duplicata. Paris 23 juillet 1836, S., 37, 2, 103. Req., 5 décembre 1837, S., 38, 1, 329. Fixée en ce sens, la jurisprudence s'est ainsi maintenue jusqu'à la promulgation de la loi de 1872.

13 Rapport à l'Assemblée, S., loc. cit., XIV.

15 bis. V. infrà, note 22.

16 Lyon-Caen et Renault, 390. Buchère, nos j054 et suiv.

468 INTRODUCTION A LA. SECONDE PARTIE.

point poursuivre la société : H n'aurait qu'une action person- nelle contre L'opposant, au cas l'opposition aurait été faite sans droit : nous croyons même qu'il ne pourrait revendiquer le duplicata entre les mains du cessionnaire de bonne foi, et il n'aurait en ce cas, d'action que contre l'op- posant 1T.

Toutefois, lorsque le capital devient exigible, le porteur du titre en duplicata ne peut toucher qu'en fournissant la caution imposée par l'article 5. La décision contraire est en opposition avec les dispositions expresses du texte 18.

V. La seconde série des dispositions contenues en la loi de 1 872. Art. 11 à 14, est relative aux mesures dont l'accomplisse- ment permet au propriétaire dépossédé, d'abord d'empêcher la négociation du titre, ensuite de le revendiquer pendant trente ans même entre les mains d'un tiers-possesseur de bonne foi 19. Ces dispositions emportent donc dérogation à celles des articles 2279 et 2280 du Code civil, lesquelles ne sont point abrogées néanmoins, et qui règlent la situation des parties chaque fois que la loi nouvelle n'est pas ap- plicable. Le législateur de 1872, créant au profit du pro- priétaire évincé un droit de suite en dehors des limites étroites tracées par le Code civil, n'a point voulu diminuer les garanties lui appartenant, mais tout au contraire, amé- liorer sa situation 20.

17 Buchère, 1060. Contra, Follevillc, 459. Boistel, Droit comm., 2me édit., 621. Le Gost. 188.

18 Buchère, 1057. Cpr. Folleville, no 453.

10 La loi de 1872, dit M. Crépon (Négoc. des effets pub., 440), dont la jurisprudence a préparé les éléments, a organisé au profit du proprié- taire dépossédé un système d'opposition et de publicité d'opposition qui tend d'une part à rendre presqu'inipossible ou tout au moins fort difficile la négociation des titres perdus ou volés, et d'autre part à préciser, au cas de transmission de ces titres, la responsabilité des agents de change qui ont servi d'intermédiaires. Ces formalités, si elles n'empêchent pas d'une manière absolue la négociation des titres perdus ou volés, ont au moins pour conséquence de donner aux propriétaires des garanties plus sérieuses pour la conservation de leur fortune. Buchère, no 1046. Rapport à l'As- semblée nationale, S., 72, 3, 246, note IX.

20 Crépon, 151. Cpr. Heq., 14 lévrier 1X77, journal Le Droit, 15 fé- vrier 1877.

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSES. § 183 &&. 169

Pour être admis au bénéfice de la loi, le propriétaire est tenu de former opposition aux mains du syndic des agents de change de Paris sont concentrées toutes les mesures de publicité, pour de être répandues dans le pays. L'acte est fait dans la même forme, et il contient les mêmes men- tions que nous avons indiquées pour l'opposition conduite aux bureaux de la société émissionnaire 21 ; de plus, il renferme la réquisition de faire publier les numéros des titres perdus. Cette publication a lieu, un jour franc au plus tard par les soins et sous la responsabilité du syndicat des agents de change de Paris, dans le Bulletin officiel créé par la loi 52.

L'article 12 précise dans les termes suivants, les efïets de l'accomplissement de ces formalités : « Toute négociation ou transmission postérieure au jour le bulletin est parvenu, ou aurait pu parvenir par la voie de la poste dans le lieu elle a été faite, sera sans effet vis-à-vis de l'opposant, sauf le recours du tiers porteur contre son vendeur, et contre l'agent de change par l'intermédiaire duquel la négociation aura eu lieu ». L'opposant peut donc revendiquer son titre entre les mains de tout tiers détenteur 23. C'est un véritable

21 Supra, III. Quant aux détails de ces formalités, voir Buchère, 1014 et suiv. Rapport à l'Assemblée, S., ibid,, note X.

22 Loi de 1872, art. 14. Règlement d'administration pub., du 10 avril 1873, organisant le service du Bulletin officiel. Buchère, nos 1018 et suiv. Morel el Desrues, p. 40 et suiv. Cpr. Req., H juin 1878, I). 79, 1, 25. La loi de 187:2 ne s'applique que lorsqu'il s'agit des mêmes titres qui ont été livrés, et non de titres de même nature, indéterminés quant à leurs numéros. Morel et Desrues, p. 58, et le jugement du trib. civ. de la Seine, cité par ces auteurs.

23 Notamment contre un syndic de faillite. Req., 9 janvier 1888, D., 89, 1, 207 et la note. L'opposition produit encore un autre effet, qui est de fixer entre les mains de l'agent de change qui le détient, le titre frappé d'opposition, et de le rendre en quelque sorte indisponible. De deux conséquences : Lorsque malgré une opposition inscrite au Bulletin offi- ciel, l'agent de change a vendu des titres qui lui avaient été adressés a cet effet, il ne peut les restituer à son donneur d'ordre sur l'offre de celui-ci do les remplacer par des titres semblables : de même si la vente n'a pas été opérée, il ne peut rendre à son donneur d'ordre les titres

170 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

droit de suite qui lui appartient pendant trente; ans, sans qu'il ait à craindre (pie Je détenteur lui oppose L'exception tirée de l'art. 2280. Si les formalités légales n'ont point été remplies, ou si le bulletin officiel n'est parvenu sur les lieux qu'après la négociation ou la transmission, les par- ties sont soumises aux dispositions des articles 2279 et 2280 nbis- la revendication interdite à l'égard du possesseur de bonne foi, n'est possible que pendant 3 ans -:itery et dans les cas de perte ou de vol 2\ Art. 14.

La loi donne un double recours au tiers-porteur évincé :

frappés d'opposition. En effet, la loi de 1872, qui tient à protéger le véritable propriétaire, resterait sans efficacité si le titre était rétabli aux mains du tiers qui l'a livré à l'agent. Il est indispensable que ce titre soit retiré de la circulation, pour être remis à la disposition du propriétaire évincé. Crépon, nos 159 et suiv. Req., 13 février 1884, D., 84, 1, 269, et le rapport de M. le conseiller Lepelletier. Contra Morel et Desrues, p. 66. Trib. civ. Seine, 16 janvier 1880, journal Le Droit, 23 et 24 février 1880. Non obstat. Civ. cass.,11 juin 1877, S., 78, 1, 445. Cet arrêt, relatif à des faits antérieurs à la loi de 1872, a- eu particulièrement en vue une ques- tion de garantie en matière de vente.

23 bis. Si la négociation ou la transmission sont antérieures à l'opposi- tion, cpr. Le Gost, 216. Angers. 3 décembre 1873, S., 74,2, 84. Req., 14 juillet 1874, S., 75, 1, 23. L'action accordée par l'article 2279 au proprié- taire dépossédé est une véritable action en revendication, laquelle ne peut être exercée que contre le tiers délenteur. Civ. cass., 2i juin 1874, D. 71, 1,429. Le caractère de l'action n'est pas modifié par la loi de 1872 ^'exer- cice seulement en est favorisé, et quant au délai, et quant aux causes qui y donnent ouverture. Le tribunal civil de la Seine a maintenu celte juris- prudence par deux jugements inédits des 27 janvier et 4 mai 1887. Le même tribunal a jugé, complètement à tort, selon nous, que la prescrip- tion de trois ans pouvait être opposée, même lorsque l'action en revendi- cation était intentée aux termes de la loi de i<S72. 30 mars 1878, journal Le Droit, 21 mai 1878.

23 ter. Civ. rej.. 5 décembre 1876, journal Le Droit, 2i mars 1877.

24 Les dispositions des articles 12 et 14 s'appliquent aux négociations et aux transmissions. Muchère, no 1029. Cpr. Req., 3 juin et 17 décembre 1878, S., 81, 1, 49. Si la négociation est antérieure et la livraison pos- térieure au jour le Bulletin a pu parvenir, l'opération n'est pas vala- ble. More! et Desrues, op. cit., p. 57 et suiv. Paris, 9 février 1876, journal Le Droit, 16 mars 1870. Cpr. trib. civ. Heine, 19 décembre 1871). journal Le Droit des 12 et 13 janvier 1SS0.

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS FOSSES. § 183 &**. 171

il peut se faire garantir d'abord par son vendeur, ensuite par l'agent de change qui a servi d'intermédiaire.

En ce qui concerne le vendeur, il n'y a point de diffi- culté : c'est l'application des principes généraux en matière de vente mobilière, les titres au porteur étant susceptibles de tradition manuelle. C. c. art. 1626 et suiv. Mais les termes de l'article 12 susvisé de la loi de 1872 étant généraux, nous pensons que le recours direct contre le vendeur ap- partient au tiers détenteur, alors même que la négociation s'est faite par intermédiaire d'agent de change 25.

Quant à l'agent de change, il n'est en principe, et sauf le cas de fraude ou de connivence avec le vendeur, res- ponsable que s'il a fait la négociation malgré l'accomplis- sement des formalités imposées par l'article 11. Il commet une faute lourde en négligeant de consulter le Bulletin of- ficiel, et il est responsable vis-à-vis de son client du moment il prête les mains à la négociation d'un titre suspect 23 bis. Mais il nous paraît certain que la loi nouvelle a entendu limiter à ce cas la responsabilité de l'agent de change, et mettre un terme aux divergences de l'ancienne jurispru- dence qui s'appuyait sur les circonstances essentiellement variables des espèces. Aujourd'hui il n'existe plus qu'une seule cause nette et précise de responsabilité 26.

25 M. Crépon (op. cit., 146), fait remarquer que cette disposition est une innovation législative. La plus ancienne jurisprudence. (Civ. cass., 19 août 1823, S., à sa date), décidait que les agents de change étaient les intermédiaires indispensables des parties qui ne se connaissaient pas : il n'y avait donc entre elles aucun lien de droit , et par suite, pas d'action. La loi nouvelle a donc pour conséquence d'autoriser l'agent à faire con- naître au tiers porteur le nom du vendeur, et elle l'affranchit, en pareille occurrence, de l'obligation du secret professionnel.

r6 bis. Morel et Desrues, op. cit., p. 48. Paris, 5 décembre 1879, jour- nal Le Droit, 4 février 4880.

26 Rapport à l'Assemblée nationale, S., loc. cit., XI. Crépon, 142 et suiv. Cpr. de Folleville, no 457. Il est d'ailleurs certain que la loi a eu en vue l'agent de change vendeur, qui seul a pu vérifier à l'aide des titres, s'ils étaient ou non portés au Bulletin. L'art. 13 de la loi impose aux agents de change l'obligation d'inscrire sur leurs livres les numéros des titres par eux achetés ou vendus, et de mentionner sur les bordereaux

172 IXTROnrUTION A LA SECONDE partie.

L'agent do change lui-môme a-t-il recours contre le clienl de qui il tient les titres? Nous adoptons volontiers l'affirmative

par application des principes du mandat, et des règles de l'équité. Néanmoins il convient de laisser en pareille matière une large place à l'appréciation du juge du fait ; en effet, entre le client qui est le mandant, et l'agent de change qui est le mandataire, tout se ramène à une question de fait à déterminer par les circonstances de l'espèce 27.

Les dispositions du 2me§ de l'art. 12 limitant à un cas précis la responsabilité de l'agent de change, dérogent au droit commun, et par conséquent elles ne peuvent être étendues. Ainsi elles ne s'appliquent qu'à l'agent qui a opéré dans l'exercice de ses fonctions, comme intermédiaire des parties, et non pas à celui qui a acheté une valeur pour son compte personnel 28. De même le bénéfice ne saurait en être invoqué par les changeurs ou par les banquiers 29.

Au cas plusieurs négociations ont eu lieu, une avant l'arrivée du bulletin, les autres postérieurement à cette époque, l'on ne peut appliquer la loi de 1872 : en eifet, le détenteur actuel appellerait en cause son vendeur, qui op- poserait l'exception, et qui échapperait aux poursuites. Le possesseur actuel exerce les droits de son auteur, et l'on évite ainsi un inutile circuit d'actions 30.

Le tiers-porteur peut contester l'opposition, soit quant à la forme, soit quant au fond. Art. 12 31.

d'achat les numéros livrés. Ils agiront sagement en se conformant à ces prescriptions, dont l'accomplissement contribue à dégager leur responsa- bilité.

27 Crépon, 148, et les divers arrêts dont le texte est rapporté par cet auteur.

28 Req., 5 février 4878, S., 78, 1, 149.

29 Mopet et Desnies. p. 83 et suiv. Nancy, 3 juin 1884, S., 84, 2, 401, trib. Seine, 7 mars 4889, journal la Loi, du 8 juin 1889. Cpr. Buchère, nos 4438 et suivants. Lyon, 23 novembre 4882, S., 84, 2, 440.

30 Rapport à l'Assemblée nationale. S. Lois annotées ubi sup., XII. Buchère, 4026. De Folleville, no 485. Lyon-Gaen et Renault, 389, note 1. Labbé, note sur Req., 47 décembre 4878, S., 80, 1, 49,

31 Buchère n°s 4032 et suiv.

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSES. § 183 bis. 173

VI. A quels titres s'applique la loi du 15 juin 1872.

Aux titres au porteur seulement 32, et après l'accom- plissement des formalités prescrites 33.

A tous les titres au porteur, émis par les sociétés, les départements, les communes et les établissements publics3', sans distinction entre les titres définitifs et les titres provi- soires délivrés au moment de la souscription 3" ; mais elle ne s'applique ni aux billets de Banque, ni aux lettres de change au porteur, aux chèques, aux récépissés ou warrants 3G,

32 II résulte de l'intitulé de la loi, de ses termes, et de la discussion qui l'a précédée, que les titres nominatifs sont exclus de ses dispositions. Le propriétaire d'un titre nominatif, dépossédé sans sa volonté, doit faire dans le plus bref délai possible, entre les mains de l'administration de la so- ciété émissionnaire, opposition au paiement des intérêts ou dividendes, ainsi qu'au remboursement du capital. 11 évitera ainsi qu'un tiers se pré- sente pour exercer les droits d'obligataire ou d'actionnaire. Il pourra môme se faire délivrer un second titre, car nul transfert n'ayant été effec- tué, la société n'est engagée qu'à l'égard du propriétaire dénommé sur le titre qui a disparu. La remise d'un titre nominatif avec transfert signé en blanc ne suffit pas pour le transformer en titre au porteur. Giv. rej . , 4 juillet 1876, S., 77, 1, 105, et la note.

33 Tel est le sens de l'art. 14, de la loi de 4872. Rouen, 12 mars 1873, D., 73, 2, 188. Angers, 3 décembre 1873, S., 74, 2, 84. Req., 14 juillet 1874, S., 75, 1, 23.

3; Lyon-Caen et Renault, I, no 392. Buchère, n°938. En principe, dit-il, la loi s'applique «à toutes les valeurs au porteur, actions des compagnies financières, commerciales ou industrielles, obligations des mêmes sociétés, titres émis par le Crédit foncier, et autres établissements analogues : obli- gations des villes ou des départements, en un mot, à la plupart des va- leurs de Bourse représentées par cette forme de titres.

33 Trib. civ., delà Seine, 2 janvier 1877, journal le Droit, 4 janvier 1877.

36 Les billets de Banque sont des valeurs de circulation et non déplace- ment. Lyon-Caen et Renault, I,n° 392, note 3. Moret et Desrues, p. 101. Arg. Alger, 4 mars 1865, S. ,65, 2, 155. Civ.cass.. 8 juillet 1867, S. ,67,1, 317J1 en est ainsi des billets émis par la Banque de France, et des valeurs de môme nature émis par des établissements autorisés, par exemple, la Banque d'Algé- rie. Quantauxlettres de change circulanten vertu d'un endossement en blanc, et assimilables en pratique aux titres au porteur, l'on doit, en cas de perte, appliquer les art. 150 et suiv., C. de comm. Pour les récépissés et warrants, Voir art. 12 de la loi du 28 mai 1858. Les chèques, qui sont également des valeurs de circulation, doivent être par analogie soumis à des règles sembla-

174 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

ni aux rentes sur l'Etat37, qui ne sont passibles d'aucune opposition38. Art. 16, loi de 187*2.

Aux titres étrangers, aux titres de rente des Etats étrangers89 et même aux titres français négociés à l'étran- ger, mais avec certaines distinctions *°. En effet, les dispo-

bles. Le porteur doit faire opposition aux mains du débiteur, qui, dès lors ne peut plus payer le titre perdu. Quant à un duplicata, il ne nous parait pouvoir être délivré que par le tireur, à la réquisition du porteur. Moret et Desrues, p. 103. Les mêmes règles doivent s'appliquer aux bons du Mont-de-Piété. Paris, 12 août 1876, journal Le Droit, o octobre 1876.

37 II résulte de la discussion que le législateur a été frappé des dangers encourus par le Trésor public si les porteurs de rente pouvaient se faire payer à tel bureau qu'il leur plaît de choisir. Crépon, de la né- gociation des effets publics, no 162. L'auteur cite à l'appui de son opinion les termes de deux jugements du trib. de comm., de la Seine des 2 février et 2 août 1883. Lyon-Caen et Renault, 1,393. Cpr. Moret et Desrues, p. 95.

38 Loi du 8 nivôse an VI, art. 4. Loi du 22 floréal an VII, art. 7. Sous l'empire de ces lois, le Trésor se bornait à prendre note des oppositions, et moyennant le dépôt de valeurs nominatives, ou d'une somme d'argent égale au capital du titre augmenté de cinq années d'intérêt, il délivrait des duplicata : mais le dépôt restait perpétuellement dans les caisses du Trésor. Maintenant, et d'après les dispositions de l'art. 16, al., 2, le dé- pôt est restitué au bout de vingt ans si, dans ce délai, il n'a été formé au- cune demande de la part de tiers-porteurs, soit pour les arrérages, soit pour le capital. Le Trésor est alors définitivement libéré. Buchère, n°s Mo, 939 et suiv. Lyon-Caen et Renault, I, 393.

39 Req., 13* février 1884, S., 84, 1, 225, et la note. D., 84, 1, 265, et le rapport de M. le conseiller Lepelletier. L'article 16 de la loi de 1872 énumérant les seuls titres au porteur qui échappent à son application, il n'est pas permis d'étendre l'exception formulée par ce texte à des valeurs qui n'y sont pas comprises. D'autre part, les motifs qui ont l'ail exclure les rentes sur l'État français, n'existent pas pour les rentes des États étrangers.

40 Les solutions portées au texte sont généralement adoptées en doc- trine et en jurisprudence. Buchère, nos 942 et suiv. Crépon, nos L53 et suiv. Journal du Droit international privé, 1880, p. 260, 1881, p. 26, 1886, p. 676. Revue générale du droit, année 1884, p. 107 et suiv. Trib. civ. Seine, 7 juin 187S. journal Le Droit, 21 juin 1878, même trib. 2 juil- let 1879, Journal dAi droit inl. privé, 1880, p. 196. Trib., comm. Mar- seille, 28 juillet 1879, op. cz'i.,1880, p. 108. Pour la jurisprudence du trib. de la Seine, voir journal le Droit, 2, 3, 4 novembre 1879 et 22 avril 1883. Paris, 21 août 1882, S., 83,2,117. Paris, 14 décembre 1883, D., 84,2, 131. Req., 13 février 1884, S., 84, 1, 225 et la note, D., 84, 1, 265, et le rap-

L

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSES. § 183 bis. 175

sitions de la loi de 1872 ont le caractère de mesures de police et de sûreté : dès lors, elles s'appliquent à tous ceux qui habitent le territoire, et elles gouvernent tous les actes qui s'y passent : par contre, les formalités qu'elle impose ne pouvant être accomplies au dehors, les effets qu résultent de leur exécution ne sauraient se produire. D'où les conséquences suivantes :

a) Le propriétaire d'un titre au porteur émis par un Etat ou un établissement étranger peut, au moyen d'une oppo- sition pratiquée au syndicat des agents de change de Paris, et par l'effet de la publication au Bulletin officiel établi

port de M. le conseiller Lcpclletier, ainsi que les conclusions de M. l'avocat général Ghévrier. Contra, Lyon-Caen et Renault, I,n° 394. Paris, 29 avril 1875, Gaz, trib., 2 juillet 1875. Trib. civ. Seine, 7 juin 1878, journal le Droit, 21 juin 1878. Gpr. de Follcv'illc, n°s 493 et suiv. Le Gost. Etude théorique et pratique sur les titres au porteur, 275 et suiv. L'opinion de MM. Lyon-Caen et Renault, est fondée sur cette considération que les formalités imposées par la loi de 1872 n'étant susceptibles d'exécution qu'en France, la plupart des effets attachés à leur accomplissement ne peuvent atteindre les valeurs étrangères : qu'au surplus on ne saurait scinder les dispositions légales pour accepter les unes, et rejeter les au- tres. Cet argument ne nous semble pas devoir être accepté, et nous pré- férons la doctrine développée au rapport qui a précédé l'arrêt sus-visé de la chambre des Requêtes. En effet, la loi de 1872 établissant des règles générales quant aux titres au porteur, n'a pas excepté les valeurs étran- gères, ce qui aurait pu être fait d'un seul mot ; loin de là, elle a entendu donnera tous les propriétaires de titres au porteur des garanties aussi larges qu'il était possible. Ensuite, les dispositions de cette loi ne sont point in- divisibles, et il n'est aucune raison juridique pour écarter celles qui étant susceptibles d'application amènent le résultat que le législateur a recherché. Evidemment, toute la procédure d'opposition au siège de la société émis- sionnairc ne peut être suivie hors du territoire (art. 2 à 10) : de même le titre au porteur soit étranger, soit même français ne peut être saisi à l'étranger : mais ce n'est point un motif pour affranchir l'un ou l'autre de ces titres, des dispositions expresses d'une loi de police et de sû- reté, quand il réapparait en France. Il est d'ailleurs à remarquer que le Bulletin officiel insère les oppositions frappant les titres étrangers ; et ce n'est pas seulement pour engager au cas d'imprudence ou de faute, la responsabilité de l'agent de change qui a servi d'intermédiaire, mais pour assurer au propriétaire dépossédé toutes les garanties légales, et no- tamment la revendication.

170 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

aux termes de l'article 11, revendiquer à l'encontre des tiers porteurs même de bonne foi, les valeurs au porteur étrangères perdues ou volées qui se retrouveraient en France. La loi française les ressaisirait dès leur apparition sur le territoire, le système de publicité organisé par la loi de 1872 redeviendrait effectif, parce que, soit le tiers por- teur, soit l'intermédiaire seraient réputés en faute pour n'avoir pas vérifié le Bulletin officiel. L'on ne pourrait point prétendre que ce système conduise à modifier les con- ditions ou les conséquences d'un contrat souscrit conformé- ment à la législation qui régissait les parties au moment de la convention : en effet, il s'agit uniquement de l'appli- cation en France d'une loi de police et de sûreté, tendant à prévoir les conséquences d'un fait accidentel, sans tou- cher à la nature du contrat. *!

Mais l'accomplissement de ces formalités ne lui permet- trait pas de saisir et de revendiquer les titres circulant à l'étranger. *2

D'autre part ce propriétaire dépossédé ne peut faire, conformément aux articles 2 à 10 de la loi, opposition aux mains de la société émissionnaire afin d'empêcher soit le paiement des intérêts ou des dividendes, soit, le cas échéant, le remboursement du capital 43. Il en serait autrement si l'établissement étranger possédait en France une succursale devraient s'effectuer les paiements et le remboursement .

41 Buchèrc, nos 949 et suiv. Trib., de la Seine, 29 mai 187o, Journal le Droit, 18 et 19 octobre 1875.

42 L'acquisition d'une valeur se fait selon les formes prescrites par la loi du pays dans lequel elle s'effectue. Locus reçjit actam. L'on ne sau- rait dès lors imposer aux parties l'accomplissement des formalités éta- blies par la loi de 1872, lorsque la législation locale n'exige rien de pa- reil : sauf bien entendu le cas de mauvaise foi. Contra. Trib. civ., de la Seine, 2 juillet 1879, Journal de Droit international privé, 1880, p. 196. Mais cette jurisprudence n'a pas été suivie.

V3 Néanmoins, en pratique, les sociétés étrangères acceptent les opposi- tions faites en France entre les mains de leurs représentants, et elles ar- rêtent les paiements afférents aux valeurs frappées d'opposition. Cpr. cep. spécialement en ce c[Ui concerne les litres de la rente italienne, Moret et Desrues, p. 97. Paris, 31 décembre 1877, journal Le Droit, 16 janvier 1878.

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESS. § 183 bis, 177

b) A l'inverse, les titres au porteur français perdus ou volés, circulant à l'étranger, peuvent être frappés d'une opposition signifiée à la société émissionnaire : celle-ci est alors tenue d'arrêter le paiement des intérêts ou dividen- des et des remboursements, et, après les délais prévus par la loi de 1872, d'en verser le montant au porteur dépossédé, enfin de lui délivrer un duplicata. Quant à l'opposition au syndicat des agents de change à Paris et à la publication au Bulletin officiel, ces formalités n'atteindraient les titres qu'à leur rentrée en France : et dans ce cas, il resterait à débattre, entre le propriétaire dépossédé et le détenteur actuel, une question de faute à apprécier eu égard aux cir- constances qui ont accompagné, à l'étranger, la transmission ou la négociation du titre perdu ou volé.

c) Les dispositions de l'article 15 qui mettent dans cer- tains cas le propriétaire du titre perdu ou volé à même de se faire délivrer un duplicata, ne sont point applicables aux sociétés étrangères : leurs statuts, généralement approuvés par l'autorité du pays, pré voient presque tous le cas de perte ou de destruction du titre, et en imposant l'exécution de la loi française, on s'exposerait à méconnaître tant la loi étrangère que la convention intervenue entre la société émissionnaire et le porteur *\

Enfin la loi de 1872 s'applique à tous les cas le propriétaire du titre en a été dépossédé par quelque cause que ce soit : les termes fort larges de l'art. 1" ne laissent point de doute à cet égard. Le bénéfice de la loi pourra donc être invoqué non seulement en cas de perte ou de vol, mais également en cas d'escroquerie ou d'abus de con- fiance 45. Mais il n'en serait pas de même pour l'hypothèse delà destruction du titre par suite d'un sinistre, tel qu'un

44 Buchère, 943. Folleville, 493. Lcgost, p. 214. Lyon-Cacn et Renault, I, 94. Boistcl, Précis de Droit commercial, p. 429. Deloison, Tr. des valeurs mobilières (paru pendant l'impression de cet ouvrage. 1 vol . in-8o, Paris, no 693). Paris, 3 décembre 1877, Droit du 46 janvier 1878.

45 Buchèrc, nos 925 et 1097. «Dépossédé par quelque événement que ce soit», porte l'art. -1er de la loi de 4872. Arg. Req.,44 juillet -1874, S., 75, 4, 23. Rcq., 43 février 1884. S., 84, 1, 225. Contra, Deloison, op. cit., 529.

n 12

178 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

naufrage ou un incendie. 11 résulta de la discussion qui a préparé la loi, que les dispositions du 4me § de l'art. 1348 ont été réputées suffisantes pour garantir les droits du pro- priétaire dont le titre aurait été détruit40.

B. Des actions possessoires.

§184. Notions générales.

Les actions possessoires, prises dans le sens le plus large de l'expression, et par opposition aux actions pétitoires, sont les actions qui portent exclusivement sur la posses- sion, sans toucher au fond du droit. Dans cette acception étendue, et en donnant également au mot possession s& si- gnification la plus générale, les actions possessoires com- prennent tout à la fois la complainte, la dénonciation de nouvel œuvre, et la réintégrande \

Les actions possessoires proprement dites sont celles qui,

46 II eût sans doute été plus logique et plus conforme à l'esprit général de la loi de disposer autrement : toutefois l'intention du législateur nous paraît manifeste. En effet M. de Marcère avait soumis à l'Assemblée Na- tionale un amendement ainsi conçu : « Dans le cas le propriétaire de valeurs mobilières fournirait la preuve que ses titres ont péri dans un sinis- tre, il peut toujours réclamer delà compagnie ou de l'établissement débiteur un titre nouveau en duplicata. S'il y a contestation, les tribunaux peuvent ordonner la délivrance du nouveau titre. » Mais cet amendement a été retiré par son auteur sur l'observation suivante présentée par le rappor- teur, qu'il avait été pourvu à la situation par le dernier alinéa de l'article 1.548, et que dans le cas la destruction du titre par suite d'un sinistre serait démontrée d'une manière irréfragable, la compagnie serait tenue de remettre un duplicata produisant tous les effets du titre original. DeFol- leville, nos 453 et suiv. Buchôre, nos 4062 ctsuiv. Lyon-Caen et Renault, I, no 392. Moret et Dcsmos, p. (J2. Cpr, Deloison, op. cit. 529.

1 Loi du 25 mai 1838 sur les justices de paix. Art. 6, no 1. Cpr. Gode civil, art. 1428. Sur les interdits au Droit romain. Cpr. Machclard, Théo- rie générale des Interdits en Droit romain ; Paris, 1864, in-8°, et Aeca- rias, Précis, II, nos 250 et suiv.

DE LA POSSESSION KT DES ACTIONS POSSESSOÎRES.§ 184. 179

fondées sur une possession ou quasi-possession revêtue des caractères exigés par la loi, et continuée pendant une année au moins, c'est-à-dire sur la saisine possessoire, ont pour objet direct et principal de la faire reconnaître au profit du demandeur. Elles tendent par suite, et selon les circonstances, soit à le faire maintenir dans cette saisine, lorsqu'il y a été troublé, ou à l'y faire rétablir, lorsqu'il a été dépossédé, soit à faire simplement suspendre la con- tinuation de travaux dont l'achèvement aurait pour résultat de porter atteinte à sa possession. Au premier cas, l'action se nomme complainte, au second, dénonciation de nouvel œuvre.

La réintégrande, qui n'a pas pour objet de faire recon- naître la saisine possesssoire au profit du demandeur, est une action au moyen de laquelle le possesseur, ou même le simple détenteur, est autorisé à demander le rétablisse- ment de l'état de choses qui, par voies de fait violentes, a été anéanti ou modifié à son détriment.

La complainte de notre Droit actuel est la reproduction de Faction connue, dans notre ancien Droit, sous le titre de complainte en cas de saisine et de nouvelleté, et il faut bien se garder de la confondre avec l'interdit uti possidetis . Si la complainte et l'interdit exigent, l'un et l'autre, pour leur admission, une possession paisible, publique, et à titre non précaire (nec m, nec clam, nec precario), ces deux voies de droit différent cependant essentiellement entre elles, en ce que, dune part, on ne peut former la complainte qu'en vertu dune possession annale, tandis que cette condition n'était pas requise pour l'interdit, et en ce que, d'autre part, l'interdit n'était accordé qu'au possesseur actuel, tandis que la voie de la complainte est ouverte même à celui qui a cessé de posséder depuis moins d'une année 2.

La dénonciation de nouvel œuvre, admise dans notre pratique et consacrée par la loi du 25 mai 1838, comme action possessoire distincte de la complainte, n'a qu'un

2 Cpr. Bélime, no 206. Garsonnet, I, § 131, A.

180 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

rapport fort éloigné avec la operis novi nuntiatio du Dro: romain.

Cette nuntiatio, en effet, ne donnait lieu à un interdit, e faveur du dénonçant, que dans le cas le nouvel œuvr était continué au mépris de l'opposition, c'est-à-dire avari qu'il en eût été accordé main-levée, auquel cas môme, ce interdit ne constituait pas un interdit possessoire 3.

Quant à la réintégrande, l'origine en remonte au Droi canon, qui avait enté le remedium spolii sur l'interdit nnd vi, en étendant le bénéfice de cette voie de droit à tous le possesseurs ou détenteurs dépouillés par violence ou pa occupation clandestine, et en l'accordant, sous certaine conditions, même contre les tiers *.

Avant de développer les règles spéciales à la complainte à la dénonciation de nouvel œuvre, et à la réintégrande nous exposerons, dans les deux paragraphes suivants, celle qui sont communes à ces trois actions.

I. E)e.« règles i'»»iniïBn«<i» aux diverses actions possessoires.

185.

Des choses et des droits susceptibles de former l'objet d'un

action possessoire.

Les immeubles corporels, les servitudes personnelles 01 réelles, et les droits réels immobiliers de jouissance 01 d'usage qui seront ci-après indiqués, sont susceptibles d< former l'objet d'une action possessoire \

3 Les idées émises par Henrion de Pansey {Compétence des juges d paix, chap. 38) et par Merlin (Rép., Dénonciation de nouvel œuvre 6), sur la nature de la ope?4is novi nuntiatio, sont évidemment erre nées. D'IIautliuille,/te(;tt0 de législation, 1837, V, p. 444. Bélimc, loc.cii

4 Decr. II pars, c. III, quaest. 1. Dccr. Gregorii IX, De restitutionc spo liatorum (u2, 13). Voy. Garsonnet, I, § 131, A.

1 Cpr. § 178. L'action possessoire appartient au concessionnaire d'un»

DE LA TOSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOIRES. § 185 181

Les actions de cette nature ne peuvent être exercées, ni pour des choses mobilières individuellement envisagées 2, ni même pour des universalités de meubles 3.

mine. Bourbcau, VII, no 369. Wodon, II, nos 467 et suiv. Garsonnet, I, § 132, p. 562, note 4. Curasson, II, 610, p. 191, note a. Mais d'autre part, le propriétaire foncier serait recevable a exercer l'action possessoire contre le concessionnaire qui exploiterait en dehors du périmètre concédé. Curasson, loc. cit. Arg. Req., 1er lévrier 1841, S., 41, 1, 121.

2 C'est ce qui a toujours été admis dans notre ancien Droit, même aux époques les idées romaines l'emportèrent en cette matière sur celles de notre législation primitive. Cpr. § 183, note 2. On expliquait cette solu- tion, en disant que la possession des meubles n'est pas d'assez grande im- portance pour donner lieu h une action possessoire, distincte de l'action pôtitoire : Mobilium possessio vilis. Imbcrt, Pratique judiciaire, liv. I, chap. XVII, no 12. Loisel, ïnst. coût., liv. V, tit. IV, rôg. 15. Coutume de Paris, art. 97. Coutume d'Orléans, art. 489. Ordonn. de 1667, tit. XVIII, art. 1. Pothicr, De la possession, 93. Cette doctrine est d'autant moins contestable dans notre Droit actuel, que l'art. 2279 a législativemcnt con- sacré la maxime En fait de meubles possession vaut titre, maxime dont l'effet est de rendre, pour les meubles, le possessoire inséparable du pé- titoire, Exposé de motifs, par Bigot-Prcamencu (Locrô, Lèg., XVI, p. 586, 44). Merlin, Rép., Complainte, § 3, no 2. Henrion de Pansey, Com- pétence des juges de paix, chap. 35, §4. Bourbeau, VII, 358. Garson- net, I, § 133, notes 25 à 31. Bourcart, no 131. Boitard et Colmet d'Aage,I, n" 627. Troplong, Delà prescription, I, 281.Bélime, no 272. Crémieu,nos 362 à 367. Marcadô, sur l'art. 2228, 3. Zacharite, § 187 /;, texte et note 13. Renaud (Revue de législation, 1845, 1, p. 379) a cependant essayé de soutenir le contraire, mais il est resté seul de son avis. Mais l'ac- tion possessoire serait recevable relativement aux meubles immobilisés par destination. Curasson. II, p. 187 a. Garsonnet, I,§ 133, note 22. Mourlon, Proc, 212. Req., 18 août 1842, S., 42, 1, 965, sauf l'application de la règle de l'art. 2279. Req., 8 mai 1827,D.,ft(/p., Action possessoire, 492.

3 Quant à Vusucapio pro Itcrede, Voir Gaius, Comm., 2, § 54. Accarias, Précis, I, 243, II, no 440. D'après l'art. 97 de la coutume de Paris et l'art. 489 de la coutume d'Orléans, les universalités de meubles, telles que les successions mobilières, pouvaient former l'objet de l'action pos- sessoire. L'ordonnance de 1667, tit. XVIII, art. 1, avait consacre la dis- position de ces coutumes ; et Pothicr (De la possession, 94) indique les applications qu'elle était susceptible de recevoir. La question de savoir si l'action possessoire est encore aujourd'hui recevable pour une universa- lité de meubles, est vivement controversée. Zachariœ, qui, dans sa troi- sième édition 187, texte et note 1), avait adopté l'affirmative, s'est pro- noncé, dans sa quatrième 187 b, texte in fine), pour l'opinion contraire,

182 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

Des immeubles corporels.

Les immeubles corporels ne peuvent former l'objet d'une action possessoire portant sur la possession du fonds môme de ces immeubles, qu'autant qu'ils sont placés dans le com- merce, et par suite susceptibles d'être acquis par voie du- sucapion. Ainsi, ne peuvent former l'objet d'une action p<»s-

qui nous paraît également préférable, par les considérations suivantes : Une universalité juridique n'est susceptible comme telle, c'est-à-dire comme exprimant l'idée abstraite de l'unité des biens d'une personne, ni de pos- session, ni de quasi-possession. Il existe sous ce rapport une profonde dif- férence entre les universalités de droit, et les servitudes réelles ou per- sonnelles. La prétention à une servitude peut toujours se manifester par des actes matériels, positifs ou négatifs, qui en réalisent l'exercice d'une manière complète ; et c'est ce qui explique la quasi-possession ad- mise à leur égard, par imitation de la possession proprement dite. Au con- traire, les actes matériels de disposition ou de jouissance que peut faire le prétendant-droit à une succession, ne s'appliquent jamais qu'à des objets particuliers, et non point à l'universalité comme telle. L'action possessoire dont les universalités juridiques pouvaient autrefois former l'objet, avait donc été reçue contra rationcm juris ; et, en l'absence de toute disposition nouvelle reproduisant celle de l'ancien Droit, il y a d'au- tant plus de raison de rejeter aujourd'hui une pareille action, qu'elle est implicitement repoussée par les termes mêmes de l'art. 23 du Code de procédure, qui n'accorde l'action possessoire qu'au possesseur. C'est aussi en ce sens que paraît devoir être entendu le passage de l'Exposé des mo- tifs de l'art. 2279, dans lequel Bigot-Prôameneu, après avoir rappelé qu'on n'a point admis, à l'égard des meubles, une action possessoire distincte de l'action pétitoire, ajoute : « S'il s'agissait d'une universalité de meubles, « telle qu'elle échoit à un héritier, le titre universel se conserve par les « actions qui lui sont propres, » c'est-à-dire par la pétition d'hérédité ou par l'action en partage. Favard, Rép., Complainte, sect. I, § 1, 3. Carré, Lois de l'organisation et de la compétence,!, p. 494 ;II, p. 307. Bé- limc, no 278. Crémicu, n°s 369 et suiv. Glasson sur Boitard, I, no 627, p. 687, notel. Garsonnct, I, § 133, notes 32 à 34. Bourcart, 132. Rousseau et Laisney, ?;<> Act. poss., no 26. Carou, Jurid. des juges de paix,]). 390. Carré, Justice de paix, II, p. 4(50. Rodière, Comp., I, p. 87.Alauzet, Poss., p. 289. Bourbeau, VII, no 3B8. Curasson, II, no 606. Chauveau, sur Carré, I, ]>. 94. Garnicr, p. 293. Voy. en sens contraire: Merlin, Rép., Com- plainte, § 3, 2. Henrion de Pansey, Delà compétence des juges de paix, chap. 4o, § S. Va/.eille, Des prescriptions, II, 707. Troplong, De la pres- cription, I, 281. Boitard et Colmet d'Aage, Leçons de la procédure, I, 027. Marcadé, sur l'art. 2228, no 3.

.

E LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOIRES. { 185 183

sessoire les terrains dépendant des fortifications d'une place de guerre 3 bis, les rivages de la mer 3 ter, les routes nationa- les ou départementales et les chemins vicinaux, les rues et places publiques 4, les francs bords des canaux de navigation et les digues artificielles des rivières navigables s,

3 bis. Garsonnet, I, § 133, note 5. Gpr. Civ. rej., 29 janvier 1878, S., 78, 1, 249. Dans l'espèce il s'agissait d'un fossé dépendant d'anciennes fortifications déclassées, et affecté à un service public communal.

8 ter. Garsonnet, I, § 133, note 4. Gurasson, II, no 610. Req., 4 décem- bre 1843, D., Rép., vo Act. poss., no 683.

4 Garsonnet, I, § 133, note 6. Gurasson, II, 642. Bioche, Act. poss., no 321. Bourbeau, VII, 363. Giv. cass., 6 novembre 1866, S., 66, 1, 422. Giv. rej., 29 août 1871, S., 71, 1, 132 (motifs). Les terrains laissés par les riverains en dehors de leurs murs de clôture sont présu- més jusqu'à preuve contraire dépendre de la voie publique, et ils ne peu- vent par conséquence faire l'objet d'une action possessoire. Garsonnet, I, § 133, note 6. Civ. Cass., 13 mars 1854, S., 54, 1, 542. Mais l'action possessoire serait recevable en ce qui concerne le sol des rues qui sont seulement à l'état de projet : bien que le plan général d'alignement ait pour effet légal d'attribuer à la voie publique les terrains destinés à l'élargir, ces terrains ne sont pas imprescriptibles et peuvent par consé- quent faire l'objet d'une action possessoire au profit du riverain. Civ. cass., 30 avril 1862, S., 62, 1, 597. Req., 13 avril 1869, S., 69, 1, 450. Gpr. Aucoc, Confér. III, no 1062. Crim. Cass., 5 novembre 1868, S., 69, 1, 488. Si les rues et places publiques sont imprescriptibles, les arbres et les haies plantés sur leur sol n'en sont pas moins susceptibles d'une appropriation particulière et distincte du ter- rain auquel ils sont attachés ; ils peuvent donc être l'objet d'une posses- sion annale, et donner lieu à une action possessoire indépendante de la possession du fonds sur lequel ils existent. Garsonnet, I, § 133, note 6. Civ. cass., 8 novembre 1880, S., 81, 1, 52. Cpr. Giv. cass., 3 février 1868, S., 68, 1, 55. Civ. Cass., 1er décembre 1874, S., 75, 1. 167. Req., 24 décembre 1877, S., 78, 1, 160.

2 Proudhon, Du domaine public, III, 798. Garsonnet, I, § 133, note 10. Rousseau et Laisney, Act. poss., 56. Civ. rej., 22 août 1837, S., 37, 1, 852. Civ. cass., 26 novembre 1849, S., 50, 1, 46. Arr. Cons., 1er juin 1861, Lebon, p. 479. Mais il en est autrement des digues na- turelles d'une rivière môme navigable, et des francs bords d'un canal d'irrigation ou d'usine, môme appartenant à l'État. Req., 30 mars 1840, S., 40, 1, 417. Giv. rej., 1er août 1855, S., 56, 1, 441. Un droit de prise d'eau sur une rivière navigable peut servir de base à une action posses- soire, lorsqu'il est exercé en vertu d'un titre antérieur soit à l'édit de 1566 qui a posé le principe de l'inaliénabilité du domaine public, soit à l'époque la rivière a été rendue navigable et est devenue ainsi une dé-

184 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

les cimetières 6, et les églises7, les chemins de fer et tou- tes leurs dépendances 7 bis. Si Faction possessoire ne peut être exercée au sujet d'un immeuble dépendant du domaine public par un simple particulier qui se prétendrait troublé dans la possession de cet immeuble par l'Etat ou par la commune, l'action est au contraire ouverte en faveur de l'Etat ou de la commune comme moyen de réparer les usurpations commises par des tiers sur le domaine public7^.

pendance du domaine public. Civ. rej., 17 août 1857, S., 57, 1, 833. Il en serait de môme au cas le droit de se servir de l'eau du canal a été at- tribué à l'acheteur par une vente nationale. Req., 22 mai 1876, S., 76, 1, 455. En ce qui concerne les canaux concédés à titre perpétuel, par exem- ple les canaux du Midi et de Briare, la Cour de cassation décide qu'ils ne font point partie du domaine public, et que l'État n'y exerce que des droits de police et de surveillance dans l'intérêt de la navigation. Dès lors des particuliers ont pu se faire concéder sur les terrains dépendant du canal toutes les servitudes compatibles avec la destination publique de cette voie de communication, et les défendre au moyen de l'action possessoire. Req., 22 avril 1844, S., 44, 1, 406. Req., 7 novembre 1867, S., 68, 1, 171. Con- tra, Arr. Cons., 22 mars 1851, Lebon, p. 197, et la note. Cpr. Arr., Cons., 21 juillet 1870, Lebon, p. 938. Quant aux francs-bords, Garsonnet, I, § 133 note 11. Arr. Cons., (conflit) 1er juin 1861, Lebon, p. 49. Quant aux terrains d'alluvion compris dans l'arrêté de délimitation d'un cours d'eau, Civ. cass., 6 novembre 1872. S.,1, 165. Cpr. Arrêt conflits, Ici' mars 1873, Lebon, 80.

6 Carou, no 541. Garsonnet, I, § 133, note 7. Curasson, II, 652. Civ. cass., 10 janvier 1844, S., 44, 1, 120. Contra, Ducrocq, II, no 1418. Cpr. Civ. rej., 24 août 1864, S., 64, 1, 493.

7 Zachariœ, § 187 b, texte et note 2. Bourbeau VII, 363. Civ. rej., 1er dé- cembre 1823, S. Chr. Req., 19 avril 1825, S. Chr. Secus, s'il s'agissait d'une église qui avait cessé d'être consacrée au culte, ou d'une chapelle privée. Req., 4 juin 1835, S., 35, 1, 413. Req., 17 mars 1869, S., 69, 1, 257. Cpr. Trib. de Fontainebleau, 8 mars 1872, S., 74, 1, 431. L'action possessoire n'est point recevable en ce qui concerne les bancs placés dans une église. Req., 20 janvier 1879, S., 80, 1, 465.

7 bis. Req., 20 janvier 1868, S., 68, 1, 225. Civ. Rej. (deux arrêts), 29 août 1871. D., 73, 1, 141. S., 71, 1, 132. Mais il en serait autrement de terrains acquis en dehors du cahier des charges par une compagnie pour son exploitation commerciale. Req., 4 juillet 1866, S., 67, 1, 82.

7 1er. Ecarter l'action possessoire de l'État ou de la commune par ap- plication du principe posé dans l'art. 2226 du Code civil, serait tourner contre l'intérêt public une règle qui a pour objet de le protéger. Proudhon, Dom. pub. I, 237 ; II, 626, 627. Bélimc, no 230. Bourbeau, Vil, 365. Gar-

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOIRES. § 185. 185

Toutefois, dans l'application du principe qui vient d'être posé, il ne faut pas perdre de vue, que si Faction possessoire est intentée par un particulier contre un autre particulier, entre lesquels ne se débattent que des intérêts privés, le dé- fendeur est sans qualité pour se prévaloir du caractère do- manial qui, selon lui, appartiendrait à l'immeuble dont la possession est en litige 8.

D'un autre côté, il importe de remarquer, en ce qui con- cerne les chemins vicinaux, que le possesseur d'un terrain compris, par décision de la commission départementale ou du conseil général, portant reconnaissance et fixation de la largeur d'un chemin vicinal, dans le sol attribué à ce che- min, est recevable à former, contre la commune qui lui contesterait le droit à une indemnité de dépossession, une action possessoire, sinon pour se faire maintenir ou réinté- grer dans sa possession, du moins à l'effet de la faire recon- naître,et d'arriver ainsi à établir son droit à une indemnité9. Loi du 10 août 1871, art. 86 et 44.

Les immeubles faisant partie du domaine privé de l'Etat, des départements, ou des communes, étant susceptibles d'être acquis par voie d'usucapion, peuvent aussi former l'objet d'une action possessoire 10.

sonnet, I,§ 133, note 1. Bourcart,n° 128. Req., 18 août 1842, S., 42,1, 965. Civ. cass., 31 décembre 1855, S., 56, 1, 209. Req., 9 janvier 1872, S., 72, 1, 225, et le rapport de M. Rau, D., 72, 1, 41, et la note. Cpr. Civ. cass., 20 avril 1863, S., 63, 1, 348. Cpr. § 185, infrà, note 41.

8 Curasson, II, 614. Garsonnet. ibid. Civ. rej., 12 décembre 1835, S., 37, 1, 336. Arr. Gons., 26 juin 1852, Lebon,263. Civ. cass., 23 août 1859, S., 59, 1, 910. Req., 24 juillet 1865, S., 65, 1, 346. Civ. cass., 23 décembre 1865, S., 66, 1, 365. Civ. cass., 19 février 1889, S., 89, 1, 203, et note 44, infrà.

9 Garnier, I, p. 342. Carou, no 448. Civ. cass., 26 mars 1833, S., 33, 1, 394. Civ. cass., 21 février 1842, S., 42, 1, 276. Civ. rej., 13 janvier 1847, S., 47, 1, 248. Civ. rej., 29 novembre 1848, S., 49, 1, 265. Civ. cass., 26 juin 1849, S., 49, 1, 648. Civ. cass., 28 décembre 1852, S., 53, 1, 429. Chamb. réun. cass., 10 juillet 1854, S., 54, 1, 628. Civ. rej., 20 avril 1868, S., 68, 1, 301. Req., 29 décembre 1879, S., 80, 1, 461. Cpr. Civ. cass., 1er décembre 1874, S., 75, 1, 167.

10 Zachariae, § 187 b, texte et note 3. Garsonnet, I, § 133, note 13. Arr. Cons., 9 septembre 1806, S., 14, 2, 409, Civ. cass., 28 août 1810,

186 INTRODUCTION A SECONDE PARTIE.

Il en est ainsi notamment des lais et relais de la mer11, et même des terrains qui, faisant partie de ses rivages, ont été concédés pour être convertis en relais 12.

Il en est également ainsi des simples chemins ruraux, alors môme que la commune s'en prétendrait propriétaire, et qu'ils auraient été compris dans un arrêté administratif de classement 13. La loi du 20 août 1881, supprime toute controverse en décidant que, pour les chemins ruraux recon- nus, l'action possessoire ne sera recevable que jusqu'à l'ex- piration de l'année suivant l'arrêté de reconnaissance13^ lequel implique virtuellement de la part de la commune la prétention de comprendre le sol du chemin dans le domaine

S., 14, 1, 60. Req., 7 août et 18 novembre 1834, S., 33,1,767 à 769. Civ. rej., 22 juin 1836, S., 36, 1, 700. Civ. rej., 1er août 1855, S., 56, 1, 441. En ce qui concerne les îles qui ont émergé d'un cours d'eau navigable, V.Grenoble, 25 juillet 1866, S., 67,2, 225. Lyon, 19 juillet 1877, S., 77, 2, 225. Quant aux alluvions, Daviel, Cours d'eau, I, no 280. Orléans, 28 février 1850, S., 50, 2, 273. ni/m, § 203 texte et note 14.

11 Garnier, Régime des eaux, I, 39. Proudhon, du Domaine public., III, 712. Beaussant, Code maritime,!, 553. Curasson, II, 616. Bourbeau, VII, 366. Civ. cass., 3 novembre 1824, S., 25, 1, 62. Req., 18 mai 1830, S., 30, 1, 218. Poitiers, 4 février 1842, S., 42, 2, 221. Req., 15 novem- bre 1842, S., 43, 1, 72. Civ. rej., 2 janvier 1844, S., 44, 1,331. Req., 17 novembre 1852, S., 52, 1, 789. Cpr. Req. 18 avril 1855, S., 55, 1, 735.

12 Req., 17 novembre 1852, S., 52, 1, 789. Civ. cass., 21 juin 1859, S., 59, 1, 744.

13 Dufour, Droit admin., III, no 402, p. 399. Curasson, II, no 640, p. 253. Crim. rej., 5 janvier 1835, S., 55, 1, 145. Civ. cas., 23 août 1858, S., 59, 1, 57. Crim. cass., 14 novembre 1861, S., 63, 1, 553. Req., 10 février 1864, S., 64, 1, 257. Civ. cass., 13 décembre 1864, S., 65, 1, 19. Req., 24 janvier 1865, S., 65, 1, 125. Req., 20 juin 1870, S., 72, 1, 132. Civ. cass., 26 juillet 1881, S., 82, 1, 153. Cpr. Trib. des conflits, 17 mars 1831. Lebon, p. 216. Au cas de trouble dans la possession d'un chemin prétendu rural, l'action possessoire peut être intentée soit par la commune, soit par de simples particuliers exerçant en qualité de contribuables, les droits de la commune. Féraud-Giraud, Voies rurales, I, no 100. Req., 14 décembre 1874, S., 73, 1, 64. Req., 2 février 1875, S., 75, 1, 79. Req., 20 décembre 1876, S., 77, 1, 74. Req.. H mai 1877, S., 78, 1, 451. Voy. dans le même sens, les arrêts cités à la note 15 du | 169.

13 blé. Cpr. Civ. Cass. 4 juin 1890. Journal La Loi, 4 juin 1890.

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOIRES.§ 185. 187

public municipal et vaut prise de possession par la com- mune. Art. 5. Cette loi admet donc nécessairement et à for- tiori d'une manière absolue Faction possessoire relative- ment aux chemins ruraux non reconnus 13 ter.

Les choses que la loi considère comme immeubles par nature, à raison de leur cohésion avec le sol, étant suscepti- bles d'une possession séparée de celle du sol, peuvent aussi par elles-mêmes, et comme distinctes du fonds, former l'objet d'une action possessoire. Ce principe s'applique non seulement aux édifices construits sur le sol d'autrui, mais encore aux arbres plantés sur le terrain d'un tiers 14, ou même sur un chemin vicinal dont le caractère n'est pas méconnu 15.

Des servitudes personnelles.

Les servitudes personnelles, c'est-à-dire l'usufruit, l'usage et l'habitation, sont toutes susceptibles de former l'objet d'une action possessoire 16, en tant qu'elles portent sur des immeubles corporels placés dans le commerce.

Les faits constitutifs de l'exercice des servitudes per- sonnelles résistant de leur nature à la présomption d'une jouissance purement précaire, ces servitudes peuvent don-

13 ter. Loi du 20 août 1881, art. 5,6, 7. Féraud-Giraud, Voies ru- rales, I, no 100.

14 Pardessus, Des servitudes, I, 49. Gurasson, II, p. 308. Garnier, Des actions possessoir es, p. 221. Caen, 14 juillet 1825, S. Ghr. Giv. cass., 14 novembre 1849, S., 49, 1, 747. Trib. de Boulogne-sur-Mer, 23 mai 1856, S., 56, 2, 513.

13 Gpr. Loi du 9 ventôse an XIII. Bourbeau, VII, 361. Curasson, II, p. 308. Demolombe, IX, no 614. Garsonnet, I, § 133, G, note 31. Giv. cass., 18 mai 1858, S., 58, 1, 661. Giv. rej., 7 novembre 1860, S., 61, 1, 879. Req., 23 décembre 1861, S., 62, 1, 181. Giv. cass., 1er dé- cembre 1874, S., 75, 1, 167. Req., 21 novembre 1877, S., 78, 1, 160. Giv. cass., 8 novembre 1880, S., 81, 1, 52.

16 Poncet, Des actions, no 20. Toullier, III, 418 et 419. Duranton, IV, 313. Proudhon, De l'usufruit, III, 1234 et suiv. Carou, 332. Boitard et Colmet d'Aage I, no 627. Bélime, nos 302 et 305. Crémieu, nos 337 à 340. Giv. cass., 14 décembre 1840, S., 41, 1, 237.

188 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

ner lieu à l'action possessoire, sans que le demandeur soit tenu de produire un titre qui établisse son droit 17.

Les différents droits d'usage dans les forets, quoique présentant un caractère prédominant de réalité, doivent, en ce qui concerne la possession et la prescription acqui- sitive, être assimilés aux servitudes personnelles 18.Tels sont les droits d'usage ayant pour objet le bois de chauffage 19 ou de maronage, la glandée, et le pacage 20. Ces droits sont

17 Zacharia?, § 487 b, note 5 in fine, cbn. § 223, texte et note 3, Cpr. § 227, texte et note Ire.

18 Et non point aux servitudes réelles discontinues, qui, d'après l'art. 691, ne peuvent s'établir que par titres. En effet, les droits dont il est question au texte, conférantla faculté de recueillir une partie plus ou moins notable des fruits de la forêt sur laquelle ils sont établis, constituent de véritables droits de jouissance, dont l'exercice ne saurait être réputé pré- caire, par cela même qu'ils enlèvent au propriétaire une partie de son re- venu. Ces droits, par conséquent, ne peuvent être assimilés à des servi- tudes réelles discontinues, qui n'affectent pas, ou qui n'affectent que d'une manière peu sensible, la jouissance du propriétaire, et dont l'exercice, par ce motif, peut et doit être considéré comme le résultat d'une simple tolérance de sa part. Tel est aussi le point de vue sous lequel les rédacteurs du Code civil ont envisagé les droits d'usage dans les forêts, puisque l'art. 636 de ce Code, portant qu'ils sont réglées par les lois particulières, fait partie du chapitre qui traite des droits d'usage et d'habitation. C'est enfin ce qui résulte nettement de l'art, 1er de la loi du 28 ventôse an XI, et de l'art. 1er de la loi du 14 ventôse an XII, qui tous deux admettent la possession comme pouvant, à l'instar d'un titre, fonder des droits d'usage dans les fo- rêts. Voy. dans le sens de la proposition énoncée au texte, et sauf des di- vergences secondaires, qui seront indiquées dans les notes suivantes: Prou- dhon,Dtf l'usufruit, VIII, nos 3537 à 3652; Carré, Lois de t'organisai ion et de la compétence, II, p. 316. Troplong, De la prescription, I, 400 à 407. Bôlime, 306. Garsonnet, I, § 132, B, note 17. Req., 8 novembre 1848, S., 49, 1, 111. Cpr. Req., 12 décembre 1860, S., 61, 1, 955. Civ. rej., 24 février 1874, S., 74, 1, 417, les concl. de M. le 1er Avocat général Blanche, D., 74, 1, 233, et la note deMeaume sous l'arrêt. Civ. cass., lfir décembre 1880, S., 81, 1, 303. Rousseau et Laisncy, Act. poss., nos 84 et 136. Voy. en sens contraire: Merlin, Quest., Usage (Droit d'), § 7. Henrion de Pansey, Compétence des juges de paix, chap. 43, § 8. Curasson sur Proudhon, Des droits d'usage, I, 319 à 328. Crémieu, no 360. Req., 2 avril 1855, S., 56, 1, 68.Req.,'l4 juin 1869,'S., 70, 1, 29. Req., 23 juin 1880, S. 81, 1, 468.

19 Req., Il juin 1839, S., 39, 1, 653.

20 Troplong, op. cit., I, 407. Civ. rej., 19 août 1829, S., 29, 1, 382.

DE LA. POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOIRES. § 185 189

susceptibles de former l'objet d'une action possessoire, alors même qu'ils ne sont pas fondés en titre 21, pourvu qu'ils aient été exercés conformément aux règles établies par les lois forestières ".

Du reste, il résulte des dispositions combinées des art. 61 et 62 du Code forestier, qu'une action possessoire ne pourrait plus aujourd'hui être formée à l'occasion de droits d'usage dans les bois de l'Etat, qu'autant que l'usager aurait fait reconnaître son droit conformément au premier de ces articles 23.

Le droit de pèche dans une rivière non navigable ou flot- table ne peut donner ouverture à l'action possessoire 23 bis,

Dijon, 20 février 1857, S., 57, 2, 614. Voy. en sens contraire : Proudhon, op. cit., VIII, 3643. Cet auteur, en se fondant sur la disposition de l'art. 688, qui range le droit de pacage parmi les servitudes discontinues, non susceptibles d'être acquises par prescription, a oublié que le pacage dans les forêts, constituant un droit d'usage réglé, aux termes de l'art. 636, par des lois particulières, se trouve par cela même soustrait à l'empire des règles établies par le Code civil, pour les servitudes discontinues. Le même auteur (op. cit., VIII, 3642) a également fait erreur, mais dans un sens opposé en comprenant le droit d'extraire du sable, de l'argile, ou de la pierre, du sol d'une forêt, parmi les droits d'usage dans les bois, sus- ceptibles de possession et de prescription acquisitive. Il est, en effet, bien évident qu'un pareil droit, qui ne porte pas sur les produits de la forêt comme telle, et qui n'en affecte que le sol, ne saurait être rangé parmi les droits d'usage dans les bois dont parle l'art. 636, et qu'il reste par conséquent sous l'application des règles relatives aux servitudes discon- tinues. Troplong, op. cit., I, 407. Nous croyons qu'au contraire le gla- nage dans les champs de même que le droit de vainc pâture ne peuvent donner lieu à l'action possessoire : ce ne sont pas des servitudes légales. Civ. cass.,22 novembre 1830, S., 31, 1, 337. Req., 6 janvier 1852, S., 52, l,317.V.cep.Wodon,II, 550.Trib.St-Quentin, 31 mai 1882, S. ,86,1, 213.

21 Req., 8 novembre 1848, S., 49, 1, 111.

22 Cpr. Code forestier, art. 61 à 85, 119 et 120. L'exercice de droits d'usage, même fondés en titre, constituant un délit, lorsqu'il n'a pas eu lieu conformément aux règles établies par les lois forestières, il en résulte que les actes de jouissance exercés en dehors de ces règles, ne sauraient servir de base à une possession utile. Troplong, op. cit., I, 404 à 406. Bé- lime, no 306.

23 Cpr. Dijon, 20 février 1857, S., 57, 2, 614. Req., 25 janvier 1858, S., 58, 1, 351.

28 bis. Duranton, IV, 292 ; V, 449. Demolombe, IX 526 ; XII, 686. III, §

190 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

Quant à la question de savoir si la jouissance à titre cTem- phytéose constitue une quasi-possession pouvant donner lieu à Faction posscssoirc, sa solution dépend de celle de savoir si l'cmphytéosc confère ou non à l'emphytéote un droit réel immobilier 2V.

Des servitudes réelles.

a. Des servitudes le'grales. Les servitudes établies par la loi peuvent toutes donner lieu à une action possessoire, à supposer, bien entendu, que le demandeur ait encore actuel- lement, ou qu'il ait eu la quasi-possession de la servitude à l'occasion de laquelle il exerce une pareille action. Il en est ainsi notamment des servitudes établies par les art. 640 23 et 643 26. La même proposition s'applique au passage néces-

247, texte et note 5 et Garsonnet, I, § 132 B, note 19. Contra. Laurent, VI, 86 ; VII, 146. Civ. cass., 3 août 1864, S., 64, 1, 395. Req.,9 juin 1873, S., 73, 1, 431. Voir infra, III, § 247.

-'* D'après la jurisprudence constante de la Cour de eassation,jurispru- dence approuvée par plusieurs auteurs, l'cmphytéose constituerait un droit réel immobilier ; et dans ce système, la jouissance de l'emphytéote serait, comme celle de l'usufruitier, susceptible de former l'objet d'une ac- tion possessoire. Nous développerons au § 224 bis les raisons qui nous portent à rejeter cette doctrine. Voy. Garsonnet, I, § 132 A, note 8.

23 Merlin, Rép., vQ Servitudes, § 35, no 2 6z's.Duranton, V, 169. Daviel, Des cours d'eau, III, 973 à 977. Demolombe, XI, 45. Zacliarise, § 187 b, texte et note 7. Bioclie Act. poss., no 370. Bourbcau, VIL 379 et suiy. Rousseau et Laisney, Act. poss., nos 81 et Suiv. Garsonnet, I, § 132, notes 12 et 13. Civ. cass., 13 juin 1814, S., 15, 1.239. Req., 3 avril 1852, S., 52, 1, 654. (av. rej.. 11 décembre 1860, S., 61, 1, 633.

20 Rcq., 15 janvier 1849, S., 49, 1, 329. Req. 19 décembre 1854, D., 55, 1, 73. Req. 3 décembre 1878, S., 79, 1, 296. Cpr. Civ. rej., 26juillet 1836, S., 36, 1, 819. Rcq., 19 décembre 1854, D., 55, 1, 73. Lorsque le droit à l'usage des eaux d'une source privée a été reconnu au profit d'une commune à qui elles sont nécessaires, chaque habitant peut individuelle- ment, au moyen de l'action possessoire, se faire maintenir dans son droit de puisage. Mais, au cas de contestation sur le droit même à l'usage de ces eaux, l'action tendant à les obtenir ne peut être formée que par la commune, la section de commune ou le hameau à qui la servitude est due. Solon, Servit., no 44. Proudhon, Dom. pub., nff 644. Garnier, Act

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOIRES. § 185. 191

saire en cas d'enclave, en ce sens que le propriétaire d'un fonds enclavé qui, pendant une année au moins, a exercé le passage par un endroit déterminé, est autorisé à former une action en complainte pour tout trouble apporté à cet exercice, bien qu'il n'ait pas fait régler, conformément aux art. 682 et suivants, l'assiette du passage et l'indemnité qui peut être due au propriétaire du fonds servant 27.

poss., 48. Carré, Justice de paix, II, 5490. Garsonnet, I, § 132, note 14.Req. 3 décembre 4878, S., 79, 1, 296.

27 Cette proposition avait d'abord été contestée, par le double motif qu'une servitude de passage n'est qu'une servitude discontinue, soumise à l'application de l'art. 691, et que, la loi accordant seulement au proprié- taire d'un fonds enclavé le droit de réclamer un passage, il fallait qu'il se pourvût avant tout au pétitoire pour en faire régler l'exercice. Voy. en ce sens : Toullier, III, 552, à la note. Rcq., 8 juillet 1812, S., 12, î, 298. Mais ces deux raisons sont sans valeur. L'art. 691, en effet, ne's'applique qu'aux servitudes conventionnelles, et non aux servitudes légales. Et si, d'un autre côté, le propriétaire d'un fonds enclavé doit, pour éviter tout obstacle au passage de la part du propriétaire du fonds sur lequel il en- tend l'exercer, faire régler par convention ou par jugement l'assiette de ce passage, et l'indemnité qu'il peut devoir à son occasion, ce n'est pas un motif pour le priver des avantages attachés à sa quasi-possession, ex- clusive de toute idée de précarité. Aussi la jurisprudence et la doctrine se sont-elles depuis prononcées dans le sens de la proposition émise au texte. Poncet, Des actions, 98. Carré, De la compétence, II, 406. Gar- nier, p. 317. Bélime, no 262. Carou, 184. Pardessus, Des servitudes, II, 325. Demolombc, XII, 624. Déniante, Cours, II, 538 bis. Zacha- rui\ § 246, texte et note 8. Curasson, II, 699, p. 402. Rousseau et Laisney, no 104. Garsonnet, I, § 132, note 15. Bourbcau, VII, 378. Req., 7 mai 1829, S., 29, 1, 332. Req., 10 mars 1830, S., 30, 1, 271. Civ. cass., 19 novembre 1832, S., 33, 1, 253. Req., 7 juin 1836, S., 36, 1. 936. Req., 12 décembre 1843, S., 44, 1, 352. Req., 8 mars 1852, S., 52, 1, 314. Req., 5 janvier 1857, S., 58, 1, 740. Req., 1er août 1871, S., 71, 1, 130. Req., 19 février 1872, S., 72, 1, 290. Civ. Cass., 26 août 1879. S., 81, 1, 472. Req., 3 janvier 1881, S., 81, 1, 342. Req., 19 mars 1884, S., 86, 1, 463. Le nouvel article 685 (Loi du 20 août 1881) a tran- ché la controverse dans le sens du texte. En effet, puisque la loi admet que l'assiette du passage est définitivement acquise par la pres- cription, il faut, comme conséquence, décider que l'action possessoire peut appartenir au propriétaire enclavé qui a eu la quasi-possession de la servitude de passage. Duvergier, Lois, 1881, p. 369, note 3. Mais il reste à se demander comment cette quasi-possession doit être caractérisée. D'après Wodon, P(?ss. II, n°s 563,564, pour avoir l'action possessoire il suf-

192 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

h. Des servitudes conventionnelles . Les servitudes tout à la fois continues et apparentes peuvent former l'objet d'une action possessoirc ; et ce, sans que le demandeur soit tenu de produire un titre à l'appui de sa quasi-possession 28.

Au contraire, l'exercice de servitudes discontinues, appa- rentes ou non apparentes, ne peut, en principe, fonder une action possessoirc '2\ lien est cependant autrement lorsque le demandeur produit, à l'appui de sa quasi-possession, et pour la colorer, un titre constitutif de servitude émané

fit de la possession annale du fonds enclavé, sans qu'il soit nécessaire que la servitude ait été exercée. Appleton, De la Possession, §427 et 433, consi- dèrecomme suffisants un ou plusieurs faits de passage, sans condition d'an- nalité. L'opinion indiquée au texte nous semble plus juridique et plus con- forme aux principes généraux de la matière; nous estimons d'accord avec la jurisprudence antérieure qu'au cas d'enclave, la complainte ne peut être exercée que si la quasi-possession de la servitude de passage s'est conti- nuée paisiblement, publiquement et à titre de propriétaire pendant une an- née. Cîv. Rej., 27 [avril 1889, D., 90, 1, 79. Cpr. Féraud Giraud, Voies rurales, II, 763. Req., 3 janvier 1881, D., 81, 1,204. L'arrêt des Requêtes du 26 juin 1883 (S., 83, 1, 455) ne se préoccupe pas du nouvel article 685, qui n'était pas exécutoire quand se sont produits les faits du procès.

28 Merlin, Rép., Servitude, § 35, no 2 ; et Quest., eod. v°, § 5. Hen- rion de Panscy, Compétence des juges de paix, chap. 43 § 6. Toullier, III, 713. Duranton, V, 632 et 633. Pardessus, Des servitudes, II, 325 et 330. Bélime, 255. Demolombe, XII, 941. Gurasson, II, no 696. Garsonnet, 1, § 132, B, note 20. Civ. cass., 19 juin 1810, S., il, 1, 164. Req., 13 juin 1842, S., 43, 1, 60. Civ. cass., 18 juin 1851, S., 51, 1, 513. Req., 18 avril 1853, S., 56, 1, 214. Civ. cass., 5 décembre 1855, S., 56, 1, 216. Civ. cass., 24 juin 1860, S., 60, 1, 317. Req., 17 décembre 1861, S., 63, 1, 83. Civ. rej., 19 juillet 1864, S., 64, 1, 361. Req., 6 novembre 1871, S., 71,1, 227. Civ. cass., 1er juillet 1872, S., 72, 1,235. Civ. cass., 6 août 1872, S., 73, 1, 127. Req., 10 février 1885. S., 87, I, 263.

29 Henrion de Panscy, op. et loc. cill. Merlin, op. et toc. citt. Toullier, III, 715. Duranton, V, 635. Pardessus, op. et loc. citt. Bélime, 256 et 256 bis. Crémicu, n°s 350 et 351. Demolombe, XII, 9i3et944. Bourbeau, VIL 372. Garsonnet, I, 132, B, note 21. Curasson, II, nos 697 et suiv. Req., 26 décembre 1865, S., 66, 1, 65. Civ. cass., 6 décembre 1871, S., 72, 1,27. Civ. cass. ,26 juin 1888. 1). 88, 1, 308. Contran Wodon.ll, nos 478 et suiv. La servitude d'évier (Req., 19 juin 1865. S., 65, 1, 337, Req., 17 fé- vrier 1875, D., 76, 1, 504) et la servitude de lavoir (Req., 14 février 1872 et le rapport de M. Rau.S., 72, 1, 381. Civ. cass.. 1er juillet 1890, inédit) sont discontinues. Voy. aussi les arrêts cités aux notes 34 à 36 infrà.

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOIRES. § 185. 193

du propriétaire de l'héritage servant ou de ses auteurs 30. Mais un titre émané a non domino n'est pas suffisant pour autoriser l'action possessoire 31 ; et il en serait ainsi, alors

30 En produisant un titre émané du propriétaire de l'héritage servant ou de ses auteurs, le demandeur fait disparaître, tant en ce qui le concer- ne lui-même qu'en ce qui concerne le détendeur, la présomption de pré- carité ou de tolérance inhérente à la servitude, dans la jouissance de la- quelle il entend se faire maintenir. Mais,à défaut de la production d'un pa- reil titre,l'exercice de la servitude est présumé entaché de précarité; il est par suite, inopérant pour fonder une action en complainte ou en dénoncia- tion de nouvel œuvre. Merlin, Rép., Servitude, § 35, no 2 bis ; et Quest., eod. v<>, | 6. Poncet, op. cit., 96. Toullier, III, 716. Carré, op. cit., II, 308. Pardessus, op. et loc. eût. Duranton, V, 638. Bélime, nos 255, 256 et 260. Grémieu, nos 353 à 356. Garou, nos 310 et 685. Demolombe, XII, 945 à 947. Zachariae, § 187 b, texte et note 8. Bourbeau, VII, 372. Gurasson, II, 698 p. 395. Garsonnet, I, § 132, B, notes 21 à 24. Wodon, II, no 493. Appleton, § 402. Rousseau et Laisncy, nos \\i ct suiv. Contra, Laurent, VII, 169 ; VIII, n°s 129 ct 286. Bourcart,n° 146, injine. Civ. rej., 24 juillet 1810, S., 10, 1, 334. Civ. cass., 6 juillet 1812, S., 13, 1, 81. Civ. cass., 17 mai 1820, S., 20, 1, 273 et 324. Civ. cass., 24 juillet 1839, S., 39, 1, 860. Civ. rej., 9 mars 1861, D., 61, 1, 162, Rcq., 27 mars 1866, S., 66, 1, 215. Req., 4 juillet 1866, S., 67, 1, 82. Civ. cass., 6 décembre 1871, S., 72, 1, 27. Req., 23 avril 1872, S., 72, 1, 234. Giv. cass., 5 juin 1872, S., 72,1, 371. Req., 23 mars 1874, S., 74, 1, 218. Giv. rej., 15 juillet 1878, S., 79, 1, 272. Req., 21 août 1883 et 27 janvier 1885, S., 85, 1, 306 et 307. Giv. cass., 9 août 1886, S., 88, 1, 252. Rcq., 13 juin 1888, S. ,88, 1,408. Req., 16 juillet 1888, S., 89, 1, 108. Toute- fois, pour déclarer opposable au défendeur en complainte un acte consti- tutif ou récognitif émané de l'un des copropriétaires du fonds servant, le juge du possessoire est tenu d'examiner si, par l'effet du partage, ce constituant est devenu attributaire du fonds, ou s'il l'a acquis en entier h un autre titre, en un mot, s'il est en réalité l'auteur du demandeur en complainte. Giv. cass., 13 mars 1889, S., 89, 1, 25. Mais il n'est pas indispensable que l'acte invoqué par le demandeur et opposable au défendeur constitue en lui-même une preuve complète du droit : il suffit que, suivant l'appréciation souveraine du juge, cet acte, par ses énonciations, fasse présumer que la possesssion litigieuse n'est pas entachée de précarité, ct qu'elle s'exerce en vertu d'un droit. (Req., 13 juin 1888, S., 88, 1, 408) ct qu'il ait la valeur d'un commencement de preuve par écrit. Req. ,16 décembre 1863, S., 64, 1, 125. Civ. cass., 28 janvier 1874, S., 76, 1, 252. Mais en ce qui concerne les servitudes dis- continues et non apparentes auxquelles n'est pas applicable l'art. 694. C. civ., voy. Req., 8 mars 1886, S., 86, 1, 208.

31 Si un titre émané a non domino peut, jusqu'à un certain point, faire 11 13

194 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

môme que ce titre aurait été accompagné d'une contradic- tion opposée au propriétaire du fonds prétendu assujetti s2.

En admettant que l'art. 694 ait consacré un mode spécial d'établissement des servitudes, distinct de la destination du père de famille, le titre implicite ou virtuel résultant de l'absence de toute énonciation contraire dans l'acte d'aliéna- tion de l'un des immeubles appartenant au môme proprié- taire, suffirait également pour autoriser l'action possessoire à l'occasion d'une servitude discontinue et apparente ainsi établie 38.

Les règles qui viennent d'être posées quant aux servitu-

disparaître la présomption de précarité dans la personne de celui qui exerce une servitude discontinue, il est cependant insuffisant pour écarter toute idée de tolérance de la part du propriétaire du fonds prétendu as- sujetti. C'est évidemment par ce motif que les servitudes discontinues ne sont pas susceptibles de s'acquérir par usucapion. Art. 691. Demolom- be, XII, 951. Garsonnet, I, § 132, B, note 22. Laurent, VIII, 196. Civ. cass., 13 mars 1889, S., 89, 1, 257. Voy. en sens contraire : Bélime, nos 238 à 260. Demante, Cours, 546 bis, III, etIV.Cpr. aussi : Crémieu, nos 353 à 358. Bourbeau, VII, 373 et 418. Curasson, II, p. 396 et 398 a. Civ. rej., 16 juillet 1849, S., 49, 1, 545. Civ. rej., 15 juillet 1878, S., 79, 1, 272. Nous comprenons, du reste, que les auteurs qui se prononcent en faveur de la prescriptibilité des servitudes discontinues, lorsqu'elles sont exercées en vertu d'un titre émané a non domino, admettent également pour ce cas l'action possessoire.

32 Le silence que ce propriétaire aurait gardé, n'a aucune signification, puisque, garanti comme il l'était par le principe de l'imprescriptibilité des servitudes discontinues, la contradiction à lui opposée ne le mettait pas dans la nécessité d'y répondre par une action négatoire. Il n'est donc pas possible de voir dans ce silence une reconnaissance du droit de servitude allégué par l'auteur de la contradiction. L'hypothèse dont il est ici ques- tion, est toute différente de celle que prévoit l'art. 2238. La contradiction peut sans doute opérer une interversion de possession à l'effet de conduire a l'usucapion, quand il s'agit d'une chose prescriptible, mais elle ne sau- rait avoir pour résultat de rendre prescriptible ce qui ne l'est pas. Bélime, no 257. Pardessus, Des servitudes, II, 276 et 324. Demolombc, loc. cit. Garsonnet, I, 132, B, note 22 et 23. Voy. en sens contraire : Proudhon, De l'usufruit, VIII, 3583 et 3585. Troplong, De la prescription, I, 393.

33 Bélime, 264. Demolombe, XII, 947. Pardessus, op. cit., II, 239 et 300. Garsonnet, I, 132, B, note 24, in fine. Req., 2 mars 1820, S., 20, 1, 243. Req., 27 mars 1866, S., 66, 1, 215. Civ. cass., 5 juin 1872, S., 72, 1, 371. Civ. cass., 22 avril 1873, S., 73, 1, 276. Req., 28 décem- bre 1875, S., 76, 1, 111. Civ. cass., 17 juin 1885, S., 86, 1, 72.

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOIRES. § 185 195

des discontinues, s'appliquent notamment à celles de pas- sage34, de puisage 35, de pacage 36.

Il est toutefois à remarquer que leur application cesse lorsque le passage, le puisage, ou le pacage a été exercé, non à titre de servitude, mais à titre de propriété ou de copropriété. Dans cette dernière hypothèse, l'action pos- sessoire est toujours admissible, même sans production de titre, puisqu'elle a pour objet la possession du fonds lui- même, et non plus la quasi-possession d'une simple servi- tude 37. La solution de la question de savoir si les faits de possession invoqués par le demandeur, comme ayant été exercés à titre de propriété, ont réellement ce caractère, ou si, au contraire, ils ne sont qu'indicatifs d'un simple droit de servitude, est, par la force même des choses, aban- donnée à l'appréciation du juge du possessoire, qui doit la décider d'après la nature de ces faits, et l'ensemble des

34 Civ. cass., 13 août 1840, S., 10, 1, 333. Giv. rej., 20 mai 1828, S., 29, 1,126. Giv. rej., 25 juin 1860, S., 60, 1, 728. Civ. rej., 19 mars 1861, S., 61, 1, 447. Giv. cass., 2 juillet 1862, S., 62, 1, 1040. Giv. cass., 10 décembre 1862, S., 63, 1, 77. Req., 25 mars 1863, S., 63, 1,315. Req., 4 juillet 1866, S., 67, 1, 82. Req., 19 mars 1869, D., 70, 1, 116. Civ. cass., 18 juillet 1877, D., 78, 1, 365.

33 Giv. cass., 10 décembre 1862, S., 63, 1, 77. Req., 23 mars 1874, S., 74, 1, 218.

36 Req., 16 janvier 1843, S., 43, 1, 412. Req., 29 mai 1848, S., 49, 1, 451. Req., 20 mai 1851, S., 51, 1, 812. Req., 14 novembre 1853, S., 54, 1, 105. Req., 23 avril 1872, S., 72, 1, 234. Req., 14 mai 1877, D., 78, 1, 39.

37 Pardessus, Des servitudes. I, 7, p. 13 ; II, 325, p. 238. Curas- son, II, 661 à663.Garsonnet,I, §132, note 25. Req. 29 novembre 1814, S., 16, 1, 225. Req., 11 décembre 1827, S., 28, 1, 103. Req., 19 novembre 1828, S., 29, 1, 110. Civ. cass., 26 août 1829, S., 29., 1, 380. Civ. rej., 27 décembre 1830, S., 31, 1, 165. Req,, 14 janvier 1840, S., 41, 1, 85. Civ., cass., 29 mars 1841, S., 41, 1, 356. Giv. rej., 12 décembre 1853, S., 55, 1, 742. Poitiers, 15 mai 1856, S., 56, 2, 517. Req., 18 mars 1873, S., 73, 1, 303. Req., 26 janvier 1876, S., 76, 1, 147. Req., 14 mai 1877, S., 78, 1, 322. Civ. cass., 18 juillet 1877, S., 79, 1, 14. Civ. rej., 5 février 1878, S., 78, 1, 322. Voy. Req., 28 février 1870, S., 70, 1, 345. Cpr. quant aux aqueducs : Civ. rej., 9 décembre 1833, S., 34, 1, 282. Quant au puisage : Req., 16 janvier 1866, S., 66, 1, 101. Quant à la ser- vitude d'abreuvoir : Req., 26 janvier 1876, D., 77, 1, 259.

196 INTRODUCTION A LA. SECONDE PARTIE.

circonstances de la cause. C'est ainsi qu'il a été jugé que, lorsqu'un terrain ne comporte de sa nature que le pacage et l'enlèvement des litières, ces faits sont à considérer comme ayant été exercés, plutôt à titre de propriété ou de copro- priété, qu'à titre de simple servitude ,38. C'est ainsi encore que la pâture vive et grasse peut, à la différence de la vaine pâture, être réputée avoir été exercée à titre de propriété ou de copropriété, et non à titre de simple servitude 30.

Les servitudes négatives, qui de leur nature sont non apparentes, et dont l'exercice même ne se manifeste par aucun acte positif, sont, malgré cela, susceptibles déformer l'objet d'une action possessoire, lorsque le titre qui les éta- blit émane du propriétaire de l'héritage assujetti, et que ce titre a été, pendant une année au moins, suivi de l'absten- tion delà part de ce propriétaire, de tout acte contraire à la servitude 40.

Des droits d'usage ou de jouissance sur des immeubles faisant partie

du domaine public.

Les droits de cette nature peuvent, suivant qu'il s'agit d'immeubles dépendant du domaine public, national, dé- partemental, ou communal, former l'objet d'une action possessoire de la part de l'Etat, du département, ou de la commune, qui en a la possession. C'est ainsi que l'Etat est admis à former une action possessoire, lorsqu'il est troublé dans le droit de jouissance qui lui appartient sur les pro-

S8 Rcq., 8 janvier 4835, S., 35, 1, 538. Limoges, 26 mars 4838, S., 39, 2, 79. Cpr. Req., 21 février 1827, S., 27, 1, 141. Voy. cep. Req., 25 janvier 1842, S., 42, 1, 972; et § 217, texte et note 9.

39 Hcnrion de Panscy, Compétence des juges de paix, chap. 43, § 5. Curasson, I, no 332, II, 701 et 702. Civ., rej., 7 juin 1848, S., 48, 1, 569. Req., 6 janvier 1852, S., 52, 1, 317. Req., 14 mai 1877 S., 78, 1, 322. Civ. rej., 5 février 1878., S., 78, 1, 322. Vov. aussi : Req., 22 novem- bre 1841, S., 42, 1, 191.

Cpr. § 179, texte 2, lctt. a, et note 24. Demolombe, XII, 950. Bourbeau, VII. 374. Curasson, II, p. 396 note. Contra. Garsonnct, I, y 132, note 21. Bélime,no 265;

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOIRES. § 185. 197

duits des terrains dépendant des fortifications d'une place de guerre. C'est ainsi encore que les communes sont receva- bles à former une action possessoire pour les troubles ap- portés au libre exercice des usages publics auxquels sont affectés les places ou les rues communales et les chemins vicinaux 41 et les compagnies de chemins de fer, pour les dépendances de leur concession " &«.

Les droits d'usage sur des immeubles faisant partie du domaine public sont, même entre particuliers, susceptibles de donner lieu à une action possessoire, lorsqu'ils sont réclamés à titre de droits réels, et comme accessoires d'un fonds au service duquel ces immeubles sont affectés d'après leur destination. C'est ainsi que le propriétaire d'un héritage pourrait intenter une action possessoire contre celui qui le troublerait dans l'exercice du passage sur une voie publi- que donnant accès à cet héritage ".

Il y a mieux : le particulier qui, en vertu d'une conces- sion administrative, ou même à la faveur de la simple tolérance de l'administration, aurait exercé des actes d'usage ou de jouissance sur un objet dépendant du domaine public, serait autorisé à former une action possessoire contre les tiers qui le troubleraient dans cette possession 43. C'est ce

41 Bélimc, 230. Dumay, Des chemins vicinaux, II, 579. Proudhon, Du domaine public, II, 237, 626 et 627. Garsonnet, I, § 133, note 1. Bour- beau, VII, 36a. Req., 18 août 1842, S., 42, 1, 965. Civ. cass., 2 dé- cembre 1844, S., 45, 1, 24. Civ. cass., 31 décembre 1855, S., 56, 1, 209. Req., 9 janvier 1872, S., 72, 1, 225. Voy. suprà, note 7 bis.

" *is Req., 20 janvier 1868, S., 68, 1, 225.

42 Bélime, 233. Garnier, Des chemins, p. 291. Proudhon, Du do- maine public, II, 631. Req., 15 juin 1829, S., 29, 1, 359. Req., 12 février 1834, S., 34, 1, 190. Req., 23 mars 1836, S., 36, 1, 867. Civ. cass., y janvier 1869, S., 69, 1, 168. Civ. rej., 15 mai 1889. D., 89. 5, 72.

43 Bioche, Act. poss., nos 451 et suiv. Bourbeau, VII, 368. Req., 18 uillet 1866, S., 66, 1, 365. Req., 5 novembre 1867, S., 67, 1, 417. Req., 16 juillet 187â, D., 74, 1, 79. Req., 19 juin 1877, S., 77, 1, 313. Req., 6 mars 1878, S., 79, 1, 13. Cpr. Req., 24 juillet 1865, S., 65, 1, 346. Le parti- culier qui aurait obtenu de l'État, d'un département, ou d'une commu- ne, une concession consentie à perpétuité ou pour un temps déterminé, pourrait-il former une action possessoire contre l'État, le département,

198 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

qui aurait lieu, par exemple, au eas de la concession, ex- presse ou tacite, d'une prise d'eau dans une rivière navi- gable, ou dans les fossés dépendant d'une place de guerre u, Par application des mêmes idées, on doit admettre, à plus forte raison, que le droit de recueillir le varech ou goémon de rive, peut faire l'objet d'une action possessoire de la part d'une commune contre une autre commune 43.

Des droits d'usage sur des eaux qui ne forment pas des dépendances

du domaine public.

a. La jouissance des eaux d'une source peut former l'objet d'une action possessoire de la part du propriétaire d'un fonds inférieur contre le propriétaire même du fonds se trouve la source, pourvu que cette jouissance présente un caractère exclusif de toute idée de précarité ou de simple tolérance. Il en est ainsi, lorsque le propriétaire du fonds inférieur a manifesté, par des travaux apparents 46, l'inten- tion de s'approprier l'usage des eaux de la source 47, comme aussi lorsqu'il produit un titre de concession émané du pro-

ou la commune, qui, avant toute révocation de la concession, l'aurait troublé dans sa jouissance ? Voy. pour l'affirmative : Req., 31 mars 1831, S., 31, 1, 123, et en matière de réintégrande § 189, texte et note 9.

44 Bélime, n<> 143. Bourbeau, VII, 365. Garsonnet, I, § 133, p. 567, note 1. Civ. cass. 6 mars 1855, S., 55, 1, 507. Req., 9 novembre 1858, S., 59, 1, 116. Civ., cass., 23 août 1859, S., 59, 1, 910. Voy. aussi : Req., 5 novembre 1867, S., 67, 1, 417. Cpr. Req., 16 juillet 1872, D., 74, 1, 79. Req., 3 janvier 1877, D., 77, 1, 14. Civ. cass., 20 novembre 1877, S., 78, 1, 64. Req., 19 juin 1877, S., 77, 1, 313. Req., 6 mars 1878, S., 79, 1, 13. D.j 78, 1, 302. Civ. rej., 11 juillet 1883, S., 85, 1, 118.

** Civ. rej., 5 juin 1839, S., 39, 1, 621. Voy. aussi : Req., 22 novem- bre 1864, S., 65, 1, 21. Mais le juge civil ne statue que sous réserve des droits de l'administration.

46 Nous examinerons, au § 244, texte 2, la question de savoir si des travaux exécutés sur le fonds inférieur seraient suffisants à cet effet, ou si, au contraire, il faut que les travaux aient été faits sur le fonds se trouve la source. Cpr. Req., 19 juin 1889, Courtois c. Devic. Req., 12 mars 1890, S , 90, 1, 221.

47 Àrg. art. 641 et 642. Req., 2 août 1858, S., 59, 2, 733. Civ. rej., 4 avril 1866, S., 67, 1, 291. Req., 16 mars 1881, S., 82, 1, 302. Cpr. Civ. rej., 11 juillet 1883, S., 85, 1, 118.

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOIRES. § 185. 199

priétaire dans le fonds duquel elle prend naissance, ou de ses auteurs 48, et enfin, lorsqu'il peut invoquer la destina- tion du père de famille 49.

La jouissance des eaux d'une source est également sus- ceptible de former l'objet d'une action possessoire, de la part du propriétaire du fonds inférieur, sur lequel ces eaux s'écoulaient, contre le propriétaire d'un fonds latéral, qui en a détourné le cours ; et cela, alors même que le deman- deur n'aurait fait aucun travail pour en faciliter la chute dans son héritage 50.

b. L'usage des eaux d'un cours d'eau naturel 51, non com- pris dans le domaine public, constitue une quasi-posses- sion propre à donner ouverture à Faction possessoire en faveur de celui qui en a joui, contre tout propriétaire su- périeur ou inférieur, qui aurait commis sur ce cours d'eau une entreprise de nature à porter atteinte à sa jouissance, suivant son objet et son étendue S2.

48 Rousseau et Laisney, no 153. Curasson,II,no 672. Wodo-n, II, 586. Demolombe, XI, 83. Civ. cass., 17 juillet 1844, S., 45, 1, 74.

49 Demolombe, XI, 83. Req., 22 août 1859, S., 60, 1, 369. Civ. cass., 11 juillet 1883, S., 85, 1, 118.

30 Dans cette hypothèse, la jouissance du propriétaire du fonds infé- rieur, quoique précaire au regard de celui dans le fonds duquel la source prend naissance, ne l'est pas vis-à-vis du défendeur. Civ. rej.,11 août 1856, S., 57, 1, 126.

31 Nous ne nous occupons pas spécialement des cours d'eau artificiels, c'est-à-dire des canaux creusés de main d'homme, et destinés à l'irriga- tion ou au roulement d'usines, par la raison que les actions possessoires auxquelles ils peuvent donner lieu, rentrent, soit dans l'une ou l'autre des hypothèses déjà traitées sous les n°s 1 et 3, soit dans celle que nous allons actuellement expliquer.

52 Arg. G. c, art. 644 et 645. G. Pr. c, art. 3, no 2. Loi du 25 mai 1838,. art. 6, no 1. Loi du 27 avril 1845, art. le*, et du 41 juillet 1847, art. 1 et 2. Laurent, VII, 298. Civ. cass., 3 juillet 1867, S. ,67,1, 321. Giv. cass., 1er avril 1890, ville de Tonnerre. Les seules questions à examiner au possessoire sont les suivantes : Le riverain, demandeur en complainte, a-t-il de fait joui des eaux pour l'objet et dans la mesure qu'il indique ? La nouvelle entreprise faite sur le cours d'eau porte-t-elle atteinte, sous un rapport quelconque, à la jouissance des eaux telle qu'il l'a eue? Ces deux points établisse défendeur, ne pourrait, pour repousser \% complainte, se prévaloir de ce que le de-

200 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

A cet égard, il importe de remarquer que la jouissance des eaux peut autoriser une action possessoire, non-seu- lement de la part de l'usinier ou du propriétaire qui les a utilisées en totalité, soit pourle roulement de son usine" bis, soit pour tout autre usage d'utilité ou d'agrément, mais

mandeur aurait excédé les limites du droit que lui accorde l'art. 644 (voy. §486, texte 3, et note 23), ni môme en général de ce qu'il se serait renfermé lui-même dans l'exercice de son droit et n'aurait causé aucun préjudice (voy. § 187, texte 3 et notes 34 à 42). Duranton, V, 244. Demolombe, XI, 484 et suiv. Pardessus, Servitudes, II, 326. Proudhon, Dom. pub., III, 994. Daviel, Cours d'eau, III, 961. Curasson, II, p. 341, note a. Nadault de Buffon, Usines, II, p. 557, 558, Wodon, Poss., II, 604. Civ. cass., 1er mars 1815, S., 15, 1, 120. Civ. rej., 28 avril 1829, S., 29, 1, 183. Req., 26 janvier 1836, S., 36, 1, 90. Req., 6 décembre 1836, S., 37, 1, 66. Civ. cass., 18 avril 1838, S., 38, 1, 547. Civ. rej., 4 janvier 1841, S., 41, 1, 248. Civ. cass., 4 mars 1846, S., 46, 1, 401. Civ. cass., 24 avril 1850, S., 50, 1, 461. Req., 18juin 1850, S., 51, 1, 113. Civ. cass., 2 août 1853, S., 53, 1, 494. Civ. cass., 20 mars 1860, S., 61, 1, 54. Req., 17 décembre 1861, S., 63,1, 83. Civ. rej., 12 mai 1862, S., 63, 1,769. Civ. cass., 3 juilletl867, S., 67,1, 321. Civ. cass., 24 août 1870, S. ,71, 1, 8. Civ. cass., 7 novembre 1876, S., 78, 1, 105, D., 77, 1, 244. Civ. cass., 11 juillet 1877, S., 78, 1, 20.Req., 14 mars 1882, S., 83, 1, 351. Civ. cass., 26 mai 1884, S., 85,1, 149. Civ. cass., 5 août 1885, S., 85, 1, 342. Civ. cass., 15 décembre 1886, et 28 février 1887, S., 87, 1, 120. Civ. cass., 25 juillet 1888, S., 88, 1, 463 et Ch. réunies, cass., 25 février 1889, S., 89, 1, 328. Une doctrine contraire avait d'abord été émise par la Chambre des Requêtes, dans son arrêt du 10 février 1824 (S. Ch. à sa date). Après l'avoir abandonnée en 1836, dans les deux arrêts ci-dessus cités, elle l'a reproduite sous une autre forme en 1844. (Req., 11 juin 1844, S., 44, 1, 729). Mais la Chambre civile n'a jamais varié dans sa manière de voir. Voy. encore Req., 13 février 1854. D., 54, 1, 55. Req., 5 février 1855. D., 55, 1, 169. Civ. cass., 4 janvier 1875. D., 75, 1, 11.

55 bis. Lorsque les eaux motrices d'une usine sont détournées par l'ad- ministration pour être utilisées en vue d'un travail public, par exemple, l'alimentation d'un canal de navigation, l'usinier ainsi dépossédé ne peut ni exercer l'action possessoire, ni recourir aux dispositions de la loi du 3 mai 1841, sur l'expropriation pour cause d'utilité publique. Il n'y a qu'une contestation relative à des dommages causés par l'exécution de travaux publics (art. 48 de la loi du 16 septembre 1807) et dont la con- naissance appartient aux Conseils de Préfecture. L'usinier en effet n'est point propriétaire de l'eau courante : il n'en a que l'usage industriel. Quant au calcul de l'indemnité, Voy. § 246, note 41.

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOIRES.§ 185. 201

encore de la part du riverain qui n'en a joui que d'une ma- nière partielle ou restreinte, soit pour de simples usages domestiques 53.

Il convient également d'observer que si, pour se procu- rer l'usage des eaux, un riverain a fait, sans autorisation de l'administration, des travaux qu'il n'eût entreprendre qu'après l'avoir obtenue, sa possession n'en est pas moins utile, de sorte que le défendeur à la complainte n'est pas admis, pour faire rejeter cette action, à exciper de l'ab- sence d'autorisation administrative 5*.

Du reste, si la quasi-possession, telle qu'elle vient d'être caractérisée, suffit pour donner lieu à une action posses- soire, on ne doit pas en conclure que, lorsqu'elle a duré pendant trente ans, elle entraîne toujours et nécessaire- ment l'extinction du droit des autres riverains. La pres- cription ne peut, à raison même du caractère purement facultatif d'un pareil droit, commencer à courir que du moment ces riverains ont été constitués en demeure de le faire valoir, et cette mise en demeure ne peut elle-même résulter que de travaux qui les auraient placés dans l'im- possibilité d'user des eaux, à leur passage devant leurs fonds 33.

33 Req., 5 avril 1830, S., 30, 1, 298. Civ. rej., 10 décembre 1862, S., 63, 1, 77. Req., 16 février 1866, S., 66, 1, 101.

5; L'opinion contraire, enseignée par Bélime (n<> 247), est le résultat d'une confusion entre les règles du Droit administratif et celle du Droit privé, en matière de possession. Troplong, De la prescription, I, 146. Wodon, II, 602. Req., 14 août 1832, S., 32, 1, 733.

53 On pourra objecter, contre la théorie exposée au texte, qu'il faut, pour donner ouverture à la complainte ou à la dénonciation de nouvel œuvre, une possession qui soit également de nature à servir de base à l'usucapion. Nous avons une double réponse à faire à cette objection. En admettant qu'il fût effectivement ici question d'une prescription ac- quisitive, nous dirions que, si la règle qu'on nous oppose est vraie en thèse générale, elle n'est cependant pas absolue. C'est ainsi qu'un droit de jouissance exercé sur un objet dépendant du domaine public, en vertu d'une concession précaire de l'administration, est, comme nous l'avons établi, susceptible de former l'objet d'une action possessoire contre un tiers, bien qu'une pareille jouissance ne puisse jamais, à raison de l'im-

202 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

c. La jouissance des eaux pluviales | tombant sur un ter- rain privé autorise l'action possessoire, de la part du pro- priétaire du fonds qui les reçoit, contre le propriétaire du fonds d'où elles découlent, sous les conditions précédemment indiquées à l'occasion des eaux de source, c'est-à-dire, lorsque cette jouissance a eu lieu au moyen de travaux apparents, ou qu'elle est fondée, soit sur un titre, soit sur la destination du père de famille 56.

Les eaux pluviales qui coulent sur une voie publique étant res nullius, et la loi ne les ayant soumises à aucun droit d'usage privatif au profit des riverains, elles appar- tiennent au premier occupant, et elles ne sauraient par con-

prescriptibilité du domaine public, conduire à l'usucapion. Il y a mieux, et c'est notre seconde réponse, la prescription en cette matière est ex- tinctive et non acquisitive, puisqu'elle ne doit pas avoir pour résultat de faire acquérir au riverain qui l'invoque, un droit sur le fonds d'autrui, mais seulement d'écarter, quant à la jouissance des eaux, la concurrence des autres riverains, et ce, au moyen de l'extinction du droit rival qui leur compétait. Cette prescription suppose sans doute le maintien, pendant trente ans, de l'état de choses par suite duquel ces derniers ont été placés dans l'impossibilité de jouir des eaux ; mais, cette situation une fois éta- blie, l'accomplissement de la prescription est bien moins attaché à la jouis- sance de celui qui s'en prévaut, qu'à l'inaction de ceux auxquels elle est opposée. A ce point de vue, on comprend très bien que l'action posses- soire soit recevablede la part du riverain qui a joui des eaux, alors môme qu'il n'aurait pas placé les autres riverains dans l'impossibilité d'en jouir de leur côté, par la raison que la recevabilité de son action se trouvera malgré cela suffisamment justifiée par sa possession môme ; tandis que, pour éteindre par la prescription le droit facultatif des autres riverains, la possession seule est insuffisante. Ce droit, en effet, qui, à raison de son caractère facultatif, se conserve indépendamment de son exercice et de toute action en justice, par la seule possibilité d'en user, n'est soumis à la prescription qu'à partir du moment il a été établi sur le cours d'eau, des travaux qui en ont rendu l'exercice absolument impossible. Arg. art. 2232. Cpr. § 772 ; Req., 6 décembre 1836, S., 37, 1, m.

56 Cpr. Troplong, De la prescription, I, 148. Pardessus, Des servitu- des, I, 103. Proudhon, Du domaine publie, IV, 1331 et 1332 ; Marcadé, sur l'art. 642, no 5 ; Dcmante, Cours, II, 495 bis, I. Demolombe, XI, 107 à 113. Daviel, III, 795. Garsonnct, I, 132, notes B, 26 et 27. Curasson, II, 688. Wodon, II, no 575. Bourcart, 137. Bourbeau, VI, 385.CÎV. cass., 19 juin 1811, S., 11, 1, 164. Bordeaux, 7 janvier 1846, S., 46, 2, 210, Heq., 12 mai 1858, S., 59? 1, 431r Voy. cep. Duranton, V, 158.

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOIRES. § 185. 203

séquent, sauf convention contraire, devenir l'objet d'une possession utile, tant qu'elles conservent leur caractère de res nullius 57. Il en résulte que, dans le cas même un riverain aurait fait des travaux apparents pour s'approprier l'usage de pareilles eaux, il ne serait cependant pas admis à former une'action possessoire contre le riverain supérieur qui les détournerait sur son héritage 58.

Mais les eaux pluviales provenant d'une voie publique cessent d'être res nullités, dès qu'elles ont été amenées dans un fonds privé ; et elles peuvent dès lors faire l'objet d'une possession utile au profitdu propriétaire inférieur qui les reçoit à l'issue de ce fonds. Il en résulte que ce dernier est recevable à former une action possessoire contre le pro- priétaire supérieur dans le fonds duquel ces eaux ont été primitivement recueillies, lorsqu'il en a joui, soit au moyen de travaux apparents, soit en vertu d'un titre opposable au propriétaire de ce fonds, ou de la destination du père de famille S9.

D'un autre côté, les eaux pluviales provenant d'une voie publique peuvent, même à Tétat de res nullius, devenir l'objet de conventions valables entre les riverains de cette voie publique ; et celui qui en a joui d'une manière ex-

57 Duvergier sur Toullier, III, 132, note a. Proudhon, op. cit., IV, 1318. Duranton, V, 159. Troplong, op. cit., I, 147. Marcadé, sur l'art. 642, no 4.Demolombe, XI, 115 et 116. Pardessus, I, 79.

58 Rcq., 21 juillet 1825, S., 26, 1, 407. Rennes, 10 février 1826, S., 28, 2, 74, Limoges, 22 janvier 1839, S., 39, 2, 284. Limoges, 14 juillet 1840, S., 41, 2, 1. Civ. cass., 22 avril 1863, S., 63, 1, 479. Dijon, 17 juin 1864, S., 66, 2, 17. Req., 18 décembre 1866, S., 68, 1, 28. Cependant le riverain concessionnaire de la jouissance de ces eaux pourrait, en vertu de l'acte de concession et d'une possession annale, intenter une action possessoire contre celui qui détournerait l'eau ou troublerait sa jouissance d'une manière quelconque. Req., 21 mars 1876. S., 76, 1, 359.

59 Marcadé, sur l'art. 642, no 4. Demolombe, XI, 117. Laurent, VII, 235. Gurasson, II, no 689. Bourcart, no 138. Civ. rej., 21 juillet 1845, S., 46, 1, 33. Rcq., 16 mars 1853, S., 53, 1, 621. Req., 9 avril 1856, S., 56, 1, 399. Req., 12 mai 1858, S., 59, 1, 431. Req., 2 avril 1878, S., 79, 1, 13. Gpr. Duranton, V, 160. Voy. en sens contraire : Proudhon, op. cit., IV, 1335 ; Troplong, op. cit., 1, 147. Golmar, 26 mars 1831, D„ 32,2, 205,

204 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

clusive, en vertu d'une pareille convention, est recevable à former la complainte contre ceux qui les ont détournées, au mépris de rengagement qu'ils avaient contracté de ne pas le faire 60.

Les règles exposées au présent paragraphe ne doivent être appliquées à la réintégrande que sous les modifications résultant de la nature particulièrejetdu but spécial de cette action. C'est ainsi notamment qu'elle peut être formée contre l'Etat, un département, ou une commune, même pour des immeubles compris dansjle domaine public C1.

§186.

De la compétence en matière d'actions possessoires. De r introduction de ces actions, du délai dans lequel elles doivent être intentées, et de leur instruction. Des rap- ports du possessoire et dupétitoire.

De la compétence en matière d'actions possessoires.

Les actions possessoires sont de la compétence exclusive des juges de paix, en première instance, et des tribunaux civils d'arrondissement, en seconde instance *. L'incom- pétence des tribunaux civils pour connaître des actions possessoires en première instance, et des Cours pour y sta- tuer sur appel, est tellement absolue, qu'elle peut être pro- posée pour la première fois devant la Cour de cassation 2,

60 Cacn, 22 février 4856, S., 57, 2, 204. Req., 11 juillet 1859, S., 60, 1, 355. Req., 16 janvier 1865, S., 65, 1, 132. Req., 21 mars 1876, S., 76, 1,359.

61 Voy. § 189, texte et note 10.

1 Loi du 25 mai 1838, sur les justices de paix, art. 6, 1. Cpr. Loi des 16-24 août 1790, tit. III, art. 10, no 3.

2 Bioche, no 268. Cliauveau sur Carré, I, quest. 108, p. 117. Crémieu, no 396. Carou, no 602. Garnier, no 419. Rousseau et Laisney, no 428. Civ. rej., 28 juin 1825, S., 26, 1, 238. Civ. cass., 16 mars 1841, S., 41, 1, 196. Civ. cass., 4 janvier 1875, S., 75, 1, 273. Mais le tribunal civil est seul compétent pour assurer l'exécution d'une sentence du juge de paix. Req., 27 février 1878, S., 78, 1, 467.

DE LA. POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOIRES. § 186. 205

et qu'elle s'applique même aux actions possessoires in- cidemment soumises à ces juridictions, à raison de faits survenus dans le cours des instances au pétitoire liées devant elles 3.

Le juge de paix saisi, comme juge du possessoire, d'une demande dont les conclusions tendraient à la reconnaissance ou à la dénégation d'un droit de propriété ou de servitude, sans qu'il fût possible de les interpréter dans le sens d'une simple action possessoire, devrait, même d'office, déclarer son incompétence, qui est absolue, et ratione mater iœ, en fait d'actions réelles immobilières touchant au fond du droit *.

Le juge de paix saisi d'une action qualifiée de complainte, devrait également, quelle que fût la formule des conclu- sions prises par le demandeur, se déclarer incompétent, si le litige, au lieu de porter sur une simple question de possession, avait en réalité pour objet l'interprétation ou l'exécution de conventions dont il ne pourrait connaître s.

Que si la demande portait cumulativement sur le pos- sessoire et le pétitoire, le juge de paix, tout en se déclarant incompétent sous ce dernier rapport, devrait retenir et juger la question possessoire 6.

3 Rcq., 7 août 1817, S., 18, 1, 400. Civ. cass., 4 août 1819, S., 20, 1, 112. Civ. rcj., 28 juin 1825, S., 26, 1, 238. Req., 30 mars 1830, S., 30, 1, 320. Civ. cass., 5 août 1845, S., 46, 1, 46. Pour le cas des faits de trouble à la possession s'étaient produits au cours d'une instance devant le conseil de préfecture. Cpr. Rcq., 25 mars 1857, S., 58, 1, 453.

* Cpr. Bélimc, no 437 etsuiv.; Civ. cass., 6 décembre 1853, S., 54, 1, 793.

fJ C'est ainsi que le juge de paix devrait se déclarer incompétent, pour statuer sur une prétendue action en complainte formée par un proprié- taire contre un fermier, si, celui-ci ne contestant ni la propriété ni la pos- session du bailleur, le débat portait uniquement sur une question d'ex- piration de bail ou de tacite reconduction. Bélimc, no 328. Cpr. sur d'autres applications du principe posé au texte. Rcq., 29 juin 1824, S., 25, 1, 259. Req., 17 novembre 1847, S., 48, 1, 305. Civ. cass. 5 juin 1889, S. 90, 1, 14. Ce sont les conclusions principales du demandeur et non celles du défendeur qui déterminent s'il y a action pétitoire ou possessoire. Garsonnet, I, §131, bis, notes 4 et 5. Civ. rej., 21 avril 1834, D., 34,1,214. Civ. cass. ,6 décembre 1853, S., 54, 1, 793. Req., 21 août 1883, S., 85, 1, 306. Req., 27 janvier 1883, S., 85, 1, 307.

6 Civ. cass., 30 janvier 1837, S., 37, 1, 613. Civ. cass., 6 avril 1841,

206 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

Le juge de paix devant lequel l'action possessoire doit être portée, est celui de la situation de l'immeuble liti- gieux. Code de procédure, art. 3, 2. 6 bis.

Tout jugement rendu sur une action possessoire est suscep- tible d'appel, quelle que soit la valeur de l'objet du litige. Loi du 28 mai 1838, art. 6, n°l.

De r introduction des actions possessoires, du délai dans lequel elles doivent être formées, et de leur instruction.

a. Les actions possessoires sont, ainsi que toutes les autres actions de la compétence des juges de paix, dis- pensées du préliminaire de conciliation. Code de procé- dure, art. 48. Elles peuvent être intentées contre l'Etat, les communes ou les départements, sans dépôt préalable du mémoire que l'art. 15, tit. III, de la loi des 28octobre-5 novembre 1790 exige en général. Art. 55 de la loi du 10 août 1871 pour les départements, et 124 de la loi du 5 avril 1884 pour les communes 7.

Les administrateurs du patrimoine d'autrui, tels que les maris ou tuteurs, sont, en vertu même des pouvoirs in- hérents à leur qualité, admis à exercer les actions posses- soires compétant aux personnes dont ils administrent les biens, ou à y défendre 8.

Aux termes de l'art. 122 de la loi du 5 avril 1884, le

S., 41, 1, 596. Cpr. Giv. cass., 17 août 1836, S., 36, 1, 788. Voy. Civ. cass., 19 octobre 1887, S., 88, 1, 211.

6 bis. En ce qui touche la compétence, ratione loci, Voy. Gurassson. II, 716, p 472. Civ. rej., 26 janvier 1847, S., 47, 1,145 ; en sens contraire. Req., 25 juin 1844, S., 44, 1, 657. Quid au cas l'action possessoire est relative à un immeuble situé dans deux cantons. Giv. cass., 6 mai 1846, S., 46, 1, 373. Req., 11 décembre 1889. D., 90, 1, 167. Mais, s'il s'élève une difficulté sur la délimitation des cantons, le juge de paix doit, par application du principe de la séparation des pouvoirs, surseoir jusqu'après décision de l'autorité administrative. Giv. cass., 9 juillet 1849, S.,49, 1,690. Civ. cass., 15 juillet 1872, S., 72, 1, 406.

7 II en est de même, par analogie, des actions possessoires formées contre l'Etal. Proudhon, du Domaine, III, p. 91. Bioche, Act. post., no 707. Garnier.no 431. Carou 786. Rourbeau, VII, no 398, Contra. Curasson, II, no 592.

8 Voy. pour le mari : art. 1428 et 1549. Voy. pour le tuteur : § 114, texte et note 8.

DE LA. POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOIRES. § 186. 207

maire peut, sans autorisation préalable du conseil de pré- fecture, intenter, au nom de la commune qu'il représente, toute action possessoire, ou y défendre. Cette dispense s'ap- plique également à l'appel 9, et au pourvoi en cassation 10 ; mais le maire ne peut suivre ni sur son appel, ni sur le pourvoi qu'en vertu d'une nouvelle autorisation du con- seil municipal 10 bis. Cette disposition légale n'est pas autre chose que la consécration de l'usage établi par la juris- prudence.

b. La complainte et la réintégrande doivent, à peine de déchéance, être intentées dans l'année du trouble ou de la dépossession. Code de procédure, art. 25. Loi du 25 mai 1838, art. 6, 1 10 ter.

Lorsque le trouble consiste dans des actes matériels exercés sur le fonds du demandeur, ou dans des actes ju- ridiques dirigés contre sa possession, le délai d'une année dont il vient d'être parlé, commence à courir du jour même

9 Cpr.Foucart, Droit administratif, III,1751.Req.,2 février 1842, S., 42, 1, 116., Décr. en Cons. d'Etat du 30 novembre 1868.Lebon, 1107. Voy. en sens contraire : Serrigny, Compétence administrative, no 127. Bélime, no 299. Dalloz, Re'p., Commune, 1609.

10 Cpr. Foucart, op. et loc. cilt. Dalloz, ibid., no 1610. Ord. en Cons. d'Etat du 10 janvier 1845. Lebon, 687.

10 bis, Civ. cass., 24 juin 1890. Morel c. commune de Fonchette.

10 ter. Le dies à quo n'étant pas en principe calculé dans les délais, il n'y a point, en ce qui touche les actions possessoires, à tenir compte du jour se sont produits le trouble ou la dépossession. Mais d'autre part il ne faut pas comprendre dans le délai le dies ad quem, ce qui ferait un jour de plus que l'année. Le délai n'expirerait qu'après l'écoulement du premier jour de l'année suivante, sur laquelle, dès lors, on empiéterait d'un jour. Un pareil mode de computation serait contraire au texte de l'art. 23. C. Pr. c. portant : « Les actions possessoires ne seront receva- « blés qu'autant qu'elles auront été formées dans l'année du trouble. » La loi nouvelle déroge donc sous ce rapport à la coutume de Paris, qui ac- cordait an et jour à partir du trouble. Bélime, no 354. Chauveau sur Carré, art. 23, Quest., 115, bis. Bourbeau, VII, 355. Garsonnet, II, 135, no 6. Curasson, II, 563. Il en devrait être ainsi, alors môme que le dernier jour de l'année serait un jour férié. La déchéance résultant du défaut d'exercice de l'action possessoire dans l'année du trouble, est encourue, s'il n'a pas été suivi sur la citation donnée devant le juge de paix. Civ. cass., 23 fé- vrier 1880, S., 80, 1, 424.

208 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

ces actes se sont produits. Il en est également ainsi, lorsqu'il s'agit d'actes constituant une opposition directe au libre exercice d'une servitude.

Lors, au contraire, que le trouble ne résulte que de tra- vaux exécutés par le défendeur sur son propre fonds, le délai ne commence à courir que du jour où, par leur état d'avancement, ces travaux ont réellement porté atteinte à la possession du demandeur ".

Quand une action possessoire est intentée par celui qui se prétend propriétaire d'un terrain qu'une décision du con- seil général ou de la commission départementale, fixant la largeur d'un chemin vicinal, a compris dans ce chemin, le délai d'un an ne court ni du jour de cet arrêté, ni même de celui de la dépossession matérielle, mais seulement du jour la possession a été déniée et le droit à l'indemnité contesté 12. Mais il n'en est pas de même pour les chemins ru- raux classés. Les arrêtés de classement valent prise de pos- session, et le propriétaire dépossédé n'est recevable à con- tester la possession de la commune que dans l'année de la notification de l'arrêté. Loi du 20 avril 1881 art. 5 u bis.

Au cas de troubles successifs, la complainte formée pour la répression de ceux qui ont été commis dans l'année, est recevable alors même que les premiers faits de trouble remonteraient à plus d'une année 13.

il Bourbeau, VII, 356. Req., 4 mai 185-2, D., 52, 1, 123. Rcq., 3 août 1852, S. ,52, 1, 652. Suivant Bélime (no 358), le délai d'un an ne commen- cerait à courir que du jour du préjudice causé. Mais celte opinion repose sur la double confusion du trouble, c'est-à-dire de l'atteinte portée à la posses- sion, avec le préjudice qui a pu en résulter, et de l'action possessoire, qui doit être intentée dans l'année du trouble, avec l'action ordinaire en dom- mages-intérêts, qui ne se prescrit en général que par trente ans à com- pter du préjudice causé.

12 Loi du 10 août 1871, art. 44 et 86. La raison en est que la décision prise par ces assemblées dans la limite de leurs attributions, et l'occupa- tion qui en a été la conséquence, ne sauraient être considérés comme des actes de trouble. Curasson, II, 638 p. 247, notel. Civ. rej., 18 janvier 1847, S., 47, 1, 248. Civ. cass., 28 décembre 1852, S., 52, 1, 429.

18 bis. Féraud-Giraud, Voies rurales, I, 79.

13 Req., 1er août 1848, S., 49, 1, 449. Cpi\ Civ. cass., 27 juin 1864,

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOIRES. § 186. 209

En matière de dénonciation de nouvel œuvre, le délai d'une année court à partir du commencement des travaux, dont la continuation peut avoir pour résultat de porter at- teinte à la possession du demandeur 14.

Le délai d'une année, dont l'expiration emporte déché- ance de l'action possessoire, court contre les mineurs et les interdits 15. Il n'est pas suspendu par le seul fait que le demandeur aurait ignoré l'existence du trouble 1(J, à moins cependant que le trouble n'eût eu lieu dune manière clan- destine 17. Enfin, le cours de ce délai n'est interrompu, ni parla circonstance que le demandeur aurait matériellement

S., 64, 1, 334. Cet arrêt, quoique parfaitement justifié par son motif prin- cipal, renferme un considérant subsidiaire, d'où il semblerait résulter que l'action possessoire n'est plus recevable, lorsque les premiers faits de trou- ble remontent au-delà d'une année ; et ce, par la raison que la possession a cessé d'être paisible à partir du moment ces faits se sont produits. Si tel était véritablement le sens de ce considérant, nousle regarderions comme inexact. Yoy. § 180, texte et note 23. Contra Bélime, 357. Curasson, II, no 565. Civ. cass., 18 août 1880, S., 82, 1, 398. Cet arrêt, comme ce- lui du 27 juin 1864. s'appuie sur le motif que la possession avait cessé d'être paisible à partir du fait de trouble le plus ancien. De la comparai- son de ces deux décisions, il résulte que telle parait bien être la pensée de la Cour de cassation. Toutefois, le délai ne commence à courir qu'à par- tir d'un trouble réel, sérieux et fondé sur la prétention d'user d'un droit: des faits vagues, accidentels, et ne laissant pas de traces, ne sont pas de na- ture à appeler la sollicitude des parties. L'appréciation du caractère de ces faits dépend des circonstances, et elle appartient aux juges du fond. Req., 3 août 1852, S., 52, 1, 652. Req., 9 novembre 1875, S., 76, 1, 57.

14 Garsonnet, 1, § 136, p. 590. Il est bien entendu que, même après l'expiration du délai d'une année à partir du commencement des travaux, le possesseur, quoique déchu de la faculté d'agir par voie de dénonciation de nouvel œuvre, pourra toujours exercer la complainte, s'il ne s'est point encore écoulé une année depuis le moment il a été réellement troublé dans sa possession.

ia Jousse, Commentaire de t 'Ordonnance de 1667, tit. XVIII, art. 1, note 6. De Fréminville, De la minorité, I, 391. Bélime, no 355. Bour- beau, VII, 357. Curasson, II, 564. Garsonnet, I, § 135, note 11. Cpr. § 771, texte et note 14.

lfi Bélime, no 353. Bourbeau, VIF, 356. Garsonnet, I, % 135, note 8. Zachariae, § 189, texte et note 9. Civ. rej.. 12 octobre 1814, S., 15, 1, 121. Civ. cass., 22 avril 1839, S., 39, 1, 366.

11 Bélime, no 356. Bourbeau, VII, 356. Garsonnet, I, § 135, note 7. ii 14

210 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

détruit l'ouvrage constitutif du trouble 18, ui par des pour- suites correctionnelles dirigées contre son auteur19.

c. La possession peut se prouver par témoins. Code de procédure, art 24. Mais l'enquête n'est pas obligatoire. Le juge est autorisé, sans recourir à ce moyen d'instruction, à tenir pour constante, la possession déniée, ou à rejeter, comme non justifiée, la possession alléguée? lorsque cela ressort des autres éléments delà cause 20.

Le trouble matériel apporté à la possession, peut aussi se prouver par témoins. Code de procédure, art. 24. Quant au trouble de droit, il s'établit par la production des actes judiciaires ou extrajudiciaires qui le constituent.

Des rapports du possessoire et du pêtitoire.

Le possessoire et le pêtitoire ne peuvent jamais être cu- mulés. Code de Procédure art. 25.

a. Envisagée au point de vue de l'office du juge, mais abstraction faite de la question d'incompétence, que nous avons déjà examinée sous le 1 de ce paragraphe, cette règle signifie, d'une part, que le juge du possessoire ne peut admettre ou rejeter l'action possessoire, par des motifs exclusivement tirés du fond du droit, et sans constater en fait l'existence ou la non-existence de la possession annale ou de la détention que requiert la complainte ou la réin- tégrande, d'autre part, qu'ilne peut, ni préjuger le pêtitoire par le dispositif de son jugement, ni dénier le possessoire comme étant inséparable clu pêtitoire, ni même surseoir à

18 Civ. cass., 22 avril 1839, S... 39, 1, 366.

19 Zacharia», §189, texte et note 10. Troplong, II, 674. Civ. cass., 20 janvier 4824, S., 24, 1,265. Yoy. cep. Curasson, II, 567.

20 Non obstat Code de procédure art. 24. L'objet de cet article n'est pas de rendre l'enquête obligatoire, mais de statuer qu'elle ne pourra porter sur le fond du droit. Béliine, no 417. Crémieu, 413. Curasson. Jl. 720. p. m. Req., 25 juillet 1826, S., 27, 1, 194. Req., 28 juin 1830, S., 30, 1, 409. Civ. rej., 22 mai 1833, S., 33, 1, 5$3. Req., 4 juin 1835, S., 3o, 1,413. Mais le juge du possessoire ne pourrait fonder uniquement sa conviction sur la connaissance personnelle qu'il aurait des lieux litigieux. Civ. cass., 21 mai 1878, S., 78, 1, 408.

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOIRES. § 186. 211

statuer sur le possessoire, en le subordonnant au jugement à intervenir sur le petit oire.

Ainsi, il v n cumul du possessoire avec le pétitoire, lors- que le juge de paix, saisi d'une complainte, sans constater en fait la possession annale du demandeur, le maintient cependant en possession, sous le prétexte qu'il est pro- priétaire, ou que la possession est établie en sa faveur par son titre de propriété, ou qu'enfin la propriété lui a été reconnue par un jugement antérieur al.

A l'inverse, il y a également cumul du possessoire avec le pétitoire, lorsque le juge de paix, sans constater en fait la possession annale du demandeur, se fonde uniquement, pour repousser l'action possessoire, sur ce que le fait qua- lifié de trouble à cette possession, n'a été de la part du défendeur, que l'exercice d'un droit ". Il en serait ainsi no-

21 Bélime, 446. Curasson, II, 733, p. 508, note a. Civ. cass., 16 mars 1841. S.. 41, 1, 196. Civ. cass., 17 mai 1848, S., 48, 1, 398. Civ. cass., 8 novembre 1854. S., 54, 1, 794. Civ. cass., 20 avril 1863, S., 63, 1, 348. Civ. cass., 11 janvier 1865, S., 65, 1, 88. Voy. aussi: Civ. cass., 29 novembre 1852, S., 53, I, 156. Civ. cass., 11 décembre 1871, S., 72, 1, 28. Civ. cass., 7 avril 1880. S., 80, 1, 295. Civ. cass., 6 mars 1882, S.,

82, 1, 251. Civ. cass., 28 juin 1882, S., 82, 1, 460. Civ. cass., 26 juillet 1882, S., 84, 1, 318. Civ. cass.. 25 février 1885. S., 85, 1, 307. Civ. cass., 15 février 1887, S., 87, 1, 104. Civ. cass., 8 août 1888, D., 89, 1, 120.

22 Bourbcau, VIT, 416. Curasson. II. 733, p. 508, note a. Civ. cass., 11 août 1852, S., 52, 1, 648. Civ. cass., 4 décembre 1855, S., 56, 1, 438. Civ. cass., 6 avril 1859, S.. 59, 1, 593. Yoy. aussi : Civ. cass., 23 no- vembre 1836, S., 37, 1. 532. Civ. cass., 23 mai 1838, S., 38, 1, 406. Req., 31 mars 1857, S., 57, 1, 675. Civ. cass., 11 janvier 1865, S., 65. 1, 88. Civ. cass., 7 janvier 1867, S., 67,1, 62. Req., 8 avril 1867, D., 67, 1, 396. Civ. cass., 16 août 1869, S., 69,1, 452. Civ. cass., 23 août 1871, S., 71, 1. 131. Req., 23 avril 1872, S., 72, 1, 234. Civ. cass.. 5 juillet 1872, S., 72. 1, 371. Civ. rej.. 4 décembre 1872, S., 72, 1, 426. Civ. cass., 24 jan- vier 1874, D., 74. 1, 151. Civ. cass., 15 mai 1878, S., 79, 1, 116. Civ. cass., 28 mai 1878, S., 80. 1, 447. Civ. cass., l^rjuin 1881, S., 83, 1 . 165. Civ. cass., 26 juillet 1882. S., 84, 1, 318. Civ. cass., 14 mars 1883. S..

83, 1, 248. Civ. cass., 26 août 1884, S., 86, 1, 165. Civ. cass., 5 août 1885, S., 85, 1, 342. Civ. cass., 28 février 1887, S., 87, 1, 120. Civ. cass., 29 juin 1887, D., 88, 1, 485. Civ. cass., 27 février 1889, S., 89, 1, 327.— Mais il n'y aurait pas cumul interdit, si le juge du possessoire constatait en même temps l'existence en fait d'une possession s'étendant au terrain litigieux. Req., 28 novembre 1887, S., 88, 1, 318.

MO

INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

tamment dans Le cas Le juge du possessoire, saisi d'une complainte pour entreprise sur un cours d'eau, la rejetterail par Tunique motif que Le défendeur, s'étant borné à user de La faculté que Lui donnait L'art. 644, saurait être considéré connue ayant commis un trouble de possession "'' . De même encore, il y a cumul du possessoire avec le pétitoire, lorsque le juge de paix, au lieu de maintenir sim- plement le demandeur en complainte dans sa possession annale, lui a reconnu un droit quelconque M bis, comme lui appartenant en vertu de sa possession, ou même lorsque, sans lui reconnaître aucun droit, il l'a maintenu dans sa possession trentenaire ou immémoriale 24.

23 Civ. cass., 22 août 1849, S., 52, i. 648. Voy. aussi : Giv. cass., 20 décembre 1857, S.. 58, 1, 799. Civ. cass.. 5 juin* 187-2, S., 72, 1. 371. Civ. cass., 1er juillet 1872. S.. 72, 1, 235. Civ. cass., 30 décembre 1872, S., 73, 1, 77.' Civ. cass.. 12 juillet 1877, S., 78, 1, 20. Civ. cass., 28 mai 1878, S., 80. 1, 447. Civ. cass., 26 mai 1884, S., 85, 1, 149. Civ. cass., 15 décembre 1886. S.. 87. 1 . 120. Civ. cass.. 28 février 1887, S., 87. 1 . 120.— 11 ne faut confondre, avec, la question résolue au texte, ni celle de savoir si. et à quelles conditions, la jouissance d'un cours d'eau constitue une pos- session de nature à donner ouverture à complainte, ni celle de savoir dans quels cas un riverain supérieur ou inférieur peut être considéré comme ayant troublé cette possession. La première de ces questions, qui sont jus- qu'à un certain point connexes entre elles, a déjà été traitée au § 185, texte n" 5, lett. b, et noies 52 à 55. La seconde sera examinée au § 187. texte no 3 et noies 34 à 42. V. notamment Civ. cass., 5 août 1885. S., 85, 1, 342. Civ. cass., 25 juillet 1888, S., 88, i. 463.

23 bis. Il y a cumul, lorsque le dispositif imprime à la possession dans laquelle il maintient le défendeur une portée juridique dépassant les li- mites du possessoire, et atteignant même, en le diminuant, le droit de propriété. Civ. cass.. H) mars 1869, S., 69, 1, 452. Civ. cass., le* juillet 1872, S., 72, 1, 235. Civ. cass., limais 1883, S.. 83. 1, 248. Civ.. rej.. il février 1885, S., 85, 1, 200. Mais la Cour de cassation semble incliner à. penser qu'il ne peut y avoir cumul du possessoire dans les jugements interlocutoires rendus au cours d'un procès. Civ. rej.. 26 juillet 1836, S., 36, I, 819. Civ. cass.. 28 juin 1865, S., m, 1, 164. Keq., 20 décembre 1876. S.. 77. 1. 74. Cette doctrine nous parait devoir être admise avec réserves. Cpr. en effet, Keq., 19 avril 1869. S., 69. 1. 265.

84 Bélime, nos 442 à 445. Curasson. Il, 733, p. 507, note 1. Rcq., 15 juillet 1829. S.. 29. 1. 306. Civ. cass.. 10 novembre 1845, S., 45. 1. 681. Req., ! 4 juin 1869, S.. 70. 1. 29. Le juge de paix cumule éga- lement, à ce point de vue, le pétitoire avec le possessoire, lorsque, saisi

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOIRES. § 18G. 213

Enfin, il y a cumul du possessoire avec le pétitoire, lors- que le juge de paix, saisi d'une action en complainte, la rejette ou met les parties hors de cause par le motif que, d'après les faits et moyens respectivement invoqués, le possessoire serait inséparable du pétitoire ~:\ comme aussi lorsque, sans se dessaisir du possessoire, il renvoie les par- ties à se pourvoir préalablement au pétitoire 2fi.

Au contraire, le juge de paix peut, sans cumuler le pé- titoire et le possessoire, se livrer à l'examen des titres res- pectivement produits, lorsqu'il les consulte, non pour reconnaître ou méconnaître le fait matériel de la posses- sion, mais uniquement pour en apprécier la nature, re- tendue, et l'efficacité juridique 27. C'est ainsi que, dans

d'une action on complainte formée à raison d'un trouble apporté à la jouissance d'un cours d'eau, il fait un règlement entre les parties, et dé- termine la manière dont elles jouiront à l'avenir de ce cours d'eau, (av. cass., 17 août 1836, S., 36, 1, 788. Civ. cass., 14 décembre -1841, S., 42, 1. 146. Civ. cass.. 24 février 1846, S., 46, 1. 399.

23 Civ. cass., 29 décembre 1828, S., 39, 1, 70. Civ. cass., 20 juillet 1836. S.. 36, 1, 836. Civ. cass.. 11 août 1852, S., 52, 1, 648. Civ. cass.. 31 mars 4857, S., 37, 1, 675. Civ. cass.. 21 novembre 1871, S., 72. 1. -27. Cpr. Civ. rej., 11 février 1885. S., 85, 1. 200.

20 Civ. cass., 22 août 1842, S., 42, 1, 823. Civ. cass., 40 août 1886, S., 88, 1, 253. Cpr. Req., 3 janvier 1840. S.. 40, 4. 519. Cet arrêt n'est pas contraire à la proposition émise au texte. D'après les circonstances dans lesquelles il a été rendu, le demandeur en cassation se trouvait sans intérêt légitime à se plaindre du sursis que le juge de paix lui avait ac- cordé à l'effet de justifier de son exception de mitoyenneté. Cpr. aussi note 30 infra.

27 Merlin, Quest., Complainte, § 2. fiép., Servitude, § 35. Zbis. Toullier, III. 716. Henrion de Pansey, chap. 51. Curasson. 11. 733. Bour- beau VIT, 417. Wodon. II. 676. Req..Vl décembre 1820. S.. 21.1, 135. Civ. rej., 26 janvier 1825. S.. 25. 1. 397. Civ. rej.. 9 novembre 1825. S.. 26, 1. 248. Req., 19 décembre 1831. S., 32. 1, 67. Req., 10 février 1837, S.. 37. 1,328. Civ. cass.. 25 juillet 1837. S.. 37. 1,885. Req., 13 novembre 1839. S., 40, 1, 76. Req., M mai 1841. S.. H, 4. 708. Civ. rej.. 8 août 1841, S., 41,1, 871. Req., 23 novembre 1841. S., 41, 1, 815. Req., 2 février 1842, S., 42, 1, 416. Req.. 6 juin 4853. S.. 53. 1, 735. Civ. cass.. 6 dé- cembre 4853, S., 54, 1. 793. Civ. rej.. 28 juillet 1856, S.. 57. 1. 283. Req., 47 février 4858, S.. 59. 1, 491. Req.. 21 janvier 1862, S.. 62, 1,668. Req., 6 août 1863, S., 63. 1, 474. Req.. 16 janvier 1865, S.,

914 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

le cas Les deilt parties oui. égaleiîieiitfait prëtrVe dictes

possessoires de même nature, ldjtige de paix est autorisé à consulter les titres, pour y rechercher quelle est, de la possession du demandeur ou du défendeur, celle qui se trouve le mieux caractérisée ou colorée ~H. C'est ainsi encore que, sur une action en complainte formée à raison d'un trouble apporté à la jouissance dune servitude discontinue, le juge de paix ne cumule pas le pétitoire avec le posses- soire, en se fondant, pour écarter la présomption de pré- carité attachée à l'exercice d'une pareille servitude, sur un titre invoqué par le demandeur29. Réciproquement, le juge du possessoire peut, sans violer la règle prohibitive du

65, 4, 132. Req.; 25 avril 1865, S., 65, 1, 264. Civ. rej., 4 avril 1866, S., 67, 1, 291. Req., 24 avril 1866, S., 66, 1, 440. Req., 4 juillet 1866, S., 67, 1, 82. Req., M novembre 1867, S., 68, 1, 171. Req., 5 avril 1869, S., 70, 1, 124. Req., 12 avril 1869, S., 69, 1, 300. Req., 13 avril 1869, S., 69, 1, 450. Civ. rej., 1er juin 1870, S., 70, 1, 346. Req., 9 janvier 1872, S., 72. 1, 225 et le rapport de M. Rau. Req., 4 décembre 1872, S., 72, 1, 427. Civ., rej., 4 décembre 1872, S., 72, 1, 426 et la note. Civ. rej., 23 avril 1873, S., 73, 1, 304. Req., 7 janvier 1874, S., 74, 1, 255. Civ. rej., 12 août 1874, S., 75, 1, 82. Req., 19 juillet 1875, S., 77, 1, 70. Req., 26 janvier 1876, S., 76, 1, 147. Req., 14 mai 1877, S., 78, 1. 322. (Le juge du possessoire peut consulter l'usage local, mais unique ment pour se fixer sur la nature et sur les caractères de la possession). Req., 28 janvier 1879, S.. 80. 1, 25. Civ. cass., 22 juin 1881, S., 82, 1, 8. Req., 10 juin 1882, S., 83, 1, 62. Req., 19 juillet 1882, S., 83, 1, 73. Civ. cass., 8 janvier 1884, S., 84, 1, 332. Civ. rej., [[ février 1885, S., 85. 1, 200. Civ. cass., 13 juillet 1886, D., 87, 1, 74.

28 Req., 13 novembre 1839, S., 40, 1, 76. Req.. H mai 1841, S., 41, 1, 706. Civ. rej., 12 août 1874. S.. 75, 1, 82.

2!l Req., 27 mars 1860. S., 66, 1, 215. Voy. aussi note 33 infrà. quant ;i l'action possessoire relative à la servitude de passage, Req., 7 juin 1817. J. P., 1848, 2. 105. Civ. cass., 5 juin 1872. S.. 72, 1, 371. Req., 1er août

1872. D., 72, 1, 340. Req., 7 janvier 1871. S., 74, 1. 303. Req., 19 juillet

1873, S., 77, 1,70. Heq., 25 avril 1877, D., 78, 1, 296. Req., 21 août 1883, S.. 85, 1, 306. Civ. cass., 17 juin 1885, S., 86, 1, 72. Req., 13 juin 1888. S., 88, 1. 408. Quant au pouvoir du juge du possessoire en cas d'en- clave. Req., 28 novembre 1866, 1)., 67, 1. 395. Req., 28 lévrier 1872. S., 72. I, 233. Req., 15 janvier 1877, S., 77,1, 98. Req., 14 mars 1881. S.. 81, 1. 208. Req., 26 juin 1883, S., 83, I, 455. |{eq., 19 mars 1884, S., 86,1,463. Civ.cass.,13 juillet 1886. S., 89, 1. 251. Heq., 16 juillet 1888, S., 89, 1, 108. Civ. rej., 27 février 1889, S., 90. 1. 31 7.

DE POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOIRES. § 186. 215

cumul, rejeter la complainte, en tirant du titre produit par le défendeur la conséquence que la possession exercée en de- hors des limites du titre constitutif de la servitude n'a été que précaire pour tout ce qui tend à son aggravation 29 bis^ mais à la condition de ne pas emprunter au fond du droit les mo- tifs de la décision 29 ter- Le juge de paix pourrait ainsi, sans cumuler le pétitoire et le possessoire, rejeter une com- plainte en constatant, sur le vu d'un titre constitutif de servitude produit par le défendeur, que le demandeur n'a- vait plus une possession exclusive de nature à faire consi- dérer comme des troubles, les actes rentrant dans l'exercice de la servitude.

Les contestations élevées sur l'interprétation, ou même sur la validité des titres produits, ne privent pas le juge de paix de la faculté de les consulter pour éclairer la pos- session .

29 bis. Civ. rej., 49 mars 1861, S., 61, 1, 447.

29 ter. Civ. cass., 23 août 1871, S., 71, 1, 131. Civ. cass., 20 juin 1887, D., 88, 1,485.

30 Pothier, De la possession, no 90. Crémieu, nos 468 et suiv. De- molombe, XII, 946. Zacharia1, § 187 b, texte et note 9. Curasson, II, 733. Carré et Chameau, I, Quest., 101, bis, et suiv. Bourbeau, VII, 421. Rous- seau et Laisney, Act.poss., no 558. Wodon, II, no 676. Civ. rej., 24 juillet 1810. S., 10, 1, 334. Civ. rej., 17 mai 1820, S., 20, 1, 273 et 324. Req.,8 mai 1838, S., 38,1, 408. Civ. cass., 24 juillet 1839, S., 39, 1,861. Req., 6 juin 1833, S., 53, 1, 735. Civ. cass., 6 décembre 1853, S., 54, 1, 793. Req., 16 janvier 1865, S., 65, 1, 132. Req., 13 avril 1869, S., 69, 1, 450. Req., 16 décembre 1874, S., 75, 1, 64. Civ. rej., 29 janvier 1878, S., 78, 1, 249. Req., 28 décembre 1880, S., 82, 1, 374. Civ. cass., 26 juillet

1881, S., 82, 1, 153. Req., 19 juin 1882. S., 83, 1, 62. Req., 19 juillet

1882, S., 83, 1, 73. Civ. rej.. 24 janvier 1883, D., 84, 1, 456. Civ. cass., 8 janvier 1884, S., 84, 1, 332. Req., 16 juillet 1888, S., 89, 1, 108. Voy. en sens contraire : Bélime, nos 4r>0 et suiv. D'après cet auteur, le juge de paix devrait, au cas la contestation de la validité du titre lui paraîtrait sé- rieuse, surseoira statuer sur le possessoire, en renvoyant les parties à faire préalablement décider la question de validité du titre, question qui, d'après lui. serait préjudicielle. Mais c'est précisément que se trouve son erreur. Il ne saurait y avoir, au possessoire, de question préjudicielle de propriété ou de servitude, puisqu'il s'agit uniquement de statuer sur la possession, et que c'est dans le seul but d'en apprécier le caractère que le juge de paix peut ou doit consulter les titres. Qr, on comprend que la possibilité de l'an-

216 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

Toutefois, si pour déterminer le caractère ou l'étendue de la possession, il devenait nécessaire d'interpréter des actes administratifs dont le sens serait contesté entre les parties, le juge du possessoire ne pourrait se livrer à cette inter- prétation, et il devrait surseoir à statuer jusqu'à ce qu'elle ait été donnée par l'autorité compétente 31.

L'examen des titres, qui n'est en général que facultatif pour le juge du possessoire 32, devient obligatoire, lors- qu'il s'agit d'une complainte formée à raison d'un trouble apporté à l'exercice d'une servitude discontinue33, ou dune

nulation ultérieure de ces titres au pétitoire, ne saurait avoir d'influence, ni sur le fait matériel de la possession, ni sur la nature des actes invoqués comme constitutifs de la possession, ou qualifiés de troubles. D'ailleurs, le système de Bélime tendrait à absorber le possessoire dans le pétitoire, contrairement à la disposition de l'art. 25 Pr. c.

81 Curasson, II, no 721, note 2. Bourbeau, VII, 420. Tribunal des conflits, 24 juillet 1851,Lebon, 552. Civ. cass., 6 novembre 1866, S., 66, 1, 402. Civ. cass., 8 janvier 1884. S., 84, 1, 332. Tribunal des conflits, 6 décembre 1884, Lebon, 890. Civ. cass. ,13 juillet 1887, S., 88, 1. 76. Ce dernier arrêt précise les obligations du juge du possessoire : lorsque des actes administratifs sont produits et qu'ils peuvent faire naitre des doutes sur la possession invoquée, le juge du possessoire doit surseoir à statuer et renvoyer pour l'interprétation de ces actes devant l'autorité adminis- trative, seule compétente pour apprécier la portée et les effets de ces actes, mais il ne peut décliner sa compétence pour statuer sur le litige. Cpr. pour le cas il n'y a pas lieu à interprétation d'acte administratif, Req., 5 avril 1869, S. 70,* 1, 424.

32 Curasson, II, n<> 733, p. 511, note 2. Req., 23 novembre 1840, S., 41, 1, 158. Req., 6 janvier 1852, S., 52, 1, 317. Civ.rej., 20 janvier 1863, S., 63, 1, 8. Req., il avril 1870, S., 71, 1. 94. Req., 29 mai 1876, S., 77, 1, 74.

33 Comme l'exercice des servitudes discontinues est, en l'absence d'un titre constitutif, présumé entaché de précarité, et que, tout au contraire, la production d'un pareil titre fait cesser cette présomption, le juge de paix qui refuserait de prendre connaissance du titre invoqué par le de- mandeur en complainte, se trouverait dans l'impossibilité d'apprécier le véritable caractère de la possession, et sa sentence, qu'il admit ou reje- tât la demande, serait également sujette à critique. Curasson, 11, 733, p. 508. Civ. cass., 17 mai 1820, S., 20, 1, 273 et 334. Civ. cass.. 24 juillet 1839, S., 39, 1, 861. Req., 16 janvier 1843, S.. 43, 1, 412. Civ. rej., 15 juillet 1878, S., 78, 1. 272. Civ. cass., 22 juin 1881.1).. 82. 1,208. Req.,

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOIRES.f 186. 217

servitude négative u.

Le juge de paix ne cumule pas non plus le pétitoire et le possessoire lorsque, après avoir reconnu la possession annale du demandeur, il invoque surabondamment des motifs touchant au fond du droit, mais en statuant unique- ment sur le possessoire 3S. Il en est ainsi notamment dans le cas où, pour accueillir une complainte 3S bû, il se fonde sur la possession immémoriale du demandeur, sans ce- pendant l'y maintenir par le dispositif de sa sentence30.

Enfin, lorsque dans une instance possessoire engagée

19 juin 1882, D., 83, 1, 463. Req., 21 août 1883, S., 85, 1, 306. Req.,27 janvier 1885, S., 85, 1, 307. Civ. cass., 7 décembre 1885, D., 86, 1, 207. Req., 8 mars 1886, S., 86, 1, 208. Civ. cass., 10 août 1886, S., 87, 1, 71. Quant à la destination du père de famille : Civ. cass., 22 avril 1873, S., 73. 1, 277. Req., 28 décembre 1875, S., 76, 1, 111. Req., 2 mai 1876, S., 76, 1, 359. Civ. cass., 17 juin 1885, S., 86, 1, 72. Pour les servitudes non apparentes : Civ. cass., 26 juin 1888, D., 88, 1, 308. Pour les servi- tudes discontinues: Civ. cass., 9 août 1886, S., 88, 1, 252. Civ. cass., 13 août 1886, S., 89, 1, 251. Req., 13 juin 1888, S., 88, 1, 408. Req., 16 juillet 1888, S., 89, 1, 108. Civ. c;iss., le' juillet 1890, Journal La Loi du 11 septembre 1890. Mais il suffit que l'acte produit fasse présumer que la possession n'est pas entachée de précarité. Req., 13 juin 1888, S., 88, 1, 408.

34 Les servitudes négatives ne pouvant, comme les servitudes discon- tinues, s'établir que par titres, ce n'est également que par l'examen du titre dont se prévaut le demandeur, que le juge de paix se trouvera à môme d'apprécier si l'abstention, de la part du propriétaire de l'héritage pré- tendu grevé, est ou non, le résultat d'une servitude. Bourbeau, VII, 374 Curasson, II, p. 396. note.

35 Curasson, II, 733, p. 508, note 1, a. Civ. rej., 15 décembre 1812, S., 20, 1, 456. Civ. rej., 9 novembrel825, S., 26, 1, 248. Req., 20 mai 1829, S.. 29. 1, 281. Civ. rej., 12 décembre 1836, S., 36,1, 326. Req., 2 février 1848, S., 48, 1, 236. Req., 18 juin 1850, S., 52, 1, 113. Civ. rej., 4 jan- vier 1854, S., 54, 1, 235. Req., 26 décembre 1865, S., 66, 1, 65. Civ. cass., 17 juillet 1867, D.. 67, 1. 312. Req.. 20 janvier 1868, S., 68, 1, 225. Req., 7 janvier 1874, S., 74, 1, 255. Req., 2 avril 1883, S., 84, 1, 120. Req., 21 août 1883, S., 85, 1, 306 (deux arrêts). Req., 28 novembre 1887, S., 88, 1, 318. Req., 18 décembre 1889, Veuve Barré.

35 bis. Req., 3 décembre 1878. S., 79, 1. 296. Civ. rej., 16 janvier 1883. S., 84, 1. 159. Civ. rej.. 24 janvier 1883. D., 84, 1, 456.

36 Req., 7 juillet 1836, S., 37, 1, 159. Req., 8 août 1882, S., 84, 1, 159. Cpr. Req., 19 juillet 1875. S., 77, 1, 70. Req., 3 décembre 1878, S., 79, 1, 296.

218 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

entre l'Etat, un département, ou une commune et un par tieulier, le caractère domanial de l'immeuble litigieux e< mis en question87, le juge de paix peut encore, sans eu muler le possessoire et le péfitoire, rejeter ou admettre 1 complainte, en se fondant sur' ôé que la possession ne s'e< exercée que dune manière précaire ou s'est, au contraire exercée à titre de droit, comme s'appliquaiit à un terrai ou à un cours d'eau qui fait partie ou qui ne fait pas parti du domaine public 38. En pareil cas, le juge du possessoire non-seulement n'est pas tenu de surseoir jusqu'après la cision de l'autorité administrative sur le caractère de Tirn meuble litigieux, mais il doit même ne le faire que lors qu'il ne trouve pas dans les faits et documents de la caus des éléments de conviction suffisants pour apprécier le véritables caractères de la possession 89.

Il est, du reste, bien entendu que le juge du pétitoii peut, sans violer la règle qui défend de cumuler le pétitoii

87 Si le débat n'était engagé qu'entre deux particuliers, le défendeur l'action possessoire ne serait pas admis à exciper du caractère domani qui, selon lui, appartiendrait à l'immeuble litigieux. Voy. § 185, texte i 1 et note 8. Civ. rej., 23 juin 1889, D., 90, 1, loi et la note.

38 Req., 19 avril 1825, S., 27, 1, 89. Req., 16 février 1837, S., 37, 328. Civ. cass., 25 juillet 1837. S., 37, 1. 885. Req., 25 février 184 S., 40, 1, 341. Req., M février 1841, S., 41, 1, 492. Req., 2 février 184 S., 42, 1, 116. Req., 6 juin 1866, S., 67, 1, 257. Gpr. Arr.Cons.,11 avi 1848, Lebon, 172. Req., 21 janvier 1862, S., 62, 1, 668. Req., : janvier 1868, S., 68, 1, 225. Req.* 26 mars 1872, S.,. 72, 1. 372. Cpr. Ci cass., 20 avril 1863, S.. 63, 1, 848. Civ. cass., le* avril 1890, Journal J Loi du 12 mai.

39 Cpr. Req., 10 février 1864, S.. 64, 1, 257. Voy. cependant sur cas il y aurait nécessité d'interpréter un acte administratif : texte note 31 suprà. Par application de la règle que le juge de l'action est aus le juge de l'exception, le juge du possessoire est en principe compéte pour apprécier l'exception de doinanialilé, laquelle est exclusive de ton possession utile, mais à la condition (pie cet examen ne porte aucune ; teinte aux droits de l'autorité administrative. Req., 13 avril 1869. S., 6 1, 450. Tribunal des conilits, 27 mai 1876, Commune de Sandouvill Lebon. 500. Civ. rej.. 29 janvier 1878, S., 78, 1, 2i9. Req., 19 juill 1882, S., 83, 1, 73. Civ. cass., 8 janvier 1884. S.. 84, 1, 332. Tribun des conflits, 6 décembre 1884, Laeombe, Lebon, 890. Cpr.Req., 26 ma 1872, S., 72, 1, 372.

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOIRES. § 186. 219

et le possessoire, prendre, dans le cours de l'instance liée devant lui, des mesures provisoires relatives à la garde et à la conservation de la chose litigieuse *°. Mais il ne pour- rait, même par mesure provisoire, statuer sur une demande incidente qui constituerait une véritable action possessoire 41. b. La règle qui défend le cumul du possessoire et du pé- titoire, s'applique également aux parties. A ce point de vue, elle signifie que, le possessoire une fois engagé, le pétitoire ne peut être poursuivi tant que l'instance possessoire n'est pas terminée42. Il en résulte d'une part, que celui qui s'est pourvu au possessoire rie peut agir au pétitoire, tant que l'instance liée au possessoire n'a pas été vidée, soit par un jugement définitif, soit par un désistement accepté ou tenu pour ac- cepté 43. Il en résulte, d'autre part, que le défendeur au possessoire ne peut également se pourvoir au pétitoire, tant que l'instance se trouve encore liée au possessoire . Art.

40 Art. 1961. Cpr. § 409, texte et note 3.

41 Voyez les arrêts cités à la note 3 supra.

42 Elle signifierait en outre, suivant la Cour de cassation, que le pos- sessoire ne peut être joint au pétitoire par la môme action, et devant le môme juge. Cpr. Civ. cass., 5 août 1845, S., 46, 1,46. Telleétait, en effet, la portée de la défense du cumul dans notre ancien Droit, sous l'empire duquel le même juge connaissait et du possessoire et du pétitoire. Cpr. Ordonnance de 1667, tit. XVIII, art. 5. Mais depuis la loi des 16-24 août 17(.)(). qui a créé les juges de paix, et qui leur a attribué la connaissance exclusive des actions possessoircs, l'impossibilité, soit de soumettre à un juge de paix une question pétitoire, à l'occasion d'une action pos- sessoire liée devant lui, soit de porter devant un tribunal de première instance, saisi d'une action pétitoire, une demande incidente relative à la possession, est plutôt le résultat d'une incompétence ratione rnate- riœ, que la conséquence de la simple prohibition du cumul. C'est pour ce motif que nous avons cru devoir traiter séparément la question du cu- mul et celle d'incompétence.

43 Req., 3 mars 1836. S., 36, 1. 873. Cpr. Crim. cass., 9 mai 1828, S., 28,1, 331.

•; Mais on ne doit pas conclure de là, que le défendeur, qui s'est pourvu au pétitoire avant le jugement définitif du possessoire, soit par cela même non rccevable à interjeter appel de la sentence rendue contre lui au possessoire. Civ. cass., 19 décembre 1859, S., 60, 1, 151. Cpr. Civ. rej.,9juin 1869, S., 69, 1,412.

220 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

27. Dans ces deux hypothèses, la demande prématurémen formée au pétitoire devrait être déclarée non recevable4l8 c. Le demandeur au pétitoire est, par cela même, et du fait de l'assignation *■ bis, déchu de la faculté d'agir au possessoire, pour les troubles antérieurs à l'introduc- tion de la demande. Art. 2G. Il n'y serait pas recevableJ même en se désistant de cette dernière VG, eût-elle été

45 On a cependant soutenu que la violation de la défense établie par la première partie de l'art. 27 du Code de procédure, n'entraîne qu'une sim- ple fin de non procéder, et non une véritable fin de non recevoir, de telle sorte qu'il n'y aurait pas lieu à rejeter la demande, mais seulement à re- fuser toute audience au demandeur jusqu'après le jugement au posses- soire. Voy. en ce sens : Bélime, 475. Crémieu, no 435. Ces auteurs restreignent à notre avis, le sens naturel des termes ne pourra se pour- voir au pétitoire, qui emportent l'idée d'un obstacle s'opposant à l'intro- duction de la demande, tout aussi bien qu'à l'instruction et au jugement de la cause. La seule concession que l'on puisse faire à cette opinion, c'est d'admettre la validité de l'assignation à l'effet d'interrompre la pres- cription, s'il apparait, d'après les circonstances, et surtout par le résultat même de l'action possessoire, qu'elle n'a été formée que dans le but de mettre le demandeur au pétitoire dans l'impossibilité d'introduire en temps utile une demande interruptive de prescription. Cpr. Curasson. II. 739. p. 528, note 1. Wodon, II, 672. Civ. rej.,15 avrill833, S., 33, 1, 278.

43 bis. Civ. cass., 16 février 1881, S., 83, 1, 462. Une citation en conci- liation ne suffirait pas à elle seule. Req., 24 mars 1868, S. 68, 1, 361.. Mais il faut qu'il s'agisse d'une demande en revendication dirigée contre la même partie et dont le juge a été saisi. Civ. cass., 1er décembre 1880, S., 81, 1, 303. La Cour de cassation se réserve d'ailleurs le pouvoir d'apprécier la nature de l'action intentée. Civ. cass., 6 décembre 1853, S., 54, 1, 793.

46 La raison en est que celui qui introduit une action pétitoire, n'est pas censé avoir renoncé au bénéfice de sa possession : (Non enim videtur possession i renwitiasse, qui rem vindicavit. L. 12, § 1, D. de acq. vcl amitt.poss., 41,2. Req., 9 juin 1852, S., 52, 1,555. Civ. rej.. 15 novembre 1865, S., (j6, 1, 97. Civ. cass., 16 février 1881, D., 81, 1, 413; S., 83, 1 462. Civ. cass., 13 juillet 1886, D., 87, 1, 74 ; S., 89, 1, 251), il est ré- puté avoir renoncé seulement à la faculté de demander, parla voie posses- soire, la réparation des troubles antérieurs à sa demande. Carré, op. cit., I, p. 54, quest. 127. Crémieu, no 428. Zachariae, § 192, texte et note 4. Curasson, II. 732. p. 506. Voy. cep. Req.. 2 février 1857. S.. 57, I. 650. Req., 19 avril 1869, S., 69, 1, 265. Cpr. sur les effets de l'in- troduction d'un référé : Curasson, II, 732, p. 503. note 6. Rousseau et Laisney, Act. poss., 593. Bourbeau, VII, 406. Wodon. Il, 659. Req., 1er février 1860, S., 60, 1, 973. Req., 7 mars 1866, S., 60,

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOIRES. § 186- 221

portée devant un juge incompétent 47. Mais rien n'empêche que, si de nouveaux troubles sont commis dans le cours de l'instance au pétitoire, il ne se pourvoie par action pos- sessoire pour en demander la répression 48.

A la différence du demandeur, le défendeur au pétitoire est autorisé à agir au possessoire pour tout trouble de pos- session, même antérieur à la demande formée contre lui49.

d. Le défendeur qui a succombé au possessoire, ne peut se pourvoir au pétitoire, qu'après avoir pleinement satis- fait aux condamnations prononcées contre lui 30. Pp. c. art. 27, al. 1. L'action pétitoire, introduite avant l'accomplis- sement de cette condition, devrait, comme dans l'hypothèse

I, 239. La déchéance de l'art. 26, G. pr. c. n'est pas applicable au cas d'une citation en conciliation à fins de bornage, non suivie d'assignation. Req., 24 mars 1868, S., 68, 1, 360. Il en serait de même d'une de- mande en bornage formée subsidiai rement à une action en complainte Req., 22 lévrier 1888, S., 88, 1, 213. Cpr. Carré et Chauveau, I, quest., 127, bis. Bourbeau, VII, 406. Curasson, II, 732. Wodon, II, 127, bis. Rous- seau et Laisney, Act. poss., 590. Voy. quant aux effets d'un com- promis sur le pétitoire : Req., 27 juin 1843, S., 43, 1, 816. Bien que le demandeur à lins de dommages-intérêts, contre lequel le défendeur exci- pait d'un droit de servitude ou de propriété, ait pris lui-même des con- clusions en réplique, il n'en est pas moins rccevable à agir au posses- soire : son action n'a point le caractère d'une action pétitoire. Req., 9 novembre 1875, S., 76, 1, 56.

47 Cpr. Wodon, II, 659. Curasson, II, 732, note 6. Civ. rej., 15 novem- bre 1865, S., 66, 1,97.

48 En pareil cas, en effet, la présomption de renonciation dont il a été question à la note 46, n'aurait plus aucun fondement. Zachariae, § 192, texte et note 5. Req.* 7 août 1817, S., 18, 1, 400. Civ. cass., 17 avril 1837, S.. 37, 1, 868. Req., 22 juillet 1837, S., 37, 1, 872. Voy. aussi : Req., 6 août 1863, S., 63, 1, 474.

49 Arg. a contr. art. 26. L'auteur d'un trouble de possession ne peut, en introduisant une action pétitoire, priver le possesseur du bénéfice de l'action possessoire ouverte à son profit. Carré et Chauveau, Lois de la procédure, I, quest. 128. Carré, De la compétence-, II, p. 368. Curasson,

II. p. 506, note a. Bélime, no 503. Crémieu, n°s 431 et 432. Zacharia*, § 192, texte et note 6. Bourbeau, VII, 410. Wodon, II, 657. Civ. cass., 8 avril 1823. S., 23. 1, 305. Civ. cass.. 3 août 1845, S.. 46, 1, 46. Req., 19 avril 1869, S., 69, 1, 265. Req., 16 décembre 1874, S., 75, 1, 64.

;i0 Cpr. Civ. cass., 30 novembre 1840, S., 41, 1, 58.

222 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

dont il a été précédemment question, être déclarée non re- cevable *l.

Toutefois, si le demandeur au possessoire se trouvait en retard de faire liquider les dommages-intérêts et les frai|

qui lui ont été adjugés, le défendeur pourrait, pour celle liquidation, l'aire fixer, par le juge du pétitoire, un délai, passé lequel l'action au pétitoire serait reçue1". Code de Procédure art. 27, al. 2.

e. La décision intervenue au possessoire ne préjuge le pétitoire ni quant aux faits mêmes de possession, ni quant aux caractères de ces faits "3, ni quant aux causes d'inter- ruption ". Cependant, si le juge du possessoire avait in— compétemment statué sur le pétitoire par une décision qui ne fût plus susceptible d'être réformée, elle aurait, même au pétitoire, l'autorité de la chose jugée 55.

£. Des règles spéciales auv diverses actions possessoires.

§187. ;

a. De la complainte.

Des personnes admises à exercer la complainte, et de celles contre lesquelles

cette action peut être formée.

Toute personne qui, par elle-même ou par autrui, possède un immeuble corporel animo do mini, ou exerce, comme lui appartenant, un droit de servitude, de jouissance, ou d'usage, susceptible de former l'objet d'une action pos- sessoire, est admise à intenter la complainte.

51 Cpr. Civ. rej.. M août 18.V2. S.. 52, 1, 810.

*2 Cpr. Paris. i>8 mai 4853, S.. :>3. 2, 462. Cpr. Bourbeau. VJ1. VU.

58 Zachariae, § 19u2, texte et noie 7. Civ. rej., 14 mars IK.Vk S., 54, l, 624. Req., 2S décembre lS.w . S.. :i8, 4, 7*4. Req., 18 décembre lS(i;>. S.. 66, I. 55. Req., 20 janviei' 1808, S.. 68, l, 225. Req., 10 juin 1808, S., 08, i, \\\\. Riq., 17 juillet 1870, S., 77, I. 71. Voy. aussi les autres an lorilés citées à la note 80 du §769. Cpr. Req., -Il) juin I88<), i).. 81). 1 . 337.

s* Civ. rej., Il aYrill86:i.S..0:i.l.-2!2i.J{e(l.,h1' août 4872,0., 72,4, 34ft

^ Curasson, II, 744. Voy. à cet égard les autorités citées à la note 9 du S 769.

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOIRES. § 187. 223

Tout possesseur d'un immeuble môme indivis a le droit de faire respecter sa possession contre toute prétention ou tout acte de nature à la contredire : d'où il résulte que le communiste est recevable à intenter la complainte contre les tiers, sans avoir besoin du concours de ses consorts1. Il peut même l'exercer contre ceux de ces derniers qui, en le trou- blant dans sa jouissance, manifesteraient des prétentions con- traires à la possession commune 2. Ces propositions s'appli- quent notamment aucopossesseurdun mur, d'une haie ^is ou d'un fossé mitoyen 3, et d'une cour dH§ ou d'une allée commune.

1 Civ. cass., 23 novembre 1836, S., 36, 1,532. Giv. cass.,7 avril 1875, S., 75, 1, 299. Civ. cass., 1er mai 1889, S., 90, 1, 14.

2 Estrangïn, Dissertation, S., 24, 2, 236. Curasson, II, 688. Civ. cass., 10novembrel812, S., 13, 1, 149. Req., 8 décembre 1824, S., 25, 1, 197. Civ. cass., 27 juin 1827, S., 27, 1, 411. Civ. cass., 19 novembre 1828, S., 29, 1,409 et 110. Req., 4 avril 1842, S.. 42, 1.686. Req., 6 janvier 1852, S.. 52, 1, 317. Req., 11 novembre 1867, S., 68, 1, 171. Req., 14 février 1876, D., 77, 1, 327. Req., 28 juin 1876, S , 76, 1, 127. Req., 13 décembre 4876, S., 79, 1, 469. Civ. cass., 22 juin 1881, S., 82, 1, 8. Req., 23 dé- cembre 1885, S., 86, 1, 160. Suivant ces arrêts, l'action possessoire ne peut, entre communistes, être fondée que sur des actes ayant pour but ou pour conséquence directe une appropriation exclusive de la chose com- mune au profit de leur auteur, ou une restriction injuste des droits utiles exercés par les autres copossesseurs. Mais elle ne serait pas recevable de la part du communiste, si les actes de jouissance exercés sur la chose commune par le copropriétaire ne dépassaient pas les limites du droit de copropriété, et s'ils ne causaient pas de préjudice au demandeur. Cpr. Civ. rej., 31 juillet 1872, S., 72, 1. 334.

3 bis Req., 2 février 1876,S.,78, 1, 21. Civ. cass., 3 avril 1889, S., 90. 1, 1 1. Mais il est indispensable que le demandeur en complainte prouve l'exis- teace d'une possession exclusive : des faits constitutifs d'une possession promiscue ne sauraient suffire. Voir § 217, texte 2 et note 10.

3 La recevabilité de la complainte est en principe incontestable ; et si la mitoyenneté est reconnue, l'admission de cette action, en cas de trou- ble apporté à la jouissance commune, ne saurait faire difficulté. Req. 14 avril 1830, S., 30, 1, 296. Que si la mitoyenneté était contestée, le juge du possessoire pourrait, pour éclairer la situation respective des parties au point de vue de la possession, consulter non-seulement les signes ou marques de non-mitoyenneté, mais encore les titres. Cpr. Pardessus, Des servitudes, II, 326, p.* 267 et suiv. Civ. cass., 6 avril 1824, S.. 34, 1. 281.

3fosReq., 28 juin 1876, S., 78, 1,21.

224 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

L'usufruitier est également recevante à intenter la com- plainte pour tout trouble apporté à sa jouissance, soit par des tiers, soit même par le nu-propriétaire \

Les personnes qui ne possèdent que pour le compte dau- trui, et qui n'exercent en leur propre nom qu'un droit per- sonnel de jouissance, sont sans qualité pour former la complainte. Tels sont le fermier, le locataire, le créancier sur antichrèsc % et même, à notre avis, l'emphytéote 6.

La complainte est recevable contre toute personne qui a commis un trouble de possession, ou qui l'a fait commettre. Elle serait donc admise contre l'adjudicataire d'un im- meuble saisi, qui aurait tenté de se mettre en possession de cet immeuble, au préjudice d'un tiers possesseur \ et contre un ancien fermier qui, après l'expiration du bail,

4 Toullier, III, 418. Duranton, IV, 513. Proudhon, De l'usufruit, III, 1259. Pardessus. Des servitudes, II, 332. Henrion de Pansey, chap. 40.

Vazeillc, Des prescriptions, II, 712. Bélime, nos 302 et 303. Zacharia1, | 190 a, texte et note 3 ; § 190 b, note 3 ; § 277, texte in fine. Curasson, II, 599. Garsonnet, I, § 132, note 18. Rousseau et Laisncy, no 313. Civ. cass., 14 décembre 1840, S., 41, 1, 237. Tribunal de Muret, 23 dé- cembre 1869, S., 70, 2, 87. Le curé et le conseil de fabrique d'une paroisse ont le droit d'exercer la complainte pour taire cesser les trou- bles de possession, causés par les actes de l'autorité municipale et attei- gnant la jouissance du presbytère, Civ. cass., 13 juillet 1887, S., 88, 1, 76. Cpr. infrà, §189, note 12. "

5 Carré, Compétence, II, 410. Carou, 238. Zachariae, § 190 a, texte et note 4. Cpr. cep. Bélime, 312. Pour le locataire. Voy. Guillouard du Louage, 1, no 162. Mais les compagnies de chemin de fer, bien que n'ayant pas la propriété des voies qui leur sont concédées, sont investies du droit de veiller à la conservation de tout ce qui forme l'objet de leur concession et d'intenter en conséquence l'action possessoirc. Req., 5 no- vembre 1867, S., 67, 1, 417.

0 Cpr. Curasson, 11, 603. § 185, texte no 2 et note 24 ; § 224 bis.

7 En vain l'adjudicataire se prévaudrait-il du jugement qui a condam- né la partie saisie au délaissement, puisque ce jugement ne lui a trans- mis, soit quant à la propriété, soit quanta la possession, d'autres droits que ceux qui appartenaient au saisi, et qu'il n'a pu priver le tiers posses- seur des avantages attachés à sa possession. Pr. G., art 717. Bourbeau, VII, 345, Garsonnet. 1 , § 131 bis note II. Civ. cass., 7 février 1849, S., 49, 1 , 401 .

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOIRES. § 187. 225

prétendrait se maintenir en possession pour son propre compte 8.

La complainte est régulièrement intentée contre celui qui a commis personnellement un trouble de possession, encore qu'il prétende n'avoir agi que comme représentant ou d'a- près les ordres d'un tiers, par exemple, de son bailleur, ou d'une commune, sauf à lui à mettre en cause la personne pour le compte de laquelle il aurait agi 9. Après le décès de Fauteur du trouble, cette action est utilement dirigée contre ses héritiers ou successeurs universels 10.

La complainte peut être formée contre tout détenteur, même de bonne foi, qu'il soit ou non le successeur de l'au- teur de la dépossession ou du trouble, en tant du moins que cette action a pour objet le délaissement de l'immeuble li- tigieux, ou le rétablissement des choses dans l'état elles se trouvaient avant le trouble 11. Quant aux dommages-

8 Bélime, nos 327 et 328. Crémieu, 312. Curasson, II, no 602. Req., 6 frimaire an XIV, S., 7, 2, 772. Voy. cep. Zacharise, § 190 b, texte in fine, et note 3. Cet auteur, qui enseigne, qu'au refus du preneur de restituer en lin de bail la chose louée, le bailleur est non recevable à agir au pos- sessoire, et ne peut procéder que par l'action personnelle naissant du contrat, a eu le tort d'émettre une proposition beaucoup trop générale, et de ne pas distinguer l'hypothèse indiquée au texte, de celle la résis- tance du preneur serait fondée sur des motifs tirés de la convention inter- venue entre lui et le bailleur. Curasson, II, 602, note 2, p. 172.

9 Bourbeau. VII, 321. Curasson, II, 728, p. 497, a. (jarsonnet, I, § 134, notes 14 et 16. Req., 19 mai 1828, S., 29, 1, 110. Req., 15 juillet 1834, D., 1835, 1, 431. Civ. cass., 13 juin 1843, S., 43, 1, 597. Cpr. Civ. rej., 25 juin 1889, D., 90, 1, 151.

10 Les héritiers et successeurs universels, responsables de tous les faits de leur auteur, sont notamment tenus des obligations qui procèdent d'un délit ou d'un quasi-délit. 11 en résulte que, dùt-on même considérer la complainte comme reposant exclusivement sur le fait illicite du trouble ou de la dépossession, elle resterait toujours ouverte contre les héritiers ou successeurs universels de l'auteur de ce fait illicite, comme elle l'était con- tre ce dernier. Zachariœ, § 190, b, texte in principio. Voy. cep. Crémieu, oos 389 à 391.

11 Dans les principes de notre Droit, la complainte est accordée pour la protection de la saisine possessoire ; et l'on ne peut dire, comme pour la réiniégrandc, qu'elle soit exclusivement fondée sur le fait illicite du trouble ou de la dépossession, ce lait n'étant en réalité ([lie la cause occa,.

n 15

226 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

intérêts, le paiement n'en peu! être poursuivi que contra L'auteur de L'atteinte portée à la possession et contre ses héritiers ou successeurs universels : ses successeurs par- ticuliers n'en sont point passibles, à moins qu'il n'aient été de mauvaise foi.

Des qualités que doit avoir la possession, et du temps pendant lequel elle doit avoir duré, pour donner lieu à la complainte.

L'art. 23, C. Pi\, en indiquant d'une manière énonciative quelques-unes des qualités que doit avoir la possession pour autoriser la complainte, n'en donne point une énu- mération complète 12. Il y a lieu, pour la compléter, de recourir à l'art. 2229 du Code civil en admettant qu'en gé-

sionnelle de son exercice. D'un autre enté, le délaissement de l'immeuble litigieux, ou le rétablissement des choses dans leur ancien état, ne peut être demandé que contre celui entre les mains duquel se trouve cet im- meuble, ou le fonds sur lequel ont été établis les travaux qu'il s'agit de faire disparaître ou modifier. Il résulte de ces considérations que la com- plainte présente sous "ce rapport un caractère de réalité, comme le droit probable de propriété ou de servitude qu'elle est destinée à garantir. Du- ranton, IV, 245. Troplong, De la prescription, I, 288. Bélime, no 210. Crémieu, 392. Voy. en sens contraire : Zachariae, §190 b, texte et note 2. 12 L'objet principal de cet article est de déterminer, d'une part, le temps pendant lequel la possession doit avoir duré pour autoriser la complainte, et de fixer, d'autre part, le délai dans lequel cette action doit être formée a peine de déchéance. La complainte n'étant recevable que si la double condition de la durée de la possession et du délai pour agir est remplie, il nous est difficile au premier examen adhérer à la doctrine d'un arrêt de la Chambre des Requêtes (28 janvier 1870, S., 80, 1, 23), sui- vant lequel le juge du possessoire a pu accueillir une action en com- plainte, en se bornant à affirmer la possession annale du demandeur «sans qu'il fût besoin de viser spécialement chacune des conditions qui la constituent». En répondant simplement que le demandeur a la possession annale, le juge du possessoire met la Cour de cassation dans l'impossibi- lité de savoir si les deux conditions constituant l'annalité de la possession sont remplies : s'il est justifié d'une part, de faits de possession utile dans l'année, et. d'autre paît, d'un trouble commis dans l'année. Le con- trôle du caractère juridique de ces constatations devient impossible. Tou- tefois cet arrêt pourrait peut-être se justifier par la considération qu'au- cunes conclusions n'avaient été prises dans l'espèce pour dénier la date du trouble.

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOIRES. § 187. 2*37

néral,et sauf de rares exceptions13, la possessionne peut au- toriser la complainte que lorsqu'elle réunit les qualités dont elle doit être revêtue pour servir de base à l'usucapion u. Il faut donc qu'elle apparaisse exempte de tout vice de pré- carité1'*^, de clandestinité, ou de violence, qu'elle soit non équivoque, et que de plus, elle ait duré d'une manière con- tinue et non interrompue pendant le laps de temps requis pour acquérir la saisine possessoire.

Les explications données au § 180 sur les vices de la possession nous dispensent d'y revenir ; nous nous conten- terons de rappeler, en ce qui concerne spécialement la précarité, que ce vice, qui est absolu en tant qu'il s'applique à la détention de ceux qui possèdent pour le compte d'au- trui, n'est plus que relatif, au point de vue del'actionpos- sessoire, lorsqu'il s'agit de la quasi-possession de droits de servitude, de jouissance, ou d'usage, exercés par suite d'une simple tolérance. L'exercice de pareils droits autorise ainsi la complainte contre toute personne autre que l'auteur de la concession précaire 1S.

La possession cesse d'être exclusive, et elle devient pro- miscue, lorsque deux personnes exercent en concurrence des actes de jouissance sur le même immeuble 15 bis, La

13 Cpr. texte et note 15 infrà ; § 185, texte 4, et texte 5, note 55.

14 Rapport au Corps législatif, par Faure, orateur du Tribunat (Locré, Lég., XXI, ]). 558, 11). Troplong, De la prescription, I, 331. Curas- son. II, p. 108a.Bélime,nos 528 et 29.Crémieu, no 264. Carou, no 665. Za- chari8e,§188, texte et note2. Req., 24 avril 1866, S , 66, 1, 440. Req., 2 mars 1869, D., 70, 1, 133. Contra: Serrigny, Droit administratif,!!, 695.

14 bis. Req., 14 mai 1877, S., 78, 1, 451. Des faits accidentels, tolérés par suite de bon voisinage, ne suffisent pas pour vicier la possession. Req., 9 décembre 1889, S., 90, 1, 414.

15 Gpr. § 180, texte no 1 et note' 16 ; § 185, texte no 4.

13 bis. Giv. cass., 4 janvier 1888, S., 88, 1, -101. Giv. cass., 3 avril 1889, S., 90, 1, 14.11 faut se garder de confondre avec la possession promiscue, la possession commune, et la possession partielle, comme Ta fait l'arrêt des Requêtes du 6 janvier 1852 S., 52, 1, 319 ; en réalité il s'agissait de copossession. Voy. sur la possession commune pro indiviso. L., 1, § 7. D., Uti poss., 43, 17; § 187, texte 1, notes 1 à 3. Voy. sur la possession pro diviso, d'une partie déterminée d'un immeuble, loi citée et § 185, texte, nol in fine, notes 14 et 15. Gpr. Req., 6 juin 1866, S., 67, 1, 257.

228 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

possession promiscue n'est efficace pour aucune des parties, et elle ne peut pas plus servir de base à une demande prin- cipale qu'à une demande reconventionnelle en com- plainte 11V tv\ [[ n'en serait autrement que si l'une des parties était à même de justifier d'un droit de propriété intégrale, ou d'une possession annale exclusive antérieure à la possession promiscue. Dans le premier cas, ses actes de jouissance devraient être considérés comme exercés a titre de propriétaire, et par conséquent, comme efficaces, tandis que ceux de la partie adverse devraient être écartés comme entachés de précarité. Dans le second cas, l'ancien possesseur annal aurait conservé, par les actes de jouissance qu'il a continué d'exercer, le bénéfice de sa possession an- térieurement acquise, bénéfice que n'a pu lui faire perdre la jouissance promiscue de son adversaire 13 quater.

Les règles relatives à la continuité et à la non-interruption de la possession, dont il a déjà été sommairement question au§ 179, seront plus amplement développées dans la théorie de l'usucapion. On y expliquera également ce qu'il faut entendre par une possession équivoque. Nous nous borne- rons donc à indiquer ici certaines particularités qui se rat- tachent au temps pendant lequel la possession doit avoir duré pour donner ouverture à la complainte.

Le laps de temps nécessaire pour acquérir la saisine pos- sessoire et pour autoriser la complainte, est d'une année au moins 16. C. Pr. art. 23.

15 ter. Aucune des parties ne justifiant d'une jouissance exclusive, elles ne sont, ni l'une ni l'autre, en droit de réclamer une maintenue posses- soire exclusive. La difficulté résultant d'une pareille situation ne peut être résolue au possessoire, où, par la force des choses, le débat ne peut aboutir qu'au maintien du statu quo, et il importe peu, en ce cas, que le défendeur se soit borné à repousser la demande principale, ou qu'il ait formé de son côté une demande reconventionnelle. Cpr. note 50, in frit. Quant au pétitoire, Voy. § 217, texte 2.

,;i quater. Cpr. Giv. cass.. (ijuin 1S8H. S.. 8!», 1. 157.

16 En vertu du § l0'' de l'art, 6 de la loi du u25 mai -1838, attribuant aux juges de paix la connaissance des entreprises commises dans l'année sur les cours d'eau servant à l'irrigation des propriétés, le riverain peut se taire maintenir en possession des eaux servant à l'irrigation, sans être te-

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOIRES. § 187. 229

La possession annale doit avoir immédiatement précédé le trouble ou la dépossession dont se plaint le demandeur en complainte. Mais il n'est pas nécessaire que les faits constitutifs ou indicatifs de cette possession annale aient été accomplis dans l'année qui a précédé le trouble ou la dépos- session17. Il suffit que la possession antérieurement acquise n'ait pas été perdue par un abandon volontaire, ou par une interruption de plus d'une année 18. x\u cas contraire, les

nu de prouver que. depuis plus d'une année avant l'entreprise dont il se plaint, il avait la possession civile de la chose contestée. Giv. cass., 19 no- vembre 1866, S., 67, 1, 32. Mais il en serait autrement si l'eau n'était pas détournée à l'endroit elle traverse ou borde la propriété : dans ce der- nier cas le demandeur devrait justifier de l'annalité de sa possession. Giv. rej., 12 novembre 1889, D., 90, 1, 5. Les termes une année au moins, dont se sert l'art. 23 C. Pr., ne sont pas synonymes des mots an et jour, autrefois employés pour indiquer le laps de temps nécessaire à l'ac- quisition de la saisine possessoire. Il résulte bien de la rédaction de l'ar- ticle précité qu'il faut, à cet effet, une année complète de possession ; mais il en résulte aussi que le jour en sus n'est plus exigé. L'on invoquerait en vain, pour soutenir le contraire, la disposition de l'art. 2243 du Code civil, d'après lequel l'interruption de la possession n'entraine celle de la pres- cription que quand elle a duré pendant plus d'une année. Il n'y a rien à conclure quant au temps nécessaire à l'acquisition de la saisine, de cette disposition, qui concerne exclusivement la perte de la possession. Bélime, no 340. Crémieu, no 269. Bourbeau, VII, 298. Garsonnet, I, 136, p. 590, note 45. Cpr. Civ. rej., 19 mars 1834, S., 34, 1, 838, Civ. rej., 23 avril 1873, S., 73, 1, 304. Voy. en sens contraire : Carou, no 696. Curasson, II, no 563.

17 Garsonnet, I, § 136, p. 590. Req., 4 juillet 1838, S., 38, 1, 882. Cpr. Civ. rej., 19 mars 1834, S., 34, 1, 838. Civ. rej., 5 juin 1839, S., 39,1, 621.

18 Cette doctrine a été récemment consacrée par la Cour de Cassation. Civ. rej., 12 février 1889, S., 90, 1, 13. On lit dans cet arrêt a que la possession « légaled'un fonds immobilier,une fois acquise, se conserve par laseule inten- « tion du possesseur aussi longtemps qu'elle n'a pas été volontairement aban- « donnée : qu'elle autorise donc l'action en complainte contre l'auteur d'un «trouble, à la condition toutefois que cette action soit exercée dans l'année « qui l'a suivi ». Voy. conf. Req., 11 décembre 1890, Journal La Loi des 3 et 4 février 1890. Décider autrement, serait méconnaître les attributs de la propriété. En effet, le propriétaire d'un immeuble n'est pas tenu, pour maintenir son droit, de l'exercer d'une manière effective et continue. Nul ne saurait le contraindre à habiter sa maison, ou à cultiver son champ. Il peut, sans renoncer à son droit de propriété, laisser la maison vacante,

230 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

faits anciens de possession ne pourraient plus rire pris en considération ; et, pour apprécier la recevabilité de la com- plainte, le juge du possessoire devrait exclusivement sat-

etle champ en jachère. C'est môme ce qui arrive parfois pour des par- celles de peu d'étendue ou d'un accès incommode, qui ne sont pas cul- tivées constamment. Dès que la volonté de posséder persiste et que la possession n'a point été interrompue pendant plus d'une année, le possesseur est légalement autorisé à se détendre par l'action posses- soire contre les agressions des tiers. Vainement invoquerait-on les dis- positions de l'art. 2234 qui parle du possesseur actuel, car la question est précisément de savoir s'il ne faut pas considérer comme tel celui qui a conservé la possession solo anime L'on ne pourrait davantage soutenir que le temps intermédiaire entre en ligne de compte, mais seulement pour relier ensemble deux possessions corpore et animo, l'une ancienne, et l'autre contemporaine du trouble : cette règle, en effet, s'applique seu- lement à la possessio ad usucapionem, et pour la rendre efficace : sans quoi la preuve de la continuité de la possession eût été souvent impossible. Req., 5 décembre 1816, D., Rép., Action possessoire, no 256, note 1. D., ibid., nos 88 et 289. Cpr. § 197, texte et note 17, et les autorités citées. Laurent, XXXII, 269, Curasson, II, 582. Marcadé, sur l'art. 2228, p. 80 et suiv., no 88. Contra : Bourbeau, VII, 325. Vazeille, Prescrip- tion, no 36. Req., 8 avril 1867, S., 68, 1, 33. Cpr. quant aux actes d'interruption l'ait par des tiers. Req., 20 mai 1854, S., 51, 1, 812. Mais cette doctrine ne peut s'appliquer qu'à la possession d'un im- meuble, et non pas à la quasi-possession des servitudes qui sont suscep- tibles d'être protégées par l'action possessoire. En effet, dans ce dernier cas, le droit ne se manifeste que par l'exercice même de la servitude qui est immatérielle, de telle sorte que, si l'exercice du droit disparait, il ne reste plus rien, et la servitude est perdue par le non-usage. L'action pos- sessoire ne peut alors être intentée que si, en fait, le droit de servitude a été exercé dans l'année du trouble. Cpr. Civ. cass., 6 février 1833, S., 33, 1, 161. D'ailleurs, la jurisprudence admet un tempérament pour les faits de possession s'exerçant seulement à des époques périodiques plus ou moins éloignées : en ce qui les concerne, il n'est pas indispensable que les actes constitutifs ou indicatifs de la possession annale aient été accom- plis dans l'année qui a précédé le trouble : il suffit qu'ils l'aient été quand cela a été nécessaire et possible. Req., 2 mars 1869, D., 70, 1, 133. Req., 14 juin 1869, S., 70, 1, 29. Civ. cass., 4 janvier 1875, S., 77, 1, 149. Req., 19 juillet 1875, S., 76,1,159 (occupation du terrain pendant la guerre, soit par le gouvernement, soit par l'ennemi). Req., 9 juillet 1877, S., 78, 1, 120. Req., 14 mai 1881, S., 81, 1, 267. Req., 19 mars 1884, S., 86, 1, 463. Voir § 179, lettre b, texte et note 34 ; § 217, texte et note 15, sont expliquées les deux maximes, Olim possessor, hodie possessor, et Probatis extremis, prœsumitur médium.

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOIRES. § 187. 231

tacher au caractère des actes de jouissance récemment exercés 19.

La possession annale est exigée, non-seulement quand la complainte est formée contre un précédent possesseur annal, mais encore dans le cas elle serait dirigée contre une personne qui ne pourrait se prévaloir d'aucune pos- session utile, antérieure au fait de trouble ou de dépos- session qu'elle a commis 20.

Du reste, le demandeur en complainte peut, pour com- pléter l'année requise, joindre à sa possession celle de son auteur21. Art. 2235.

Du trouble de possession.

La complainte suppose un trouble de possession.

On entend par trouble, dans le sens général de ce mot, tout fait matériel ou tout acte juridique qui, soit directe- ment et par lui-même, soit indirectement et par voie de conséquence, constitue ou implique une prétention contraire à la possession d'autrui 21 &w.

Les faits ou actes de cette nature autorisent la complainte, bien qu'ils n'aient encore causé aucun dommage à celui

19 Civ. cass., 17 décembre 1862, S., 63, 1, 77. Req., 14 février 1872, S., 72,1, 384.

20 On comprend que des doutes aient pu s'élever à cet égard sous l'em- pire de l'Ordonnance de 1667, par la raison que l'art. 1er du titre XVIII de cette ordonnance ne mentionnait pas expressément l'annalité de la possession comme une condition indispensable à la recevabilité de la complainte. Mais aujourd'hui, et en présence des termes formels de l'art. 23 Pr. G., dont la disposition générale et absolue ne comporte aucune dis- tinction, nous regardons comme certaine la proposition énoncée au texte. Garnier, p. 80. Crémieu, no 268. Req., 9 février 1837, S., 37, 1, 609. Voy. on sens contraire : Pigeau, Procédure civile, liv. III, vis Pétitoire et Possessoire, II, p. 507. Carré, Des justices de paix, H, p. 382. Bélime, no 366. Gpr. Gurasson, 11, 582.

21 Art. 2235. Cpr. § 181, texte et note 4. 21 bis. Garsonnet, § 131 bis, note 6.

232 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

qui vent la former, ou que mémo ils ne soient pas de nature à lui porter un préjudice matériel 22.

Dans son acception étendue, le trouble comprend aussi bien la dépossession complète, que la simple atteinte portée à la possession.

On appelle troubles de fait, les agressions matérielles commises contre la possession 2,\ et troubles de droit, les attaques judiciaires ou extra-judiciaires dirigées contre elle H.

Les faits dommageables qui, de leur nature et d'après les circonstances dans lesquelles ils ont eu lieu, n'indiquent,

82 En d'autres termes, l'intérêt qu'a le possesseur de faire reconnaître ou respecter sa possession, suffit à lui seul, et indépendamment de tout dommage éprouvé, pour motiver la complainte. Bélime, 317. Garnicr,

I, 64. Bioche,nos 43:44. Civ. cass., 6 avril 1859, S., 59, 1,593. Y. Conf. Civ. cass., 24 août 1870, S., 71, 1, 8. Req., 13 décembre 1876, S., 79, 1, 469 et la note. Civ. cass., 26 mai 1884, S., 85, 1, 149. Civ. cass., 5 août 1885, S., 85, 1, 342. Civ. cass., 28 février 1887, S., 87, 1, 120. Civ. cass., 25 juillet 1888, S., 88, 1, 463. Chambres réunies, cass.. 25 février 1889. S., 89, 328. Civ. cass., 1er mai 1889, S., 90,1, 14. Voy. aussi l'arrêt cité à la note suivante. Cpr. Demolombe, XI, 184, 184 bis, 184 ter. Curasson,

II, ]). 26. noie a et 341, note a. Bourbeau VII, 338. Civ. rej., 28 juin 1865, S., m, 1, 164. Req., 11 novembre 1867, S., 68, 1, 171. Req. ,18 mai 1868, D.,68, 1, 335. Civ. rej., 30 juin 1869, S., 69, 1,449.

23 Le fait du riverain qui a établi des ouvrages destinés, non-seulement à défendre sa rive, mais à rejeter le courant sur la rive opposée, consti- tue une agression matérielle à la possession du propriétaire de cette rive, et une pareille agression autorise la complainte, bien qu'elle n'ait encore causé aucun dommage. Civ. cass., 1er décembre 1829, S., 30, 1, 32.

24 11 a toujours été admis en France que le trouble de droit autorise la complainte, aussi bien (pie le trouble défait. Merlin, Rëp., Complainte, §4, 1. Hcnrion de Pansey, chap. 37. Favard, Rép., \o .Complainte, §2. Rauter, Procédure civile, % 396. Bélime, 330. Crémieu, 313. Voy. aussi les autorités citées aux notes 42 à 47 infrà. Voy. en sens contraire. Zachariœ, g 189, texte, notes 5 et 6. L'opinion de cet auteur paraît être le résultai d'une appréciation incomplet»1 des effets du trouble de droit, qui ne doit pas être considéré comme s'al laquant exclusivement au droit. Bien que ne portant aucune atteinte au fait matériel de la possession, le trouble de droit n'en constitue pas moins une attaque contre l'élémenl intentionnel de cette dernière, et contre la présomption de l'existence du droit dont elle est la manifestation.

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOIRES. § 187. 233

de la part de leur auteur, ni prétention à un droit, ni con- testation de la possession de celui au préjudice duquel ils ont été commis, ne constituent pas des troubles de pos- session. De pareils faits peuvent bien donner lieu à une action en dommages-intérêts, mais ils n'autorisent pas la complainte25 ; et le juge de paix devrait, dans ce cas, se des- saisir^ moins qu'ilne fût compétent pour statuer sur la de- mande considérée comme une action en dommages-intérêts.

Mais la complainte serait recevable alors même que l'au- teur d'un fait qui, de sa nature, serait à considérer comme un trouble, se bornait à opposer pour sa défense qu'il n'en- tendait pas contester la possession du demandeur 26.

Pour décider si les faits allégués comme constituant une agression matérielle contre la possession, ont ou non ce caractère, il faut bien moins s'attacher à leur nature par- ticulière, qu'aux résultats qu'ils ont produits en ce qui con- cerne la possession

27

25 Bélime, nos 3 i T> et suiv. Crémieu, nos 307 à 309. Req., 29 mars 1858. et Giv. cass., 1er février 1864, S., 64, 1, 353. Giv. rej., 2 juillet 1877, S., 78, 1, 37 et la note, Civ. cass.. :i juin 1889, S.. 90. 1. 14. Cpr. 8 186, note ">. Voy. aussi : Req., 16 avril 1833, D., 33, 1, 173. Giv. rej.. Il avril 1834, D., 34, 1, 214. Ces deux arrêts sont critiqués par Bélime. comme contraires, selon lui, à la proposition énoncée au texte. Mais cette critique ne nous parait nullement fondée quant au second de ces arrêts, dans l'espèce duquel le fait de passage dont se plaignait le demandeur, constituait de sa nature un véritable trouble de possession. Dans l'af- faire sur laquelle est intervenu le premier arrêt, le fait reproché n'avait pus, il est vrai, ce caractère; mais le défendeur, loin d'avoir fait valoir ce moyen, avait jusqu'à un certain point contesté l'efficacité de la posses- sion du demandeur, comme s'appliquant à un terrain dépondant du do- maine public, et cette circonstance explique la décision de la Cour de cassation. Cpr. sur l'importance de la distinction de ces actions, Garson- net, I, § 430.

20 Aubin, Bévue critique, 1859, XV, p. 387 et suiv. Curasson, II, p. 28 à la note. Garsonnct, I, § 131 bis, note 24. Req., 15 juillet 1834, D., 1834, 1, 431. Req., 11 juin 1868, S., 68, 1, 446. Civ. cass., 40 novembre 1871, S.. 72, 1, 26. Civ. cass., 9 juin 188o, S., 87, 1, 119. Civ. cass.. 8 août 1888. S.. 90, 1. 412. Cpr. Bélime, no 319. Crémieu, no 310.

27 Cpr. Req., 18 août 1842, S., 42, 1, 965. Req., 5 avril 1869, S.. 70. 1,124.

234 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

Il importe donc peu que ces faits aient été ou non ac- compagnés de violence, et qu'ils aient eu lieu d'une ma- nière publique ou clandestine 2T bis. Il importe également peu que les travaux dont le demandeur se plaint, comme portant atteinte à sa possession, aient été exécutés sur son fonds ou sur celui du défendeur 28.

Le trouble causé par des travaux exécutés dans un in- térêt privé donne ouverture à la complainte, alors même qu'ils ont été autorisés par l'administration 29. Quant aux travaux exécutés par Y administration elle-même, dans un intérêt général de sûreté, de salubrité, de voirie ou de navigation, ils ne peuvent donner lieu à complainte, qu'autant qu'il en est résulté une expropriation au moins partielle, c'est-à-dire, soit une occupation permanente d'un terrain, soit la suppression d'une servitude active ou de droits d'usage sur un cours d'eau 30. Que si de pareils tra- vaux n'avaient occasionné qu'un simple préjudice, même permanent, la réparation n'en pourrait être poursuivie que devant la juridiction administrative 31.

La réparation, ou, qui plus est, la reconstruction, à la

27 bis. Garsonnet, I, §131 bis, note 23. Rcq., 31 janvier 1871, S., 71, 1, 7.

28 Troplong, De la prescription, H, 320. David, Des cours d'eau, II, 584. Req., 11 août 1819, S., 19, 1, 449. Rcq., 20 mai 1829, S., 29, 1, 281. Req., 26 janvier 1836, S., 36, 1, 90. Civ. cass., 18 avril 1838, S., 38, 1, 547. Voy. aussi les arrêts cités à la note 65 iufrà.

Bourbcau* Vil, 344. Rcq., 4 novembre 1846, S., 48, 1, 309. Cpr. Civ. rej., 7 juin 1848, S., 48, 1, 569. Civ. cass., 18 avril 1866, S., 66, 1, 330. Civ. cass., 22 janvier 1868, S., 68, 1, 128. Civ. rej., 30 juin 1869, S., 69, 1., 449. Req., 9 janvier 1872, S., 72, 1,225. Rcq., 19 juillet 1882, S., 83, 1, 73. Req., 9 juin 1885, S., 87, 1, 109. Cpr. note 40.

80 Req., 4 novembre 1846, S., 48, 1, 309. Civ. cass., 8 novembre 1864, S., 64, 1, 495. Cpr. cep. Civ. cass., 20 avril 1865, S., 65, 1, 210. Voy. spécialement, en ce qui concerna les travaux entrepris pour l'élargissement d'un chemin vicinal: § 185, texte 1 et note 9; § 193, texte et note 24.

31 Aubin, op. cit., p. 392. Demolombe, IX, 567. Req., 5 décembre 18^2, S., 43, 1, 25. Req., 29 mai 1845, S., 46, l, 41. Tribunal des con- flits, 29 mars et 18 novembre 1850, Lebon, 321 et 839. Riom, 3 février 1851, S., 51, 2, 187. Civ. cass., 29 mars 1852, S., 52, 1.410. Req., 9 jan- vier 1856, S., 56, 1, 317. Civ. cass., 17 juillet 1867, D., 67, 1, 312. Civ. rej., 2 juillet 1877, S., 77, 1, 37.

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOIRES.§ 187. 235

même place et dans les môme dimensions, d'un ouvrage dont l'existence remontait à une année au moins antérieure- ment aux nouveaux travaux, ne saurait être considérée comme un trouble de possession32. Au contraire, des faits d'aggravation de servitude constituent un trouble, tout comme l'exercice d'une servitude nouvelle 33.

Quant aux entreprises sur les cours d'eau, la question de savoir si elles constituent ou non des troubles de pos- session, peut se présenter sous deux aspects différents, suivant que le demandeur en complainte a absorbé la to- talité des eaux, soit pour le roulement d'une usine, soit pour tout autre usage d'utilité ou d'agrément, ou qu'il n'en a joui que d'une manière partielle et restreinte, soit pour l'irrigation de son fonds, soit pour de simples usages do- mestiques.

Dans la première hypothèse, toute entreprise qui a pour résultat de priver le possesseur d'une partie plus ou moins notable des eaux, constitue par elle-même un trouble don- nant ouverture à complainte u, à moins que les faits re- prochés au défendeur n'aient eu lieu en conformité, soit d'un règlement administratif ou judiciaire, soit d'une con- vention intervenue entre les parties 35, ou qu'ils n'aient été

32 Req., 26 février 1839, S., 39, 1, 303.

33 Civ. cass., 40 août 1858, S., 59, 4, 36. Req., 34 janvier 4876, S., 76, 4, 148. Civ. cass., 43 janvier 1880, S., 81, 4, 40. Cpr. Req., 17 niai 1843, S., 43, 1, 814. Req., 29 décembre 1858, S., 59, 1, 799.

3i En effet, le riverain qui a joui de la totalité des eaux, a une posses- sion suffisamment caractérisée pour faire considérer comme un trouble toute entreprise de nature à opérer la dérivation d'une portion quelcon- que des eaux. Civ. cass., 1er mars 1815, S., 15, 1, 220. Req., 26 janvier 1836, S.. 36, 1, 90. Req., 6 décembre 1836, S., 37, 1, 66. Civ. cass., 4 mars 1846, S., 46, 1, 401. Civ. cass., 24 avril 1850,S., 50, 1, 461. Req., 5 février 1855, S., 56, 1, 86. Req., 17 décembre 1861, S., 63, 1, 83. Cpr. Civ. rej., 4 janvier 1841, S., 41, 1, 248. Civ. cass.. 3 juillet 1867, S., 67, 4, 324. Civ. cass., 7 novembre 4876, S.. 78. 1,10.5. Req., 14 mars 1882, S., 83, 1,151.

35 Req., 17 février 1858, S., 59, 1, 491. Civ. rej., 30 novembre 1859, S., 60, 1, 372.

236 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

qu'une simple continuation, sans aucune extension, d'une jouissance antérieure 86.

Dans la seconde hypothèse, l'entreprise commise sur le cours d'eau ne peut être considérée comme un trouble, qu'autant qu'elle a porté atteinte à la possession du de- mandeur, en diminuant le volume d'eau dont il disposait, ou en entravant, sous le rapport du temps ou de toute autre manière, l'exercice des droits d'usage dont il jouissait 37. Mais il y a trouble quand ces conditions se rencontrent en fait 38, et le juge du possessoire n'a point à examiner si la jouissance des eaux, telle que le défendeur l'a exercée, est ou non abusive au point de vue des droits d'usage com-

36 Dans ce cas particulier, la jouissance de l'usinier, bien que portant, pendant la majeure partie du temps, sur la totalité des eaux, se trouve cependant restreinte à certaines époques, par l'exercice de la faculté d'ir- rigation de la part de l'autre riverain, et à supposer même que, dans l'année qui a précédé l'entreprise qui lui est reprochée, ce dernier n'ait point fait usage de la faculté d'irrigation, cette simple abstention n'a pu avoir pour effet d'étendre à son égard la jouissance de l'usinier. Cpr. texte 2 et note 17 supra.

37 La différence qui existe entre cette hypothèse et la première s'expli- que par la considération suivante : le riverain qui a employé les eaux à l'irrigation ou à des usages domestiques, a bien manifesté par l'in- tention d'exercer les droits qui lui compétaient, et par suite de s'opposer à tout acte qui aurait pour résultat de le priver en tout ou en partie des avantages dont il jouissait, mais n'a nullement annoncé la prétention d'exclure, d'une manière absolue, les riverains supérieurs de toute partici- pation à l'usage des eaux. Cpr. Req. ,18 mai 1868, D., 68, 1, 335. Req., 23 décembre 1885,S., 86,1, 460. Nec obstal. Chambres réunies cass., 2.v> février 1889, S., 89, 1, 3:28. Dans l'espèce de cet arrêt, il s'agissait de la jouis- sance d'une quote-part du volume d'eau servant à l'irrigation d'une prai- rie, mais il est à remarquer que l'eau était amenée par un canal artificiel, creusé de main d'homme, et constituant une propriété particulière : la situation devait donc être appréciée indépendamment des droits résultant des dispositions de l'art. 644.G. c, par suite l'action possessoire était fon- dée, par l'effet de la seule exécution des travaux saus qu'ils eussent pour résultat de diminuer ou d'augmenter le volume des eaux passant par le canal.

38 Civ. rej., 28 avril 1829. S., 29, 1, 183. Req., 18 juin 1850, S., 51, 1, 113. Civ. cass., 2 août 1853, S., 53, 1, 694. Civ. cass., 22 juin L881, S. 82, 1, 8. Civ. cass.. 25 juillet 1888. S., 88, 1, 463. Chambres réunies, cass., 2.'i février 1889. S.. 89, 1,328,

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOIRES.§ 187. 237

pétant respectivement aux parties en vertu de Fart. 644, droits qui ne sauraient être débattus et réglés qu'au pé- titoire 39. A plus forte raison, l'existence du trouble doit-elle être admise, lorsque, l'usage des eaux ayant été réglé par un arrêté administratif général, par un jugement, ou par une convention, l'un des riverains a contrevenu au règlement40. Du reste, il y a trouble à la possession d'un usinier, non- seulement lorsque l'entreprise a eu pour résultat de di- minuer le volume d'eau qui arrivait à son usine, mais encore dans le cas un riverain supérieur, en faisant des travaux de nature a empêcher l'écoulement naturel et continu des eaux, a substitué une force motrice intermittente à une force motrice permanente ", ainsi que dans celui un riverain inférieur, en établissant des travaux ayant pour

89 Bioche, v<> Action poss., no 20 et 330. Boitard, Colmet-d'Aage et Glas- son, 1, 626. C'est ce que la Chambre civile a nettement décidé par son arrêt du 20 mars 1860, S., 61, 1, 54, et elle a maintenu sa jurisprudence. Giv. cass., 24 août 1870, S., 71, 1, 8. Civ. cass., 11 juillet 1877, S., 78, 1, 20. Civ. cass., 26 mai 1884, S., 8o, 1, 149. Civ. cass., 5 août 1883, S., 85, 1, 342. Civ. cass., 28 février 1887, S., 87, 1, 120. Civ. cass., 25 juillet 1888, S., 88,1,463. Chambres réunies, cass., 23 février 1889, S., 89, 1,328. La Chambre des Requêtes a longtemps jugé en sens opposé. Req., 16 février 18-24, S., chr. Req., 4 juin 1844, S., 44, 1, 729. Cpr. Req., 16 janvier 1866, S., 66, 1, 101. Req., 2 avril 1872, S., 72, 1, 376, et la note et g 183 texte et note 52.

40 Bourbeau, VII, 341. Curasson, II, 679. Req., 16 janvier 1856, S., 56, 1,577. Req., 3 août 1863, S., 63, 1, 413. Il en est autrement des règle- ments individuels pris non dans un intérêt général de police et de distri- bution des eaux, mais sur la demande et dans l'intérêt d'une partie, pour autoriser un établissement sur un cours d'eau et déterminer les conditions sous lesquelles la permission est accordée. De pareils règlements ne sau- raient préjudicier aux droits des tiers, droits qui sont toujours réservés. Le riverain trouble dans sa possession par l'exécution d'un règlement d'eau individuel peut, par la voie de l'action possessoire, saisir l'autorité judi- ciaire d'une demande tendant ;i la modification et même à la suppression d'ouvrages autorisés par l'administration. Civ. cass., 18 avril 1866, S., 66, 1, 330. Req., Civ. cass., 22 janvier 1888, S. 68, 1. 128. Tribunal des Conflits, 26 décembre 1874, Lebon, 1036 et la note : S.. 75, 2. 151. Req., 19 janvier 1875. S., 73, 1 . 205. Cpr. § 2463 texte et note 41.

41 Req., 3 août 1852, S., 52. 1, 652.

238 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

effet de faire refluer les eaux vers l'usine, a diminué la force motricede la chute (Veau42.

Le trouble de droit peut résulter de tout acte extrajudi- ciaire par lequel une personne s'arroge la possession d'un fonds possédé par une autre personne, ou manifeste une prétention contraire à la possession d'autrui *3. C'est ainsi que la sommation faite à un fermier par un tiers de payer les fermages entre ses mains, constitue un trouble à la pos- session du bailleur **. Pareillement, la défense faite, par acte extrajudiciaire, au possesseur d'un fonds d'y élever des constructions, forme un trouble à la possession de ce dernier *5. De même enfin, le prévenu, traduit en justice répressive par suite d'un procès-verbal dressé à la requête de l'État, d'une commune, ou d'un simple particulier peut, en opposant à la poursuite l'exception préjudicielle Feci, sed jure fret, prendre ce procès-verbal pour trouble à sa possession et former la complainte 4C, à moins que, d'a- près les termes dans lesquels l'exception a été proposée et le renvoi à fins civiles ordonné, le pétitoire ne dût être

*2 Civ. cass., 18 avril 1838, S., 38, 1, 547. Req., 8 décembre 1841, S., 42,1,970.

43 Civ. cass., -27 juin 1864, S., 64, 1, 334. Civ. rej., 13 mars 1867,S., 67, 1, 249. Req., 5 avril 1869, S., 70, 1, 24. Civ. rej., 30 juin 1869, S., 69, 1, 449. Req., 14 mai 1877, S., 77, 1, 322.Ainsile fait du repurgement du bief d'une usine autorise de la part de l'usinier l'exercice de l'action pos- sessoire, lorsque les travaux ont été exécutés sans mise en demeure de ce dernier, môme par un syndicat chargé de la surveillance du canal : mais il n'y aurait pas lieu à complainte, s'il y avait eu mise en demeure, et refus de l'usinier. Req., 29 mars 1858, i)., 58, 1, 217. L'adjudication de tra- vaux destines a conduire dans un ruisseau les eaux d'une ville, constitue un trouble de droit. Civ. rej., 16 janvier 1883, S., 84, 1, 159.

44 Curasson, 11. 524, Bourbeau, VU, 346. Cpr. Civ. rej., 12 octobre 1814, S., 15,1, 124.

45 L. 3, § 2, D. utiposs. (43, 17). Bélime, loc. cit. Crémieu, loc. cit. Curasson, IL 524.

4G Bélime, no 341, p. 364. Civ. cass., 10 janvier 1827. S., 27. 1, 284. Req., 14 juin 1843, S., 43, 1, 590. Civ. cass.. 18 aoùl 1880, S.. 82. 1 398. Voy. cep. Curasson, II, 525.

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOlRSS.§ 187. 239

considéré comme engagé, auquel cas, la voie possessoire ne serait plus ouverte 47.

Le trouble de droit peut également résulter d'une con- testation judiciaire sur la possession. C'est ainsi que le défendeur actionné en complainte peut, en prenant cette action pour un trouble à sa possession, se constituer re- conventionnellement demandeur en complainte 48.

Les actes par lesquels une personne aurait disposé d'un fonds possédé par un tiers, ne constituent pas un trouble à la possession de ce dernier". Il en est de même des actions pétitoircs intentées contre le possesseur so.

Des exceptions et des moyens de fond opposables à la complainte.

Le défendeur peut contester la recevabilité de la com- plainte, soit parce qu'elle porterait sur une chose ou sur un droit non susceptible de former l'objet dune action pos- sessoire, soit parce que le demandeur serait sans qualité pour l'intenter soit parce qu'elle n'aurait pas été introduite dans l'année du trouble, soit, enfin, parce que la question de propriété ou de servitude se trouverait déjà liée au pétitoire 51.

Il peut aussi, le cas échéant, proposer un déclinatoire fondé sur ce que la réparation du préjudice allégué n'est

47 Curasson, II, n. S24: Bourbeau, VII, 346. Giv. rej., 18 août 1823, S., 24, 1,81.

48 Pothier, op. et loc. citt. Rauter, op. etloc. citt., Zachariœ, §189, texte et note 5. Giv. rej., 1:2 décembre 1853, S., 52, 1, 742. Req., 14 mai 1877, S., 78, 1, 323.

49 Bélime, n«s 332 et 333. On ne saurait considérer comme un trou- ble de droit, donnant ouverture à complainte au profit d'un colicitant, le fait de l'adjudicataire, qui prend possession de l'immeuble vendu, après avoir signifié le jugement d'adjudication avec sommation de cesser la jouissance. Req., 4 décembre 1872, S., 72, 1, 427.

50 Merlin, Quest., Complainte, § 1. Carré, Lois de la compétence, II, p. 346. Zachariae, § 189, texte et note 6.

61 Cpr. sur ces différents points : § 185, et Req., 24 février 1841, S., 41, 1, 492 ; texte 1 suprà ; § 186, texte 2, lett. b ; % 186, texte no 3, ictt. b.

240

INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

susceptible d'être poursuivie que devant la juridiction admi- nistrative^.

Il peut encore contester la compétence du juge de paix saisi de la complainte, comme n'étant pas celui delà situa- tion de l'immeuble litigieux **bis.

Au fond, le défendeur est admis à repousser la com- plainte, soit en déniant le fait même de la possession, ou l'étendue que prétend lui attribuer le demandeur, soit en soutenant qu'elle ne réunit pas les caractères exigés par la loi, ou qu'elle n'a pas duré pendant une année 53, soit enfin, en réclamant pour lui-même, au moyen d'une de- mande reconventionnelle, le bénéfice de la possession 5\

Il est admis, d'un autre côté, à dénier l'existence du trouble allégué par le demandeur, ou à soutenir qu'il n'en est pas l'auteur, ou même à établir qu'ayant agi sous l'em- pire d'une nécessité légale, que lui imposaient des ordres donnés par l'administration dans un intérêt général, le fait dont on argue ne lui est pas imputable 55.

Mais le défendeur ne peut, en aucun cas, se justifier en alléguant qu'il n'a fait qu'user de son droit S6. C'est ainsi

'->- Cpr. texte 3 et notes 29 à 34 suprà.

'•>- bis. Quand le litige a, en réalité, un objet unique, par exemple la question de savoir si un terrain, situé à la t'ois sur le territoire de deux cantons, et non susceptible d'être divisé, est enclavé, l'un des juges de paix de la situation, qui a été compétemment saisi, peut statuer sur la cause tout entière. Req., M décembre 1889. D.. 90. 1, 167. Le juge de paix dont la compétence est contestée par le motif que le terrain litigieux n'est pas situé dans son ressort, ne peut, en cas de doute sérieux sur le point de savoir a quelle circonscription territoriale appartient le terrain litigieux, trancher lui-même la question ; il doit surseoir jusqu'à ce que l'autorité administrative ait interprété et rectifié les actes de délimitation. Giv. cass., 13 juillet 187-2,1)., 72,4,442. Cpr. Req., 8 vendémiaire an XII. Civ. cass., 9 juillet 1849, D., 49 1, 313.

53 Cpr. texte 2 suprà ; texte no 3 et note 37 suprà. Civ. cass., 8 juillet 4890, Journal La Loi du 17 septembre ; I)., 90, 1. 365.

8* Cpr. Req., 24 juillet 1839, S., 40, 1, 81 ; Req., 14 juin 1843, S., 43, 4, 589.

55 Req., 7 juin 1836, S., 37, 1, 65. Cpr. texte et notes 30 et 31 suprà. Civ. cass., 1er mars 1875, S., 75, 1, 293.

56 Civ. cass., °20 juillet 1836, S., 36, 1, 836. Civ. rej.. 4 décembre

DELA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSËSSOIRES.§ 187. 241

notamment que le riverain, actionné à raison d'une entre- prise sur un cours d'eau servant au roulement d'une usine, ne peut invoquer pour sa défense la faculté d'irrigation que l'art. 644 accorde aux riverains d'un cours d'eau 87.

De l'office du juge en milièrj de complainte.

Le juge de paix doit, conformément à la règle Adore non probante, reus absolcitur, rejeter la complainte, si le de- mandeur ne justifie pas dune manière suffisante et de sa possession annale et du trouble imputé au défendeur '61 bis.

Lorsque ce dernier élève de son côté des prétentions à la possession réclamée par le demandeur, et que l'un et l'autre rapportent la preuve de faits possessoires, il y a lieu d'examiner avant tout, si les parties n'ont pas joui sous des rapports divers de l'objet litigieux sltcr ; et, en cas d'affirma- tive, le juge doit maintenir chacune d'elles dans sa pos- session respective. 11 en serait ainsi, par exemple, dans le

1872, S., 71 1, 4-27. Civ. cass . 1er juin 1881, S.. 83, 4, 165. Voy. aussi les arrêts cités à la note 22 du § 180.

57 Gpr. § 186, texte 3 et note 23. Voy. aussi les arrêts cités à la note 52 du § 185. La proposition énoncée au texte n'est pas contraire à l'opi- nion que nous avons émise texte et note 37 suprà. Si le juge de paix peut, en point de fait, et eu égard à la possession restreinte du demandeur, dé- cider que le détendeur ne Ta pas troublé dans cette possession en usant. en vertu de l'art. 644, de la faculté d'irrigation, il ne peut pas, sans em- piéter^ sur le pétitoire, décider, en point de droit, que le fait reproché au défendeur ne saurait constituer un trouble de possession, en ce que ce fait n'a été que l'exercice de la faculté légale d'irrigation.

51 bis. Bourbeau, VII. 428. Req., 22 janvier 1889, Journal Le Droit, 2.8-29 janvier 1889.

ol ter. Lorsque le défendeur au possessoirc. suis contester la possession du demandeur, prétend avoir la jouissance d'un droit autre que relui de propriété, d'une servitude par exemple, il est tenu conformément au prin- cipe de l'art. 1315. 2e al., et des règles qui seront exposées § 219, texte el note 43, à propos de l'action négatoire, de justifier de la quasi-possession de la servitude à laquelle il prétend : c'est l'application de l'adage qnilibet fundus prœsumitur liber a servitutibus. Civ. rej., 27 février 1889. S.. 90, I. 317.

ii 10

242 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTI tt.

cas L'une des parties aurait émondé les arbres, et l'autre fauché les herbes d'un terrain 58.

Que si les faits possessoires, respectivement prouvés, étaient de même nature, et qu'il ne fût pas possible de dé- terminer, d'après l'examen des titres et l'appréciation des circonstances de la cause, laquelle des deux possessions est le mieux caractérisée ou colorée, le juge de paix devrait, en général, maintenir les deux parties dans leur possession promiscue 5!>. Toutefois, il pourrait aussi, sans prononcer cette co-maintenue, renvoyer les parties à se pourvoir au pétitoire 60, soit purement et simplement, soit en établis- sant un séquestre61, ou même en accordant la récréance, c'est-à-dire la garde provisoire de l'objet litigieux, à l'une ou l'autre des parties, à la charge de rendre compte des fruits, le cas échéant 62. Il pourrait même compenser les

,J* Cpr. § 185, texte 1, notes 14 et 15. Bélime, 401. Bourbeau, VII, 430. Req.. 21 avril 1874, S., 75, 1, 56

59 Bélime, no 401. Grémieu, no 447. Bourbeau, VII, 430. Req., 28 avril 1813, S., 13, 1,392. Req., 11 mai 1841, S., 41, 1, 708. Req., 21 avril 1874,

S., 75, 1, 56. Cpr. § 186, texte no 3 et note 28.

60 La maxime Adore von probante, reus absolvitur, reçoit ici forcé- ment exception, puisque les deux parties, également demanderesses en maintenue possessoire, n'ont, ni Tune ni l'autre, justifié d'une possession exclusive. Henrion de Pansey, op. ciL, chap. 48. Poncet, Des actions, no 59. Carré, Lois de la procédure, I, quest. 111. Curasson, II, 723, note. Garnier, p. 69. Rodière, Procédure civile, I, p. 96. Req., 17 mai 1819, S., 19, 1, 395. Req., 11 février 1857, S., 57, 1, 673. Civ. rej., 5 novem- bre 1860, S., 61, 1, 17. Req., 11 novembre 1867, S., 68, 1, 171. Req., 10 avril 1872, S., 72, 1, 374. Req., 4 décembre 1882, S. ,83, 1, 63; D., 83, 1, 247, et le rapport de M. le conseiller Lcpelleticr. Cpr. Civ. cass., 4janvier 1888. S., 88, 1, 101. Voy. en sens contraire : Bélime, nos 398 ct suiv. Carou, nos 632 et 633.Chauveau sur Carré, op. et loc. citt. Alnuzet, p. 267.

61 Art. 1961, no 2. Cpr. § 409, texte ct note3. Civ. rej., 31 juillet 1838, S., 38, 1, 676. Req., 16 novembre 1842. S.. 42, 1. 907. Req., 11 février 1857, S., 57, 1, 673.

62 Tout en reconnaissant au juge de paix la faculté d'établir un sé- questre pour le maintien de la paix publique, et dans l'intérêt même des deux parties dont aucune n'a justifié d'une possession exclusive, certains auteurs lui contestent cependant le droit d'accorder la récréance à l'une d'elles, par le motif que cette mesure, admise dans notre ancienne juris-

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESOIRES.| 187. 243

dépens **bi$.

Il semble que le juge de paix serait encore autorisé à prononcer le renvoi au pétitoire, et à recourir à l'une des mesures qui viennent d'être indiquées, si les deux parties, prétendant également à la possession, avaient chacune rapporté la preuve de faits caractéristiques dune possession exclusive, mais sans en avoir établi l'annalité nter.

Le juge de paix qui accueille une complainte, peut ac- corder des dommages-intérêts pour la réparation du préju- dice causé parle trouble Mquater,l\ peut aussi et il doit même condamner le défendeur au délaissement de l'immeuble litigieux, ou ordonner la suppression des travaux par lesquels le trouble a été causé et le rétablissement des choses dans leur ancien état 63. Cette suppression et ce rétablissement

prudence, ne pourrait plus l'être aujourd'hui en présence de Tari. 1041 du Code de procédure. Cpr. Crémieu, n(,s 454 à 461. Mais en faisant, cette objection, on oublie que, la récréance n'étant qu'une espèce de séquestre confié à Tune des parties, le juge doit pouvoir l'accorder toutes les fois que les circonstances l'autorisent à établir un séquestre. Cpr. Code de procédure, art. 684. Pothier. De la possession. n°405. Uenrion de Pansev. op. et loc. citt. Garnier. loe. cit. Req.. 10 novembre 4842, S.. 42. 4, 907. Mais la détention résultait de la récréance laisse les parties dans une si- tuation égale au point de vue de la preuve à faire quant à la propriété. Req., 10 avril 1872. S., 72. 1. 874. Req., 4 décembre 1882. S., 83, 1. 63.

65 bis. (av. rej.. 34 juillet 4838, S.. 38. 1. 076. Giv. rej.. 5 novembre 1800. S., 01. 1, 17. Civ. rej., ±2 juillet 1808. S.. 68, 4. 322.

62 ter. Bourbeau. VII. 437.

62 quater. Curasson. I. 389. lîourbeau. VII, 434. Giv. cass., 23 décem- bre 1884. S.. 80, 1. 108. Req. ,11 mai 188:;. S.. 80. 1. 197. En ce qui con- cerne la compétence du juge de paix pour statuer sur la demande reconven- tionnelle intentée par le défendeur à Faction possessoire et fondée sur des dommages causés par des autorisations administratives : Yoy. Civ. c;is>.. 7 novembre 1876. S.. 78. 1. 105. 11 a été décidé que le juge du possessoire pouvait ordonner la plantation de bornes, non pas pour fixer définitive- ment la limite séparative des propriétés, mais afin d'assurer la possession paisible du demandeur. Req., 10 juin 1872. D., T3, 1. 133.

63 Troplong, De la prescription, I, 325 et suiv. Bourbeau. VII, 434. Curasson, II, 734, p. 522, notea. Civ. cass., 30 janvier 1837, S., 37, 1, 613. Req.. 5 février 1838, S.. 38, 1, 239. Req., 18 juin 1850, S., 51, 1, 443. Civ. rej., 24 août 1870, S., 71, 1, 129. Req., 28 janvier 1879, S., 80, 1,25. Req., 21 août 1883, S., 85, 1, 306.

244 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

doivcnl être ordonnés, alors même que Les travaux se trou- vent complètement terminés ''. <it quils ont été exécutés sur l<* fonds du défendeur ' '.

La circonstance que los travaux constitutifs du trouble auraienl été autorisés par L'administration, n'enlève pas au juge du possessoire le pouvoir d'en ordonner la destruction, lorsque d ailleurs ils n'ont été établis que dans un intérêt privé <;,;. Mais s ils avaient été exécutés dans un intérêt gé-

ov Bourbeau, VII, 454. Suivanl Bélimo (n° 367), le juge de paix pourrait, s'il s'agissait de travaux complètement achevés, se dispenser d'en ordonner la démolition, alors du moins que, d'après sa conviction. le défendeur, succombant au possessoire. devrait triompher au pétÂtoire. Mais celle manière de voir n'est pas admissible. Le juge de paix qui, tout en reconnaissant le I rouble causé par l'exécution des travaux, refuserait de le faire cesser sous le prétexte d'une décision hypothétique à interve- nir au pétiloire. commettrait un déni de justice, et violerait le principe qui défend le cumul du possessoire et du pétitoirc. Nous ajouterons qu'une pareille décision mettrait le possesseur dans la nécessité de se pourvoir au pétitoirc, et le priverait ainsi du bénéfice de sa possession. V. cep.. Req., 6 décembre 18?1, S.. 7-2. 1,28.

^ On avaii voulu contester la proposition énoncée au texte, en soute- nant, que des travaux exécutés sur le fonds du défendeur ne peuvent don- ner lieu qu'à une action en dénonciation de nouvel œuvre, action qui n'est plus recevable lorsqu'il s'agit de travaux terminés. Mais c'était une er- reur : toute atteinte actuelle à la possession, alors même que le trouble ne résulte que <le travaux exécutés sur le fonds du défendeur, donne ou- verture, non pas seulement à une action en dénonciation de nouvel œu- vre, mais à une véritable complainte. Or, que l'achèvement des travaux ait pour effet de rendre non recevable la dénonciation de nouvel œuvre, dont le caractère est purement préventif, cela se comprend : mais ce n'est pas un motif pour en conclure que cet achèvement doive également influer sur1 le sort de la complainte, qui est une action répressive. Aussi l'opinion que nous venons de combattre, est-elle aujourd'hui généralement aban- donnée. Merlin. Qiiest., .Dénonciation de nouvel leuvre. £ 6. (iarnior. p. 12. Troplong, op. etloc. dit. Giv. rej.. 28 avril 1829, S.. 29, 1. 183. Civ. rej., ±2 mai 1833, S,, 33, I. 354. Giv. cass., 27 mai 1834, S.. 34, 1, 'rIA. Giv. cass.. 17 juin 1834, S., 34, I. 542. Civ. cass.. 25 juillet 1836, S.. 36, I. 538. Giv. rej., 24 août 1870, S., 71. 1, 129. Yoy. en sens con- traire : Henrionde Pansey, op. cit.. chap. 38. Req., 15 mars 1N2(>. S., 2(k 1. 349. Req., 14 mars 1827, S.. 27. 1. 383,

66 Req., 12 juillet \X\2. S.. 42, 1, B9&. Giv. cass.. 18 avril 1866, S., 66, l, 330. Giv. cass., 22 janvier 1868, S., M. I. 148. Civ. rej., :i(» juin

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOlRES.§ 188. 245

lierai par l' administration elle-même ou d'après ses ordres, le juge de paix, même valablement saisi de la complainte, serait incompétent pour en ordonner la suppression on la modification, et il devrait se borner à constater, le cas échéant, la possession annale du demandeur67,

S 188. b. De la dénonciation de nouvel œuvre * ,

La dénonciation de nouvel œuvre est une action pos-

1869, S.. 69, 1, 449. Req., 14 mars 1870, S.. 70. 1, 301. Req., 9 janvier 187:2. et le rapport de M. Rau, S.. 72, 1, 225. Civ. câss., 12 novembre 1872, S., 72. 1. 376. Civ. rcj., 12 août 1874, S., 75, 1, 8-2. Req.. 11) juil- let 1882, S., 83, 1. 73. Cpr. Air. Cons., 2 décembre 1853, Lebon, 1008. Vit. Cons., 12 janvier 1854, Lebon. 31. Arr. (Ions., (conflit), 31 mai 1855. Lebon, 592. Arr. (Ions., (conflit), 0 décembre 1855, Lebon, 716. 11 y a controverse sur la question de savoir si le caractère de travaux publies communaux appartient exclusivement aux ouvrages régulièrement auto- risés par le conseil municipal, et exécutés sur l'ordre du maire après adjudication. Pour l'affirmative: Req., 19 juillet 1882, S.. 85. 1. 75. Pour la négative: Arr. Cons., 13 novembre 1870. Lebon, 690. Tribunal des conflits, 26 juin 1880. Lebon, 015. Cpr. Req., 21 décembre 1880. S.. 82. 1. 30.

°" Civ. eass., 22 mars 1857. S.. 57. 1, 406. Civ. cass., 8 novembre 1864, S.. 64, 1, 495. Cpr. texte 3, noies 29 à 51 suprà. Adde. Rei|., 27 janvier 1808, S.. 68, 1. 215. Req., 21 décembre 4880. S.. ^1. 1. 50. Cpr. Arr. Cons.. (conflit), 14 octobre 1850. Lebon, 465. Arr. Cons.. (con- flit), 30 décembre 1841. Lebon, 559. Le Conseil d'État a d'abord reconnu que si les formalités de la loi sur l'expropriation pour cause d'utilité publique n'avaient pas été remplies, l'autorité judiciaire pou- vait être saisie d'actions possessoires. et d'actions en revendication. Plus lard seulement, le Conseil d'État et le Tribunal des Conflits ont dé- cidé (pie les tribunaux étaient compétents pour statuer sur les domma- ges et intérêts, et même pour ordonner la discontinuation des travaux. Le seul droit qui ail toujours été refusé à l'autorité judiciaire est celui de prescrire la destruction des ouvrages ordonnés par l'administration. Au- coc, Conférences, IL 866. Garsonnet, § 151. bis, note 11. p. 534.

1 Cpr. sur cette matière : Dissertation, par Alban d'Haulbuille. Revue de législation. 1850-1857. V. p. 551 et 444, et VI, p. '<9 et 278. Quant aux origines de la dénonciation «le nouvel œuvre, Garsonnet, I. § 151. C. I>. 549. Bourcart, 8N.

216 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

sessoire ayant pour objet de luire ordonner la suspension de travaux qui, sans causer un trouble actuel à la pos- session du demandeur, produiraient ce résultat s'ils venaient

à être achevés '.

2 La dénonciation de nouvel œuvre, dont le nom et la première idée nous viennent du Droit romain, avait été transformée par nos anciens au- teurs en uneaction possessoire, qui ne se distinguait de la complainte en

cas de saisine et de nouvelleté, que par certains caractères particuliers, sur lesquels cependant on n'était pas complètement d'accOrd. L'Ordonnance de 1667 et le (-ode de procédure n'ayant fait aucune mention de la dénon- ciation de nouvel œuvre* on comprend que ce silence ait conduit à soute- nir que cette action ne formait plus, sous l'empire de notre législation nouvelle, une action possessoire distincte de la complainte ; et telle est aussi l'opinion que, d'accord avec Zachariae 187 a), nous avions adop- tée dans nos premières éditions. Cependant la Cour de cassation avait ex- plicitement ou implicitement admis, en différentes circonstances, l'exis- tence de la dénonciation de nouvel œuvre, comme action possessoire sut generis. Yoy. les arrêts cités à la note 6o du § 187. C'est dans cet état des choses que fut rendue la loi du i^> mai 1SIÏ8. dont l'art. 6 mentionne spé- cialement la dénonciation de nouvel œuvre, en la rangeant, avec la com- plainte, au nombre des actions possessoires. En présence de cette dispo- sition, il nous paraît difficile de prétendre encore que cette dénonciation se confonde entièrement avec la complainte. La seule difficulté est,, à no- tre avis, de savoir en quoi elle diffère de cette dernière, et quels en sont les caractères distinctifs. Pour nous, nous y voyons une sorte de fusion delà novioperis nuntiatio du Droit romain avec la complainte. Cette ma- nière de voir nous amène à dire qu'elle diffère de la complainte en ce qu'elle peut être formée a raison d'un trouble simplement éventuel, et qu'elle n'en diffère que sous ce rapport. Cette donnée fondamentale une fois admise, les caractères et les effets particuliers de cette action s'en dé- duisent tout naturellement. Nous hésitons d'autant moins à admettre la dénonciation de nouvel œuvre ainsi comprise, que le demandeur, qui se trouve exposé à se voir troublé dans sa possession par l'achèvement de travaux commencés, a un intérêt légitime à prévenir le I rouble, en suppo- sant à la continuation de ces travaux, et que, d'un autre côté, le défen- deur, qui peut toujours faire écarter la demande, en établissant que les travaux, tels qu'il entend les exécuter, ne sont pas de nature à porter atteinte à la possession du demandeur, n'aurait dans l'hypothèse con- traire aucun motif sérieux et raisonnable pour les continuer. Cpr. Trop- \ong,De la prescription, I, 313 et suiv. Cpr. Req., \ février l8.vi6,S.. •><>. I, 433; I)., .">(>, 1, ±(M et le rapport de M. le conseiller Poultier. Civ. cass., 7 avril IS7:i, S., 7.li, 1, 1W. Keq., 31 janvier 1870. 1).. 76. I, 112. Contra Bourcart, 107 et 108.

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESS01RES.§ 189. 247

La dénonciation de nouvel œnvre exige, comme la com- plainte, une possession annale, revêtue des caractères indi- qués par l'art. 2229 du Code civil. Mais elle en diffère en ce qu'elle peut être formée à raison d'un trouble simplement éventuel, tandis que la complainte n'est admise que pour un trouble actuel.

D'après sa nature et son objet, la dénonciation de nouvel œuvre ne peut s'appliquer qu'à des travaux exécutés sur un fonds autre que celui du demandeur 3, et qui sont en- core en cours d'exécution *.

En matière de dénonciation de nouvel œuvre, le juge ne peut, comme en matière de complainte, ordonner la sup- pression des travaux commencés : il doit, lorsqu'il accueille l'action, se borner à en prescrire la suspension.

Du reste, les autres règles développées au § 187 s'ap- pliquent, mutatis mutandis, à la dénonciation de nouvel œuvre.

§ 189.

c. Do la réintégrande.

La réintégrande est une action au moyen de laquelle celui qui a été dépouillé par voie de fait d'un immeuble, ou de la jouissance d'un droit réel immobilier, susceptible

3 En effet, des travaux entrepris sur le fonds d'autrui constituent tou- jours un trouble actuel pour le possesseur de ce fonds, et donnent ainsi ouverture, non à une simple dénonciation de nouvel œuvre, mais à une Véritable complainte, alors môme qu'ils ne sont point encore achevés.

4 Par cela môme que la dénonciation de nouvel œuvre tend simplement à faire suspendre la continuation des travaux commencés, elle devient sans objet lorsque les travaux sont complètement achevés. Mais à supposer qu'il en résulte un trouble réel à la possession, le possesseur pourra recourir à la voie de la complainte, qui sera encore recevable, pourvu qu'elle soit formée dans l'année à partir du moment où, par leur état d'avancement, les travaux ont réellement porté atteinte à sa possession. Cpr. 1 186, texte i2 et note 11 ; § 187. texte et note 65. Req,, 26 juin 1843, S., 43, 1, 753,

248 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

d'action possessoire, demande à être réintégré dans sa détention ou dans sa jouissance, en vertu de la maxime Spoliai «s nulr omnia restituendus '.

1 Nous avons indiqué au§ 184, texte et note i, l'origine de la réinté- grande, qui, admise d'ancienne date dans notre Droit, avait été formelle- ment consacrée par l'art. 2, tit. XVIII, de l'Ordonnance de 1067. comme action distincte de la complainte. Quoique celte distinction ne se trouve pas reproduite par le Code de procédure, qui semble, au contraire, confondre toutes les anciennes actions possessoires en une seule, la Cour de cassa- tion, se fondant sur l'art. 2060, 2, du Code civil, a toujours considère la réintégrande comme ayant été conservée par notre législation nouvelle avec les caractères qu'elle avait autrefois. Sa jurisprudence a été vivement combattue, et un grand nombre d'auteurs se sont prononcés pour l'opi- nion contraire, à laquelle nous nous étions nous-mêmes rangés dans nos deux premières éditions. Mais la controverse nous parait devoir cesser en présence de l'art. 6 de la loi du 25 mai 181)8. qui, à notre avis, a définiti- vement sanctionné la jurisprudence de la Cour suprême, en classant la réintégrande, avec la complainte et la dénonciation de nouvel œuvre, au nombre des actions possessoires sur lesquelles le juge de paix est appelé à statuer. On objecte, à la vérité, que cette loi n'est qu'une loi de compé- tence, ce qui est exact. Mais, cette concession faite, il n'en reste pas moins certain que le législateur de 1838 a envisagé la réintégrande comme une action distincte de la complainte ; et l'on est dès lors amené à se de- mander ce que c'est que cette action, et quels en sont les caractères dis- tinctifs. Or, pour décider cette question, sur laquelle nos lois nouvelles ne fournissent aucun élément de solution, il faut nécessairement, comme l'a fait la Cour de cassation, recouriraux dispositions de notre ancien Droit. Voy. dans ce sens : Henrion de Pansey, Compétence des juges de paix, chap. 52. Favard, Bèp., Complainte, sect. II, 4. Duranton, IV. 246. Bourbeau, VII, 28i et s. Rodière, I, p. 7i. Pardessus, Des servitudes, II, 328. Proudhon. Du domaine privé, II, 490 à 492. Garnier, p. 42 et suiv. Daviel, Des cours d'eau, I, 470. Bélime, nos 371 à 381. Devilleneuve, Observations, S., 36, 1, 15; 37, 1, 615, à la note, et 39. 1, 641. Pont, Con- trainte par corps, 790. Voy. aussi les arrêts cités aux notes suivantes. Voy. en sens contraire : ïoullier, XI, 123 et suiv. Poucet, Des actions, no 99. Rauter, Cours de procédure. % 395. Troplong, De la prescriptions, 1, 305 et suiv., et De la contrainte par corps, sur l'art. 2060. Vazeille, Des prescriptions, II, 708. Carré et Cbauveau, Lois de la procédure, I, 107 et 107 bis, Curasson, U, p. 85 à 93, note a. Boitard, Leçons de procé- dure, II, p. 455. Benech, Des justices de paix, p. 239 et 267. Alauzet, p. 150 et 254. Crémieu, nos -227 à 231. et 249 à 260. Garsonnct, I, $130 A, et 137. Rolland, Examen delà doctrine de la Cour de cassa- tion relativement à l'action poxscssnire Appelée réintégra?! de, Paris et

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOIRES. | 189. 249

La réintégrande est une action pos&essoire sensu lalis.simo. en ce que, dune part, elle ne porte que sur la possession ou la détention sans toucher au fond du droit, et en ce que, d'autre part, elle doit, comme toutes les actions posses- soires, être intentée dans l'année de la dépossession et portée devant le juge de paix de l'objet litigieux. Pr. c. art. 3, 2. Loi du 25 mai 1838, art, (3, 1. Mais elle diffère des actions possessoires proprement dites, et spécialement de la complainte, en ce quelle est accordée, bien moins pour la garantie et la conservation de la possession, que pour la réparation du fait illicite et contraire à la paix publique dont s'est rendu coupable l'auteur dune dépossession con- sommée par violence 1 bis,

La réintégrande n'exige pas, pour son admission, une possession proprement dite, et qui réunisse tous les carac- tères indiqués par l'art, 2229 2. Ceux qui ne détiennent que pour le compte d'autrui, tels que le fermier ou le créancier sur antichrèse, sont admis à la former, tout comme le pos- sesseur animo domini 3.

Grenoble. 1859, broch. in-8°. Zachariœ, £ 187 a, texte et note 4. Gpr. Glasson sur Boitard, I, no 633. Boureart, 102-406.

1 bis. Req.. 14. mars 1876, S., 76, 1. 266. Ci v. cass., -27 février 1878. S.. 78. 1, 216. Civ. eass., 28 oetobre 1885, S., m, 1, 199. Req.. 6 juillet 1887. S.. 87, 1, 316. Req.. 19 novembre 1888. S.. 89. i. 100.

2 Req., 18 février 1835, S., 35, 1, 886. Civ. eass., 19 août 1839, S., 39. 1. 641. Req., 25 mars 1857. S., 58, 1, 453. Civ. eass., 2 juillet 1862, S.. 6-2, 1. 836. Req., 25 avril 1865, S., 66, 1. 223. Req., 4 mai 1868, I)., 68. 1. 332. Req., 31 janvier 1874, S., 71, 1. 7. Req., 14 mars 1876. S.. 76. 1, 266. V. cep. Boureart. 106. Les riverains et usagers d'un chemin communal dont le caractère n'est pas méconnu peuvent. dans leur intérêt privé, exercer ut singuli l'action possessoire pour se faire réintégrer en possession des droits d'usage qu'ils exercent à titre de droits réels et comme accessoires d'un fonds à la desserte duquel la voie est affectée. Civ. rej., 15 mai 1889, D., 89, 5, 73. V. analog. en matière de complainte. Req., 9 janvier 1872, S., 72. 1. 225. Civ. rej., 20 mai 1889, I).. 90. 1, 247.

3 Bélime. no 383. Guillouard, Du louage. I. 162. Bourbeau, VII, 281. Req., 10 novembre 1819. S., 20. 1, 209. Req., 16 mai 1820. S.. 20, 1, 430. Civ. cass.. 2 juillet 1862, S.. 62, 1. 836. Req., 29 avril 1865, S.. 65. 1, 223. Req., i mai 1868. I).. 68, 1. 332. Req.. 22 janvier 4878, et Civ. cass., 27 février 1878. S.. 78, l. 216 Civ. rej., 25 juin 1889, l).f 90. I. I5L

250 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

La f éitttégrande n'exige pas d'avantage une possession annale 4.

Kilo requiert seulement, dans In personne de celui qui l'intente, une détention actuelle, c'est-à-dire la détention au moment de la perpétration de l'acte de violence à raison duquel Faction est formée \ Toutefois, cette détention doit, d'après les motifs mômes sur lesquels est fondée la réinté- grande, être publique etpaisible 6. D'où ilsuit que celui qui ne s'étaient procuré la détention d'une chose qu'au moyen d'actes violents, n'est point admis à former la réintégrande, lorsqu'il a été dépossédé à son tour, môme par voie de fait, si d'ailleurs il ne s'est point écoulé, depuis la cessation de de la violence, un délai moral suffisant pour faire consi- dérer sa détention comme paisible 7.

La réintégrande suppose en outre, non seulement un simple trouble, mais une dépossession 8. Encore faut-il que cette dépossession ait été consommée par des voies de fait exercées contre les personnes ou contre les choses, et qui

* Roq., 10 novembre 1819, S., Chr. Req., 28 décembre 1826. S., Chr. Req., 4 juin 1835, S., 35, 1, 413. Civ. cass.. 17 novembre 1838& S., 36, 1, 15. Civ. cass., 5 avril 1841, S.. 41, 1, 295. Civ. cass.. | août 1845, S., 46,1, 48. Civ. cass., 22 novembre 1846. S., 47. 1, 2*6. Req., 10 août 1847. S.. 48, 1, 63. Req., 31 janvier 1871, S., 71, 1, 7, Req., 14 mars 1876, S., 76, 1, 266. Civ. cass., 27 février 1878, S., 78, Conirà, Glasson sur Boitard, 1. 216. I, no 633.

5 Civ.. rej., 11 juin 1828. S., 28. 1, 220. Civ. rej., 12 décembre 1853, S., 55, 1. 742. Req., 6 juin 1866. S., 67, 1. 257. Req., 20 juillet 1880 S.,, 82, 1, 215. Req., 19 novembre 1888, S., 89, 1, 100.

6 Bélime. m' 382. Garsonnet, I, § 137, note 1. Req.. 10 août 1817, S., 48, 1, 63. Req., 2o mars 1857. S., 58, 1, 453. Req., 10 février 1864. S., 64, 1. 257. Req., 6 juin 1866. S., 67. 1, 257. Req., 18 novembre. 1873. S.. 7i. 1. 217. Req.. 22 janvier et Civ. cass., 27 février 1878. S.. 78. 1. 216. Req., 20 juillet 1880.' S., 82. 1.215. Req., 19 novembre 1888. S.. 89. I, 100. La possession doit de même être publique. Req., 10 août 1847. S., 48, 1, 63. Req., 25 mars 1857. S., 58. 1, 453. Req., 27 février 1878, S., 78, 1, 216.

7 Req., 8 juillet 1845. S.. 46. I. i9. Cpr. Req., 20 juillet 1880. S., 82. 1, 215. '

8 Civ. rej., 12 décembre 1853. S.. 55. 1, 742. Req., 31 janvier 1871 S., 71, 1, 7. Civ. rej., 15 janvier 1877, inédit.

DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOIRES. § 189. 251

soient dune nature assez grave pour compromettre la paix publique 9. Mais dans ces circonstances, la réintégrancle peut être formée contre l'Etat, un département, ou une commune, même pour la dépossession d'immeubles com- pris dans le domaine public, ou pour la privation d'une jouissance exercée sur de pareils immeubles lu.

On doit considérer comme des actes de violence de na- ture à autoriser la réintégrande, non-seulement les actes qui, tels que la démolition d'édifices, de digues ou bar- rages, la destruction de clôtures, constitueraient des crimes ou des délits, s'ils avaient été commis au préjudice du pro- priétaire H, mais encore les actes arbitraires et violents

Uairasson, II, p. 88 et 89. Req., 28 décembre 1826, S., -27, i, 73. Rfeq., 3 décembre 1833, S., 34, 1. 335. Req., 42 mai 4857, S., 57, 1, 807. Civ. cass., 26 juillet 1882, S., 84,1, 318. Civ. ciss., 28 octobre 1888, S.. 86. 1, 199. Req.. 6 juillet 1887, S., 87, 1, 316. Req., 19 novembre 1888, S., 89. 1, 100.

10 Garsonnet. I, §133. note 2. Civ. rej., 31 août 1836, S., 37, 1, 132, Civ. cass., 19 août 1839, S., 39, 1. 641. Civ. cass., 6 mars 1855, S., 55. 1, 507. Req., 40 février 1864, S., 64, 1, 257. Req., 6 juin 1866, S., 67, 1,177. Req., 18 juin 4866, S., m, 4, 365. Civ. cass.. 20 novembre 1877, S., 78,1, 64. Civ. cass., 27 février 4878, S., 78, 1, 216. Cpr. Req., 25 mars 1857. S ,58,4, 453. Arr. Cons., 44 décembre 4862. Lebon, 778. Mais il faut que ces faits de jouissance ne soient pas communs avec tous les autres habitants. Req., 6 juin 4866, S., 67, 4, 257. Cpr. spécia- lement pour les faits de dépossession qu'un maire aurait, par abus d'au- torité, exercés dans l'intérêt de la commune: Req., 8 juillet 4864, S.. 62. 4, 647. Civ. cass.. 2 juillet 4862, S., 62, 4, 836. Req..' 48 novembre 4873, S.. 7k 4, 247. Pour la responsabilité des actes du maire. Cpr. Req., 29 mars 1882, S.. 83. 4, 53. Tribunal des Conflits, 48 mars 4882, Lebon. 275. Le curé investi d'un droit de jouissance spéciale sur le presbytère et sur ses dépendances est recevable à exercer la réintégrande contre la commune, alors qu'il a été expulsé Violemment par le maire. Civ cass., 47 décembre 4884, S., 86, 4, 205. Dans le cas do trouble, il pourrait for- mer l'action en complainte, et si des actes administratifs étaient invoqués parle défendeur, le juge do paix devrait, non pas se déclarer incompé- tent, niais surseoir jusqu'après l'interprétation des actes. Civ. cass., 43 juillet, 1887. S., 88, 4. 76.

11 Cpr. Code pénal, art. 437, 444. 445. 449 et 456. Civ. cass.. 47 no- vembre 4835, S., 36, 4, 15. Civ. cass., 19 août 4839, S., 39, 4, 644. Civ. cass.. 16 mars 1841, S., 41, 1, 196. Civ. cass., 5 avril 4844. S., 44. 4,

252 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIK.

qui, sans constituer dos délits de Droit criminel, seraient de nature à autoriser, indépendamment même de La dé- possession, une action en dommages-intérêts contre leur auteur 12.

Au contraire, de simples voies de fait, exemptes des ca- ractères aggravants qui viennent d'être indiqués, bien que pouvant motiver une complainte, ne suffisent pas pour fonder la réintégrande. C'est ainsi qu'une simple anticipa* tion de terrain, commise même après bornage, mais sans dévastation de plants ou de récoltes, n'autorise pas la ré- intégrande 13. A plus forte raison, la dépossession opérée à laide de travaux qu'un tiers a faits sur son propre fonds, est-elle insuffisante pour y donner ouverture u.

Du reste^ celui qui a demandé, sur le fondement d'une possession annale, à être maintenu dans cette possession, ne peut prétendre, devant la Cour de cassation, que son action a été mal à propos rejetée en tant que complainte sous le prétexte qu'elle constituait une réintégrande 1S.

"29."). Civ. cass., 3 août 1845, S., 46, 1, 48.Civ. cass., 22 novembre 1840. S.. 47, 1, 286. Req., 10 août 1848, S.., 48, 1, 63. Req.. 23 mars 18o7j S., 57, 1, 423. Req., 22 février 1888, S.. 88, 1, 243.

12 Gpr. Req., \H février 183:;, S., 35, 1. 886. Req., 4 juin 1833, S., 33, 1, 413. Req., 3 mai 1848, S., 48, 1, 714. Req.. 8 juillet 1861, S.. 62. 1. 617. Req., 18 juin 1866. S., Gt), 1. 363. Req.,4 mai 1868.J).. 68. 1. 332. Req., 1er février 1869, S., 69. 1, 176. Req., 18 novembre 1873. S.. 7 ï, 1. 217. Req., 14 mars 1876, S.. 76. 1.266. Req., 20 juillet 1880, S.. 82, I. 213. Req., 22 février 1888, S.. 88, 1. 213.

,:; Req., 12 mai 1837. S.. 37. I. 808. Req.. 31 janvier 1871. S.. 71. 1. 7. Req., 12 aoûl 1874. S.. 73. 1. 28. Civ. cass.', 26 juillet 1882. S.. 84, 1. 318.

1V Req., 13 novembre 1838, S.. 39. 1, 603. Req., 6 décembre 1834, S., 56, 1,208. Req., 0 juillet 1887, S.. 87. 1, 316. Req.. 19 novembre 1888. S.. 8!). I, 100. Gpr., Civ. cass.. 28 octobre 1883. S.. 86. i. 199.

» Req., 9 février 1837, S., 37. 1, 609. Cpr. Civ. rej., 12 décembre 1833. S., 33. 1. 742. Pour caractériser l'action intentée, il convient de s'arrêter, non pas aux expressions employées dans la citation, mais aux circonstances, et à l'objet de la poursuite. Req., ±2 janvier 1878. S.. 78. I. 216. Une partie autorisée par un jugement interlocutoire à établir «pie s;i possession est plus qu'annale, peul restreindre s;i demande par des

3E LA. POSSESSION ET DES ACTIONS POSSESSOIRES. § 189. 253

A la différence delà complainte qui, fondée sur la saisine )osspssoire, présente un certain caractère de réalité, et peut >4tre dirigée contre un tiers détenteur, en tant qu'il s'agît lu délaissement de l'immeuble litigieux, ou du rétablis- sement des choses dans leur ancien état, la réintégrande, lont le principe générateur se trouve dans une voie de ait contraire à la paix publique, est essentiellement person- îellc, et elle ne peut être exercée contre un tiers détenteur jiùuitant qu'il serait à considérer comme complice de jette voie de fait, pour avoir succédé de mauvaise foi au spoliateur lfi.

Le défendeur à la réintégrande n'est point admis à la combattre en offrant de prouver qu'il a la possession an- iale de l'objet litigieux 1T. 11 ne peut pas davantage la re- pousser par le motif que c'est à l'aide dune voie de fait commise dans l'année, que le demandeur s'est procuré la détention actuelle de cet objet 18.

Le juge de paix, saisi d'une action en réintégrande, est

compétent, non-seulement pour adjuger au demandeur

les dommages-intérêts qui peuvent lui être dus, mais en-

orc pour ordonner la restitution de l'objet litigieux et le

établissement des choses dans leur ancien état 1!\

Vax matière de réintégrande, les etfets du jugement,

conclusions nouvelles, et obtenir d'être rétablie provisoirement duos sa possession de t'ait ; ce n'est pas intenter une demande nouvelle. Req., 18 novembre 1873, S. ,74, 1, 218.

16 Gpr. L. 7, I). de vi et vi arm. (43, 16) ; §184, texte et note 4. Bôli- me, n" 387. Réciproquement, la réintégrande est valablement intentée •entre l'auteur de voies de fait on d'actes de violence ; peu importe qu'il prétende avoir agi comme mandataire d'un tiers: le mandataire ne repré- sente plus le mandait en matière de délits on de quasi-délits'; il peu I ltre dès lors tenu de réparer personnellement le dommage qu'il a causé >arsa faille. Civ. rej.. 25 juin 1889, I).. 90, 1. 151. Cpr., en matière de 'omplainte. Req., 1°'' novembre 1828. S., Chr. Civ. cass., 13 juin 18'<;i. $., 13,1,597.

17 Civ. cass.. 17 novembre 1835, S., 36, 1. 15. Civ. cass.. o mars 1841, 5., 41, 1, 295. Req., 3 mai 1848. S.. 48, i. 714.

18 Civ. cass.. 5 août 1845, S.. 46, I. £8. 11 Req., 18 juin 1866, S.. 66, l, 365;

254 INTRODUCTION A LA SECONDE PARTIE.

qu'il ait admis ou rejeta la demande, ue sont que provi- soires, mémo au point de vue de la possession, de telld sorte que la partie qui a succombé peut toujours, si elle se trouve d'ailleurs dans les conditions voulues, se pourvoir par la voie de la complainte, contre celle qui a obtenu gain de cause sur la réintégrante 80.

Nous examinerons plus loin 1 "influence de la chose jugée au possessoire peut exercer sur le pétitoire et réciproque^ ment 21.

20 Devilleneuve, Observations. S.. 'M. 1, 609. Pardessus. Des servitudes II, no 328, p. 277 et 278. Proudhon, Du domaine privé. II, i92. Cpr.i Wodon, II. 664. Req., 28 décembre 1820. S.. 27. 1. 73.Civ. cass., o avril 1841, S., 41, 1, 295. Req.'. 12 août 1874, S.. T5, 1, 28.

21Cpr. § 769, texte et note 100.

LIVRE PREMIER.

DES DROITS SUR LES OBJETS EXTÉRIEURS CONSIDÉRÉS INDIVIDUELLEMENT.

PREMIÈRE DIVISION.

DES DROITS RÉELS (JUS RERUNl).

TITRE PREMIER.

DE LA PROPRIÉTÉ.

Sources. Code civil, art. 544 à 577, 646 à 648, 671 à 681, 711 à 717, 2219 et suiv. Loi du 23 mars 1855, sur la transcription. Bibliographie. Traité du droit de do- maine de propriété, par Pothier. Traité de la propriété, par Comte ; Paris 1834, 2 vol. in-8°. Histoire du droit de propriété foncière en Occident, par Laboulaye ; Paris 1839, 1 vol. in-8° Traité du domaine de propriété, par Proudhon ; Dijon 1839, 3 vol. in-8°. Robernier, De la preuve du droit de propriété en fait d'immeubles ; Paris 1844, 2 vol. in-8°. De lapropriété et de la distinction des biens, par Valette ; Paris, 1879, in-8°. Question des propriétés primitives, par Aucoc ; Revue critique, XIV, 1885, p. 108.

§190.

Notion de lapropriété.

Lapropriété, dans le sens propre de ce mot (dominiu/n), exprime l'idée du pouvoir juridique le plus complet dune

250 DES DROITS RÉELS.

personne sur une chose, et peut se définir. le droit en vertu duquel une chose se trouve soumise, d'une manière absolue et exclusive, à la volonté età l'action d'une personne \

Les Incultes inhérentes à la propriété ne sont pas sus- ceptibles dune énumération détaillée. Elles se résument dans la proposition suivante : le propriétaire peut à volonté user et jouir de sa chose, en disposer matériellement, faire à son occasion tous les actes juridiques dont elle est sus- ceptible, enfin exclure les tiers de toute participation à l'exercice de ces diverses facultés.

Quoique la propriété soit un droit absolu de sa nature, l'exercice en est cependant soumis à diverses restrictions établies dans l'intérêt public 2.

D'un autre côté, les facultés inhérentes à la propriété ne peuvent être exercées qu'à la condition de ne point porter atteinte à la propriété d'autrui. Delà, certaines limites que, pour leur intérêt réciproque, les propriétaires voisins ne doivent pas dépasser dans l'exercice de ces facultés.

Enfin, la propriété peut se trouver modifiée par l'effet de servitudes légales ou conventionnelles. Mais, par cela même qu'elle constitue de sa nature un droit absolu et exclusif, elle est légalement présumée libre de toutes ser- vitudes : Quilibet fundus prsesumitur liber a servitatibiis. D'où la conséquence, que celui qui réclame une servitude sur le fonds d' autrui, est tenu d'en établir l'existence, alors même que de fait il aurait la quasi-possession de cette servitude \

La propriété confère eu général les mêmes avantages,

1 Telle est l'idée que les rédacteurs du (-ode paraissent avoir voulu ex- primer dans Tari. 344 Mais en disant que « la propriété est le droit de « jouir el de disposer des choses de la manière la plus absolue, » ecl ar- ticle l'ail plutôt, par voie d'énumôration des principaux attributs de la propriété, une description de vc droit, qu'il n'en donne une véritable dé- finition. Gpr. Zachariœ, §493 a, texte et note lre.

- C'est à ces restrictions que fait allusion la disposition finale de l'art. 5>44 : « pourvu qu'on n'en Casse pas un usage prohibé par les lois on par les règlements.

3 Vov. Sil9j texte u" i. /aehari:e. g 194, texte et note'2.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 190. 257

qu'elle s'applique à des meubles, ou à des immeubles. Toutefois, la propriété des meubles, qui de fait, est moins certaine et moins stable que celle des immeubles, ne jouit pas non plus, d'après notre Droit, de la même protection et des mômes garanties légales que cette dernière 4. Ainsi, par exemple, le propriétaire de meubles corporels ne peut, sauf les cas de perte et de vol, les revendiquer contre des tiers détenteurs '. Ainsi encore la loi, sous le rapport de la capacité d'aliéner, s'est montrée moins exigeante pour l'aliénation des meubles que pour celle des immeubles.

Dans l'acception véritable du mot, la propriété ne se comprend que pour les choses corporelles.

Mais le terme propriété a été étendu à des choses incor- porelles pour désigner le droit exclusif d'en user et d'en disposer 6.

C'est ainsi que l'art. 711 du Gode civil dit que « la pro- « priété des biens s'acquiert et se transmet par succession, « par donation entre vifs ou testamentaire, et par l'effet <( des obligations ; » et que l'art. 136 du Code de com- merce parle de la propriété dune lettre de change 7.

C'est ainsi encore qu'on qualifie de propriété littéraire, artistique et industrielle, le droit exclusif des auteurs, ar- tistes, ou inventeurs sur la valeur pécuniaire de leurs compositions, œuvres d'art, ou inventions, valeur qui se détermine par les profits commerciaux ou industriels qu'on peut retirer de la publication, de la reproduction, ou de la mise en application de ces créations ou découvertes 8.

* Cpr. Traité de la propriété mobilière, par Ghavot ; Paris 1839, 2 vol. in-8°. Examen de la propriété mobilière en France, par Rivière ; Pa- ris 1854, 1 vol. in-8o. Zaehariae, § 493 a. V. la Bibliographie indiquée aux §§183 et -183 bis.

5 Art. "2-279. Voy. aux §§ 183 et 183 bis l'explication de cet article.

(i Le ternie dominium avait reçu, en Droit romain, des extensions ana- logues. C'est ainsi que la loi 3. D. siusus. pet. (7, 6), parle du dominium ususfructus, et la loi 70, § 1. de K. S. (50. 10), du dominium nniver.nim hereditatis.

7 L'art. 25, al. 1, du Code civil emploie dans le même sens le terme propriété.

8 Les œuvres de l'esprit, les créations de l'art, et les découvertes scien-

ii 17

25$ DES DROITS RÉELS.

Enfin, clans un sens analogue on désigne sous le nom de propriété des offices, la valeur péeuniaire du droit de pré- sentation que Fart. 91 de la loi du 28 avril 1816 assure aux titulaires de certains offices ministériels.

L'examen de la nature et de l'étendue des droits ou pou- voirs de l'État sur les biens compris dans son territoire, a conduit les publicistes à distinguer le domaine éminent et le domaine du Droit civil. Mais ce que l'on entend par domaine éminent ne constitue pas un véritable droit de propriété. Ce domaine, en effet, ne donne pas au souverain le droit de disposer des choses qui appartiennent a des particuliers ou à des personnes morales ; il l'autorise seu- lement à soumettre l'exercice du droit de propriété aux restrictions commandées par l'intérêt général, à exiger du propriétaire le paiement de l'impôt, et à lui demander,

titiques ou industrielles cessent, par leur essence même, de former pour leur auteur un bien individuel, dès qu'il les a livrées à la publicité, en ce sens du moins qu'à partir de ce moment, elles profitent à l'humanité tout entière, et que chacun peut se les assimiler et en jouir. Mais l'idée d'un droit privatif et d'une jouissance exclusive se comprend parfaitement, en tant qu'on l'applique à la valeur pécuniaire qui, dans les conditions éco- nomiques des sociétés modernes, s'attache à la faculté de reproduire ou de mettre en pratique ces œuvres, ces créations, ou ces découvertes. Seu- lement on peut se demander, si le droit exclusif à cette valeur existe indé- pendamment et en dehors de toute loi positive, si par conséquent,il va pour le législateur un devoir impérieux de le sanctionner, ou si, au contraire, il est simplement équitable et utile qu'il le fasse. Cette dernière solution est, à notre avis, la plus juridique, puisqu'il s'agit d'un droit tout parti- culier, qui ne saurait se comprendre que dans un état social donné, et qui de sa nature môme se trouve, pour son établissement et sa conservation, soumis à la réglementation de la loi. C'est en partant de ces idées que les diverses législations qui ont reconnu ce droit privatif, en ont limité la durée à un certain terme. De aussi la nécessité de conventions inter- nationales pour la garantie réciproque de la propriété littéraire, artisti- que, et industrielle. \ oy . Code international de la propriété industrielle, artistique et l itéraire, par Pataille et Huguet : Paris 18.V>, 1 vol. in-8». Dictionnaire de la Propriété industrielle, artistique et littéraire, par Pouillet ; Paris 1887, 2 vol. in-8°. liépertoire de législation et de jurispru- dence en matière de brevets d" invention, par Huard et Pelletier; Paris. 1885, 4 vol. in-8.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 190. 259

pour cause d'utilité publique, le sacrifice de sa propriété, moyennant une juste et préalable indemnité 9. Art. 545. Cependant quelques jurisconsultes sont allés jusqu'à at- tribuer à L'Etat un droit de propriété primordial sur tous les biens compris dans son territoire ; et c'est même sur le fondement de cette théorie, que la Cour de Paris avait reconnu à l'Etat un privilège ou un droit de prélèvement sur tous les biens dépendant d'une succession, pour le re- couvrement des droits de mutation par décès. Mais cette doctrine a été justement condamnée par la Cour de cassa- tion, comme conduisant à la négation même du droit de pro- priété, et comme étant également contraire aux principes fondamentaux de notre Droit public et de notre Droit civil10. Nous n'aurons à nous occuper spécialement, ni de la propriété littéraire et artistique H, ni de la propriété indus-

9 « Au citoyen, a dit Portails, appartient la propriété, au souverain « l'empire. » Exposé de motifs (Locré, Lég., YIII. p. 152 et suiv., n°s 6 à 8). Zachàriae, § 193 a, texte et note 2. Gpr. Hello. De l'inviolabilité du droit de propriété, Revue de législation, 1845, II, p. 5.

10 Giv. GâSS., 23 juin 1857, S., 57, 1, 401. Cet arrêt a été rendu au rapport de M. le conseiller Laborie, dont le remarquable travail est un traité ex professo sur la matière.

11 Voy. sur la propriété littéraire et artistique : Législation! Loi des 13-19 janvier 1791. Loi des 19 juillet-6 août 1791. Arrêté du 1er ger- minal an XIII. Décret du 8 juin 1806. Décret du 5 lévrier 1810, art. 39 et 40. Avis du Conseil d'État du 33 août 1811. Code pénal, art. 425 à 430. Loi du 3 août 1844. Loi du 8 avril 1854. Loi du 16 mai 186b\ Loi du 14 juillet 1860. Bibliographie. Essai sur la propriété littéraire, par Florentin Ducos : Paris. 18-25, in-8o. Collection des procès-verbaux de la commission de la propriété littéraire: Paris 1826. in-4°. Traitédes droits d'auteurs dans la littérature, la science et les beaux-arts, parRenouard; Paris, 1838. 2 vol. in-8». Traité de la contrefaçon en tous genres, par- Blanc ; Paris, 1855, 1 vol. in-8û. Études sur la propriété littéraire en France et en Angleterre, par Paul Laboulaye : Paris 1858. 1 vol. in-8».La propriété littéraire au dix- huitième siècle, par Laboulaye et Guiffrey : Paris 1860, 1 vol. in-8o. Du projet de loi sur la propriété littéraire, par Casati : Revue pratique, 1862, XIII, p. 112. Sur la perpétuité de la propriété litté- raire, par Herold : Revue pratique. 1862. XIII. p. 394. Historique et théo- rie de la propriété dûs auteurs, par (îaslambido : Toulouse 1862, broch. in-8o. Rapport présenté a l'Académie de législation de Toulouse sur le pré cèdent ouvrage, par Bressolles ': Toulouse 1862. broch. in-8o. Examen du

"260 DES DROITS RÉELS.

Iriellc '\ ni de celle des offices v,i, ni de ce qu'on appelle

projet de loi sur la propriété littéraire et artistique, par .Mourlon ; Hevue pratique, 1864, XVII. p. 5, 138, 193, 314 et 400, XVIII, p. 30. Disserta- don, parGroz, Hevue pratique, IK(i(>, XXI, p. 533. De la propriété litté- raire, par Folleville; Paris, 1877. 1 vol. in-8°. Etude sur l<i propriété lit- téraire, par Worms, Paris, 1878. 2 vol. in-12. Traité théorique et pratique île la propriété littéraire et artistique, par Pouillet: Paris, 1889, 3e édi- tion, 1 vol. in-8°. Etude sur la propriété industrielle et littéraire, par Dcschamps : Paris, 1880, 1 vol. in-18. Etude sur la propriété littéraire et artistique, par Delalande, Paris, 1880, 1 vol. in-8». Code des droits d'au- teur sur les œuvres littéraires et artistiques, par Gh. Constant : Paris 1880, 1 vol, in-8°. Lois françaises et étrangères sur la propriété littéraire et artistique, par Lyon-Caen et Delalain ; Paris 1889, 1 vol. in-8°. De la propriété littéraire et artistique au voint de eue international, par Renault; Paris, 1879, 1 vol. in-8». De la propriété littéraire et artistique dans les colonies françaises, par Sauvel ; Paris, 1882, 1 broch. in-8.

12 Sous le titre général de propriété industrielle, nous comprenons celle des inventions et découvertes, et celle des marques de fabrique. Voy. sur la propriétédes inventions et découvertes : Loi du 5 juillet 1844, sur les brevets d'invention (l'art. 52 de cette loi abroge toutes les dispo- sitions antérieures, relatives aux brevets d'invention, d'importation et de perfectionnement). Loi du 31 mai 1856, qui modifie l'art 32 de la loi pré- cédente. Loi du 5 juillet 1881. Traité des brevets d'invention, de perfec- tionnement, et d' importation, par Renouard ; édition, Paris, 1844, 1 vol. in-8°. Code des inventions et des perfectionnements, par Blanc; 3e édition. Paris 1852, 1 vol. in-8o. Traité pratique du droit industriel, par Rendu : Paris 1855, 1 vol. in-8°. Des brevets d'inventions et de la contrefaçon . par Nouguier ; Paris 1858, édition, 1 vol. in-8°. Des brevets d'inven- tion, par Bédarride; Paris 1869, 3 vol. in-8°. Traité théorique et pratique des brevets d'invention et de la contrefaçon, par Pouillet ; Paris 1889, 3e édition, 1 vol. in-8°. Des inventions brèvetables, par Allart: Paris 1885, 1 vol. in-8». De la propriété des brevets d'invention et de leur validité, par le même: Paris 1887, 1 vol. in-8°. Voy. sur la propriétédes mar- ques de fabrique et de commerce : Arrêté du 23 nivôse en IX. Loi du 22 germinal au XI, art. 16 à 18. Décret du 5 septembre 1810. Loi du 28 juil- let 1824. Loi du 23 juin 1857. Décret du 26 juillet 1858. Lois du 26 no- vembre 1873 et du 3 mai 1890. Traité des marques de fabriques et de la concurrence déloyale, par Pouillet ; Paris 1883, 2e édition, 1 vol. in-8<J. Etude sur le droit de l'inventeur de dessins et de marques de fabrique, par Prache; Paris 1881, in-8°. De la concurrence déloyale et de la contre- façon en matière de noms et de marques de fabrique, par Gaston Mayer ; Pa- ris 1879, 1 vol. in-8°. Des marquesde fabrique, par Rendu ; Paris 1881,2 vol. in-8<>. Des dessins et des modèles de fabrique, par Fauchille ; 1882, in-8°. 18 Voy. sur la propriété des offices : Loi des finances du 28 avril 1816,

DE LA PROPRIÉTÉ. § 190. 261

improprement la propriété des grades n &&, ces matières étant réglées par des lois particulières. Nous nous borné- art. 91 : § 165, texte et note 27. Traité des offices, par Dard, 1 vol. in-8<>. Propriété et transmission des offices ministériels, par Bataillant, Paris 1841,1 vol. in-8°. Des offices considérés au point de vue des transactions privées et des intérêts de l'État, par Durand; Paris 1864, 1 vol. in-8°. Traité des offices ministériels, par Perriquet; Paris 1874, 1 vol. in-8°. 13 bis. Sur ces diverses questions, voir L. Béquet, Répertoire de droit administratif, Armée, section 111, des officiers, nos 511 et suivants. Traité de la justice administrative, par Dareste; Paris 1862, 1 vol. in-8, j). 381 et s. Contrats de l'État, par Perriquet ; Paris 1890, 2e édition, 1 vol. in-8<\ Ce que l'on est convenu d'appeler la propriété du grade est l'ensemble des garanties légales empêchant qu'un militaire, après avoir conquis une situation par de longs services, soit sacrifié à des préven- tions personnelles ou à des réactions politiques. Posé par la Charte cons- titutionnelle du 14 août 1830 (art. 60 et 69 § 6) appliqué par la loi du 14 avril 1832 sur l'avancement, art. 24 et par celle du 19 mai 1834 sur l'état des officiers (art. 1er), ce principe a été maintenu dans la législation postérieure. Le grade est contéré par le Chef de l'État : il est l'un des élé- ments essentiels de Y état de l'officier, et il lui confère le droit de figurera Y Annuaire militaire. Perriquet, I. 513 et s. Arr.Cons., 6 février 1874, Le- bon, 118. Ce recueil, dont la publication annuelle est prescrite par les art. 91 et 407 de l'Ordonnance royale du 16 mars 1838, est la liste d'ancien- neté des officiers de l'armée : c'est le titre officiel qui constate la situation respective que l'ancienneté crée entre officiers du même grade, ainsi que les droits et prérogatives qui s'attachent à cette situation. 11 est de prin- cipe que le rang d'ancienneté de l'officier dans son grade fait partie inté- grante de son état au même titre que le grade lui-même. Arr. Cons. , 17 fé- vrier 1875, Lebon. 155 et les conclusions de M. David, commissaire du Gouvernement. Le grade dévolu régulièrement appartient à l'officier, eu ce sens qu'il ne peut lui être retiré hors des cas prévus par la loi. Arr. Cons.. 13 mars 1852, Lebon, 29. Toutefois les nominations faites en vertu de l'autorité exercée par le Souverain sur les membres de sa famille restent subordonnées à la volonté de celui de qui elles émanent, elles ne constituent donc pas le grade dont la propriété définitive et irrévocable ne peut être enlevée à l'officier (pie dans des cas spécialement déterminés. Arr.Cons.. 19 février 1875, Lebon, 155 (précité). L'officier est tenu de prouver la régularité de la collation du grade, en produisant son litre (décret, ordonnance ou brevet). Le fait d'avoir porté les insignes ou celui d'avoir exercé les fonctions, sont en eux-mêmes insuffisants. Arr. Cons.. 17 août 1836, Lebon. 401. Arr. Cons.. 30 mars et 4 juillet 1838. Lebon, 195 et 368. L'avancement, a lieu au choix ou à l'an- cienneté, selon certaines règles, et dans des proportions indiquées par les règlements. Le rang d'ancienneté faisant partie de l'état de l'officier.

262 DES DROITS RÉELS.

mus à exposer dans les paragraphes suivants Les principes relatifs à la propriété des elioses corporelles ]:i tc>\

constitueen sa faveur un droit dont la méconnaissance donne ouverture a

un recours contentieux devant le Conseil d'État .Perriquet, 1,832. Aie. (Ions.. 6 février i 8T4, Lebon, 417. Cpr. Arr.Gons., 30 juillet 1846, Lebon, 86S et 20 mars 1862, Lebon, 213, ainsi que les conclusions de M. Robert,

commissaire du Gouvernement,. Mais l'avancement au choix n'est qu'un acte administratif qui ne peut être attaqué au contentieux. Àrr. Cons., 22 janvier 1863, Lebon, 44 et les conclusions de M. Robert. Arr. (Ions.. 9 janvier 1868. Letton, 1. Les positions de l'officier sont au nombre de cinq : l'activité, la disponibilité, la non-activité, la réforme et la retraite. Loi du 19 mai 1834, art. 2 à 14. Aux termes de l'art. 1er de la même loi, le grade se perd : par la démission acceptée par le Chef de l'État ; par la perte de la qualité de Français ; par une con- damnation à une peine afflictive et infamante ; 4U par une condamnation à une peine correctionnelle pour délits prévus par les art. 401, 402, 403, 405, 406, 407 et 408 du Code pénal (Cpr. C. pénal militaire, art. 201) ; par une condamnation à une; peine d'emprisonnement, qui a interdit le condamné des droits civils, civiques et de famille ; par la destitution prononcée par un Conseil de guerre dans les cas prévus par les articles suivants du Code pénal militaire : art. 210, 214, 815, 217, 218, 249, 220. 223, 224, 226, 248, 250, 252, 254, 255, 257, 262, 263. 265. Voyez sur toutes ces questions le Commentaire sur le Code de Justice militaire, par Pradier-Fodéré et Le Faure ; Paris 1873-1876, 2 vol. in-8° et le Code de Justice militaire pour l'armée de terre, par Leclerc de Fourolles et Cou- pois; Paris 1887, 2 vol. in-8«. Le Conseil d'État a décidé récemment que le Ministre de la Guerre pouvait, sans excéder ses pouvoirs et sans porter al teinte au principe de la propriété des grades, faire rayer des contrôles, les membres des familles ayant régné en France, l'art. 4 de la loi du 22 juin 1886 créant une incompatibilité absolue entre leur qualité et celle d'officier dans les armées de la République. Arr. Cons.. 20 mai 1887. Princes d'Orléans, Lebon. 409. Mais cette exclusion ne s'applique pas aux alliés de ces familles. Même date. Princes Murât, Lebon. 419. et les conclusions de ML Marguerie, commissaire du Gouvernement. Cpr. Perri- quet, I, 926. La décision prise par application de la loi du 3 mars 1879 en faveur d'un officier condamné en 1871 par le Conseil de Guerre pour faits relatifs à l'insurrection, a eu pour effet de réintégrer cet officier dans son grade, et d'effacer les conséquences juridiques de la condamnation. Arr. Cons., 14 juillet 4884. aff. Menuet, Lebon, 584. Cpr. en ce qui touche la réintégration dans les cadres de la Légion (l'honneur. Arr. Cons. 13 mai 1881. Brissy, Lebon, 492 et les conclusions de M. Marguerie.

13 1er, Le régime de la propriété privée immobilière on Algérie est gouverné par des lois spéciales dont nous indiquerons seulement les plus importantes. Ordonnance du 21 juillet 1846. Loi du Ml juin 4851.

DE LA PROPRIÉTÉ- I \$Qbis. 263

g 190 Wi.

Appendice. De la propriété des noms patronymiques^ commerciaux et industriels et des surnoms.

Les noms patronymiques des familles sont leur pro- priété. Ils s'acquièrent en principe général par l'effet de la filiation légitime ou de la reconnaissance par l'un des parents ; ils s'affermissent par un usage constant et une longue possession. 2 II suit de que toute personne, à

Loi du 23 mars 1855 sur la transcription. Sénatus-consulte du 22 avril 1863. Loi du 26 juillet 1873. Circulaire du 27 février 1885. Décret du 10 septembre 1886. Sur l'organisation de la justice musulmane, art. 1er. Loi du 28 avril 1887. Cpr. Dictionnaire de la législation Algérienne, supplément, propriété, par Ménerville ; Paris 1881-1884, 3 vol. in-8°. De la propriété en Algérie, par R. Dareste ; Paris 1863, édition,! vol. in-12. La propriété en Algérie, par E. Robe ; Alger 1865, 1 vol. in-8«. Le statut réel français en Algérie, par Eyssautier ; Alger 1887,1 vol.in-8°. La loi du 26 juillet 1873, par Poivre ; Alger 1888,in-8o. La Cour de cas- sation, a récemment décidé que l'accomplissement des formalités énumé- rées par la loi de 1873, n'étaient point imposé aux personnes qui déte- naient l'immeuble en vertu d'un titre notarié, administratif ou judi- ciaire. Civ. cass., 13 novembre 1888, S., 89, 1, 113.

1 Bibliographie. Du droit des propriétaires de fief d'ajouter le nom de leur fief à leur nom patronymique , par Ch, Beautemps-Beaupré. Paris. 1864, in-8°. Droit nobiliaire français au X/Xe siècle. 1866, 1 vol. in-8°. Paris, par Levesque. Des noms propres et de leur origine nar le Gle Hallez-Glaparède. Paris, 1869, in-8°. Eludes sur l'origine des noms patronymiques flamands et sur quelques questions qui se ratta- chent aux noms, par Gustave Van Hoorebeke. Bruxelles 1877, 1 vol. in-8o. Etude sur le nom de famille et les titres de noblesse, par Tournadc ; Pans 1882, br. in-8o.

2 Douai, 16 décembre 1835. D. Rép. Nom, 15. Bordeaux, 4 juin 1862, S., 63,1, 6. Req.. 15 mai 1867, S., 67, 1, 241, les conclu- sions de M. l'avocat général Paul Fabre, et la note de l'arrètiste. La femme prend, par suite de son mariage le nom de son mari ; mais la question de savoir si elle ne le porte qu'en raison d'une habitude, et des mœurs, ou, au contraire. comme yayantlégalemenl droit, est très vivement controversée. Voyez dans le premier- sens. Bugnet sur Pothier, Traite du Contrat <!<' mariage, 401, ('arpentier. Du divorce, 329. Poulie, Du

264 DES DROITS RÉELS

condition d'y avoir un intérêt quelconque* M*, pécuniaire, moral ou social, peut s'opposer à ce qu'une autre usurpe son nom patronymique, ou qu'elle L'annexe au sien propre. de droit existe même en faveur des communes2 ter.La preuve de la propriété du nom s'établit conformément aux règles du droit commun, soit à l'aide de titres, soit par une pos- session dont les tribunaux apprécient souverainement le caractère, et les efîets \ Les contestations qui s'élèvent en pareil cas sont de la compétence des tribunaux ordinaires4. Les mêmes règles s'appliquent au nom commercial, industriel ou social, dont la propriété peut être également revendiquée ou défendue par ceux à qui il appartient. 3

nom de la femme divorcée, no» 3 et s. Tribunal de Lyon, 4 mars 1886, ot tribunal de Toulouse, 18 mai 1886, S., 86, 2, 119. Nîmes, 8 août 1887. S., 88. 2, 20. Voyez dans la seconde opinion, Pothier, Du contrat de mariage, 401. Fuzier-Hermann, Du nom de la femme mariée, Journal la Loi du 25 mars 1885. Cpr. Alger, 29 décembre 1886. S., 86, 2, 119. Dijon. 27 juillet 1887, S., 87. 2, 17.

2 bis Tribunal de la Seine, 15 février et 30 mars 1882,S., 84, 2, 21. Tri- bunal de la Seine, 13 novembre, 1889, S., 90, 2, 119. Gpr. et texte et notes 20 et 21. Spécialement, quant aux femmes qui ont, par suite de mariage, cessé de porter le nom de leur père. Civ. rej., 16 mars 1841, S., 41, 1, 532. Civ. rej., 15 juin 1863, S., 63. 1, 281. Les parents éloignés sont faute d'intérêt, non recevables à s'opposer à ce qu'un tiers prenneun nom. alors surtout que la branche de la famille qui avait ajouté le nom de la terre est éteinte depuis longtemps. Voy. Req., 20 avril 1868, S., 68, 1, 194. Pour les étrangers : Paris, 28 juin 1859, S., 1862, 1, 52.

- ter. Laferrière, Juridiction administrative, \, p. 471. Quant aux com- munes, Arg. Arr. Cons., 16 août 1862, Lebon, 679.

3 Civ. rej., 10 mars 1862, S., 62, 1, 593. Req., 5 janvier 1863, S., 63, 1, 191. Riom, 9 janvier 1865, S., 65, 2, 7, Req., 14 mars 1865, S., 66, 1, 435. Req., 15 mai 1867, S., 67, 1, 241. Req., 25 mai 1869, S..69, 1, 308. Gpr. sur ces diverses questions. Bertin, De la Chambre du conseil, vo Changement et addition de nom, I, p. 220 et suiv. Toutefois, comme les noms patronymiques sont hors du commerce, le droit de les porter ne peut s'acquérir par prescription. Troplong, De la prescription, I, 248. Arg. Giv rej . 16 mars 1841, S., 41, 1, 532. Tribunal civil delà Seine du 17 janvier 1861, Paris, 4 décembre 1863, sous Req.. 14 mars 1865, S.. 66, 1, 435. Req., 29 juillet 1879. D., 80, 2, 102.

* Gpr. Req., 25 février 1823, S.. Chr. Giv. rej.. 5 novembre 1860. 61. 1, 280. Giv. rej.. Ici- juin 1863, S.. 63, 1, 387.

Loi du 28 juillet 1824. Commentaire de la loi du ?S juillet 1S\> l

DE LA PROPRIÉTÉ, f 190 bis. 265

La jurisprudence est unanime à cet égard6. Il a été ainsi jugé que tout individu qui exerce réellement un com- merce et une industrie avait le droit incontestable d'inscrire son nom patronymique sur les enseignes, an- nonces et factures, et sur les produits de sa fabrication, que c'était un des attributs essentiels de la propriété du nom. Toutefois, lorsque deux commerçants ou industriels portent le même nom patronymique, les tribunaux, sans pouvoir interdire à aucune des parties l'usage de son nom, ont le droit d'imposer à l'une d'elles, soit l'addition d'un prénom, soit une mention quelconque, par exemple, celle de la date de la fondation de la maison, afin d'éviter toute confusion entre les deux établissements. T

Il a toujours été de règle en France que nul ne pour- rait, sans l'autorisation du souverain, apporter aucune mo- dification altérative, ou addition à son nom patronymique. La prohibition a été nettement formulée par l'art. 9 de l'ordonnance d'Amboise, rendue sous Henri II (1555), et que la jurisprudence a déclarée applicable, bien que Mer- lin 8 en ait contesté la valeur, faute d'enregistrement. Cette règle reprise sous Louis XIII par l'Ordonnance de janvier 1629, vulgairement connue sous le nom de Code Michau (art. 189 à 211) fut maintenue par la loi du 15 fructidor an II et par celle des 11-21 germinal an XI, qui

mis à la suite du Traité pratique des marques de fabrique, par Ambroise Rendu. 1 vol. in-8o, Paris, 1858. Dictionnaire de Droit commercial. par Ruben de Couder, Nom industriel.

6 Pouillet, Traité des Marques de fabrique, 508. Paris, 20 juillet 1879, S., 80, 2, 203. D. 80,2, i02. Cpr. Crim. rej., 18nov. 1876, S., 78, i, 89. Giv. rej.. 15 et 16 avril 1878, S., 79, i, 250. Un commerçant peut join- dre à son nom celui de sa femme. Poitiers, 8 décembre 1863, S., 64, 2. 50. Bordeaux, 17 novembre 1873, S., 74,2.145 et la note. Limoges, 21 janvier 4888, S., 88. 2. 27.

1 Bordeaux, 16 août '.865, S.. 66, 1. 15. Civ. cass., 30 janvier 1878. S.. 78, 1, 289, et les observations de Lyon-Caen. Req., 15 juillet 1879. S.. 79. 1. 348. Lvon, 8 janvier 4884, S., 83, 2. 80. Paris. 6 avril 1887. S., 88,2,435,

8 Merlin. l\ép., Promesse de changer de nom. Y. cep. le rapport de M. le conseiller Aiméras-Latour, S., 82, 1. 115,

266 DES DROITS RÉELS.

n'a pas cessé d'être on vigueur. Toutefois un usage assez répandu permit d'ajouter sans autorisation du souverain au nom de la famille le nom d'une terre, et même de les relier entre eux par la préposition de. Cette [ira- tique qui s'introduisit malgré la rigueur des anciennes Ordonnances, n'implique en soi aucune prétention nobi- liaire, et dans certaines provinces, elle sert simplement à distinguer entre elles les branches d'une môme famille. 9 Quoiqu'il en soit, la jurisprudence a reconnu valable une pareille addition de nom terrien, à condition qu'elle ait eu lieu pendant un laps de temps suffisant pour témoigner de la volonté persistante de l'incorporer au nom de famille : il appartient au juge du fait d'apprécier souverainement les circonstances constitutives d'une pareille condition *kw Le nom ainsi formé devient le nom patronymique, et les membres de la famille qui le portent ont en ce qui le con- cerne, tous les droits que nous avons indiqués plus haut.10 Ce droit appartient même aux étrangers M et aux femmes mariées12, bien que ne portant plus leur nom de famille. Les contestations qui peuvent s'élever à ce sujet, soit entre parties, soit vis-à-vis du ministère public sont de la com- pétence des tribunaux ordinaires 13.

9 Quelquefois même l'on créait un nom de terre pour l'ajouter au nom patronymique, ou pour le remplacer. Molière. Y Ecole des femmes, acte I. scène Ire. Dijon. 10 février 1882, S.. 83. 2, 42.

9 kit. Req., 17 déc. 1860 et Civ. rej.. t:> janvier 1861, S., 61, 1, -273. Giv. rej.. 10 mars 1862, S.. 72, 1, 593. Lyon, 24 mai 4865, S.. 66, "2, 343. Poitiers, 9 juillet 1866. S., 66. 2. 344. Civ. cass., 20 novembre 1866, S.. 66. I. -419. Rennes. 4 juin 1878. S.. 79. 2. 10. Paris. 30 mai

1879, I).. 79, 2. 137. Rennes, 20 avril 1880. S.. 81. 2, 30. Req.. 2 février 1881. S.. 82. 1. I 13. Civ. rej.. 27 juillet 1886. S.. 90, 1, 333. Mais ur nom patronymique, composé de plusieurs mots ne doit pas être scina de manière a établir une confusion entre ce nom et celui d'une autn famille, avec laquelle il n'y a aucun lien de parenté. Rennes. 20 a\iil

1880, S., 81, 2, 30.

10 Req.. 17 décembre 1860, S., (il. I. 278. Civ. rej., lo janvier 1861 S., 61. 274.

11 Paris 28 juin 1859 sous Civ. rej., 7 janvier 1862. S.. Cd. 1. 23. ,:i Civ. rej.. 15 juin 1863. S.. 63». 1, 281. Gpp. gyprà, note 2 bis.

15 Civ. rej., 13 janvier 1813. S.. Clu\. Req., 16 nov. 1824.1).. Rêp. v

DE LA PROPRIÉTÉ. § 190 blS. 267

Les demandes tendant à obtenir soit un changement de 10m, soit une addition, doivent être, par l'intermédiaire l'un Référendaire au Sceau, présentées au Ministre de la ustiee qui les soumet au Chef de l'État. Les décisions sont •endues sous la forme de décrets insérés au Bulletin des 'ois, et au Journal officiel. Ces décrets n'ont exécution [uaprès l'expiration dune année à compter du jour de eur insertion au Bulletin des lois : pendant cette année out ayant-droit peut saisir le Conseil d'Etat par la voie •ontentieuse, et former opposition au décret11. La faculté l'opposition appartient, selon la formule très large cons- tamment employée par le Conseil d'Etat, à tous ceux à qui le décret attaqué porte préjudice15. Il en est ainsi même d'une commune10.

Les collations de titres nobiliaires ont toujours été con- sidérées comme des actes de prérogative et d'autorité

Nom, nos 28 et 35. Giv. rej., 10 mars 1862. S.. 62, 1. §83, Civ. cass., 21) novembre 4866, S., m, t, 419. Keq., Ki mai 1867, S., 67. 1. 241. Req., 2:; mai 1869, S., 69, 1, 308.

14 Loi du 11 germinal an XI. D. Rèp. Nom. nos 63 et suiv> Lafer- rière. Juridiction administrative, p. 470. Il suffit qu'un particulier soit depuis longtemps en possession d'un nom, pour qu'il puisse s'opposer a ce qu'une autre famille s'en empare, et demander que l'autorisation de changement de nom soit révoqué. Arr. Cons., 23 décembre 1815, Bidot-Liriagou ; même date. Bréchard. Arr. Cons., 18 novembre 1818, Nadreau, I). Rèp.. Nom, 54, note 3 et 4. Arr. Cons., 16 décembre 1H.">8. Lebon. 721 et la note. Cpr. Blanche, Dictionnaire général d'ad- ministration, \o Nom. Mais si l'opposant ne peut justifier d'aucun préju- dice, sa requête à fins d'opposition au décret doit être rejetée. Arr. Cons., 6 août 1861, Lebon, 689. Arr. Cons.. 7 juin 1866, Lebon, 636. Arr. Cmis. 18 juillet 1873, Lebon, 664. Arr. Cons., 16 juillet 1880, Lebon. liiiH. Spécialement l'autorisation donnée par le Gouvernement à Tune des branches d'une famille de prendre un nom que l'auteur commun avait ajouté à son nom patronymique ne fait pas obstacle à ce que la même autorisation soit ultérieurement accordée aux représentants d'une autre branche. Arr. Cons., 10 avril 1860. Lebon, 290. Arr. Cons., 16 août 1860. Lebon, 651.

,s Aii'. Cons.. 21 juin 1839. Lebon, p. 343. Arr. Cons., 6 août 1861. Lebon, 689. Arr. Cons., 5 et 9 juin 1862, Lebon, 465 et 508.

1,5 Air. Cons., 16 août 1862. Lebon. 679.

268 DES DROITS RÉELS.

souveraines qu'aucune loi ne permettait de déférer au Conseil d'Etat parla voie contcntieuse17. Elles résultaient de décrets rendus par le chef de l'Etat, sur l'avis du ('onseil du Sceau. Après la loi des 28 mai-5 juin 18.'i8 modifiant l'article 259 du Code pénal, le Conseil du Sceau des titres fut rétabli par un décret des 8-12 janvier 1859. Il a cessé en fait d'exister depuis le 4 septembre 1870, et ses attributions furent transportées aux bureaux du Mi- nistère delà justice. La loi de finances des 16 septembre- 2 octobre 1871 a rendu la suppression effective, en re- tranchant le crédit affecté aux services de ce Conseil. Le décret des 10-11 janvier 1872 Fa supprimé enfermes ex- près, et il en a attribué les fonctions au Conseil d'adminis- tration établi près le Garde des Sceaux. Toutefois, si un décret maintenant ou confirmant un titre de noblesse, n'est pas susceptible d'être déféré au Conseil d'Etat par la voie contentieuse, il n'est rendu que sauf le droit des tiers ; le souverain ne pourrait dépouiller un particulier d'un titre qui est sa propriété privée. Il appartient alors aux tribunaux civils, non pas d'annuler le décret, mais, ainsi qu'on la dit, de statuer à côté du décret, et de recon- naître le droit contesté. C'est la seule manière de concilier les droits des citoyens avec l'exercice de la prérogative du souverain en matière de titre. 18

Enfin le pseudonyme adopté pour sa profession par une personne qui est connue sous cette dénomination de- vient lui-même une propriété sut generis, conséquemmenj il est protégé contre l'usurpation des tiers 19. Mais un écrivain ne peut prendre comme pseudonyme le nom

17 Ait. CiOns.. 28 mars et il août I8()() et les conclusions de MM. L'Hôpital et Aucoc, commissaires du Gouvernement : affaires de Mont- morency et Hamilton. Lebon, 298, 974 et 1320.

18 Aucoc. Confêrenccs.\,\). 496, note. Dareste. Justice administrât ire. page 222. Voyez en sens contraire Laterrière, Juridiction administrative^ I, |>. 470 et 17:2. Cpr. conclusions de M. l'Avocat-Général de Vallée. I)., 1865,2, 121.

" Civ. cass., (i juin 1859, S., 59, 1, 657. Paris, 30 décembre 18(18. S.. 69, I, 139. Tribunal de la Seine. 1er avril 1869, D., 71, 3, 70.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 190. 269

l'une personne vivante, quand il peut en résulter une onfusion lâcheuse 20, ni le donner à un personnage de •Oman de théâtre quand la mise en action de cette lénomiuation est susceptible de rendre un nom odieux bu ridicule ".

20 Annales de la propriété industrielle, artistique et littéraire, 1801). ». 143. Tribunal de la Seine, 30 mars 4882, S., 83, 2, 21 et les observa- ions de Labbé.

51 Tribunal de la Seine, 15 février 1882. S.. 83. 2, 21. Tribunal de la Seine, 13 novembre 1889, S., 90, 2, 119.

CHAPITRE I.

Des facultés inhérentes à la propriété, et de s étendue quant aux objets sur lesquels elle port*

§191.

I. Des facultés inhérentes à la propriété.

Le propriétaire est autorisé à faire servir la chose ( lui appartient, à tous les usages compatibles avec sa natu:

Il est également autorisé à recueillir tous les fruits, j venus, ou émoluments qu'elle est susceptible de produ ou de procurer \ C'est à cet attribut de la propriété q se rattache le droit de chasser ou de pêcher sur les t< rains ou dans les eaux dont on est propriétaire 2. C'est au en vertu de cet attribut que le propriétaire est autorise! exploiter les carrières, tourbières et minières qui se tre vent dans son fonds 3, et à y rechercher, pour les utilise les sources d'eaux, soit ordinaires, soit minérales, qu'il re ferme *. Art. 552, al. 3.

1 Voy. pour le développement de celte proposition, le § 192.

2 Los règles sur la chasse et la pêche, considérées comme moyen d1 quérir, seront exposées au § 204.

3 L'exploitation des carrières n'est pas soumise à l'autorisation prêt ble de l'administration. Loi du 21 avril 1810, sur les mines, art. 81 82. Toutefois cette exploitation doit être précédée d'une déclaration ; municipalité. Loi du 27 juillet 1880. art. 81. Il en est autrement de Y ploitation des minières et des tourbières. Loi précitée, art 57 et Quant aux mines : voy. § 192, texte 1 et note 2 ; § 193, texte note 1-2.

* Code civil, art. 040. Cpr.Req., 4 décembre LB60, S., (il, I. 623. Vi

DE LA PROPRIÉTÉ. § 191. 271

Enfin, le propriétaire est libre de dénaturer sa chose, et même de la détruire 5. Ainsi, il peut changer la culture des immeubles, convertir les terres arables en prés ou en vignes, et réciproquement 6, défricher les forets 7, et faire au-dessus ou au-dessous du sol toute espèce de construc- tions 8, en les portant jusqu'à la limite de son fonds 9. Art. 5o2, al. 3. Il peut, en particulier, établir un étang, en uti- lisant à cet effet les sources qui prennent naissance sur son fonds, les eaux pluviales qui y tombent, et celles qui /y ar- rivent d'un fonds supérieur ou dune voie publique 10.

L'exercice de ces différentes facultés, qui reste sans doute subordonné à la condition de ne pas porter atteinte à|la propriété d' autrui, ne peut être interdit par cela seulfqu'il aurait pour résultat de priver un tiers de quelque avantage ou agrément, et ne donne, même en ce cas, ouverture, au profit de ce tiers, à aucune action en dommages-intérêts .

Il y a mieux : le propriétaire riverain d'un cours d'eau ou d'un torrent est autorisé, pour garantir son fonds contre l'invasion ou la corrosion des eaux, à v faire les travaux

cependant : Loi du 14 juillet 1856, sur la conservation et l'aménagement des sources d'eaux minérales. § 193, texte et note 14. s Voy. cependant : Code pénal, art. 434.

6 Loi des 28 septembre-8 octobre 1791, tit. I, secl. I, art. 2.

7 Yoy. cependant, sur les restrictions auxquelles se trouve soumis l'exercice de cette faculté : Loi du 18 juin 1859 ; § 193, texte et note 10.

8 Sauf cependant l'observation de règlements de/voirie. sauf aussi les modifications résultant entre autres des lois sur les mines et sur les sour- ces d'eau minérales. Cpr. notes 3 et 4 suprà, § 193, texte et notes 4, 6, 9, 42 à 14.

9 II en serait ainsi dans le cas même ce fonds se trouverait limité par un mur appartenant exclusivement au voisin, pourvu que les cons- tructions à élever ne s'appuient pas sur ce mur et n'y pénètrent pas. Giv. rej., 20 juin 1859, S., 59, 1, 707. Cpr. aussi : Req., 1er février 1860, S.. 60, 1,973.

10 Duranton, IV, 408 et suiv. Proudhon, Du Domaine public, V, 1574 et 1575. Pardessus, Des servitudes, I, 80 et 81. Daviel, Des cours d'eaux, III. 807 et 810. Garnier, Régime des eaux, 103. Demolombe, X, 27. Cpr. cependant : § 193, texte et note 7.

11 Yoy. au § 194, texte in fine et notes 16 à 19, le développement de cette proposition.

£7% DES DROITS RÉELS.

de défense nécessaires, à la seule condition de ne pas empiéter sur le lit du cours d'eau ou du torrent, et de se conformer aux lois et règlements sur la matière n, de telle sorte qu'il jouit de cette faculté, bien que son exercice puisse entraîner des inconvénients pour les propriétaires de fonda situés sur la même rive ou sur la rive opposée, sauf à eux à se défendre de leur coté ,3.

Le propriétaire a la faculté de faire, à l'occasion de sa chose, tous les actes juridiques dont elle est légalement susceptible. Ainsi, il peut la donner à bail, l'aliéner à titre onéreux ou gratuit, et, lorsqu'il s'agit d'immeubles, les grever de servitudes ou d'hypothèques. Il peut même ab- diquer sa propriété, c'est-à-dire l'abandonner purement et simplement, sans la transmettre à une autre personne.

La faculté d'aliéner est d'ordre public. Le propriétaire ne peut en principe, y renoncer par convention u ; et la défense d'aliéner imposée par le donateur ou testateur au donataire ou légataire, n'est point en général efficace 15.

Toutefois, les futurs époux peuvent, par contrat de ma- riage, rendre inaliénables les biens delà femme ou certains de ces biens en les soumettant expressément ou implicite- ment aux règles de la dotalité lfi.

Le propriétaire a la faculté d'exclure les tiers de toute participation à l'usage, à la jouissance, ou à la disposition de sa chose, et de prendre, à cet effet, toutes les mesures qu'il juge convenables. Il peut notamment entourer ses

13 Cpr. Ord. de 1669, lit. 27. art. 42. Arrêts du Conseil des 24 juin 1777 et 23 juillet 1783. Loi du 28 mai 1858, art. 6 et 7. Décret du M août 1858. Ait. Gons., 13 décembre 1860, Lebon, 767.

13 Hipam suam aduersus rapidi amnis impetum munire, prohibition non est. L. 1, C. de alluv. (7, 41). Duranton, V. 162; Pardessus, Des ser- vitudes, I, 92. Garnicr, Des rivières, III, 677. Daviel, Des cours d'eau, 1, 384. Taulier, II, p. 361. Demolombe, XI, 30. Zacharise, § 235, note I Delalandc et L4chalas, Des cours d'eau. p. 175. Aix. 19 mai 1813, S. Clir. Req., 11 juillet 1860, S., 61, 1, 510.

14 Arg. art. 544, 1594 et 1598. Zacharise, § 176, texte et note 10. Civ cass., 6 juin 1853, S., 53, 1, 609. Cpr. § 359, texte et note 6.

13 Cpr. | 692, texte in fine. Req., 19 mars 1877, S., 77, 1. 203. ,G Cpr. § 504, texte no 2.

DE LA PROPRIÉTÉ. S 191. 273

héritages de murs, de fossés, ou d'autres clôtures, à charge bien entendu de respecter les servitudes dont ils seraient grevés. Art. 647 1G bis.

L'existence d'une servitude légale ou conventionnelle de passage ou d'écoulement des eaux ne forme même pas, d'une manière absolue, obstacle à la clôture du fonds servant, que le propriétaire reste toujours le maître de clore, à la condition de ne pas gêner l'exercice de la ser- vitude 17.

Le propriétaire peut user de la faculté de se clore pour soustraire ses fonds à la vaine pâture communale, c'est-à- dire, à la vaine pâture exercée, par l'universalité des habitants sur tout le territoire d'une commune. Il jouit de cette faculté dans le cas même la vaine pâture serait fondée en titre.

Les lois des 9 juillet 1889 et du 22 juin 1890 ont pro- fondément modifié la législation antérieure en ce qui con- cerne le droit de parcours et la vaine pâture 18.

a. Droit du parcours. 19 II s'exerçait autrefois de com-

16 bis. Cpr. Dalloz, Rép. Alph., Droit rural, nos 61 et suiv. Lau- rent, VII, 440 à 442.

17 Pardessus, Des servitudes,!, 234. Déniante, Cours, II, 501, bis, I. Demolombe, XI, 283, et XII, 632. Laurent, VII, 441. Perrin et Rendu, Dictionnaire de la construction, no -1193. Bordeaux, 4 mai 1832, S., 33, 2, 283. Rouen, 16 août 1856, S., 57, 2, 67. Req., 24 juin 1867, S., 67. 1, 325. Cpr. Req., 31 décembre 1839, S., 41, 1, 528. Req., 28 juin 1853, S., 54, 1, 57. Paris, 10 novembre 1862, S., 64, 2, 51. Voy. ce- pendant : Duranton, V, 434. Req., 15 février 1870, S., 70, 1, 300. Caen, 23 décembre 1871, S., 72, 2, 111. Toutefois lorsqu'il s'agit d'une clôture sur la voie publique le droit accordé au propriétaire par l'art. 647. C. c. ne peut s'exercer qu'en se conformant aux lois spéciales de la matière. Ch. réunies cass., 20 juin 1864, D., 64, 1, 397.

18 Circulaire du ministère de l'agriculture en date du 7 août 1890. Gazette des Tribunaux du 3 septembre 1890, Traité de la vainc pâture, par Jay et Bcaume ; Paris 1863, 1 vol. in-8°. Code rural, par De Croos : Paris 1887, 2e édition, 2 vol. in-18. La vaine pâture, par Dejamme ; Revue d'administration, 1890, p. 257 et 387.

19 Le droit de vaine pâture, exercé d'une manière rViprnque de com- mune à commune, se nomme varcou , . \ h différence de la vaine pâture communale, qui a été cousm <ee v ac le cas

n 18

274 DES DROITS RÉELS.

mime à commune. [1 est complètement aboli. Loi de 1889, art. 1er. La suppression de ce droit ne donne lieu à une indemnité que s'il a été acquis à titre onéreux. L'évalua-* tion en est faite par le conseil de préfecture. Mais s'il y ;i contestation sur l'existence du titre, les tribunaux de Tor- dre judiciaire sont compétents pour statuer sur cette ques- tion préjudicielle qui doit leur être renvoyée.

b. De la vaine pâture *J0. La loi distingue entre deux

même elle n'était fondée que sur la coutume ou sur un usage immé- morial, le parcours n'avait été maintenu qu'autant qu'il se trouvait fondé sur un titre, ou sur une possession autorisée par la loi ou la coutume, de telle sorte qu'en dehors de ces hypothèses, les propriétaires pouvaient s'opposer à son exercice sans avoir besoin de clore leurs héritages. Mer- lin, Rép.. Parcours. Loi des 28 septembre-6 octobre 1791, tit. I, sect. IV, art. 2. 4 et 5. Laurent, VII, 446. Demolombe, XI, 289. La loi du 9 juillet 1889 a aboli ce droit. Le rapporteur de la Chambre des dépu- tés, M. Boreau-Lajanadie a déclaré que cet usage déjà suranné il y a cent ans, tombé en désuétude dans le plus grand nombre de nos départements. n'a plus « de raison d'être nulle part ». Toutefois, cette suppression ne saurait être une confiscation : l'article 1er indique l'autorité compétente pour évaluer l'indemnité, au cas il aurait été acquis à titre onéreux. Mais la loi sus-mentionnée n'a pas supprimé les droits existant à titre privatif et sans réciprocité d'une commune sur une autre commune. Dejamme, op. cit., p. 238. Arg. Giv. rej., t.v> juin 1840, Dalloz, Rép.. Conclusions, 41, note 1.

20 La vaine pâture dont il est ici question, est le droit réciproque que les habitants d'une même commune ont d'envoyer leurs bestiaux paître sur les fonds les uns des autres, aux époques déterminées par l'usage, les terres, sans semences et sans fruits, ne sont pas en défense. Dans les provinces de Droit écrit et dans quelques pays coutumiers, la vaine pâture n'avait jamais été considérée que comme le résultat d'une simple tolérance, et ne faisait point obstacle à la clôture des fonds. D'autres coutumes, au contraire, l'avaient érigée en une servitude légale, qui en- traînait pour les propriétaires interdiction de se clore. Cette interdiction a été levée par les art. 4 et o, sect. IV, tit. I, de la loi des 28 septembre- 0 octobre 1791. Aux termes de l'article 8, tit. IV, liv. I, de la loi des 28 septembre-6 octobre 1791, le droit de vaine pâture ne peut exister que dans les lieux il est fondé sur un titre particulier, ou autorisé soit par la loi, soit par un usage immémorial. Req., 41 février 1874, S., 74, 1, 487. Cpr. Dijon, 28 mars 1873, S., 74, 2, 241. Ce dernier arrêt est relatif aux prés « situés en prairie » dans l'ancienne Bourgogne, et il pose le prin- cipe général que sous l'empire de la loi romaine la vaine pâture ne s'est

DE LA PROPRIÉTÉ. § 191. 275

sortes de vaine pâture, l'une appartenant à la généralité des habitants et s'appliquant à la totalité du territoire de la commune ou de la section de commune, et l'autre existant à titre particulier sur un héritage déterminé.

Dans le premier cas, porte l'art. 2 al. 1er de la loi de la loi de 1890 « il cessera de plein droit un an après la promulgation de la présente loi » 21.

Toutefois, ce droit peut être maintenu aux conditions suivantes : lorsqu'il est fondé sur une ancienne loi ou coutume, sur un usage immémorial ou sur un titre, lors- que le maintien en est réclamé au profit de la commune ou de la section de commune, soit par le conseil municipal, soit par une requête émanant d'un ou de plusieurs ayants- droit, et adressée au préfet. Loi de 1890 art. 2, al. 2. En ce dernier cas, le conseil municipal est mis en demeure de

jamais exercée qu'à titre précaire, et de pure faculté. Proudhon. Droit d'usage, I, 340. .Jay et Beaume. op. cit., n<> 87. Sous le Code civil, il n'est plus possible d'acquérir la vaine pâture, même par un usage im- mémorial. — En tout cas, l'usage quel qu'il fût, n'autoriserait jamais la vaine pâture sur les prairies artificielles. Art. 3 et 9, sect. IV, tit. I, loi précitée. Grim. cass., 24 avril 1873, S., 74, 1, 4o. Gpr. en ce qui touche les règles générales relatives au parcours et à la vaine pâture : de Croos, I. p. 274, n«s 4M et suiv. Le pâturage vif (vive et grasse pâture) consiste à faire consommer par les bestiaux des herbes ou des fruits susceptibles d'être récoltés, conservés ou vendus au profit du propriétaire. Henrion de Pansey, Comp. des juges de paix, ch. 43, § 5, p. 382. Gappeau, Législation rurale, I, p. 41. Merlin, Rép., Vaine pâ- ture. La vaine pâture, au contraire, ne s'exerce que sur les choses sans utilité pour le propriétaire, puisqu'elles ne peuvent être ni récoltées, ni ramassées, ni embottelées. Laurent, Vil, 443, p. 501. Blanche, Diction- naire d'administration, \o Vaine pâture, p. 1887.

21 « Il serait logique, disait en 1882 M. Casimir Périer devant la Chambre, défaire disparaître la vaine pâture, mais une disposition formelle se heur- terait peut-être, dans certaines régions, à des usages séculaires, et à des intérêts respectables, car c'esl le cultivateur le plus modeste et le moins aise qui se trouverait vraisemblablement, atteint. » Voilà pourquoi la loi nouvelle, tout en l'abrogeant en principe, donne néanmoins à l'autorité locale le droit de la maintenir dans des circonstances déterminées. L'art. 2 de la loi de 1890 a prolongé d'un an environ le délai pour prendre parti sur la question du maintien ou de la suppression de la vaine pâture.

276 DES DROITS RÉELS

donner son avis dans le délai de 0 mois, à défaut de quoi il est passé outre. Al. 3.

Si la réclamation de quelque façon qu'elle se soit pro- duite n'a pas été dans l'année de la promulgation de loi l'objet dune décision, conformément aux dispositions du § 1er de Fart. 3 de la loi du 9 juillet 1889, la vaine pâture continuera à être exercée jusqu'à ce que cette décision soit intervenue. Loi du 22 juin 1890, ïù al.

La demande de maintien, qu'elle émane du conseil municipal, ou d'un ou de plusieurs ayants-droit, est sou- mise au conseil général dont la délibération est définitive, si elle est conforme à celle du conseil municipal. S'il y a divergence, la question est tranchée par décret rendu en Conseil d'Etat. Loi de 1889, art 3. C'est une décision de pure administration et non une décision contentieuse. 11 s'agit, en effet, de statuer sur l'opportunité dune mesure, celle du maintien de la vaine pâture, et non sur une ques- tion de droit.

Une fois le décret rendu, les particuliers ne pourraient soulever à nouveau la demande de suppression de la vaine pâture. Cette faculté n'appartient qu'au conseil municipal, dont la délibération doit être précédée d'une enquête de commodo et incommoda : après quoi on suit la procédure indiquée aux art. 2 et 3. Article 3, al. 2.

Aux termes des articles 4, 7, 8 et 9 de la loi du 9 juillet 1889 le droit de vaine pâture s'exerce, soit par trou- peau séparé, soit au moyen du troupeau en commun, con- formément aux usages locaux. Toutefois, l'usage du trou- peau en commun n'est plus obligatoire aujourd'hui : tout ayant-droit peut renoncer à cette communauté et faire garder par troupeau séparé le nombre de têtes de bétail qui lui est attribué par la répartition générale. S2

23 Dans les paysde vaine pâture soumis à l'usage du troupeau commun, les propriétaires ou fermiers qui renoncent à la communauté n'orit pas le droit do réunjr plusieurs troupeaux en un seul séparé du troupeau com- mun. Dejamme, p. £05 et 406. Crim. cass., 9 février 1888, S.. 88, 1, 938. Grim. rej., 20 juillet 1839, S., 39, 4, 809. Crim. cass., 28 novembre 187**. S., 80, 1, 141. Voyez cep. Req., 8 mai 1838, S., 38, 1, 8(i(».

DE LA PROPRIÉTÉ. $ 191. 277

La quantité do bétail proportionnée à l'étendue du ter- rain de chacun est fixée dans chaque commune ou section de commune entre tous les propriétaires ou fermiers ex- ploitant, domiciliés ou non domiciliés 23, à tant de tête par hectare : au cas de difficulté, il y est pourvu par délibération du conseil municipal soumise à l'approbation du préfet.

La loi s'occupe ensuite de ce que, dans la discussion, on a nommé le droit des pauvres. Elle reproduit à peu près la disposition de l'art. 14, sect. IV, lit, I de la loi du 28 sep- tembre 1791. Le droit à la vainc pâture est un des attributs du domicile dans la commune. Tout chef de famille qui y est domicilié peut donc l'exercer, alors même qu'il ne ne serait ni propriétaire, ni fermier. C'est ce que décide expressément l'art. 9 portant que : « Outre les propriétaires et fermiers, les chefs de famille, domiciliés dans la com- mune peuvent, à ce titre seul, mettre sur les terrains sou- mis à la vaine pâture, soit par troupeau séparé, soit dans le troupeau commun, six bêtes à laine et une vache avec son veau, sans préjudice des droits plus étendus qui lui se- raient accordés par l'usage local ou le titre. »

D'après l'art. 10, ce droit de vaine pâture doit être exercé directement par les ayants-droit et ne peut être cédé à per- sonne. 2* Article 10.

Enfin les conseils municipaux peuvent toujours, con- formément aux articles 68 et 09 de la loi du 5 avril 1884, prendre des délibérations à Fellet de régler le droit de vaine pâture, notamment pour en suspendre l'exercice en cas dépizootie, de dégel ou de pluies torrentielles, pour cantonner les troupeaux de différents propriétaires ou les

23 Le droit do pâturage est attaché à la propriété du domaine, et il ne dépend pas du fait de la résidence du propriétaire. Celui-ci peut le faire exercer pendant la bonne saison par des gens à son service, habitant le domaine. Req., .v; août 1872, S., 73, 1. 22.

84 Disposition conforme à la loi de 1791. tit. I. secl. JV. art. lo et à la jurisprudence. Dcjamme. op. cit.. p. 402. Grim. cass., 16 juin 1848, S., 48, 1, 518.

278 DES DROITS RÉELS.

animaux d'espèces différentes pour interdire la présence d'animaux dangereux ou malades. Art 11. i:i

Quant aux immeubles sur lesquels peut s'exercer la vaine pâture, la législation moderne n'a point rompu avec les anciennes traditions.

Les héritages clos en sont affranchis. Loi du 28 sep- tembre 1791, tit. I, sect. IV, art. 3 et suiv. Code civil, art. 647 et 648. Loi du 9 juillet 1889, art. 4 et 6.

Est réputé clos, tout terrain entouré soit par une haie vive, soit par un mur, une palissade, un treillage, une haie sèche dune hauteur d'un métré au moins, soit par un fossé dun mètre vingt centimètres à l'ouverture et de cin- quante centimètres de profondeur, soit par des traverses en bois ou des fils métalliques distants entre eux de trente- trois centimètres au plus et sélevant à .un mètre de hau- teur, soit par toute autre clôture continue et équivalente faisant obstacle à l'introduction des animaux26.

Le propriétaire conserve toujours le droit d'user d'un nouveau mode d'assolement ou de culture, dût ce nouveau mode anéantir le droit de vaine pâture.

Enfin la vaine pâture ne peut jamais être exercée, sur les prairies artificielles, ni sur aucune terre ensemencée ou couverte d'une production quelconque faisant l'objet dune récolte, tant que cette récolte n'a pas été enlevée. "

23 Conforme à l'ancienne jurisprudence. Crini. eass., li novembre 1834, S., 35, 1,191.

26 Cpr. Laurent VII, 455. Demolombe. XI, "294. Toutefois lorsqu'un propriétaire a clos son héritage pour l'affranchir du droit de parcours et de vaine pâture, l'état de défense de l'héritage peut, d'après les circonstances, être considéré comme ayant cessé, par suite du défaut d'entretien et de mauvais état de la clôture. Proudhon, Droit d'usage. I. n<> 240. Demolombe, XI, 29(>. Cpr. Keq., 1er mars lKti.v;. S.. 65, 1, 213, et la note.

27 Cpr., Loi de 1791, art. 9. La loi de IH89 avait étendu la prohibi- tion de plein droit de la vaine pâture aux prairies naturelles. Cette suit- pression, d'après le rapporteur, M. Boreau-Lajaaadie, était une consé- quence des progrès de l'agriculture. La prairie naturelle, avec les amen* déments, les fumures, les drainages, les irrigations, les défoncements qui en accroissent et en maintiennent la fécondité porte, autant que toute autre

DE LA PROPRIÉTÉ, g 19 i. 279

Le propriétaire qui use de la faculté de se clore, ou qui emploie un mode nouveau d'assolement, perd son droit à la vaine pâture, en proportion du terrain qu'il y soustrait. Art, 648. Cpr. Loi des 28 septembre-6 octobre 1791, tit. I, sect. IV, art. 13 et 16. Loi du 9 juilet 1889, art, 6. 1>8

Vaine pâture fondée sur un titre et établie sur un héri- tage déterminé soit au profit d'un ou de plusieurs particulier s soit au profit de la généralité des habitants d'une commune. Elle s'exerce conformément aux droits acquis ; mais le propriétaire de l'héritage grevé peut toujours l'affranchir, soit moyennant une indemnité fixée à dire d'experts, soit par voie de cantonnement. 29

Au surplus, les dispositions des lois du 9 juillet 1889 et du 22 juin 1890 qui viennent d'être analysées, ne peuvent être étendues à des droits de pâturage, qui n'auraient plus le caractère de la vaine pâture et qui ne rentreraient pas dans la catégorie de ceux qu'elle a assimilés à la vaine

terre, l'empreinte du travail de l'homme. Les résultats de ce travail pour- raient être compromis, disait-on, si après la première, même après la seconde récolte, les prairies étaient livrés sans précaution à la morsure et au piétinement des bestiaux. Ces considérations qui avaient frappé le législateur de 1889 n'ont plus touché celui de 1890, qui, en présence de vives protestations des populations, a permis de rétablir la vaine pâture sur les prairies naturelles. Cpr. art. 5 de la nouvelle loi et le rapport de M. Bourgeois.

28 Dejamme, p. 391. Le propriétaire d'un fonds a ia faculté de l'affran- chir de la vaine pâture en renonçant à son droit de pacage sur les terres des autres, si tel était l'ancien usage. Req.,28 avrill873,S., 73,1, 405, et le rapport de M. Rau. Le bénéfice de l'art. 9 de la loi de 1889 appartient-il au propriétaire ou au fermier qui ayant clos son fonds, s'est ainsi sous- trait à la charge de la vaine pâture ? La question peut être douteuse, mais nous inclinons à la négative, la loi ayant voulu simplement favoriser peux qui ne sont ni propriétaires ni fermiers dans la commune.

29 L'art. 12 tel qu'il est modifié par la loi de 1890 permet le rachat du droit de vaine pâture sur un héritage privé, alors même que ce droit appartient non pas à un particulier mais à une commune. Le contraire avait été jugé sous l'empire de la loi du 38 septembre 1791, tit. 1, sect. IV, art 8. Cpr. Civ. cass., 27 janvier 1839, D., 29, I, 119. Metz, 26 juin 1861, S., 61, 2, 287. Le législateur de 1890 a voulu certainemeut inno- ver (voir séance du 27 février 1890. amendement présenté par M. de Soland. à la Chambre des députés).

280 DES DROITS REELS.

pâture, comme n'étant fondés que sur la tolérance ou sur des usages locaux. Les propriétaires de prairies sou- mises à de pareils droits de pâturage, ne sont point au- torisés à s'en affranchir par la clôture, alors même qu'ils n'auraient été acquis que par prescription. Il en est ainsi notamment du droit de pacage de secondes herbes sur des prairies closes, les bestiaux sont introduits au moyen d'ouvertures annuellement pratiquées à la clôture 30.

Les facultés inhérentes à la propriété sont de leur nature imprescriptibles, en ce sens que le non-usage ne suffit pas pour entraîner l'extinction, et qu'elles ne peuvent se perdre qu'indirectement par l'acquisition d'un droit contraire. 3l

§ 192.

II. De l'étendue de la propriété quant aux objets sur les- quels elle porte \

La propriété du sol emporte, de sa nature, la pro- priété du dessus et du dessous. Art. 552, al. 1.

30 Merlin, Quest., Vaine pâture, § 2. Jay et Beaume, 57. Req., 7 mars 1826, S., -26, i, 324. Civ. cass., 29 décembre 1840, S., 41, -1, 74. Req., 23 mai 1835, S., 57, 4, 423. Req., 27 avril 4859, S., 64, 4, 474. Gpr. en- core : Demolombe, XI, 289. Laurent, VII, 449. Req., 7 mai 4838, S., 38,4, 789.

31 V. Deloynes, De la prescription et des actes de tolérance, Revue criti- que, 4889, p. 388.

1 Les matières qui forment l'objet de ce paragraphe sont envisagées au Code civil comme rentrant dans le droit d'accession, expression sous la- quelle les rédacteurs de ce Code comprennent également les cas une personne est propriétaire*d'une chose à titre d'accession, et ceux elle devient propriétaire d'une chose par l'effet de l'accession. Cpr, art. 546 et sniv. Mais il y a un mélange de principes qui tiennent à des ordres d'idées complètement différents, et qu'il importe en bonne théorie de dis- tinguer soigneusement. Autres, en effet, sont les accessoires auxquels s'étend virtuellement la propriété, autres les accessions qui viennent l'aug- menter par l'effet d'une acquisition nouvelle. Demolombe (IX, 572 et 573) a cependant essayé de justifier l'ordre suivi par les rédacteurs du

DE LA PROPRIÉTÉ. § 192. 281

Le propriétaire d'un terrain est propriétaire de l'espace aérien au-dessus du sol, en ce sens qu'il peut seul en user pour y établir des constructions, et qu'il est autorisé à demander la démolition des ouvrages qui, à une hauteur quelconque, empiètent sur cet espace, ainsi que l'élagagc des branches qui s'y avancent. Art. 552, al. 2, et 672, al. 2.

D'un autre côté, la propriété du sol s'étend, à une pro- fondeur indéfinie, au terrain existant sous le sol, et à tous les objets qui se trouvent dans ce terrain. Art. 552, al. 3. Le propriétaire d'un fonds est donc comme tel propriétaire des carrières et des mines qu'il renferme 2. Il l'est aussi vir- tuellement du trésor qui s'y trouve enfoui 3. La propriété du dessous, plus énergique sous ce rapport que celle du des- sus, donne au propriétaire du sol le droit de couper lui-mê- me les racines des arbres du voisin qui s'avancent dans son terrain. Art. 673, al. 2.

Toutes les constructions, plantations et les ouvrages exis-

Code, en disant que, dans les cas mêmes une chose s'unit et s'incor- pore à une chose appartenant à une autre personne, on doit bien moins voir dans ce fait une acquisition nouvelle, qu'une simple extension de la chose dans laquelle vient s'absorber celle qui s'y unit et s'y incorpore. Mais cette manière de voir, qui se comprendrait à la rigueur au cas de spécification, n'est plus admissible lorsqu'une chose, malgré son union avec une autre, n'en a pas moins conservé une existence distincte, qui la rendrait en fait susceptible d'en être détachée, ou de former l'objet d'une propriété séparée, comme cela a lieu, par exemple, pour les iles et ilôts qui se forment dans un fleuve ou dans une rivière, ainsi que pour les constructions élevées sur le sol d'autrui.Cpr. Valette, Distinction, p. 113.

2 Sous la modification, toutefois, qui peut résulter de la concession de la mine en faveur d'un tiers. Gpr. § 193, texte et note 12.

3 La découverte d'un trésor est sans doute la condition de fait qui seule en rend l'existence certaine, et donne au propriétaire du fonds il a été trouvé la possibilité d'en profiter ; mais elle ne constitue pas pour lui le titre d'acquisition du trésor, qui, dès avant sa découverte, lui appartenait virtuellement. Le preuve en est que, lorsque le trésor n'a pas été décou- vert par le pur effet du hasard, il appartient intégralement, jure soli, à celui dans le fonds duquel il a été trouvé, soit par ce dernier, soit môme par un tiers. Que si la loi attribue à l'inventeur étranger la moitié du du trésor trouvé par le pur effet du hasard, ce n'est qu'une espèce de transaction législative fondée sur l'équité. Art. 716. Cpr. § 201, texte no -Mol t. a. | 507, texte no 1, lett, d.

282 DES DROITS RÉELS.

tant à la surface ou dans L'intérieur d'un terrain, sont présu- més faits par le propriétaire de ce terrain et lui appartenir, si le contraire n'est prouvé. 5 H* Art. 008. dette preuve peut se faire par témoins ou à laide de simples présomp- tions, sans commencement de preuve par écrit, à quelque somme que s'élève la valeur des travaux \

La propriété d'une chose comprend virtuellement celle des accessoires qui s'y trouvent unis naturellement ou ar- tificiellement, et qui en forment des dépendances néces- saires ; en d'autres termes, le propriétaire de la chose est légalement présumé propriétaire des accessoires de cette nature. Art. 540.

C'est ainsi que le propriétaire d'un étang est légalement présumé propriétaire de tout le terrain que l'eau couvre, quand elle est à la hauteur de la décharge de l'étang ; et cette présomption ne peut môme être combattue par la preuve d'une possession trentenaire *. Art. 558.

C'est ainsi encore que le propriétaire d'une usine est lé- galement réputé propriétaire du biez qui y amène l'eau, et du canal de fuite par lequel elle s'écoule, lorsque ce biez

3 bis. Req., 25 avril 1882, S., 83, 1, 15$.

* Il s'agit, en pareil cas de la preuve, non d'un fait juridique, mais d'un fait pur et simple, auquel ne s'applique pas la disposition de l'art. 1341. Cpr. § 762, texte no 1. Demolombe, IX, 697 bis. Civ. cass.,. 27 juillet 1859, S., 60, 1. 360. Giv. rej.. 23 mai 1860. S., 60, 1, 792. Civ. cass., 1er juillet 1874, S., 74, 1, 365. Rennes, 5 décembre 1879, D., 81, 2, 149'.

5 Une telle possession devrait être réputée précaire, tant que l'étang est maintenu comme tel, et ne pourrait, ni autoriser une action posses- soire, ni servir de fondement à la prescription. Toullier, III, 13. Uni an- ton, IV, 406. Daviel. Des cours d'eau, II, 814. Garnier, Actions passes- soires, p. 349 ; et Uégimc des eaux, II, p. 117. Demolombe. X, 31. CpPi Le droit des eaux, par Wûdon : Bruxelles 1874,2 vol.in-8°. Civ. rej., M avril 1811, S., 11, 1, 312. Civ. rej.. 11 mai 1833, S., 36, 1, 55. Req., 18 janvier 4851, S., 52, 1, 315. Civ. rej., 13 mars 1867, S., 67, 1, 249. Il résulte de ce dernier arrêt que les terrains couverts par les crues ordinai- res et périodiques de l'hiver, alors môme que leseaux dépasseraient la hau- teur du déversoir, ne peuvent êLre prescrits au préjudice du propriétaire dl l'étang. Si d'après le § 2 de l'art. 008 le propriétaire ne peut profiter des crues extraordinaires, cela doit s'entendre des crues accidentelles et non

DE LA PROPRIÉTÉ. S 192. 283

et ce canal ont été creusés do main d'homme, et pour le service de l'usine 6.

des crues périodiques. Répertoire général du droit des eaux et cours d'eaux, par Wodon ; Namur 1876, 1 volume in-8°, Étangs, no 12. Yoy. encore: Civ. cass., 9 novembre 1841, S., 41,1, 821. Voy. en sens con- traire : Req., 21 février 1860, S., 67, 1, 249 en note. Req., 10 mars 1868, S., 68, 1, 332. Req., 25 mai 1868, S., 69, 1, 72. Mais la présomp- tion de Fart. 558 suppose que l'étang a une hauteur normale et que le niveau n'en est pas modifié par l'intervention de la main de l'homme : Laurent, VII, 244. Req., 19 mars 1868, S., 68, 1, 332. Req., 25 mai 1868, S., 69, 1, 72. Gpr. Nancy, 4 décembre 1838, S., 39, 2, 457.

6 Cette présomption était généralement admise dans notre ancien Droit ; et, bien que le Code civil ne la rappelle pas spécialement, nous pensons qu'elle a été virtuellement consacrée par l'art. 546, qui pose le principe général du droit d'accession. En effet, le canal creusé de main d'homme pour l'alimentation d'une usine se trouve matériellement uni et en quel- que sorte incorporé à l'usine par les travaux qui l'y rattachent et il en constitue ainsi une partie intégrante. Cela est évident surtout, lorsque, comme d'ordinaire, le canal, qui forme dans toute sa longueur un tout indivisible, traverse l'usine elle-même. De prime abord, et d'après l'état matériel des choses, le propriétaire de l'usine doit donc être réputé pro- priétaire du canal qui l'alimente. Il peut sans doute arriver que l'usinier n'ait acquis qu'un droit d'aqueduc ; mais, comme cette supposition est contraire au principe incontestable que le propriétaire d'une chose l'est également de tout ce qui en fait partie intégrante, elle ne doit être ad- mise qu'autant qu'elle se trouve dûment justifiée. En vain, dirait-on, pour écarter l'application de l'art. 546, que cet article ne s'occupe que de l'acces- sion considérée comme moyen d'acquérir, puisque les rédacteurs du Code, ainsi que nous l'avons établi à la note 1 suprà, comprennent tout à la fois, sous le titre d'accession, et le droit aux accessoires, et le droit aux acces- sions proprement dites. En vain également se prévaudrait-on de la dis- position de l'art. 553, aux termes duquel tous les ouvrages faits sur un terrain sont réputés appartenir au propriétaire de ce terrain, pour en conclure que le canal dont les deux rives appartiendraient aux mêmes propriétaires, devrait, dans ce cas du moins, être considéré comme leur appartenant. Cette argumentation ne reposerait, en effet, que sur une pé- tition de principe, puisqu'il s'agit précisément de savoir si le lit du canal appartient à l'usinier ou au riverain, et que la circonstance que la même personne se trouve être propriétaire de deux rives ne prouve pas que la même personne ait été. ni surtout qu'elle soit restée propriétaire de ce lit. Mer- lin, Uôp., Bief. Fayard. I\ép., vQ Servitude, sect. II. § 1, n^ 10. Gar- nier. Régime des eaux. II, 242. Dubreuil, Législation sur les eaux. I. 164. Proudhon. Du domaine publie, III, 1082. Eyssautier, Journ. deGren. et Ckamb., 1863, p. 136. Colmar, 12 juillet 1812, S., 14, 2, 6. Civ. rej., 28 novembre 1813, S., 16, 1, 374. Bordeaux, 24 juillet 1826, S., 27, 2, 8,

284

DES DROITS REELS.

Mais cette présomption ne doit pas être admise pour les cours d'eau naturels, alors môme que le lit en aurait été déplacé ou rectifié dans l'intérêt d'usines au roulement desquelles ils servent \

La présomption légale en vertu de laquelle le proprié- taire d'une usine est réputé propriétaire du canal artificiel qui l'alimente, peut être combattue, soit au moyen d'un titre qui en attribuerait la propriété à un tiers, soit par des actes qui établiraient que le propriétaire de l'usine n'a acquis qu'un simple droit d'acqueduc, et non la propriété du lit du canal 8.

Toulouse, 1er juin 1827, S., 27, 2, 205. Giv. rej., 14 août 1827, S., -28. 1, 118. Bordeaux, 23 janvier 1828, S., 28, 2, 104. Toulouse, 30 janvier 1833, S., 33. 2, 579. Giv. cass., 13 août 1850, S., 50, 1, 721. Req.,5 mai 1857, S., 57. 1, 335. Req., 24 décembre 1860, S., 82, 1, 977. Giv. cass.. 10 juillet 1861, S., 61, 1, 861. Poitiers, 7 juillet 1862, S., 64,1,107. Giv. rej., 18 août 1863, S., 64, 1, 13. Req., 9 juin 1868, S., 69, 1, 311. Req., 4 février 1873, S., 73, 1, 53. Req., 18 mai 1874, D., 76, l, 77. Cpr. cep. Pardessus, Des servitudes, I, 111. Duranton, V, 240. Demo- lombe, XI, 129 et suiv. Daviel, Des cours d'eau, II, 834. D'après le premier de ces auteurs, le propriétaire de l'usine devrait bien être réputé propriétaire du canal, mais ce ne serait qu'une simple présomption de fait. Les trois derniers vont plus loin encore, et n'admettent en faveur de l'usinier qu'une présomption de servitude d'aqueduc. Laurent, VI, 187. Cotelle, Droit administratif, lre édition, I, p. 230. Bourguignal, Législ. des Établ. Ind., I, no 211, II, 11066O. Les mêmes règles s'appliquent qu'il s'agisse de canaux amenant à l'usine des eaux de source, ou déri- vant à son profit une partie du cours d'une rivière, alors d'ailleurs que le canal artificiel n'opère dans son parcours, quelque étendu qu'il soit, qu'une dérivation partielle des eaux qu'il retire de leur lit naturel dans l'intérêt spécial des usines en vue desquelles il a été creusé. Civ. rej., 17 décembre 1867, S., 68, 1. 37. La présomption de propriété ne s'étend pas au canal destiné à recevoir le trop plein du bicz du moulin, et dont les eaux, à l'aide do vannes maniées par les propriétaires riverains ser- vent à l'irrigation de leurs héritages : un tel canal peut être considéré comme la propriété commune des riverains. Req., 8 novembre 1869, Si 70, 1, 429. Giv. rej., 26 mars 1878, S., 79, 1, 77.

7 Req., 13 février 1854, S., 56, 1, 224. Orléans, 13 décembre 1855, S.. 56, 1. 340. Cpr. aussi : Civ. rej.. 25 avril 1854, S., 54, 1, 458. Req.. i décembre 1866, S., 67, 1, 94.

8 Req., 21 décembre 1830. S., 31, 1. 14. Req., 25 décembre 1839, S.,

DE LA PROPRIÉTÉ. S *92. 285

La propriété du biez ou canal alimentaire dune usine emporte, au profit du propriétaire, de l'usine, la présomp- tion de propriété des francs-bords du canal, c'est-à-dire de bandes latérales de terrain, suffisantes pour en permettre la surveillance, l'entretien et le curage 9. Toutefois, à la différence des présomptions dont il a été précédemment question, celle dont il s'agit ici n'est plus une présomption légale10; on ne doit y voir qu'une pure présomption de fait, qui peut être combattue, non-seulement à l'aide d'un titre ou d'une possession suffisante pour faire acquérir la prescription ll, mais encore au moyen de la possession an- nale, ou de simples présomptions 12. Dans le cas même il serait reconnu que la propriété des riverains s'étend jusqu'aux berges du canal, pour en surveiller l'entretien, ou en opérer le curage 13, et même celui d'y déposer mo-

39, 1, 918. Req., 48 août 1868, S., 64, 1. 1. 13. Req., 9 juin 1868, S., 69, 1,311.

9 Pardessus, op. cit., I, 112. Proudhon, op. cit., III, 1083 et 1084. Col- mar, 12 juillet 1812, S., 14, 2, 6. Toulouse, 30 janvier 1833, S., 33, % 379. Req.. 4 décembre 1838, S.. 39, 1, 253. Req., 23 novembre 1840, S„ 41, 1, 158. Req., 22 février 1843, S., 43, 1, 418. Poitiers, 7 juillet 1862, S., 64, 2, 107. Nancy, 19 février 1869, D., 72, 1, 30. Req., 18 mai 1874, l).. 76. 1, 77. Contra Laurent, VI, 190.

10 La raison en est que les francs-bords, quelque utilité qu'ils puissent offrir au propriétaire du canal, n'en forment cependant pas un accessoire absolument nécessaire et inséparable, comme le canal lui-même l'est pour l'usine. Req., 13 janvier 1835, S., 35, 1, 278. Civ. cass., 13 août 1850, S. ,50, 1, 721.Civ.rej., 16 août 1858, S. ,58, 1, 764. V. cep. Laurent. VI. 190.

11 Req., 6 mars 1844, S., 44, 1, 289. Civ. rej., 28 avril 1846, S., 46, 1, 381. Req., 21 mars 1855, S., 56, 1, 304. Poitiers, 7 juillet 1862, S., (Vt, 2, 107. Dijon, 17 décembre 1873, D., 74, 2, 179. Voy. en sens con- traire : Paris, 12 février 1830, S., 30, 2, 138. Bordeaux, 11 janvier 1833, S., 33, 2, 279. Paris, 24 juin 1834, S., 35, 2, 234.

12 Bordeaux. 23 mars 1849, S., 49, 1, 354. Civ. rej., 16 août 1858, S., 58, 1, 764. Civ. cass. 4 décembre 1888, S., 90, 1. 105.

13 Cette solution n'est point, comme on pourrait le croire au pre- mier abord, contraire à la maxime Quilibeù fundus prussumitur liber a scrvitutibus. En effet, le passade étant indispensable pour l'entretien et le curage du canal, les riverains ne peuvent avoir eu l'intention d'en ac- quérir les berges qu'à la charge de ce passage, que, d'un autre côté, le propriétaire du canal est censé s'être réservé. Cpr. Bordeaux, 23 janvier

286 DES DROITS RÉELS.

mentanément les déblais en provenant 1i, sauf réparation du préjudice causé aux riverains.

Une présomption de fait pareille à celle que nous avons admise pour les francs-bords d'un canal artificiel, s'ap- plique aussi aux francs-bords, ou répares de fossés, dans les pays il est d'un usage constant de laisser un certain espace de terrain entre la crête des fossés et les fonds voisins 15.

Enfin, une présomption de môme nature pourrait être admise quant à la propriété d'un terrain compris dans la distance à laquelle les arbres doivent être tenus de l' hé- ritage voisin lfi.

Si la propriété du sol emporte de sa nature la propriété du dessus, on ne peut, en renversant la proposition, con- clure de la propriété d'ouvrages établis dans l'espace aérien qui se trouve au-dessus d'un terrain, à la propriété de ce terrain. C'est ainsi que le propriétaire d'un bâtiment dont la toiture dépasse le parement du mur, n'est pas légalement présumé propriétaire d'un terrain compris entre le muret la ligne d'aplomb du stillicide. On ne saurait admettre en sa faveur qu'une présomption de fait, susceptible d'être combattue par d'autres présomptions de même nature, et à plus farte raison par une possession annale ou tren- tenaire 17.

1828, S., 28, 2, 404. Req., 45 décembre 1835, S., 36, 1. 342. Req., 6 mars 4844, S., 44, 1, 389. Aix, 7 mai 4858, S., 58, 4, 764.

i* Civ. cass., M mai 4860, S., 60. 1. M2. Giv. rej., 10 avril 1865. S., 66,4, 20».

i3 Qpr. Demoiombe, XI, 464 à 466. Gaen, 44 juillet 4825, S.. 26,2, 29. Req., ±2 février 4827, S., 27, 1, 436. Dijon, ±1 juillet 1836. S., 36. 2, 387. Civ. rej., 41 avril 1848, Sir., 48, 1, 395. Civ. rej., 3 juillet 1819, S., 49, 1. 624. V. cep. Laurent, VI. 192.

16 Voy. art. 671. Req., 44 août 4852, S., 52, 4, 330. Bordeaux. 6 jan- vier 4857-, S., 57, 2, 309. Req,, 22 juin 4863, S., 63, 4,438. Voy; aussi, quant aux fossés bordant un chemin public : Civ. rej.. 22 août 1866, S., 67,1, 167.

17 Cette présomption de fait peut et doit s'admettre, parce qu'il est i croire que le propriétaire d'un bâtiment l'a établi de manière à se confor- mer aux dispositions de l'art. 681. Demoiombe, XII, 592 et 593. Cpr.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 192. .287

La propriété du dessous d'un fonds, par exemple d'une cave ou dune carrière souterraine, n'emporte pas davan- tage, en faveur du propriétaire de cette cave ou de cette carrière, une présomption légale de la propriété du sol 18.

Les dispositions des art. 346, 532 et 553 sont sans ap- plication aux contestations relatives à la propriété d'un chemin traversant un. domaine, en ce sens que le pro- priétaire du domaine ne peut, en vertu de ces articles, être légalement réputé propriétaire du chemin. Ici encore on ne doit admettre quune pure présomption de fait, qui peut être balancée par d'autres présomptions, ou écartée par la possession annale 19.

Que s'il s'agissait d'un chemin circonscrit dans l'intérieur d'un domaine, il est évident qu'il devrait être considéré comme en faisant partie intégrante.

La propriété d'une chose comprend virtuellement celle des objets qu'elle est susceptible de produire, soit spon- tanément, soit à l'aide du travail de l'homme, ainsi que celle des émoluments pécuniaires qu'on peut en retirer. Art. 546.

Tous ces produits appartiennent au propriétaire à titre d'accession, sauf le cas un tiers aurait droit à la jouis- sance de la chose, et sauf aussi l'exception relative au pos-

Laurent, VIII, 72. Limoges, 26 décembre 1839, D., 41, 2, 10. Req., 28 juillet 1851, S., 51, 600. Paris, M août 1864, S., 64, 2, 301. Voy. cep! Pardessus, Des servitudes, I, 214. Taulier, H, p. 421. Daviel, Des cours d'eau, III, 943. Bordeaux, 20 novembre et 14 décembre 1833, S., 34, 2, 429. Amiens, 20 février 1840, S., 51, 1, 601, à la note. Ces auteurs et ces arrêts semblent admettre que la présomption militant en faveur du propriétaire du bâtiment, ne pourrait être efficacement combattue par la preuve d'une possession contraire. Cette présomption ne peut du moins être combattue par la preuve d'une possession contraire, lorsqu'elle est confir- mée par un jugement au possessoirc exécuté depuis 30 ans, sans condi- tion. Caen, 28 mai 1867, S., 69, 2, 23. Voir. Req., 28 février 1872, S., 72,1,240.

18 Req., 7 mai 1838, S., 38, 1, 719.

19 Req., 11 avril 1853, S., 53, 1, 732. Req., 16 avril 1866, S., 6Q, 1, 311. Voy. sur les chemins servant à l'exploitation de fonds appartenant à divers propriétaires : § 221 ter, texte 1.

238 DES DROITS RÉELS.

sesseur de bonne foi, qui sera développée au § 2(M>. Art. .Vj7.

Pour le règlement des rapports du propriétaire dune chose, avec les tiers qui pourraient avoir des droits à sa jouissance, ou avec un possesseur de bonne foi, il convient de distinguer entre les produits et émoluments en général. et ceux qui revêtent plus particulièrement le caractère de fruits.

On entend par fruits les objets qu'une chose produit et reproduit annuellement, ou à des intervalles périodiques plus éloignés, sans altération ou diminution de sa subs- tance 20, ainsi que les revenus périodiques qu'on peut re- tirer de la cession de sa jouissance. Les premiers sont ap- pelés fruits naturels ou industriels n ; les seconds, fruits civils 22.

Les fruits naturels ou industriels comprennent les récoltes des champs, des prairies et des vignes, les produits des jardins, le croit des animaux, les coupes de bois taillis, et celles des futaies soumises à un aménagement régulier. Art. 547, 583, 590 et 591.

Au nombre des fruits civils se placent les loyers de mai- sons, de fabriques ou d'usines23, les prix de baux à ferme

M

20 Fructus aunt qui nasci et renasei soient.

21 Les fruits naturels sont ceux que la terre produit spontanément. Les fruits industriels sont ceux qui ne s'obtiennent qu'à l'aide du travail et de l'industrie de l'homme. Mais cette distinction, que j'appelle l'art. 547, ne présente plus aucun intérêt pratique. Gpr. Demolombc, IX, 580.

22 Les fruits naturels ou industriels sont les produits qui proviennent directement de la chose elle-même, ex ipso rci cor pore. Les fruits civils sont les sommes ou prestations dues par un tiers, en vertu d'une obliga- tion ayant pour cause la jouissance de la chose. On les appelle fruits civils, parce que, ne provenant pas de la chose elle-même, ils ne revê- tent le caractère de fruits qu'en vertu de la loi. Cpr. L. 121, D. de V. S. (80, 16).

2;; Nous disons les loyers, car les bénéfices que peut procurer une fa- brique ou une usine à celui qui l'exploite, ne sont pas des fruits de cette fabrique ou de cette usine ; ils constituent, pour ce dernier, des produits de son travail ou de son industrie et de l'emploi de ses capitaux. Cpr. § 531, texte 2 et note 17. Rossi, Revue de la législation, 1840, XI, p. 9.

8; La disposition du second alinéa de l'art. 584 est une innovation lé-

DE LA PROPRIÉTÉ. § 192. 289

les intérêts de capitaux exigibles, les arrérages de rentes perpétuelles, et les redevances de mines dues par les con- cessionnaires aux propriétaires du sol 23. Art. 584.

Par une extension de ridée de fruits, la loi attribue ce caractère à certains objets qui, n'étant pas susceptibles de se reproduire, ne peuvent être* détachés de la chose dont ils font partie sans altération ou diminution de sa substance. Tels sont, à certains égards, les produits des mines, mi- nières, carrières et tourbières. Cpr. art. 598.

La loi assimile de même aux fruits civils proprement dits, certains revenus dont la perception emporte l'absorp- tion successive du fonds ou du capital. Tels sont les arré- rages d'une rente viagère, et l'émolument d'un usufruit. Art. 588 et 1568.

Les fruits ne revêtent une existence propre et distincte de celle de la chose qui les produit, que par la perception, Ainsi, la vente d'un fonds couvert de récoltes pendantes par branches ou par racines, comprend virtuellement celle de ces récoltes.

Les fruits naturels sont censés perçus dès qu'ils sont sé- parés du fonds, et même avant leur enlèvement 26. La mê- me règle s'applique aux produits des mines, minières, carrières et tourbières 27.

Les fruits civils, qui ne se perçoivent en réalité que par le payement, sont cependant réputés s'acquérir jour par jour 28. Art. 586. Il en résulte que, si le droit aux fruits

gislativc. Autrefois les fermages étaient censés représenter les fruits na- turels ou industriels de la terre, et se trouvaient soumis aux mêmes rè- gles de perception et d'acquisition que ces derniers. Ces règles devraient encore aujourd'hui être appliquées, en cas de colortagé partiairc, à la portion de fruits réservée au bailleur. Ces fruits, en effet, lui appartien- nent en qualité de propriétaire, et ne lui sont pas dus seulement ex obli- gatione. Toullier, III, 400. Duranton, IV, 532. Proudhon, De l'usufruit, II, 905; III, 1152. Dcmolombc, X, 386. Zacharise, § 493, texte et note 15.

2i Cpr. Loi du 21 avril 1810, art. 6, 18, 19 et 42.

26 Arg. art. 583, cbn. 520. Dcmolombc, IX, 582, et X, 273.

57 Proudhon, De l'usufruit, II, 911. Dcmolombc, X, 280 et 281.

28 Cette règle s'applique-t-ellc aux rapports du possesseur de bonne foi avec le légitime propriétaire ? Voy. pour la négative : § 206, texte 6. n. 19

290 DES DROITS RÉELS.

civils d'une chosfe tdent à pstsserd'unë perèqnnô à une autre. chacune délies doit obtenir sur ces fruits une part pro- portionnelle à la durée de sa jouissance, sans que celle qui, de fait, les a perçus soit, à raison de cette circonstance, au- torisée à les retenir en totalité. C'est ainsi que, quand uu immeuble affermé est vendu au milieu de Tannée, le prix de location se partage par moitié entre le vendeur et L'a- cheteur 29.

Il est cependant certains fruits civils auxquels ne s'ap- plique pas la répartition qui vient d'être indiquée, et que, par ce motif, on appelle fruits civils irréguliers. Tels sont, par exemple, les rétributions dues pour mouture dans un moulin, ou pour sciage dans une scierie. Ces rétributions appartiennent à ceux qui ont fait et exécuté les conventions successives à raison desquelles elles sont dues, sans qu'il y ait lieu de les totaliser par année, pour les répartir entre les ayants-droit à proportion de la durée de la jouissance de chacun d'eux 30.

Les fruits ou produits d'une chose n'appartiennent au propriétaire de cette chose qu'à charge de rembourser aux tiers, fussent-ils possesseurs de mauvaise foi, les dépenses de culture, de récolte, ou d'extraction, qu'ils auraient faites pour les obtenir. Art. 548 8l. Fructus nonsunt, nisi deductis impensis.

,9 Demolombe, IX, tu6. Zacharia\ § I9.v>, texte et note 16. Grenoble, 3 niais 1860, Journal des Cours de Grenoble et de Chambéry, 1861, p. v2i.

20 Proudhon, op. et loe. citt. Demolombe, X, 280.

31 La disposition de cet article, conçue en termes généraux, s'appli- que tout aussi bien à l'hypothèse les fruits sont encore pendants par branches on racines au moment de la rentrée en possession du proprié- taire, qu'à celle ce dernier réclame la restitution de fruits perçus par le possesseur. En Droit romain, on distinguait entre ces deux hypothèse. Dans la première, le possesseur de mauvaise foi n'avait aucune indemnité à réclamer pour ses Irais de semence et de culture, et le possesseur de bonne foi lui-même n'était admis à les répéter qu'à titre d'impenses utiles et au moyen d'une exception de dol. § 3U2, hast, de rer. div. (2, 1). L. 11. G. de rei vind> (3, 32). Dans la seconde, au contraire, tout possesseur, qu'il fût de bonne ou de mauvaise loi. avait le droit de retenir, sur les

CHAPITRE il.

Des restriction* et fies limites auxquelles est soumis et daus lesquelles se trouve circouscrit l'exercice du droit de propriété. De* obligations légales imposées au propriétaire comme tel.

I. Des restriction* apportées dans F intérêt public à l'exercice du droit de propriété.

§ 193.

L'intérêt public peut exiger que l'exercice de telle ou telle des facultés naturellement inhérentes au droit de pro- priété, soit complètement interdit au propriétaire, ou ne lui soit permis que sous certaines conditions. Les restrie-

fruits qu'il pouvait être tenu de restituer, le montant des frais faits pour les obtenir. L. 36, § 5, 1). de hered. pet. (5, 3). Voy. aussi : L. 1, G. de fruct. et lit. exp. (7, 51). Il est donc inexact de dire, comme semblent renseigner certains auteurs modernes, que le possesseur âè mauvaise foi ne pouvait jamais obtenir, d'après le Droit romain, la bonification de ses frais de semence et de culture. 11 est, du reste, généralement reconnu que la différence entre le possesseur de bonne foi et le possesseur de mauvaise foi, telle qu'elle était établie par le Droit romain, pour la première des hypothèses ci-dessus indiquées, ne doit plus être admise aujourd'hui. Cpr. art. 1381. Duranton. IV, $49. Proudhon, Du domaine privé, II, 546 et S54. Marcadé, sur l'art. 548. Demolombe, IX, 584.

292 DES DROITS RÉELS

fions ou charges qui résultent de dispositions législatives fondées sur ce motif, constituent des servitudes légales, lorsqu'elles sont établies sur un fonds pour l'utilité immé- diate d'un autre héritage, qui revêt à ce point de vue le caractère de fonds dominant. En dehors de cette hypo- thèse, on ne doit plus y voir que de simples limitations ap- portées à l'exercice du droit de propriété.

Les restrictions de la dernière espèce, assez nombreuses du reste, sont fondées, soit sur des motifs de sûreté ou de salubrité publiques, soit sur des raisons qui se ratta- chent à la conservation ou au développement de la richesse nationale, soit sur les besoins de la marine ou de l'armée, soit enfin sur les exigences du trésor, Cette matière ren- trant plutôt dans le Droit administratif que dans le Droit civil, nous n'aurons point à l'exposer en détail. Nous nous contenterons donc d'indiquer ici les plus importantes de ces restrictions.

iVu nombre de celles qui sont fondées sur des motifs de sûreté ou de salubrité publiques, il faut ranger :

Les prohibitions ou obligations établies par les lois et règlements de voirie relatifs à l'alignement, au nivellement, à la hauteur des constructions1, à la réparation ou démoli- tion des bâtiments menaçant ruine 2, aux ouvrages ou dé-

1 Arrêt du Conseil du 27 février 1765. Loi des 7-1 4 octobre 4790, art. 1er. Loi des 10-22 juillet 1791, tit. I, art. 29. Loi du 16 septembre 1807, art. 52. Décrets du 26 mars 1852 et du 27 juillet 1859. Décret des 23-30 juillet 1884, spécial à la ville de Paris. Cpr. Traité des chemins vicinaux et de V alignement, par Dumay ; Paris 1844, 2 vol. in-8°. Traité de la légis- lation des bâtiments, par Frémy-Ligneville et Pcrriquet ; Paris 1881, 2 vol. in-8°. Aucoc, Conférences administratives, liv. III, p. 76 et suiv. Traité de la grande voirie et de la voirie urbaine, par Férâud-Giraud ; Pa- ris 1865,1 vol. in-12». Traité de la voirie urbaine, par Des Cillculs ; Paris 1878, édition, 1 vol. gr. in-8°. Traité de lavoùie urbaine, par Guillaume ; Paris 1888, 4e édition, 1 vol. in-8<>. Voirie. De l 'alignement, par Morin ; Paris 1888, 1 vol. gr. in-8°.

8 Loi des 16-24 août 1790, tit. XI, art. 3. Loi dos 5-6 avril 1884, art. 97 § 1er.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 193. 293

pots de nature a compromettre la sûreté de la circulation sur les chemins de fer3 ;

Les prescriptions concernant l'établissement des manu- factures, usines et ateliers insalubres, dangereux, ou in- commodes* ;

Celles qui ont pour objet la construction des fosses d'ai- sance, des cheminées, des fours, et autres ouvrages de na- ture analogue3 ;

3 Loi du 15 juillet 1845, tit. I. Ordonnance du 15 novembre 1846. Au- coc, Conférences administratives, III, 1443 et suiv. Législation des chemins de fer, par rapport aux propriétés riveraines, par Féraud-Giraud ; Paris 1853, 1 vol. in-8°. Dictionnaire des chemins de fer, par Palaa ; Paris 1887, 2 vol. in-8°. Traité des chemins de fer, par Picard ; Paris 1887, 4 vol. in-8°. En ce qui concerne les chemins de fer d'intérêt local, Voy. Loi du 11 juin 1880 et décret réglementaire du 6 août 1881. Aucoc, III, 1613 à 1660.

4 Décret du 15 octobre 1810. Ordonnances des 14 janvier 1815, 29 juillet 1818, 25 juin et 29 octobre 1823, 20 août 1824, 9 février 1825, S novembre 1826, 20 septembre 1828, 31 mai 1833, 27 janvier 1837, 25 mars, 19 avril et 27 mai 1838, 27 janvier 1846. Décrets des 21 mai 1862, 26 août 1865, 18 avril 1866 et 31 décembre 1866, 31 janvier 1872, 7 mai 1878, 22 avril 1879, 26 février 1881, 20 juin 1883, 3 mai 1886, 5 mai 1888. Ces deux derniers décrets sont suivis d'un tableau indiquant la nomen- clature et la division en 3 classes de tous les établissements insalubres, dangereux, ou incommodes et ils abrogent tous les décrets précédents. Cpr. Manuel des ateliers dangereux, insalubres ou incommodes, par Macarel ; Paris 1825, in-18. Traité de la législation concernant les manufactures et les ateliers dangereux, insalubres et incommodes, par Taillandier ; Paris 1825, in-8o. Traité des établissements dangereux, insalubres et incommodes, par Glérault ; Paris 1845, 1 vol. in-8o. Établissements indus- triels, par Avisse ; Paris 1851, 2 vol. Code des établissements industriels, insalubres, dangereux et incommodes, par Charles Constant; Paris 1883, édition, 1 vol. in-18. Des ateliers insalubres, par Lemarois ; Paris 1883, 1 vol. in-8°. Des manufactures et ateliers dangereux, par Porée et Livache ; Paris, 1887, 1 vol. in-8°. V. quant aux machines à vapeur, Décret du 25 janvier 1865 et décret du 31 avril 1880, relatif aux générateurs à vapeur, autres que ceux qui sont placés à bord des bateaux. Cpr. Blan- che, Dictionnaire d'administration, Machines à vapeur. Législation des machines à vapeur, par Coret ; Arras 1881, 1 vol. jn-16

s Cpr. § 198.

294 DES DROITS RÉELS.

Les obligations relatives, soit mi dessèchement des ma- rais" et des étangs de nature à nuire à la smité ou ù causer des inondations7, soit à l'assainissement des logements in- salubres8 ;

La prohibition d'élever des habitations, ou d'établir des puits, dans un certain rayon autour des cimetières placés hors des communes9.

fi Loi du 10 septembre 1807 (Locré, Lég., IX, p. 48 à 58). Loi du 28 juillet 1860., et Décret du 6 février 1861. Lois du 21 juin 1865 et du 22 décembre 1888, sur les associations syndicales. Aucoc, Conférences admi- nistratives, II, 867 et suiv. Ducrocq, Droit administrai if, II, nos 996 et suiv. ; 1574 et suiv. Cpr. Code des dessèchements, par Poterlet ; Paris 1817, 1 vol. in-8o.

"* La loi du 14 frimaire an IL qui avait ordonné, par mesure générale, le dessèchement des étangs, a été rapportée par une loi postérieure, du 13 messidor an III. Mais, suivant la loi des 11-19 septembre 1792, la sup- pression des étangs insalubres ou de nature à causer des inondations peut, sur la demande du conseil d'arrondissement et du conseil général. être ordonnée par le préfet. Cpr. Ait. Cons., 15 avril 1857, Lebon, 257. Arr. Cons., 16 décembre 1858, Lebon, 516. Arr. Cons., 21 dé- cembre 1869. Lebon. 4045 et les conclusions de M. de Belbeuf, commis- saire du Gouvernement. Arr. Cons., 8 août 1882, Lebon. 810. Cpr. Tables de Lebon, 1874-1884, p. 650 et suiv. Cpr. Des étangs salés des bords de la Méditerranée, par Aucoc, Paris 1882, brocb. in-8°. Voy. aussi : Loi du 21 juillet 1856. sur lalicitation des étangs du département de l'Ain, et le Décret du 28 octobre 1857, rendu pour l'exécution de celle loi.

* Loi des 19 janvier, 7 mars et 13 avril 1850. Loi du 25 mai 1864, qui modifie l'art. 2 de la loi précédente. Des logements insalubres, par Jour- dan ; Paris 1881. Pouvoirs des maires en matière de salubrité des habita- tions, par le môme; Paris 1890, 1 vol. in-12.

9 Décret du 7 mars 1808. Cpr. Crim. rej., 17 août 1854, S., 54, 1, 829. Crim. cass., 27 avril 1861, S., i)\, 1, 1001. Crim. rej., 10 juillet 1863, S., 63, 1, 550. Crim. rej.. 23 février 1867, S.. 67. 1, 311. Arr. Cons., 4 avril 1861, Lebon, 235. Arr. Cons., 28 mai 1866, Lebon, 519. Arr. Cons., 7 Janvier 1869, Lebon, 14. Air. Cons.. 18 décem- bre 1869, Lebon, 982. Arr. Cous., 24 février 1870, Lebon. 170. Arr. Cons.. 22 décembre 1876, Lebon, 917. Arr. Cons.. 13 avril 1881. Lebon, 428. Arr. Cons., 17 juin 1881, Lebon, 621. Ait. Cous., 23 décembre 1881, Lebon, 1023. Arr. Cons.. 27 juin 1884, Lebon, 515. Sur les distances à observer, et sur les concessions, V. Aucoc, Ecole des Communes, année 1856, p. 113, 193 et 202; année 1860, p. 129. 141. 169. Voy. sur les cimetières : Des inhumations, par Charreyre : Paris

DE LA PROPRIÉTÉ. § 193. 295

Parmi les restrictions fondées sur des motifs d'économie sociale se placent :

Celles qui concernent le défrichement des forêts10, le re- boisement et le gazonnement des montagnes11, ainsi que l'exploitation des mines et des minières12, des mines de sel, et des sources ou puits d'eau salée1

,i:î

1884,1 vol. in-8°. Les cimetières et les inhumât ions, par Fay; Amiens 1888.

10 Les dispositions transitoires des art. 219 et suiv. du Code forestier? qui avaient été successivement prorogées par les lois du 22 juillet 1847, du 22 juillet 1850, des 12 mars-24 join-23 juillet 1851, du 7 juin 1853, et du 21 juillet 1856, ont été définitivement remplacées par la loi du 18 juin 1859, aux termes de laquelle le défrichement, permis en règle générale, à la charge d'une déclaration préalable, ne peut être empêché que dans les cas exceptionnels et pour les causes qu'elle indique. Cpr. Décrets du 22 novembre 1859 et du 31 juillet 1861. Décrets du 15 décembre 1877. du 14 novembre 1881, du 1er août 1882. du 23 octobre 1883.

11 Loi du 28 juillet 1860. art. 5 et suiv. Décret du 27 avril 1861. Ins- truction du directeur général des forêts du 1er juin 1861, S., Lois anno- tées, 1861, p. 107. Loi du 8 juin 1864, qui complète, en ce qui concerne le gazonnement, la loi du 28 juillet 1860. Décret du \or novembre 1864. pour l'exécution combinée de ces deux lois. Loi du 4 avril 1882. Décret du 11 juillet 1882. Décret du 23 octobre 1883. Commentaire de la loi du 4 avril 1882, par Tétreau.

12 L'exploitation des mines ne peut avoir lieu qu'en vertu d'un acte de concession délibéré en Conseil d'Etat. Les minières ne peuvent être ex- ploitées souterrainement qu'avec la permission du préfet. Que si l'exploi- tation doit en avoir lieu à ciel ouvert, aucune autorisation administrative n'est exigée, et une simple déclaration préalable suffit. Yoy. sur cette matière : Loi du 21 avril 1810 (Locré Lég., IX, p. 107 à 647). Loi du 27 avril 1838. Ordonnance du 23 mai 1841, rendue pour l'exécution de la loi précitée. Ordonnance du 18 avril 1842. Loi du 9 mai 1866, qui abroge; et modifie diverses dispositions de la loi du 21 avril 1810. Loi du 27 juil- let 1880. Cpr. Législation des mines, par Delebecque ; 1836-1838, 2 vol. in-8°. Législation française sur les mines, par Richard ; Paris, 1838, 2 vol. in-8°. Traité pratique de la jurisprudence des mines, par Dupont ; Paris 1862, 2e édition, 3 vol. in-8°. De la propriété des mines, par Rey ; Paris 1857, 2 vol. in-8°. De la propriété des mines, par Edouard Dalloz ; Paris 1864, 1 vol. in-8.. Compte-rendu de l'ouvrage précédent par Wolowsky, Bévue critique, 1864, XXIV, p. 113. Des concessions des mines, par Splingard ; 1880, 3 vol. in-8°. Législation des mines, par Aguillon ; Paris 1886. 3 vol. gr. in-8°. Propriété des mines, par Krug-Basse : Paris 1888. 1 vol. in-8»

}3 Loi du 17 juin 1840. Ordonnance du 26 juin 1841,

29B DES DROITS RÉELS.

La défense de faire, sans autorisation préalable, desfouil- les ousondages dans le périmètre de protection d'une source d'eau minérale, déclarée d'intérêt public1'.

Les besoins de la marine ou de l'armée ont motivé les restrictions résultant, soit du droit de martelage sur les bois destinés au service de la marine13, soit des droits attri- bués aux agents de l'administration des poudres, sur le bois de bourdaine10, et aux salpétriers commissionnés, sur les matériaux de démolition17.

Enfin, c'est aux exigences du trésor que se rattachent les restrictions relatives à la culture du tabac 18 et à l'interdic- tion de fabriquer ou d'introduire des allumettes 18&«.

L'intérêt général peut non-seulement réclamer des res- trictions à l'exercice du droit de propriété, mais exiger la cession de la propriété même des terrains nécessaires à l'exécution des travaux publics19.

14 Loi du 14 juillet 1856. Cpr. Décret du 28 janvier 1860. Décret du 44 août 1869.Dccrct du 11 avril 1888.

13 Le droit de martelage, que l'art. 124 du Code forestier avait établi sur les bois des particuliers, pour dix ans seulement à partir de la pro- mulgation de ce Gode, n'a point été prorogé, et a par conséquent cessé, en ce qui concerne ces bois, à partir du 21 mai 1837. Mais ce droit sub- siste encore à l'égard des bois soumis au régime ibrestier,et s'exerce à l'é- gard de l'adjudicataire des coupes de ces bois. Cpr. Code forestier, art. 122 et suiv. Décret du 16 octobre 1858. Foucart, Droit administratif, II, 879.

16 Arrêté du 25 fructidor an XI. Décret du 16 floréal an XII. Règle- ment du 1er mars 1883, D., Code forestier, p. 937.

17 Loi du 13 fructidor an Y, tit. I. Loi du 10 mars 1819, art. 2 à 6.

18 Lois des finances du 28 avril 1816 (partie des contributions indi- rectes), art. 172 a 229. Le monopole de la régie des tabacs a été successi- vement prorogé par les lois du 28 avril 1819, du 17 juin 1824, du 19 avril 1829, du 12 février 1835, du 23 avril 1840, par le décret du 11 dé- cembre 1851, par les lois du 3 juillet 1852, du 22 juin 1862, du 21 dé- cembre 1872 et 29 décembre 1882 (art. 17).

18 bis. Lois du 2 août et des 21 décembre 1872. Loi du 28 janvier 1875. Cpr . Allumettes chimiques. Fabrique non autorisée. Droit à l'expropria- tion, par Lespinasse ; Revue critique , 1877, p. 1 et s. La fabrication d'allumettes a été tour à tour l'objet d'une concession à une compagnie, pu d'une exploitation directe par l'Etat. Décret du 30 décembre 1889.

19 L'expropriation pour cause d'utilité publique ne s'applique qu'aux

DE LA PROPRIÉTÉ. § 193. 297

Le propriétaire n'est tenu de céder sa propriété que pour une cause d'utilité publique légalement constatée, et moyennant une juste indemnité, qui doit, en général, être réglée par un jury, et préalablement à la dépossession. Art. 54520.

La loi principale qui régit aujourd'hui l'expropriation pour cause d'utilité publique est celle du 3 mai 184121. Cette loi dont l'art. 3 a été modifiée d'abord par l'art. 4 du sénatus- consulte du 25 décembre 1852, puis par la loi des 27 juil- let-3 août 1870, forme le Droit commun en matière d'expro- priation pour cause d'utilité publique, et s'applique à tous

immeubles corporels. Il n'existe pas de disposition législative qui per- mette l'expropriation d'objets incorporels, tels, par exemple, que des droits do propriété littéraire ou industrielle. Foucart, Droit administratif, II, 649 et 650. Dul'our, Droit administratif \ III, 1737. Demolombe, IX, 559. Zachariae, § 195, texte et note 6. Pouillet, des Brevets d'Invention, n«s 331 et s. ; De la Propriété littéraire, 204. Crim. cass., 3 mars 1826, S., 26, 1, 365. Quant au rachat de droits de péage (Req., 23 février 1825, S., 25, 1, 294. Loi du 31 juillet 1880. Aucoc, Conféren- ces, III, 1006), ou de concessions de canaux (Loi du 29 mai 1845. Loi du 1er août 1860), il constitue bien moins une véritable expropriation, qu'une simple extinction de charges. Enfin, ce ne serait que par une extension peu juridique de l'idée d'expropriation pour cause d'utilité pu- blique, qu'on assimilerait à cette mesure l'exercice, soit du droit de pré- emption accordé en certains cas à l'administration des douanes (Loi du 22 août 1791, tit. II, art. 23), ou de celui qui est attribué aux salpétriers commissionnés sur les matériaux de démolition (Gpr. texte et note 17 su- pra), soit du pouvoir en vertu duquel l'administration est autorisée à frapper des réquisitions. Décret du 19 brumaire an III. Décret du 15 dé- cembre 1813. Règlement du 1er décembre 1827. Loi du 24 juilletl873, art. 25. Loi du 3 juillet 1877. Décrets du 23 novembre 1886 et du 23 juin 1890.

50 Cpr. Préambule de la Constitution des 3-14 septembre 1791, art. 17. Constitution du 24 juin 1793, art. 19. Constitution du 5 fructidor an III, art. 358. Charte de 1814, art. 10. Charte de 1830, art. 9. Constitu- tion du 4 novembre 1848, art. 11.

21 Les lois antérieures sur l'expropriation pour cause d'utilité publi- que sont celles du 16 septembre 1807 (tit. XI), du 21 avril 1810 et du 7 juillet 1833. Ces deux dernières lois ont été complètement abrogées par l'art. 77 de la loi du 3 mai 1841. Il n'en est pas de mémo de la loi du 16 septembre 1807. Cpr.. texte et note 23 infrà,

298 DES DIIOTTS RÉELS.

les cas qui ne sont pas prévus et réglé g pardes lois spéciales".

Au nombre de ces lois spéciales se placent :

La loi du 16 septembre 1807. Les dispositions de cette loi, qui concernent l'expropriation par suite d'alignement, sont encore en vigueur".

La loi du 30 mars 1831 , relative à l'expropriation, en cas d'urgence, des propriétés privées, nécessaires aux tra- vaux de fortifications. Les dispositions de cette loi ont été. sauf certaines modifications, formellement maintenues par l'art. 76 de la loi du 3 mai 1841.

La loi sur les chemins vicinaux du 21 mai 183G, la loi du 21 août 1881 sur les chemins ruraux et celle du 8 juin 1864, relative aux rues formant le prolongement de pareils chemins.

L'ouverture et le redressement des chemins vicinaux sont ordonnés i3bis par délibération soit du Conseil général pour les chemins de grande communication ou dïntérêt commun, soit de la Commission départementale pour les chemins de la petite vicinalité. Loi du 21 mai 1836 art. 16 cbn. Loi du 10 août 1871, art. 44 et 86.

22 Cpr. sur cette matière : De l'expropriation pour cause d'utilité pu- blique, par Herson ; Paris 1 8i3, 1 vol. in-8<>. Traité de l'expropriation pour cause d'utilité publique, par Dclalleau ; édit., revue par Jousse- selin. lîemlu et Périn, Paris 1879, 2 vol. in-8o. Code complet de l'expro- priation pour cause d'utilité publique, par Malapert et Protat; Paris 18.v>6, 1 voli in-12. Commentaire théorique et pratique des lois d'expropriation pour cause d'utilité publique, par de Peyronny et Delamarre : Paris 1859, i vol. in-8°. Les lois de l'expropriation pour cause d'utilité publique, par Daffry de la Monnoye : Paris 1879, 2 vol. in-8°. Code annoté de l'expro- priation, par Crépon ; Paris 188o, 1 vol. in-8°.

23 Loi du 16 septembre 1807, fit. XI, art. 50 à 83. Quant au droit préemption appartenant aux propriétaires riverains en cas d'alignement Cpf. Aueoe, Conférences, 11, 1065. Ducrocq. IL 8.v>.v>; en cas de de- classement d'une route nationale ou départementale, arl. 3 de la loi du ~1\ mai 1842, cbn. ayee la loi du 20 mail836,el ledécrel du îo mars 1852, art. 3, tableau C. Cpr. Aucoc, op. cit.. 111, nM122. Ducrocq, II, nos «932, 933,

!3 bis Cpr. Des pouvoirs des Conseils généraux et des Commissions départementales en matière de classement, d'ouverture et cT élargissement des chemins vicinaux, par Sauzey; Rçyue critique, 1879. p. 209.

DE LA PROPRIÉTÉ § 193. 299

Lorsqu'il s'agit de la reconnaissance et de la fixation de la largeur des chemins vicinaux, la dépossession24 des ter- rains compris dans le sol attribué à ces chemins s'opère dé- finitivement non plus comme autrefois par arrêté du Pré- fet, mais en vertu d'une délibération du Conseil général ou de la Commission départementale selon les distinctions qui viennent d'être établies. Loi du 21 mai 1836, art. 15, chn. Loi du 10 août 1871, art, 44 et 86.

Dans la première hypothèse, l'art. 16 précité de la loi de 1836 règle les formalités de l'expropriation des terrains nécessaires à ces opérations, ainsi que la composition du jury chargé de fixer l'indemnité de dépossession 2+ ^s'.

Dans la seconde, l'indemnité qui peut être due aux propriétaires riverains est fixée par le juge de paix sur le rapport d'experts. 2Î5

n Par suite de cette décision, toutes les propriétés comprises dans les nouvelles limites du chemin sont ipso facto incorporées au domaine pu- blic ; l'administration peut en prendre possession, et le droit des proprié- taires se résout en un droit à une indemnité. Sauzey, op. cit., III, p. 222. Il en résulte que ces terrains ne peuvent plus faire l'objet d'actions pos- sessuircs tendant à faire réintégrer ou maintenir en possession le proprié- taire. Req., 12 août 1873, S., 7-4, 1, 29. Req., 29 décembre 1879, S., 80, I, 461. Civ. cass., 2 mars 1887, S., 90, 1, 439. Si le droit à l'indemnité était contesté par l'administration, les riverains pourraient, pour le faire reconnaître, se pouvoir au pétitoire ou même simplement au possessoire. Gpr. § 18o, texte et note 9. Civ. rej., 20 janvier 186-4, S., 64, 1, 130. Req., 29 décembre 1879, S., 80, l, 461.

24 bis. Sauf attribution depuis la loi du 10 août 1871, aux conseils gé- néraux et aux commissions départementales des pouvoirs qui d'après la loi de 1836, appartenaient aux préfets. Mais la commission départemen- tale ne peut, sans l'avis favorable du conseil municipal, ordonner l'ou- verture d'un chemin, quand ce travail doit entrainer une dépense qui n'est obligatoire pour la commune, qu'autant qu'elle a été votée par le conseil municipal. Sauzey, op. cit.. p. 219 et s. Arr.Cons., 19 mars 1875, Lebon, 269. Arr. Cons. ,13 juillet 1877, Lebon, 682. Ait. Cons.,23 février 1883, Lebon, 209. Secus, si le chemin proposé ne doit pas retomber à la charge de la commune dont il traverse le terrain. Arr. Cons., o décembre 1873, Lebon, 889.

25 Mais l'art. 18 delà loi de 1836 n'est pas applicable au cas d'élargisse-

£vv<

300 DES DROITS RÉELS.

La loi du 21 août 1881 qui fait partie du Code rural a établi quant aux chemins ruraux.des règles présentant une grande analogie avec ,celles qui viennent d'être rappelées relativement aux chemins vicinaux. Le législateur a voulu, ainsi que Ton a dit, permettre aux communes de fixer l'état civil de leurs chemins, et par conséquent de leur attribuer ainsi une existence en quelque sorte officielle.

Le conseil municipal détermine ceux des chemins ruraux qui devront être l'objet d'arrêtés de reconnaissance. Quant aux arrêtés eux-mêmes, ils sont pris par la Commission dé- partementale sur la proposition du Préfet. Art. 4 : ils peuvent être attaqués soit devant le Conseil général soit devant le Conseil d'Etat. Cpr. Loi du 10 août 1871, art. 88.

Ces arrêtés ont pour objet la constatation immédiate, non de la propriété, mais de la possession des communes, qui ne pouvait autrefois être établie que par les preuves de droit commun. Ils ne produisent aucun effet rétroactif, mais ils déterminent la possession des communes qui devient défi- nitive, si elle n'a été contestée dans Tannée de la modifica- tion. Les chemins ruraux qui ont été l'objet d'un arrêté de reconnaissance deviennent imprescriptibles 25 bis.

L'ouverture, le redressement, la fixation de la largeur e\ de la limite des chemins ruraux sont prononcés par la Com- mission départementale avec l'observation des formalités

ment d'un chemin dont la propriété est contestée à la commune. Req.. 1 mars 1847, S., 47, 1,773. Le Conseil d'État s'est rallié ultérieurement à cett< jurisprudence. Arr. Cons., 27 lévrier 1862, Lebon, 145. Arr. Cons.. 1: janvier 1870, Lebon, 13 et 23. Arr. Cons., 19 mars 1875 (2 arrêts) 269 e 271. En cas de désaccord entre les experts désignés par le sous-préiW e par le propriétaire, le tiers-expert est nommé par le juge de paix, et nor par le conseil de préfecture, comme pourrait le faire supposer la réda< tion, équivoque sous ce rapport, de la disposition finale de l'art. 15 de 1; loi du 21 mai 1836. Rcq., 21 décembre 1864, S., G(\, 1, 366. Le main n'a pas qualité pour désigner l'un des experts. Req., 25 juin 1878, S., 79 1, 226. La commission départementale peut-elle ordonner l'élargissemefl d'un chemin vicinal sans l'assentiment du conseil municipal ? Cpr. Arr Cons., 7 août 1874, Lebon, 77(5, Contra, Sauzey, op. cit.. p. 228 et s.

^bis Loi de 1881, art. 4 à 6. Féraud-Giraud. op. cit., I, 75 et suiv. 82, et suiv.

DE LA PROPRIÉTÉ § 193. 301

qui viennent d'être mentionnées. Au cas d'expropriation, il y a lieu d'appliquer les règles établies par Fart. 16 de la loi de 1836 ; au cas au contraire elle s'étendrait à des maisons, à des murs ou jardins attenant, ou à des terrains clos de murs ou de haies vives, la déclaration d'utilité publique doit alors être prononcée par un décret, le Con- seil d'Etat entendu. Le paiement de l'indemnité est tou- jours préalable à l'occupation 25 ter.

Les dispositions de la loi de 1836 ont été étendues, par la loi du 8 juin 1864, aux rues formant le prolongement de chemins vicinaux, mais avec une modification importante, relative au cas l'occupation de terrains surbâtis serait jugée nécessaire pour l'ouverture, le redressement, ou l'é- largissement immédiat de pareils chemins ou rues 25 quater. Dans ce cas, l'expropriation ne peut être prononcée qu'en vertu d'un décret, et après l'accomplissement des formali- tés prescrites par la loi du 3 mai 1841. Du reste, dans cette hypothèse même, l'indemnité de dépossession est réglée conformément aux cinq derniers alinéas delà loi du 21 mai 1836.

Aux lois relatives à l'expropriation d'utilité publique, se rattachent les dispositions législatives concernant l'occu- pation temporaire des terrains ou l'extraction des matériaux nécessaires à l'exécution de travaux publics26.

85 ter. Loi de 1881, art. 13. Féraud-Giraud, op. cit. ,11, nos 440 et Striv. Ducrocq, II, nos 13(39 et suiv. ; 1392 et 1393.

?3 quater. Quant aux rues formant le prolongement de chemins ruraux. Cpr. Féraud-Giraud, Des voies rurales, I, no 24. En ce qui concerne les modifications, suppressions, ou créations de voies publiques ou privées par suite de l'exécution de chemins de fer. V. Voies publiques et privées et privées, modifiées etc., par Féraud-Giraud, 1 vol. in-8°, Paris 1878.

26 Cpr. Loi des 28 septembre-6 octobre 1791, tit. VI, section VI, art. 1er; i0i du 28 pluviôse an VIII, art. 4, al. 5; loi du 16 septembre 1807, art. 55 à 57 ; loi du 30 mars 1831, art. 13 et 14 ; loi du 21 mai 1836, art. 17 et 18. Le décret du 8 février 1868 a réglé la procédure relative à l'occupation temporaire des terrains. Le droit exorbitant de l'administra- tion ou de l'entrepreneur de prendre les matériaux extraits en ne payant que la moins-value, à moins qu'il n'existe une carrière à l'état d'exploita- tion, a été l'objet de nombreuses propositions législatives qui n'ont pas

302 DES DROITS KÉELS.

II. Des limites dans lesquelles se trouve circonscrit l'exercice du droit de propriété, pour V intérêt réciproque de fonds voisins.

Généralités.

Les rapports de contiguïté ou de voisinage entre des fonds appartenant à des propriétaires différents, ont pour effet nécessaire de mettre en conflit les droits respectifs de ces propriétaires ; et ce conflit ne peut être concilié qu'au moyeu de certaines limitations imposées à l'exercice des facultés naturellement inhérentes à la propriété.

Ces limitations normales et indispensables peuvent en théorie se ramener aux règles suivantes, qui découlent el- les-mêmes de ce principe, que l'exercice du droit de pro- priété demeure subordonné à la condition de ne point cau- ser dommage à la propriété dautrui. Art. 1382 et 1383.

Le propriétaire d'un fonds ne peut y faire aucun travail, aucun ouvrage, de nature a porter une atteinte matérielle aux fonds voisins.

Une peut, ni rejeter sur ces fonds des corps solides, ni y transmettre des substances liquides ou aériformes.

Il lui est interdit de disposer ces constructions de manière à compromettre la sûreté, l'indépendance, ou la tranquilité de la jouissance des fonds voisins, et d'affecter ses bâti- ments à des usages de nature à produire de pareils incon- vénients.

Enfin, il doit s'abstenir de toute plantation dont lerésul-

abouti. Voyez sur tous ces points, Aucoc, Conférences administrait ces. H, THT.Perriquet, II, 1086 et suiv.En ce qui concerne les occupations né" cessajres à la réparation des chemins ruraux. Yov. Loi du "20 août 1881. Féraud-Giraud, Des voies rurales, U, n°* 47 \ cl s.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 19Î^ ^03

tat serait d'absorber à son profit les forces productives d'un fonds voisin.

C'est à ces règles que se rattachent les dispositions du Gode concernant l'égoût des toits, les vues et jours, les plantations d'arbres, enfin la distance et les ouvrages inter- médiaires requis pour certaines constructions.

Quoique placées au titre des servitudes services fon- ciers} ces dispositions ne sont point constitutives de véri- tables servitudes légales. Elles peuvent d'autant moins être considérées comme créant des charges sur un fonds au profit d'un autre fonds, que les restrictions qu'elles établissent, sont réciproquement imposées aux propriétaires voisins pour leur intérêt respectif, et n'emportent aucune idée d'hé- ritage dominant ni d'héritage servant. Ces dispositions n'ont en réalité, d'autre objet que de déterminer les limites dans lesquelles doit se restreindre l'exercice normal du droit de propriété, ou de concilier, au moyen d'une espèce de tran- saction, les intérêts opposés dés propriétaires voisins. i

C'est par ces considérations que nous expliquerons, aux quatre paragraphes suivants, les art. 671, 672, et 674 à 681, après avoir indiqué, au présent paragraphe, les ap- plications des règles ci-dessus posées, quine font point l'ob- jet de dispositions spéciales.

Le propriétaire d'un fonds ne peut, ni y faire des fouil- les, ni y creuser des fossés, dont l'exécution ou rétablisse- ment aurait pour effet d'entrainer la ruine de bâtiments ou de plantations existant sur le fonds voisin, ou d'y produire des éboulements de terre2.

1 Demolombe, XI, 8. Voy. cependant : Merlin, Quesi., \o Servitude. § 3. Toullier, III, 534.

8 Laurent, VI, 14:2. Mais le propriétaire supérieur n'est pas respon- sable envers le propriétaire intérieur des éboulements amenés par la pente naturelle ou les vices du terrain. Demolombe, XI, 56. Pau, 14 fé- vrier 1832, S., 32, 2, 259. Req., 29 novembre 1832, S., 33, 4, 19. Poi- tiers, 6 mai 4856, S. ,56, 2,470. Colmar, 25 juillet 1861, S., 61,2, 577. Celui qui veut établir un fossé, est-il tenu de laisser un certain espace de terrain entre le bord de ce fossé et le fonds voisin ? Voy. pour la solution de cette question : §198, notes 5 et 6.

J_

304 DES DROITS RÉELS.

Il ne peut pas davantage envoyer sur le fonds voisin, de la poussière ou de la suie en quantité dommageable3.

Il lui est également interdit de transmettre aux maisons voisines, de la fumée ou des odeurs fétides, dont F effet se- rait d'en rendre l'habitation malsaine ou incommode'. Tou- tefois les inconvénients légers qu'entraîneraient de pareils émanations ne sauraient être considérés comme constituant un exercice abusif de la propriété, lorsque, résultant des nécessités ou des usages ordinaires de la vie, ils n'excèdent pas la mesure des incommodités inséparables du voisinage5.

A plus forte raisou, le propriétaire d'une manufacture ou d'une usine ne peut-il pas transmettre aux fonds voisins des gaz délétères de nature à nuire à la santé ou à la végétation*.

D'après les mêmes motifs, le bruit causé par un établis- sement industriel, doit être considéré comme portant at- teinte au droit d'autrui, lorsque, par sa continuité et son intensité, il devient intolérable pour les voisins, et excède ainsi la mesure des incommodités ordinaires du voisinage7.

3 Demolombe, XII, 608. Colmar, 16 mai 18-27, S., 28, 2, 23. Tribunar dos conflits, 16 janvier 1875, Lebon, 59 : Sur cette question qui présente des difficultés au point de vue de la compétence quand la poussière pro- vient des dépôts de charbons des chemins de ter, voir Aucoc, Conférences, III, 1506.

4 « In suo enim alii kactenus facere licet, quatenus nihil in alienum « immittat, fumi autem, sicut àqnœ, esse immissionem. » L. 8, § 5, D. si serv. vind, (8, 5). Domat, Lois civiles, liv. I, lit- XII, sect. II, 10. Toullier, III, 334. Demolombe, XII, 653 et suiv. Laurent, VI, 146. Metz, !0 novembre 1808, S., 24 j 2, 154. Giv. rej., 29 novembre 1844, S., 44, 1, 814. Giv. rej., 8 juin 1857, S., 58, 4, 305. Rcq., 3 janvier 1887. S., 87, 1, 263.

5 L. 8, | 6, D. si serv. vind. (8, 5). Gœpolla, De servilutibus, tract. I, cap. 53, n<> 1, et tract. Il, cap. 43, 2. Domat, op. cit., liv. I, tit. XII, sect. 4, no 10. Demolombe, XII, 658. Laurent, ubi suprà. Gpr. Giv. cass. 27 novembre 1844, S., 44, 1, 814. Agen, 7 février 1855, S., 55, 2, 311.

6 Demolombe, XII, 655 et suiv. Req., 11 juillet 1826, et Giv. rej., Il juillet 1826, S., 27, 1, 236 et suiv. Req., 3 mai 1827, S., 27, 1, 435 e 436. Req., 17 juillet 1845, S., 45, 1, 825. Req.; 24 janvier 1866, S., 06 1, 170.

7 Demolombe, XII, 658.- Laurent, VI, 447. Civ. cass., 27 novembn 1844, S., 44, 1, 811. Amiens, 18 juillet 4845, S., 45, 2, 475. Req., 20 te

DE LA PROPRIETE.

194.

805

Enfin, on doit même admettre que l'établissement d'une maison de tolérance est susceptible de donner lieu en fa- veur des voisins à une action en dommages-intérêts, à raison de la dépréciation de valeur locative ou vénale que leurs propriétés ont subie par ce fait 8.

Dans F application des règles précédentes, les tribunaux pouraient se montrer moins rigoureux, s'il s'agissait d'un établissement créé antérieurement à la construction des mai- sons dont les propriétaires se plaignent des inconvénients que cet établissement leur cause 9.

L'exercice abusif de la propriété sous l'un ou l'autre des rapports qui viennent d'être indiqués, donne non-seulement ouverture à une action en réparation du dommage déjà oc- casionné, mais autorise encore le propriétaire lésé à de- mander la suppression ou le changement de l'état de cho- ses qui lui cause préjudice.

Si cependant l'ouvrage ou l'établissement qui porte dom- mage au voisin, avait été autorisé par l'administration dans l'exercice de son pouvoir réglementaire, il n'appartiendrait qu'à l'autorité administrative d'en prononcer la suppression

vrier-1849, S., 49, 1,546. Metz, 25 août 1863, S., 64, 2, 57. Dijon, 10 marsl865, S., 65, 2, 343. Voy. aussi, sur les inconvénients résultant du voisinage d'un théâtre : Laurent, VI, 155. Req., 6 février 1865, S., 66, 1, 402. Req., 24 avril 1865, S., 66, 1, 169 ; ou d'un bal public : Laurent, VI, 147.

8 Laurent, VI, 154. Besançon, 9 février et 3 août 1859, S., 59, 2, 572, et 60, 2, 255. Ghambéry, 25 avril 1861, Journ. de Grenoble et de Chambdry, 1861, p. 185. Req., 3 décembre 1860, et Giv. rej., 27 août 1861, S., 61, 1, 840 et 844. Aix, 14 août 1861, S., 62, 2, 285. Aix, 20 mars 1867, S., 68, 2,181. Aix, 19 novembre 1878, S., 79, 2, 139. Req., 5 juin 1882, S., 84, 1, 71. Req., 8 juillet 1884, S., 85, 1, 487. Voy. cependant: Agen, 4 juil- let 1856, S., 57, 2,65. L'autorisation administrative ne peut faire obstacle à l'action en dommages et intérêts qui peut compéter aux tiers, à la charge par eux d'établir le préjudice. Req., 8 juillet 1884, S., 85, 1, 487.

9 Gpr. Décret du 15 octobre 1810, art. 9. Demolombe, XII, 659 et 660. Paris, 16 mars 1841, S., 44, 1, 811. Dijon, 10 mars 1865, S., 65,2, 343. Aix, 19 novembre 1878, S., 79, 2, 139. L'action en dommages et in- térêts peut être exercée aussi bien contre le propriétaire de la maison que contre le locataire qui l'exploite : ils sont responsables chacun pour le tout. Gaen, 11 décembre 1862, S., 63, 2, 165. Aix, 19 novembre 1878 pré- cité. Contra, Besançon, 3 août 1859, S., 60, 2, 255.

il. 20

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306 DES DROITS RÉELS.

ou la modification, et les tribunaux seraient incompétents pour l'ordonner 10. Mais l'autorisation administrative, en vertu de laquelle cet ouvrage ou cet établissement a été fait ou élevé, ne prive point le voisin du droit de porter, de- vant l'autorité judiciaire, sa demande en indemnité n.

10 Cette proposition n'est qu'une application du principe de la sépa- ration des pouvoirs, et de la défense faite aux tribunaux de s'immiscer dans la connaissance des actes administratifs, pour en arrêter ou modi- fier l'exécution. Foucart, Droit public et administratif, I, 152, 383 et 385. Tambour, Revue pratique, 1866, XXII, p. 248 à 251. Ducrocq, Droit administratif, I, nos 362-364. Laurent, VI, 150. Agen, 7 février 1855, S., 55, 2, 311. Givs rej., 27 août 1861, S., 61, 1, 844. Civ. cass., 8 no- vembre 1864, S., 64, 1, 495. Gpr. Civ. rej., 8 juin 1857, S., 58, 1, 305, Cet arrêt, s'appliquant à un établissement non autorisé par l'administra- tion, n'est pas contrairccàla proposition énoncée au texte. Y. cep. Laurent, VI, 150, in fine. Si au contraire des établissements n'ont été autorisés qu'au profit du riverain d'un cours d'eau et sur sa demande, les arrêtés préfectoraux ont seulement la valeur d'une permission accordée aux risques et périls du pétitionnaire et n'empêchent pas que l'autorité judiciaire soit saisie de contestations qui surgiraient entre l'usinier et les autres rive- rains. Arr. Cons., 18 novembre 1869, Lebon, 887 et les conclusions de M. de Bclbeuf. Req., 14 mai 1870, S., 70, 1, 301. Arr. Cons., 7 mai 1871 (Conflit), Lebon, 30. Arr. Cons., 19 juillet 1871, S., 73, 2, 31. Arr. Cons., 16 avril 1873, S., 73, 1, 130. Civ. cass., 6 mai 1874, S., 75, 1, 130. Tribunal des conflits, 26 décembre 1874, Lebon, 1036 et la note. Arr Cons., 3 août 1877, Lebon, 194. Civ. rej., 19 juin 1877, D., 77, 1, 481 L'autorité judiciaire, en pareil cas, a compétence, non seulement poui allouer une indemnité, mais pour ordonner la modification et même suppression des travaux faisant grief aux autres riverains. Civ. rej., 19 juin 1877, S., 78, 1, 53.

11 L'autorisation d'établir des manufactures, usines, ou ateliers insalu- bres et incommodes, n'est jamais accordée quesous la condition implicite de ne point porter atteinte aux droits des tiers, et de réparer, conformé- ment aux art. 1382 et 1383, le dommage résultant de l'infraction de cette condition. En statuant sur l'action en réparation du dommage causé par un établissement insalubre ou incommode, les tribunaux ne se méfient donc pas en opposition avec l'acte administratif qui a autorisé cet établis- sement. Décret du 15 octobre 1810, art. 11. Sirey, Observations, S., 27, 1, 239. Cormenin, Questions de Droit administratif, IL p. 477 et 478. Fou- cart, op. cit., 1, 384. Demolombe, XII, 653. Chameau, Compétence de la la juridiction administrative. III. 700. Ducrocq. Droit administratif, I, 30'c. Laurent, VI, I 48. Tambour, op. cit., p. 247 et 248. Met/, 10 novembre 1808 et 16 août 1820, S., 21, 2, 154 et 155. Civ. rej., 19 juillet

DE LA PROPRIÉTÉ. | 194.

307

Les tribunaux peuvent, en statuant sur de pareilles de- mandes, accorder des dommages-intérêts, tant pour le préjudice causé dans le passé 12, que pour celui qui doit se produire dans l'avenir, aussi longtemps que les choses resteront dans le même état 13. L'indemnité à allouer se détermine, non-seulement d'après le dommage matériel causé aux propriétés voisines, mais encore eu égaM à la diminution de valeur locative ou vénale qu'elles subissent1*. Le mode le plus équitable et le plus rationnel de règle-

1827, S., 27, 1,238. Req., 3 mai 1827, S., 27, 1, 435. R#q.s 17 juillet 1845, S., 45, 1, 825. Civ. cass., 28 février 1848, S., 48, 1, 311. Req., 20 février 1849, S., 49, 1, 346. Arr. Gons., 5 juin 1859, S., 59, 2, 572. Civ. rej., 27 août 1861, S., 61, 1, 844. Metz, 25 août 1863, S., 64, 2, 57. Dijon, 10 mars 1865, S., 65, 2, 343. Req., 24 avril 1865, S., 66, 1, 169. Civ. rej., 25 août 1869, S., 69, 1, 473. Civ. cass., 17 février et 26 mars 1873, S., 73, 1, 221 et 256. Req., 14 juilletl875, S., 75, 1, 352. Dijon, 6 mars 1877, D., 78, 2, 250. Req., 11 juin 1877, S., 78, 1,209. Req., 18 novembre 1884, S., 85, 1, 69. Voy. en sens contraire : Duver- gier, Revue étrangère et française, 1843, X, p. 425 et 601. Massé, Droit commercial, II, 382 et 388. D'après ces auteurs, le fait mémo de l'autorisation administrative priverait les voisins de tout droit à indem- nité, et enlèverait aux tribunaux le pouvoir, non-seulement d'ordonner la suppression ou la modification de l'établissement autorisé, mais encore d'accorder des dommages-intérêts à raison du dommage qui en résul- terait.

12 On avait voulu soutenir, en se fondant sur l'art. 1146, que les dom- mages-intérêts ne sont dus que pour la réparation du préjudice causé de- puis la demande. Mais cette manière de voir était évidemment erronée, puisque l'art. 1146, qui ne concerne que les fautes contractuelles, est étranger aux délits et aux quasi-délits. Voy. §445, texte et notes 10 et 11. Aussi a-t-elle été rejetée par la doctrine et la jurisprudence. Duvergier sur Teullier, III, 510, note e. Demolombe, XI, 50. Laurent, VI, 152. Civ. rej., 19 juillet 1826, S., 27, 1, 238. Req., 8 mai 1832, S., 32, 1, 398.

13 Laurent, VI. 153. Req., 3 mai 1827, S., 27, 1, 435 et 436. Req., 17 juillet 1845, S., 45, 1, 825. Req., 24 avril 1865, S., 66, 1,169.

14 Clérault, Des établissements dangereux, chap.VIII, no 130. Scrrigny, De l'organisation et de la compétence, 870. Sourdat, De la responsabi- lité, II, 1189 et 1191. Foucart, op. et loc.citt. Demolombe, XII, 654. Lau- rent, VI, 153. Req., 3 mai 1827, S., 27, 1, 435 et 436. Req., 17 juillet 1845, S., 45, 1. 825. Gpr. aussi les arrêts cités à la note 8 suprà. Voy. en sens contraire : Macarel, Des ateliers dangereux, etc., 57. Arr* Cons., 15 décembre 1824, S., 27, 1, 434.

;J08 DES DROITS RÉELS.

ment de l'indemnité pour le dommage à venir, parait être celui d'allocations successives sous forme d'annuités 13.

Du reste, des travaux qui, sans causer aux voisins un dommage positif, et sans porter ainsi, atteinte à leur droit de propriété, auraient simplement pour résultat de les pri- ver d'avantages dont ils jouissaient jusqu'alors, ne pour- raient motiver de leur part une action en dommages-inté- rêts 16. C'est ainsi que des constructions élevées par un propriétaire sur son fonds, n'autorisent pas le voisin qu'elles privent de l'agrément d'une vue dont il jouissait, à former pour ce motif une action en dommages-intérêts 17. C'est ainsi encore que des fouilles faites par un propriétaire dans son fonds, ne donnent ouverture contre lui à aucune action en indemnité, bien qu'elles aient eu pour effet de couper ou de détourner les veines d'eau souterraines qui alimen- taient le puits du voisin ou un établissement d'eaux miné- rales 18. C'est ainsi enfin que la démolition d'un mur, qui

16 C'est ce mode d'indemnité que les tribunaux adoptent d'ordinaire. Cpr. cep. Aix, 1er mars 1826, S., 27, 1, 435.

16 Quia non debeat videri is damnum facerc, qui eo veluti tucro, quo adhuc utebatur, prokibetur, multumque, interesse, utrum damnum quis faciat, an lucro, quod adhuc faciebat, uti prohibeatur. L. 26, D. dedamn. inf. (39, 2). Voy. aussi : L. 24, § 1-2, D. eod. lit. Demolombe, XII, 647. Zacharïae, § 194, texte et note 3, et § 243, texte et note 5. Laurent, VI, 136 à 138. Voy. cep. Metz, 12 juin 1807, S., 7, 2, 188. Bruxelles, 23 août 1810, S., Il", 2, 256.

" Laurent, VI, 140. Cpr. Civ. cass., 31 juillet 18S5, S., 56. 1, 393.

18 Toullier, III, 328. Pardessus, Des servitudes, I, 76 et 78. Duranton, V, 156. Daviel, Des cours d'eau, 897. Marcadé, sur l'art. 674. Sourdat, De la responsabilité, I, 425. Demolombe, loc. cit. Laurent, VI, 142. Civ. rej., 29 novembre 1830, S., 31, 1, 110. Grenoble, 5 mai 1834, S., 34, 2, 491. Req., 15 janvier 1835, S.,35, 1, 957. Civ. rej., 26 juillet 4836^ S., 36, 1, 819. Req., 10 juillet 1837, S., 37, 1, 684. Crim. rej., 13 avril 1844, S., 44, 1, 664. Civ. cass., 4 décembre 1849, S., 50, 1, 33. Req., 3 févrierl857, S., 57, 1, 469. Montpellier, 16 juillet 1865, S., 67, 2, 115. Req., 25 octobre 1886, S., 87,1, 373. Voy. cependant, en ce qui concerne le périmètre de protection accordé aux sources d'eaux minérales, dé- clarées d'intérêt public : Loi du 14 juillet 1856 ; § 193, texte et note 14. Mais il en est autrement en matière de travaux publics les dispositions du Code civil ne s'appliquent pas ipso facto. Par leur importance et leur

T

DE LA PROPRIÉTÉ. § 195. 309

de fait seulement, et sans aucune charge de servitude, ser- vait d'appui au bâtiment du voisin, ne donne lieu par elle- même à aucune action en dommages-intérêts contre le pro- priétaire qui l'a effectuée

19

§ 195.

1. De la défense de déverser sur le fonds d' autrui, des eaux pluviales, ménager es, ou industrielles ; et spécialement de régout des toits.

D'après le Gode civil, et sauf les modifications introduites par la législation postérieure à ce Code, le propriétaire ne peut se livrer à aucun acte, ni faire sur son fonds aucun travail ou ouvrage, qui aurait pour résultat de déverser sur le fonds du voisin, des eaux que ce dernier ne serait pas tenu de recevoir en vertu de l'art. 640, c'est-à-dire des eaux autres que celles de source ou de pluie, découlant par la pente naturelle du terrain, d'un fonds supérieur sur un fonds inférieur l .

nature, ces travaux n'ont pu être considérés par le Code comme la consé- quence des relations ordinaires entre les propriétés privées. Dans l'exposé des motifs du titre, Berlier suppose toujours qu'il s'agit de relations entre héritages privés. En conséquence, il a été jugé que le particulier privé de la jouissance d'une source par suite de la construction d'un tunnel de chemin de fer avait droit à une indemnité pour dommage. Arr. Cons., 11 mai 1883, Lebon, 479. Yoy. les conclusions de M. le commissaire du Gouvernement, Levavasseur de Précourt. Cpr. aussi Aucoc, Confé- rences, II, 72o. Perriquet, Traite des Travaux publics. II, 891. Arr. Cons., 14 décembre 1853, Lebon, 1069. Arr. Cons., 16 août 1860, Lebon, 672. Arr. Cons., 16 mars 1870, Lebon, 307. Arr. Cons., 20 mars 1874, Lebon, 277. Arr. Cons., 14 décembre 1877, Lebon, 977.

19 II en serait bien entendu autrement, si l'auteur de la démolition avait agi méchamment, ou s'était rendu coupable d'une grave imprudence. Cpr. Demolombe, XII, 648. Laurent, VI, 140 et suiv.

1 C'est en expliquant ultérieurement l'art. 640, que nous examinerons la question de savoir si la servitude légale établie par cet article, est ou non applicable aux eaux d'une source que le propriétaire d'un fonds y a fait jaillir par des fouillps ou des sondages.

310 DES DROITS RÉELS.

Ainsi, il ne peut faire écouler sur le fonds voisin, ni des eaux de fontaine ou de puits, ni des eaux ménagères ou industrielles * &&, ni même celles qu'il aurait amenées sur son fonds pour les besoins de la culture et de l'irrigation 2.

Ainsi encore, le propriétaire d'une cour ne pourrait, au moyen d'un changement apporté au niveau du terrain, en établir la pente de manière à diriger sur le fonds voisin les eaux pluviales tombant dans cette cour 3.

Dans toutes ces circonstances, le propriétaire est obligé de prendre les mesures nécessaires pour faire écouler les eaux dont il vient d'être parlé, soit sur des fonds à lui ap- partenant, soit sur la voie publique.

Par la même raison, le propriétaire d'un bâtiment est tenu d'établir ses toits de manière à faire tomber les eaux pluviales sur la voie publique, ou à les recevoir dans son fonds 3 Ms. Art. 681. Il doit donc, dans le cas il ne peut les faire tomber sur la voie publique, soit établir des ché- neaux destinés à les déverser sur un terrain à lui apparte- nant, soit laisser entre son mur et le fonds voisin un espace suffisant pour les recevoir *.

lbù. Req., 3 août 1843, S., 44, 1, 137. Req., 9 janvier 1856, S., 56, 1, 38. Req., 5 décembre 1887, S., 90, 1, 334. Gpr. Aucoc, Conférences, III, 1119 et 1120.

2 Duranton, V, 154. Pardessus, Des servitudes, I, 82. Daviel, Des cours d'eau, III, 754. Taulier, II, p. 359. Du Caurroy, Bonnier et Roustain, II, 264. Demolombe, IX, 23 ; XII, 584. Zaehariœ, § 235, note 2. Frémy- Ligneville et Perriquet, Législation des bâtiments, II, 676 et 678. Req., 15 mars 1830, S., 30, 1, 271. Req., 19 juin 1865, S., 65, 1, 337.

3 Daviel, op. cit., III, 753. Marcadé, sur l'art. 640, no 2. Demolombe, IX, 25.

3 bis. Le droit appartenant au propriétaire de faire écouler sur la voie publique les eauxs'écbappant de son fonds, s'applique tant aux eaux ména- gères qu'aux eaux pluviales. Ce propriétaire n'est point responsable delà direction que l'administration donne aux eaux parvenues dans les égouts ou dans les aqueducs publics, alors même qu'il aurait été obligé de faire établir sous le chemin des canaux de raccordement pour accéder à l'égout public. Frémy-Ligneville et Perriquet, Législation des bâtiments, II, 77. Demolombe, XII, 584, 597. Daviel, Cours d'eau, III, no 763 et 946. Gavini de Campile, II, no 947. Civ. eass., 22 mars 1876, S., 76, 1, 446. Civ. cass., 15 mars 1887, S., 87, 1, 157. Gpr. Aucoc, Conférences, III, 4114;

4 Toullier, III, 538. Pardessus, Des servitudes, 213. Zachariœ, § 245, et note 2. Laurent, VIII, 72.

DE LA PROPRIÉTÉ. | 195. 311

Cette obligation lui incombe, alors même que le fonds voisin est inférieur au sien :i. Le seul point qui, dans cette hypothèse, puisse faire difficulté, est celui de savoir si, après avoir reçu sur son terrain les eaux provenant de ses toits, le propriétaire du bâtiment est autorisé à les laisser couler sur le fonds inférieur, en vertu de l'art. 640, ou s'il est, au contraire, tenu de leur procurer un écoulement suf- fisant sur son propre fonds. Cette question semble devoir se résoudre dans le premier sens ou dans le second, sui- vant que le nouvel état de choses ne constitue pas, ou cons- titue une aggravation sensible de la servitude établie par l'article précité 6.

Non-seulement le propriétaire ne peut, hors du cas prévu par l'art. 640, déverser sur le fonds voisin les eaux prove- nant du sien, iln'est pas même autorisé, tout enles retenant chez lui, à établir ou à laisser subsister un état de choses qui donnerait lieu à des infiltrations dommageables aux constructions établies sur le fonds d'autrui, et il doit pren- dre toutes les mesures nécessaires pour écarter cette cause de préjudice 7. C'est ainsi que, dans le cas le larmier d'un bâtiment en fait tomber les eaux à une faible distance du mur du voisin, le propriétaire du bâtiment peut être tenu d'éta- blir au-dessous de ce larmier une rigole pavée, avec une pente suffisante pour assurer l'écoulement des eaux 8.

Les règles exposées au présent paragraphe cessent de

5 L'art. 681 ne distingue pas. Pardessus, op. cit., I, 212. Zachariae, § 245, texte et note Ire. Colmar, 5 mai 1819, S., 20, 2, 150. Req., 15 mars 1830, S., 30, 1, 271.

6 La solution donnée au texte est conforme à l'esprit qui a dicté la dis- position du 3e al. de l'art. 640. Cpr. Delvincourt, I, part. II, p. 378. Par- dessus, op. cit., I, 213. Toulier, III, 538. Déniante et Golmet de San- terre, Gours, II, 536 bis, IL Demolombe, XII, 586 et 589. Zachariae, § 235, note 2.

7 Pardessus, op. cit., I, 199 in fine. Demolombe, XII, 587. Laurent, YIII, 72. Req., 13 mars 1827, S., 27, 1, 160.

8 Delvincourt et Toullier, locc. citt. Pardessus, op. cit., I, 213. Marcadé, sur l'art. 681 n<>4. Taulier, II, p. 420. Déniante, Cours, II, 536 bis, IL De- molombe, loc. cit.

312 DES DROITS RÉELS.

recevoir application, lorsque, en vertu d'une servitude éta- blie par le fait de l'homme, un fonds est assujetti à rece- voir des eaux provenant d'un autre fonds.

Ces règles ont d'ailleurs été gravement modifiées par la loi du 29 avril 1845, sur les irrigations, et par la loi du 10 juin 1854, sur le libre écoulement des eaux provenant du drainage, dont les dispositions seront développées, dans la théorie des servitudes, aux § 241 et 242.

§ 196. 2. Des jours et des vues sur un fonds voisin.

Pour garantir la sûreté, l'indépendance, et la tranquil- lité de la jouissance des fonds voisins, la loi ne permet que sous certaines restrictions au propriétaire d'un mur, d'un bâtiment, ou d'un fonds de terre, d'y pratiquer des ouver- tures et d'y établir des ouvrages constituant des jours ou des vues sur ces fonds.

Les ouvertures pratiquées dans un bâtiment ou dans un mur peuvent être disposées de manière, soit à donner vue sur le dehors et à laisser pénétrer l'air extérieur, soit à ne permettre que l'entrée du jour. Au premier cas, on les ap- pelle vues ; au second, on les nomme jours.

Les vues sont ou droites ou obliques.

Les vues droites sont les ouvertures qui, fictivement pro- longées dans la direction de leur axe, atteindraient le fonds voisin, peu importe, du reste, que la ligne formant la li- mite de ce fonds soit ou non parallèle à celle du mur dans lequel l'ouverture est pratiquée. En d'autres termes, la vue droite est celle que, dans la direction de l'axe d'une ouver- ture, on peut exercer sur une partie déterminée du fonds voisin, sans être obligé de tourner la tète soit à droite soit à gauche \

1 On définit ordinairement les vues droites, celles qui sont pratiquées dans un mur parallèle à la ligne Séparative de deux héritages. Voy. Par-

DE LA PROPRIÉTÉ. § 196. 313

Les vues obliques sont les ouvertures dont l'axe, quelque prolongé qu'il fût, n'atteindrait pas le fonds voisin, et au moyen desquelles on ne peut se procurer de vue sur ce fonds qu'en se plaçant dans une direction différente de celle de cet axe, c'est-à-dire en se tournant à droite ou à gauche.

D'après ces définitions, la vue droite suppose toujours un fonds placé en face de l'ouverture par laquelle elle s'exer- ce, et la vue oblique, un fonds formant angle avec le mur dans lequel existe l'ouverture. Lorsque cet angle est aigu, la même ouverture peut donner, tout à la fois, une vue obli- que sur la partie latérale du fonds voisin, et une vue droite sur la partie située en face 2. Que si l'angle était droit ou obtus, il ne pourrait y avoir qu'une vue oblique 3. Enfin, il ne saurait même être question de vue oblique entre deux héritages placés sur le même alignement, lorsque d'ailleurs il n'y existe ni saillie ni balcon *.

Les ouvertures pratiquées dans les saillies d'un bâtiment et les balcons donnent des vues droites sur les fonds placés en face de chacun de leur côtés 5, et des vues obliques sur les fonds latéraux, c'est-à-dire sur les fonds formant angle avec Fun ou F autre de leurs côtés 6.

dessus, Des servitudes, I, 204. Demolombe, XII, 528. Zachariae, § 234, texte in principio. Laurent, VIII, 35. Mais cette définition n'est pas complètement exacte. D'une part, en eftet, on peut avoir une vue droite sur un fonds dont la ligne séparative forme un angle aigu avec le mur se trouve pratiquée l'ouverture par laquelle elle s'exerce. D'autre part, on n'a qu'une vue oblique sur un fonds même placé parallèlement au mur dans lequel l'ouverture est établie, lorsque ce fonds ne se prolonge pas assez pour se trouver, partiellement du moins, en face de cette ou- verture.

2 Cpr. Du Caurroy, Bonnier et Roustain, II, 318. Demolombe, XII, 549.

3 Demolombe, XII, 550.

4 Demolombe, XII, 546.

5 Toullier, III, 522. Duranton, V, 413. Pardessus, op. cit., 1,207. Tau- lier, II, p. 416. Marcadé, sur l'art. 679, 1. Demolombe, XII, 547.

6 Solon, Des servitudes, 291. Demolombe, XII, 548. Cpr. Dijon, 7 mai 4847, S., 47, 2, 608.

314 DES DROITS RÉELS.

Los restrictions établies par les art. 070 à 080 sont égale! ment applicables dans les villes et dans les campagnes 7, dans les localités la clôture est forcée et dans celles elle ne l'est pas 8. Il importe également peu pour leur ap- plication, qu'il s'agisse d'ouvertures établies dans le mur d'un bâtiment ou dans un simple mur de clôture 9, el que le fonds sur lequel elles sont pratiquées serve ou non a l'habitation, et soit ou non en état de clôture 10. Art, 078 et arg. de cet article.

a. Des jours.

Le propriétaire d'un mur ou d'un bâtiment qui ne se trouve pas, relativement à l'héritage voisin, à la distance à laquelle il est permis d'ouvrir des vues droites ou obliques, ne peut y pratiquer que de simples jours, c'est-à-dire des fenêtres garnies d'un châssis à verre dormant, et d'un treillis de fer, dont les mailles ne doivent avoir qu'un déci- mètre d'ouverture au plus. Art. 070 cbn. 077 et 078.

Ces fenêtres ne peuvent être établies qu'à 20 décimètres au-dessus du sol ou plancher de la chambre qu'on veut éclairer, si elle est à rez-de-chaussée, et à 19 décimètres, pour les étages supérieurs. Art. 077. Il suffît, lorsque la fonds contigus ne sont pas de même niveau, que cette hau teur existe du côté du voisin qui se propose d'ouvrir de< jours ", Si la partie du bâtiment qu'on veut éclairer est ui

7 Exposé de motifs, par Berlier (Locré, Lég., VIII, p. 374, 14). Mer lin, Iiép., Vue, § 2, n" 6. Toullier, III, 520. Demolombe, XII, 560. Za cliarnc, § ï244, texte et note 4. Laurent, \ III, 40.

8 Demolombe, XII, 561. Voy. cependant : Du Gaurroy,Bonnier etRout tain, H, 319, Déniante et Colmetde Santerre, Cours, II, 533 bis, I. Lan rent, ibid.

9 C'est évidemment à tort que MM. Du Caurroy, Bonnier et Rouslai (loc. cit.) enseignent que les règles établies par les art. 070 et suivanl ne s'appliquent qu'aux ouvertures qui, pratiquées dans un mur de bât ment, sont destinées à éelairer des appartements. Demolombe, XII, •>*»:

10 Voy. aussi : Civ. rej., 8 mai 1807, S., 67,1, 387.

11 C'est ce qui ressort des termes de l'art. 077 « au-dessus du planche « ou sol de la chambre qu'on veut éclairer. » Pardessus, op. cit., I, 211

DE LA PROPRIÉTÉ. 1 196. 315

escalier, et que cet escalier soit placé le long du mur dans lequel doivent être percés des jours, il faut que les fenêtres soient disposées de manière qu'elles se trouvent à la hau- teur légale par rapporta chaque marche'12. Quant aux sou- piraux de caves, dont la loi ne s'est pas occupée au point de vue de la hauteur à laquelle ils doivent être placés, il semhle qu'il soit permis de les établir à une hauteur moin- dre que celle fixée par l'art. 677, s'il n'en peut résulter pour le voisin aucune incommodité sensible 18.

Du reste, le propriétaire est libre de donner aux jours ou- verts dans les conditions ci-dessus indiquées, les dimensions en hauteur et en largeur qu'il juge convenables lé.

L'ouverture de jours établis conformément aux art. 676 et 677, ne constitue, de la part du propriétaire qui les a pra- tiqués, que l'exercice normal de son droit de propriété, et n'implique aucune prétention de servitude sur le fonds voi- sin ; en d'autres termes, de pareils jours sont à considérer comme ayant été ouverts, non jure servitutis, sed jure do- minii™. Il en résulte que si, d'une part, le voisin ne peut cq demander la suppression pure et simple, il conserve ce- pendant, d'autre part, malgré leur existence depuis quel- que laps de temps que ce soit, le libre exercice des facultés naturellement ou légalement inhérentes à son droit de pro- priété, et qu'ainsi il est toujours autorisé, sans qu'on puisse lui opposer aucune prescription, soit à obstruer les jours ouverts sur son fonds, en bâtissant contre 1G, soit à en de- Taulier, II, p. 411. Demolombe, XII, 534. Voy. en sens contraire : Toul- lier, III, 526.

12 Gpr. Pardessus, op. et loc. citt. Duranton, V, 405. Taulier, II, p. 412. Demolombe, XII, 530. Laurent, VIII, 53.

13 Pardessus, op. et loc. citt. Taulier II, p. 412. Demolombe, XII, 534 bis. Laurent, VIII, 53. Nîmes, 23 juillet 1862, S., 62, 456.

14 Toullier, III, 525. Pardessus, op. et loc. citt. Taulier, II, p. 412. Demolombe, XII, 537. Laurent, VIII, 53.

13 Toullier, III, 518. Demante, Cours, 11,532 bis. Du Gaurroy, Bonnier etRoustain, II, 317. Demolombe, XII, 540. Gpr. Laurent, VIII, 35 à 39. J Voy. les autorités citées à la note précédente. Zachariœ, § 244, texte et note 3.

316 DES DROITS RÉELS.

mander la suppression, en acquérant la mitoyenneté du mu; dans lequel ils sont établis 17.

Par une raison inverse de celle qui a été ci-dessus indl quéc, les ouvertures pratiquées en dehors des condition! exigées par les art. 676 et 677, ne sont plus à considère] comme établies jure dominii, et le voisin est dès lors au- torisé à demander qu'elles soient supprimées ou modifiée! conformément à la loi.

Il en est ainsi du moins, tant que de pareilles ouverture! n'existent pas depuis trente années. Dans l'hypothèse con- traire, il y aurait à examiner si elles ont été pratiquées e et maintenues à titre de droit, ou seulement par suite d'un< simple tolérance ; et cette question de fait, de la solution d( laquelle dépend celle de savoir s'il y a eu ou non acquisi- tion par prescription d'une véritable servitude de vue, doi se décider eu égard à l'ensemble des circonstances de cha- que espèce, notamment d'après la dimension des fenêtres l'endroit elles se trouvent placées, le but dans lequel elles ont été établies, et surtout d'après l'incommodité plus ou moins sensible qu'elles ont causer au voisin 18.

Lorsqu'il est reconnu en fait que les ouvertures, quoiqu< non conformes aux prescriptions des art. 676 et 677, n< constituent cependant que des jours de souffrance ou de to lérance, le voisin est, même après trente ans, non-seulemen autorisé à obstruer ces jours en bâtissant contre, et à le faire boucher en acquérant la mitoyenneté du mur 19, mai encore à réclamer leur suppression pure et simple, ou leu

11 Cpr. art. 061 et 675 ; § 222, texte no 4 lett. a. Laurent, loc. ci Cpr. Req., 25 janvier 1869, S., 69, 1, 156. Grenoble, 16 décembre 187 S., 72, 2, 20.

18 Pour éviter toute difficulté à ce sujet, le voisin qui laisse pratique sur son fonds, des ouvertures dont le caractère pourrait être douteux, raison de l'inobservation des conditions prescrites pour les simplesjoun agira prudemment en se faisant remettre un écrit constatant qu'il n'en permis rétablissement qu'à titre de tolérance. Laurent, VIII, 60.

19 Arg. art. 2229 et 2232. Req., 24 décembre 1838, S., 39, 1, 56. Cr rej., 18 juillet 1859, S., 60, 1, 271. Pau, 20 décembre 1865, S., 61 2, 284.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 196. 317

modification dans les termes de la loi20. Que si, au contraire, il est constant en fait que les ouvertures constituent de vé- ritables servitudes de vue, le voisin est tenu de les respec- ter, conformément à ce que nous dirons en parlant des vues.

b. Des mies.

On ne peut établir de vues droites sur le fonds d' autrui, au moyen de fenêtres d'aspect, de balcons, de saillies, ou autres ouvrages, tels que les terrasses M, plates-formes22, ou belvéders23, qu'à la distance de dix-neuf décimètres de ce fonds. Art. 678. Cette distance se compte, pour les fe- nêtres ouvertes dans un mur de bâtiment ou de clôture, du parement extérieur de ce mur, et pour les balcons, saillies, ou autres ouvrages, de la ligne extérieure de l'appui ou de la balustrade de face, jusqu'à la ligne formant la limite de l'héritage voisin. Art. 680. Lorsque les deux héritages sont séparés par un mur mitoyen, cette ligne est celle qui passe par le milieu de l'épaisseur de ce mur

24

20 Trib. de la Seine, 2 décembre 1859, S., 60, 1, 371, à la note.

21 Merlin, Rép., Vue, §2, no 1. Toullicr, III, 520. Frémy-Ligneville el Perriquet, Législation des bâtiments, II, 595. Demolombe, XII, 563. Laurent, VIII, 55. Bordeaux, 18 mai 1858, S., 59. 2, 177. Gpr. quant aux ouvrages, qui, élevés sur un terrain en pente, sont ou non à consi- dérer comme constituant des terrasses de nature à procurer une vue pro- hibée : Pardessus, op. cit., I, 204. Demolombe, XII, 575. Orléans, 19 jan\ïerl849, S., 49,2,596.

82 Gpr. cep. Metz, 13 avril 1853, D., 54, 5, 704. Gaen, 12 avril 1866, S., 67, 2, 17.

23 Demolombe, XII, 572. Laurent, VIII, 53. Vov. cep. Metz, 25 mai 1843, S., 50, 4, 19.

24 Pardessus, op. cit., I, 205. Duranton, V, 408. Taulier, II, p. 416. Solon, Des servitudes, no 290. Demolombe, XII, 557. Laurent, VIII, 58. L'acquisition de la mitoyenneté d'un mur de clôture pourrait of- frir au voisin, dont les vues ne seraient pas complètement à la distance légale, le moyen de se mettre en règle. Mais celui dont les vues se trou- vent à cette distance, en y comprenant l'épaisseur totale du mur de clô- ture dont la propriété exclusive lui appartient, ne pourrait être obligé de les supprimer dans le cas où, le voisin venant à acquérir la mitoyenneté de ce mur, ces vues ne seraient plus à la distance légale de la nouvelle

318 DES DROITS RÉELS.

On no peut établir de vues obliques sur le fonds d'autrui qu'à la distance de six décimètres. Art. 679. La distance si

compte, pour les fenêtres, de l'arête des montants de ce! ouvertures23, et pour les balcons et autres saillies, de la li- gne extérieure de la balustrade ou de l'appui du coté se prend la vue, jusqu'au point le plus rapproché de la ligne formant la limite de l'héritage voisin.

Les règles précédentes s'appliquent même au cas la vue donne sur un bâtiment garni de balcons ou de saillies dépassant la limite du fonds dans lequel il se trouve élevé, en ce sens que la distance se compte toujours jusqu'à cette limite, abstraction faite de l'avance formée par les balcons ou saillies 26.

Si les dispositions restrictives de l'art. 678 à ()80 concer- nent également les ouvertures pratiquées, soit dans un mur de bâtiment, soit dans un simple mur de clôture, elles ne sont cependant relatives qu'aux vues proprement dites, et elles ne sauraient s'étendre aux intervalles que présente la clôture elle-même d'après son mode de construction, par exemple, lorsqu'elle est à claire-voie ou sous forme de grille. De pa- reilles clôtures peuvent être établies sur la limite sépara- tive de deux fonds, alors même que la grille serait posée sur un mur à hauteur d'appui 27.

ligne séparative des deux héritages. Pardessus, op. cit., I. 206.Toullier el Duvergier, III, o22. Solon, op. et loc. citt. Duranton, V, 411. Taulier, H. p. 416. Déniante, Cours, II, 534 bis. Demolombe, XII, .ViS.

22 C'est à tort que l'art. 680 indique le même mode de calcul, tant pour ta vues obliques qui s'exercent par des fenêtres, que pour les vues droites. Les dispositions de cet article ne doivent s'appliquer qu'aux vues droites autrement tout propriétaire dont le mur ne serait pas séparé de 1'héritagt voisin par un espace de six décimètres, ne pourrait, avoir sur cet héritage aucune vue de côté, à quelque distance qu'elle s'en trouvât. Merlin, Bép. Vue, § 2, 7. Pardessus, op. cit., I, 206. Duranton, V, 413. Taulier II, p. 445. Demolombe, XII, 552. Zachariœ, § 244, texte et note 9. Lau rent, VIII, 57.

26 Pardessus, op. cit., I, 205 et 207. Solon, op. cit., no 290. Démo lombe, XII, 554.

27Ueq.,3août 1836, S„ 36, 1.744. Bordeaux, 26 novembre 4885 S., 87, 2, -168. Voy. cep. Demolombe, XII, 564 bis. Il s'en serai autrement des interstices laissés dans le mur d'un bâtiment, inters

DE LA PROPRIÉTÉ. § 196. 319

Lés dispositions des articles précités ne s'appliquent pas davantage aux ouvertures d'accès, qui ne constituent pas en même temps des ouvertures de vue, c'est-à-dire aux portes à panneaux pleins et sans vitrage28.

Les distances prescrites par les art. 678 et G79 doivent être observées, même à l'égard des héritages qui ne seraient pas contigus à celui d'où s'exerce la vue, et qui en seraient séparés par un fonds appartenant à un tiers 29.

Mais les vues établies dans des constructions élevées sur un terrain riverain d'une voie publique, ne sont pas soumises aux dispositions restrictives des art. 678 et 679. Il est permis d'ouvrir toute espèce de vues dans un bâtiment ou dans un mur joignant une voie publique, bien qu'à raison de son peu de largeur, les vues droites sur un héritage situé de l'autre côté de cette voie, ne se trouvent pas à la distance de dix-neuf décimètres 30, ou qu'à raison, soit du croisement

liées qui présenteraient tous les caractères d'une vue droite, s'exereant sans réciprocité sur l'héritage voisin. Agcn, 9 février 1849, Sir., 49, 2, 277. Gpr. en ce qui touche les hangars. Rcq., 13 janvier 1879, S., 79, 1, 264. Tri)).. le Troyes, 9 février 1881, S., 81, 2, 72.

28 Demolombc, XII. 554 bis. Laurent, VIII, 42. Caen, 2 mars 4853, S., 58, 2, 180. Montpellier, 14 novembre 4856, S., 57, 2, 81. Agen, 23 juin 1864, Bordeaux, 22 décembre 1863 et 16 juin 1864, S., 64, 8, 463 et 164. Req.. 28 juin 186:;, S.. 65, 1, 339. Rennes, 3 mars 1879, S., 81, 2, 136. Yoy. en sens contraire : Caen, 27 avril 1857, S., 58, 2, 177, et les obser- vations. Bordeaux, 23 juin 1869, S., 70, 2, 46.

29 Déniante, Cours, II, 533 bis, II. Demolombe, XII, 564. Quid si le terrain est commun aux deux voisins ? Yoy. § 221 ter, texte 4.

30 Ce premier pointne paraît pas contesté. Merlin, Réf., Vue, §2 1. Delvincourt, I, part. II, p. 408. Toullicr et Duvergier, III, 528. Duranton, Y, U2. Pardessus, op. cit.^ I, 204. Solon. op. cit., no 294. Taulier, II, p. 417. Marcadé, II, p. 673. Du Caurroy, Bonnicr et Roustain, II, 320. De- mante, Cours, II, 533 bis, II. Demolombe. XII, 566. Laurent, VIII, 47 et 48. Req., 1er mars 1848, S., 48, 1, 622. Civ. cass., 27 août 1849, S., 49, 1, 609. Civ. cass., 1er juillet 1861, S., 62, 1, 81. Rouen, 9 décembre 1878, S., 79, 2, 474. Bordeaux, 46 mars 1886, S., 86, 2, 190. Mais lors- qu'il s'agit de ruelles privées, l'on rentre, à moins de stipulations contrai- res, sous l'empire du droit commun. Gpr. infrà, % 221 ter, note 14. Agen, il juin 1867, S., m, 2, 180. Lyon, 5 novembre 1885, S., 86, 2, 190. Pour le cas le ruelle est commune, Gpr. Demolombe, XII, 565. Lau- rent, VII, 484 et VIII, 46. Req., 9 juin 1876, S., 77, 1, 267.

320 DES DROITS RÉELS -

soit du détour des rues, les vues obliques sur un héritage faisant angle avecles constructions dans lesquelles ellessonl pratiquées, ne soient pas à la distance de six décimètres31. Il y a mieux, lorsque le propriétaire d'un bâtiment joi- gnant la voie publique a obtenu de l'autorité compétente la permission d'y établir des balcons ou autres saillies, il est li- bre de le faire, bien que ces ouvrages doivent avoir pour ré- sultat de lui donner, sur des héritages riverains de cette voie publique, des vues droites ou obliques quine se trouve- ront pas à la distance légale32.

31 Yoy. en ce sens les auteurs cités à la note précédente. Dijon. 13 mars 1840, S., 47, -2,605. Civ. cass., 1er juillet 1861, S., 62, 1, 81. \oy. en sens contraire : Nancy, 25 novembre 1816, S., 17, 2, 155. Zacharue. § 244, texte et note 10. Cet auteur qui, dans sa troisième édition, avait en- seigné que les dispositions des art. 678 et 679 sont applicables, même aux ouvertures pratiquées dans un bâtiment longeant une voie publique, lors- qu'elles donnent des vues droites ou obliques sur un fonds voisin, s'est, dans sa quatrième édition, rangé à l'opinion commune en ce qui concerne les vues droites 244, texte et note 7 bis) ; mais il a maintenu sa précé- dente décision quant aux vues obliques. La distinction qu'il établit à ce sujet sans la justifier, nous parait dénuée de tout fondement. En effet, la raison décisive des solutions données au texte se tire de la destination des voies publiques, et de la faculté réciproquement accordée aux riverains de percer toute espèce de portes et de fenêtres dans les bâtiments élevés le long de ces voies. Or, cette raison s'applique tout aussi bien aux vues obliques qu'aux vues droites.

32 Marcadé, sur l'art. 679, 2.Demolombe, XII, 567. Civ. cass., 27 août •1849, S., 49, 1, 609. Cpr. Civ. rej., 31 janvier 1826, D., 1827, 1, 150. Civ. cass., 16 janvier 1839, S., 39, 1, 399. Yoy. en sens contraire : Frémy-Ligne- ville et Perriquet, Législation des bâtiments, II, 595 et 605. Solon, op. cit., 291. Observations, S., 49, 1, 609. Laurent, VIII, 49. Dijon, 7 mai 1847, S., 47, 2, 608. On dit, à l'appui de cette dernière opinion, que les balcons ou saillies n'offrant qu'un but de pur agrément et non de néces- sité, leur établissement ne rentre pas dans la destination à laquelle soiil essentiellement affectées les voies publiques, et que la permission adminis- trative, nécessaire à leur construction, n'est accordée que sauf les droits des tiers. Mais cette argumentation ne nous parait pas concluante. Si une autorisation administrative est exigée pour l'établissement de balcons ou saillies sur la voie publique, il n'en est pas moins vrai qu'après l'avoir ob- tenue, le propriétaire est, en ce qui concerne les balcons établis en vertu de cette concession, dans la possession il se trouve de plein droit eu ce qui concerne l'ouverture de simples fenêtres. D'un autre coté, il ne faut

DE LA Ï>R0PPJÉÏÉ. § 196. o21

Enfin, les dispositions restrictives des art. G78 et 679 ne sont plus applicables, lorsque les vues établies dans le bâ- timent ou dans le mur de l'un des voisins, ne donnent que sur le mur plein ou le toit non percé d'ouvertures de l'au- tre33, ou lors encore qu'il s'agit de lucarnes qui, pratiquées dans le faite d'une maison, ne regardent que le ciel3\

Les vues établies à la distance légale ne constituent, pas plus que les simples jours, de véritables servitudes, et n'ont point ainsi pour effet de restreindre en quoi que ce soit l'exercice des facultés naturellement inhérentes au droit de propriété du voisin : ce dernier reste libre d'élever, sur la limite extrême de son fonds, toute espèce de constructions.

pas oublier que c'est dans un intérêt général que les voies publiques sont affectées à certains usages, et que les intérêts privés doivent fléchir devant cet intérêt général. Si les propriétaires riverains d'une voie publi- que sont autorisés jure cïvitatis à en user pour ouvrir des portes et des fenêtres, ils doivent aussi jure civitaiis subir les inconvénients atta- chés à leur position riveraine, et ne sauraient se prévaloir de leur droit de propriété pour restreindre le pouvoir réglementaire, en vertu duquel l'autorité administrative reste libre d'accorder la permission de faire sur la voie publique toutes les constructions compatibles avec sa destination. De pareilles permissions peuvent sans doute léser les intérêts des pro- priétaires voisins, en les privant d'avantages dont ils jouissaient jusqu'alors ; mais on ne saurait y voir une violation de droits. D'où il résulte qu'elles ne peuvent jamais donner lieu qu'à une réclamation administrative, et non à une action judiciaire.

33 Toullier, III, 5:28. Duranton, V, 409 et 410. Pardessus, op. cit., I, 204. Solon. op. cit.. 295. Taulier, II, p. 417. Marcadé, sur l'art. 678, 2. Dcmolombe, XII, 569 et 570. Req., 7 novembrcl849, S.. 50, 1, 18. Orléans, 27 mai 1858, S., 59, 2,36. Yoy. encore dans ce sens les arrêts cités à la note 38 infrà. Voy. en sens contraire : Delvincourt, I, part. II, p. 408. Dijon, 26 mai 1842, Pal., 1842, II, p. 29. Lyon, 4 novembre 1864, S., 65, 2, 134. Gpr. Laurent, VIII, 56. Il est bien en- tendu que, si le mur sur lequel donnent les vues venait, à être démoli ou détruit, de telle sorte qu'elles portassent désormais sur le fonds même du voisin, ce dernier serait autorisé à demander la suppression de celles qui ne seraient pas à la distance légale, sans qu'on pût lui opposer au- cune prescription. Duranton, Solon, Taulier et Demolombe. locc. citt. Cpr. Pardessus, loc. cit. Voy. en sens contraire : Toullier. toc. cit.

34 Pardessus, op. cit., I, 207. Demolombe, XII, 571. Cpr. Laurent, VIII, 56.

u 21

322 DES DROITS RÉELS.

Lorsque les vues ont été établies à mie distance moin- dre qu'à La distance légale, le voisin sur L'héritage duquel elles donnent, est autorisé à <mi demander La suppression pure et simple; et, à plus forte raison, peut-il les obstruer ou les masquer, en élevant sur son terrain telles consi na- tions qu'il juge convenables.

Cependant la jouissance de pareilles vues pendant trente ans conduirait à l'acquisition par prescription d'une véri- table servitude, dont l'effet serait, non-seulement de ren- dre le propriétaire du fonds voisin non recevable à deman- der la suppression de ces vues, même après avoir acquis la mitoyenneté du mur oùelles se trouvent établies 35,mais en- core de lui imposer l'obligation de les respecter, en restant, pour les constructions qu'il voudrait élever, à la distance de dix-neuf ou de six décimètres du bâtiment ou du mur dans lequel elles ont été pratiquées36.

*'■> Cpr. § 222, texte, lelt. a, in fine. Req., 23 janvier 1869, S.. 69, 1. 186. Grenoble, 16 décembre 1871, S., 72, 2, 20. Bordeaux, 2 avril 1878, S., 78, 2, 280. Giv., 19 octobre 1886, S., 90, 1, 251.

30 L'opinion contraire, partant de la supposition que la défense d'éta- blir des vues à une distance moindre que dix-neuf ou six décimètres, constitue une servitude imposée au fonds dans lequel on se propose d'en pratiquer, en conclut que la libération par prescription de cette servitude passive, n'emporte pas acquisition d'une servitude active sur l'héritage voisin. Mais l'inexactitude de ces idées ressort de l'examen approfondi des principes relatifs à l'exercice de la propriété. Nous avons établi au §194 que la défense dont il est ici question ne saurait être considérée com- me une servitude, et qu'on ne doit y voir qu'une disposition réglemen- taire de l'exercice normal et régulier du droit de propriété. Ce point ad- mis, il faut reconnaître que celui qui ouvre des vues à une distance moindre que la distance .légale, exerce, sous ce rapport, un véritable em- piétement sur- le fonds voisin, et que, par cela même qu'il établit ainsi un état de choses constitutif en fait d'une servitude active de vue, il doit, par une jouissance trentenaire, acquérir cette servitude, qui est à la fois con- tinue et apparent*;. Quant à l'effet de cette acquisition, il se détermine, conformément à la règle Tantum prxscriptum, quantum possessum, par l'étendue de l'empiétement qui, sons le rapportdela vue, a été exercé sur le fonds voisin : ce qui revient à dire que le propriétaire de ce fonds ne peut plus y construire qu'en retrait de la ligne séparalivo des deux héri- tages, et de manière à laisser, entre ses constructions et le point sont

m LA PROPRIÉTÉ. § 196. 323

Cette proposition s'applique à toutes espèces de vues éta- blies en contravention aux art. 678 et 679, quels que soient les ouvrages qui les constituent, par exemple, à celles qui s'exercent au moyen de terrasses ou de plates-formes37. Mais elle ne s'applique pas aux ouvertures qui, bien que pratiquées à une distance moindre que celle prescrite par les art. 678 et 679, ne constituent pas des vues prohibées dans le sens de ces articles, par exemple, aux fenêtres don- nant exclusivement sur le toit du voisin38.

Il est du reste, bien entendu qu'une servitude de vue peut

établies les vues, une distance de dix-neuf ou de six décimètres. Delvin- court, I, part. II, p. 418. Duranton, V, 326. Duvcrgier sur Toullier, III, §54, note a. Vazeille, Des -prescriptions, I, 413 et 418. Taulier, II, p. 418 et 419. Marcadé, sur l'art. 678, no 3. Du Gaurroy, Bonnier etRoustain, II, 321. Solon, Des servitudes, 303 et 305. Déniante et Colmet de Santerre, Cours, II, 535 bis, II et IV. Demolombe, XII, 580 et 581. Laurent, VIII, 59 à 60. Bordeaux, 10 mai 1822,S. ,2-2,2,-266. Montpellier, 28 décembre 4825, S., i6, 2, 230. Grenoble, 1er août 1827, S., 28, 2, 180. Bordeaux, 1er dé- cembre 1827, S., 28, 2, 80. Nancy, 7 février 1828, S., 29, 2, 178. Tou- louse, 21 avril 1830, S., 31, 2, 329. Req., 1er décembre 1835, S., 36, 1, 604. Req., 21 juillet 1836, S., 36, 1, 529. Montpellier, 15 novembre 1847, S., 48, 2, 124. Giv. cass., 22 août 1853, S., 53, 1, 593. Bordeaux, 18 mai 1858, S., 59, 2, 177. Nîmes, 23 juillet 1862, S. ,62, 2. 456. Giv. rej., 28dé- cembre 1863,S.,64, 1, 123. Giv. cass., 19 octobrel886, S., 90,1,251. Gpr. les arrêts cités à la note précédente. Voy. en sens contraire : Merlin, Quest., Servitude, § 3. Toullier, III, 524 et 536. Pardessus, Des servitudes, II, 312, et p. 392, note k. Req., 10 janvier 1810, S., 10, 1, 176. Pau, 12 avril 1826, S., 27, 2, 14. Nimes, -il décembre 1826, S., 27, 2, 88. Bastia, 19 octobre 1834, S., 35. 2, 301. Au cas de la démolition du bâtiment clans lequel avaient été percées des ouvertures établies contrairement aux dis- positions des articles 678 et 679, la servitude de vue s'évanouirait, mais au cas seulement le mur serait reconstruit dans des conditions diffé- rentes de celles de l'état ancien, par exemple, plus près du voisin : elle se- rait au contraire, à considérer comme maintenue si la reconstruction nou- velle était absolument, identique à l'ancienne. Laurent, VIII, 64.

37 Bordeaux, 18 mai 1858, S., 59, 2, 177. Nîmes, 23 juillet 1862, S.,

62, 2,456. Giv. rej., 28 décembre 1863, S., 64, 1, 123. Gpr. Toulouse, 23 mai 1863, S., 63,2,198.

38 Req., 24 décembre 1838, S., 39, 1. 56. Giv. rej., 2 février 1863, S.,

63, 1, 92. Pau, 20 novembre 1865. S., 6Q, 2, 284. Req., 6 février 1867, S., 67, 1, 109. Rennes, 31 décembre 1880, S., 81, 2, 106.

il

c24 DES DROITS RÉELS.

également s'acquérir par titre ou par destination du père de famille 39.

§197.

3. De la distance à laquelle les arbres doivent être tenus fonds voisin. Des branches qui s'étendent sur ce fonds et des racines qui s'y avancent *.

Le propriétaire ne peut avoir sur son fonds, soit des ar- bres, soit des arbrisseaux et arbustes, qu'à une certaine distance de la ligne qui le sépare du fonds voisin. Art. 671 \

La restriction à laquelle se trouve soumis, sous ce rap- port, l'exercice du droit de propriété, s'applique aux arbres provenant de semis naturels ou artificiels, ou même excrus d'anciennes souches, tout aussi bien qu'aux arbres plantés de main d'homme ' bis.

D'un autre côté, il n'y a pas, quant à l'application de cette restriction, de différence à faire entre les héritages ur- bains et les héritages ruraux 2, entre les terrains clos de

39 Nous expliquerons, dans la théorie des servitudes, les conséquences de l'acquisition d'une servitude de vue par titre ou par destination du père de famille.

* Les articles 671 à 673 du Code civil ont été modifiés par la loi des 20-26 août 1881.

1 La loi de 1881 a substitué le mot avoir au mot planter qui figurait dans l'ancien texte. Elle a voulu clore ainsi une controverse qui s'était élevée sur le sens de cette expression que certains auteurs entendaient restrictivement. Proudhon et Curasson. des droits d'usage, IL 571. Il est aujourd'hui hors de doute que la prohibition légale s'applique aux arbres de toute origine. Rapport de M. Leroy à la Chambre des députés, S., 1882. Lois, p. 270, n" 7. L'ancienne jurisprudence était conforme : Aubry et Rau. 4»>e édit. § 197, note 1. Duranton, V, 386. Marcadé, sur l'art. 071. Demolombe, XL 490. Zachariae, § 241, note 2.

1 bis Civ. rej., 28 novembre 1853, S., 54, 1, M. Civ. rej.. 22 décembre 1857, S.. 58, 1, 361. Civ. cass.. 25 mars 1802. S.. 02. 1, 470. Civ. rej.. 24 mai 1864, S., 64, 1,411. Civ. rej., 31 juillet 1865, S.. 65, 1, 369. Civ, rej., 27 mars 1888, S., 88, 1. 212.

- Duvergier sur Toullier, II, 512, note b. Demolombe, XI, 485. Lau-

DE LA PROPRIÉTÉ § 197. 325

murs et ceux qui uele sont pas 3, entre les terres cultivées et les chemins *.

Enfin, la disposition de l'art. 671 s' étend aux forêts comme aux héritages de toute autre nature, de sorte que le pro- priétaire d'une foret est soumis à l'application de cet arti- cle b, et qu'il est aussi admis à l'invoquer °. Il en est ainsi, alors même que les héritages contigus sont tous deux en nature de bois \

Toutefois, le nouvel article fait une exception pour les ar- bres, arbustes et arbrisseaux de toute espèce qui peuvent être plantés en espaliers de chaque cùté du mur séparatif, sans que l'on soit tenu d'observer aucune distance, mais sous la condition de ne pas dépasser la crête du mur.

Quant à la distance, l'art. 671 s'en remet aux règlements existant lors de la promulgation du Code, et aux usages lo- caux constants et reconnus 8 ; et ce n'est qu'à défaut de rè-

rentj VIII, 4. Nimes, 14 juin 1833, D.. 34, 2, 7. Voy. cep. note 11 infrà in fine.

3 Demolombe, XI, 486. Voy. eep. Sebire et Cartcret Encyclopédie du droit, Arbres, no 9. Proudhon, Du domaine privé, II, 582. Caen, 18 février 1859, S., 59, 2, 587. Cpr. aussi : note 11 infrà, in fine.

4 Civ. cass., 2omars 1862, S., 62, 1, 470.

5 Ordonnance réglementaire du Code forestier, art. 176, al. 2. Curasson sur Proudhon, Des droits d'usage, II, 572. Du Caurroy, Bonnier et Rous- tain, 11,306. Demolombe, XI, 487 et 488. Rennes, 19 juin 1888. S., 38, 2. 526. Civ. rej., 28 novembre 1853, S., 54, 1, 37.

6 Req., 20 mars 1828. S.. 28, 1. 354. Civ. rej.. 24 juillet 1860, S.. 60, 1,897.

1 Laurent, VIII, 5. Rennes, 19 juin 1838, S., 38, 2, 256. Civ. cass., 13 mars 1850, S., 50, 1, 385. Civ. cass., 24 juillet 1860, S.. 60, 1, 897, et la note. Du Caurroy, Bonnier et Roustain (toc. cit.) et Demolombe (XI, 489) émettent une opinion contraire, en se fondant sur l'intérêt ré- ciproque des propriétaires de forêts contigués. Cet intérêt les déterminera sans doute le plus souvent à ne pas se prévaloir, l'un contre l'autre, des dispositions de l'art. 671 ; maison ne saurait y voir un motif juridique- ment suffisant pour leur refuser le droit de les invoquer.

8 Cpr. Paris, 17 février 1862, S.. 62, 2. 137. Une simple habitude de tolérance ne constitue pas un véritable usage. Il faut que l'habitude gé- néralement suivie, l'aitétô à titre de règle de droit. Opinione juris vel ne- cessitatis, Cpr. 8 23. Pardessus, Des servitudes, II. 340. Amiens. 21 dé-

326 DES DROITS RÉELS.

glemônt ou d'usage, qu'il la fixé â deux mètrea de la ligne séparative dos doux héritages, pour les plantations dont la hauteur dépasse deux métros, ot à la distance d'un demi- mètre pour les autres plantations.

L'autorité que, pour la fixation de la distance, la loi attri- bue aux règlements et aux usages locaux, s'étend à toutes les plantations quelle qu'en soit la hauteur 9. Elle sert à dé- terminer les droits respectifs des voisins, peu importe que la distance fixée par ces règlements ou usages soit plus grande ou moindre que celle qui se trouve indiquée dans l'art. 671 10. Mais on ne saurait considérer comme un usage obligatoire et maintenu, l'habitude suivie dans une localité de n'observer aucune distance ; et, dans ce cas, les arbres ou les haies devraient être tenus à la distance indiquée par l'article précité11.

cembre 1821, S., 22, 2, -297. Giv. cass., 42 février 1861, S., 61, 1, 327. Giv. rej., 24 mai 1804, S., 64, 1, 411. Giv. rej., 10 juillet 1872, S., 72,. 1, 392. Mais l'existence d'un usage contraire à la loi ne pourrait être éta- blie et précisée pour la première fois devant la Cour de cassation, et le juge du fait a un pouvoir souverain pour la constater. Giv. rej., 24 juil- let 4860, S., 60, 4, 898.

9 Les termes du nouvel article 671 sont généraux, et ils s'appliquent à toute espèce de plantation. Rapport de M. Leroy à la Chambre des Dépu- tés. S., 1882, Lois, p. 276, 7. Même décision autrefois. Demolombc, XI, 492. Voy. en sens contraire : Solon, Des servitudes, no 234 : Jocco- ton, Des actions civiles, no 272.

10 Pardessus, op. et loc. citt. Taulier, II, p. 404. Demolombc, XI, 493. Paris, 4 décembre 4820, S., 24, 2, 227.

11 L'ensemble de l'art. 674 prouve, en effet, qu'il a été dans l'intention du législateur d'établir en règle la nécessité d'une distance quelconque, et ({n'en se référant aux anciens règlements et usages, il ne l'a fait que pour la fixation de cette distance. On doit en conclure que, dans les localités l'usage est de n'observer aucune distance, il y a lieu de se conformer à celle qui se trouve établie par l'art. 671. Pardessus et Taulier, locc. citt. Joccoton, Des actions civites, no 272. Demolombc. M, 493. Laurent, VIII, 4. Caen, 19 février 1859, S., S9, 2, 587. Voy. en sens contraire : Carou, Des actions possessotres, 282 ; Garnier, Des actions possessoires, p. 227 ; Serrigny, llevue critique, 4859, XV, p. 4. Req., 1er juillet 4886, S.. 891, 450. A la rigueur, la proposition énoncée au texte devrait s'applique! même aux terrains clos <|<> murs situés dans l'intérieur des villes. Toule-

r

DE LA PROPRIÉTÉ. § 197. 327

La distinction que l'ancien article 671 avait établie entre les arbres à haute et à basse tige d'après leur nature et essence, a disparu dans la loi de 1881 : aujourd'hui, pour calculer la distance de la ligne séparative, il n'y a plus à tenir compte que de l'élévation des plantations 12.

La distance se mesure à partir du cœur de l'arbre13, jus- qu'à la ligne séparative des deux héritages, et lorsqu'ils sont séparés par une clôture mitoyenne, jusqu'au milieu de cette clôture u. Que s'il existe entre les deux fonds un che- min public ou un cours d'eau naturel, on comprend dans la distance la largeur de ce chemin ou de ce cours d'eau13.

Le voisin peut exiger que les arbres ou les haies qui se

fois, il faut reconnaître que cette application présenterait de sérieux inconvénients, et l'on comprend que la jurisprudence incline à adopter à cet égard certains tempéraments. Cpr. Demolombe, XI, 486 et 493. Paris, 27 août 1858, S., 58, 2, 637. Bordeaux, 13 mars 1860, S., 60, 2, 479.

18 Le mot arbuste s'applique aux haies vives, mais non pas aux haies sèches. Quant à l'ancienne jurisprudence : Cpr. Demolombe, XI, 498. Civ. cass., 5 mars 1850, S., 50, 1, 377. Req., 9 mars 1853, S., 53, 1, 348. Chambres réunies cass., 25 mai 1853, S., 53, 1, 714. Civ. cass., 12 février 1861, S., 61, 1, 327. Civ. cass., 23 avril 1876, S., 76, 1, 249 et la note. Rapport de M. Léon Clément au Sénat. Duvergier, Lois, 1881, p. 366, notes.

13 Solon, op. cit., 243. Laurent, VIII, 8. Suivant Demolombe (XI, 496). la dislance devrait se calculer à partir de la surface extérieure de l'arbre Mais cette opinion, d'après laquelle la distance varierait suivant la gros- seur plus ou moins forte de l'arbre au moment de sa plantation, ne nous paraît pas admissible. Elle ne cadre d'ailleurs pas avec la solution néga- tive adoptée par Demolombe sur la question de savoir si le voisin peut demander l'arrachement des arbres qui, s'ôtant trouvés à la distance légale au moment de la plantation, auraient cessé de l'être par suite de leur accroissement.

14 Pardessus, Des servitudes, I, 194. Duranton, V, 387. Taulier, II, p. 102. Demolombe, XI, 495.

1" Demolombe. loc. oit. Laurent, VIII, 8. Cpr. Pardessus et Duran- ton, loc, cit. L'opinion émise au texte, pour le cas les deux héritages sont séparés par un cours d'eau naturel, ne peut être contestée, dès qu'on admet, comme nous le faisons, que le lit des ruisseaux doit, tout aussi bien que celui des rivières qui ne forment pas des dépendances du do- maine public, être considéré comme n'appartenant pas aux riverains. Cpr. § 168, texte no 3, notes 8 à 10.

328 DES DROITS RÉELS.

trouvent à une distance moindre que La distance légale, soient arrachés, quelque minime que soit la différence entre <•<•> deux distances, ou qu'ils soient réduits à la hauteur fixée par la loi, si peu qu'ils vinssent à la dépasser, et alors même que cet état de choses ue lui cause aucun dommage 1B. Art. 672, al. 1.

Si cependant des arbres ou des haies plantés à une dis- tance moindre que la distance légale avait existé pendant trente années, le propriétaire aurait acquis par prescription le droit de les maintenir 17. La prescription court à partir du jour de la plantation 18 ; et si les arbres ou arbustes sont spontanément excrus des racines, ou accrus sur la couronne d'anciennes souches, ravalées soit au niveau, soit à quelques centimètres du sol, le point de départ de la prescription doit être fixé à l'époque l'existence des arbres est devenue visible et publique

19

,G Pardessus, op. cit.. 1, 19o. Garnicr, Des actions possessoires, p. 227. Demolombe, XI, 498. Laurent, VIII, 5. Req., 20 mars 1828, S., 28, 1, 354. Civ. cass., 5 mars 1850, S., 50, 1, 577. Civ. eass., 25 mars 1862, S., 62, 1, 470. Civ. eass., 2 juillet 1867, S., 67, 1, 388.

17 Toullier et Duvcrgicr, III, 514. Duranton, V, 390. Pardessus, op. et loc. citt., Proudhon, De l'usufruit, VI, 2989. Vazeille, Des prescriptions, I, 118. Troplong, De la prescription , I, 346. Solon, op. cit., no 244. De- molombe, XI, 499. Zachariae, § 241, texte et note 3. Req., 27 décembre 1820, S.. 22, 1, 410. Amiens. 21 décembre 1821. S., 22, 2, 297. Req., 9 juin 1825, S., 26, 1, 176. Toulouse, 29 décembre 1826, S., 27, 2. 210. Bourges, 16 novembre 1830, D., 1832, 2, 210. Civ. rej., 29 mars 1832, S., 32, 1, 323. Req., 25 mars 1842. S., 42, 1, 733. Req., 13 mars 1850, S., 50, 1, 385.

18 Duranton, Troplong, Demolombe et Zachariae, opp. et locc. citt. Civ. rej., 29 mars 1832, S., 32, 1, 323. Cpr. cep. Bourges, 16 novembre 1830, S.', 31, 2, 152.

19 Civ. cass., 2 juillet 1877, S., 77, 1, 302. La prescription se règle donc, non point d'après Tàge des souebcs, mais d'après celui des arbres, On a voulu soutenir que la prescription ne court, pour les baliveaux pous- sés sur taillis, que du jour ils ont été réservés comme tels, lors de la coupe des taillis. C'est avec raison que cette prétention, évidemment inadmissible, a été rejetée par la jurisprudence. Civ. cass., 13 mars 1850, S., 50, 1, 385. En sens inverse, on a essayé de faire admettre, pour les arbres excrus de vieilles souches ravalées au niveau du sol, que la pres- cription remonte ;'i l'existence de ces souches elles-mêmes, de telle sorte

DE LA PROPRIÉTÉ. § 197. 329

Le propriétaire, ayant acquis par prescription le droit de maintenir des arbres qui ne se trouvent point à la dis- tance légale, n'est pas pour cela autorisé à les remplacer dans le cas ils viendraient à périr à être abattus. L'art. 072 de la loi de 1881 a terminé par voie législative la controverse qui s'était élevée à ce sujet : si les arbres meu- rent, ou bien s'ils sont coupés ou arrachés, le voisin ne peut les remplacer qu'en observant les distances légales 20.

Du reste, le droit de maintenir des arbres à une distance moindre que la distance légale, peut également être établi, comme servitude active, par titre, et par destination du père de famille21. Cette question, qui était autrefois controversée, est aujourd'hui expressément résolue par le texte du nou- vel article 672.

Quant à la faculté de remplacer de pareils arbres, elle ne peut résulter que d'un titre, et non de la destination du père de famille 22.

b. Le propriétaire sur le fonds duquel s'étendent les bran- ches des arbres du voisin, peut contraindre ce dernier à couper ces branches 22 bis. Il est de plus autorisé à couper

que le propriétaire serait autorisé à maintenir les arbres provenant de ces souches, alors même qu'ils auraient moins de trente ans. Cette thèse a été également, et à bon droit, repoussec par la Cour de cassation, puis- que de pareils arbres sont en réalité des arbres nouveaux. Civ. rej., 22 décembre 1857, S., 58, 1, 361. Civ. cass., 25 mars 1862, S., 62, 1, 470. Civ. rej., 24 mai 4864, S., 64, 1, 4M. Civ. rej., 31 juillet 1865, S., 65, 1, 369. Cpr. Civ. rej., 28 novembre 1853, S., 53, 1, 37.

20 Rapport de M. Leroy à la Chambre des députés. S., Lois, 1882. p. 277, note 1.

21 Cette solution, nous parait fournir une nouvelle preuve de l'inexac- titude du point de vue l'on se place, en considérant comme une ser- vitude légale la prohibition établie par l'art. 671, puisque la destination du père de famille ne se comprend que comme mode d'acquisition, et non comme mode de libération des servitudes.

22 Duranton, V, 391. Demolombe, XI, 502. Paris, 28 août 1825, S., 26, 2, 21. Civ. rej., 28 novembre 1853, S., 54, 1, 37.

22 bis. Mais il ne peut les couper lui-même. Crim. cass., 45 février 1811, S., Chr. Laurent. VTIL 15.

330 DES DROITS RÉELS.

lm-»même los racines qui s'avancenl dans §on fonds " ter] Art. 078, Il «mi est ainsi, dans Le cas même il s'agirait d'arbres placés à La distance légale", ou d'arbres placés | une distance moindre, et que le voisin aurai! Le droil de maintenir H.

Ces dispositions s'étendent, sauf la modification tempo- raire établie par L'art. 150 du (Iode forestier, aux arbres de Lisière des forêts appartenant soit à des particuliers, soit à FÉtat 2ii.

L'application de ces dispositions ne saurait, d'ailleurs, être écartée sur le fondement d'anciens usages contraires] encore qu'il fût question d'arbres existant déjà lors de la promulgation du (Iode-6.

Le propriétaire d'un arbre ne peut acquérir par prescrip- tion Le droit de conserveries branches qui s'étendent sur le fonds voisin, ou les racines qui s'y avancent27, à moins

58 ter. Gpr. Rouen, Il mars 1869 et Civ. rej„ 10 juillet 187-2, I).. 72. 1, 257. Los mômes droits appartiennent au fermier d'un héritage rural, agissant en sou nom personnel. Rapport do ML Leroy à la Chambre dos députés, S., 1882, Lots, p. -277, note 2.

88 Demolombe, Kl, 506.

84 Pardessus, op. cit. I, 196. Du Gaurroy, Bonnier et Roustain, II. 30& Demolombe, XI. 507. Zachariae, g 242, notelre. Paris. Mi février lK2i, S.. 25, 2. 25. Req., 16 juillet 1835, S., 35, 1, 799. Bourges, 4 juin 184$ S.. i5, 2, 479. Limoges, 2 avril 1846, S.. ï6,2, 372.Bastia, 3mars 185& S.. 56, 2.202. Paris, 15 juin 1865, S., 65, 2. 100. Vov. cep. Duranton] V. 396 à 399.

88 Ordonnance réglementaire du Code forestier, art. 176. Taulier, II, p. 105. Déniante. Cours. II. 257 bis, III, Demolombe, M. 505. Vov. en cl qui concerne les plantatfons établies au bord (les routes, sur les distances, sur l'étayage, Aucoc, Conférences administratives, III, 1106 à 1 100.

86 Duranton, V, 395. Pardessus, op. cit., I, 196. damier. Des actiont possessoires, p. 234. Du Caurroy, Bonnier el Roustain, II. 300. Demo- lombe, M. 504. Civ. cass., :i! décembre 1810, S., -H, 1, 81.

81 L'accroissement îles branches ou (les racines d'un arbre. étant l'œuvre de la nature seule ne constitue pas, de la part du propriétaire de cet ar- bre, un fait de possession assez, caractérisé pour fonder l'usucapion. D'un nuire côté, l'abstention du voisin qui n'a pas l'ait usage de la faculté que lui accorde l'art- 672, ne doit être considérée que comme l'effet d'une simple tolérance. Enfin, l'extension des branches et des racines sur le fonds voisin n'ayant lieuqued'une manière successive, il ne scrail pas

DE LA PROPRIÉTÉ § 197. 331

que. par une contradiction formelle opposée au droit du voisin, il n'ait purgé sa possession des vices dont elle se trouvait entachée, et n'ait donné à la prescription un point de départ certain28. Mais le droit dont s'agît, qui est évi- demment susceptible d'être établi par un titre exprès, pour- rait aussi, par interprétation d'un acte de vente ou de par- tage, être considéré comme ayant été tacitement concédé 29. Les actions relatives à la distance à observer pour les plantations d'arbres et celles qui concernent leur élagage, sont de la compétence des juges de paix, 29 &«, lorsqu'il ne s'élève entre les parties aucune question de propriété ou de servitude 30.

possible de fixer d'une manière certaine le point de départ de la prescrip- tion. Pardessus, op. cit., I, 196 et 197. Proudlion et Gurasson, Des droits d'usage, II, 572 et 573. Duranton, V, 398. Vazeille, Des prescriptions, I, 1 19. Du Caurroy, Bonnier et Roustain, II, 309. Marcadé, sur l'art Cuil. Déniante, Cours, II. 527 bis, II. Demolombe, XI, 509 et 51 1 . Zacharia-, §242, nole:i. Paris, 16 février 1824. S., $5, 2, U. Req., 16 juillet 1835, S., 35, I. 799. Bourges, 4 juin 1845. S., 45, 2, 479. Limoges, 2 avril 1846, S.. 46, 2, Tri. Bastia, 3 mars 1856, S.. 56, 2, 202. Douai, 3 juillet 1856, S., 57, 2, 174. Troplong (De la prescription, I, 355) se pro- nonce pour l'opinion énoncée au texte en ce qui concerne les racines, à raison de lu clandestinité de la possession. Mais il est d'avis contraire ([liant aux branches (I, 347).

28 Déniante, op. et toc. dit. Demolombe, XI, 510.

20 Duranton, V, 399. Laurent, VIII, 19 et suiv. Suivant Proudlion (Du domaine privé, II, 583) et Demolombe (XI, 508), le droit de conser- ver les branches ou les racines qui s'étendent sur ou dans le fonds voisin, pourrait résulter, comme servitude principale, delà destination du père de famille. Mais nous ne voyons pas (pie les conditions requises pour la destination du père de la famille ressortent de ce fait seul (pie le proprié- taire de l'arbre a laissé prendre à ses brandies ou racines un développe- ment plus ou moins prononcé. Req., 16 juillet 1835, S., 35. 1, 799. Bas- tia, 3 mars 1856. S., 56,2, 202. Paris. 15 juin 1865, S., 65. 2, 199. Giv. rej., 9 juillet 1867. S., 67,1, 323.

M bis. Qu'il s'agisse d'arbres plantés de main d'homme, ou d'arbres naturellement excrus sur des souches. Loi du 25 mai 1838, art. 6, 2. Giv. cass., 13 mars 1850, S., 50,1, 385.

30 Loi du 25 mai 1838, art. 5, 2. art. 6, 2. Le juge do paix cesse d'être compétent pour statuer sur les actions relatives à la distance des plantations d'arbres, toutes les fois qu'il y a contestation sur la propriété, •mi sur les titres qui l'établissent : il en est ainsi, non seulement au cas

332 DES DROITS RÉELS.

S 198.

4. De la distance à observer, et des ouvrages intermédiaire à établir, pour empêcher e/ae certains travaux ou dépôt, faits dans un fonds deviennent dommageables fut./ fond voisins.

L'art. 674 impose à celui qui veut creuser, dans soi fonds, un puits ou une fosse d'aisance1, y construire uni cheminée, un àtre, un fourneau, ou une forge, y place une étable, un dépôt de sel ou autres matières corrosives l'obligation de laisser entre ces excavations, constructions ou dépôts et le mur qui sépare son fonds de l'héritage voi sin, la distance prescrite par les règlements et usages su la matière, ou du moins de faire les ouvrages prescrits pa; les mêmes règlements et usages pour éviter d'endomma- ger ce mur.

Il en est ainsi, que le mur exposé à être endommagé ap partienne exclusivement au voisin, ou qu'il soit mitoyen Mais la disposition de l'art. 674 n'est plus applicable, lors que ce mur est la propriété exclusive de celui qui veut fair les travaux ou dépôts dont il est parlé dans cet article".

la propriété du sol, est contestée, mais encore quand la contestatioi porte ou sur un droit de servitude réclamé par le propriétaire <! l'un des fonds. Civ. cass.. 19 août 1878, S., 79, 1, 397. Civ. cass., 9 mar 1880, S.. 80, 1, 448. Il en est de même si le détendeur invoque la pros cription, et si la prescription est combattue par le demandeur. Carou,D la juridiction des juges de paix, 507. Bélimc, Traité du droit de postes sion et des actions possessoires, 213. Bourbeau, Traité de la justice d paix, 259. Guilbon, Compétence civile des juges de paix, n<>899.Pou3 Lagier et Pialat, sur Curasson, Compétence des juges de paix. 4mc éd. Il no 779, p. 661, noteaet 783, p. 669, notea. Req.,4 février 1885, S.. 8(i 1,212. Contra, Curasson 783. Cpr. Civ. rej.,13mars 1850,S.,50, 1,381

1 La disposition de l'art. 674 s'applique-t-elle aux tuyaux de chut»1 d fosses d'aisance, comme à ces fosses elle-mômes ? Cpr. Rcq., 7 novembi 1849, S., 50, 1, 18.

9 C'est ce qui ressorl do l'ensemble de Tari. r>7'< et de V Exposé des mo

DE LA PROPRIÉTÉ. § 198. 333

L'énumération donnée par Fart. 674 des travaux ou dé- pôts de nature à causer dommage à un mur, et par suite à motiver des mesures destinées à prévenir ce dommage, n'est pas limitative. Les tribunaux devraient donc, dans le cas même il s'agirait d'entreprises non spécialement rappe- lées dans l'article précité, par exemple, d'un aqueduc, d'un puisard, ou d'un amas de terre jectisses, susceptible de cau- ser dommage à un mur, ordonner l'exécution des mesures préventives établies pour ces hypothèses par les règlements et usages 3.

Le Code n'ayant pas maintenu l'autorité des anciens usa- ges destinés à prévenir les dommages cpii pourraient être causés, non plus a un mur, mais à tout autre partie d'un fonds voisin, ces usag'es ont cessé d'être obligatoires, et les tribunaux ne peuvent plus les appliquer comme ayant force de loi.

Cependant on doit reconnaître aux juges saisis d'une ac- tion par laquelle le propriétaire d'un fonds provoque des mesures destinées à prévenir un dommage dont ce fonds se trouve menacé par une entreprise quelconque d'un pro- priétaire voisin, le pouvoir d'examiner en fait, si le danger allégué est sérieux et imminent, et, en cas d'affirmative, d'ordonner l'exécution des mesures préventives établies par les anciens usages ou de prescrire telles autres me- sures de cette nature qu'ils jugeraient convenables4.

tifs, présenté par Bcrlicr(Locré, Lég., VIII, p. 373, 13). Solon. Des servitudes, 273. Déniante. Cours. II, 529 bis. 1. Demolombe, XI, 516. Laurent, VIII, 26. Voy. en sens contraire : Deîvincourt, I, part. II, p. 403 ; Pardessus, I, 200. Cpr. aussi : Riom. 14 novembre 1842, S., 43, 2. 7. Il est toutefois à remarquer que la proposition énoncée au texte ne s'ap- plique qu'aux mesures tic précaution prescrites dans le seul intérêt privé des voisins. Cpr. texte et note 7 infrà.

3 Cpr. Coutume de Paris art. 192. Pardessus. Des servitudes. I, 199. Duranton, V, 402. Taulier. II, p. 408 et 409. Solon, op. cit., nos 202 et sttiv. Déniante, Cours, II, 529 bis, II. Demolombe, XL 520 et 521. Lau- rent, VIII, 29. Desgodets, Lois des bâtiments. §5, p. 129. Quant au pouvoir souverain d'appréciation des juges du fait, voy. Civ. rej.. 18 juin 1872, S., 72, 1, 392. D., 72, 1, 2.vi7. '

4 Pardessus, op. et toc. citt. Zachariœ, § 243, texte et note 3. Rcq., 13

334 Ï)ÈS DftOlTS RÉELS.

C'est ainsi que les anciens usages sur La distance à obsej ver pour le creusement des fossés, ne sont plus obligatoire! comme tels, et que le propriétaire qui vent en établir, n'ejj plus en principe légalement tenu d'observer cette distance1 Mais il appartiendrait toujours aux tribunaux, en consffi tant l'imminence déboulement de terre que devrait cau- ser, dans le fond voisin, un fossé établi sur une ligne troj rapprochée de ce fonds, d'en ordonner le reculement à 1? distance fixée par les anciens usages 8.

Au nombre des mesures préventives prescrites parlesrè- glements anxquels renvoie l'art. 674, il en est qui ne son pas seulement exigées dans l'intérêt privé des voisins, mai; qui le sont encore dans un intérêt public de sûreté et u\ salubrité. Telles sont, par exemple, celles qui concerneii la construction des cheminées des forges ou des âtres, e rétablissement de fosses d'aisance fi bis,

A la différence des mesures de la première espèce, celles de la seconde doivent être observées, alors même que k

mars 1847, Sir., 27, 1, 360. Riom, 14 novembre 1844, S. 43, 2, 7. Bot deaux, 18 mai 1849, Sir., 50, 2, 183. Gpr. Besançon, 13 août 1844, Sir. 45, 2, 625.

5 Duranton, V, 364. Daviel, Des cours d'eau, II, 859. Demantc. Cours II, 525. Du Caurroy, Honnier et Roustain, II, 304. Yoy, en sens contraire Pardessus, op. cit., I, 186 ; Demolombe, XI, 464. Gpr. aussi: Proudhon Du domaine privé, M, 589 ; Req., 3 janvier 1854, Sir., 54, 1, 119.

6 ïoullier, II, 227. Duranton, loc. cit. Gpr. Civ. rej.,11 avril 1848, Sir. 48, 1, 395 ; Civ. rej., 3 juillet 1849, Sir., 49, 1, 624. Ces deux arrêts, importe de le remarquer, ne décident pas que les anciens usages sur 1 distance à observer dans le creusement d'un fossé sont, légalement obliga toires. Il se borne, (Tune part, à reconnaître aux tribunaux la faculté c les appliquer, comme indiquant la mesure la plus équitable pour préveni tout éboulemont de terre dans le fonds voisin, et, d'autre part, ;i déclare que L'existence de pareils usages donne lieu à la présomption de fait le propriétaire d'un fossé Test également du franc-bord ou de la répari Bordeaux 16 juillet 1879, S., 79, 2, 329, et la note. Gpr. § 192, texl no 2 et note 15.

6 bi$. Sur le mode de construction des fosses d'aisance à Paris. Voi décret du 10 mars 1809. Ordonn. du 21 septembre 1819. Décret du 23 ao4 1858. Décret du 10 octobre; 1859.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 199. 835

mur près duquel de pareils travaux seraient établis, appar- tiendrait exclusivement au constructeur 7.

On peut, par titre, par destination du père de famille, ou par la prescription trentenaire, acquérir le droit de main- tenir des travaux ou dépôts qui auraient été établis sans l'observation des précautions uniquement prescrites dans l'intérêt privé des voisins ; mais on ne pourrait, par aucune convention, ni par aucun laps de temps, s'affranchir delo- bligation d'observer les mesures imposées dans un intérêt public 8.

Du reste, si malgré l'observation des mesures préventi- ves déterminées par les règlements et usages, ou ordonnées par les tribunaux, le voisin venait à éprouver un dommage quelconque, il lui en serait toujours réparation, confor- mément aux art. 1382 et 1383 \

Les actions relatives aux constructions et travaux énon- cés dans l'art. 674, sont de la compétence des juges de paix, lorsque la propriété ou la mitoyenneté du mur n'est pas contestée 10. Loi du 28 mai 1838, art. 6, 3.

III. Des obligations légales imposées aux propriétaires de fonds contigus, dans leur intérêt réciproque.

§ 199.

1. Du bornage l.

Tout propriétaire d'un fonds de terre peut contraindre son voisin à procéder au bornage, à frais communs, de leurs héritages contigus. Art. 646.

7 Demolombe, XI, SIS. Laurent, VU!. 26et 27.

8 \oy. sur ces diverses propositions : Pardessus, op. cit., I, -201 et 230; fazeille, Des prescriptions , I, 117. Troplong, De la prescription, J, 139, i.204. Demante, Cours, 11,529 bis, III. Marcadé, sur l'art, 674, n* 2., raulier, II, 409. Demolombe, loc. cit. Curasson, Compétence, II, 780., îourbeau, no 264. Bordeaux, 18 mai 4858, S., 59, 2, 177.

9l)elvincourt, I, part. II, p. 402. Toullier, III, 331. Pardessus, op. et loc. it. Selon, Des servitudes, n<> 250. Marcadé, loc, cit. Taulier, 11, 410. temolombe, XI, 524.

0 Canasson, Compétence des juges de paix, édit. Poux-Lagier et Pialat. '•F- Req., 13 novembre 1860, S., 61, 1, 8oo.

1 Gpr. sur cette matière : Traité des actions possessoires et du bornage

336 DES DROITS RÉELS.

Cette opération se l'ait au moyen de la plantation d pierres bornes, on autres signes de délimitation, admi comme tels par les usages locaux ! bis.

Lorsque les limites des deux héritages sont incertaines ou lorsque la ligne qui les sépare' actuellement est contes tée par l'un des voisins, comme étant le résultat d'une an ticipation, il est avant tout nécessaire de rechercher ou d fixer les limites réelles des deux fonds contigus, soit à laid de signes matériels, de plans, ou autres documents', soi au moyen d'un arpentage, c'est-à-dire du mesurage de 1. contenance totale de ces fonds, et de la répartition de cett contenance suivant les titres communs ou respectifs de parties 3. Or, comme il est possihle, et qu'il arrive mens fréquemment que ce que l'un des voisins possède en moin soit détenu en plus, non par son voisin immédiat, mais pa: des arrières-voisins, l'exécution de l'opération dont ilvien d'être parlé peut nécessiter la mise en cause de ces der niers jusqu'au point il existe des limites certaines et re connues, et s'étendre ainsi à tous les fonds compris dans un< même subdivision de ïiimge (canton, tellement, lieu dit...) Que si leslimites des deux cantons étaient elles-mêmes in certaines, il y aurait lieu de les fixer au préalable, contra dictoirement avec tous les intéressés.

Bien que l'action en bornage, formée par un voisin qi se plaint d'anticipations commises à son préjudice, tende

par Curasson ; Paris 1844, 1 vol. in-8°. Traité de la compétence des jugt de paix : par Curasson, Poux-Lagier et. Piallat. Paris. 1877. 2 vol. in-8< Traité du bornage, par Millet; °2e édition.

1 bis. Cpr. Civ.cass., 4 mars 1879. S., 79. 1. 1297. note:! La délimitai! consiste à rechercher la ligne séparative des propriétés. Le bornage e l'application de la délimitation. Curasson, II, 747. Joccotton, Des action civiles, 355.

2 Req., 49 mars 1850, S., 52, 1, 646. Metz, 8 décembre 1857. S.. É 2, 537.

3 Dans celte hypothèse, l'action en bornage est celle qu'en Droit romà on appelait actio finium regundorum (D. 10, 1. C. 3, 39). Cpr. sur le d veloppement historique de cette action, dont certains détails sont enco aujourd'hui fort obscurs. Puchla, Instit., III, § 234. Accarias, Précis.

mi, p. ioi9.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 199. 337

obtenir des restitutions de terrain, elle ne perd pas pour cela son caractère propre, et ne dégénère pas en action en revendication. Elle n'en constitue pas moins, malgré cette circonstance, un judicium duplex, c'est-à-dire une de ces actions dans lesquelles chacune des parties est à la fois de- manderesse et défenderesse, et doit par conséquent faire preuve de son droit4. Mais il n'en serait plus de même, si, sous forme d'action en bornage, le demandeur réclamait, comme lui appartenant d'après son titre, une parcelle de terrain certaine et déterminée, possédée par le défendeur ; dans ce cas, la demande, eût-elle en môme temps pour objet la plantation de pierres-bornes, constituerait, en réalité, une action en revendication, dans laquelle le demandeur serait seul tenu de faire preuve de son droit'.

L'action en bornage est recevable, non-seulement lors- que les héritages contigus consistent tous deux en fonds de terre, mais encore lorsque l'un, deux est surbâti, et même dans le cas deux bâtiments sont séparés par un terrain libre de constructions. Elle ne cesse de l'être qu'entre pro- priétaires de bâtiments qui se touchent6.

En règle, Faction en bornage suppose la contiguïté des fonds pour la délimitation desquels elle est formée.

Ainsi, elle n'est point admise entre propriétaires dont les fonds sont séparés par un cours d'eau naturel, ou par un chemin public 7. Mais elle serait recevable si les deux

; L. I, et L. 10, D. fin. reg. (10, 1). L. 3, G. fin. reg. (8. 39). Laurent. VU, 433. Curasson, Compétence. IL 750. Req., 17 mars 1850, S., 50, 1, 046. Req., 29 juillet 1856, S., 57, 1, 655. Bruxelles, il janvier 1888, S., 89, 4, 23.

5 Req., 27 novembre 1865, S., m, 1, 241.

G L. 2, prœ., L. 4, § 10, I). fin. reg. (10, I). Curasson. Compétence. II, p. 550. Gpr. Pardessus, Des servitudes, I, 117. Demolombe, XI, 264 et 268. Laurent, Vil, 418. Civ. cass., 4 mars 1879, S., 79, 1, 297 et la note.

7 L. 4. § 11, et L. 5, D. fin. reg. (10, 1). Pardessus, op. cit., I, 118. Curasson, Compétence. II, p. 549. Bourguignat, Droit rural appliqué, 141 . Demolombe, XI, 266. Zacharia1, § 238, texte et note 3. Fournel, Voisi- nage, \o Bornage. Laurent, VIL 418. Req., 6 novembre 1866. S., 60. 1,427.

n 22

338 DES DROITS RÉELS.

fonds étaient séparés par un sentier privé, un fossé, ou un autre ouvrage qui n'empêcherait pas leur continuité 8.

Si l'action en bornage n'est en général admise qu'entre propriétaires d'héritages contigus, rien n'empêche cepen- dant que le demandeur, en assignant ses voisins immédiats, n'assigne en môme temps les arrière-voisins dont le con- cours serait nécessaire à l'opération qu'il provoque : et, à plus forte raison, ces derniers peuvent-ils être mis en cause sur la réquisition des défendeurs. Ils pourraient même l'ê- tre d'office e.

L'action en bornage peut être formée par le propriétaire sans qu'il soit tenu de justifier de sa propriété autrement que par la présomption attachée à sa possession10. Cette action compète également à l'usufruitier et à l'usager " : mais elle n'appartient, ni au fermier12, ni au créancier sur antichrèse 13.

8 L. 6, D. fin. reg. (10, 1). Pardessus et Demolombe, locc. citt.

9 Cpr. sur ces différentes propositions : Toullier, III, 178. Curasson, p. 549 a. Millet, p. 150. Demolombe, XI, 267. Douai, 2 juillet et 11 novem- bre 1842, S., 43, 2, 408. Req., 20 juin 1855, S., 57, 1, 733. Req., 9 no- vembre 1857, S., 58, 1, 229. Quant à la dernière proposition, V. en sens contraire, Laurent, VII, 425.

10 Pothier, De la société, no 232. Merlin, Rép., Bornage, n<> 3. Du- ranton, V, 253. Demolombe, XI, 259. Montpellier, 14 janvier 1842, S., 42, 2, 119. Voy. cep. Pardessus, op. cit., II, 331. Cpr. Laurent, VII, 422, 423.

11 Pardessus, op. cit., II, 332. Duranton, V, 257. Proudhon, De Vusu- fruit, III, 1243. Marcadé, sur l'art. 646, no 1. Demolombe, XI, 256 et 257. Zachariœ, § 238, texte et note 1™. Curasson, II, p. 553. Laurent, VI, 367. Il est bien entendu que le défendeur assigné en bornage par un usu- fruitier ou un usager, est autorisé à mettre en cause le nu-propriétaire, auquel ne serait pas opposable un bornage opéré sans son concours. Curasson, ibid, note a. Millet, Du bornage, p. 15. Bordeaux, 23 juin 1836, S., 37, 1,37. Cpr. Montpellier, 14 déc. 1840, D. Rép., \o Bornage, no 23.

12 Toullier, III, 181. Solon, Des servitudes, no 59. Taulier, II, p. 372. Millet, p. 128. Dcmante, Cours, II, 500 bis. Demolombe, XI, 258. Laurent, VII, 424. Curasson, loc. cit., Perrin et Rendu, Dictionnaire des construc- tions, 450.

13 D'après Demolombe (XI, 257), qui se fonde sur la loi 4, § 9, D. fin. reg. (10, 1), l'action en bornage pourrait être formée par le créancier

DE LA PROPRIÉTÉ. 199. 339

La capacité requise pour former une action en bornage se détermine par une distinction entre le cas où, la ligne séparative des deux héritages étant certaine et reconnue, cette action tend seulement à la plantation de pierres-bor- nes, et le cas où, les limites étant incertaines ou contes- tées, elle a pour objet principal de les faire fixer, et de ré- gler ainsi l'étendue et l'assiette des droits de propriété des parties. Au premier cas, l'exercice de l'action en bornage n'est qu'un acte d'administration et de conservation ; et cette action peut par conséquent être formée par le tuteur, sans l'autorisation du conseil de famille, par le mineur émancipé, sans l'assistance de son curateur, et par le mari, comme administrateur des biens de sa femme. Au second cas, au contraire, l'action en bornage tendant au règlement définitif de droits immobiliers, ne peut être exercée parle tuteur qu'avec l'autorisation du conseil de famille 13 bisy par le mineur émancipé qu'avec l'assistance de son curateur, et le mari est sans qualité pour la former au

>ur antichrèse. La loi précitée accorde, il est vrai, l'action flnium regun-

iorum au créancier nanti d'un gage ; mais, en invoquant cette loi, notre

;avant collègue paraît avoir perdu de vue que, d'après les principes du

)roit romain, le créancier gagiste avait un droit réel, et jouissait des in-

erdits possessoires, tandis qu'en Droit français, le créancier sur anti-

•hrèse n'a qu'un droit personnel, et ne jouit pas de l'action possessoire.

}uid de l'emphy téote ? Voy . § 224 bis, la solution négative est enseignée

'omme résultant des principes généraux de l'emphytéose.Voy. en sens con-

raire, Duranton, V, 257. Marcadé, H, sur l'art. 646, no 3. Demolombe,

a, 257. Laurent, VII, 424.

13 bis. Le principe de cette distinction acceptée par Laurent, VII, 426

t par Millet, op. cit., p. 25-26, est contesté par plusieurs auteurs qui ne

oient jamais dans le fait du tuteur d'intenter une action en bornage

u'une simple mesure conservatoire. Rouen, rapporté sous Req., 17 juil-

:t 1883, S., 84, 1, 319. Sans se prononcer sur cette question, la Cour de

assation a décidé que le mineur qui, après sa majorité, avait ratifié le

ornage consenti par son tuteur sans autorisation du Conseil de famille,

lait non-recevable à en poursuivre la nullité pour défaut d'accomplisse-

îent des formalités prescrites par la loi.

340 DES DROITS RÉELS.

nom de sa femme u,à moins qu'il ne s'agisse de biens do taux 1U.

L'action en bornage peut être formée contre l'Etat, le départements, les communes, ouïes établissements publics pour les fonds dépendants de leur domaine privé16. Ce pendant la délimitation générale des bois soumis au gime forestier forme l'objet de règles spéciales, établie! par les art. 8 à 14 du Code forestier, et par les art. 57 i 66 de l'ordonnance réglementaire de ce Code.

La délimitation des fonds qui dépendent du domaine pu blic, rentre dans les attributions de l'administration n

M Une autre distinction a été proposée par Demolombe (XI, 26( et 261), qui reconnaît au tuteur et au mari le pouvoir de former l'actior en bornage, alors môme que les limites sont incertaines, pourvu qu'il nt s'élève aucune contestation sur la propriété et sur les titres qui l'établis- sent, les règles qui fixent la compétence du juge de paix devant, suivanl lui, servir également à déterminer la capacité de ses administrateurs. Mais l'idée que le législateur de 1838, en étendant la compétence des juges de paix et en leur attribuant la connaissance des actions en bornage, aurait du même coup étendu les pouvoirs du tuteur et du mari quant à l'exercice de pareilles actions, est, à notre avis, peu juridique. D'ailleurs, notre sa- vant collègue ne parait pas avoir lui-même une grande confiance dan; l'argument qu'il tire de compétence du juge de paix, puisqu'il ne croi pas pouvoir accorder au mineur émancipé, la faculté d'exercer l'action er bornage sans l'assistance de soncurateur.Cpr. Bourbeau,VII,no252.Quan aux autres auteurs, ils soumettent le tuteur à la nécessité d'obtenir PauU risation du conseil de famille pour former l'action en bornage, et refusen au mari le pouvoir de l'exercer au nom de la femme, sans s'expliquer spt cialcment sur le cas la demande tendrait uniquement à la plantation pierres-bornes. Voy. Delvincourt, I, part. II, p. 386. Garou, Des action possessoires, 498. Solon, Des servitudes, 59. Gurassôn, De la compt tence, II, p. 553. Millet, p. 134 et suiv. Taulier, II, p. 372.

15 Cpr. § o35, texte n" 1, notes 4 et 7. Curasson, II, p. 554 a. II est ég£ lement à remarquer que, sous tout autre régime, le mari est, en son nor personnel, autorisé à intenter l'action en bornage, pour les biens de femme dont il a l'usufruit. Cpr. § 509, texte no 3 et note 20.

i6 Demolombe, XI, 263. Gurassôn, II, 749. p. 552. Douai, 26 mi 1844, S., 45, 2, 294.

17 Ce principe, fondé sur la loi des 22 décembre 1789-8 janvier 179( sect. III, art. 2 et le décret-loi du 21 février 1852, art. 2 (ce dernier spf cial aux limites de la mer, et à celles de la partie maritime des fleuves rivières) est en lui-même incontestable ; il est reconnu tant par

DE LA PROPRIÉTÉ. § 199. 341

mais elle n'a lieu que sous la réserve des droits des tiers. Ceux-ci, quand ils prétendent que leur propriété est à tort englobée dans le domaine public par une délimitation inexacte peuvent se pourvoir, soit devant l'autorité adminis- trative, soit devant le Conseil d'Etat pour excès de pouvoir, à l'effet de faire rectifier les actes de délimitation qui por- teraient atteinte à leurs droits et de se faire remettre en possession; ils peuvent encore s'adresser à l'autorité judi- ciaire, à l'effet de faire reconnaître le droit de propriété invoqué devant elle, et vérifier, le cas échéant, si le terrain a cessé par le mouvement naturel des eaux d'être suscep- tible de propriété privé, enfin de faire régler une indem- nité de dépossession dans le cas l'autorité administra- tive maintiendrait sa délimitation l7 &**.

doctrine que par la jurisprudence de la Cour de cassation et du Conseil d'Etat. Pardessus, Des servitudes, 1,118. Foucart, Droit administratif, II, 794.Demolombe, toc. cit. Merville, De la délimitation des cours d'eaux navigables ; lievue pratique, 1861, XII, 50, 225. Arr. Gons. (conflit), 18 mars 1842, Lcbon, 128 et s. et les conclusions de Boulatignicr. Arr. Cons., 15 mars 1844, S., 44, 2, 275. Arr. Gons., 5 septembre 1846, S., 46, 2, 662 et 31 mars 1847, S., 47, 2, 426. Orléans, 28 février 1850, S., 50, 2, 273. Tribunal des conflits, 30 juillet 1850, S., 51, 2, 124. Giv. cass., 3 juillet 1854, S., 56, 1, 431. Rcq., 11 avril 1860, S., 60, 1, 523. Arr. Cons., 10 avril 1854, Lebon, 328. Arr. Gons., 2 août 1860, S., 60, 2, 571. Tribunal des conflits, 11 janvier 1873. Lebon (Supplément), p. 27. Tribu- nal des conflits, 1er mars 1873, Lebon (Supplément), p. 80.

17 bis. Aucoc, De la délimitation du rivage de la mer; Annales de l'Ecole des sciences politiques ; Paris 1887. Laferrière, Juridiction adminis- trative, I, p. 49. Tribunal des conflits, 11 janvier 1873, Lebon, 27. Tribunal des conflits, 1er mars 1873, Lebon, 80 (cités à la note précédente). Ces déci- sions ont tranché un différend qui a longtemps existé entre la Cour de cassa- tion et le Conseil d'État au sujet du mode de réparation à accorder aux par- ticuliers dont les propriétés étaient englobées par un acte de délimitation inexacte. Les pouvoirs de police et de conservation, qui appartiennent sur le domaine public a l'administration, l'autorisent seulement à reconnaître les limites naturelles du fleuve ou de la mer, telles que la nature les a tracées, mais non pas à les étendre, sans recourir à l'expropriation ; mais si, en fait, une délimitation abusive englobait une propriété privée, quelle satisfaction pourrait être accordée au propriétaire dépossédé et par quelle juridiction? Le Conseil d'État a varié à diverses époques, il importe donc d'indiquer les différentes évolutions de sa doctrine par rapport à celle de la Cour de cassa-

342 DES DROITS RÉELS.

L'action en bornage est imprescriptible en ce sens

tion. Le Conseil d'État a jugé pendant longtemps que les arrêtés de déli- mitation pris par les préfets étaient des actes d'administration pure, sim- plement déclaratifs des limites naturelles du lit des rivières : il en con- cluait que ces arrêtés n'étaient pas susceptibles de recours au contentieux, et ne donnaient pas lieu à indemnité sauf aux riverains à se pour- voir administrativement pour obtenir la modification de la délimita- tion. Il déclarait même non recevables les recours pour excès de pouvoir dirigés contre des actes de délimitation qui n'étaient entachés ni de vices de forme, ni d'incompétence. Arr. Cons., 4 avril 1845, Lebon, 172. Arr. Cons., 31 mars 1847, Lebon, 171. Arr. Cons., 27 février 1854, Lebon, 328; on ne distinguait même pas dans les premiers temps entre la recon- naissance des limites anciennes et celle des limites actuelles, ou, comme on disait alors, entre les délimitations faites pour le passé et les délimitations faites seulement pour le présent et l'avenir. Tribunal des conflits, 3 juin 1850, Lebon, 545. Tribunal des conflits, 31 mai 1851. Lebon, 405. Les particuliers qui se prétendaient atteints dans leur propriété par des délimitations abusives ne pouvaient cependant demeurer sans juges. La doctrine du Conseil d'État laissait sans protection réelle et suffi- sante les droits des riverains : la Cour de cassation ne l'accepta pas. Dès 1849, elle distingua entre la limite naturelle et la limite administrative du domaine public : « la première au-delà de laquelle commence le droit à la propriété, la seconde, c'est-à-dire cette limite qui souvent dépasse la li- mite naturelle et qui dans un intérêt général fort légitime s'attaque à la propriété privée. Req., 20 mai 1849, S., 49, 1, 120, et le rapport de M. Mesnard. Cette jurisprudence s'est affirmée par plusieurs arrêts dont la doctrine est constante et qui a été ainsi résumée : 1<> Les arrêtés de délimitation sont des actes administratifs dont il n'appartient pas aux tribunaux d'arrêter l'exécution ; 2<> Ils ont pour effet d'incorporer au domaine public tous les terrains compris dans la délimitation sans que l'administration ait à remplir au préalable des conditions ou formalités quelconques ; Mais quand il s'agit de terrains dont les riverains avaient la propriété, cette incorporation n'a lieu qu'à charge d'une indemnité ; 4<> Lorsque l'administration conteste à un riverain le droit de propriété dont il se prévaut et lui refuse par suite le droit à une indemnité, le riverain est admis à porter sa réclamation devant la juridiction civile, seule compétente pour connaître des questions de propriété et de pos- session (Rapport de M. Rau, S., 74, 1, 163). Voy. Conforme: Req., 20 mai 1862, S., 63, 1, 127. Civ. cass., 21 novembre 1865, S., 66, 1, 5. Civ. rej., 14 mai 1866, S., 66, 1, 247. Le premier tribunal des conflits s'était prononcé en ce sens (20 mai 1850, Lebon, 471,475). On a reproché à cette jurisprudence, de créer, en dehors de toute disposition légale, au profit de l'administration un droit d'expropriation indirecte analogue à celui qui ré- sulte du plan d'alignement, ou delà fixation de la largeur pour 1rs che«

DE LA PROPRIÉTÉ. § 199. 343

que, quel que soit le laps de temps pendant lequel deux

mins vicinaux (L.21 mai 1836, art. 15) ; mais elle était à coup sûr équita- ble en présence de la fin denon-recevoir qu'opposait le Conseil d'État. La ju- risprudence de la Cour de cassation amena un revirement dans celle du Con- seil d'État. De nombreux décrets au contentieux décidèrent que les actes de délimitation n'ont pas la vertu d'incorporer au domaine public les terrains possédés par des riverains à titre de propriété : qu'ils sont susceptibles d'être attaqués par la voie contentieuse et qu'ils doivent être annulés pour excès de pouvoir, lorsque, sous prétexte de déclaration ou de fixation des limites d'une rivière ou de la mer, ils ont compris dans la délimitation, des terrains qui, se trouvant en dehors de la ligne des hautes eaux sans débordement,ne faisaient pas partie du lit de la rivière ou delà grève. Arr. Cons., 23 mai 4861,Lebon, 412. Arr. Cons., 27 mai 1863, Lebon, 470. Arr. Cons., 15 décembre 1865, Lebon, 1156. Arr. Cons., 13 décembre 1866, Lebon, 1152. Arr. Cons., 9 janvier 1868, Lebon, 18. Arr. Cons., 21 juillet 1870, Le- bon, 935. La Commission provisoire chargée, après les événements de 1870-71, de remplacer le Conseil d'État, a fait un pas de plus : après avoir décidé que les terrains situés en dehors des limites naturelles du domaine public ne peuvent être compris par voie de délimitation administrative dans le lit d'un cours d'eau et de la mer sans qu'il en résulte un excès de pouvoir ouvrant aux intéressés un recours au contentieux, elle a jugé que les dispositions qui consacrent et circonscrivent tout à la fois le droit de l'administration interdisent aux tribunaux civils de réviser la délimitation, aussi bien au point de vue d'une indemnité à accorder aux riverains, qu'au point de vue de la possession, et que, par suite, elles excluent la compétence qui supposerait un tel pouvoir. Arr. Cons. (conflit), 7 mai 1871, Lebon, 35. Arr. Cons. (conflit), 12 mars 1872, Lebon, 165. Cette jurisprudence avait le double inconvénient : d'abord de limiter à un délai très court (3 mois à dater de la notification de l'acte de délimitation), la faculté de se pour- voir devant le Conseil d'État ; ensuite de soumettre au juge administratif des questions de pur droit civil comme celles des alluvions et relais qui se forment dans les cours d'eau, ou de la propriété de certaines îles. Cpr. Code civil, art. 556, 557, 562. Aussi la Cour de cassation, par deux arrêts rendus presque simultanément et peu de temps après ceux de la Commis- sion provisoire, visant précisément les art. 556 et 557 précités, a-t-elle à nouveau affirmé sa jurisprudence et reconnu compétence aux tribunaux civils, pour statuer sur les questions de propriété et de possession relatives aux alluvions comprises dans les actes de délimitation et déclarer le droit de propriété ou de possession annale réclamée par les propriétaires rive- rains, sauf à ceux-ci à invoquer ultérieurement le bénéfice de cette déci- sion à l'effet de demander soit à l'autorité judiciaire une indemnité, soit à l'autorité administrative, l'annulation de l'arrêté dedélimitation. Civ. cass., 6 novembre 1872, S., 74, 1, 165. Cpr. Req., 19 juin 1872, S., 74, {, 162 et le rapport de M. Rau. C'est la doctrine de ces arrêts qui prévalu en

344 DES DROITS RÉELS.

fonds contigus sont restés sans être abornés, le bornage

réalité devant le tribunal des conflits (jugements précités des il janvier i 873 et 1er mars 1873). De ces décisions, il résulte que la détermination des limites de la mer est laite par des décrets rendus en Conseil d'État, et celle des limites des fleuves et rivières navigables, par des arrêtés préfec- toraux, mais seulement sous la réserve des droits des tiers, laquelle est gé- nérale et absolue et s'étend aux droits fondés sur une possession cons- tante ou sur des titres privés, comme à ceux qui reposeraient sur des alié- nations émanées de l'administration et doit être maintenue et appliquée alors même que l'administration prétendrait déterminer non seulement les limites actuelles, mais encore les limites anciennes de la mer ou des fleuves et rivières navigables. Pour faire respecter ou reconnaître leurs droits, les riverains ont l'option entre les voies de recours indiquées au texte, soit devant le Conseil d'État, soit devant l'autorité judiciaire. Le tribu- nal des conflits ajoute qu'en cas de contestation sur les limites actuelles de la mer et des cours d'eau navigables (mais dans ce cas seulement) la détermination de ces limites est préjudicielle à toute décision de l'autorité judiciaire. Tribunal des conflits, lor mars 1873, précité. Giv. rej., 4 février 1891, Gazette des tribunaux du 5 février 4891. Le tribunal des conflits a postérieurement maintenu sa jurisprudence (27 mai 1876, Lebon, 300 ; 12 mai 1883, Lebon, 496) laquelle a été depuis appli- quée par le Conseil d'État (voy. notamment, 27 mars 1874, Lebon, 308. 10 mars 1882, Lebon, 245) et par la juridiction civile (Lyon, 9 décembre 1882, S., 85, 2, 117; D., 84, 2, 83). Voir en ce sens MM*. Aucoc, op. cit. p. 35 et Laferrière, Juridiction administrative, I, p. 494-502, (ces auteurs qui s'étaient précédemment prononcés en sens contraire se sont ralliés à la doctrine de ces arrêts). Voy. encore Dissertation, Annales des ponts et chaussées, 1874, no 12, p. 272. Delalande, De la délimitation des cours d'eau navigables et flottables ; Annales du régime des eaux, 1890, 65. Voy. en sens contraire, Ducrocq, Droit administratif, 6" édition, II, p. 149. Batbic, Droit' public et administratif, édition, V, p. 328. Annales des ponts et chaussées, 1874, 11, p. 209. Cpr. sur ces diffé- rentes questions, notamment Christophle, Revue critique, 1868, XXXII, p. 385 et XXXIV, p. 353. Aucoc, Conclusions développées devant le Conseil d'Etat dans l'affaire des salines de la Gaffctte contre l'État, S., 67, 2, 59, et Dissertation, Revue critique, 1869, XXXIV, p. 121 et 433. Scrrigny, Dissertation, Revue critique, XXXV, p. 97. Laferrière, Dissertation, Revue critique, XXXVII, p. 353. Reverchon, Dissertation, ïbid.,,p. 275. David, Conclusions devant le tribunal des conflits, Lebon, 1873, supplément, 27 et suiv. Lcvavasscur de Précourt, Conclusions, Lebon, 1882, 245 et suiv. Devant quelle juridiction civile, les particuliers dont les terrains ont été englobés dans une délimitation administrative doivent- ils formuler leur demande d'indemnité? Devant le tribunal civil ou devant, le jury d'expropriation? on doit penser qu'à défaut de texte attribuant compétence au jury, le tribunal civil est seul compétent. C'est ce qu'ont

DE LA PROPRIÉTÉ. § 199. 345

peut toujours en être demandé18. Seulement, le voisin qui aurait possédé pendant trente années une étendue de terrain certaine et délimitée au moyen de signes apparents et inva- riables19, pourrait, alors même que la contenance de ce ter- rain serait supérieure à celle que lui attribuent ses titres, s'op- poser à toute opération préalable demesurage, et demander que les pierres-bornes soient plantées sur la ligne indiquée par ces signes 20. Mais les parties contre lesquelles une pa- reille opération est provoquée, ne sont point fondées à y résister, en se prévalant d'une simple possession annale ; et ce, dans le cas même cette possession réunirait les caractères qui viennent d'être indiqués 21.

jugé la Cour de Paris par arrêt des 7 avril 1868, S., 68, 2, 309 et 8 août 4871 (S., 74, 1, 163), et la Cour de Lyon, (9 décembre 1882, S., 85, 2, 117 précité). La Cour de cassation n'a pas eu à statuer expressément sur cette question, puisqu'elle n'était saisie que de moyens tirés de la violation du principe delà séparation des pouvoirs, toutefois en rejetant les pourvois dirigés contre les arrêts des Cours de Paris et de Lyon, elle a implicitement confirmé leur doctrine. Req., 19 juin 1872, S., 74, 1, 152, et arg. Civ. cass., 6 novembre 1872, S., 74, 1, 165. Cpr. Civ. rcj., 4 janvier 1886, S. ,87, 1, 360.

18 Arg. art. 2232. Cpr. § 772, texte no 2. Delvincourt, I, part. II, p. 386. Toullier, III, 170. Pardessus, op. cit., 1, 130.Duranton, Y, 245. Troplong, la prescription, I, 119. Solon, Des servitudes, no 57. Demolombe, XI, 241. Millet, Du Bornage, p. 277. Laurent, VII, 429. Toute convention contraire serait sans valeur. Demolombe, toc. cit.

19 11 s'élève souvent dans la pratique des difficultés sur le point de sa- voir si une haie vive, un talus, un ravin, forment des signes de délimita- tion certains et invariables. Nous croyons qu'en thèse générale, et à moins de circonstances particulières, on ne doit pas leur reconnaître ce caractère. Laurent, VII, 419 et 420.Civ. cass., 4 mars 1879, S., 79, 1, 297.

20 Rien n'empêche, en effet, qu'on ne prescrive au delà de son titre. Cpr. § 217, texte et note 3. Pothier, De la société, no 133. Pardessus, toc. cit., I, 124. Demolombe, XI, 272. Orléans, 25 août 1816, S., 18, 2, 104. Civ. cass., 30 novembre 1818, S., 19, 1, 232. Metz. 19 avril 1822, Dev. et Car., Coll. ncuv., VII, 8, 59.

21 II a été jugé qu'en pareil cas il ne peut y avoir lieu qu'à une action en revendication, et non à une action en bornage. Besançon, 10 mars 1828, D., 28, 2, 215. Voy. aussi : Duranton, V, 260. Mais cette décision nous parait contraire à la double idée, que l'action en bornage est toujours re- cevante, lorsque deux fonds contigus ne sont pas séparés par des pierres-

346 DES DROITS RÉELS.

Du reste, et sauf l'effet de la prescription trentenaire en ce qui concerne l'opération de mesurage, l'existence d'un mur ou de tout autre clôture, môme fixe et invariable, ne saurait être opposée comme fin de non-recevoir à une de- mande en bornage. Il en est de même de l'existence des si- gnes de délimitation qui ne seraient pas reconnus comme tels par les usages locaux22.

Le bornage se fait à frais communs. Art. 646. L'appli- cation de cette règle nécessite cependant quelques distinc- tions. Les frais relatifs à la fourniture et à la plantation de pierres-bornes se partagent par moitié entre les propriétai- res des fonds sur la ligne séparative desquels elles se trou- vent placées. Les frais concernant l'arpentage se répartis- sent entre les propriétaires des fonds qui y ont été soumis, pro- portionnellement à la contenance respective de ces fonds 83. Quant aux frais des contestations soulevées à l'occasion du bornage, ils doivent être supportés par la partie qui suc- combe 2\ Code de procédure, art. 130. Il n'en est cepen- dant pas nécessairement ainsi des frais du jugement qui, à défaut de consentement de l'un des intéressés à un bor- nage amiable, a ordonné qu'Userait procédé à cette opé- ration par un expert désigné à cet effet 25.

bornes, ou autres signes de délimitation admis comme tels par les usages locaux, et que, d'après le caractère propre de cette action, quae pro rei vindicatione est, elle tend virtuellement à la restitution des anticipations commises par le défendeur, sans que le demandeur soit tenu de les éta- blir autrement que par le résultat même de l'arpentage. Demolombe. XI, 268. Voy. aussi les arrêts cités à la note précédente.

22 Duranton, V, 259. Millet, p. 176 à 180. Demolombe, loc. cit. Civ. cass., 30 décembre 1818, S., 19, 1, 232. Civ. cass., 4 mars 1879, S., 79, 1, 297.

23 Suivant certains auteurs, tous les frais devraient être partagés par moitié. Du Gaurroy, Bonnicr et Roustain,II, 277. Mareadô, sur l'art. 646, no 3. Suivant d'autres, ils devraient tous être supportés proportionnelle- ment. Taulier, II, p. 374. Millet, p. 356 et suiv. La distinction que nous avons admise nous semble conforme à l'équité, et n'est pas contraire au texte de l'art. 646. Pardessus, dp. cit., I, 129. Demolombe, XI, 276. Cpr. Laurent, VII, 435.

24 Pardessus, op. et loc. citt. Du Caurroy, Bonnicr etRoustain, Loc. cit. Taulier, loc. cit. Demolombe, XI, 277. Laurent, VII, 435.

25 Les auteurs cités à la note précédente n'indiquent pas cette restric-

DE LA PROPRIÉTÉ. § 199. 347

Le procès-verbal constatant un abornement forme un titre définitif pour les contenances et les limites assignées à chacun des intéressés, lorsqu'il a été revêtu de leurs si- gnatures, ou que, sur le refus de l'un d'eux de le signer, il a été homologué en justice 26.

Le jugement qui a déclaré exécutoire un procès-verbal d'abornement, ne peut être attaqué que par les voies de re- cours auxquelles, de Droit commun, les jugements sont soumis ; mais il peut l'être pour toute espèce de griefs. Lors- que le procès- verbal a été signé par les parties, l'opération d'abornement peut être attaquée par toutes les causes qui permettent en général de revenir contre une convention : mais elle ne peut l'être que pour ces causes27.

Si les bornes plantées en conformité d'un procès-verbal signé parles parties, ou homologué en justice, venaient à disparaître 28, chacun des intéressés pourrait demander qu'il en fût placé de nouvelles, d'après les bases et suivant

tion, et M. Demolombe paraît même la repousser. Cependant il est telles circonstances il serait difficile de ne pas l'admettre. Ainsi, celui qui refuserait de concourir à un arpentage amiable, par le motif que l'expert proposé pour y procéder ne lui convient pas, ne saurait être considéré comme ayant injustement résisté au bornage.

26 Gpr. Duranton, V, 260. Demolombe, XI, 279. Laurent, VII, 436, 437. Req., 5 mars 1855, S., 55, 1, 731. Le juge de paix est compétent pour recevoir et constater un contrat judiciaire établissant les concessions réciproques que se font les parties, et les bases du bornage. Req., 2 août 1875, S., 76, 1, 160. Le refus d'une partie de signer le procès-verbal d'a- bornement, après avoir consenti aux opérations, ne détruit pas l'effet du contrat judiciaire, intervenu à cet égard. Req., 10 avril 1866, S., 66, 1,

27 Cpr. Duranton, loc. cit. Pardessus, op. cit., nos 135, 129 et 130. Taulier, II, 373. Demolombe, XI, 280. Laurent, VII, 437. Douai, 21 vrier 1848, S., 48, 2, 523. Giv., cass., 4 mars 1879, S., 79, 1,297.

28 II ne faut pas confondre avec une simple disparition des pierres-bor- nes, qui serait le résultat d'un accident ou d'un événement de la nature, l'enlèvement ou le déplacement volontaire de ces signes de délimitation. Ce dernier fait peut donner lieu, non-seulement à la demande dont il est parlé au texte, mais encore h une action possessoire, et même, suivant les cas, àunepoursuite correctionnelle. Cpr. Code de procédure, art. 3, no 2. Code pénal, art. 456, Civ. cass., 8 avril 1854, S., 54, 1, 341.

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348 DES DROITS RÉELS.

les indications de ce procès- verbal, et il serait par consé- quent, fondé à résister à une demande de nouvel arpentage29. Toutefois, le procès- verbal d'aborncment n'aurait plus au- cune valeur, s'il s'était écoulé plus de trente ans depuis la disparition des pierres-bornes30. D'un autre côté, dans le cas même les pierres-bornes subsisteraient encore, les effets du procès- verbal constatant leur plantation pourraient également se trouver anéantis, par une possession trente- naire dans des limites différentes de celles qui s'y trou- vent indiquées31.

Aux termes de l'art. 6, 2 de la loi du 25 mai 1838, les actions en bornage sont de la compétence des juges de paix, lorsque la propriété ou les titres qui l'établissent ne sont pas contestés32.

89 Req., H août 1854, S., 52, 1, 645. La convention de bornage sui- vant une ligne déterminée passée entre deux propriétaires peut être annu- lée pour cause d'erreur sur la substance de la chose, lorsque par suite de fouilles pratiquées pour la plantation de bornes nouvelles, on découvre des bornes anciennes, dont l'existence était inconnue lors de la conven- tion. Douai, 21 février 1848, S., 48, 2, 523. %

80 L'action résultant de la convention ou du jugement qui ratifie ou qui homologue un bornage, s'éteint, comme toute autre action, par le laps de trente années, à partir du moment où, les pierres-bornes ayant disparu, la convention ou le jugement a cessé d'avoir son cours. Les parties se trou- vent alors, par la force des choses, replacées au même état elles se trouveraient s'il n'y avait jamais eu de bornage, aucune d'elles ne pou- vant prétendre que leur possession respective soit restée conforme au pro- cès-verbal de délimitation.

31 Les idées développées à la note précédente s'appliquent a fortiori à l'hypothèse actuelle, puisque les effets du bornage doivent nécessairement disparaître devant une possession contraire, continuée pendant trente ans. MM. Pardessus (op. cil., I, 130) et Demolombe (XI, 281) semblent même admettre qu'un nouveau bornage peut être demandé, par cela seul qu'il s'est écoulé trente années depuis la plantation des pierres-bornes. Si telle était effectivement leur manière de voir, nous ne saurions y donner notre adhésion. Lorsque les pierres-bornes placées depuis plus de trente années existent encore, et qu'on n'allègue pas une possession contraire à ces si- gnes de délimitation, la convention ou le jugement qui a sanctionné le bor» nage, ayant continué de recevoir son exécution, conserve par cela même toute sa force.

,2 11 ne faut pas conclure de que l'action en bornage soil une action

DE LA PROPRIÉTÉ. § 199. 349

Le juge de paix est compétent pour connaître de l'action en bornage, non-seulement lorsqu'elle tend à la plantation de pierres-bornes sur des limites certaines et reconnues, mais encore dans le cas où, les limites étant incertaines ou contestées, il s'agit d'en rechercher les traces dans les do- cuments de la cause, ou de les faire déterminer au moyen d'un arpentage ayant pour objet, soit l'attribution à cha- cune des parties de la contenance portée dans ses titres, soit la répartition proportionnelle entre elles d'un déficit ou d'un excédant de la contenance réelle du terrain, com- parée à celle qui se trouve indiquée dans les titres 33.

Ce magistrat reste compétent lorsque les titres respec- tivement produits n'étant pas contestés en eux-mêmes, les

possessoire. Millet, p. 220 et suiv. Carou, Juridiction des juges de paix, I, 494. Zacharia», § 187 b, note 7 in fine. Civ. cass., 8 août 4859, S., 60, 1, 56. Req., 7 mars 1866, S., 66, 1, 239. Req., 4 février 1885, S., 86, 1, 212.

33 Req., 19 novembre 1845, S., 46, 1, 457. Req., 19 juillet 1852, S., 52, 1, 641. Giv. cass., 27 février 1860, S., 60, 1, 561. Civ. rej., 6 août 1860, S., 60, 1, 954. Req., 10 avril 1866, S., 66, 1, 289. Civ. cass., 2 août 1875. S., 76, 1, 11. Au cas le juge de paix procède par l'application de titres non contestés au bornagede propriétés contiguës, la jurisprudence lui accorde le droit de répartir entre les propriétaires intéressés à l'opération, l'ensemble des contenances excédant la teneur constatée par les titres : il aurait même la faculté de modifier la configuration de quelques parcel- les. Ce pouvoir du juge de paix disparaîtrait forcément, si Tune des par- ties, invoquant la prescription de 30 ans, demandait à être maintenue dans la possession de la parcelle de terrain qu'elle détiendrait en plus de son titre. Req., 2 mai 1866, S., 68, 1, 89. On a cherché à préciser lepro- cédé que le juge de paix aurait à employer pour faire cette répartition de l'excédant. Selon les uns, elle doit être proportionnelle aux contenances des héritages. Toullier, t. III, 176. Pardessus, Servit., t. I, 123. Curasson, Comp. desjtiges de paix, II, no 765, p. 599 ; d'autres soutiennent qu'il y a lieu de se conformer uniquement à la possession annale des in- téressés, Favard de Langlade. Rép., Servit, section 2, § 2, 2 ; d'autres enfin, tout en reconnaissant en principe le pouvoir du juge de- paix, enseignent que le partage de l'excédant sera possible seulement si l'on a la certitude que cet excédant ne sera jamais réclamé par qui que ce soit. Millet, duBornagc p. 161 et suiv. Cpr. Giv. cass., 27 février 1800, S., 60, 1. 562. Il est peut-être difficile de déterminer une règle «fixe en ce qui touche l'exercice du pouvoir reconnu au juge de paix : tout en pa-

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350 DES DROITS RÉELS.

parties ne sont en désaccord que sur leur application,88 bisy en ce qui concerne par exemple la valeur des anciennes mesures indiquées dans les titres, et leur rapport avec les nouvelles mesures u.

Le juge de paix ne cesse môme pas d'être compétent et il n'y a pas contestation sur la propriété dans le sens de la disposition précitée, encore que l'une des parties invoque, pour résister à l'arpentage, la présomption de propriété at- tachée à sa possession annale dans des limites apparentes et invariables 3S, ou que le défendeur soutienne être proprié- taire d'une portion déterminée de terrain, si d'ailleurs il n'invoque à l'appui de sa prétention, ni un titre spécial d' acquisition, ni la prescription 36.

reil cas dépend des circonstances, et les mesures à prendre sont abandon- nées à la prudence et à lasagesse du magistrat. Gpr. Req., 8 juillet 1886, D., 87, 4, 304.

33 bis. Req., 12 juin 1865, S., 65, 1, 307. Cpr. Laurent, VII, 438- 439.

34 Curasson, II, p. 589. Req., 11 juin 1861, S., 62, 1, 867. Civ. rej., 26 avril 1865, S., 65, 1, 305.

35 Cette proposition n'est qu'une conséquence des idées indiquées texte et note 21 suprà. Dès qu'on admet que le défendeur ne peut pas, en invo- quant sa possession annale, résister à une demande d'arpentage, il n'est plus possible de considérer cette exception comme engageant, au point de vue de la compétence du juge de paix, une contestation sur la propriété. Millet, ]). 285. Demolombe, XI, 251. Laurent, VII, 430. Req., 19 novembre 1845, S., 46,1, 457. Req. 23 août 1873, S., 73, 1, 361. Civ. cass., 2 août 1875, S., 76, 1, 11. Civ. cass., 14 juin 1876, S., 76, 1, 447. Req., 12 février 1879, S., 79, 1, 176. Civ. cass., 16 mars 1880, S.-, 80, 1, 367.

3C L'étendue de la compétence du juge de paix en matière de bornage a été fort controversée : plusieurs systèmes se sont produits. Selon la plus ancienne et la plus radicale des opinions, il suffirait, pour supprimer la compétence du juge de paix, d'une contestation de propriété et d'une re- vendication fondées sur n'importe quelle cause sans distinction. La Cour de cassation, qui semblait incliner vers ce système (Req., le février 1842, S., 42, 1, 99. Civ. cass., 12 avril 1843, S., 43, 1, 228), s'en est. écarté* depuis. Cpr. Demolombe, II, 248 et suivants. Une autre doctrine un peu plus restreinte, et développée spécialement dans un rapport M. Mesnard admet la compétence du juge de paix lorsque le résultat de l'ac- tion en bornage est d'attribuer au demandeur non pas une portion déter-

DE LA PROPRIETE.

199.

351

Mais il y aurait contestation sur la propriété ou sur les itres qui l'établissent et par suite le juge de paix ne se- ?ait plus compétent pour statuer sur l'action en bornage, lans les hypothèses suivantes :

a. Lorsque Tune des parties prétend que le déficit ou l'ex- 3édant de contenance, au lieu d'être réparti proportionnel- lement, doit être supporté, ou être attribué, par tel, ou à tel héritage37.

b. Lorsque l'une des parties s'oppose à l'arpentage en se fondant sur une possession trentenaire dans des limites appa- rentes et invariables 38.

ïrinée de terrain, « mais au contraire la partie variable, inconnue encore, ( peut être même non existante qui formerait l'excédant des limites ou de :< la contenance indiquées dans les titres de son adversaire ». Req., 19 nars 1850, S., 52, 1, 646, et le rapport de M. Mesnard. Toutefois, les lerniers arrêts de la Cour de cassation n'ont point accepté cette distinc- ion, et ils décident, ainsi qu'il est enseigné au texte, que la compétence lu juge de paix en matière de bornage est subordonnée à l'absence de contestation sur la propriété, et que ce magistrat en première instance, e tribunal civil en appel, ne peuvent rester saisis de l'action en bornage, orsqu'à une phase quelconque de la procédure, le litige met en question Mitre les parties la propriété de parcelles précises et déterminées des ter- •ains à délimiter, revendiquées soit en vertu de titres, soit en vertu de la irescription. Civ. cass., 27 novembre 1860, S., 61, 1, 317. Giv. cass., 19 uai 1863, S., 63, 1, 395. Req., 12 juin 1865, S., 65, 1, 307. Civ. cass., 10 février 1873, S., 73, 1,149. Civ. cass., 2 août 1875, S., 76, 1,11. Civ. :ass., 20 juin 1877, D.,77,1, 392. Req.,26 mars 1879etCiv. cass., 25juin 1879, S., 79, 1, 294 et 425, et la note. Civ. cass., 15 juin et 25 août 1880, S., 80, 1, 342 et 468. Civ. cass., 29 juillet 1884, D., 85, 1, 52. Req., 4 février 1885, S., 86, 1, 212. Req., 19 octobre 1885, S., 86, 1, 104. Civ. ■ass., 26 juin 1888, S., 90, 1, 303. Cpr. Req., 14 février 1866, S., 66, 1, 208. Yoy. en ce sens, Poux-Lagier etPiallat, sur Curasson, II, p. 588. 1 en est ainsi, alors même que la contestation relative à la propriété ne ;erait intervenue qu'après un jugement d'avant faire droit. Civ. cass., 12 ivril 1843, S., 43, 1, 288. Civ. cass., 10 décembre 1862, S., 63, 1, 260.

87 C'est ce qui peut avoir lieu, lorsque l'un des fonds, dont l'arpentage st provoqué, se trouvant riverain d'un cours d'eau, il s'est produit des 'rosions ou des alluvions.

88 Benech, Des justices de paix, p. 274 in fine. Millet, p. 282. Demo- ombe, XI, 250. Douai, 19 janvier 1848, S., 49, 2, 154. Civ. cass., 18 nai 1859, S., 60, 1, 49. Civ. cass., 8 août 1859, S., 60, 1, 56. Civ. •ass., 10 décembre 1862, S., 63, 1, 260. Req., 21 novembre 1871, D.,

352 DES DROITS RKELS.

c. Lorsque le titre de Tune des parties est contesté par le motif que son auteur n'était pas propriétaire de toute la contenance portée dans ce titre, et n'a pas pu la lui trans- mettre.

d. Lorsque l'une des parties prétend que l'arpentage doit être restreint à leurs propriétés respectives, tandis que l'au- tre soutient qu'il doit porter sur un périmètre plus étendu, et comprendre des fonds appartenant à des propriétaires qui ne sont pas en cause 3!>.

e. Lorsque, en l'absence de titres précis, la contestation porte sur la contenance réclamée par l'une ou l'autre des parties, et que la question doit être résolue, non d'après la possession des intéressés, mais par l'interprétation des do- cuments versés au procès ou par l'effet de la prescription *°.

Si dans les cas qui viennent d'être indiqués, le juge de paix s'étant déclaré incompétent, le tribunal est saisi di- rectement de la contestation, il ne doit pas seulement re- connaître le droit dune des parties à une superficie déter- minée et renvoyer devant le juge de paix pour le bornage. En sa qualité déjuge des questions de propriété, il est tenu pour épuiser sa mission, de déterminer remplacement et les limites de cette parcelle. Le renvoi au juge de paix ne se- rait autorisé que pour une opération purement matérielle de bornage à effectuer en exécution et par application de la décision du tribunal.

Le juge de paix devant lequel on élève une contesta- tion sur la propriété ou les titres de lune des parties, na point, en général, à en apprécier le mérite et doit se clarcr incompétent à raison de cette contestation même *l Toutefois, si elle ne reposait que sur des allégations tclle-

7:2,4, 490. Il en serait de môme s'il s'agissait d'une action tendant à obtenii le déplacement <le bornes anciennes et reconnues par les parties. Ke«[.. 11 août 4851, S., 52, 4, 645.

39 Civ. cass., "22 juin 1859, S., 60, 1, 58. (av. cass., 27 novembre 4860, S., 64, 4, 517.'

40 Demolombe, XI, 28-2. Req„ 49 juillet 4852, D.,54, 4,432. Civ. cass. 27 novembre 1865, S., 66, I, 244, et les arrêts cités à la note 50.

'il Curasson, II, p. 594. Civ. cass., 42 avril 4843, S., 43, 4, -288. Civ. cass., 19 mai 1805, S., 63, I. 395. Civ. cass.. 24 lévrier 1875. S.. 75, I, 559.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 199. ^53

ment vagues ou irrelevantes quelle ne présentât aucun ca- ractère sérieux, le juge de paix serait autorisé à ne pas s'y arrêter 42.

En cas de contestation sérieuse sur la propriété ou sur les titres qui rétablissent, le juge de paix est, même d'of- fice, tenu de se déclarer incompétent ; et il ne doit pas se borner à prononcer un sursis jusqu'à la décision de la con- testation par les juges appelés à en connaître V3. Le même devoir incombe au tribunal d'appel *a &&, bien que la cause d'incompétence ne se soit produite que devant lui**.

V2 Admettre le contraire, ce serait donner aux plaideurs le moyen de rendre illusoire la compétence attribuée aux juges de paix en matière de bornage. Millet, p. 305. Demolombc, XI, 253. Req., 28 mars 1855, S., H, 1, 729. Civ. rej., 16 mai 1860, S., 61, 1. 159. Req., 10 avril 1866. S., m, 1, -289. Civ. cass., 16 mars et 25 août 1880, S., 80, 1, 307 et 468. Req.. 2 janvier 1884, 1)., 84, 6, 104. Civ. rej., 15 déc.4885, S.. «6. 1, 156. Civ. cass., 26 juin 1888, journ. la Loi du 27 juin 1888. Gpr. Civ. cass., 28 février 1870,' S., 70, 1, 267. Civ. cass., 3 janvier 1872, S., 72. 1, 16.

43 La compétence, tout exceptionnelle, attribuée aux juges de paix eu fait de bornage étant subordonnée à la condition qu'il ne s'élève aucune contestation sur la propriété ou sur les titres qui l'établissent, il en ré- sulte que, dans le cas contraire, cette compétence cesse d'une manière complète. Carou. Juridiction des jugea de paix, I, 499. Curasson, Compé- tence des juges de paix, II, p. 580 et 581 et notes. Joccotton, Des actions civiles, no 370. Civ. cass.. K août 1859, S., 60, 1, 49 et 56. Civ. cass.. 24 juillet 1860, S.. 60, 1, 897. Civ. rej., 16 mars 1870, S., 70, 1, 359. Civ. cass., 18 juin 1884. D., 85. 1. 213. Voy. en sens contraire : Benech, Des justices de paix, p. 275 ; Millet, p. 500.

43 bis. Civ. cass., 18 juin 1884. S., 87, 1, 479. Voy. cep. Req., 22 jan- vier 1886. S., 87,1, 112.

u Voy. les arrêts cités aux notes précédentes. Civ. cass., 18 juin 1884, S., 87, 1,479. Cpr. Civ. cass., 17 mai 1882, S. ,84, 1,103. Ce dernier arrêt décide que dans les circonstances de la cause, le tribunal d'appel devait se décla- rer incompétent, ou tout au moins surseoir à statuer. Le motif indiqué à la note précédente nous amène à penser que dans ce cas, il n'y avait point place pour cette alternative. La nature de la contestation ayant fait dis- paraître la compétence particulière du juge de paix en matière de bornage, le tribunal d'appel n'avait pas autre chose à faire qu'à reconnaître son in- compétence. La contestation portant sur la délimitation et le bornage de plusieurs parcelles comprises dans un périmètre déterminé, et appartenant a divers propriétaires, a pour effet de rendre connexes entre eux. et insé- n. 23

354 DES DROITS RÉELS.

§ 200. 2. De la clôture forcée.

Tout propriétaire d'une maison, d'une cour, d'un jardin, ou de tout autre terrain formant dépendance d'un héritage de cette nature *, peut contraindre le propriétaire de l'hé- ritage contigu2, à contribuer à la construction et à l'entre- tien d'un mur destiné à servir de clôture à leurs fonds, lors- qu'ils sont situés dans l'enceinte ou dans le faubourg dune ville. Art. 663.

Notre législation n'ayant pas déterminé les caractères qui distinguent les villes des communes auxquelles cette qualification doit être refusée, il appartient aux tribunaux, en l'absence d'actes administratifs, rangeant expressément ou implicitement parmi les villes, les communes au sujet

parables les divers intérêts engagés : par suite, l'appel ne serait pas rece» vable, s'il n'était pas dirigé contre toutes les parties qui avaient été en cause devant le juge de paix. Civ. rej., 22 avril 1872, S., 72,1, 221.

1 D'après l'esprit de la loi, l'indication des fonds auxquels s'applique la disposition de l'art. 663, ne saurait être considérée comme limitative. Par- dessus, Des servitudes, I, 148. Toullier et Duvergier, III, 165. Déniante, Cours, II, 517 bis, III. Demolombe, XI, 382. Zachariœ, § 240, texte et note 2. Civ. cass., 27 novembre 1827, S., 28, 1, 122. Civ. cass., 14 mai 1828, S., 28, 1, 308. Limoges, 26 mai 1838, S., 39, 2, 139. Evreux, 19 lévrier 1881, S., 81, 2, 247. L'article 663, ne s'applique qu'aux héritages urbains, et non pas aux héritages ruraux. Civ. cass., 11 août 1886, S., 87, 1, 168 (par exemple une prairie). Toullier, III, 165. Demolombe, XI, 382. Cpr. Laurent, VII, 499. D'autre part, la clôture forcée étant une obligation réciproque, elle ne peut exister qu'entre fonds compris dans l'ensemble de la ville et des faubourgs. Dijon, 14 déc. 1869, D., 71, 2, 47. Tribunal d'Epernay, 26 juin 1868, D., 70, 3, 40. Le droit d'exiger la clôture ne saurait par son exécution porter atteinte à une servitude acquise : il convient alors de disposer le mur de façon à ne pas nuire au droit du propriétaire de l'héritage dominant. Req., 10 juin 1874, S., 75, 1, 296.

2 L'art. 663 cesse de recevoir application, lorsque les deux propriétés sont séparées par un passage commun. Laurent, VII, 500. Req., 1er juillet 1857, S., 58,1, 110.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 200. 355

desquelles la difficulté serait soulevée, de la résoudre d'a- près les circonstances locales et notamment d'après le chif- fre de la population, la nature des constructions, les occu- pations et les habitudes delà généralité des habitants3. C'est également à défaut d'actes administratifs, aux tribunaux à décider, pour l'application de l'art. 663, si une aggloméra- tion d'habitations situées hors de l'enceinte d'une ville, constitue un faubourg de cette ville, et jusqu'où s'étend tel ou tel faubourg \

La disposition de l'art. 663, principalement établie dans un intérêt privé de voisinage, ne saurait être considérée comme étant d'ordre public. Rien n'empêche donc que les voisins renoncent respectivement, ou l'un au profit de l'au- tre, à la faculté que leur accorde cet article 5.

D'un autre côté, le voisin requis de contribuer, soit à l'entretien, soit même à la construction d'un mur de clô-

3 Du Caurroy, Bonnier et Roustain, II, 296. Demolombe, XI, 380. Za- chariae, § 240, "note l*e. Laurent, VII, 497. Douai, 26 juin 1879, D., 80, 2, 75. Voy. cep. Delvincourt, I, part. II, p. 392. Pardessus, op. cit., I, 147. Duranton, V, 319, à la note.

4 Demolombe, XI, 380 bis. Voy. cep. Duranton, loc. cit.

s Toullier, III, 162. Pau, 14 déc. 1868, S., 69, 2, 328. Voy. en sens con- traire : Demolombe, XI, 378. Cpr. Laurent, VII, 498. Si la disposition de l'art. 663 était d'ordre public, comme l'enseigne M. Demolombe, on ne comprendrait pas que le Conseil d'État eût formellement reconnu aux pro- priétaires voisins la faculté de ne donner au mur de clôture qu'une hauteur inférieure à celle que fixe cet article. Cpr. texte et note 12 infrà. Les motifs sur lesquels se fonde cet auteur, tombent d'ailleurs devant cette simple considération, que celui qui a renoncé au bénéfice de l'article précité, con- serve toujours la faculté de se clore, et qu'ainsi sa renonciation ne porte en définitive que sur un droit d'intérêt pécuniaire. Enfin, d'après le système que nous combattons, il faudrait aller jusqu'à dire que, dans les villes et faubourgs la clôture est forcée, les voisins ne pourraient pas constituer, l'un au profit de l'autre, des servitudes qui les obligeraient à laisser leurs fonds ouverts. Or, c'est une conséquence qui ne nous paraît pas accep- table. Mais cette renonciation doit être expresse et ne peut résulter de la seule destination du père de famille. L'acquéreur de l'un de deux hôtels, autrefois réunis l'un à l'autre pour l'usage d'une seule famille, peut exiger la construction d'un mur destiné à empêcher le passage d'un hôtel à l'autre. Req., 10 juin 1874, S., 75, 1, 296.

356 DBS DROITS RÉELS.

ture, peut s'affranchir de cette obligation, en cédant La moi- tié du terrain sur lequel ce mur est ou doit être assis. et en renonçant, le cas échéant, à la mitoyenneté '''.

G L'opinion émise au texte se fonde sur l'art. 656 et sur les explications données au Conseil d'État, lors de la discussion de l'art. 663, correspon- dant à l'art* 25 du projet. Bcrlier ayant fait remarquer « que l'art. 23 deî « viendrait d'une exécution plus facile, si on y exprimait que le proprié- « taire, interpellé de contribuer à la clôture, peut s'en dispenser en re- « noncant à la mitoyenneté et en cédant la moitié de la place sur la- « quelle le mur doit être construit. » ïronchet lui répondit que cette mo- dification était exprimée dans l'art. 18 du projet, correspondant à l'art. 656 du Code (Locré, Lèg., VIII, p. 344 et 345, 2). Il résulte bien claire- ment de cette réponse, qui a clos le débat sur ce point, que l'on a entendu laisser au voisin requis de contribuer à la clôture en vertu de l'art. 663, le moven de se soustraire à cette obligation, en usant de la faculté ac- cordée par l'art. 656. Pour écarter cette conclusion, M. Demolombc dit qu'au moment a eu lieu la discussion qui vient d'être rappelée, l'art. 663 n'existait pas encore, et qu'aucune disposition du projet n'imposait aux propriétaires, dans les villes, l'obligation de se clore. Cette objection re- pose sur une supposition qui n'est pas complètement exacte. L'obligation de contribuera la clôture, quoique non formellement exprimée par l'art. 35 du projet, s'y trouvait cependant virtuellement renfermée, et le chan- gement de rédaction que cet article a subi, n'a eu d'autre but que de l'éî noncer d'une manière positive. Ce qui le prouve, c'est l'observation mèiue de Berlier, qui n'aurait eu aucun sens, si cet article n'avait pas été coin- pris comme imposant implicitement à chacun des voisins l'obligation de contribuer à la clôture. C'est donc avec raison, selon nous, que, malgré l'opposition d'un grand nombre d'auteurs, la jurisprudence persiste dans l'opinion que nous avons admise. Voy. dans ce sens : Maleville, sur l'art. 663. Toullier, III, 218. Favard, Rép., Servitude, sect. Il, § 4. no 4. Mareadé, sur l'art. 663, 2. Carou, Des actions possessoires, 102. Zacharia», § 240, texte et note 5. Laurent, VII, 503. (av. rej.. 29 dé- cembre 4819. S., 20, 1, 166. Civ. cass., 5 mars 4828, S.. 28, 1. 292. Tou- louse, 7 janvier 1834, S., 34, 2, 364. Douai, 5 février 1840, S., 40, 2, 203. Angers, 22 mars 4847, S., 47, 2. 435. Bordeaux, 44 juin 4855, S., 55. 2. 460. Paris, 4 ï novembre 4860, S., 64, 2, 427. Civ. cass.. 3 décem- bre 1862. S., 63. 1, 33. Civ. cass., 7 novembre 4864, S., 64, 4, 506. Or- léans. 44 mai 4873, S., 74, 2, 474. Civ. cass., 27 janv. 4874, S.. 7i. 1. 240. Civ. cass., 26 juillet 4882, S., 8i, 4, 79. Cour de cass. de Belgique, 5 nov. 4885, S., 86, 4, 19. Voy. en sens contraire : Delvincourt, 1. part. 11. p. 400. Duranton, V, 319! Pardessus, op. cit., I, 449 et 168, H. [). 374, note d. Taulier, II, p. 394. Solon, Des servitudes, n°s 478 et. 222. Du Caurroy, Bonnier et Roustain, II, 297. Déniante, Cours, II, 547 bis, 1.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 200.

357

Du reste, celui qui, dans une localité la clôture est forcée, a construit, sur son terrain et à ses frais, un mur de clôture, ne serait pas admis à réclamer du voisin, le rem- boursement de la moitié de sa valeur et du terrain sur le- quel il est assis7.

La loi n'indique pas la nature des matériaux qui doivent être employés à la construction du mur; elle s'en est re- mise à cet égard à l'usage des différentes localités "'bis. Mais un mur en pierres sèches sans aucune liaison de mortier ou de plâtre, ne remplirait pas le vœu de l'art. 663. A plus forte raison, en serait-il ainsi de simples clôtures en haies ou en palissades8.

Demolombe, XI. 379. Angers, 23 avril 1819. S., -20, 2, 203. Paris, 29 juillet 1823,S., 23, 2, 334. Amiens, tS août 1838, S., 39, 2,157. Amiens, •12 décembre 4861, S., 62, 2, 231. Voy. aussi : Bordeaux, 7 décembre 1827. S., 28, 2, 103. Cet arrêt, distinguant entre la première construction d'un mur de clôture, et la réparation ou la réédification de ce mur, res- treint à cette dernière hypothèse l'application de l'art. 663. Mais cette distinction a été généralement repoussée, comme incompatible avec les termes de ces articles, qui, l'un et l'autre, assimilent complètement les deux hypothèses.

7 La proposition énoncée au texte est contraire à l'opinion de la grande majorité des auteurs. Voy. Delvincourl, I, part. II, p. 392. Duranton, V. 323. Pardessus op. cit., I, 152. Taulier, II, p. 394. Demolombe, XI, 386. Mais nous regardons comme préférable le sentiment de Pothier (De la société, no 234 et suiv. 254), qui fait observer avec raison que, si la loi autorise chacun des voisins à réclamer de l'autre la construction à frais communs d'un mur de clôture, elle ne donne pas pour cela à celui des voisins qui a construit un pareil mur, le droit de forcer l'autre à en ac- quérir la mitoyenneté. Cette manière de voir nous paraît d'ailleurs une conséquence naturelle de celle que nous avons admise et développée à la note précédente. Voy. en ce sens : Toullier, III, 198. Zacharia1, § 239, note 21. Laurent, VII, 503. Douai, 13 janv. 1851, Joum. du, Pal., 1853, 1, 686. Paris, 15 juillet 1864, S., 64, 2, 221.

7 bis. Laurent, VII, 501. Req., 3 août 1836, S., 36, 1, 744.

8 Delvincourt, I, part. II, p. 392. Duranton, V, 182. Pardessus op. cit.. 1. 149. Déniante, Cours, II, 517 bis, IV. Demolombe, XI, 381. Zacharia1, S 240, note 3. Laurent, VII, 501. Amiens, 15 août 1838, S., 39, 2, 157. Cpr. aussi : Angers, 23 avril 1819, S., 20, 2, 203. Civ. cass., 15 décem- bre 1857, S., 58\ 1. 271. Req.. 1er février 1860, S., 60. 1. 972. Voy. cep. Toullier, 111. 167,

358 DES DROITS RÉELS.

Le Code a maintenu quant à la hauteur des murs de clô- ture, les règlements particuliers et les usages constants et reconnus, existant lors de sa promulgation. A défaut de pa- reils règlements ou usages, il a fixé la hauteur des murs qu'il s'agirait de construire ou de rétablir à l'avenir 9, à trente-deux décimètres dans les villes de cinquante mille âmes et au-dessus, et à vingt-six décimètres dans les au- tres.

Lorsque, les deux héritages n'étant pas de niveau, il est impossible de construire un mur de clôture qui présente la même élévation des deux côtés, chacun des voisins a le droit d'exiger que le mur ait, à partir du sol le plus élevé, la hauteur réglementaire 10. Cette partie supérieure se fait à frais communs ; quant à la partie inférieure, les frais en restent à la charge de celui des voisins qui, par des travaux exécutés dans son fonds ," aurait rendu nécessaire la cons- truction d'un mur de soutènement 41.

Du reste, si les voisins sont d'accord à cet égard, ils peu- vent donner à la clôture la hauteur qu'ils jugent conve- nable, fût-elle au-dessous de celle qui est fixée parla loi1".

9 Lorsqu'il existe entre deux héritages un mur de clôture, construit avant la promulgation du Gode, dont la hauteur est inférieure à celle qu'in- dique l'art. 6.63, aucun des voisins n'est autorisé à demander, tant qu'il n'y aura pas nécessité de le reconstruire, qu'il soit porté à la hauteur ré- glementaire. Pardessus, op. cit., I, 151. Demolombe, XI, 383. Zachariae, | 240, texte et note 7.

10 Pardessus, op. cit., I, 160. Demolombe, XI, 384. Gaen, -13 mai 1837, S., 37, 2, 333. Bordeaux, 3 mars 1873, S., 73, 2, 203. Voy.cep. Demante, Cours, II, Ml bis, V.

11 Cpr. en sens divers : Toullier, III, 162, à la note. Pardessus, op. et toc. citt. Duranton, V, no 319, p. 330, à la note. Marcadé, sur l'art. 663, no 1. Demante, op. et loc. citt. Demolombe, XI, 384 bis.

12 C'est ce qui a été formellement reconnu dans la discussion du Con- seil d'État (Locré, Lég., VIII, p. 343 et suiv., nos %\ à |gj. Zachariae, § 240, texte et note 8. Toullier, III, 163. Pardessus, I, 484. Frémy-Ligncvillc et Perriquct, II, no BT8* Pau, 14 déc. 1868, S., 88, 2, 808» Voy. cepj Demolombe, XI, 378 et 383 bis. Laurent, VII, 498.

CHAPITRE III. Des manières d'acquérir la propriété.

§ 200 bis.

Notions générales.

Les manières d'acquérir la propriété sont, comme les modes d'acquisition de droits quelconques, à titre universel ou à titre particulier. Nous ne traiterons ici que ces derniè- res, les premières devant être expliquées dans la théorie du patrimoine.

Les manières d'acquérir la propriété à titre particulier sont : l'occupation sous ses différentes formes ; l'accession ; la perception des fruits de la chose d'autrui ; les conven- tions ; l'usucapion ou la prescription acquisitive ; enfin les legs à titre particulier, dont il sera traité à l'occasion des dispositions à titre gratuit.

I. De l'occupation. § 201.

L'occupation est un moyen d'acquérir la propriété d'une chose, par le seul fait de l'appréhension de cette chose dans l'intention de se l'approprier 4.

Ce moyen d'acquérir s'applique, suivant les distinctions qui seront ci-après indiquées : aux res nullius et aux res derelictœ [occupatio pagana); au butin fait sur l'ennemi (occupatio bellica) ; au trésor et à certaines épaves {inven- tio).

1 Voy. sur ce qu'il faut entendre par appréhension : Gpr. Laurent, VIII, 437. Demolombe, XIII, 49.

179, texte 1.

360 DES DROITS RÉELS.

De l'occupation proprement dite.

Nous nous bornerons à renvoyer au § 168 pour l'indica- tion des resnullius et des tes derelictse susceptibles d'être acquises par l'occupation proprement dite.

Parmi les différents faits d'appréhension au moyen des- quels s'acquièrent les res nullius, il importe de mentionne!? spécialement lâchasse et la pèche.

a. La chasse est un moyen d'acquérir par occupation les animaux sauvages, vivant dans leur état de liberté naturelle (in laxitate naturali) i bis. Ce moyen d'acquérir ne s'appli- que pas aux animaux de nature sauvage vivant dans une sorte de domesticité, en ce qu'ils ont l'habitude de revenir à un gite fixe, par exemple, aux pigeons de colombiers, qui appartiennent au propriétaire du colombier dans le- quel ils ont l'habitude de se retirer -.

1 bis. Loi du 3 mai 1844 sur la police de la chasse, partiellement mo- difiée par la loi des 22-2o janvier 1874. Bibliographie. Législation de la chasse et de la louveterie,\)ar Berriat Saint-Prix; Paris 1845, 1 vol. in-8°. Du droit de suite, par Chatel ; Paris 1875, 4 vol. in-8o. Code de la chasse et de la Louveteric, par Leblond ; Paris 1878, 2 vol. in-12. Du droit de suite et de la propriété du gibier tué, par Sorel ; Paris -1878. 1 vol. in-8°. La chasse, suivie de la louveterieJe droit sur le gibier, la responsa- bilité des chasseurs, par Giraudeau, Soudée et Lelièvre ; Paris 1882, 1 vol. in-18. Du droit du chasseur sur le gibier, par Villequez ; Paris -1884, 1 vol. in-18. Le droit de chasse et la propriété du gibier en France, par Boulen; Paris 1887, 1 vol. in-8°. Chasse et procès, par Chenu: Paris 1890,1 vol. in-18.

2 Art. 524 et 564. Toullier, III, 13. Demolombc, XIII, 24. Lau- rent, VIII, 440. Gpr. Civ. rej., 28 janvier 1824, S.. 24, 1, 259; Ren- nes, 29 octobre 1847, I)., 49, 2, 225. Paris, il novembre 1857, S., 58. 2. 173. Il convient toutefois de remarquer que toute personne est en droit de tuer sur son terrain les pigeons qu'elle y trouve aux épo- ques où, d'après les règlements locaux, ils doivent être enfermés dans les colombiers, et même, en l'absence de règlements, lorsqu'ils causent des dommages aux semences ou aux récoltes. Loi des 4 aoùt-1 1 septembre 1789, art. 2. Gpr. Loi des 28 septembre-6 octobre 1791, tit. II. art. 12. Demolombe, X, 180. Villequez, Du droit de destruction des animaux mal- faisant s ou nuisibles, no 75 et suiv. Crim. rej., 1er août 1829, S., 29. 1. 360, Rouen, 14 janvier' 1845? S.. 45, 2. 25(5, Mais les pigeons ramiers cl

DE LA PROPRIÉTÉ. § 201. 361

La loi des 28 septembre-6 octobre 1791 règle, d'une ma- nière particulière, le droit d'occupation, en ce qui concerne les essaims d'abeilles. Aux termes de l'art. 5, fit. I, sect. III, de cette loi, le propriétaire du fonds sur lequel vient s'a- battre un essaim, est autorisé à s'en emparer, lorsque le propriétaire des abeilles ne les poursuit pas 2 àis.

La faculté de chasser sur un fonds, ne peut être exercée d'une manière licite que par le propriétaire - to\ ou Fusil- les pies ne rentrent pas dans la catégorie des bètes fauves qui peuvent être détruites en tout temps, sans autorisation, même avec des armes à feu, en cas de dommage causé aux récoltes, ce sont des animaux qui peuvent être classés, comme nuisibles et malfaisants, par arrêté préfectoral, et détruits selon les modes autorisés par l'administration. Crim. rej., 11 juin 1880, I).. 80. 1, 281, et la note, S., 80, 1, 438.

- bis. La disposition de l'article 5, sect. 3, lit. 1er, de la loi des 28 septembre-!) octobre 1791, constitue un droit spécial, restreint au cas le propriétaire de l'essaim fugitif n'a pas cessé de le suivre : il a même pour le ressaisir le droit de pénétrer dans un terrain clos. Req., 24 jan- vier 1877, S., 77, 1, 251. Les abeilles sont des animaux sauvages, non susceptibles de domestication, bien qu'elles aient la consucludo revertendi. C'esl ce qui était enseigné par Bouthillier, Somme rurale. Voir les motifs de deux arrêts de Toulouse des 3 et 30 mars 1876, S.. 77. 2,45. Cpr. trib. d'Aubusson, 30 mai 1860, S., 61, 2, 9. Par suite, le fait déverser de l'eau bouillante sur les ruches, et de causer ainsi la mort des abeilles, constitue la contravention de dommage aux propriétés mobilières d'autrui (Gode Pénal, art. 479, % 1) et non pas le délit de destruction d'un animal domes- tique (Gode Pénal, art. 454). S'il appartient au Préfet de Police et au mi- nistre de l'Intérieur de prescrire pour l'élevage des abeilles à Paris, toutes les mesures qui paraissent commandées par l'intérêt de la sécurité publi- que, l'administration ne peut toutefois subordonner l'exercice de cette industrie à la nécessité d'une autorisation préalable. Arr. Gons., 13 mars 188.'), Lebon, 296 et les conclusions de M. Levavasseur dePrécourl. La loi du 4 avril 1889, art. 9, a maintenu la règle indiquée au texte.

- ter. Lorsqu'un immeuble appartient à plusieurs propriétaires, cha- cun d'eux peut individuellement exercer le droit dédiasse, voir noie \ ci-dessous. Chenu, op. cit.. p. 8o. Crim. cass., 19 juin 1875, S., 75, 1. 328. Quant à l'usufruitier, Gpr. Giraudeau, Chasse, no 58. Il peut même, à moins de stipulations contraires, interdire la chasse au nu-propriétaire. Giraudeau, loc. cit. Puton, Régime forestier, IX, no 59. En cas d'infraction de la part de celui-ci, il s'exposerait à une action en dommages et intérêts. Ghampionnière.C/wsstf, no 12; mais il ne commettrait point un délit, ainsi que l'enseignent à tort, selon nous, Berriat Sain(-Prix. Chasse, p. 12!).

L

362 DES DROITS RÉELS.

fruitier 8, de ce fonds et par ceux auxquels ces derniers au- raient loué le droit de chasse, ou concédé la faculté de chasser *. Cette faculté n'appartient pas de plein droit au fermier en cette seule qualité 5.

D'un autre côté, la faculté de chasser est soumise à cer- teines conditions ou restrictions établies, soit par mesure de police 5 àisf soit dans l'intérêt de l'agriculture et de la con- servation du gibier. Art. 715. Loi du 3 mai 1844, sur la po- lice de la chasse, art. 1er, modifiée par la loi du 22 janvier 1874 notamment dans ses articles 3 et 4.

Mais la circonstance qu'un fait de chasse a été exercé, soit sur le terrain d'autrui B ter, soit en contravention aux

Leblond, Chasse, 204.Giraudeau, op. cit., no 763. Cpr. D. Code de la chassef art. 1er- Loi de 1844, 454.

3 L. 9, § 3, D. de usuf. (7, 1). Proudhon, De l'usufruit, III, 1209. L'usager n'a point le droit de chasse. Giraudeau, 55. Puton, ubi suprà,

4 Cpr. Grim. cass., 13 juillet 1810, S., 10, 1, 297. Crirti. cass., 21 juil- let 1865, S., 66, 1, 135. Mais en cas de copropriété de l'immeuble, l'auto- risation de chasser ou la cession du droit de chasse doivent, comme tous les attributs de la propriété, émaner de tous les copropriétaires. Grim. cass., 19 juin!875, D., 77,1, 237, S., 75, 1, 328.

'6 Cpr. | 365, texte, 1, notes 2 et 3. Chenu, op. cit., p. 86. Gaen, 6 décembre 1871, S., 72, 2, 198. Alger, 27 décembre 1876, S., 77, 2, 206.

5 bis. Quant à l'organisation de la louveterie, V. Ordonnance du 20 août 1814, Décret du 25 mars 1852, art. 5 et 17, Décret du 23 novembre 1882. En ce qui concerne la destruction des animaux nuisibles, voir arrêté du 19 pluviôse an V. Pour les primes, loi 26 septembre-6 octobre 1791, titre 1, sect. 4. art. 20. Loi du 3 août 1882. Loi du 5 avril 1884. art. 90, 9. Cpr. Req., 22 janvier 1843, S., 43, 1,845. Sur le pouvoir des préfets d'ordonner des battues pour la destruction des cerfs, biches, sangliers et autres animaux nuisibles, Arr. Cons., 1er avril 1881, Lebon, 360, et conclusions de M. Marguerie, commissaire du Gouvernement; 12 mai 1882, Lebon, 448; 23 novembre 1883, Lebon, 831. Quant au droit de détruire les fauves, et de les vendre, cpr. Riom, 19 mai 1858, S., 58, 2, 429. Grim. rej., 23 juillet 1858, S., 58, 1, 833, et la note. Voy. encore sur h; droit de détruire les hèles fauves (notamment les renards), avec armes à feu, en l'absence d'arrêté préfectoral les classant au nombre des ani- maux nuisibles. Chenu, op. cit.. p. 142 et s. Rennes, 18 juillet 1887, S., 88. 2, 116. Poitiers, 29 octobre 1886, S.. 87, 2. 8. V. corif. pour les san- gliers, Crim. rej., 29 décembre 1883, S., 85, 1, 324; pour les loups. Crim. rej., 28 avril 1883, S., 85, 1. 472.

!i ter. La loi de 1844 if accorde pas au chasseur le droit de suite qui lui

DE LA PROPRIÉTÉ. § .201. 363

règles dont il vient d'être parlé, n'empêche pas que le chas- seur devienne propriétaire du gibier qu'il a tué 6, sauf les dommages-intérêts dus à celui au préjudice duquel le fait de chasse a eu lieu, et sauf aussi la confiscation du gibier, lorsque ce fait a été commis en temps prohibé 7.

L'occupation par un fait de chasse doit être considérée comme suffisamment réalisée, non-seulement par l'appré- hension du gibier, mais encore par la simple poursuite, pourvu que la bête chassée ait été mortellement blessée, ou se trouve sur le point d'être forcée, de sorte que sa capture soit imminente et certaine. Si, en pareille circonstance, un tiers s'était emparé de la bête poursuivie, le chasseur se- rait en droit d'en demander la restitution, alors même quelle aurait été prise dans un terrain sur lequel il n'avait pas le droit de chasse 8.

appartenait d'après l'ancienne législation, et qui l'autorisait à suivre avec sa meute sur le terrain d'autrui le gibier qu'il avait levé sur son propre fonds. Toutefois, l'art. 11, 2, sans attribuer à cette poursuite le carac- tère d'un droit, mais afin de laisser à la chasse à courre la possibilité de s'exercer, décide que dans certains cas, souverainement appréciés par les tribunaux, elle peut être considérée comme excusable, mais sous la double condition qu'elle ait été faite par des chiens courants qui ont levé le gibier sur le terrain de leur maître et que celui-ci n'ait pu les rap- peler lorsqu'ils ont franchi les limites, sauf l'action civile s'il y a lieu en cas de dommage. Grim. rej., 1er mai 1880, D., 81, 1, 94, et la note. Mais si le maitre de la meute ne donne pas l'ordre de rompre les chiens, s'il continue la chasse, s'il appuie les chiens ou les maintient sur la voie de l'animal poursuivi, s'il pénètre lui-même sur le terrain d'autrui pour poursuivre la chasse jusqu'à l'hallali, il commet un délit de chasse. Chenu, op. cit., p. 81. Grim. rej., 26 juillet 1878, S., 78, 1, 440. Orléans, 27 juillet 1882, S., 83, 2, 36. Poitiers, 7 août 1889, S., 90, 2, 29.

6 Cette circonstance, en effet, n'enlève pas au gibier le caractère de res nullius. § 12, Inst. de rer. div. (4, 1). Pothier, De la propriété, 24. Toullier, IV, 7. Duranton, IV, 279 et 283. Proudhon, Du domaine privé, I, 386. Demante, Cours, III, il bis, III. Demolombe, XIII, 23. Villequez, Du, droit du chasseur sur le gibier, nos %>k et suiv. Laurent, VIII, 443. Baudry-Lacantinerie, II, 7. Gpr. Crim. cass., 17 juillet 1840, S., 40, 1, 732.

7 Loi du 5 mai 1844, art. 4, art. 16, al. 5. Sauf le cas indiqué au texte, le gibier tué en délit ne peut être confisqué.

8 Deux autres opinions ont été émises sur ce point. Suivant un premier

364 DES DROITS RÉELS.

/>. La pêche est libre dans la mer" àis et dans les fleuves on rivières qui s'y jettent, jusqu'au limites de l'inscription maritime9, en ce sens qu'elle ne s'exerce pas au profit de

système, qui se tonde sur le § 13 des [nstitutes, de rer. div. (2, 1). l'occti pation par un fait de chasse ne résulterait jamais que de l'appréhension du gibier. Voy. en ce sens : Duranton, IV, 278 : Demolombe, XIII. ■>■-.. Ce système, que nous avions primitivement adopté, nous paraît devoirêtre écarté, comme étant en opposition avec la pratique française, telle qu'elle se trouve attestée par les plus anciens documents. D'après un second sys- tème, développé par M. Villequez, Du droit du chasseur sur le gibier, p. 125 et s.. Giraudeau, Soudée et Lelièvre, op. cit.. 1039, la simple pour? suite par des chiens courants, d'une bète, même non blessée, ni sur le point d'être forcée, serait suffisante pour constituer l'occupation. .Mais c'esl aller trop loin à notre avis, puisqu'il peut très bien arriver qu'un animal poursuivi même par de bons chiens, finisse par les lasser ou par les dépis- ter, et qu'une appréhension simplement possible ne saurait être assimilée à un fait d'occupation. Voy. dans le sens de l'opinion intermédiaire admise au texte : Proudhon, Du domaine privé, I, 886. Laurent, VIII, 442. Chenu op. cit.. p. 21 et s. Dijon, 2 août 1859, et Req., 29 avril 1862, S., 63, 1. 237 et 238, et les décisions citées à la note. Civ. cass., 17 février 1879, I)., 80, 1, 121. Rouen, 10 janvier 1882, D., 82, 5, 77. Par conséquent, le chasseur qui a simplement lancé le gibier n'en est pas propriétaire, et il n'a pas le droit de le suivre sur le terrain d'autrui. Toullier, IV, 20. Demo- lombe, XIII, 25. Sorel. op. cit.. no 46. Bellaigue, Revueprat., t. XIII, ]). 513. Contra Trib. de paix de Schirmeck, 10 octobre 1859, S.. 63. 1. 237 note. En tout cas. le gibier poursuivi par les chiens de deux chasseurs n'appartient pas par moitié à chacun de ces deux chasseurs Civ. cass.. 17 décembre 1879, S., 80, 1, 169 et la note. Mais ces principes demeurent sans application, au cas de convention de deux ou de plusieurs chasseurs relativement au partage du gibier, dont la poursuite a été com- mencée par l'un et continuée par l'autre, et la preuve d'une pareille con- vention est soumise aux règles du droit commun. Req.. 3 janvier 1881, S.j 83, 1. 309. Cpr. Trib. de paix de Dourdan, S., 86, 2, 48.'

* bis. Quant au principe de la liberté absolue de la pèche maritime, Crim.cass., 29 mai 1869, D., 69, 1, 532. En ce qui concerne la pèche dans les étangs salés, Voir JJeaussant, op. cit., 872. Aucoc, Les étangs sales les bords de la Méditerranée, Recueil de l'Académie des sciences morales, 2e semestre, p. 773. Br. Paris, 1882. V. Aucoc. De la délimitation du rivage de la mer. Civ. rej., 26 juillet 1870, S., 71, 1, 52. Il résulte de cet arrêt pic la pèche appartient aux communes ou aux particuliers dans les étang| salés qui ne communiquent pas avec la mer. La loi du 1er mars 18S8 a interdit aux étrangers la pèche dans les eaux territoriales.

,J Ce sont les limites de l'inscription maritime qui déterminent, pour les fleuves cl rivières aftluaut à la mer. le point cesse la pêche maritime.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 20 1 . 365

L'État, et que toute personne peut s'y livrer, à la condition d'observer les lois et règlements qui en règlent l'exercice 10. La pèche maritime comprend non-seulement celle du pois- son, mais encore celle des choses du cru delà mer, comme lnnibre, le corail ", et les herbes marines telles que le va- rech ou goëmon12, et l'algue13. Il est toutefois à remarquer que les choses de cette nature rentrent dans la catégorie

eloù commence la pèche fluviale. Voir § 169, noie 6, 11, et Axkoc, Les étangs salés des bords delà Méditerranée, Y. Loi du 15 avril 1849, art. 3, al. 2. Ordonnance du 10 juillet 1835. Les limites entre la pèche fluviale et la pèche maritime sont fixées dans les fleuves et rivières, conformément aux indications portées dans la cinquième colonne du tableau annexé à l'ordon- nance. Décret du 20 février 1852, art. 1.

10 Ordonnance de 1681, liv. V, titre 1, art. 1. Décret sur l'exercice de la pêche entière, du 9 janvier 1854. Décrets portant règlement sur la pèche entière dans le premier, le second, le troisième et le quatrième arrondisse- ments maritimes, en date du 4 juillet 1853 (Bulletin des lois, partie sup- plémentaire, série XI, B. 35, 623). Ces quatre décrets réglementaires ont reçu de nombreuses modifications, dont l'indication se trouve dans le Recueil des lois et arrêts, S., 60, 3, 24. Décret portant règlement sur la pèche entière dans le cinquième arrondissement maritime, du 19 novem- bre 1859 (op. cit., série XI, B. 617, no 9222). Décret sur la pèche entière du 10 mai 1862. Quant à l'interprétation et à l'application de ces divers décrets, Cpr. Cire. Minist. du 12 mars 1862. Décret du 24 janvier 1863, relatif à la pêehccôtière dans le quartier de la Hougue (op. cit., série XI, B. 923, no 14437). Décret du 20 octobre 1871, relatif à la pêche côtière dans le 5mo arrondissement maritime. Décret du 20 novembre 1875, por- tant règlement sur la pêche maritime. Voir Valin, sur Tord, de 1681, t. II, p. 684. Beaussant, Code maritime, t. II, L.3, p. 169 et suiv. Plocque, de la mer. ch. 3, p. 178 et suiv. Aucoc, Des étangs salés, V.

11 Voy. sur la pêche du corail : Ordonnance de 1681, liv. IV, tit. IX, art. 29 ; Arrêté du 27 nivôse an IX ; Loi du 17 floréal an IX ; Ordonnance du 9 novembre 1844 ; Décrets du 19 décembre 1876, du 30 juin 1884. du 30 avril 1886. Plocque, op. cit., no 130.

12 Les dispositions du tit. X, liv. IV, de l'Ordonnance de 1681, sur ia coupe du varech ou goémon, ont été abrogées par l'art. 24 du décret du 9 janvier 1852. Cette matière est aujourd'hui réglée par les quatre décrets du i juillet 1853, cités à la note 10 suprà, et par le décret du 8 février !868. Bulletin des lois, partie supplémentaire, série XI, B, 1395, no 23119. V. encore Décret du 31 mars 1873, Décret du 19 février 1884. Plocque. op. cit.. nos -237 à 241.

13 La récolte de l'algue est régie par les art. 78 à 82 du décret du 19 novembre 1859, cité à la note 10 suprà. Plocque, no 228.

366 DES DROITS RÉELS.

des épaves, lorsqu'elles sont jetées sur la grève, et que, d'un autre côté, la récolte du goémon de rive 13 bis est attri- buée, d'une manière exclusive, aux communautés d'habi- tants riverains de la mer **.

Le droit de pèche s'exerce au profit de l'Etat dans les fleu- ves, rivières, canaux, contre-fossés et dépendances, navi- gables ou flottables, avec bateaux, trains ou radeaux, et dont l'entretien est à la charge de l'Etat ou de ses ayants- cause 13. A moins d'être adjudicataires delà pèche, ou d'a- voir obtenu une licence, les particuliers ne peuvent y pê- cher qu'à la ligne flottante et tenue à la main16. Tout au-

13 bis. Grim. cass., 30 mars 1882, D., 82, 1, 437. Voy. encore Civ. rej., 14 juin 1884, D., 85, 1, 271.

l* Yoy. sur les épaves, du cru de la mer : texte 3, notes 43 et 4| infrà. Plocque, op. cit., 228. V. encore Décret 8 février 1863. Voy. sur le goémon de rive : § 170, texte et note 17.

13 Loi sur la pêche fluviale du 15 avril 1829, art. 1. Adde. Loi du 6 juin 1840. Plocque, Des cours d'eau navigables et flottables, III, 629. Req., 15 janvier 1861, S., 61, 1, 161. La désignation des parties des fleuves et rivières navigables, réservées à la reproduction du poisson, et où. \,<w conséquent, la pêche est interdite, a été faite par divers décrets. Voy. àè* crets des 12 janvier 1875, 2 avril 1880 et 16 juin 1885, contenant un état des cours d'eau navigables et flottables. Décret du 23 juillet 1879, spécial au canal de l'Est. La pêche s'exerce au profit de l'Etat dans les noues, boires et fossés qui tirent leurs eaux des fleuves et rivières navigables et flottables (ce qui est spécial à la Loire et à ses affluents), sous la condition que l'on puisse en tout temps pénétrer et passer avec un bateau de pêcheur, alors même que ces dérivations seraient entretenues par l'Etat. Loi du 15 avril 1829, art. 1er, no 2 : Discussion de cette loi à la chambre des Pairs Duvergier, XXIX, p. 116. note 1. Plocque, Cours d'eau, III, p. 466, qo 629. Grim. rej., 23 mai 1873, S., 73, 1, 431. Si un fossé tirant ses eaux d'une rivière navigable n'est pas entretenu par l'Etat et que l'accès ou le passage en tous temps et par bateau de pêche n'en soit pas possible, le droit de pêche n'appartient pas à l'Etat, mais aux propriétaires riverains. Grim. cass., 17 décembre 1880, S., 82, 1, 143. La concession à perpétuité d'un canal comprend le droit de pêche. Plocque, op. cit., III, 629. Paris, 9 octobre 1867, S., 67, 2, 343. Voir également note 23, infrà.

16 Art. 5, al. 3, de la loi du 15 avril 1829, et art. 10 de la même loi modifié par l'art. 1 de celle du 6 juin 1840. Plocque, Cours d'eau. III. n<> 686. Voy. sur ce qu'il faut entendre par ligne flottante : Paris, 21 niai 1851, S., 51,2, 333. Paris, 5 février 1852, S., 62, 2,564. Rouen, 1er août 1878, S., 81, 2, 178. Nancy, 8 décembre 1887, S., 87, 2, 236. Cpr. De la

DE LA PROPRIETE. § 201. 367

tre procédé de pêche y est interdit, et spécialement de pren- dre du poisson à la main 17.

Dans les rivières et canaux autres que ceux ci-dessus dé- signés, les propriétaires riverains ont le droit de pêche, chacun de leur côté, jusqu'au milieu du cours de l'eau, sans préjudice des droits contraires établis par possession ou ti- tre 18, et sauf les restrictions résultant de décrets rendus en conformité de la loi du 31 mai 1865 19.

La faculté accordée à toute personne de pêcher à la li- gne flottante, tenue à la main, ne s'applique pas aux riviè- res dans lesquelles le droit de pêche appartient aux riverains20.

Du reste, la pêche dans des cours d'eau quelconques, ne peut s'exercer que conformément aux dispositions établies pour la conservation et la police de la pêche.

Le poisson péché en délit, dans un cours d'eau quelcon- que, n'en devient pas moins la propriété du pêcheur qui s'en

liberté de la pêche à la cuiller sur le lac du Bourget et sur les cours d'eau du domaine public en France, par François, br. in-8°, 1880. Ghambéry, 13 mai 1880, Gazette des Tribunaux du 21 août 4880. D., 84, 5, 379. Cet arrêt assimile la ligne à la cuiller à la ligne flottante. v Crim. cass., 2 août 1860, S., 61, 1, 108.

18 Loi du 15 avril 1829, art. 2.

19 Voy. décret du 25 janvier 1868, portant règlement de la pêche fluviale. Ce décret est abrogé par ceux du 10 août 1875, du 18 mai 1878, portant réglementation du droit de pêche. Dans le cas des cours d'eau seraient rendus ou déclarés navigables ou flottables, les propriétaires privés du droit de pêche ont droit à une indemnité préalable à déterminer d'après les règles en matière d'expropriation. Loi du 15 avril 1829, art. 3. Dis- cussion de la loi devant la Chambre des Pairs. Duvergier, Lois, p. 118, note 1. Sur les contestations relatives au droit de pêche en cas de décla- ration de domanialité d'un cours d'eau, voir Plocque, Cours d'eau, III, nos 632 et 633. Tribunal des Conflits, 21 juin 1850, Lebon, 599. Arr. Cons., 14 décembre 1864, Lebon, 992

20 C'est ce qui ressort du rapprochement des art. 1 et 2 de la loi du 15 avril 1829, et de l'art. 5, al. 3, de la même loi. Crim., cass., 4 juillet 1846, S., 47, 1, 72. V.Paris, 9 octobre 1867, S., 67, 2, 343, pour le canal de l'Ourcq appartenant à la ville de Paris. De même pour des riverains appartenant au domaine privé de l'Etat. Dijon, 11 décembre 1872, S., 73, 2, 282. Pour les fossés de fortifications concédés, Amiens, 13 mars 1874, S., 73, 2, 49.

368 DES DROITS REELS.

est emparé ", sauf la restitution du prix de ee poisson à ce- lui auquel appartient le droit de pêche, et le paiement des dommages-intérêts qui peuvent lui être dus, et sauf aussi, s'il y échet, la confiscation du poisson"'.

La pèche dans les canaux privés, dans les lacs et étangs, appartient exclusivement aux propriétaires de ces eaux : et nul autre n'est admis à y pécher, môme à la ligne flottante, sans le consenteinentde ces derniers ou de leurs concession- naires "3. La soustraction du poisson péché dans un étang, constitue môme un délit de vol u.

De l'occupation par fait de guerre.

On acquiert par occupation le butin fait sur l'ennemi, conformément au Droit de la guerre, tel qu'il est prati- qué d'après nos usages, lorsqu'il s'agit d'une guerre sur terre "H bis.

Quant aux prises maritimes, les conditions et les effets en sont réglés par des lois spéciales, et par des conventions internationales"1.

-1 Cpr. Proudhon. Du domaine privé. I, 368. Baudry-Lacantinerie, 11. no 8. Voy. cep. Demolombe, XIII, 29. Laurent, VIII, U(>.

■^ Cpr. art. 5 et 42 delà loi du 15 avril 1829.

23 Paris. 9 octobre 1867. S., 67, 2, 343. Les principes établis plus hau pour l'exercice du droit de chasse, en ce qui concerne l'usufruitier, l'usa- ger et le fermier, s'appliquent également à la poche. Cpr. Plocque, Cours d'eau. III. 631. Lorsqu'un étang communique librement avec une ri- vière navigable et flottable, il y a lieu d'appliquer les lois relatives à h* pêche fluviale. Req., 6 mars 1867, S., 68, 1, 84. Grim. rej,. 4 août 1871 S., 7-2, 1, 200. Crim. cass.,:i déc. 1884, S., 85, 1, 139.11 a été jugé avec raison, selon nous, que le propriétaire d'un lac a seul le droit, de pêche* dans la partie des fonds riverains recouverte par les eaux au moment des crues : ce droit ne saurait être exercé par les propriétaires de ces fonds, Plocque, Couva d'eau. III. 630. Chambéry, 1er février 1870, S.. 70. 2. 149. Quant au terrain couvert par les eaux d'une rivière au moment d'une inondation, Cpr. (iarnier, Hégime des eaux, t. Ml, 801. Bourges, 24 février 1853, S., 53, 2, 203.

-"'Code civil, art. 524. Code pénal, art. 388, al. 2. Dijon, 11 déc. 1872. I).. 74. 2, 247.

'' bis. Laurent, VIII. 438.

-•Cpr. Ordonnance de 1081. liv. III, tit. I\ et \. Règlement du 26 juil

DE LA PROPRIETE,

201

869

De l'invention,

a. Du trésor. La loi attribue à l'inventeur la moitié du trésor découvert par le pur effet du hasard, l'autre moitié restant au propriétaire de la chose dans laquelle il a été trouvé. Art. 716 2,!.

On entend par trésor, tout objet 2C bis caché ou enfoui -\ dans un immeuble ou dans un meuble 28, et de la propriété duquel personne ne peut justifier. Art. 716. La circons- tance que la chose cachée ou enfouie se trouverait être de création plus ou moins récente, n'empêcherait pas que

lot 1778. Arrêté du 2 prairial an XI. Décret du 28 avril 4856, portant promulgation do la déclaration du 16 avril 1856, qui règle divers points do Droit maritime. De jure Prxdœ par Grotius, trad. Hamaker ; La Haye 1868, 1 vol. in-8o. Bravant, Manuel de Droit commercial, liv. 11, chap. XV, p. 537 et suiv. Cpr. Jurisprudence du Conseil des Prises par Bar- boux ; Paris 1874, i vol. in-8°. Des Prises maritimes, par Delalande ; Paris, 1875, i vol. in-8o. De la propriété privée ennemie sous le 'pavillon ennemi, par De Bœck, Paris 1881, 1 vol. in-8°.

20 Cpr. sur cet article : Dissertation, par Latour, Hevue de législation, 1852, II, p. 40 et suiv. 1853, I, p. 277 et suiv. Voy. aussi, sur le cas le trésor a été découvert dans le mur d'un bâtiment vendu pour être dé- moli : Paris, 28 décembre 1825, S., 26. 2, 270.

ÎC bis. Le Trésor est nécessairement une chose mobilière. Demolombe. XIII, 36. Paris, 20 novembre 1877, S., 78, 2, 293. Rcq., 13 décembre 1881, S., 82, 1,255. On ne peut donc considérer comme un trésor, ni une mosaïque ancienne adhérant au sol et renfermée dans des murs épais (elle appartient pour le tout au propriétaire de l'immeuble. Voyez, suprà § 164, note 1 ter) ; ni une statue placée dans une niche et devenue immeu- ble par destination. Paris, 22 décembre 1874.

27 Les tombeaux antiques et les objets précieux qui s'y trouvent peuvent- ils être considérés commodes trésors ? Gpr. Latour, op. cit.. 1852, II, p. 53. Demolombe, XIII, 37. Bordeaux, 6 août 1800, S.. G, 2. 175. Lyon, 19 lévrier 1856, S., 56, 2. 307.

28 La définition que le second alinéa de l'art. 716 donne du trésor, n'en restreint pas l'idée aux choses cachées dans un fonds de terre ou dans un bâtiment. Quoique le premier alinéa de cet article ne paraisse avoir eri vue qu'un objet trouvé dans un immeuble, il n'en est pas moins applica- ble à l'hypothèse plus rare d'un trésor découvert dans un meuble : Eadem est ratio. Duranton, IV, 311. ftlarcadé, sur l'art. 716. 2. Demolombe, XIII, 34. Zachariœ, § 200, note 5. V. cep. Laurent, VIII, 453.

h 24

370 DES DROITS RÉELS.

cette chose constituât un trésor 29, si d'ailleurs personne n'était à même dejjustifier de sa propriété 29 bis.

On doit considérer comme inventeur celui qui, le premier, a rendu le trésor visible, bien qu'il ne Fait pas appréhendé, qu'il ne l'ait rendu visible qu'en partie, ou que môme il n'ait pas tout d'abord reconnu que ce fût un trésor30. Si un trésor avait été trouvé dans le cours de travaux auxquels plusieurs ouvriers étaient employés en commun, la moitié de ce trésor reviendrait exclusivement à celui qui l'a misa découvert31.

Le bénéfice de l'invention, qui ne s'exerce que sur les trésors

29 La loi 31, § 1, D. de acq. rer. dom. (41, 1), définit le trésor : Vêtus quxdam depositio pecunix, cujus non exstat mentor ia. Cette définition est exacte, sans doute, en ce^ sens qu'une chose cachée ou enfouie ne prend réellement le caractère de trésor qu'autant que personne ne peut justifier de la propriété de cette chose, ce qui ne se rencontre d'ordinaire que pour les dépôts anciens. Mais on aurait tort d'en inférer qu'un dépôt, de date plus ou moins récente, ne constituerait pas un trésor dans le cas même où, par suite de circonstances exceptionnelles, personne ne saurait en éta- blir son droit de propriété sur l'objet déposé. Aussi l'art. 716 ne rappelle t-il pas la condition de l'ancienneté du dépôt. Duranton, IV, 311. Proud- dhon, Du domaine privé, I, 398. Demolombe, XIII, 40. Zachariae, loc. cit. Cpr. Toullier, IV, 36. Bordeaux, 22 février 1827, D., 1827, 2, 104. Or- léans, 6 septembre 1853, S., 56, 2, 54.

29 bis. C'est ainsi qu'il a été jugé avec toute raison suivant nous, que l'on ne saurait appliquer les principes posés par l'art. 716 au cas ou l'acheteur d'un objet mobilier (une pelote de ficelle) y découvrirait un paquet de billets de banque. En effet, le propriétaire étant connu, ces valeurs appartiennent pour le tout à la succession. Demolombe XIII, 33, 38 et 39. Baudry-Lacantinerie, II, 12. Laurent, VIII, 456. Paris, 27 avril 1868, S., 68,1, 141. Le trésor est un objet dont le propriétaire est inconnu.

30 Delvincourt, II, part. II, p. 5. Déniante, Cours, II, 12 bis. Demolombe, XIII, 30 bis, 47 et 54. Zachariae, § 200, texte et note 6. Baudry-Lacanti- nerie, II, 12. Laurent, VIII, 447 à 451. Bruxelles, 15 mars 1810, S., 10, %, 230. Paris, 9 juillet 1872, S., 72, 2, 138. Si les perquisitions et recherches ont été faites par le propriétaire môme du fonds, il acquiert la propriété de la chose découverte. Cette acquisition a lieu non par l'effet des règles sur l'invention mais comme conséquence du droit de propriété qui s'étend au-dessous. Arg. art. 552. Laurent, VIII, 449.

31 Demolombe, XIII, 55. Laurent, VIII, 451. Angers, 25 mai 1849, S., £93 % 375.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 201. 371

dont la découverte est due au hasard, ne peut être invoquée ni par l'ouvrier que le propriétaire d'un fonds a chargé d'y faire des fouilles ayant pour objet la recherche d'un trésor3', ni par le tiers qui, dans le même but, aurait fait des perquisitions non autorisées par le propriétaire 33. Dans Tune et l'autre de ces hypothèses, le trésor appartient en totalité à ce dernier. Art. 552.

Mais l'ouvrier, travaillant sur le fonds dautrui, a droit à la moitié du trésor qu'il a découvert, sans avoir été spécia- lement chargé de le rechercher 3*, alors même que le pro- priétaire de ce fonds lui aurait recommandé de porter son attention sur les objets précieux qui pourraient s'y trou- ver33. La même solution s'appliquerait au tiers qui aurait découvert un trésor sur le fonds d'autrui, à l'occasion de travaux entrepris sans le consentement du propriétaire, mais dans tout autre but que celui de la recherche dun trésor36.

Du reste, l'inventeur qui a tenté de s'approprier la tota- lité du trésor, en cachant la découverte au propriétaire du

82 Delvincourt, loc. cit. Duranton, IV, 316. Demante, Cours, II, 12 bis, M. Marcadé, sur Fart. 716, no 1. Demolombe, XIII, 50. Zachariae, § 200, texte, à la note 8. Laurent, VIII, 430. Orléans, 10 février 1842, S., 42, 1 435.

33 Arg. art. 716. Pothier, De la propriété, 65. Duranton, IV, 317. Demolombe, XIII, 150. Zachariae, loc. cit. Laurent, VIII, 449. La so- lution donnée au texte serait, à notre avis, applicable même au cas les fouilles, tendant à la recherche d'un trésor, auraient été faites par un pos- sesseur de bonne foi. Ce possesseur devrait, sur l'action en revendication du fonds dans lequel le trésor a été trouvé, le restituer intégralement au véritable propriétaire de ce fonds. Il ne pourrait pas en retenir la moitié à titre d'invention, puisque la découverte du trésor n'a pas été l'effet du hasard, et que la qualité de possesseur de bonne foi ne change pas la na- ture du fait qui a amené cette découverte. Voy. en sens contraire : Demo- lombe, XIII, 53.

34 Duranton, IV, 315. Demolombe, XIII, 50. Zachariae, § 200, texte et note 9. Bruxelles, 15 mars 1810, S., 10, 2, 230. Paris, 25 décembre 1825, S., 26,2, 271.

85 Rouen, 3 janvier 1853, S., 53, 2, 335.

3B Demolombe XIII, 52. Zachariae, § 200, note 8. Voy. cep. Toullier IV, 35. Laurent, VIII, 449.

;]T2 DES DROITS RÉELS.

fonds dans lequel il a été trouvé, nVst pas pour ce seul fui privé de la moitié à Laquelle il a droit 87.

Celui qui se prétend propriétaire d'un objet caché ou en- foui, qu'on aurait indûment considéré comme un trésor, es admis à justifier de sa propriété par témoins, et même à l'aide de simples présomptions, alors môme que la valeur de l'objet dépasserait 150 fr. 38. Son action en restitution contre ceux qui se sont approprié le prétendu trésor, ne se prescrit que par trente aimées à dater du jour de la dé- couverte 3;|.

b. Des épaves. Le mot épaves désignait dans notre ancien Droit, toute espèce d'objets perdus ou égarés vo. On l'avait

37 Demolombe, XIII, 49. Rouen, 3 janvier 1853, S., 53, 2, 335. Maif l'inventeur pourrait, en pareil cas, cas, être poursuivi comme coupable de vol, si les circonstances dénotaient de sa part une intention frauduleuse, concomitante à la découverte même du trésor. Demolombe, toc. cit. Lau- rent, VIII, 452. Rouen, 12 février 1825, D., 27, 2, 56. Crim. cass., 18 mai 1827, S., 27, 1, 491. Rouen, 3 janvier 1853, S., 53, 2, 335. Cpr. Crim. cass., 2 août 1816, S., 17, 1, 52. Voy. en sens contraire : Carnot, Conm mentaire sur le Code pénal, sur l'art. 379, no 16. Rauter, Droit criminel, II, 507.

38 Toullier, IV, 36. Duranton, IV, 311, Demolombe, XIII, 39. Zacharia>, § 200, texte et note 7. Riom, 26 février 1810, S., 14, 2, 102. Amiens, janvier 1826, S., 27, 2, 161. Bordeaux, 22 février 1827, S., 27, 2, 111 En effet l'article 1341 est inapplicable en ce cas, et il y a lieu de s'en tenii aux règles établies par l'art. 1348.

39 On reconnaît généralement que la maxime En fait de meubles, pos- session vaut titre, ne peut être invoquée par celui qui a pris possession d'une chose cachée ou enfouie, de la propriété de laquelle un tiers est même de justifier. Il ne s'agit point ici, en effet, d'une véritable revends cation, mais bien d'une action personnelle en restitution, fondée sur Pinei ficacité du prétendu titre en vertu duquel le possesseur de cette chos< s'est cru autorisé à s'en attribuer la propriété. Et cette action, à laquel ne s'applique, ni le délai de trois ans établi par l'art. 2279, ni laprescri tion décennale de l'art. 1304, n'est par cela même soumise qu'à la pics cription de trente ans. Demolombe, XIII, 38 bis. Laurent, VIII, î5(i Angers, 15 juillet 1851, S., 51, 2, 491. Trib. de Nîmes, 10 mars 1880 S., 81, 1, 95.

40 On fait ordinairement dériver le mot épaves du verbe expavesce>'i étymologie qui en restreindrait la signification primitive aux animaux et frayés et errants, dont le propriétaire était inconnu. Voy. Ferriere, Diô> lionnaire de Droit, Epaves ; de Laurière, (ilossaivc du Droit françait eod. v°.

DE LA PROPRIÉTÉ. 1 201.

373

môme étendu à certaines choses du cru de la mer, telles que l'ambre, le corail, le goëmon et l'algue, en tant que ces objets se trouvaient jetés sur la grève par les flots ; et c'est dans le même sens que les décrets relatifs à la pèche en- tière ont employé les expressions goémons ou algues épaves.

D'après l'art. 717, les droits sur les effets jetés à la mer, sur les objets que la mer rejette, et sur les choses perdues dont le maître ne se représente pas, sont réglés par des lois particulières.

L'Ordonnance de la marine de 1681 et les décrets sur la pêche côtière, cités à la note 10 de ce paragraphe, règlent d'une manière complète le sort des épaves maritimes.

Celles de ces épaves qui n'appartiennent pas en totalité à l'Etat 4I, ou bien sont attribuées à l'inventeur d'une ma- nière exclusive, ou bien partagées entre l'Etat et ce dernier dans la proportion des deux tiers au tiers.

Dans la première catégorie se trouvent: les ancres tirées du fond de la mer ; les vêtements des naufragés *2 ; et les herbes marines détachées par les flots et j etées sur la grève 43.

Dans la seconde catégorie figurent : les objets naufra- gés, repêchés en pleine mer, autres toutefois que les ancres ; l'argent, les bijoux ou effets précieux trouvés sur les cada- vres des naufragés ; et, à l'exception des herbes marines, toutes les autres choses du cru de la mer jetées sur la grève, telles que l'ambre, le corail, les poissons à lard u.

Les épaves fluviales, c'est-à-dire les objets trouvés sur les bords ou dans le lit des fleuves ou rivières navigables ou flottables, appartenant entièrement àrEtat,nous n'avons pas à nous en occuper ici43.

41 Voy. sur les épaves maritimes dont la propriété est attribué d'une ma- nière exclusive à l'Etat : § 170, texte et note 15.

42 Ordonnance de 1681, liv. IV, tit. IX, art. 28 et 35. v3 Voy. les décrets cités aux notes 10, 12 et 13 suprà.

44 Ordonnance de 1681, liv. IV, tit. IX, art. 27, 29 et 36. Voy. Douai, 18 décembre 1882, S., 83, 2, 28.

43 Gpr. sur les épaves fluviales : § 170, texte et note 13. Ordonnance des eaux et forêts du mois d'août 1669, tit. 31, art, 16 et 17.

374 DES DROITS RÉELS.

Quant aux objets trouvés dans les cours d'eau qui ne for- ment pas des dépendances du domaine public, on les com- prend parmi les épaves terrestres.

Différentes lois spéciales, qui ont été indiquées au § 170, confèrent à l'Etat la propriété : des objets restés déposés dans les greffes des tribunaux, dans les lazarets, et dans les bureaux de douanes ; des colis confiés à des entrepre- neurs de roulage ou de messageries ; enfin des sommes ver- sées dans les caisses des agents des postes, et des valeurs déposées ou trouvées dans les boites ou guichets des bu- reaux de poste, lorsque ces objets, colis, sommes, ou va- leurs n'ont pas été réclamés dans les délais à ce fixés48^.

Mais il n'existe pas de disposition législative concernant les autres espèces d'épaves terrestres, et notamment les choses perdues proprement dites. De cet état de la légis- lation, on doit inférer que ces épaves appartiennent à l'in- venteur, sous la réserve de l'action en restitution, qui reste ouvert au propriétaire46.

45 bis. Greffes des tribunaux : loi du 11 germinal an IV, modifiée par l'ordonnance du 22 février 1829 (objets déposés à l'occasion des procès civils et criminels). Le délai delà réclamation est fixé à 30 ans, conformé- ment à l'art. 2262, G. c. Telle devrait être d'après Valette, De la distinc- tion des biens, p. ,91, la règle générale aux termes de l'art. 2227, qui sou- met l'Etat aux mêmes prescriptions que les particuliers. Cependant le sa vant professeur reconnaît que cette proposition hardie est repoussée par la pratique et qu'elle est en opposition avec divers textes de lois spéciales. Lazarets : loi du 3 mars 1822 sur la police sanitaire, art. 20. Bureaux de douanes: lois des G-22 août 1791, tit. 9, art. 2 et 5. Objets confiés à des entrepreneurs de roulage ou de messageries: décret du 13 août 1810. Bu- reaux de poste : loi du 31 janvier 1833, art. 1 ; loi des finances du .v> niai 1855, loi du 15 juillet 1882, réduisant à cinq ans le délai de prescription.

46 Les épaves terrestres appartenaient autrefois aux seigneurs haut jus- ticiers, soit pour la totalité, suivant, la majeure partie des coutumes, soit. d'après quelques autres, pour les deux tiers seulement, le troisième tiers se trouvant réservé à l'inventeur. L'art. 7, tit. 1, de la loi des 13-20 avril 1791 enleva le droit d'épave aux ci-devant seigneurs, sans toutefois indi- quer à qui appartiendraient à l'avenir les choses trouvées. Dans l'opinion de Proudhon (Du domaine j)rivé, I, -417), le sort des épaves terrestres de- vrait encore actuellement être réglé par les anciennes coutumes ; elles appartiendraient ainsi, soit pour la totalité, soit pour les deux tiers, ;i 1 lv

DE LA PROPRIÉTÉ. § 201. 375

Ceux qui trouvent des choses perdues ne sont même pas légalement tenus d'en faire la déclaration47 ; et le seul fait de les avoir gardées sans accomplir cette formalité, ne cons- titue pas un vol 48.

tat, qui se trouve aujourd'hui substitué aux droits des anciens seigneurs. Mais l'argument que cet auteur tire du second alinéa de l'art. 717 ne nous paraît pas admissible, puisque, en se référant à des lois particulières, cet article n'a pu avoir en vue d'anciennes coutumes, dont les dispositions en ce qui concerne le droit d'épave, avaient été précédemment abrogées. Suivant une autre opinion, professée par Merlin (Rép., Épaves), et Fa- vard (Rép., Propriété, sect. I, no 11), qui se fondent sur l'art. 3 de la loi des 22 novembre-ler décembre 1790 et sur les art. 539 et 713 du Code civil, les épaves appartiendraient toujours en totalité à l'État, comme biens vacants et sans maître. Cpr. aussi : Arr. Gons., 5 janvier 1821, S., 21, 2, 70. Cette manière de voir est, à notre avis, en opposition formelle avec le second alinéa de l'art. 717, qui n'aurait aucun sens si la propriété des choses perdues devait, en vertu des art. 539 et 713, être attribuée à l'État. D'ailleurs les choses perdues ne rentrent pas sous l'idée de biens vacants et sans maître, puisque le propriétaire a une action pour les réclamer, et que nul ne peut se les attribuer que provisoirement et sous la réserve de cette action. L'opinion émise au texte a été consacrée par une décision du ministre des finances, en date du 3 août 1825 (S., 26, 2, 2), comme la plus conforme à l'équité et au véritable intérêt du proprié- taire. Voy. également dans ce sens : Delvincourt, II, part. II, p. 6. Gar- nicr, Traité des rivières, I, 143 à 145. Duranton, IV, 325 et 326. Taulier, II, p. 183. Marcadé, sur l'art. 717, 2. Du Caurroy, Bonnier et Rous- tain, II, 394. Boucher d'Argis, Observations, S., 56, 2, 54. Demolombe, XIII, 71. Zacharice, § 200, texte et note 4. Valette, op\ cit., p. 89 et 92. Laurent, VIII, 463.

47 Les dispositions des coutumes qui imposaient aux inventeurs l'obli- gation de déclarer et de remettre aux officiers de police ou de justice les objets sur eux trouvés, étant abrogées, et nos lois nouvelles ne les ayant pas reproduites, il faut reconnaître qu'il n'incombe à ce sujet aux inven- teurs qu'un devoir moral de probité. Demolombe, XIII, 73. Cependant, dans les villes l'administration a pris des mesures pour le dépôt et la publication des objets trouvés, le devoir de les déclarer est d'une nature plus stricte, et par cela même le silence de l'inventeur élève contre lui une grave présomption d'avoir cherché à s'approprier la chose d'autrui. Demolombe, XIII, 74. Laurent, VIII, 464. Cpr. la note suivante.

48 Plusieurs auteurs enseignent môme que l'appréhension d'une chose trouvée, lut-elle accompagnée de l'intention frauduleuse de se l'approprier, ne constitue pas un vol, par le motif que l'élément matériel de ce délit, à savoir la soustraction de la chose d'autrui, ne se rencontrerait pas dans un

376 DES DROITS RÉELS.

L'action en restitution, qui compète au propriétaire con- tre l'inventeur, dure trente ans, à partir du jour celui-ci a trouvé la chose perdue

49

H. De V accession. $ 202. Généralités.

L'accession est un moyen d'acquérir la propriété d'une chose, par le fait de son union ou de son incorporation à une chose qui nous appartient '. Art. 551.

Lorsque la chose, qui vient s'unir à la nôtre, n'avait pas an- térieurement de maître, elle nous est acquise par une sorte de

pareil fait. Voy. Bourguignon, Jurisprudence des Codes criminels, III, p. 36-1. Carnot, Commentaire du Code pénal, sur l'art. 379, n<>12, et sur l'art. 383, 4. Rauter, Droit criminel, II. 507. Mais ces auteurs nous paraissent avoir restreint d'une manière arbitraire ridée de soustraction de la chose d'autrui, soustraction qui se comprend alors même que le propriétaire de la chose n'en aurait pas la possession dans le sens du droit civil. Nous estimons que si l'appréhension d'une chose trouvée a été ins- tantanément accompagnée de l'intention de l'approprier, ce fait constitue un vol. Chauveau et Hélie, Théorie du Code pénal, VI, p. r>79.Dcmolombe, XIII, 74. Laurent, VIII, 465. Blanche, Etudes sur le Code pénal, 2^ édit., par Dutruc; Paris \ 888, V, 466. Orléans, 6 septembre 4853, S., 56, 2, 54; Paris, 9 novembre 1855, S., 56, 2, 49. Chambéry, 23 septembre 1 861 \ Journal des Cours de Grenoble et de Chambéry, 1861, p. 297. Crim. rej.j 30 janvier 1862, S., 63, 1, 54. Voy. aussi les autres décisions citées dans les observations de Devilleneuve sur l'arrêt de Paris précité. Cpr. cepen- dant Crim. cass., 7 sept. 1855, S., 56, 1, 81. Les circonstances du lait ont en pareille matière une influence considérable sur la solution juridi- que. Crim. cass., 11 juillet 1862, S., 63, 1, 54.

49 La déchéance que l'art. 2279 attache à l'expiration du délai de trois ans, ne peut être opposée qu'à l'action en revendication formée contre le tiers possesseur d'une chose perdue. Elle est, étrangère à l'action person- nelle en restitution dirigée contre l'inventeur lui-même. Duranton, IV, 329. Déniante, Cours, 11,14 bis, II. Demolombe, XIII, 71. Laurent] VIII, 463 et mi Angers, 13 juillet 1851, S., 51, 2, 491.

1 Cpr. sur la distinction à établir entre l'accession considérée comme moyen d'acquérir, et l'accession envisagée comme litre ou présomption de propriété 192, noie 1 .

led?

DE LA PROPRIÉTÉ, § 202. 377

nécessité juridique, et par cela même que personne ne peut avoir le droit de la réclamer. Res nullités quse nostrm reiac- cedit, fit nostra.

Dans le cas. au contraire, les deux choses actuelle- nient réunies appartenaient avant leur réunion à des pro- priétaires différents, la rigueur du Droit conduirait à re- connaître à chacun d'eux, la faculté d'en demander la sé- paration. Mais comme, clans la plupart des cas, cette sé- paration ne pourrait avoir lieu sans dégradations, et que souvent même elle serait absolument impossible, l'équité et l'utilité générale exigent que le tout formé par la réunion de deux choses appartenant à des propriétaires différents, soit attribué à l'un deux, sauf indemnité à l'autre.

Cette attribution se détermine, en général, d'après la ma- xime Accessio cedit principali 2.

Cependant, dans certain cas, la loi, au lieu d'attribuer le tout formé par la réunion de deux choses appartenant à des propriétaires différents, à l'un de ces propriétaires, le dé- clare commun entre eux dans une certaine proportion. Gpr. art. 572 et 573.

D'un autre coté, il est des hypothèses notre Code, écartant le principe de l'accession, attribue la propriété de certaines choses à des personnes auxquelles elles n'appar- tiendraient pas d'après ce principe. Cpr. art. 560 et 563.

L'accession pouvant être le résultat, soit -d'un événe- ment de la nature, soit d'un fait de l'homme, soit enfin de la combinaison de ces deux causes, les anciens jurisconsul- tes divisaient l'accession en naturelle, industrielle, et mixte ; mais cette division n'offre aucun intérêt pratique. Voy. art. 546.

Le Code Civil, en s'attachant uniquement à la nature, mobilière ou immobilière, de la chose à laquelle une autre chose vient s'unir ou incorporer, s'occupe, dans deux sec- tions différentes, de l'accession relativement aux choses im- mobilières, et de l'accession relativement aux choses mo-

2 L. 19, § 13, D. de aur. arg. (34, 2),

378 DÈS DROITS RÉELS.

bilières. Mais l'accession quant aux immeubles comprerx' en réalité deux hypothèses distinctes, suivant que la chose qui s'unit ou s'incorpore à un immeuble est elle-même im- mobilière ou mobilière. Nous traiterons, dans les trois pa- ragraphes suivants, de l'accession dune chose immobilier à un immeuble, de l'accession des choses mobilières à ui immeuble, et enfin de l'accession d'un meuble à un meuble

Le loi considère aussi comme une sorte d'accession, passage spontané des pigeons d'un colombier, des lapin: d'une garenne, ou des poissons d'un étang, dans un autri colombier, garenne, ou étang. Art. 5G4 3. Ces animau deviennent la propriété du propriétaire du fonds sur le quel ils se sont établis, sans qu'il soit tenu à aucune in demnité au profit de leur ancien maitre. Que s'ils avaien été attirés par fraude ou artifice, ce dernier serait autorifj aies revendiquer ou à en réclamer la valeur, à supposer bien entendu, qu'il pùtjustifier de leur identité 4.

S 203. 1 . De. V accession d'îtne chose immobilière à un immeubm

a. De Valluvion.

On entend par alluvion ratterrissement qui se forme suc cessivement et imperceptiblement aux fonds riverains d'ur.

3 Cpr. Req., 22 juillet 1861, S.. 64, 1, 825.

4 Le droit de revendication nous parait ressortir de la disposition final de l'art. "M\\ et des explications données par le tribun Faure, dans son rap portau Tribunat (Locré, Lég.t VIII, p. 187, 24). Hennequin, I. ;»/ll Taulier, II, p. 287.Chavol, De la propriété mobilière, II, 538. Demolombl X, 178. Laurent, VI, 3H. Voy. cep. Pothier, De la propriété, 167 Duraiiton, IV. 428 ; Mareadé, sur l'art. 564; Du (Haurroy, Bonnier e Roustain, 11,12!); Dupin, Encyclopédie-, Accession, 27 ; Zacharifl £ 203, note 17. Ces derniers auteurs, dont l'opinion est plus exacte pure théorie, cl abstraction l'aile de la disposition de l'art, 564, n'.r cordent à l'ancien maitre qu'une action en dommages-intérêts, fondi surledol commis à son préjudice. Cpr. Bordeaux, 20 février 1888. D. 8(J, 2. 161.

DE LA PROPRIÉTÉ. S 203. 379

cours d'eau naturel1. L'atterrissement ainsi formé appar- tient au propriétaire du terrain auquel il adhère. Art. 556. Le bénéfice de l'alluvion ne peut de sa nature être invo- qué que par les propriétaires dont les fonds s'étendent jus- qu'à l'extrémité de la rive, et n'ont d'autre limite que le cours d'eau lui-même. Il en résulte que l'alluvion ne pro- fite, ni aux propriétaires dont les fonds sont séparés du cours d'eau par une voie publique 2, ni aux riverains d'une

1 Valette [Distinction des biens, p. 154) décrit en ces termes l'alluvion : «Ces atterrissements et accroissements successifs et imperceptibles ont lieu quand de petites portions de terre ou de sable détachées d'un fonds par l'action de l'eau, se déposent contre un autre fonds et y demeurent fixées.» C'est la définition romaine : « Est autem alluvio incrernentum latens, quod iia paulatim adjicitur, ut intelligere non possis quantum quoquo momento temporis adjiciatur. » § 20, Inst. de ver. div. (2, 1). Cpr. sur l'alluvion et sur les autres accessions produites par les eaux : Traité du droit d'alluvion, par Chardon ; Paris 1830, 1 vol. in-8 ; Dupin, Ency- clopédie du Droit, Alluvion. Plocque, Des Cours d'eau, I, 23. Des allu- vions artificielles, par Marais ; Yvetot 1872, 1 vol. in-8°. Laurent, VI, 283. Wodon, Répertoire général des eaux, Alluvion, 1878. Choppard, Dissertation; Revue critique, 1879, p. 739. Du droit d'alluvion, par Ayral ; Paris, 1880, 1 vol. in-8°. La loi française se conforme en cette matière aux règles du droit romain. A l'alluvion quelques auteurs oppo- sent ce qu'ils nomment déluvion, c'est-à-dire le phénomène inverse la diminution résultant de l'action de l'eau. Ce sont là, pour les riverains, des chances réciproques de bénéfices et de pertes qui ne donnent lieu à aucune indemnité. Valette, loc. cit., Laurent, VI, 281.

- L'alluvion profite, en pareil cas, à la commune, au département, ou à l'État, suivant qu'il s'agit d'un chemin vicinal, d'une route départemen- tale ou nationale. Chardon, 159. Proudhon, Du domaine public, IV, 1271. Garnier, Traité desrivières, I, 83, Demolombe, X, 46. Zacharice, § 203, texte et note 6. Laurent, VI, 292. Civ. cass., 12 décembre 1832, S., 33. 1, 5. Civ. cass., 16 février 1836, S., 36, 2, 405. Cpr. cependant, en ce qui concerne les départements faisant partie de l'ancienne province de Bretagne, les règles spéciales aux alluvions contiguës aux chemins de village à village. Rennes, 13 mai 1884, D., 84, 1, 294. L'existence d'un chemin de halagene forme pas obstacle au droit d'alluvion en faveur des riverains, lorsque, le terrain affecté au passage appartenant à ces der- niers, le halage ne s'exerce qu'à titre de servitude légale. Toulouse, 26 dé- cembre 1812, S., 22, 2, 32. Montpellier, 5 juillet 1833, S., 34, 2, 120. Mais il en est autrement lorsque le chemin de halage n'appartient pas aux riverains, et forme une dépendance du cours d'eau. Req., 26 avril 1843, S., 43, 1, 820. Cpr. Rouen, 16 décembre 1842, S., 43, 2, 409.

380 DES DROITS RÉELS.

rivière canalisée et bordée de digues artificielles, formanl des dépendances de cette rivière 3.

Il n'y a pas, quant à l'attribution des alluvions aux ri- verains, de différence à faire entre celles qui se sont for- mées, soit dans des fleuves ou rivières navigables ou flot- tables, soit dans de petites rivières ou de simples ruis- seaux4. Art. 55G, al. 2. Il est toutefois bien entendu qu'il ne peut être question d'alluvion pour les ruisseaux et tor- rents dont le cours est intermittent s.

D'un autre côté, la conformation delà rive et la nature des éléments qui la constituent, n'exercent aucune influence sur le sort des alluvions qui appartiennent aux riverains, alors même que la rive est formée de rochers plus ou moins escarpés, ou qu'elle se trouve immédiatement bor- dée de constructions b".

Enfin, il est indifférent que les atterrissements soient l'œuvre de la nature seule, ou qu'ils aient été déterminéspar des travaux que les riverains ou des tiers ont exécutés dans la rivière7. Les atterrissements de la dernière espèce sont,

3 Demolombe, X, 45. Gpr. Laurent, VI, 290, qui distingue entre les ri- vières canalisées auxquelles des travaux d'art ont donné un cours artifi- ciel, et celles dont le cours naturel a été maintenu. Req., 17 juillet 1844, S., 44, 1, 839. Req., 30 mars 1840, S., 40, 1, 417.

'•L'art. 556 ne parle, il est vrai, que des fleuves et rivières, parce que les alluvions de quelque importance ne se forment d'ordinaire que dans les cours d'eau de cette espèce. Mais, si de fait il s'était produit des atter- rissements ou des relais dans un ruisseau, il n'existerait aucun motif pour ne pas y appliquer les règles de l'alluvion. Chardon, no 35. Champion? nière, De la propriété des eaux c&iirantcs, no 432. Laurent, VI, 282. Yoy. en sens contraire : Proudhon, op. cit., IV, 1265 et 1273.

8 Demolombe, X, 17 et 18. V. Laurent, VI, 282.

0 Demolombe, X, 47 et 48. Laurent, VI, 284. Voy. cep. Daviel, Des cours d'eau, 1, 135.

7 Demolombe, X, 65, 66 et (>8. Laurent, VI, 283. Plocque ,op. cit., 1,31. Cpr. cep. Proudhon, op. cit., III, 740 et 1015 ; IV, 1266. Chardon, n<> Ï9. Il est bien entendu que si les travaux faits par l'un des riverains n'étaient pas simplement défensifs, et constituaient un empiétement sur le lit du cours d'eau, le propriétaire de l'autre rive, aux droits duquel ces travaux porteraient atteinte, serait autorisé à en demander la suppression ou la modification. Cpr.§ 191, iex\e I et note 12. Demolombe, XJ'~t. Plocque, ibid.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 203. 381

comme ceux de la première, dévolus aux riverains à titre d'alluvion, alors même qu'il s'agirait de travaux faits par l'État dans une rivière navigable 8.

8 Daviel, Des cours d'eau, I, -127. Garnier, Régime des eaux, I, 254. De- molombe, X, 69. Plocque, Des cours d'eau, nos 3^ à 37. Req., 8 juillet 1829, S., 29, 1, 437. Paris, 7 juin 4839, S., 40, 2, 29 et 32. Agen, 11 no- vembre 1840, S., 41, 2, 74. Req., 6 août 1848, et le rapport de M. Mesnard, S., 49, 1, 614. Rouen, 11 avril 1865, S., 67, 2, 186. Agen, 2 mai 1876, I)., 78, 5, 386. Voir cependant Giv. cass., 7 avril 1868, S., 68, 1392; D., 68, 1, 195. Cet arrêt attribue à l'Etat la propriété des alluvions formées le long des prairies riveraines de la Basse-Seine, à la suite des travaux d'cndiguement de ce fleuve. La Cour de cassation se l'onde sur ce que, en vertu de divers décrets, les dispositions de l'article 30 de la loi du 16 septembre 1807 avaient été déclarées, au profit de l'Etat, applicables aux propriétés privées situées sur l'une et l'autre rive, qui acquerraient une plus-value par suite de l'exécution des travaux, et sur ce qu'avant de les entreprendre, il avait été procédé à la délimitation administrative du fleuve : d'où la Cour déduit (sans même se préoccuper si l'alluvion était arrivée à maturité) que jusqu'à la délivrance des terrains aux riverains, les fruits et récoltes excrus sur ces alluvions appartiennent à l'Etat. Cette doc- trine a été vivement attaquée par Laurent, VI, 284 et par Marais, Des allu- vions artificielles, p. 80 et suiv. V. encore Delalandc, Dissertation ; Annales du régime des eaux, 1890, p. 133, et elle est très contestable. L'Etat peut sans doute faire contribuer aux dépenses des travaux, les propriétés qui en retireront une plus-value, mais il ne résulte pas de l'arti- cle 30 précité de la loi du 16 septembre 1807, que si ces alluvions sont formées, l'Etat puisse s'en emparer au préjudice des riverains. L'Etat ne peut davantage arguer de la délimitation, dont l'unique but était d'arriver à déterminer les terrains soumis à l'application de Part. 30 et non d'attri- buer un droit à l'Etat sur les alluvions qui allaient se former. L'argument enfin que tirel'art. 41 de la loi du 16 septembrcl807laCour de cassation, n'a pas une plusgrandc valeur : en attribuant au gouvernement le droit de con- céder les accrues, atterrissements et alluvions des fleuves et rivières quant à ceux qui forment propriété publique et domaniale, cet article réserve im- plicitement le droit des riverains sur les alluvions qui forment, conformé- ment à l'art. 556 C. C. une propriété privée. La Cour de Paris devant laquelle l'affaire a été renvoyée parait avoir repoussé la doctrine de la Cour de cassation; elle considère que « l'Etat, une fois l'alluvion accomplie en « quelque mesure que ce soit, par la liaison définitive des atterrissements à « la rive, devra laisser les riverains en possession, sauf à exercer son droit de « réclamer d'eux une plus-value dans les termes de la loi du 16 septembre « 1807. Mais ce résultat ne pourra arriver que lorsque le résultat final « l'établissement des digues pourra être apprécié quant à la modification

o82 DES DROITS RÉELS.

Un atterrissement n'ayant le caractère d'alluvion qu'au- tant qu'il s'est formé successivement et imperceptiblement, on ne saurait ranger parmi les alluvions, ni les attcrrisseiinnls produits d'une manière plus ou moins soudaine par des travaux que l'administration a fait exécuter dans un coins d'eau dépendant du domaine public 9, ni les portions de terrain subitement détachées de lune des rives et reportée! sur l'autre, par suite de crues d'eau extraordinaires 10.

Mais les atterrisse m ents qui, après s être insensiblement formés sous les eaux, apparaissent d'une manière soudaine, par exemple lors de la retraite des eaux après une inondai tion, n'en constituent pas moins des alluvions ".

D'un autre côté, les atterrissement qui se seraient formés, môme subitement, à la suite de travaux exécutés dans un cours d'eau non dépendant du domaine public, quoique ne constituant pas, à vrai dire, des alluvions, n'en deviendraient pas moins la propriété des riverains aux fonds desquels ils adhèrent i2.

L'alluvion n'est acquise que lorsqu'elle est définitive- ment formée, et elle ne peut être considérée comme telle qu'autant que l' atterrissement est adhérent à la rive, et qu'il a cessé de faire partie du lit de la rivière.

« réelle du lit de la rivière ». Paris, 6 août 1870, apud Marais, op. cit.. p. 82. Nous adhérons d'autant plus volontiers à cette doctrine, que le légpË slateur, à diverses reprises, a toujours refusé de reconnaître le droit absolu de l'Etat aux alluvions artificielles. Voy. Plocque, Des Cours d'eau, I, 33. Répertoire général du Droit français, par Fuzier-Herman, Alluvion, ch. VI. voir notamment no 299. V. encore Pandectes françaises, \ Alluvion.

0 Garnier. op. cit., F, 236. David, op. cit., I, 280 et 281. Demolombe, loç. cit. Laurent, VI, 287. Bourges, 27 mai 1839, S., 40, 2, 29. Req.. 8 décembre 1803, S.. 64, 1, 29. Dijon, 5 mai 1865, S., 65, 2, 195.

10 Cette hypothèse rentre sous l'application, soit de l'art. 559, soit de l'art. 563. Paris, 1er décembre 1855, S., 56, 2, 434.

" Hennequin, I, p. 286. Dupin, n<> 26. Demolombe, X, 59. Plocque, Des Cours d'eau, I, 30. Laurent, VI, 288. Wodon, op. cit.. 283. Civ. cass., 25 juin 1827, S., 27,1, 402. Req., 1er mars 1832, l)., 32, 405.

12 Arg. a /ortiori, art. 501. Demolombe, X, 61. Civ. rej., 22 décem- bre 1886, S., 87, 1, 477. Voy. infrà, note 28.

DE PROPRIÉTÉ. § 203. 383

Ainsi, d'une part, un atterrissement ne constitue pas une alluvion, quelque rapproché qu'il se trouve de la rive 12^s, lorsqu'il en est encore séparé par un courant d'eau qui, eu égard à sa profondeur et à sa permanence, doit être regardé comme faisant partie de la rivière I3.

Ainsi, d'autre part, un atterrissement même adhérent à la rive, mais qui se trouve compris dans les limites du fleuve ou de la rivière, telles qu'elles sont déterminées parla li- gne où arrivent les plus hautes eaux dans leur état normal et sans débordement ne forme pas davantage une alluvion u.

12 bis. Laurent, VI, 285. Demolombe, X, 49.

13 Demolombe, X, 54 et 55. Req., 2 mai 18^6, S., 27, 2, 247. Grenoble, 23 décembre 1879, S., 80, 2, 292. Mais il en est autrement lorsque l'at- lerrissement n'est séparé de la rive que dans sa partie supérieure, par un filet d'eau qui n'atteint pas la profondeur de l'ancien lit, et surtout lors- que ce filet d'eau est intermittent. Dans ce cas, l'alluvion doit être con- sidérée comme définitivement acquise. Laurent, VI, 285. Req., 31 janvier 1838, S., 38, 1, 79 4. Lorsque des atterrissements se sont formés dans le lit d'une rivière navigable ou flottable, l'Etat a le droit d'en dispo- ser tant que l'alluvion n'est pas définitivement constituée par son adhé- rence à la rive : jusque là, le propriétaire riverain n'a que l'expectative :1e l'acquisition par accession. Chardon, 52. Plocque, ibid., 37. Demo- lombe, X,53. Bourges, 27 mai 1839, S., 40, 1, 29. Grenoble, 25 juillet 1866, S., 67, 2, 225. Arr. Gons., 18 août 1866, Lebon, 1030.

11 Pardessus, Des servitudes, I, 35. Proudhon, op. cit., III,741.Daviel, )/?. cit., I, 48. Chardon, nos 49 etsuiv. Demolombe, X, 52 et 54. Paris, 2 uillet 1831, S., 31, 2, 142. Bourges, 27 mail839, S., 40, 2, 29. Caen, 26 février 1840, S., 40, 2, 197. Lyon, 25 février 1843, S., 43, 2, 315. Or- éans, 28 février 1850, S., 50, 2, 273. Toulouse, 221évrier 1860, S., 60, 2, m. Req., 8 décembre 1863, S., 64, 1, 29. Dijon, 5 mai 1865, S., 65, 2, 195. Grenoble, 25 juillet 1866, S., 67, 2, 225. Nous avons admis, con- "ormément au Droit romain, que les limites naturelles d'un fleuve ou d'une ivière se déterminent parla ligne qu'atteignent les plus hautes eaux sans lébordement : Ripa ea putatur esse, quœ plenissimum flumen continet. L. ),§1. D. deflumin. (43, 12). Ce principe, généralement adopté par les mteurs modernes, a été formellement consacré par plusieurs des arrêts mi viennent d'être cités. Voy. aussi dans ce sens : Laurent, VI, 285. Wo- lon, Hép. des eaux, Alluvion, 12. Lyon, 11 janvier 1849, S., 49, 2, ■W. Arr. Cons., 13 décembre 1866, S., 67, 2, 336. Arr. Cons., 23 avril 1875, Lebon, 376. Arr, Cons., 5 mai 1882, Lebon, 416. Arr.' Cons., 19 iovembre 1886, Lebon, 821. Cpr. Dissertation, par Delalandc, Annales iu régime des eaux, 1890, p. 68. Voy. cep. Rouen, 16 décembre 1842,

384 DES DROITS RÉELS.

La loi attribue aux riverains non-seulement ies alluvions proprement dites qui se forment par atterrissement, mais encore les relais, c'est-à-dire les terrains qu'une eau cou- rante laisse à découvert, en se retirant insensiblement de lune des rives pour se porter vers l'autre. Art. 557, al. 1.

On ne saurait considérer comme des relais, les terrains que les eaux d'un fleuve ont envahis et couverts à la suite d'une inondation, pendant un temps plus ou moins long, et qu'elles ont ensuite abandonnés enrentrant dans leur lit13.

Les relais de la nier n'appartiennent point aux riverains, mais à l'Etat. Art. 538 et 557, al. 2. Il en serait ainsi dans le cas même où, l'Etat ayant concédé des relais déjà formés, de nouveaux relais seraient venus s'ajouter aux anciens, à moins que le contraire ne résultât expressément ou virtuel- lement de l'acte de concession 1R.

Il ne saurait être question d'alluvion dans les eaux dor- mantes, telles que les lacs et étangs. Le propriétaire d'un étang conserve toujours le terrain que l'eau couvre quand elle est à la hauteur de la décharge 17, et réciproquement.

S., 43, 2, 409. Suivant ce dernier arrêt, la limite d'un* fleuve ou d'une rivière serait déterminée parla ligne qu'atteignent les eaux à leur niveau moyen.

^ Zachariae, § 283, texte et note 5. Req., 26 juin 1833, S., 33, 1, 622. Req., 20 janvier 1835, S., 35, 1, 363. Le propriétaire d'un terrain d'allu- vion en conserve la propriété, alors même que ce terrain a été envahi et occupé pendant un temps plus ou moins long par le fleuve qui le borde, et dont les oscillations périodiques l'ont successivement restreint ou aug- menté, si en fait, il n'a pas été anéanti, et s'il a subsisté tout au moins.! l'état de vasière, se découvrant à marée basse, avant de reparaître com- plètement au dehors de la surface des eaux, et de reprendre sa végétation. Chardon, op. cit., 62 a 64. Laurent, VI, 309. Req., 40 février 1869, f)., 70, 1, 148. Req., 29 juillet 1872, S., 74, 1, 236. Grenoble, M déc. 1871 S., 74, 2, 199. lleq., 4 mai 1885, S., 87, 1, 459. En sens contraire sous le droit féodal : Loysel, Institutes coutumières, Liv. Il, lit. 2, règle 9, el la note de l'édition Dupin.

1,5 Cpr. Loi du 16 septembre 1807, art. 41. Daviel op. cit., !, 168. De- molombe, X, 22 et 23. Voy. cep. Pardessus, Des servitudes, I, 122.

17 Voy. sur ce qu'on doit entendre par ces expressions : (av. rej., 9 novembre 1841. S., 4 I, I, 821; Req., 14 avril 1852, S., 52, i. 330;Cn iej.,13 mars 1807, S., (17, 1, 269. Cpr. Ut* explications données à ce sujet

DE LA PROPRIÉTÉ. § 203. 385

il n'acquiert aucun droit sur les terres riveraines que son eau vient à couvrir dans des crues extraordinaires 18.Art* 558.

Lorsqu'un terrain dalluvion ou de relais s'est formé le long de plusieurs héritages, le partage s'en fait entre les propriétaires qui peuvent y avoir droit proportionnellement à la largeur que chacun de ces héritages présente sur l'an- eienne rive l!), sans tenir compte de la direction des lignes qui divisent ces héritages "°.

Ce partage ne présente aucune difficulté, si l'axe du cours d'eau forme une ligne dans toute l'étendue de Falluvion. Il suffit alors pourlopérer d'abaisser, de chacun des points séparant à la rive les différents héritages, des perpendicu- laires sur cet axe, et n'attribuer à chaque propriétaire, la portion d'alluvion ou de relais comprise entre les points extrêmes de son fonds.

Lorsque le cours d'eau forme, dans l'étendue de l'alluvion, des sinuosités qui cependant n'en changent pas la direction générale, c'est sur la ligne fictive représentant cette direc- tion, que doivent être abaissées les perpendiculaires à ti- rer des points extrêmes de séparation des fonds riverains.

par Laurent, VII. 241 et suiv. Mais la présomption établie par l'art 558, Ce, ne peut être invoquée, ni au cas l'étang est muni, non d'un réservoir fixe, marquant d'une manière invariable la hauteur des eaux, mais d'un système de clapets mobiles permettant d'élever ou d'abaisser les eaux à volonté. Req., 10 mars 1868. S., 08, 1, 33:2. Cpr. Laurent. VI. 280 et VIL 243 ; ni au cas l'étang est soumis à un régime exceptionnel de travaux de dessèchement qui en ont successivement diminué la super- ficie. Req.. 25 mai 1868, S., 69,1, 72. Voyez suprà, § 192, texte et note

0. Cpr. Laurent, Vil, 245 et suiv.

18 Cpr. 1 192, texte 2 et noteS. Vov. cep. Req.. 9 août 1831, S., 31, 1,394.

[,) Pro modo latitudinis cujusque fundi, quw latitudo prope ripant sit. | 22. Lnst. de rer. die. (2, 1).

30 Les auteurs anciens et modernes sont profondément divisés sur le procédé à suivre pour le partage des alluvions. Cpr. Toullier, III, 152. Proudhon, op. cit., IV, 1287. Chardon, nos 171 et suiv. David, op. cit.,

1. 136. Dupin, 38. Demolombe, X, 76 à 82. Le système auquel nous nous sommes arrêtés, a été consacré en principe par la Cour d'Agen (25 janvier 1854, S., 54, 2, 127), et parait aussi avoir en sa faveur l'opinion

2o

I

386 bES DROITS REELS.

Que si, dans l'étendue de l'alluvion, le cours d'eau chan- geait complètement de direction, en formant des angles ren- trants ou saillants, son axe se déterminerait au moyen de lignes brisées à chacun de ces angles, et c'est sur ces di- verses lignes brisées que s'abaisseraient les perpendiculai- res destinées à opérer le partage.

b. De l'avulsion.

Lorsqu'un tleuve ou une rivière, dépendant ou non du domaine public, emporte, par une force subite, une partie considérable et reconnaissable d'un champ riverain, et la réunit, soit par adjonction, soit par superposition ", à un champ inférieur ou à un fonds situé sur la rive opposée, les terres, plantations ou constructions ainsi déplacées con- tinuent d'appartenir à leur ancien propriétaire. Art. 559. Celui-ci est donc autorisé à les reprendre 22 ; mais il n'est pas obligé de le faire, et n'est, dans aucun cas, passible de dommages-intérêts envers le propriétaire du fonds in- férieur ou opposé

sa

21 Laurent, VI, 296. L'art. 559 semble ne prévoir que le cas d'une ad- jonction latérale ; mais il n'est pas douteux que sa disposition ne s'appli- que également au cas de superposition. Proudhon, De l'usufruit, H, 527 et Du domaine public, IV, 1282. Demolombe, X, 99. Laurent, VI, 300.

22 C'est-à-dire à les enlever, et non pas à en prendre possession comme d'un nouveau fonds, distinct de celui vers lequel ou sur lequel elles ontétt portées. C'est ainsi que l'art. 559 a été expliqué lors de la discussion ai Conseil d'Etat (Locré, Lég., VIII, p. 126, 13). Proudhon, Du domaim public, IV, 1283. David, op. cit., I, 154. Du Caurroy, Bonnier et Rous- tain, II, 119. Chardon, 14. Demolombe, X, 104. Laurent, VI, 297. Voy. en sens contraire : Zachariae, § 203, texte et note 12. Cpr. De- mante et Colmet de Santerre, II, 395 bis, I, et IL

23 On reconnaît généralement que le propriétaire de la partie enlevée n'est tenu d'aucuns dommages-intérêts, lorsqu'il renonce à la réclamer, David, op. cit., I, 474. Zachariae, toc. cit. Demolombe, X, 103. Mais il ne serait autorisé à le reprendre, suivant le dernier de ces auteurs (X, 112), qu'à charge de réparer le dommage causé par l'adjonction. Notre savant collègue invoque à l'appui de son opinion l'art. 1382 et les déci- sions de plusieurs lois romaines (L. 9, §§ 1, 2 et 3, D. de damn. infect., 39,2. L. 5, §4, D. adexhib., 10, 4. L. 8, D. de incend., 49, 9). Nous ne saurions adhérer à cette solution. L'art. 1382 ne peut trouver ici applica-

DE LA PROPRIETE. § 203.

387

Le propriétaire qui veut user de la faculté de reprendre les terres, plantations ou constructions enlevées par la vio- lence des eaux, doit former sa réclamation dans l'année. Après ce délai, il n'y serait plus recevable 24, à moins que le propriétaire du fonds auquel la partie enlevée a été réu- nie, n'eût pas encore pris possession de celle-ci 25. Art.

36

lion, puisque, d'une part, il s'agit d'un dommage causé par un événe- ment de force majeure, et que, d'autre part, le propriétaire de la partie enlevée ne fait qu'user de son droit en la réclamant. Quant aux lois ro- maines ci-dessus citées, elles ne s'occupent nullement de l'avulsion, mais d'un éboulement de terres ou de l'enlèvement par la force des eaux d'ob- jets mobiliers, tels qu'un radeau, c'est-à-dire de faits qu'à l'aide de cer- taines précautions il eût été possible d'empêcher ou de prévenir ; et l'on comprend qu'en pareille circonstance, le propriétaire des objets enlevés ou des terres éboulées ne puisse les réclamer qu'à charge de réparer un dom- mage qui lui est jusqu'à certain point imputable. Il est, du reste, bien entendu que, si le propriétaire des terres, plantations ou constructions em- portées par les eaux, n'est pas responsable, qu'il abandonne ou qu'il re- prenne ces objets, du dommage qui a été la suite de l'avulsion elle-même, il sera cependant tenu de répondre, dans le dernier cas, du préjudice qu'il aura pu causer par l'opération de l'enlèvement. Laurent, VI, 298. Poitiers, 6 mai 1856, S., 56, 2, 456.

24 En fixant à une année le délai au bout duquel le propriétaire de la partie enlevée est déchu du droit de la réclamer, le Gode civil s'est écarté de la disposition du § 21 des Institutes (de rer. div., 2, 1), pour donner une règle à la fois plus générale et plus certaine. Cpr. Laurent, VI, 298. 83 L'expiration du délai d'une année, à partir de la réunion, emporte déchéance, par cela seul que le propriétaire du fonds auquel la partie en- levée est venue se réunir, a pris possession de celle-ci, bien que cette prise de possession ne remonte pas à une année. Laurent, VI, 298. Rap- port au Tribunat, par M. Faure, 17 (Locré, VIII, p. 185). Cpr. De- mante et Colmet de Santerre, 395 bis, II et III.

26 Cet article serait-il applicable au cas la partie d'un fonds longeant une rivière s'est trouvée, par la formation d'un nouveau bras, détachée du restant de ce fonds, et réunie à une île dont elle était précédemment sé- parée ? La Cour de cassation (Req., 13 décembre 1830, D., 31, 1, 157) a décidé l'affirmative, en appliquant à ce cas la déchéance prononcée par l'art. 559. Mais, en jugeant ainsi, cette Cour a fait, à notre avis, une fausse application de l'article précité, qui suppose un déplacement de ter- rain, condition qui ne se rencontre pas dans l'hypothèse dont il s'agit. Cette décision nous paraît d'autant plus contestable, que l'action sur la- quelle la Cour suprême était appelée à statuer, n'avait pas simplement

388 DES DROITS RÉELS.

Lorsque la réunion a eu lieu par superposition, le pro- priétaire du fonds sur lequel elle s'est opérée, est en droit, sans attendre la fin de L'année, d'interpeller le propriétaire de la partie enlevée, pour qu il ait à s'expliquer sur le point de savoir s'il entend ou non l'aire usage de la faculté que lui accorde l'art. 559 27.

c. Des lies, îlots et alterrissements formés nu milieu (Van cours d'eau.

fies iles, ilôts et atterrissements appartiennent à l'Etat, ou aux propriétaires riverains, suivant qu'ils se sont formés, soit dans une rivière navigable ou flottable, soit dans un cours d'eau non dépendant du domaine public. Art. 560 et 56128.

pour objet la reprise des terres emportées par la forée des eaux, mais bien la revendication d'un fonds distinct de l'île à laquelle il avait été réuni, et que Fart. 559 n'admet pas une pareille revendication. L'espèce rentrait donc plutôt sous l'application de l'art. 562, que sous celle de ce dernier article. Gpr. Dcmolombe, X, 5.

27 L'action interrogatoire doit, dans cette hypothèse, être exceptionnel- lement admise, comme conséquence nécessaire delà faculté qu'a tout pro- priétaire d'user et de jouir de sa chose, ainsi que bon lui semble, faculté dont l'exercice serait neutralisé ou entravé, si celui sur le fonds duquel la superposition s'est opérée, devait attendre toute une année pour savoir a quoi s'en tenir quant aux intentions du propriétaire de la partie enlevée. Gpr. Proudhon, op. cit.. IV, 1:283. Daviel, op. cit., 1, 155, Chardon, 88. Dcmolombe, X, 110. Ces auteurs semblent même admettre le droit d'interpellation d'une manière absolue, c'est-à-dire, tant pour le cas la réunion s'est opérée par simple adjonction, que pour celui il a eu lieu par superposition. Mais nous croyons que c'est aller trop loin. Dans l'hy- pothèse, en effet, d'une adjonction latérale qui n'entrave en aucune façon la culture du fonds auquel, la partie enlevée est venue se réunir, il n'existe plus aucun motif pour accueillir, de la part du propriétaire de ce fonds, une action interrogatoire, qui ne serait pas fondée sur un intérêt et un droit actuels. Gpr. § 7ib\ texte et note 3 à -v>. Laurent, VI, ^298 et 1-10(1. conteste dans tous les cas le principe même de l'action interrogatoire. comme n'étant pas autorisée par la loi. La réponse donnée au texte nous semble péremptoire. C'est surtout une question d'équité: l'on ne saurait imposer au propriétaire du fonds envahi l'obligation de suspendre pendant un an ses travaux et sa culture, afin de laisser à l'autre proprié- taire le temps de retrouver son terrain, et de prendre une détermination. Gpr. Valette, Distinction des biens, p. 163. 2H La disposition de l'art. 560, qui attribua à l'État la propriété des îles

DE LA PROPRIÉTÉ. § 203. 389

Les iles formées dans un cours d'eau dépendant du do- maine public, ne font pas partie de ce domaine, mais ren- trent dans celui de l'Etat ; et les particuliers peuvent en ac- quérir la propriété par titre ou par prescription, comme de tous autres biens de l'Etat. Art. 560. Mais la prescription ne commence à courir, en ce qui concerne ces îles, que du jour

formées dans dos rivières navigables ou flottables, est contraire au Droit romain. D'après ce Droil, les îles qui se formaient dans un cours d'eau public, ne devenaient pas pour cela publiques. Considérées comme pro- longement des rives, elles étaient attribuées aux riverains à titre d'acces- sion, et en vertu de la règle Res quœ nostrœ rei accedit, fît nostra. Cpr. L. 30, proc, et L. 65, § 2, D. de acq. ver. dom. (41, 1) ; L. 1, § 6, D. de flumin. (-43, 12). Lors de la discussion au Conseil d'Etat, Treilhard disait, pour expliquer la disposition de l'art. .">60, que, comme le lit des rivières navigables ou flottables appartient au domaine national, il doit en être de même des îles et îlots, qui, faisant partie du lit, suivent le sort de la chose principale. Cpr. Locré, Lêg., VIII, p. 126, 14. Mais cette expli- cation, inexacte en fait, puisque le lit disparait complètement s'est formée une île, aurait logiquement conduit à faire considérer les iles des rivières navigables et flottables comme des dépendances du domaine pu- blic, tandis qu'elles ont été attribuées au domaine de l'État, et par suite reconnues susceptibles de propriété privée. Les motifs qui, contrairement au principe de l'accession, ont porté le législateur à ne pas accorder aux riverains les îles des rivières navigables ou flottables, tout en leur recon- naissant, conformément à ce principe, la propriété de celles qui se for- ment dans des cours d'eau non dépendants du domaine public, ont été plus exactement indiqués par les orateurs du Tribunat, qui ont fait remarquer que, pour l'intérêt général de la navigation et du commerce, l'État devait conserver la libre disposition des îles, îlots et atterrissements formés dans des cours d'eau dépendant du domaine publie. Cpr. Locré, Lég., VIII, p. 48»), no 19, p. 207 et 208, n<> 17. Les observations précédentes démontrent le peu de valeur de l'argument que prétendent tirer de l'art. 561, les au- teurs qui enseignent que le lit des petites rivières appartient aux riverains. Ce n'est point, en effet, comme accédant au lit, qui a cessé d'exister dans la partie il a été remplacé par une île, que cette île est attribuée aux rive- rains, mais bien comme accédant aux rives dont elle est censée former le prolongement. Cpr. Laurent, VI, 301. Lorsque par l'effet de travaux exécu- tés dans un intérêt général, l'eau d'une rivière non navigable cesse de re- couvrir une partie de son lit primitif contiguë à la rive, le terrain ainsi dé- couvert devient la propriété du riverain. En effet, il n'existe plus alors de cours d'eau, il ne reste qu'un ancien lit abandonné dont la propriété s'ac- quiert par accession. Art. 556, cbn. art. 561. Civ. rej., 22 décembre 1880. 8., 87, 1,477.

390 DES DROITS REELS.

où, ayant acquis la hauteur et la solidité nécessaire pour se trouver à l'abri des plus hautes eaux dans leur état nor- mal et sans débordement, elles ont réellement cps$é de l'a irr partie du lit du fleuve, et ont passé du domaine public dans celui de l'Etat29.

Pour opérer, entre les propriétaires riverains, le partage d'une île formée dans un cours d'eau non dépendant du do- maine public, on suppose une ligne tracée au milieu de ce cours d'eau. Si l'île n'est pas traversée par cette ligne, elle appartient exclusivement aux riverains du côté desquels elle s'est formée. Au cas contraire, elle se divise, suivant la même ligne, entre les propriétaires des deux rives. Art. 561. Enfin, lorsque l'île se prolonge au devant de fonds ap- partenant à des propriétaires différents, elle se partage en- tre eux pour la totalité, ou, le cas échéant, pour la portion afférente à chaque rive, conformément aux règles ci-dessus exposées quant à la répartition des alluvions 30.

L'île une fois formée, ceux qui, d'après ce qui vient d'ê- tre dit, en sont devenus propriétaires, ont également droit aux accroissements subséquents qu'elle peut recevoir par al- luvion. Il en est ainsi, dans le cas même l'île s'étant for- mée d'un seul côté, elle se serait prolongée du même côté, en face de fonds appartenant à des propriétaires riverains qui n'avaient, lors de sa formation, aucune part à y ré- clamer 81.

Les dispositions des art. 560 et 561 sont inapplicables au cas un cours d'eau, faisant ou non partie du domaine public, s'est formé un nouveau bras, et a ainsi converti en île un fonds appartenant à un propriétaire riverain. Ce dernier conserve, dans ce cas, la propriété de l'île. Art. 562.

29 Grenoble, 25 juillet 1866, S., 67, 2, 225. Cpr. texte, lett. a, et note Usupi*à. Laurent, VI, 303. Lyon, 49 juin 1877, S., 77, 2,258.

30 § 22, Inst. de rer. div. (2, 1). L. 29, 1). de acq. rer. dom. (41, i\ Rittinghausen, Revue de législation, 1836, IV, p. 302. Demolombe, V, 1^5 et 126. Laurent, VI, 304.

31 L. 56, proe., et L. 5, § 3, D. de acq. rer. dom. (41, 1). Proudlion, Du domaine public, IV, 1286. Demolombe, X, 127.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 203. 391

d. Du lit abandonné.

Lorsqu'une rivière, qu'elle soit ou non navigable ou flot- table, se fraye naturellement32 un nouveau cours en aban- donnant son ancien lit, les propriétaires des fonds nouvel- lement occupés par les eaux prennent, à titre d'indemnité, l'ancien lit abandonné, chacun dans la proportion du ter- rain enlevé. Art. 563 33. Si cet ancien lit n'était pas commo- dément partageable entre les divers ayants-droit, chacun d'eux serait autorisé à en provoquer la licitation3*.

L'attribution du lit abandonné aux propriétaires des ter- rains occupés par le nouveau cours de la rivière, ne com- prend pas les lies qui s'étaient formées dans ce lit ; elles continuent d'appartenir à ceux auquels elles avaient été ac- quises33.

Si une rivière, après s'être formé un nouveau cours, ren- trait plus tard dans un ancien lit, ceux auxquels cet ancien lit a été attribué, ne pourraient reprendre qu'en vertu de l'art. 563, et non par une sorte de droit de retour, les ter- rains dont ils avaient été dépossédés par le changement du cours de la rivière. D'où la conséquence, qu'ils n'y au- raient aucun droit, s'ils avaient cessé d'être propriétaires

32 Laurent, VI, 308. Req., 6 novembre 1867, S., 69, 1, 352. Cpr. Metz, 27 novembre 1866, S., 67, 2, 191.

33 Cet article est introductif d'un Droit nouveau. D'après la législation romaine, le lit abandonné était attribué aux riverains à titre d'accession. § 23, Inst. de ver. div. (2, 1). L. 1, § 7, D. de flumin. (43, 12). Cette règle parait avoir été généralement suivie dans les pavs de Droit écrit. Toulouse, 2 mai 1834, D., 34, 2, 16 ; S., 34, 2, 423. Req. ,^26 lévrier 1840, S., 41, 1, 54. Voy. cep. Discussion au Conseil d'État (Locré, Lég., VIII, p. 129, 17). Dans les pays coutumiers, le lit abandonné était dévolu au roi ou au seigneur haut-justicier, suivant qu'il s'agissait d'une rivière navigable ou non navigable. L'innovation du Code ne nous parait pas heureuse ; elle est contraire au principe de l'accession, et le motif d'équité sur lequel on l'a fondée est très contestable, du moins pour les lits de cours d'eau qui ne dépendent pas du domaine public. Demolombe, X, 162. Laurent, VI, 306. Wodon, Droit des eaux, nos ui 76, 247.

34 Chardon, nos 184 et 185. Demolombe, X, 165. Hennequin, II, 307. 33 Demolombe, X, 166. Laurent, VI, 307. Cpr. Grenoble, 25 juillet 1866.

S., 68. 2. 225. Vov.en sens contraire : Marcadé, sur l'art. 563, 1.

392 DES DROITS REELS.

des portions de l'ancien lit à eux attribuées à titre d'in- demnité :f\

§ 204.

2. De l'accession de choses mobilières à un immeuble.

a . Des plantations ^constructions et ouvrages faits, par le propriétaire d'un fonds,

avec les matériaux d'à titrai.

Le propriétaire d'un fonds devient, par droit d'accession, propriétaire des plantations, constructions et ouvrages qu'il y a faits, môme avec les matériaux d' autrui, et bien qu'il les ait employés de mauvaise foi *. Superficies solo cedit.

Il ne peut être contraint de restituer ces matériaux à ce- lui auquel ils appartenaient, tant qu'ils forment partie inté- grante du sol ou du bâtiment auquel ils ont été incorporés, et sans qu'il y ait à examiner, pour le cas de plantation, si les arbres ou arbustes ont ou non déjà pris racine 2. Mais il est tenu de payer la valeur des matériaux avec dommages- intérêts, s'il y a lieu, et ne peut se soustraire à cette obli- gation en en offrant la restitution \ Art. 554 *.

36 Cpr. Taulier, II, p. 287. Demolombe, X. 170.

1 C'est à ee cas surtout que s'applique, eu Droit français, la règle posée dans l'art. 554, parce que celui qui a employé les matériaux d'autrui qu'il possédait de bonne foi, n'est soumis, même abstraction faite de l'ac- cession, ni à une action personnelle en restitution, ni, en général, à une action en revendication. Laurent, VI, 260. Art. 2279. Cpr. § 183.

2 A la différence du Droit romain (Cpr. § 34, Inst. de ver. die, 2, 1), le Code civil n'a point exigé cette condition, à raison sans doute des diffi- cultés <pie sa vérification aurait le plus souvent présentées. Taulier, 11. p. 272. Marcadé, sur l'art. 554, no 1. Demolombe, IX, (567. Yoy. en sens contraire : Toullier, III, 127. Chavot, De la propriété mobilière. II. 524, Voy. aussi : Duranton, IV, 374.

3 Demolombe, IX, 663.

* Si, d'après cet article, le propriétaire du sol, qui s'est servi des maté- riaux ou des arbres d'autrui, ne peut être contraint pour les restituer, à les détacher des constructions auxquelles il les a incorporés ou du terrain dans lequel il les a plantés, on ne saurait conclure de que celui qui a vendu un bâtiment pour être démoli, ou une forêt pour être abattue, son en droit de se refuser à l'exécution de cette convention, en offrant d'iii-

DE LA PROPRIÉTÉ. § 204. 393

Oue si, avant le règlement de l'indemnité due par le propriétaire du sol, les constructions venaient à être démo- lies, le propriétaire des matériaux pourrait, au lieu d'en ré- clamer la valeur, en poursuivre la restitution :i ; mais la même faculté ne lui appartiendrait pas, sil s'agissait d'ar- bres ou d'arbustes arrachés du sol ils avaient été plan- tés 6.

La disposition de l'art. 554 ne s'applique qu'aux objets mobiliers qui, par leur incorporation dans le sol ou dans un bâtiment, sont devenus immeubles par nature, et non à ceux qui ont simplement revêtu le caractère d'immeu- bles par destination7.

b. Des plantations, constructions et ouvrages faits par un tiers, sur le sol d' autrui K.

Les plantations, constructions et ouvrages faits par un fiers, sur le sol d'autrui, deviennent, à titre d'accession, la propriété du propriétaire du sol, en ce sens du moins que le tiers, constructeur ou planteur, ne peut les enlever con-

demniser l'acquéreur. Une pareille prétention serait évidemment contraire

aux dispositions des art. 1134, 1144 et 1243, que ne modifie nullement l'art.554 : cet article statue sur un cas d'accession, et ne s'occupe en aucune façon d'une question d'exécution de convention. Voy. en sens contraire : Demolombe, IX, 668.

3 §29, Inst. de ver. dïv. (2, i). Déniante, Cours, II, 391 bis, I. Dupin, Encyclopédie, yo Accession, no 20. Marcadé, sur l'art. 854. Demolombe, i.X. 661. Voy. en sens contraire : Duranton, IX, 374. Du Caurroy, Bon- nier et Roustain, II, 109. Chavot, De la propriété mobilière. [1,531. Laurent, VI, 260.

fi Nam credibile est, arborent, alio terrœ alimento, aliam factam. L. 26, S 2. 1). deacq. rer. dom. (41, 1). Demante, Cours, II, 391 bis, III. Demo- lombe, IX, (]Çr2. Voy. en sens contraire, Laurent, ubi suprù.

7Maleville, sur l'art. 554. Toullier, 111,126. Duranton, IV, 374. Chavot. op. cit., II, 534 et 535. Marcadé, sur l'art. 554. Demolombe, IX, 665 et 666. Zachariae, § 203. note Ire, Laurent, VI, 261. Voy. cep. Taulier. II. [». 272.

8 Les plantations, constructions et ouvrages existant sur un fonds étant. en vertu de l'art. 553, présumés faits parle propriétaire de ce fonds, c'est au tiers qui prétend les avoir exécutés à le prouver. Gpr. sur cette preuve I 192. texte no 1 et note 4. Req., 25 avril 1882, I)., 82. 1 , 248.

394 DES DROITS RÉELS.

tre le gré de ce dernier \ Superficies solo cedit. Il n'y pas, sous ce rapport, à distinguer si les matériaux appa; tenaient ou non au tiers qui les a employés 10.

Lorsque les plantations, constructions et ouvrages ontél faits par un tiers possesseur de mauvaise foi, le proprié taire du sol peut demander, soit leur suppression, ayjj dommages-intérêts pour le préjudice qui lui a été causé, so; leur conservation, mais à charge, dans ce cas, de rem bourser la valeur des matériaux et le prix de la main-d'œu vre, sans être admis à se libérer en offrant le montant d la mieux-value de l'immeuble. Art. 555, al. 1 et 2.

Si, au contraire, les plantations, constructions et ouvra ges ont été faits par un tiers possesseur de bonne foi, le prj prié taire du sol ne peut en demander la suppression ; mai il a, dans ce cas, le choix de rembourser, soit la valeu des matériaux et le prix de la main-d'œuvre, soit le mon tant de la mieux-value de l'immeuble au jour du délaisse ment. iVrt. 555, al. 3 ll.

9 Si les plantations, constructions ou ouvrages avaient été enlevés avan toute réclamation de la part du propriétaire du sol, le principe pose a texte resterait de l'ait sans application ; et il ne se présenterait pli qu'une question de dommages-intérêts, qui devrait se résoudre d'après le règles que nous exposerons au § 219. Cpr. Demolombe, IX, 681 bis. Lan rent, VI, 278. Douai, '18 mars 1842, S., Ï3, 2, 8. Giv. rej., 16 ferrie 48.vi7,S.,o8, 2, 192.

10 Quoique l'art. 555 ne prévoie expressément que le cas le con? Iructeur a employé des matériaux lui appartenant, il est évident que soi application était indépendante de cette condition, la circonstance que h matériaux appartenaient à un tiers ne pouvant en aucune façon influer su les rapports de ce constructeur et du propriétaire du sol. Taulier, II, 274. Marcadé, sur Tari. 555, 7. Demante, Cours, II, 392 bis, X. I) molombe, IX, 678.

11 On a trouvé étrange que le propriétaire du sol puisse se libérer en vers un possesseur de bonne foi, en lui remboursant le montant de mieux-value de l'immeuble, tandis qu'il est obligé de restituer intégrale ment au possesseur de mauvaise loi la valeur des matériaux et le prix d la main-d'œuvre. Mais cette bizarrerie apparente disparait, quand on fléchit que le possesseur du sol jouit, envers le possesseur de mauvais foi de la faculté de demander la suppression des travaux avec dommages intérêts, faculté qui mel. pour ainsi dire, ce dernier à sa discrétion, D'ai

DE LA PROPRIÉTÉ. § 204. 395

Pour l'application de la distinction précédente entre ]e possesseur de bonne foi et le possesseur de mauvaise foi, il faut se placer, non à l'époque de la prise de possession de l'immeuble, mais à celle de l'exécution des travaux 12.

Le possesseur, même de bonne foi, ne jouit pas d'un vé- ritable droit de rétention pour le paiement de l'indemnité à laquelle il a droit. Toutefois, si le propriétaire revendi- quant ne présentait pas des garanties suffisantes de solva- bilité, le juge pourrait, en considération de la bonne foi du possesseur, subordonner l'exécution de la condamnation en délaissement au paiement préalable de cette indemnité13.

Le propriétaire du sol qui opte pour 'la conservation des travaux, moyennant le remboursement de la somme repré- sentant la valeur des matériaux et le prix de la main-d'œu- vre, n'est point tenu des intérêts de cette somme. Seule- ment, le possesseur de mauvaise foi, obligé à la restitu- tion des fruits, peut, quand ses travaux ont eu pour résultat de procurer une augmentation de revenu, retenir, jusqu'à concurrence de cette augmentation, les intérêts des som- mes qu'il a déboursées u.

leurs, le propriétaire du sol pourrait toujours, en renonçant h réclamer la restitution des fruits, considérer le possesseur comme étant de bonne foi, et par suite se borner à lui offrir le paiement de la mieux-value, sans que celui-ci fût admis à se prévaloir de sa mauvaise foi pour réclamer le rem- boursement de ses déboursés. Demolombe, IX, 674 à 676. Quant aux cri- tiques formulées contre la loi, voir Laurent, VI, 262.

2 L. 37, D. de rei vind. (6, 1). Pothier, De la propriété, 351. Du- tanton, IV, 376, Zachariae, § 203, texte et note 2. Laurent, VI, 263.

13 Voy.pour la justification de ces propositions : § 256 &is.Req., 22 dé- cembre 1873, S., 74, 1, 72.

14 Non obstat, art. Ho3, al. 3. Il ne s'agit pas, en pareil cas, d'un paie- ment d'intérêts, réclamé par le possesseur au propriétaire du sol, ni même d'une compensation fondée sur une créance d'intérêts, mais sim- plement d'un règlement de compte portant sur les fruits à restituer au propriétaire du sol par le possesseur. Refuser à ce dernier la faculté d'o- pérer la retenue dont il est question au texte, serait reconnaître au pre- mier le droit de s'enrichir à ses dépens, ce qui ne saurait être admis, même, à l'égard d'un possesseur de mauvaise foi. Demolombe, XI. 679. Voyez cependant, Laurent, VI, 280. Civ. cass., 9 décembre 1839, S., 40, 1, 66. Gpr. Agen, 27 mars 1843, S., 43, 2, 514.

396 DES DROITS RÉELS.

Le possesseur de bonne foi, dispensé de la restitutioi des fruits, a droit au remboursement intégral de ses bourses ou de la mieux-value de l'immeuble, sans que 1 propriétaire du sol soit autorisé à imputer sur la somme i rembourser, les fruits perçus par le possesseur, sous le pré texte qu'au lieu de les consommer, celui-ci les aurait cm ployés aux travaux qu'il a exécutés1^.

Les dispositions de l'art. 555 ne concernent que le ca il s'agit de travaux complètement nouveaux; elles son étrangères à l'hypothèse les travaux exécutés parle tier possesseur, s'appliquant à des ouvrages préexistants av© lesquels ils se sont identifiés, ne présentent que le carac tère de réparations ou de simples améliorations. Dans cetfc dernière hypothèse, le propriétaire du sol ne peut, mêmi vis-à-vis d'un possesseur de mauvaise foi, demander la sup pression des travaux16. Les obligations qui lui incomben quant aux impenses, seront expliquées au § 219.

L'art. 555 suppose que les plantations, constructions e ouvrages ont été faits par un tiers possesseur pour son pro pre compte. Il ne s'applique donc pas aux travaux faits pa un administrateur, un mandataire, ou un gérant d'affaires pour le compte d' autrui 17.

13 Une pareille imputation aurait pour résultat de priver le possesscu de bonne foi du bénéfice de l'art. 549, en vertu duquel il fait siens fruits par lui perçus, quoiqu'il ne les ait pas consommés. La décision coi traire de Papinien (L. 48, !). de rei vind., G, 1). fondée sur la présomj lion <pie les fruits avaient servi à l'amélioration du fonds, était conforni aux principes du Droit romain, qui n'autorisait le possesseur de bonne à retenir les fruits par lui perçus qu'autant qu'il les avait consommés. .Ma cette décision n'est plus compatible avec la disposition générale et absoh de l'art. 549. Duranton, IV, 377. Chavot, De la propriété mobilière, I 514. Demolombe, IX, 680. Laurent, VI, -279. Pau, -29 juillet 188 S.. 69, 2, 69. Voy. en sens contraire : Troplong, Des hypothèques, 839. Marcadé, sur l'art, 555, n<» 3.

1,1 Demante, Cours, 11,392 bis, I et IX. Demolombe, IX. 685 et <>H< Laurent, VI, 268, 270. Civ. rej., 22 août 1865, S.. (5(3, I, 153.

'" Les rapports du constructeur et du propriétaire du sol seraient, I pareil cas. réglés parles principes du mandai ou de la gestion d'affaire! Demolombe. IX, 691. Laurent, VI, 272.

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DE LA PROPRIÉTÉ. § 204. 397

Il ne s'applique pas davantage aux travaux laits, soit par un propriétaire sous condition résolutoire 18, soit par un co- héritier, un coassocié, ou tout autre copropriétaire 19.

18 L'événement de la condition résolutoire ayant pour effet de remettre les choses au même état elles se trouvaient avant l'acquisition, le cons- tructeur dont le titre vient à être résolu, peut en général être contraint à enlever les constructions par lui faites. C'est ce qui a lieu, par exemple, pour l'adjudicataire évincé par suite de folle enchère (Bordeaux, 17 jan- vier 484:1, S., 43, 2, 232). 11 a été jugé cependant que si l'adjudication sur folle enchère produit un prix supérieur à celui de la première adju- dication, la différence provenant exclusivement des travaux et construc- tions exécutés par le fol enchérisseur, doit être attribuée non pas aux créanciers inscrits avant son entrée en possession, mais bien à ce fol en- chérisseur lui-même ou à ses ayants droit. Req., 14 avril 1852, S., 32, 1, 441. Paris, 4 mars 1858, S., 58, 2, 245. De même, l'adjudicataire, sur- saisie immobilière, de constructions élevées par des enfants sur le terrain appartenant à leur mère, au vu et du consentement de celle-ci, étant subrogé aux droits des saisis, est fondé à exciper en leur nom de leur qualité de constructeurs de bonne foi et à se prévaloir de l'art. 553 in fine. Dijon, 23 janvier 1874, S., 74,2, 82. Ce sont des décisions d'espèces, contestables en droit rigoureux, mais ({lie l'on peut néanmoins accepter comme équitables. Les règles indiquées au texte doivent s'appliquer à l'acquéreur sous pacte de retrait, qui, aux termes de l'art. 1673, ne peut de- mander quela bonification des simples réparations. Toutefois, nous reconnais- sons que le caractère particulier de telle ou telle condition résolutoire et la nature des rapports existant entre les parties pourraient faire admettre une solution contraire, surtout si le constructeur dont le titre se trouve résolu, n'avait à se reprocher ni faute ni imprudence. C'est ainsi que le cohéritier soumis au rapport, et le donataire dont la donation a été révoquée par survenance d'enfant, ne devraient pas être condamnés à enlever les cons- tructions par eux faites, etauraient droit à la bonification de la mieux-value qui en est résultée. Voy. cep. Demolombe, IX, 691 bis. Notre savant col- lègue, tout en reconnaissant que l'art. 553 est inapplicable à la question, enseigne cependant que ce n'est qu'exceptionnellement que le construc- teur dont le titre est résolu, peut être contraint à enlever les construc- tions qu'il a élevées. Mais, à notre avis, cette doctrine ne tient pas suffi- samment compte de l'effet ordinaire des conditions résolutoires. Voyez en sens contraire, Laurent, VI, 272. Au cas depuis l'introduction de l'action en résolution intentée par le vendeur, l'acquéreur a élevé des constructions sur l'immeuble, il peut être considéré comme possesseur de mauvaise foi, et dès lors, le vendeur a l'option entre la suppression de ces constructions et leur conservation moyennant indemnité. Req., 8 mars 1886, S., 87, 1, 373.

19 Req., 15 décembre 1830. S., 31, 1, 24. Bordeaux. Il décembre 1838,

398 DES DROITS RÉELS.

L'art. 555 ne régit même pas directement les plantations, constructions et ouvrages faits par un locataire ou parut fermier. Lorsque les travaux ont été exécutés en vertu du bail ou (F un contrat subséquent, le sort en est réglé pai les conventions liitervenufcs eiitre les parties"0. Au cas con- traire, le propriétaire petit, à l'expiration du bail1'1, deman- der, soit suppression des travaux, en conformité des art, 1730 et 1731, soit leur conservation, en vertu de son droit d'accession. Mais, en optant pour ce dernier parti, il < ! tenu, par analogie de la disposition du troisième alinéa & l'art. 555, de rembourser intégralement le prix des maté- riaux et de la main-d'œuvre, faute de quoi le preneur eài autorisé à enle ver ses plantations ou constructions2".

S.. 39, 2, 2.V>1. En pareil cas, les obligations et les droits respectifs de- parties se règlent d'après les principes de la société ou de la communauté d'intérêts résultant de l'indivision. Demolombe, X, 691 bis. Zachariae, j 203, texte et note 3. Laurent, VI, 274. Gpr. Req., 7 août 1832, D., Rép^ \o Propriété, 449.

20 Demolombe, IX. 694. Laurent, VI, 27o. Req., 1er aoùt 1859, S., 60 1. 07.

21 Le fermier ou locataire peut-il, en cours de bail, enlever les planta tiens ou constructions qu'il a faites? Yoy. §365 ; Req., 22 novembre 1864 S.. 65, 1, 41. Req.; 8 mai 1877, S., 77* 1, 297.'

-- On admet assez généralement l'application de l'art. Soo aux planta lions, constructions et ouvrages faits par un fermier ou par un locataire sans toutefois s'expliquer sur le point de savoir si ce dernier doit ètr traité comme un possesseur de bonne foi ou connue un possesseur de mau vaise foi. 11 résulte de des hésitations, et même des inconséquence dans la solution donnée à la question de savoir si le bailleur qui veut coo server les travaux exécutés par le preneur, peut se libérer en bonifiant 1 micux-valuc, ou si, au eonlraire, il est tenu de rembourser intégralenien la valeur des matériaux et le prix delà main-d'umvre. La plupart des ai; teurs se prononcent dans le premier sens, tout en reconnaissant cepei dant au bailleur la faculté de demander la suppression des travaux. ( assimilent ainsi le preneur, tantôt à un possesseur de bonne foi, tantôt un possesseur de mauvaise foi. Cpr. Duranton, IV, 581. Proudhon,Dg Vi sufrttit, III, 1436. Troplong, Du louage. II, 354. Duvergier, Du louaip [, 497 et suiv. Quant à M. Demolombe, il fit évité cette inconséquence ( décide, comme nous, que le bâilleur qui veut conserver les construction élevées par le preneur, doit rembourser le montant intégral des matériau et de la main-d'o'iivre. Yoy. aussi dans ce sens : tteq., lw juin 1851, S.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 204. &H)

Ces diverses propositions semblent devoir s'appliquer également aux constructions faites par un usufruitier23 sur le

51, 1, 481. Gpr. Civ. cass., 3 janvier 1849, S., 49, 1, 95; Orléans, 20 avril 1849, S., 49, 2, 597. Le locataire qui occupe, sans bail écrit, un immeuble, peut être condamné, sur la demande de l'acquéreur, à quitter les lieux et à enlever les constructions par lui faites. Req., 17 janvier 1870, S., 71, 1, 58. L'opinion que nous avons adoptée se fonde sur ce <jue, le preneur ne pouvant être considéré comme un tiers possesseur, soit de bonne foi, soit de mauvaise foi, les dispositions de l'art. 555 ne lui sont pas directement applicables. Et si nous soumettons le bailleur qui opte pour la conservation des travaux, à l'obligation de rembourser inté- gralement la valeur des matériaux et le prix de la main-d'œuvre, c'est parceque nous lui reconnaissons aussi la faculté dedemanderla suppres- sion de ces mêmes travaux, ce qui le place dans une situation analogue à celle se trouve, d'après l'art. 555, le propriétaire du sol vis-à-vis d'un possesseur de mauvaise foi. Cpr. Laurent, VI, 275. Le preneur aurait en tous cas le droit de se faire rembourser les dépenses nécessaires qu'il au- rait faites à l'immeuble. Douai, 23 mars 1842, S., 42, 2, 482.

23 La question résolue au texte est vivement controversée. Les partisans de l'opinion contraire se fondent sur les deux derniers alinéas de l'art. o99 pour refuser à l'usufruitier, non-seulement tout droit à indemnité à raison des constructions qu'il aurait faites, mais même la faculté d'enlever ces constructions. Cette doctrine étant suivie par la jurisprudence, il est nécessaire d'examiner les arguments dont elle se sert. Il s'agit de savoir si à la fin de l'usufruit, les héritiers de l'usufruitier ont le droit, sinon d'enlever les constructions faites par leur auteur, tout au moins de récla- mer une indemnité. Il convient de répondre par une distinction ; le droit à l'indemnité existe s'il s'agit de constructions nouvelles : il est au con- traire refusé si les ouvrages exécutés constituent de simples améliorations. Mais, dit-on, le texte de l'art. 599 qui tend à éviter des contestations au moment de la cessation de l'usufruit semblerait peut-être de nature à écarter cette distinction subtile et d'une application délicate en prati- que. Où commencent les simples améliorations ? quand y a-t-il au con- traire augmentation véritable? c'est ce qu'il serait souvent difficile de préci- ser, et ce qui pourrait être la matière de longs procès. Quant au droit de faire disparaître les constructions, il reste absolument en dehors de ce qui aux termes de l'art. 599 serait permis à l'usufruitier. Le seul droit qui lui soit concédé, serait celui d'enlever les glaces, tableaux et autres ornements qu'il aurait fait placer, mais à charge de rétablir les lieux dans leur pre- mier état. En ce qui touche l'indemnité, l'usufruitier ne peut, dit la loi, lien réclamer pour les améliorations qu'il prétendrait avoir faites, encore que la valeur de la chose en fût augmentée.La disposition seraitdonc abso- lue, elle ne comporterait ni distinction ni réserve,etil a été jugé en ce sens que suivant l'esprit de la loi, il convient de réputer améliorations, soit les

400 DES DROITS RÉELS.

fonds soumis à L'usufruit^ lorsqu'elles jm> rentrent pas dan

constructions nouvelles s'ajoutant au fond, et en augmentant la valeur soit les constructions ayant pour effet d'achever un bâtiment commencé, « d'agrandir un édifice préexistant. Sans doute, dit-on, une pareille décisioi peut sembler rigoureuse pour l'usufruitier qui a fait des frais dans l'inté rèt de la chose d'autrui, et qui perd le bénéfice doses impenses : fou m saurait toutefois oublier qu'il a agi en connaissance de son titre sans pou voir ignorer que sa jouissance n'était que temporaire, et qu'il s'est volon tairement exposé à un aléa: en effet, si les dépenses étaient perdue pour lui lors de la cessation de l'usufruit, elles pouvaient lui être for avantageuses au cas cet usufruit devait se prolonger. 11 ne semble ;»a possible d'appliquer ici les règles de l'art. 555 : d'abord parce que lu s; (nation est régie par les dispositions de fart. 599 que l'on ne saurait écar ter par voie d'interprétation extensive d'un autre texte : ensuite parce la position de l'usufruitier est absolument différente de celle du lier possesseur. Ce dernier a ce que l'on peut appeler une jouissance de fait il possède pour lui-même, comme s'il était propriétaire, et il tend à lede venir par la prescription de 10 ou 20 ans, s'il est de bonne foi, par', prescription de 30 ans s'il est de mauvaise foi. L'usufruitier au contrain a une jouissance de droit, procédant soit de la loi, soit d'un titre, niai' il sait que son droit est temporaire, et d'ailleurs limité dans son exercia par le droit du nu-propriétaire. C'est par l'effet d'une convention pai -lieu Hère avec celui-ci, qu'il peut arriver à élargir la sphère de son droit, à i faire autoriser à élever des constructions, qui, à la cessation del'usufrui seront en ce qui le concerne l'objet d'une indemnité, sinon le nu proprit taire se trouverait par application du dernier § de l'art. 555, et sans pot voir exiger la suppression des ouvrages, tenu de supporter des frais peut être supérieurs à ses moyens, et en tous cas hors de ses prévision! L'origine de cette opinion ne se rencontre pas dans le droit romain: ni; elle s'appuie sur le sentiment de Pothier (Du douaire, 270) : i serait conforme aux travaux préparatoires du Code (Locré, t. VIII, 250, i, p. 274 n°9, et page 289), et elle concorderait avec la terminologi générale delà loi (Gpr.art. 861,1437,1634, 2133, 2175;. La jurispruelem tend donc à décider que l'usufruitier ne peut, lors de la cessation d son droit, réclamer d'indemnité pour les constructions par lui élevée pendant la durée de sa jouissance. A notre; avis, cette opinion ne repoî «pic sur une extension exagérée donnée au mot améliorations, emploj par l'article précité. Si, dans certaines dispositions du Code, par exen pie, dans les art. 861, 1437, 1634,2133 et 2175, cette expression compter a fortiori, et d'après l'esprit même de la loi. les constructions nouvelles, n'est pas une raison pour dire qu'il en est de même dans l'art. 599. La 1 position de cet article, dérogeant à la règle d'équité Neminem œquum est < u alterius detrimerito locupletari, doit être restreinte aux travaux qui cous tuent des améliorations dans le sens propre du mot, c'est-à-dire aux I

DE LA PROPRIÉTÉ. § 204. iOi

la catégorie des simples améliorations ; mais l'usufruitier

vrages exécutés dans un fonds de terre ou dans une maison, pour les met- tre en meilleur état, et pour en augmenter le revenu ou l'agrément. Dic- tionnaire de l'Académie, Amélioration. De pareils ouvrages, s'identi- tiant avec le fonds de terre ou le bâtiment dans lesquels ils ont été exé- cutés, n'en changent pas la nature propre et constitutive. Mais il en est autrement des constructions nouvelles dont l'exécution a pour résultat de créer une chose distincte du fonds sur lequel elles ont été élevées, et qui, par cela même, ne sauraient être considérées comme de simples amélio- rations. Du reste, il résulte de ces observations même, que nous considé- rerions comme des améliorations dans le sens de l'art. 599, des change- ments ou additions faits à des bâtiments déjà existants, quelle qu'en fût d'ailleurs l'importance. Notre opinion, ainsi expliquée et précisée, est conforme à l'esprit de l'art. 599. dont le motif principal a é(é d'éviter les difficultés qui s'élèveraient presque toujours sur la réalité etla valeur des améliorations que l'usufruitier prétendrait avoir faites, et qui ne sont guère dénature à se présenter quand il s'agit de constructions nouvelles. Cpr. Discussion au Conseil d'Etat et Discours de Gary au Corps législatif (Locré, Lcg., VIII. p. 230, i. p. 289, 11). Nous ajouterons que, si en Droit romain l'usufruitier ne pouvait, ni enlever les constructions par lui faites, ni réclamer d'indemnité, cela était conséquent au principe gé- néral, d'après lequel l'un et l'autre de ces droits étaient refusés à tous ceux qui avaient sciemment élevé des constructions sur le sol d'autrui. Voy. v^ 30, Inst.de rer. dio. (2, 1) ; L. 7, §12, D, de acq. rer. dont. (41, 1) ; L. 15, proe., I). de usufr. Ci, 1). Mais, ce principe ayant été rejeté par l'art. )35, on ne peut plus aujourd'hui tirer aucun argument des dispositions les lois romaines précitées. Nous en dirons tout autant de l'opinion de PDthier (Du douaire, 277), qui écrivait sous l'influence des idées ro- naines. Voy. en ce sens : Delvincourt, I, part. II, p. 360. Duranlon. IV. 579. Duvergier sur Toullier, III, 427, note a. Marcadé, sur l'art. 555, n<' >. Taulier, II, p. 3io. Demolombe, IX. 695 et 696. Grivel. Bévue prati- pie, 1876. XLI, p. 33i. Cpr. Colmar, 13 janvier 1831, S.. 31, 2, 180. Cour de cass. de Belgique. 27 janvier 1887. S.. 87, 4. 29. Voy. 'il sens contraire : Domat, Lois civiles. Liv. I. tit. XI, sect. l^e. art. 17 et 18. Toullier, III, 427. Proudhon, De l'usufruit, III, 1437 et 1441. !)u Caurroy, Bonnier et Roustain, II, 190 et 192. Pont. Des privilèges et les hypothèques, I. 635. Voy. cep. Laurent, VI. 487 à 490. Bourges, 24 février 1837, S., 38, 2, 108 ; et les motifs d'un arrêt de la Cour de Colmar, du 18 mars 1853, S., 54, 2, 624. Rcq.. 4 novembre 1885, S., 86, , 113 et la note. Arg. Req., 26 juillet 1882, S. ,84, 1. 335. Cpr. Zachariae, -231, texte et note 4. Civ. rej., 23 mars 1825, S., 25, 1, 414. Cet arrêt l'est pas contraire à notre sentiment : dans l'espèce sur laquelle il a statué, 1 s'agissait d'ouvrages qui pouvaient être considérés comme des additions des constructions préexistantes. Mais ces règles ne s'appliquent pas ux améliorations laites par un tiers détenteur qui a prescrit la pleine ii 26

402 DES DROITS RÉELS.

ne pourrait, ni enlever les plantation» par lui faites, ni ré* clamera ce sujet aucune indemnité24.

Enfin, le législateur ne parait pas non plus avoir eu en vue, dans Fart. 555, l'hypothèse, assez fréquente (\u restej le propriétaire d'un fonds aurait, en dépassant les limi- tes de ce fonds, étendu ses constructions sur l'héritage voi- sin. Dans cette hypothèse, le voisin est toujours autorisé a demander la démolition de la partie des constructions qui anticipe sur son héritage, sans qu'il y ait à distinguer entre le cas l'empiétement a été commis de mauvaise foi. m celui il serait le résultat d'une simple erreur sur les li- mites-5.

propriété do l'immeuble grevé d'usufruit. Art. 555. Civ. cass., 21 décem- bre 1863, S., 64, 1, 47. Voir suprà le présent §, lettre b. Cpr. Laurent, VI, 486 et suiv.

24 Nous croyons devoir nous écarter sur ce point, de l'opinion des au- teurs que nous avons cités, à la note précédente, à l'appui de notre ma- nière de voir sur la question relative aux constructions nouvelles élevée! par l'usufruitier . Des plantations faites dans un fonds n'ayant pas pour résultat de créer une chose véritablement distincte de ce fonds, et necon# tituant qu'un mode d'exploitation ou de jouissance destiné à en augmenta le revenu ou l'agrément, forment, d'après nous, de simples améliorations dans le sens de l'art. 599. Voy. cep. Laurent, VI, 491.

25 Suivant M. Dcmolombe (IX, 691 ter), la solution donnée au texte n< doit être admise que pour le cas l'anticipation a été commise de mau- vaise foi. Au cas contraire, le propriétaire du sol sur lequel l'empiétemenl a eu lieu, deviendrait propriétaire de la partie du bâtiment assise sur c< sol ; et, à défaut d'entente entre les parties, il y aurait lieu à licitation c ce bâtiment dans la proportion de leurs droits respectifs. Outre que ce expédient parait peu pratique, à raison des difficultés auxquelles il don lierait lieu, nous le regardons comme inadmissible en Droit, puisqu'il m peut être question de licitation que lorsqu'il existe une véritable in< vision, ce qui ne se rencontre pas dans l'espèce. A notre avis, celui qui en l'absence de limites certaines et reconnues, éternises constructions su un terrain dont, par suite d'un bornage ultérieur, la propriété est recon nue appartenir au voisin, se rend tout au moins coupable d'une grave im prudence, et ne saurait trouver d'excuse dans sa prétendue bonne loi. ne pouvait ignorer qu'il restait soumis à une action en bornage, et devail avant de commencer ses constructions, provoquer lui-même la délimil tion. Cpr. Civ. cass., °2:-{ avril 1823, S., u23. 1, 384. Civ. cass.. 26 juilk 1841, S., 41, 1, 836.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 205.

403

§205. 3. De r accession d'un meuble à un meuble.

Cette matière, à laquelle les jurisconsultes romains avaient donné de grands développements, ne présente aujourd'hui qu'un intérêt pratique fort restreint, en présence de la maxime En fait de meubles, possession vaut titre. Ce n'est, en effet, que dans les cas cette maxime cesse de rece- voir application, qu'il y a lieu de recourir aux dispositions des art. 565 et suivants, sur le droit d'accession en ma- tière mobilière. ,

D'un autre côté, les dispositions de ces articles sont étran- gères à l'hypothèse la réunion de deux choses mobiliè- res, appartenant à des propriétaires différents, a été opérée de leur commun accord, le sort de la chose ainsi formée se trouvant alors réglé par la convention des parties.

L'accession d'une chose mobilière à une autre chose mo- bilière peut se réaliser sous trois formes principales, savoir : l'adjonction, la spécification, et le mélange ou la confu- sion.

L'adjonction est la réunion de deux choses, appartenant à différents maîtres, en un seul tout, dont chacune de ces choses forme cependant une partie distincte et reconnais- sable. Elle est réglée par les art. 566 1 à 569, aux termes

1 La rédaction de l'art. $66 laisse à désirer. Les termes sont néanmoins séparables n'expriment pas nettement la pensée du législateur, et présen- tent même une espèce de contre-sens au point de vue de la règle posée par cet article, dont l'esprit n'est évidemment pas de subordonner le droit d'accession à la possibilité de la séparation. Il fallait donc dire quoique séparables, et non pas sont néanmoins séparables. Laurent, VI, 314. Au fond, cette disposition est contraire à celle du Droit romain, qui, tout en refusant au propriétaire de la chose accessoire le droit de la revendi- quer de piano, lui accordait cependant, lorsqu'elle pouvait se séparer de la chose principale, la faculté d'agir ad exhibendum, pour en obtenir la séparation, et pour en exercer ensuite la revendication. L. i23, § 5, D. de rei vind. (6, 1). L. 6, et L. 7. §§ 1 et 2, D. ad exhib. (10, 4). Le mérite de l'innovation introduite par le Gode nous parait très contestable. Demo- lombe, X, 187 à 189. Cpr. Valette, Distinction des biens, p. 178.

404 DE DROITS RÉELS.

desquelsle propriétaire de la chose principale devienten géJ

néral propriétaire du tout, à charge de payer au proprié- taire delà chose accessoire, la valeur de cette chose. Acces\ sorium cedit principali.

La spécification désigne le fait de celui qui a formé une chose dune espèce nouvelle avec la matière d'autrui. Le propriétaire de la matière a. en général, et sauf l'excep- tion prévue par Fart. 571, le droit, soit de réclamer la pro- priété de la chose nouvellement formée, à la charge de rend hourser le prix de la main-d'œuvre ", soit de demander le remboursement du prix de sa matière, ou la restitution d'uni égale quantité de matière, de même nature et qualité. Art. 570 etë76.

Le cas spécial l'auteur de la spécification a employé en partie sa propre matière et en partie celle d'autrui, est réglé par l'art 572.

Au cas de mélange ou de confusion de matières sèches ou liquides, appartenant à des maîtres différents, et qui ne peuvent plus être séparées sans inconvénient, la chose ainsi formée devient en général, et sauf l'exception indiquée par l'art. 571, commune aux deux parties, dans la proportion de la quantité, de la qualité et de la valeur des matières provenant de chacune d'elles, et doit être licitée à leur pro- fit commun. Art. 573 et 575.

Lorsqu'il se présente des cas d'accession non prévus par les dispositions légales qui viennent d'être analysées, les juges doivent décider les difficultés qu'ils peuvent faire

2 Les dispositions des art. 570 et 571 relatifs à la spécification, s'écd lent également : de l'opinion des Proculéiens, suivant lesquels le spécii cateur devenait propriétaire de la chose qu'il avait formée ; de celle cleai Sabinicns, qui donnaient, dansions les cas. l;t préférence au propriétaire de la matière ; et enfin de la décision intermédiaire de Justinien, qui, tout en adoptant eu principe le sentiment des Proculéiens, accordait ce- pendant au maître de la matière la faculté de la revendiquer, lorsqu'il était possible de la ramener à son état primitif. Cpr. § ^.v>, lus/, de rer div. (2, 1). Sur ce point, les dispositions du Gode nous paraissent plus équitables et plus pratiques que les solutions données par les juriscon- sultes romains et par les Justitutcs. Laurent, VI, 316-318.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 206. 405

naître, suivant les principes de l'équité naturelle, et en pre- nant pour guide les solutions données par le Code aux hy- pothèses dont il s'occupe. Art. 060 3.

Du reste, dans toute espèce d'accession, ceux qui oui employé, à Tinsu des propriétaires, des matières apparte- nant à autrui, peuvent, selon les circonstances, et indépen- damment de la restitution de ces matières ou de leur va- leur, être condamnés à des dommages-intérêts, sans pré- judice des poursuites criminelles, s'il y échet. Art. 577.

III. De l'acquisition des fruits perçus par un possesseur

do bonne foi,

% 206.

La propriété d'une chose emportant un droit exclusif aux fruits produits par cette chose, celui qui les a perçus sans y être autorisé en vertu d'un titre opposable au pro- priétaire, est en général tenu de les lui restituer. La loi fait exception à ce principe en faveur du possesseur de bonne foi, qui acquiert, par le seul fait de la perception, les fruits qu'il a perçus 1 .Art. 549.

Le possesseur de bonne foi est celui qui possède en vertu d'un titre translatif de propriété dont il ignore les vices. Art. 550. On doit, sous ce rapport, assimiler aux titres translatifs de propriété, les titres translatifs ou constitutifs de droit d'usufruit ou d'usage.

Les art. 549 et 550 ont principalement pour objet déré- gler les rapports du tiers possesseur de la chose productive

3 Malgré la rédaction ambiguë de cet article, on doit tenir pour certain que les juges ne peuvent, dans les cas prévus par la loi, s'écarter des dis- positions destinées à les régler, et que c'est seulement dans les hypothèses dont le Code ne s'est pas spécialement occupé, qu'ils sont autorisés à sta- tuer d'après les règles de l'équité naturelle.

1 Ce bénéfice est accordé au possesseur de bonne foi d'une universalité juridique eomme au possesseur d'un objet particulier. Vov. § 6t6? texte nQ 3 et notes 49 et ±\ Laurent, VI, 204,

406 DE DROITS RÉELS.

de fruits, et du propriétaire de cette chose, qui la revendi- que contre lui.

On doit, quant à l'application de ces articles, asssimiler à cette hypothèse celle où, comme conséquence de Faction en annulation d'un acte à titre onéreux ou gratuit, le pro- priétaire d'une chose productive de fruits en réclame le dé- laissement contre celui auquel elle avait été livrée 2.

Les art. 549 et 550 semblent devoir être également éten- dus au cas d'admission d'une action paulienne, ou d'une ac- tion en rescision de partage pour cause de lésion de plus du quart 3.

2 Art. 4378 et arg. de cet article. L'annulation d'un acte translatif de propriété enlève rétroactivement à celui auquel la chose productive de fruits avait été livrée en vertu de cet acte, tout droit, non seulement à la propriété, mais encore à la jouissance de cette chose, et le réduit à la simple condition de possesseur de la chose d'autrui.Voy. en sens contraire, Laurent, VI, 239 et suiv. Suivant cet auteur, les principes posés parles art. 449 et 450 ne doivent être appliqués que dans le cas de revendication, et non dans le cas de l'exercice d'une action personnelle, car, dit Laurent, le demandeur agit alors, non comme propriétaire, mais comme créancier et en vertu d'un contrat. La conséquence de ce système est que le titre, disparaissant par le fait de la révocation ou de la rescision, le bénéfice de la bonne foi échappe au possesseur qui est réputé n'avoir jamais eu de titre et qui dès lors est tenu de restituer l'intégralité des fruits par lui perçus à partir de la prise de possession. La raison d'être de cette distinction ne nous apparaît pas. Les règles formulées parles art. 549 et 550 combinées avec l'art. 1378 sont générales, et elles s'appliquent également aux deux hypothèses. Chacune des actions tend au déguerpissement, et l'on ne voit pas pourquoi le tiers détenteur actionné en revendication serait mieux traité que celui qui possède en vertu d'un contrat annulé depuis. Du reste on ne saurait assez répéter que le Gode civil n'accorde pas facilement les restitutions de fruits qui sont habituellement ruineuses : dans l'hypothèse que nous examinons, une pareille restitution effectuée rétroactivement à compter de la prise de la possession, lorsqu'elle a eu lieu de bonne foi, serait d'une extrême iniquité. Voir infrà, texte 3 et note 18. Dans no- ire sens, Valette, Dist. des biens, p. 124 et suiv. Giv. cass., 24 fév. 1834| S., 34, 1, 78.

3 Cpr. sur l'action paulienne : § 313. Quant à l'action en rescision du partage, nous ferons dès à présent remarquer que les dispositions de l'art» 1082 ne peuvent y être étendues, parce qu'elles sont fondées sur des rai- sons spéciales, qui ne sauraient trouver application en matière de partagl Cpr. § 626, texte n<> 2. Orléans 19 janv. 1839, D., liép., Prop,, n" 3!(>,

DE LA PROPRIETE. § 206. 407

Mais ce serait à tort que l'on ferait intervenir ces articles, pour le règlement des droits des parties, au cas un acte translatif de propriété viendrait à être résolu, soit par l'effet d'une condition résolutoire 4 expresse, soit par application des art. 954, 1184 et 1654.

Quant aux conséquences de la rescision pour lésion de plus des sept douzièmes d'une vente immobilière, elles sont, en ce qui concerne la restitution des fruits, spécialement réglées par l'art. 1682, pour l'application duquel il n'y a plus lieu d'examiner si l'acquéreur était ou non de bonne foi. La même observation s'applique aux art. 856, 928, 958 et 962, qui déterminent à partir de quelle époque est due la restitution des fruits, par l'héritier soumis au rapport, et par le donataire dont la donation a été, soit réduite pour at- teinte portée à la réserve, soit révoquée pour cause d'ingra- titude ou par survenance d'enfant.

Celui qui possède une chose productive de fruits, en vertu d'un titre translatif de propriété qu'il croit émané du véritable propriétaire, n'est pas pour cela seul de bonne foi, lorsque, d'ailleurs, il a connaissance de tel ou tel autre vice dont son titre est entaché. En d'autres termes, la loi exige du possesseur une bonne foi absolue, c'est-à-dire l'ignorance de tous les vices de son titre sans exception, et non pas seu- lement une bonne foi relative, consistant uniquement dans la croyance qu$ son auteur était propriétaire de la chose qu'il lui a transmise5.

* En effet, la résolution d'un acte translatif de propriété opère bien en général avec effet rétroactif, en ce sens que l'acquéreur est à considérer, quant aux droits réels qu'il aurait concédés sur la chose, comme n'en ayant jamais été propriétaire ; mais elle ne peut faire disparaître rétroac- tivement le droit d'administration et de jouissance qui lui appartenait en vertu de son titre. En pareille circonstance, il ne saurait être question de restitution de fruits, mais seulement, le cas échéant, de dommages-inté- rêts. Demolombe, IX, 609 bis. Voy. cep. Duvergier, De la vente, I, 452. Troplong, De la vente, II, 632. Laurent, VI, 243. Rouen, 28 décembre 1857, S., 58, 2, 76.

5 L'art. 550 n'établit aucune distinction entre les différents vices dont le titre peut être entaché, et fait consister la bonne foi dans l'ignorance de

ÏÛS DES DROITS RÉELS.

On ne saurait donc considérer comme possesseur de bonne foi : celui qui s'est procuré son titre à l'aide de vio- lence ou de dol°, celui qui s'est rendu acquéreur d'une chose dont, à sa connaissance, l'aliénation n'était pas per- mise 7; celui qui possède en vertu d'un titre qu'il sait être prohibé parla loi, ou manquer des formes prescrites pour sa validité 8; ni en général, celui qui a sciemment acquis d'un incapable '.

Toutefois, celui qui aurait acheté, soit d'un mineur ou du tuteur d'une personne judiciairement interdite, sans accom- plissement des formalités prescrites par la loi, soit d'une femme mariée non autorisée, pourrait exceptionnellement avoir été de bonne foi, malgré sa connaissance de l'irrégu- larité de son titre, si, la vente ayant été passée dans l'inté- rêt bien entendu de l'incapable, il avait eu des motifs plau- sibles de croire qu'elle serait confirmée 10.

La bonne foi peut exister, quelle que soit la nature des vices dont le titre du possesseur se trouve entaché. Il n'y a à cet égard aucune différence à faire entre les vices <l<- fond ou de forme11, ni entre ceux qui entraînent une nul- lité relative ou une nullité absolue.

tous ces vices. Zachariaj, §201, texlc et note 3. Laurent, VI. 208.Civ.cass , 19 décembre 4864, S., 05, 1, 18. Rouen, 24 mai 1865, S., 65, 2, 268.

u Taulier. Il, p. 264. Demolombe, IX, 606.

' Par exemple d'un immeuble dotal. Demolombe, IX, 607. Laurent. VI. 215. Hiom, 26 juin 1830, S.. 40, 2, 145. Keq., 3 avril 1845, S.. 45, 1. 423. Cpr. Civ. cass., 12 mai 184Ô, S.. 40, 1, 668.

8 II en est ainsi notamment de celui qui, possédant en vertu d'une subs- titution prohibée ou par donation faite sous seing privé, connait le viofl de son titre. Taulier, II. p. 263 et 264. Demolombe, IX, 608. Laurent, VI, 211.

!l Duranton, IX, 353. Taulier, II, p. 262. Demolombe. IX, 604. Laurent, VI, 214. Bourges. 11 mai 1837, S., 38, 2, 75.

10 Cpr. Demolombe, loc. cil. Voy. en sens contraire Laurent, VI, 214, Amiens, 18 juin 1814. S., 15, 2, 40. Req.,4 décembre 1826, S.. 27. 1.310.

11 iS'on obstat art. 2267. Si le titre nul par défaut de forme ne peut ser- vir de base a l'usucapion de dix à vingt ans, la raison en est qu'en matière de prescription, le titre est exigé comme une condition distincte de la bonne foi. et que la loi a assimilé la nullité extrinsèque du titre à l'absence (II! titre Ko fnit de perception de fruits. au rnnlraire. le litre n'csl exigé

DE LA PROPRIÉTÉ. § 206. 409

D'une autre côté, la bonne foi peut non-seulement résul- ter d'une erreur de fait, mais aussi dune erreur de droit u>, pourvu que cette erreur soit clairement établie par celui qui s'en prévaut 12 bis.

La question de bonne foi, c'est-à-dire celle de savoir si le possesseur ignorait les vices de son titre, est une pure question de fait, qui doit être décidée d'après les circons- tances particulières de chaque espèce, et eu égard à la con- dition personnelle du possesseur I3.

Cependant, celui dont l'acquisition reposerait sur un ti- tre nul, comme contraire à une prohibition d'ordre public, ne serait pas admis à se prévaloir du bénéfice de Fart. 549, sous prétexte qu'il aurait été de bonne foi u.

que comme élément de preuve de la bonne foi ; et la nullité du titre" pour défaut de forme, n'est pas nécessairement exclusive de la bonne foi. Duranton, IV. 352. Marcadé, sur l'art. 550, 1. Demolombe, IX, 608. Douai, 7 mai 1819, S., 20, 2, 127. Toulouse G juillet 1821, S., 22, 2,107. Angers, 9 mars 1825, S.. 26, 2, 181. Lyon, 29 novembre 1828, D., 29, 2, 35. Civ. cass., 8 janvier 1872, D., 73, 1, 57. Voy. cep. Taulier, II. p. 3153. Laurent, VI, 211.

12 Cpr. | 28, texte in fine, notes 6 et 7. Marcadé, sur l'art. 550, 2. Déniante, Cours, II, 385 bis, IV. Demolombe, IX. 609. Zachariae, § 201, lexle et note 5. Laurent, VI, 218. Valette, p. 128. Dijon, 7 janvier 1817. S., 17, 2. 357. Lyon, 29 novembre 1828, S., 29, 2, 221. Riom, 4 juin 1847, S., 47, 2, 467. Rennes, 19 mai 1849, S., 50, 2, 610. Toulouse, 27 mai 1878, S., 80, 2, 5. Civ. cass., 11 janv. 1887, S., 87, 1, 225. Voy. en sens contraire : De Fréminville, De la minorité, II, 663. Taulier, II, p. 262. Cpr. aussi : Bourges, 28 août 1832, S., 34, 2, 38.

'- bis. V. cep. Valette, Distinction, p. 130.

13 L'erreur du juge dans la solution de cette question, ne constitue qu'un mal jugé, et ne donne pas ouverture à cassation. Duranton, IV, 358. Demolombe, IX, 610. Civ. rej.. 23 mars 1824. S.. 25, 1, 79. Req., 13 décembrel830, S., 31, 1, 24.

14 En pareil cas, la question d'acquisition des fruits est dominée par un principe d'un ordre supérieur. En attachant un avantage quelconque à des titres de la nature de ceux dont il est question au texte, on se mettrait, tout au moins indirectement et partiellement, en opposition avec la prohibi- tion de la loi. Laurent, VI, 218 et suiv. Civ. cass.. 11 janvier 184:). S.. 43, 1, 149. Req.. 30 novembre 1853, S.. 54, 1, 27. Civ. cass.. 19 décembre 1864. S., 65, 1, 18. Rouen, 14 mai 1865. S. , 65, 2, 268. Voy. pep. Rennes, 19 mai 1849. S., 50. 2.609. Toulouse. 27 mai 1878, S., 80,

410 DES DROITS RÉELS.

En matière de perception de fruits, le titre n'est pas exigé comme condition distincte de la bonne foi, mais seu- lement comme élément ou comme moyen de preuve m cette dernière, et par le motif qu'en général la bonne foi ne saurait se présumer de la part de celui qui possède sans titre. On doit en conclure que le titre putatif équivaut, dans cette matière, à un titre réellement existant 13.

Cette proposition conduit à reconnaître que celui qui pos- sède, en vertu d'un titre translatif de propriété, une chose qu'il croit lui appartenir en vertu de ce titre, bien qu'en réalité il ne s'y applique pas, peut être considéré comme possesseur de bonne foi. C'est ce qui a lieu, par exemple, pour l'héritier, ou pour l'adjudicataire sur saisie immobi- lière qui a pris possession d'immeubles qu'il croyait dépen- dre delà succession, ou avoir été compris dans l'adjudica- tion16.

Il résulte également de la proposition ci-dessus énoncée, que celui qui est persuadé de l'existence à son profit d'un titre translatif de propriété, peut être réputé posséder de bonne foi, bien que ce titre n'ait jamais existé, ou qu'il fil été anéanti. C'est ainsi que le parent qui se croit appelé par la loi à recueillir une succession légalement dévolue à

2, S. Spécialement en ce qui concerne les congrégations religieuses, la jurisprudence ne leur accorde pas les avantages attachés à la bonne foi, lorsqu'elles n'ont pas d'existence légale ou qu'elles n'ont pas obtenu de l'administration, l'autorisation nécessaire pour acquérir. Laurent, VI. 229. Giv. cas*.. 19 décembre 4864, S., 65, 1, 18. Rouen, 24 mai 186.">, S., 65,2, 268. Lyon, 12 juillet 1878, S., 79, 1, 318.

1U La rédaction de l'art. 580, comparée à celle de l'art. 2265, fait clai- rement ressortir que, si, en matière d'usucapion par dix à vingt ans, le titre est exigé comme condition distincte et indépendante de la bonne foi, il en est autrement en matière de perception de fruits. Du Caurroy, Meu- nier et Roustain, II, 100. Demolombe, IX, 596 et 002. Angers, 9 mars 182:;, S., 26, 2, 131. Voy. en sens contraire Laurent, VI, 209. La seule dénomination de titre putatif, indique que le détenteur a confiance dans ce titre dont il ignore lés vices, et que dès lors, il ne peut être considéré comrrtj

étant de mauvaise loi.

16 Ueq., 8 février 1837, S., 37, l, 729. Douai, 15 mai 1847, S.. 17, 2, 564. Voy. aussi les arrêts citésàla note 20 infrà. Cpr. Keq., 4 avril I8:il , S.. 51, I, 809. Voy. en sens contraire, Laurent. VI, 209.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 206. 411

une autre personne, et le légataire institué par un testa- ment faux ou révoqué dont il ignorait la fausseté ou la ré- vocation, sont à considérer comme possesseurs de bonne foi 17.

Dans les hypothèses le possesseur ne peut invoquer qu'un titre putatif, il est tenu de justifier de sa bonne foi, en prouvant qu'il avait des raisons plausibles et suffisan- tes pour croire à l'existence d'un titre à son profit, ou pour étendre son titre à la chose possédée. Lors, au contraire, que le possesseur produit un titre translatif de propriété qui s'applique réellement à cette chose, il faut distinguer si, pour établir sa bonne foi, il invoque une erreur de fait, ou une erreur de droit. Au premier cas,' il est, jusqu'à preuve du contraire, présumé avoir ignoré les vices dont son titre est entaché. Au second cas, il doit, pour repous- ser l'application de la règle Nemo jus ignorare censetur, justifier de l'erreur dans laquelle il se trouvait18.

En tout état de cause, le possesseur ne peut être con- damné à la restitution des fruits perçus antérieurement à la demande, qu'autant que le jugement constate formelle- ment sa mauvaise foi 19.

11 Valette, p. 124 à 128. Demolombe, IX, 595 et suiv. Civ. cass., 18 août 1830, S., 30, 1, 312. Civ. rej., 7 juin 1837, S., 37, 1, 581 et 586. Colmar, 18 janvier 1850, S., 51, 2, 533. Angers, 21 janvier 1875, D., 75. 2, 71. Civ. cass., 8 janvier 1872, D., 73, 1, 57. Voy. aussi les arrêts cités à la note 19 du § 616. Voy. cep. Laurent, VI, 206* et suiv.

18 Civ. cass., 3 mai 1869, D., 69, 1, 254. Civ. cass., 8 janvier 1872, S., 73, 1, 57. Cpr. Demolombe, IX, 615, Laurent, VI, 225.

19 La simple déclaration que le possesseur a possédé indûment, ne suf- firait pas. Civ. cass., 8 février 1830, S., 30, 1, 94. Civ. cass., 24 février 1834, S., 34, 1, 78. Civ. cass., 25 mars 1835, S., 35, 1, 529. Civ. cass., 24 juillet 1839, S., 39, 1, 653. Civ. cass., 12 mai 1840, S., 40, 1, 668. Civ. cass., 7 janvier 1861, S., 61, 1, 432. Civ. cass.,. 3 mai 1869, D., 69, 1, 251. Mais il n'est pas nécessaire que le juge du fait déclare en termes exprès que le détenteur était de mauvaise foi, du moment où, de l'ensem- ble de sa décision et des déclarations de fait y contenues, il résulte que le détenteur ne pouvait ignorer et qu'il n'a point ignoré en effet, les vices de son titre. Civ. rej., 23 janvier 1889, Journ. le Droit du 27 janvier. Voy. cep. Laurent, VI, 227.Req., 10 mai 1859, S., 60, 1, 996.

412 DES DROITS RÉELS.

La bonne foi doit être exclusivement appréciée dans la personne du possesseur, qui prétend avoir fait siens lea fruits par lui perçus sans égard à la possession de son au- teur ; de telle sorte que le successeur, môme à titre uni-. versel, d'un possesseur de mauvaise foi, doit être réputé do bonne foi, lorsqu'il ignore les vices du titre de son auteur20,

20 Au soutien de l'opinion contraire, on a dit que la possession du dé- -funt se continue, avec le vice de mauvaise foi, dans la personne du sue* cesseur universel, et qu'il en est ainsi même en matière de perception do fruits, comme le prouve la loi 2 au Gode de fruct. et lit. exp. (7, 51) ; que d'ailleurs, en admettant que le successeur universel gagnât les fruits à raison de sa bonne foi personnelle, il n'en serait pas moins obligé (\o les restituer, comme tenu de tous les faits de son auteur, et spécialement dos obligations qui incombaient à ce dernier à raison de son indue possession, Mais cette double argumentation ne nous paraît nullement fondée. Si lo successeur universel d'un possesseur de mauvaise foi ne peut, malgré si bonne foi personnelle, se prévaloir de l'usucapion par dix à vingt ans, la raison en est que, d'une part, cette usucapion exige une bonne foi conco- mitante à l'acquisition, et que d'autre part, la vocation à la succession n'efj un titre translatif que pour les choses dont le défunt était propriétaire. En ce sens et au point de vue de l'usucapion, il est vrai de dire que la mau- vaise foi de l'auteur se continue dans la personne de son successeur uni- versel. Mais il en est tout autrement en matière de perception de fruits. En effet, la dispense de restituer les fruits étant accordée à toute personne qui les a perçus de bonne foi. même en vertu d'un titre simplement puta- tif, rien n'empêche (pie le successeur universel, possesseur de bonne foi, ne puisse, de son propre chef, invoquer ce bénéfice, quant aux fruits par lui perçus. La loi i au Code de fruct. et lit. exp. n'est aucunement con- traire à celle doctrine, puisqu'elle ne s'occupe que des fruits perçus depuis la demande (post conventionem), et qu'il n'est pas douteux que, sous ce rapport, l'héritier ne succède à l'obligation de restitution née dans la per- sonne de son auteur par l'effet du contrat judiciaire. Quand au second ar- gument, il part d'une idée qui nous paraît beaucoup trop absolue, n\ tant qu'elle rendrait le possesseur de mauvaise foi responsable des sui- tes de son indue possession, même postérieures à son décès. Qu'un toi possesseur soit tenu de restituer, non-seulement les fruits par lui perçus. mais encore ceux qu'a recueillis un tiers auquel il aurait transmis la pos- session par dol, cela se comprend. Mais on ne comprendrait pas que lo bligation de restituer des fruits qui ne seront perçus qu'après le décès du possesseur de mauvaise foi, préexistât dans sa personne et se transmit ;i son héritier, alors que la cessation de sa possession, suite naturelle de ce décès, ne se trouve entachée d'aucune espèce de dol. Delvincourl. Il, p. |0. hiiranlon, IV, X\l . llonno<juin, II, p. 22Q, Mareadé, sur l'art. 550^

DE LA PROPRIÉTÉ. $:206. 413

et que, réciproquement, le successeur, même à titre parti- culier, d'un possesseur de bonne foi, est à considérer comme possédant de mauvaise foi, lorsqu'il connaît les vices dont le titre de ce dernier est entaché 21.

La bonne foi doit accompagner chaque fait de percep- tion. Si donc le possesseur, de bonne foi dans F origine, avait cessé de l'être, il devrait la restitution des fruits par lui perçus depuis la cessation de sa bonne foi ".

no -2. Chavot, De la propriété mobilière, II, 479. Taulier, II, p. 203. Du Gaurroy, Bonnier etRoustain, II, 101. Déniante, II, 383 bis, VIII. Demo- lombe, IX, 612 à 614. Zacharise, § "201. texte et noie 7. Laurent, VI, 224. Valette, p. 131,111. Douai, 1er juillet 1840, S., 40, 2, 488. Douai, 13 mai 1847, S., 47, 2, 564. Giv. eass., 24 mai 1848, S., 49, 1, 125. Or- léans, 11 janvier 1849, S., 49, 2, 139. Dijon. 12 août 1874, S., 74, 2, -289. Voy. en sens contraire : Domat, Lois civiles, part. 1, liv. III, lit. V, 14. Pothier, De la propriété, 336. Dclvincourt, II, part. 11, p. 10 et 11. Proudhon, Un domaine 'prive. II, 551. Coulon, Quest. de droit, III, p. 339. Cpr. Caen, 23 juillet 1826, $., 28, 2. 131. Req., 19 mai 1837, S., 38, 1. 39. Giv. eass., 8 juin 1864, S., 64, 1, 388. Giv. rej., 17 mai 1863, S., (53, I, 230. (les arrêts, bien que cités ordinairement en sens contraire de l'opi- nion que nous avons émise, ne la contredisent cependant pas. Le premier statue sur des fruits perçus par des héritiers dans le cours d'une instance engagée contre leur auteur, et vidée avec eux. Cpr. texte 3, notes 24 et 26 infrà. Les trois derniers ont été rendus sur des demandes en resti- tution de l'indu, c'est-à-dire dans des espèces il s'était formé, entre le demandeur et le défunt, un quasi-contrat, en vertu duquel ce dernier ayant reçu de mauvaise foi une somme qui ne lui était pas due, se trouvait sou- mis à l'obligation de la restituer avec intérêts, obligation qui, comme tout autre engagement du défunt, devait passer à ses héritiers avec toutes ses conséquences.

-l Zacharias § 201, texte et note 8.

Valette, p. 134. En matière d'usucapion par 10 à 20 ans, il suffit que la bonne foi ait existé au moment de l'acquisition. Art. 2269. Mala fides superveniens non nocel. La raison en est que la prescription acquisitive repose sur la possession, c'est-a-diresur un état de choses permanent, dont le caractère se détermine en général, d'une manière invariable, d'après les circonstances qui en ont accompagné l'origine. L'acquisition des fruits repose, an contraire, sur une perception opérée de bonne foi. Or, chaque acte de perception constituant un fait isolé, dont le caractère est indépen dant de celui des perceptions antérieures, il en résulte que le possesseur ne saurait, pour se dispenser de la restitution des fruits qu'il a perçus de- puis la survenance de la mauvaise foi, se prévaloir de sa bonne foi origi-

414 DES DROITS REELS.

Le possesseur cesse d'être de bonne foi, dès qu'il obtient connaissance des vices de son titre, soit paiTefîet d'une de- mande judiciaire 22 bis ou d'une sommation extrajudiciaire, soit de toute autre manière 23. Art. 550, al. 2.

Du reste, le possesseur doit toujours être condamné à la restitution des fruits du jour de la demande. Il n'y a, sous ce rapport, aucune différence à faire entre le posses- seur qui aurait acquis, parla demande dirigée contre lui, la connaissance des vices de son titre, et celui qui, mal- gré cette demande, serait resté de bonne foi1'*.

naire. Gpr. L. 23, § 1, et L. 48, § 1, D. de acq. rer. dom. (41, 1). Laurent, VI, 220.

22 bis. Ci\. cass-., 2 avril 1878, S., 79, 1, 261. Req., 4 juillet 1882, S., 82, 1, 105. L'art. 350 est applicable même à l'État, lorsqu'une demande en revendication est formée contre lui. Voir arrêts précités et Besançon, 25 mars 1880, D., 80, 2, 175.

23 Dans notre ancienne jurisprudence, on n'était pas d'accord sur le point de savoir si le possesseur pouvait être constitué en mauvaise foi au- trement que par une demande libellée. Cpr. Ordonnance de 1539, art. 1H. Rousseau de la Combe, Fruits, sect. I. Pothier, Le la propriété, no 342. Mais la solution affirmative nous parait aujourd'hui incontestable en pré- sence du second alinéa de l'art. 550. C'est aux tribunaux qu'il appartient de décider en pur point de fait, si, et à partir de quel moment, le posses- seur a cessé d'être de bonne foi, en acquérant, n'importe par quelle voie. la connaissance des vices de son titre. Toullier, III, 76. Duranton, IV, 302. Taulier, II, p. 265. Déniante, Cours, II, 385 bis, VIII. Demolombe, 1X; 630. Zachariae, § 201, texte et note 9. Laurent, VI, 222. Bordeaux, 14 août 1809, S., il, 2, 85. Civ. rej., 23 décembre 1840, S., 41, 1, 136. Civ, cass., 11 janvier 1887, S., 87, 1, 225.

2/f L'obligation pour le possesseur de bonne ou de mauvaise foi, de res- tituer les fruits à partir de la demande, est une conséquence du caractèrt simplement déclaratif des jugements, et de leur effet rétroactif, entre ies parties au jour même de la demande. Le contrat judiciaire ne recevrait pas sa complète exécution, si la chose, devenue litigieuse, n'était pas re* tituée avec tous les fruits perçus par le défendeur pendant l'instance. Cpr. Demolombe, IX, 632. On exprime ordinairement la proposition énoncée au texte, en disant que le possesseur doit nécessairement être réputé <l< mauvaise foi à partir- de la demande. Cpr. Civ. cass., 8 mars 1852. S., 52, 1, 497. Paris, 30 avril 1859, S., 60, 2, 655. Mais cette formule n'esl pas exacte : d'une part, en effet, il n'existe aucune disposition qui attach* une présomption légale de mauvaise foi à la demande formée contre U défendeur ; et, d'autre part, il se peut que de fait il ait, malgré sa ôff

DE LA PROPRIETE. § 206. 415

Le possesseur doit restituer les fruits à partir clu jour de la demande, alors même qu'il a obtenu gain de cause en première instance et en appel, et que la condamnation en délaissement n'est intervenue qu'après la cassation, ou la rétraction sur requête civile, d'une décision primitivement rendue en sa faveur25.

Les propositions précédentes s'appliquent également aux héritiers, qui seraient condamnés au délaissement par suite d'une instance engagée avec leur auteur26.

Si le délaissement n'avait été ordonné que par suite d'une seconde demande, introduite après une première instance abandonnée par désistement ou tombée en péremption, le possesseur ne devrait les fruits qu'à partir de la seconde demande, à supposer, bien entendu, qu'il' eût continué à être de bonne foi malgré la première 27.

Le possesseur de bonne foi n'acquiert que les fruits,

mande, conservé l'entière conviction de la légitimité de sa possession. Laurent, VI, 223. La proposition énoncée au texte est peut-être trop absolue. Ainsi, lorsque le possesseur d'un immeuble a été maintenu par un jugement rendu au possessoire, et que plus tard il est évincé au péti- toire, il ne doit restituer les fruits qu'à partir de la demande au pétitoire. En effet, le jugement possessoire est définitif sur le fait et sur les carac- tères de la possession : il établit une présomption de propriété au profit du possesseur, lequel peut être réputé de mauvaise foi, et qui dès lors, fait les fruits siens tant que la partie adverse n'a pas établi ses droits par la voie du pétitoire. Civ. cass., 5 juillet 1826, S. Chr.

23 Cette proposition n'est qu'une conséquence des explications données à la note précédente. Req., 3 juin 1839, S., 39, 4, 477. Voy. cep. Paris, 18 juillet 1835, S., 35, 2, 403. M. Demolombe, tout en admettant en prin- cipe la proposition émise au texte, y apporte cependant une exception pour le cas la décision rendue au profit du possesseur, aurait été ré- tractée sur requête civile, en vertu de moyens autres que le dol person- nel du défendeur. Mais cette exception, en faveur de laquelle pourraient selon les circonstances, militer des considérations d'équité, ne nous pa- rait pas conciliable avec l'effet rétroactif de la requête civile. Laurent, VI, 223.

16 Cpr. note 20 suprà, in fine. Valette, p. 132. Gaen, 25 juillet 1826, D., 28, 2, 151.

27 Pothier, De la propriété, no 342. Duranton, IV, 362. Demolombe, IX, 636. Laurent, VI, 224.

416 DES DROITS RÉELS.

naturels 011 civils, qui ont été produits ou qui ont couru pen- dant la durée de sa possession M ; et il ne les fait siens que par une perception effective.

Ainsi, dune part, il ne peut retenir, ni les fruits civils, échus avant son entrée en possession, qu'il aurait perçus en vertu dune cession à lui passée par un possesseur de mauvaise foi, ni les fruits civils, qui n'ont couru que de- puis la demande en revendication formée contre lui, et qu'il aurait perçus par anticipation.

Ainsi, d'autre part, le possesseur de bonne foi n'acquiert pas, comme l'usufruitier, les fruits civils jour par jour] il ne les acquiert même pas par le seul fait de leur éché- ance, et ne les fait siens que par la perception ". 11 n'a

28 En effet, l'art. 549, en attribuant au possesseur de bonne foi, les fruits qu'il a perçus, n'a eu évidemment en vue que les fruits qui ont éta produits ou qui ont couru pendant toute la durée de sa possession, de même que l'art. 547, en disant que les fruits appartiennent au proprié- taire n'a entendu parler que des fruits qui ont été produits ou qui ont cou- ru pendant toute la durée de son droit de propriété. Demolombc IX, 629j Laurent, Vf, 307.11 est toutefois à remarquer que celui qui a pris possession des biens d'une succession à laquelle il se croyait appelé, doit, en vertu de l'effet rétroactif de l'acceptation, être réputé les avoir possédés du jour mémo de l'ouverture de celte succession, et qu'ainsi il a droit, non-seulement aux fruits qu'il a perçus lui-même depuis sa prise de possession effective mais encore à ceux qu'il est censé avoir perçus antérieurement, par l'in- termédiaire de la personne chargée de l'administration de la succession. Paris, :i juillet 1834, 1)., 1834, 2, 317. Giv. rej., 7 juin 1837, I).. 37, 1, 303 et 364. Paris, 13 avril 1818, S., 48, 2. 313. C'est à tort, selon nous que AI. Demolombe critique la décision de ses arrêts, en les citant comme contraires ;i l'opinion émise au texte. Laurent, VI, 307.

29 L'art. .v)8(), d'après lequel les fruits civils s'acquièrent jour par jour* n'a spécialement pour objet que le règlement des rapports de l'usufrui- tier et du nu-propriétaire : et si nous avons cru devoir en étendre les dis- positions au cas deux personnes viennent à succéder l'une à l'autre flans la propriété, c'est par la raison que les deux propriétaires successif^ ont chacun, comme l'usufruitier et le nu-propriétaire, un droit aux fruits préexistant à leur perception. Mais il n'en est plus ainsi du simple pos- sesseur même de bonne foi, qui, eu cette seule qualité, n'a aucun droit aux fruits. Son titre d'acquisition ne reposant que sur le fait de la percep- tion, on ne pourrai! lui allouer des fruits civils qu'il n'aurait pas perçus. qu'en étendant arbitrairement la disposition de l'art, -i8(j, et en créant une

DE LA PROPRIETE. § 2Ô6. 41 ?

donc aucun droit aux fruits civils de l'année courante, ni même à ceux des années précédentes, qu'il n'aurait pas per- çus. Si cependant les débiteurs de ces fruits s'en étaient re- connus redevables envers lui, ou s'il les avait cédés à un tiers, il devrait être considéré comme les avant réellement perçus30.

Le possesseur de bonne foi fait siens, par la perception, tous les fruits naturels ou civils proprement dits, ainsi que les produits ou émoluments qui y sont assimilés, daprèslcs règles établies au titre D ? F usufruit, et développées au § 192. Il est donc autorisé à retenir les produits des coupes ordinaires de taillis ou de futaies aménagées, ceux des mi-

présomption de perception qui ne se trouve pas même implicitement con- sacrée par cet article, dans lequel il n'est question que d'un règlement de droits, indépendant de toute perception. Les précédents historiques vien- nent également à l'appui de cette manière de voir. Le Droit romain ne laissait au possesseur de bonne foi que les fruits qu'il avait consommés, en partant de l'idée que la restitution des fruits encore existants n'était point pour lui une cause d'appauvrissement. Il est vrai que, dans la vue d'éviter les difficultés que présentait la vérification du fait de la consom- mation des fruits par le possesseur, les rédacteurs du Gode, à l'exemple de l'ancienne jurisprudence française, l'ont dispensé de restituer tous les fruits par lui perçus, sans distinction ; mais, en cela, ils n'ont fait que modifier l'application du principe tel qu'il avait été admis parle Droit ro- main, et rien ne permet de supposer qu'ils aient voulu établir un principe tout nouveau, en accordant au possesseur le droit de réclamer des fruits qu'il n'aurait pas perçus. Enfin, le texte de l'art. 549 corrobore encore cette solution : en disant que, lorsque le possesseur n'est pas de bonne foi, il est tenu de rendre tous les fruits, cet article donne clairement à en- tendre que le possesseur de bonne foi est simplement autorisé à garder les fruits qu'il a perçus. Taulier. II. p. 265. Demoloinbe, XI, 627 et 628. Orléans, 11 janv.1840, i).Rép., Propriété, 365. Req., 30 juin 1840, S.. Ê0, 1. 88k Caen, 26 lévrier 1847, S., 48, 2, 213, Voy. en sens contraire : Domat. Lois civiles, liv. III, tit. V, sect. III, no 8. Zachariœ, £ 201. texte ni principio. Laurent, VI, 206. Valette, p. 136 et suiv. Cpr. Civ, cass., 8 janvier 1816. S., 16, 1, 121. Cet arrêt n'est pas contraire à no- tre doctrine : il est fondé sur ce que le donataire, dont le titre est révoqué pour cause de survenance d'enfants, n'en a pas moins droit aux fruits, en vertu de ce titre, jusqu'à la notification de la naissance de l'enfant. Art. 962. :i0 Demolombe^ IX, 628.

ii 27

418 DES DROITS RÉELS.

nés :t,) bis, minières, carrières et tourbières qui se trouvaient déjà en exploitation lors de son entrée en possession 81, ninsi que les émoluments d'un usufruit ou d'une rente viagère ". Mais il n'acquiert pas la propriété des émoluments <jui n'ont pas le caractère de fruits. 11 est donc, malgré sa bonne foi, tenu de restituer les produits des coupes extraordinaires de taillis, ou de futaies faites en dehors d'un aménagement régulier, ceux des mines, minières, carrières, ou tourbières, non encore ouvertes lors de son entrée en possession 33, ainsi

30 bis. Voy. cependant Lyon. 7 juin 1882, D., 84, 2, 22.

31 Gpr. art. 590, 591 et 598. Demolombe, IX, 621. Laurent, VI, 205. L'on doit considérer comme fruits les produits qu'une chose était destinée à fournir au moment elle a été soumise à la jouissance d'uni personne autre que le propriétaire. Req., 23 fév. 1881, S. ,82, 1, T9.Arg. Labbé, Observations sous Req., 14 mars 1877, S., 78, 1, 5.

32 Art. 688 et 1568. Demolombe, IX, 623 et 624. Cpr. Douai, 7 mai 1819, S., 20, 2, 127. Req., 2 avril 1829, S., 29, 1, 133.

33 Ces solutions sont généralement admises ; elles n'ont été contestons que par Marcadé (sur l'art. 549, 2), qui, ne voyant dans l'art. 549, qu'une application spéciale de l'art. 2279, accorde au possesseur de bonne foi, non-seulement les fruits par lui perçus, mais encore tous les produits mobiliers qu'il a tirés de l'immeuble revendiqué. Peu de mots suffiront pour réfuter ce paradoxe. Et, d'abord, le point de vue auquel se plate Marcadé, est historiquement faux, puisque la règle que le possesseur de bonne foi fait les fruits siens, était admise dans notre ancienne jurispru- dence, bien antérieurement à l'époque Où, par un retour aux errements des lois des barbares et de nos premières coutumes, la pratique judiciaire consacra la maxime En fait de meubles, possession vaut titre. Cpr. § 183. note 2. Aussi ne trouve-t-on, dans les travaux préparatoires du Code, au- cune indication qui autorise à l'attacher la disposition de l'art. 549 à celle de l'art. 2279. L'opinion que nous combattons repose, en second lieu, SM nue extension évidemment erronée de ce dernier article, qui ne s'occupj que de l'action en revendication de choses mobilières, réclamées d'uni manière principale, à une hypothèse qu'il n'a pas en vue de régler, c'est- à-dire à l'hypothèse d'une demandeen restitution des fruits et produits d'uil immeuble, formée accessoirement à la revendication de cet immeuble. La restitution d'un immeuble revendiqué doit, en principe, avoir lieu cum omni causa, ; et si le possesseur de bonne loi est, en vertu de la disposi- tion spéciale de l'art. 549, autorisé à retenir les fruits qu'il a perçus, c'est- la un bénéfice de la loi qu'il n'est pas permis d'étendre à des objets qui n'ont pas le caractère do fruits. Voy. en ce sens : Dnranton, IV, 350. Clia- vol, De la propriété mobilière, 11,473 et 474. Rivière, Revuedc législation^

DE LA PROPRIÉTÉ. § 207. 419

que la moitié du trésor réservée au propriétaire du fonds dans lequel il a été trouvé, et même la totalité du trésor qu'il aurait découvert à l'aide de recherches faites dans ce but 34.

IV. De l'acquisition de la propriété par l'effet des conventions i.

§207

Aperçu liislorlque.

En Droit romain, les conventions qui, telles que la vente

■1851, III, p. 316 et suiv. Demolombe, IX, 622, et XIII* 47 ; Zachariae, § 218, note 5. Laurent, VI, 205. Req., 3 décembre 1836, S., 37, 1, 76. &* Cpr. | 201, texte et note 33.

1 Bibliographie. De la transmission de la propriété par V effet des obli- tions, par Bonnier, Revue de législation, 1837, VI, p. 432. Étude histori- que et critique sur la transmission de la propriété par actes entre vifs, par Hureaux, Revue de Droit français et étranger, 1846, III, p. 678,765, 841, 897, et 1847, IV, p. 89. Observations sur le projet de loi portant rétablis- sement de la transcription, par Duverdy, Revue historique, 1845,1, p. 97. Nouvelles observations sur la loi relative à la transcription, par Humbert, Revue historique, 1855, 1, p. 464. Commentaire de la loi sur la transcrip- tion, par Lemarcis ; Paris 1855, broch. in-8o. Exposé des règles du Droit civil résultant de la loi du 23 mars 1855 sur la transcription, par Bres- solles ; Toulouse 1856, broch. in-8°. Explication de la loi du 23 mars 1855 sur la transcription, par Rivière et François ; Paris 1855, broch. in-8°. Questions théoriques et pratiques sur la transcription, par Rivière et Hu- guct ; Paris 1856, 1 vol. in-8°. Commentaire théorique et pratique de la loi du 23 mars 1855, par Lesenne ; Paris 1858, broch. in-8°. Commen- taire de la loi du 23 mars 1855, par Troplong ; Paris 1856, 1 vol. in-8°. Études sur la loi de la transcription, par Ducruet ; Paris 1856, broch. in-8°. Précis sur la transcription, par Fons ; Paris 1857, broch. in-12. De la transcription en matière hypothécaire, par Flandin ; Paris 1861, 2 vol. in-8°. Traité théorique et pratique delà transcription, parMourlon; Paris 1862, 2 vol. in-8°. Résumé de doctrine et de jurisprudence sur la transcrip- tion hypothécaire, par Gauthier ; Paris 1862, broch. in-8°. Du transport de la propriété par l'effet des obligations, par Hue ; Toulouse 1864, broch. in-8°. De la transmission entre-vifs de la propriété foncière, en droit ro- main, dans V ancien droit, et dans le droit actuel, par Fontaine de Resbecq ; Paris 1864, broch. in-8°. De la transcription hypothécaire, par Verdier ; Paris 1881, 2e édit., 2 vol. in-8<>.

A20 DES DROITS RÉELS.

ou la donation, ont pour objet In transmission de la proprié- té mobilière ou immobilière, ne l'opéraient point par elles- mêmes, et ne produisaient cet effet, soit à L'égard des tiers, soit même entre les parties, qu'au moyeu de la tradition faite en exécution de res conventions. Jusque-là, l'acqué- reur ou le donataire ne jouissait que dune action person- nelle en délivrance (jus ad rem) contre le vendeur ou le do- nateur, qui restait investi de la propriété [jus in re). 11 en résultait que, tant que la tradition n'avait point été faite, les créanciers de ces derniers pouvaient valablement pour- suivre leurs droits sur la chose vendue ou donnée, et que. dans le cas de deux ventes successives de la même chose, la préférence était due à celui des acquéreurs qui avait obtenu la tradition, bien que son titre lut postérieur eu date 2.

fies principes, admis en théorie dans les pays de Droit écrit et même dans la majeure partie des pays coutumiers. avaient été profondément modifiés, du moins en matière im- mobilière, par les effets que la pratique, d'accord avec les dispositions de quelques coutumes, attachait à la clause de dessaisine-saisine insérée dans les actes notariés, en assi- milant la simple déclaration de tradition, résultant de cette clause, à la tradition du Droit romain, qui supposait un dé- placement réel de la possession :{.

3 Tradilionibus et usucapionibus dominia reruni, non nudis pactis tranS' feruntur. L. 20, C. de part. (2, 3)i Quotients duobus in solidum prœdiuin jure distrahitur, manifesti juris est, cum cui priori iraditum est, in deti- nendo dominio esse potiorem. L. lo, C. de rei vtnd. (3, 32). Humbeft, nos 7 à 10.

3 Pothier, De la propriété, no 945 ; H du contrat de vente, 314. Ri- card, Des donations, 901. Argon. Institution au Droit français, II, p. 242 el .243. Suivant l'ancien droit do la France, on ne pouvait acquérir que par L'effet du nantissement aucun droit sur des biens vendus, donnés ou obligés. On se faisait mettre en possession par les officiers du Seigneur dont les biens riaient mouvans. (Ensaisinement ; Devoirs de loi.) ou par les juges royaux dans le ressort desquels les biens étaient situés (main- mise, main-assise, mise de fait). Ces formalités avaient été supprimées dans presque toutes les provinces, et Ton avait trouvé plus simple d'attri- buer à un acte notarié l'effet qu'elles produisaient : elles avaient toutefois été conservées dans les coutumes des Pays*-ÏJas, du Boulonnais, d'Amiens,

DE LA PROPRIÉTÉ. § 207. 421

Dans certaines provinces du nord, qui avaient originai- rement fait partie des Pays-Bas, et qu'on appelait pays de nantissement, ou tenait pour règle que la propriété des im- meubles ne pouvait se transférer civilement, soit au regard des tiers, soit même entre les parties, qu'au moyen dune investiture donnée par le seigneur ou par ses officiers de justice, et précédée de la renonciation de l'ancien proprié- taire à tous ses droits, investiture qui se constatait par une inscription sur des registres publics tenus à cet effet4.

Ce fut dans la législation des pays de nantissement, que les rédacteurs de la loi du 11 brumaire an VII puisèrent l'i- dée de la transcription sur les registres hypothécaires, à laquelle ils soumirent les actes translatifs de biens suscep- tibles d'hypothèques. A la différence toutefois de ce qui avait lieu dans les pays de nantissement, la transcription requise par les art. 26 et 28 de la loi précitée, n'était pas né- cessaire pour opérer transmission de la propriété entre les parties. L'omission de la formalité dont s'agit avait seule- ment pour effet de rendre cette transmission non opposa- ble aux tiers qui avaient contracté avec le vendeur, et qui s'étaient, de leur coté, conformés aux dispositions de la loi, par exemple, à un second acquéreur qui avait fait transcrire

de Péronne. de Yermandois, de Senlis. Reims, etc. Décisions de Jean Des Mares, no 189, dans Brodcau sur la Coutume de'Paris. Bouteiller, Somme rurale, livre I, cli. VII, p. 397. Merlin, Rép., Devoirs de Loi. La loi des "20-27 septembre 1790 les a remplaeées par la transcription des contrats d'aliénation et d'hypothèque au Greffe du tribunal de district de la situa- tion des biens (art. 3 et 4). Le système de la publicité a été conservé par la loi du M brumaire an VII, art. 26 et 28. Mais il a disparu, au moins en règle générale, par la promulgation du Code civil, lequel déclare que la propriété se transmet par l'effet des conventions, sans tradition, ni transcription. (Cpr. art. 711, 1138 et 2182) sauf les exceptions admises pour les donations entre-vifs, les substitutions et pour la procédure de purge (art. 939 et suiv. 1069 et suiv. 2181). Le principe posé par la loi de brumaire a été repris et élargi par la loi des 23-26 mars 1855.

4 Merlin, Rép., Nantissement. 2. Duverdy, p. 100 et suiv. Cpr. Loi des 20-27 septembre 1790, art. 3 à 5. Ces pays étaient connus éga- lement sous les noms de provinces de vest et de devest, de saisine et de dessaisine. Merlin, Rép., Devoirs de loi : Laurent, XXIX. 14 et suiv. Déniante et Golmet de Santerre, V, 56 bis I,

422 DES DROITS BÉELS.

son titre, ou à un créancier hypothécaire, même postérieur à l'aliénation, qui avait pris inscription. Du reste, la loi du 11 brumaire an Vil ne contenait aucune disposition pelas tiveàla transmission delà propriété mobilière, et des droits immobiliers non susceptibles d'hypothèque.

Tel était l'état de la législation sur cette matière, lors- qu'on s'occupa de la rédaction du Code civil kbis,

La commission chargée de présenter le projet de ce Code admit en principe que la propriété, soit des meubles, soit des immeubles, devait, indépendamment de la tradition, et même de toute clause expresse destinée à y suppléer, se transférer par le seul effet des conventions ayant pour objet d'en opérer la transmission. Ce principe fut adopté sans op- position par le Conseil d'Etat et par le ïribunat 5.

En l'appliquant spécialement â la propriété immobilière, la Commission de rédaction avait même inséré, au titre II du troisième livre, un article 38e ainsi conçu : « Dès l'ins- « tant que le propriétaire a contracté, par un acte authenti- « que, l'obligation de donner ou livrer un immeuble, il est a exproprié ; l'immeuble ne peut plus être saisi sur lui par « ses créanciers ; l'aliénation qu'il en fait postérieurement « est nulle ; et la tradition qu'il en aurait pu faire à un se- « cond acquéreur, ne donne aucune préférence à celui-ci, (( lequel est obligé de restituer l'immeuble à celui dont le « titre est antérieur, sauf le recours du second acquéreur « contre le vendeur, ainsi qu'il est dit au titre du contrat « de vente. » Mais cet article ayant été attaqué par les par- tisans de la loi du 11 brumaire an VII, comme préjugeant l'abandon du système de cette loi, la Section de législation le supprima, et le remplaça par la disposition qui est de- venue l'art. 1140 du Code, dans le but de réserver la ques-

4 bis. Sur la loi du i) messidor an III et le système de publicité qu'elle organise, Voy. la savante monographie intitulée Elude sur les céd ul.es hypothécaires, par Çhallamel ; Paris 1878, 1 vol. in-8<>.

5 Les art. 714 et 1438 du Gode, qui consacrent ce principe, ne soûl qui la reproduction de l'art. 1er des dispositions générales du livre III, et l'art. 37 du lit. II, même livre, du projet présenté par la Commission de rédaction.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 207. 423

tion relative à la transcription. Ce fut dans la même pensée qu'au lieu de reproduire l'article du projet portant : La vente est accomplie dès qu'on est convenu de la chose et du prix, on y substitua, dans Fart. 1585, la rédaction suivante : La « vente est parfaite entre les parties, et la propriété est ac- « quise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès <( qu'on est convenu de la chose et du prix 6. »

La question delà transcription ainsi réservée, et seule réservée, dut enfin être résolue lors de la discussion du ti- tre des privilèges et des hypothèque. La Section de législa- tion proposa à cet effet deux articles ainsi conçus :

Art. 91. « Les actes translatifs de propriété qui n'ont pas « été transcrits, ne peuvent être opposés aux tiers qui au- « raient contracté avec le vendeur, et qui se seraient con- u formés aux dispositions delà présente. »

Art. 92. « La simple transcription des titres translatifs « de propriété sur les registres du conservateur, ne purge « pas les privilèges et hypothèques établis sur l'immeuble. « Il ne passe au nouveau propriétaire qu'avec les droits « qui appartenaient au précédent, et affecté des mêmes pri- « vilèges ou hypothèques dont il était chargé7. »

Ces deux articles, qui reproduisaient en substance les dis- positions des art. 26 et 28 de la loi du 11 brumaire an VII, donnèrent lieu à de vifs débats, à la suite desquels le Con- seil d'Etat adopta en principe « que la transcription du con- « trat ne transfère pas à l'acheteur la propriété, lorsque le « vendeur n'était pas propriétaire, » et renvoya les deux articles à la Section de législation pour être rédigés clans ce sens. Cette résolution, dont ni les motifs ni la portée ne ressortent clairement de la discussion qui l'avait précédée, impliquait-elle, comme le prétendent la plupart des au- teurs, le maintien du système de la loi de brumaire ? Il est tout au moins permis d'en douter. Ce qu'il y a de certain, c'est que la section de législation fit disparaître, de sa nou-

6 Discours au Corps législatif, par Grenier, orateur du Tribunat (Locré, Éfy-.XIV, p. 237, no 8).

7 Locré, Lég., XYI, p. 236,

424 DES DROITS RÉELS.

vellc rédaction, Fart. 91, calqué sur Fart. 26 de cette loi. et qu'elle modifia l'art. 92, qui est devenu l'art. 2182 du Code, en substituant aux expressions : « Il ne passe au nou- veau propriétaire qu'avec les droits qui appartenaient au « précédent,» les ternies : « Le vendeur ne transmet à Tac - « quéreur que la propriété et les droits qu'il avait lui-même « sur la chose vendue, » pour mieux faire ressortir cette idée, que la transcription ne peut transférer la propriété à celui qui ne tient ses droits que d'une personne qui n'é- tait pas propriétaire. Ces changements ne sauraient laisser aucun doute sur l'intention bien arrêtée du législateur de re- jeter le système de la loi de brumaire. Une nouvelle preuve de cette intention résulte de la suppression du mot consoli- der, qui figurait primitivement, tant dans l'intitulé du cha- pitre VIII, que dans les dispositions correspondantes aux art. 21 67 et 2179, et des observations du Tribunal à la suite desquelles ce mot a disparu du premier de ces articles. « 11 est nécessaire, disait le Tribunat, de supprimer le mot con- « solider, qui n'est plus employé dans le projet de loi, ses « principes étant différents, quant à la nécessité de latrans- « cription, de ceux consignés dans l'art. 26 de la loi du 11 « brumaire an VIT 8. »

8 Locré, Lég., XVI, p. -288 à 289, p. 306, p. 319, no 15, art. 75. Malgré ces raisons décisives, on avait voulu soutenir, dans les premiers temps do la promulgation du Gode, que la transcription n'avait pas cessé d'être né- cessaire pour rendre opposable aux tiers, les transmissions à titre oné- reux d'immeubles susceptibles d'hypothèques. Cpr. Bruxelles. 31 août 1808, S., 9, 2. 45. Comte, Dissertation, S., 1-2, 2, 217. Jourdan. Themis] V, p. 481 et suiv. Mais la jurisprudence ne tarda pas à se prononcer dans le sens du principe; posé au texte. Poitiers, 18 janvier 1810, S., 10, 2. 374. Trêves, 9 février 1810, S.. 12, 2, 177. Giv. rej., 8 mai 1810, S., 10, 1, 265. Civ. rej., 16 octobre 1810, S., 11, 1, 25. Bruxelles, 6 août 1811 S., 12, 2, 232. Civ. cass., 19 août 1818, S., 19, 1, 24. Cette jurisprudence lut généralement admise : et la controverse avait depuis longtemps cessé quand en 1846, M. llureaux essaya, mais sans succès, de la l'aire revivre, dans la dissertation citée en tête de la note ll(> de ce paragraphe. Vny. cep. aussi : Pont, Des privilèges et des hypothèques, I. 2.v>8. Du reste. Ici indications données au texte prouvent, à notre avis, que c'est en pleine connaissance de cause que les différents corps qui ont concouru à la ré- daction du Code, ont entendu revenir sur le système établi par la loi du

DE LA PROPRIÉTÉ. | 207. 425

L'aperçu qui vient d'être présenté ne concerne toutefois pie les actes à titre onéreux. Quant aux donations d'im- neubles susceptibles d'hypothèque et aux substitutions por- ant sur des immeubles, on n'avait pas hésité à en soumet- re l'efficacité, à l'égard des tiers, à la condition de la trans- ription. Art, 939 à 941 et 1069 à 1072.

En dehors de ces dispositions spéciales, la transcription te fut maintenue que comme formalité préalable à la purge les privilèges et hypothèques, comme condition de leur (xtinction par la prescription de dix à vingt ans, enfin omme pouvant au besoin remplacer l'inscription pour la oiiservation du privilège du vendeur '•'.

Le système du Code civil, d'après lequel les transmis- ions à titre onéreux de propriété immobilière sont oppo- ables aux tiers, indépendamment de la tradition et de la ranseription, c'est-à-dire de tout fait et de tout acte pro- uve à en assurer la publicité, peut sans doute se justifier en >ure théorie ; mais il était incompatible avec les exigences pratiques du crédit foncier et d'un bon système hypothé- airc. Les inconvénients qu'il devait inévitablement entra i- icr, ne tardèrent pas à se produire ° bis,

(le qui frappa tout d'abord, ce fut la position faite aux réanciers qui, ayant valablement acquis une hypothèque, ic l'avaient pas encore fait inscrire au moment de l'alié- tation de l'immeuble grevé, et qui, par l'efFet immédiat de ette aliénation, se trouvaient déchus de la faculté de Fins- rire utilement 10. On profita delà rédaction du Code de pro-

1 brumaire an VII. et que c'est bien à tort que certains auteurs ont con- idéré la suppression de Fart. 91 du projet, qui reproduisait ce système. omme le résultat d'une surprise, ou comme on n'a pas craint de le dire, l'un escamotage législatif. Gpr. Demolombe, XXIV, 439 à 444.

3 Cpr. art. 2108, 2180 et 2181.

,J bis. En ce qui touche le système de clandestinité adopté par le Code ivil. cpr. Laurent, XXIX, 5 et suiv. Le livre de Laurent doit ■tre consulté avec une grande réserve pour tout ce qui est relatif à la trans- •ription. En effet, il se place au point de vue de la loi belge du 16 septem- bre 1851 qui, sous plusieurs rapports, diffère essentiellement de la loi rançaise des 23-26 mars 1855.

10 Cpr. sur ce point, qui avait été controversé : § 272, texte et note G.

426 DES DROITS RÉELS.

cédure pour donner plus de séeurité à cette classe de créan ciers, en les autorisant à prendre inscription, en cas d'alié nation volontaire, jusqu'à la transcription de lacté d'alié nation, et même dans la quinzaine suivante. Code de pro cédure, art. 834 H.

Mais ce n'était qu'une mesure incomplète, puisque était toujours possible à un homme de mauvaise foi de veu dre une seconde fois ou d'hypothéquer un immeuble qu'î avait antérieurement aliéné, sans que le second acquérez ou le créancier eût aucun moyen légal et certain de cojiuai tre l'existence de l'aliénation, et de se prémunir contre <l< pareilles fraudes. Aussi réclama-t-on de toutes parts le re tour au système de publicité établi parla loi du 11 bru maire an Vil, et par suite la réforme du régime hypothé- caire.

Avant d'entreprendre cette réforme, le Gouverne mou prit, en 1841, le parti de consulter la Cour de cassation, le< Cours d'appel et les Facultés de droit sur son opportunité Parmi les points qu'il signalait à l'attention de ces corps figurait en première ligne celui de savoir s'il convenait oi non de rétablir la transcription, comme condition d'efficà cité, à l'égard des tiers, de la transmission des immeuble: et des droits réels immobiliers. La Cour de cassation, la tir grande majorité des Cours et la plupart des Facultés droit se prononcèrent pour l'affirmative ]\

Après une suspension assez longue, le travail fut repli en 1849 ; et, dans le cours des années 1850 et 1851, l'Ai semblée législative s'occupa d'un projet de loi embrassai- la refonte du titre des privilèges et (1rs hypothèques. Ce pro jet, qui soumettait à la nécessité de la transcription des ac tes translatifs de propriété immobilière et d'autres droit sur des immeubles, arriva à la troisième lecture ; mais le

11 A partir de la promulgation de col, article, la transcription dc\ii donc nécessaire pour- arrêter le cours dos inscriptions do privilèges o d'hypothèques acquis avant l'aliénation.

12 Gpr. Documenta relatifs au rêjime hypothécaire, publiés par ordr du garde 'les scctui.r : Paris 1844» 3 vo). in-8°.

DE LA PROPRIÉTÉ. | 208. 427

vénements politiques en empêchèrent le vote définitif.

C'est dans cet état des choses que le Gouvernement im- érial, renonçant à l'idée d'une réforme complète du régime

vpothécaire, présenta en 1853 au Corps législatif, un pro- ;t de loi dont l'objet pricipal était le rétablissement de la finalité de la transcription, et son extension à divers actes ue la loi du 11 brumaire an VII n'y avait pas soumis. Ce rojet, modifié en plusieurs points par des amendements oncertés entre le Conseil d'Etat et le Corps législatif, it voté par ce corps le 17 janvier 1855, et converti en loi ar la sanction impériale, le 23 mars de la même année.

Comme, d'après l'art. 11 de cette loi, les actes et juge- îents antérieurs au 1er janvier 1856, époque fixée pour sa lise à exécution, continuent à être régis par la législation ous l'empire de laquelle ils sont intervenus, il est néces- aire d'exposer parallèlement les règles établies par cette îgislation et celles de la loi nouvelle.

Le principe que la propriété se transfère par le seul effet es conventions, n'ayant reçu aucune modification en ma- ère mobilière 13, nous ne traiterons, aux paragraphes sui- ants, que de la transmission de la propriété immobilière. ]ncore, n'aurons-nous à nous occuper que de celle qui s'o- ère par des actes à titre onéreux, tout ce qui concerne îS donations et substitutions devant trouver sa place dans explication de ces matières H.

§208.

)e la transcription des actes entre vifs, à titre onéreux, et des jugements, au point de vue de la transmission de la

propriété immobilière, d'après la législation antérieure à la loi du 23 mars 1855

1

L'acquisition de la propriété immobilière par le moyen

13 Nous avons démontré au § 174, texte 1 et note 7, que l'art. 4141 e renferme pas une véritable exception au principe posé par l'art. 1138.

14 Gpr. § 696, texte 2, lett. d ; et § 704.

428 DES DROITS RÉELS.

de conventions à titre onéreux,n'est pas subordonnée, méji en ce qui concerne les tiers, à La transcription des actes m les renferment. Elle estl'effet direct et immédiat de ces coi ventions elles-mêmes '. Art. 711, 1138 et 2182.

Il résulte de ce principe que L'acquéreur peut, sans avo rempli la formalité de la transcription, invoquer son dflj de propriété contre tous ceux qui prétendraient avoir I quis, depuis l'aliénation faite en sa faveur, et du chef de lai cien propriétaire, des droits quelconques sur l'immeubM lui transmis, C'est ainsi qu'il n'est tenu de supporter, ni 1< hypothèques conventionnelles, légales, ou judiciaires, doi la création ou l'origine serait postérieure à son acquisitio] C'est ainsi encore que, dans le cas de deux aliénations su cessives, le" premier acquéreur est préféré au second. aloj même que celui-ci aurait fait transcrire son titre, et qu' aurait été mis en possession.

D'un autre côté, la transcription ne confère pas à l'ai quéreur plus de droits que n'en avait son auteur, et ne pu ge pas les charges dont la chose aliénée était grevée en les mains de ce dernier. Art. 2182.

Inutile et sans objet sous les divers rapports qui viei nent d'être indiqués, la transcription est loin cependai d'être destituée de toute efficacité judirique.

Elle constitue tout d'abord la première des forma lit) que doit remplir l'acquéreur, qui veut procéder au pus! ment des privilèges et des hypothèques inscrits sur lin meuble. Art. 2181.

La transcription confère de plus à l'acquéreur les (loi avantages suivants s :

En cas d'aliénation volontaire, elle affranchit en g néral l'immeuble acquis des privilèges et hypothèques q n'ont pas été inscrits avant l'expiration de la quinzaine

1 Cpr. sur ce principe : l'ensemble du § 207. et spécialemenl la nota Zacharise § 208, texte in principio, notes 2 et 3.

a L'art. "2108 attache encore un antre effet à la transcription ; mais disposition de cet article est étrangère à la théorie de la transmission la propriété.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 209. 429

ater de l'accomplissement de cette formalité \ Art. 2166. \oàe de procédure, art. 834.

Elle met l'acquéreur en position de prescrire, par dix

vingt ans, la libération des privilèges et hypothèques ont riinmeuble acquis se trouve grevé. Art. 2180, 4,

Los diverses propositions qui précèdent s'appliquent aux ugements d'adjudication, opérant transmission de propriété ^mobilière, comme aux conventions de cette nature, sous ette seule modification, que le jugement d'adjudication nr saisie immobilière purge par lui-même, et indépendam- tent de sa transcription, les privilèges et hypothèques non iscrits au moment il a été rendu5,

Quant aux jugements d'expropriation pour cause d'uti- [té publique, ils doivent être transcrits, non pour assurer ellet de l'expropriation, mais pour arrêter, par l'expiration u délai de quinzaine, le cours des inscriptions. Loi du 3 îai 1841, art. 16.

Les principes développés au présent paragraphe régïs- ent encore aujourd'hui les actes d'aliénation et les juge- lents ayant acquis date certaine ayant le 1er janvier 1856. ioidu23mars I806, art. 11. al. 1 et 2.

^ 209.

)e la transcription des actes entre vifs, à titre onéreux, et de* jugements, au point de eue de la transmission de la propriété immobilière, d'après la loi du 23 mars 185o.

Les actes entre vifs et à titre onéreux, translatifs de pro- n'iété immobilière, quoique la transférant par eux-mêmes ntre les parties, ne peuvent être opposés aux tiers qui ont

:i Gpr. pour le développement de celle proposition : § ±1*1.

'" Voy. sur ce point : § 293.

3 Gpr. sur l'application de ce principe aux hypothèques en général et

ix privilèges : §§ 272 et 278 ; et sur les modifications qui doivent y être pportées en ce qui concerne les hypothèques légales dispensées d'ins- ription : § 269.

430 DES DROITS RÉELS»

acquis des droits sur les immeubles aliénés, et qui leso] conservés conformément aux lois, qu'autant qu'ils ont é transcrits, et que la transcription en a été effectuée ant< rieurement à l'accomplissement des formalités requise pour la conservation des droits de ces tiers. Art. 1, n°l et art. 3.

Les jugements qui opèrent transmission de propriété in mobilière, ou qui constatent une pareille transmission op( rée par convention verbale, ne peuvent également êtreqi posés aux tiers que sous la condition et à partir de Ici transcription. Art. 1, nos 3 et 4.

A. Des actes et jugements soumis à la transcription.

Les actes entre vifs soumis à transcription, connu contenant une transmission à titre onéreux de propriél immobilière, sont principalement les suivants :

a. Les ventes immobilières.

Les ventes alternatives de deux immeubles, ou d'unis meuble et d'une chose mobilière, peuvent et doivent êtl transcrites immédiatement, c'est-à-dire avant toute optioi et peu importe que l'option appartienne à l'acquéreur ou a vendeur \

1 La proposition émise au texte est généralement adoptée. Voy. Mou Ion. I, 37. Flandin, l, 105 et suiv. Elle doit être admise, quelle que soit 1' pinion qu'on se forme sur la nature et les effets d'une vente altematii A cet égard, nous ne partageons ni le sentiment de M. Mourlon, d'apr lequel la vente alternative se décomposerait en deux ventes conditionnel!» ni bien moins encore celui de M. Flandin, qui ne reconnait l'acquél de droit éventuel que sur la chose à déterminer par l'option. A notre ai la vente alternative confère à l'acquéreur un droit actuel sur les deuxeh ses comprises in obliyatione, droit qui s'évanouira cependant, quanl l'une d'elles, par le choix de l'autre. Nous en concluons, avec plus de I titude encore que ne peuvent le faire ces auteurs, que dans le cas choix appartient à l'acquéreur, la transcription a pour effet de le garanl contre les droits que concéderait le vendeur sur l'une ou sur l'autre < choses comprises dans la vente, et que, dans le cas l'option appartie au vendeur, la transcription a pour conséquence de rendre inefficaces, Tégard de l'acheteur, les droits, qu'après avoir usé de sa faculté d'optM en vendant ou en hypothéquant l'une de ces choses, le vendeur aurait

DE LA PROPRIÉTÉ. § 209. 431

Les promesses de vente synallagmatiques, c'est-à-dire •elles qui ont été acceptées avec promesse réciproque d'a- •heter, sont, comme les ventes actuelles, susceptibles de ranscription et sujettes à cette formalité h Toutefois, si me pareille promesse de vente avait été accompagnée Tune remise d'arrhes impliquant faculté de s'en désister, ;i transcription serait sans objet jusqu'au moment de la >;issation du contrat3.

Quant aux promesses de vente unilatérales, c'est-à-dire ion accompagnées de la promesse réciproque d'acheter, 'lies ne peuvent être utilement transcrites qu'à partir dumo- nent celui au profit duquel est intervenue une pareille )romesse, a déclaré vouloir acheter; et, pour être com- )lète, la transcription doit porter également sur l'acte qui onstate cette déclaration4.

Dans les ventes a figuré un porte-fort, il faut distin- ruer si ce dernier a agi au nom de l'acquéreur, ou pour le ompte du vendeur.

''rieurement concédés sur l'autre. Gpr. GolmetdeSanterre, V, 1 15 bis. VI. >ans le cas l'option appartient au vendeur, il suffit de transcrire l'acte "obligation, caries tiers se trouvent ainsi avertis. Cette considération nous mène à écarter l'opinion de Verclier(l, 75) qui en pareille hypothèse exige e plus la transcription de l'acte par lequel le vendeur a fait connaître son hoix, et cela, sous prétexte qu'avant ce moment il n'a pas cessé d'être propriétaire. G. G. art. 1190. En effet, selon nous, ce qui domine au cas de •anscription, c'est la publicité des actes intéressant particulièrement 3s tiers. Gpr. sur les effets de l'obligation alternative. Toullier, VI, 89, note 1, 692, 695. Demolombe, XXVI, 16 à 19. Marcadé, IV, 87. Si l'option appartient à l'acheteur, l'on admet généralement que i transcription de l'acte de vente suffit. Gpr. Laurent. XXIX, 58.

2 Gpr. art. 1589 ; § 349, texte no 1, lett. a, Mourlon, I, 38. Flandin, I, 6. Laurent, XXIX, 57. Voy. en sens contraire: Troplong. no 52. erdier, 48 et 49.

3 Gpr. art. 1590 ; § 349, texte no 2, lett. a Flandin, 1, 72.

4 Rivière et Huguet, no 53. Troplong. no 52. Flandin, I, 61 et 62. Ver- ier, I, 46 à 47 bis. Voy. en sens contraire : Mourlon, II, 39. Ge dernier uteur se fonde sur ce que la déclaration de vouloir acheter, faite à la suite

une promesse unilatérale de vente, réagit, môme à l'égard des tiers, au jur de cette promesse. Voy. au § 349, texte no 1, lett. a, la réfutation de ette doctrine.

i.:52 DES DROITS RÉELS.

Au premier cas, La vente, bien que ne pouvant deven définitive au regard de l'acheteur que par son acceptation' n'en dépouille pas moins actuellement le vendeur de la h culte de disposer au préjudice de ce dernier de la chus vendue; d'où la conséquence, qu'une pareille vente peutél transcrite immédiatement, que cette transcription seratoi à la fois nécessaire et suffisante pour garantir l'acheta contre les actes émanés du vendeur dès avant même larî tilication, et que celle-ci n'aura pas besoin d'être soumise la formalité".

Au second cas, au contraire, celui dont la chose a et vendue sans mandat de sa part, conserve dune manière al solue son droit de propriété, dont il ne se trouvera dépouill que par sa ratification. Il en résulte que lacté de vente I l'acte de ratification doivent être transcrits l'un et Fautif et que la transcription du premier de ces actes n'a d'eff< qu'à partir de la transcription du second 6.

Lorsque l'acquéreur s'est réservé la faculté de faire ui; déclaration de command ou élection d'ami, la vente et 1 déclaration de command sont également assujetties à

:i Mourlon: 1, 33. Gauthier, 36. Flandin, 1. 1:26 et 127. Ces auieu expliquent les solutions données au texte, en assimilant la vente dont s'agit à une vente conditionnelle, dans laquelle la ratification de l'acli leur remonterait au jour même du contrat. Mais à notre avis, une paroi vente ne saurait être considérée comme soumise à une condition susfl sive. Elle constitue un contractus claudicans, par l'effet duquel le vende est définitivement lié, quoique l'acheteur ne le soit pas encore. Voy. a Chambéry, 47 juin 1865, Journ. de Grenoble et de Chambéry. 18()(>. p. I

r> Mourlon, I. 32. Rivière et Huguel, nos£7 et 58. Flandin. I, 128 et su Verdier, 1,62-64. Voy. cep. Troplong, m>s 55, 128 et 129. Ce dernier au ta tout en reconnaissant que les droits concédés parle propriétaire avant ratification de la vente sont opposables à l'acheteur, quand ils ont été ment conservés, enseigne cependant que la transcription peut et doit a\ lieu immédiatement, dès avant la ratification. Mais à quoi bon, si la tta cription de l'acte de vente doit être suivie de celle de l'acte de ratilicalk et ne peut avoir d'effet qu'à partir de cette dernière ? Il y a mieux : propriétaire de l'immeuble vendu par un porte-fort, serait autorisé à mander la radiation avec donjmages-intérèjts de la transcription l'aile av. sa ratification.

>. a

DE LA PROPRIÉTÉ. § 209. 433

formalité de la transcription, celle de la vente étant néces- saire pour mettre l'acquéreur ou le command à couvert, soit des actes ultérieurs du vendeur, soit de ses actes anté- rieurs qui n'auraient pas encore été rendus publics par la transcription ou l'inscription, et celles de la déclaration de command étant requise pour garantir le command contre les actes de l'une ou de l'autre espèce émanés de l'acqué- reur 7. Mais l'acceptation du command n'a pas besoin d'ê- tre transcrite 8.

En matière de ventes par correspondance, la transcrip^ tipn doit comprendre toutes les pièces nécessaires pour constater, d'une manière régulière et certaine, l'accord des parties 9.

1 La rédaction de notre proposition indique que les actes de l'acquéreur antérieurs à la déclaration de command, sont opposables au command, lorsqu'ils ont été rendus publics avant la transcription de cette déclara- tion. Il est, en effet, évident que, par ces actes mêmes, l'acquéreur a re- noncé à la faculté d'élire command, au préjudice des tiers avec lesquels il a traité. Remarquons, au surplus, que les hypothèques légales et judi^ ciaires dont l'immeuble a pu se trouver frappé du chef de l'acquéreur, n'emportent point de sa part l'idée d'une pareille renonciation, puisqu'elles existent indépendamment de sa volonté ; elles doivent donc s'évanouir par l'effet delà déclaration de command. C'est de ces hypothèques, et non des hypothèques conventionnelles, qu'il faut entendre la disposition de la loi des 13 septembre-16 octobre 1791, à supposer que cette loi ne s'applique pas seulement aux ventes de biens nationaux, mais à toutes espèces de ventes immobilières. Mourlon, I, 31. Flandin, I, 143 et suiv. Verdier, I, 71 et 72. Gpr. Laurent, XXIX, 59 à 61.

8 Flandin, 1, 148. Mourlon qui avait d'abord émis une opinion contraire (Revue pratique, 1856, I, p. 226 et 227, 31 ter), l'a ultérieurement abandonnée^, no 60, p. 188, note Ire). Laurent, XXIX, 61. Verdier, I, 72. Quant aux ventes faites à l'audience des criées au profit des avoués, la transcription de la déclaration du nom de l'acheteur n'est pas néces- saire. Cpr. Verdier, I, p. 161, note 3.

9 Paris, 8 mars 1865, S., 66, 2, 145. Il nous est difficile d'admettre la proposition contenue au texte. La question est de savoir quelles pièces de^ vront être transcrites au cas de vente par correspondance : Nous répon- dons toutes celles qui sont de nature à avertir les tiers de l'éventualité d'une mutation de propriété. C'est le but de la loi de 1855. La transcrip- tion qu'elle ordonne n'a point comme en Allemagne pour effet de consti- tuer ou tout au moins d'affermir le droit du propriétaire (Troplong, Transe*

m. 28

Wi DES DROITS RÉELS.

Dans les acquisitions en remploi, faite par le mari con- formément à l'art. 14 3o, la transcription de l'acte de vente suffit, sans qu'il soit nécessaire de soumettre à la formalité l'acte contenant l'acceptation de la femme10.

27 et suiv. Odier, Systèmes hyp. p. 29, 140. Alban DauthuiJle, Révi- sion du régime hyp., p. 26 et suiv.), elle tend seulement à mettre les tiers en situation de vérifier ce que l'on a justement appelé l'état civil de l'im- meuble et à faciliter leurs recherches, c'est pourquoi le conservateur est tenu de transcrire tous les actes qu'on lui présente, sans avoir à en appré- cier la portée (cpr. §174 bis texte et note 18) : La formalité légale sera donc régulièrement effectuée par la transcription de tout document quel- conque réunissant ces conditions. En décidant d'une manière absolue qu'il y avait lieu de transcrire les lettres ou actes émanant des deux parties et contenant à la fois l'offre et l'acceptation, l'arrêt précité de la cour de Pa- ris nous semble avoir établi une confusion entre les principes de la trans- cription et ceux qui tiennent à la perfection des contrats. D'abord une rè- gle aussi générale peut, dans certains cas particuliers, manquer d'exactitu- de, et d'autre part, l'application en est souvent impossible en pratique. Lorsque le vendeur et l'acheteur sont d'accord, tout est facile : on réunit les correspondances échangées, et dont l'ensemble forme la preuve du contrat (Rivière et Huguet, Quest.. sur la transe, no 55. Mourlon, I, no 27. Flandin, I, no 80. Verdier, I, no 49). Mais la question est plus com- plexe au cas de désaccord des parties, et cette hypothèse sera nécessaire- ment la plus fréquente, car l'acheteur pourra avoir intérêt à transcrire sans retard, surtout s'il redoute soit un changement de volonté de la part du vendeur, soit la réquisition de l'inscription d'une hypothèque légale ou conventionnelle. L'on peut admettre que la formalité sera suffisamment accomplie dans le cas l'offre émane de l'acheteur, par la transcription de la lettre d'acceptation du vendeur : si au contraire la proposition a été faite par le vendeur, au moyen de la transcription de cette lettre même. En effet, il ne s'agit pas d'établir la preuve du contrat, mais seulemenl de mettre les tiers en défiance : et le mot acte dont se sert la loi de 18|f doit être pris non pas comme désignant V instrumenlum destiné à prou- ver la convention, mais dans un sens infiniment plus restreint comme document sur lequel s'appuie la prétention de l'acheteur. Cpr. Beudanl sur l'arrêt précité de Paris du 6 mars 1865, D., 67, 2, 25. Voy. en sens contraire, Gauthier, W. Flandin, 78. Verdier, I, 48. Lorsqu'il s'a- git de ventes demeurées verbales, ou quand les originaux des titres sont perdus, il ne reste pas d'autre ressource que d'obtenir un jugement et d| le faire transcrire. Flandin, nos 77 ;\ 79. Gauthier, no 40. Verdier, 481 Cep. Mourlon, 26. Cpr. Alger, 10 nov. 1885, D., 86, 2, 161 et la note1 10 Mourlon, I, 60 et 61. Flandin, I, 299 et suiv. Laurent, XXIV 76. Cpr. Verdier, I, 146. La proposition énoncée au texte doit êtn

DE LA PROPRIÉTÉ. § 209. 435

Les cessions de droits successifs sont sujettes à trans- cription, en ce qui concerne les immeubles dépendant de l'hérédité, à moins que, consenties au profit d'un cohéri- tier, elles n'aient fait cesser l'indivision d'une manière ab- solue11.

Les cessions d'actions immobilières sont soumises à trans- cription, en tant qu'elles impliquent transport d'un droit de propriété immobilière 12. Telles sont les cessions d'actions en revendication 13, et celles d'actions en nullité ou en

adoptée, soit que l'on reconnaisse, avec Mourlon, que l'acceptation de la femme, tout en faisant évanouir les hypothèques légales et judiciaires dont l'immeuble se trouverait grevé du chef du mari, laisse subsister les hypothèques conventionnelles et les aliénations qu'il aurait consenties dans l'intervalle de la vente à l'acceptation, soit qu'avec Flandin on attribue à cette dernière un effet rétroactif tellement absolu, qu'elle ferait disparaî- tre même les actes de disposition émanés du mari. Voy. § 507, texte et notes 68 à 72.

11 Hors ce cas, dans lequel la cession de droits successifs équivaut à partage (cpr. § 625, texte no 1 et notes 2 à 10), et se trouve par cela même dispensée de la transcription (cpr. texte, lett. B, et note 47 infrà), une pa- reille cession constitue une véritable vente immobilière, en ce qui con- cerne les immeubles héréditaires. Rivière et Huguet, nos 53 et 92. Trop- long, 58. Mourlon, I, 42. Gauthier, no 51. Flandin, 1, 199 à 205. Ver- dier, I, 89. Cpr. cep. Mourlon, I, 179 à 189. Suivant cet auteur, la ces- sion de droits successifs serait dispensée de transcription, alors même qu'elle n'aurait fait cesser l'indivision que d'une manière relative et par rapport à l'un de ses cohéritiers seulement. Voy. à la note 10 du §625 la réfutation de cette doctrine.

12 La cession d'une action ne se comprend que comme cession virtuelle du droit qu'elle a pour objet de poursuivre. Une pareille cession est donc sujette à transcription, lorsqu'elle implique transport d'un droit de pro- priété immobilière. Nous croyons devoir modifier à cet égard l'opinion contraire, que nous avions émise d'une manière trop générale à la note 10 du § 704, en appliquant, non-seulement aux actions résolutoires pro- prement dites, mais encore aux actions en nullité ou en rescision. Au sur- plus, nous doutons qu'il se passe dans la pratique des actes portant sim- plement cession d'actions de la dernière espèce, sans contenir également et comme objet principal de la convention, vente des immeubles auxquels ces actions se rapportent. Dans ce sens, Verdier, I, 78. Troplong, Vente, II, no 909. Duvergier, Vente, no 178. Flandin, nos 377 et 390. Cpr. Req., 17 mars 1840, D. Rép., vo Vente, no 1980.

13 Troplong, no 56. Flandin, I, 378. Verdier, I, 33.

'i36 DES DROITS RÉELS.

rescision de contrats translatifs de propriété immobilière u. Telles seraient même les conventions qualifiées de cessions d'actions résolutoires, s'il s'agissait d'une résolution opérée de plein droit IS.

b. Les dations en paiement eilectués avec des immeu- bles. **?>{$.

On doit considérer comme des dations en paiement sou- mises à la formalité de la transcription: les ventes passées par l'un des époux au profit de l'autre, dans les cas prévus par l'art. 1595 16 ; les abandons d'immeubles faits, même par un ascendant, en paiement d'une dot promise en ar- gent 17 ; les cessions, soit d'immeubles propres, soit même de conquêts, faites par le mari à la femme renonçante pour la couvrir de ses reprises 18, ainsi que les cessions de pro- pres faites dans le même buta la femme acceptante.

14 Bressolles, 17. Mourlon, I, 16. Gauthier, n°s 27, 46 et 47. Flan- din, I, 378 et suiv. Voy. en sens contraire : Rivière et Huguet, no 407. Verdier, I, 79.

13 En pareil cas, la qualification donnée à la convention serait inexacte, puisqu'il n'y aurait plus de résolution à prononcer ; et dans la réalité, la convention opérerait directement et par elle-même le transport de la pro- priété. — Quid de la cession d'actions résolutoires proprement dites et de la faculté de réméré ? Voy. texte, lett. B, notes 67 et 68 infrà.

15 bis. Laurent, XXIX,* 63. Verdier, 1, 41.

16 Rivière et Huguet, 27. Troplong, no 61. Gauthier, no 70. Mourlon, 1, 46. Flandin, 1, 176. Verdier, I, 41.

17 Nec obstat art. 1406. Si des considérations spéciales ont fait admettre que l'immeuble abandonné par un ascendant en paiement d'une dot promise en argent, ne devient pas conquet et forme un propre, il n'en est pas moins certain qu'un pareil abandon constitue une aliénation par acte entre vifs et à titre onéreux. Flandin, I, 179.

18 Par sa renonciation, la femme perd toute espèce de droit sur les biem de la communauté, qui ne peuvent plus entrer dans son patrimoine que par l'effet d'une mutation de propriété. Art". 1492. Troplong, no 62. Ri- vière et Huguet, nos 2<) ct suiv. Gauthier, nos 71 et suiv. Mourlon. 1. îr 47 in fine, p. 109 et 110. Flandin, l, 177, 178 et 296. Verdier, I, k>. Laurent, XXIX, no 64. Civ. rej., 8 février 1858, S., 58, 1, 268. Gpr. Civ, cass., 19 décembre 1860, D., 61, 1, 23. Voy. sur les prélèvements delà femme acceptante : lett. B, et note 49 infrà. Les prélèvements faits par le mari n'entraînent jamais la nécessité delà transcription. Verdier, 1, \\. En effet, si la femme accepte la communauté, les prélèvements du mari

DE LA PROPRIÉTÉ. § 209. 437

c. Les échanges d'immeubles ou de meubles contre des immeubles.

Lorsque les immeubles échangés se trouvent situés dans des arrondissements différents, l'acte d'échange doit être transcrit aux bureaux des hypothèques de l'un et de l'au- tre de ces arrondissements 19.

d. Les actes de sociétés, soit commerciales, soit civiles. Ils sont soumis à la formalité de la transcription, entant

qu'ils contiennent des apports en propriété immobilière, faits par les associés ou par l'un d'eux 20.

Il en est de même des cessions de parts dans les sociétés civiles dont l'actif comprend des immeubles, lorsqu'elles sont faites à un étranger, ou lorsque, ayant été passées au profit d'un associé, elles n'ont point eu pour résultat de faire cesser l'indivision d'une manière absolue21.

Au contraire, les cessions d'intérêts ou d'actions dans des sociétés commerciales, ne sont pas soumises à transcrip- tion, lors même que l'actif de ces sociétés comprendrait des immeubles22.

e. Les contrats de mariage.

Ils sont assujettis à transcription, en tant qu'ils renfer- ment des conventions d'ameublissement, portant sur un ou plusieurs immeubles mis dans la communauté d'une ma- nière absolue, c'est-à-dire quant à la propriété même et sans restriction à une certaine somme 23 (ameublissement

font cesser l'indivision, et ils équivalent à partage : si la femme renonce, la communauté tout entière reste au mari, et dès lors, il n'y a pas mu- tation de propriété. Mourlon, Trame, no 47. Flandin, no 297. ,9 Troplong, 134. Flandin, I, 183. Mourlon, I, 45.

20 Troplong, no 63. Gauthier, no 61. Mourlon, I, 52. Flandin, I, 266. Laurent, XXIX, 67 et 68. Verdier, I, 40. Lesenne, 7. Giv. rej.,28 mai 1862, S., 62, 1, 961. Req., 8 mars 1875, S., 75, 1, 449. Gpr. Req., 8 dé- cembre 1878, D., 79, 1, 5, et la note deBeudant.

21 Cpr. texte et note 11 suprà. Laurent, XXIX, 68, Verdier, I, 17.

- Ces intérêts ou actions ne constituent, en effet, que des valeurs mo- bilières. Art. 529. Rivière et Huguet, nos -132 et 133. Flandin, I, 270 à 272. Laurent, XXIX, 68, Verdier, ibid.

23 Mourlon, I, 49, Flandin, I, 273 à 277. Verdier, I, 133 à 136. Voy. on sens contraire : Troplong, nos (54 à 67. C'est en restreignant la ques-

438 DES DROITS RÉELS.

déterminé dans le sens que nous attachons à ces expres- sions). Tl en est ainsi, que rameublissement ait été fait par la femme ou par le mari n. La transcription, dans cette hypothèse, aura pour objet et pour effet d'empêcher que l'é- poux auteur de rameublissement, ne dispose ultérieure- ment, en qualité de propriétaire, et au préjudice de l'au- tre, des immeubles ameublis, ou qu'on ne puisse opposer à la communauté des actes de disposition antérieurs, non transcrits en temps utile, à supposer, bien entendu, que, par suite d'une clause expresse ou tacite de séparation de dettes, elle se trouve dégagée, relativement à ces actes, de toute obligation de garantie.

Lorsque l'ameublissement est indéterminé, c'est-à-dire limité à une certaine somme, la transcription immédiate du contrat de mariage est sans objet, par la raison qu'un pareil ameublissement ne confère par lui-même à la com- munauté, aucun droit de propriété, ni actuel, ni éventuel, et que, dans le cas même la formalité aurait été accom- plie, l'exécution de l'obligation que l'art. 1508 attache à la clause dont s'agit, ne serait pas susceptible d'être pour- suivie contre les tiers qui auraient acquis des droits sur les immeubles formant l'objet de cette clause 25.

tion aux actes passés, par l'auteur de l'ameublissement, antérieurement au contrat de mariage, que ce dernier auteur a émis l'opinion que la transcrip- tion de ce contrat serait inutile et même nuisible à la communauté. Mai? il a oublié, d'une part, que la transcription est indispensable pour écart» les actes ultérieurs d'aliénation que consentirait l'époux duquel procèdt l'ameublissement (cpr. la note suivante), et d'autre part, que la commu- nauté ne sera point, en cas de séparation de dettes, tenue de Pobligatiol de garantie à laquelle les époux se trouveront soumis à raison d'aliéna tions antérieures au contrat de mariage. Voy. encore Laurent, W1X, V>

24 Mourlon, op. cit. Flandin, 1, 278 et 279. Verdier, 1, 433. Laurent,XX I X 7î>. Voy. en sens contraire : Rivière et Huguet (n° 37), qui soutienne que la transcription est sans objet, lorsque l'ameublissement procède mari. Mais ces auteurs n'ont pas remarque que la transcription du contri de niariage peut devenir nécessaire pour empêcher qtie le mari ne dispos de l'immeuble ameubli, soit pendant le mariage à titre gratuit, soit apré sa dissolution à un titre quelconque.

25 Malgré les termes si précis de l'art. 1508, Flandin (I, 285 et suiv.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 209. 439

Mais si l'époux qui a fait un pareil ameublissement vient effectivement à comprendre dans la masse un ou plusieurs des immeubles ameublis, et que, par l'effet du partage, ils tombent au lot de l'autre conjoint, il s'opérera, au profit de ce dernier, une mutation de propriété, qui devra être rendue publique par la transcription, soit de la clause d'a- meublissement et de la partie de l'acte de partage conte- nant attribution de ces immeubles, soit d'un acte spécial dressé entre les époux pour en constater l'apport à la mas- se26.

Les contrats de mariage dans lesquels se trouve stipu- lée une communauté universelle, sont également soumis à transcription, en ce qui concerne les immeubles des époux27.

considère l'ameublissement indéterminé comme emportant, au profit de la communauté, transmission d'un droit de propriété, sinon actuel, du moins éventuel. Mais c'est évidemment à tort, puisque le seul effet d'un pareil ameublissement est d'obliger l'époux qui a consenti, à comprendre dans la masse, lors de la dissolution de la communauté, quelques-uns de ses im- meubles, jusqu'à concurrence de la somme par lui promise, et que cette obligation, qui ne doit être exécutée que lorsque la communauté aura cessé d'exister, ne saurait avoir pour conséquence de conférer à celle-ci un droit quelconque de propriété sur les immeubles qui seront compris au partage. Il pourra sans doute arriver que les immeubles ainsi versés dans la masse par l'un des époux tombent au lot de l'autre ; mais cette mutation de propriété ne sera que le résultat de leur apport effectif à la masse et du partage qui l'a suivi, et non un effet direct et nécessaire de l'imieublissement lui-même. Nous ajouterons qu'à notre avis, Flandin mé- connaît le véritable objet de la transcription, qui est de garantir les tiers contre les actes restés secrets, et non d'assurer entre les parties l'exécu- tion de leurs conventions. Cpr. dans le sens de Flandin, Verdier, I, 139.

26 Mourlon, I, no 49, p. 127 et 128. Laurent, XXIII, 267 ; XXIX, 75. Voy. en sens contraire Troplong, Tra?iscr., 67.

27 Mourlon, I, 52. Flandin, I, 291. Yerdier, 1, 140. Marcadé, art. 1505, § 2, et art. 1526, Laurent, XXIX, 75. Voy. en sens contraire Sellier, T7*anscr., 112. Si la loi laisse aux parties une liberté absolue en ce qui concerne les stipulations de leur contrat de mariage, on ne saurait toute- fois admettre qu'elles fussent soumises à deux régimes contraires, et s'ex- cluant l'un l'autre, tels qu'une communauté universelle, et une commu- nauté réduite aux acquêts, avec faculté d'option en faveur de la femme et de ses héritiers. Dans ce cas, la communauté ayant existé entre les époux doit être liquidée conformément aux principes de la communauté légale. Civ. cass., 15 mai 1878, S., 78, 1, 449.

440 DES DROITS RÉELS.

/. Les actes de renonciation à des droits de propriété im- mobilière. Art. 1, 2.

Ils sont soumis à transcription, que la renonciation soit faite à titre onéreux ou même à titre gratuit, lorsqu'elle porte sur des droits définitivement acquis par l'acceptation de ceux auxquels ils se trouvaient dévolus. Il en est ainsi, par exemple, de la renonciation à une succession ou à un legs immobiliers, déjà acceptés.

Sont encore soumis à transcription les actes de renon- ciation à une succession ou à un legs immobiliers, lorsque la renonciation a lieu à titre onéreux, ou lorsque, ayantlieu à titre gratuit, elle est faite par un cohéritier ou colégataire, non pas purement et simplement au profit de tous les au- tres, mais en faveur de quelques-uns d'entre eux seule- ment 28.

Les actes de renonciation dans les hypothèses 'que pré- voient les art. 656 et 699, sont également soumis à trans- cription29.

Enfin, on doit aussi considérer, comme sujette à transcri- tion,la renonciation, en matière immobilière, au bénéfice d'une prescription admise par un jugement passé en force de chose jugée 30. lien serait cependant autrement, si la renonciation avait eu lieu par suite de transaction, pen- dantles délais de requête civile ou de pourvoi en cassation31.

28 De pareilles renonciations impliquent acceptation, et sont par consé- quent translatives de propriété. Gpr. art. 780. Bressoles, 17. Verdier, l, 175-476. Laurent, XXIX, 97.

29 Mourlon, I. 126. Demolombe, XII, 885. Verdier, I, 167 fcw.Laurentj XXIX, 94.

30 Rivière et Huguet, 84. Flandin, I, 459 à 462. Voy. en sens con traire : Mourlon, I, 125, p. 327 et suiv. Cet auteur n'a pas remarqua que, pour résoudre la question de savoir si une pareille renonciation es ou non sujette à transcription, on doit bien moins l'envisager au poin de vue des relations du possesseur dont elle émane et de celui au profi duquel elle a lieu, que dans les rapports de ce dernier avec les autre! ayants-cause du possesseur renonçant. Verdier. I, 178. Laurent, XXIX 98 : XXXII, 199.

31 Rivière et Huguet, 85. Flandin, I, 462 et suiv. Verdier, 1, 179 Cpr. Laurent, XXIX, 98 ; XXXII. 199. Cpr. sur la transaction : texte notes 50 à 52 infrà.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 209. 441

g. Les actes de résolution de contrats translatifs de pro- priété immobilière.

Ils sont sujets à transcription, lorsque l'acquéreur renon- çant spontanément et sans nécessité à son acquisition, la résolution constitue au fond une véritable rétrocession 32. Il en est ainsi, peu importe que le contrat résolu ait ou non été transcrit33.

Les différents actes de la nature de ceux qui viennent d'être énumérés comme sujets à transcription, peuvent et doivent être transcrits immédiatement, alors même que les conventions qu'ils renferment seraient subordonné es à une condition suspensive 34. Il en est ainsi notamment de la vente dont le prix a été laissé à l'arbitrage d'un tiers 35.

Les jugements soumis à transcription, comme opérant une transmission de propriété immobilière, sont en général les jugements d'adjudication. Art. 1, 4. Cette règle s'ap plique notamment :

a. Aux jugements d'adjudication de biens dépendant

32 Troplong, 244. Rivière et Huguet, 6 et suiv. Mourlon, I, 44, p. 102 et 103. Flandin, I, 221. Laurent. XXIX, 106. Pour distinguer les actes de ré- solution sujets à transcription de ceux qui ne le sont pas, plusieurs de ces auteurs s'attachent exclusivement au point de savoir si la cause en vertu de laquelle la résolution a lieu, est une causa antiqua ou une causa nova. Mais ce critérium ne nous parait pas tout à fait exact au point de vue de la transcription. En effet une résolution peut être spontanée et dégénérer en rétrocession, bien qu'elle se rattache à une condition inhérente au con- trat. C'est ce qui aurait lieu, par exemple, si l'acquéreur, quoique se trou- vant en situation de solder son prix, constatait la résolution du contrat de vente pour défaut de paiement du prix. Voy. sur les résolutions amia- bles non soumises à transcription : texte, lett. B, et note 59 infrà.

33 En effet, si les ayants-cause de l'acquéreur faisaient ultérieurement transcrire le titre de ce dernier, la résolution non transcrite ne pourrait leur être opposée. Mourlon, I, loc. cit. Flandin, I, 222. Troplong, no 244,

H La raison en est que la condition accomplie rétroagit au jour de la formation de la convention, et que celle-ci, par conséquent, peut et doit, dès cet instant, être portée à la connaissance des tiers. Art. 1179. Rivière et Huguet, 106. Troplong, 54. Gauthier, no 2o. Mourlon. I, 14 et 34. Flandin, I, 87.

33 Cpr. | 349, texte 1, lett. c. Mourlon. I. 3o. Flandin. I. 90.

442 DES DROITS RÉELS.

d'une succession bénéficiaire ou vacante, et aux jugemen rendus sur licitation.

b. Aux jugements d'adjudication, de biens de mineuri et à ceux sur expropriation forcée 36, lorsque, à défaut d surenchère du sixième, l'adjudication est devenue défm tive. Au cas contraire, le jugement rendu sur la surenchèi est seul sujet à transcription 37.

c. Aux jugements d'adjudication sur délaissement pa hypothèque, ou sur surenchère du dixième 38.

d. Enfin, aux jugements rendus sur folle enchère, mai dans le cas seulement ou l'adjudication prononcée, en fa veur du fol enchérisseur n'aurait pas été transcrite

39

36 Gpr. Loi du 24 mai 4858, dont l'art. 1er modifie l'art. 717 du co( de procédure. Rivière et Kuguet, nos 1^4, 351 et 352. Gauthier, il Mourlon, I, 79. Flandin, I, 577 à 579 ; Verdier, 1,214 à 217. Voy. en sei contraire : Lemarcis, p. 24. Cpr. législation belge, apad Laurent, XXIX, H

37 Si, par extraordinaire, un jugement d'adjudication de la nature ( ceux dont, il est question au texte, avait été transcrit, malgré une sure) chère du sixième, la transcription du jugement rendu sur cette surenchèr deviendrait sans objet. Mourlon, II, 540 et 544. Verdier, II, 462.

38 Arg. art. 2139. Si la transcription ctù jugement sur surenchère c dixième est inutile au regard du vendeur, qui s'est trouvé complètcme dessaisi par l'effet de la transcription préalable à la purge (art. 2181), <iI est nécessaire au regard de l'acquéreur, contre lequel se poursuit la s renchère. Rivière et Huguet, 446. Flandin, I, 568. Labbé, Revue crit tique. 1864, XIX. p. 298 et 299. no 35. Cpr. Mourlon, 11, S39. C'est tort, selon nous, que cet auteur exige, outre la transcription du jugeme sur surenchère, une mention de ce jugement en marge de la transcriptii de l'acte d'aliénation, puisqu'il n'est point question de résolution, mi d'une sorte d'expropriation résultant de l'exercice du droitde surenchèi

89 Arg. art. 779 du code de procédure, modifié par la loi du 21 mai loi Il ressort de cet article que l'adjudication sur folle enchère, tout en sul tituant un second acquéreur au premier, laisse subsister, au regard l'ancien propriétaire, la première adjudication, et ne résout la transis sion de propriété qu'elle avait opérée, que dans la personne du premi adjudicataire, et eh laveur seulement des créanciers. La conséquence < est que la transcription de l'adjudication sur toile enchère est sans obj lorsque l'adjudication primitive à été soumise à la formalité. Mourlon, 540. Ollivier et Mourlon, Commentaire de la loi du 21 mai 1858, m Seligmann, Explication de la loi du 21 ma,i 1858t n°s 7()i et 705. Vo en sens contraire : Chameau sur Carré, Lois de ht procédure, quesL. 202I

DE LA PROPRIÉTÉ. § 209. 443

Par exception à la règle ci-dessus posée, les jugements ^ur licitation ne sont pas sujets à transcription, lorsque l'ad- judication a été prononcée au profit de l'un des cohéritiers rm copartageants 40.

La môme exception s'applique aux jugements dadju- lication rendus, soit au profit d'un tiers détenteur qui se pend adjudicataire de l'immeuble par lui délaissé ou ex- proprié sur lui, soit en faveur de tout acquéreur ou adju- dicataire qui reste propriétaire de l'immeuble à la suite d'une adjudication sur surenchère 4i.

Mais cette exception ne doit pas être étendue, du moins d'une manière absolue, au jugement par lequel un héri- tier bénéficiaire se serait rendu adjudicataire d'un immeu- ble de la succession. Ce jugement peut et doit être trans- crit pour mettre cet héritier, en sa qualité de tiers adjudi- cataire, à l'abri des droits que le défunt aurait concédés par des actes non encore transcrits *2. Mais l'adjudication sur

Bressoles, nos 33 et 66. Troplong, no 221. Gauthier, 111. Flandin,

I, 582. Ces auteurs se fondent sur ce que le paiement du prix formant une condition, soit suspensive, soit résolutoire, de l'adjudication, la folle en- chère fait disparaître d'une manière absolue, et l'adjudication elle-même et sa transcription ; mais cette manière d'envisager les effets de la folle enchère, fort contestable en théorie, a été formellement condamnée par la loi du 21 mai 1858. Gpr. Verdier, II, 461.

40 II en serait autrement, si l'adjudication, ayant été prononcée au profit de deux ou de plusieurs des cohéritiers ou copartageants, n'avait pas fait cesser l'indivision d'une manière absolue. En pareil cas, le jugement d'ad- judication n'équivaudrait plus à partage. Flandin, I, 561. Gpr. au surplus texte, lett. B, notes 47 et 48 infrâ.

41 Art. 2179 et arg. de cet article. Rapport au Sénat, de M. de Casablanca, sur la loi du 23 mars 1855, no 27. Bressolles, no 33. Rivière et Huguet, n°117. Gauthier, nos 113 et 11 4. Troplong, no 101. Mourlon, I, 80 à 82 ;

II, 538. Verdier, I, 207 à 209. Laurent, XXXI, no 542. Gpr. infrà, § 294 n°4. Besançon, 14 déc. 1877, D., 78, 2, 55. Martinique, 9 déc. 1878, D., 80, 2, 34.

42 On ne pourrait contester la solution donnée au texte, qu'en part mt de l'idée que l'héritier bénéficiaire, qui se rend adjudicataire d'un immeuble de la succession, n'acquiert, même au regard des ayants-cause du défunt, comme vis-à-vis de ses cohéritiers ou de leurs ayants-cause, aucun droit nouveau et distinct de celui qui lui appartenait déjà à titre successif. Dans

444 DES DROITS RÉELS.

licitation d'un immeuble au profit d'un héritier pur et simp n'arrête pas le cours des inscriptions des hypothèques coi senties par le de cujus *2 &**.

Quant aux jugements d'expropriation pour cause d'ut lité publique, ils ne rentrent pas sous l'application de loi du 23 mars 1855, et continuent à être régis, en ce q\ concerne la transcription et ses effets, par la loi du 3 m 1844 ; en d'autres termes, la transcription de pareils ju£< ments n'est requise que pour arrêter, par l'expiration du cl lai de quinzaine à partir de l'accomplissement de cette fo

cette supposition, en effet, il ne pourrait pas repousser les actes, non tran crits, émanés du défunt, et la transcription de son propre titre serait p conséquent sans objet. Mais cette supposition est, à notre avis, inexac Nous croyons, comme le dit la Cour de cassation dans son arrêt du mai 4835 (Req., S., 3o, 1, 341), « qu'il y a dans ce cas interversion « qualité, de droit et de titre, et que l'adjudicataire devient propriéta « comme un étranger. » Nous ne voyons pas pourquoi l'héritier bént ciaire, qui s'est rendu adjudicataire d'un immeuble de la succession, ! rait de condition pire que tout autre acquéreur à titre onéreux. Les ayant cause du défunt qui ont négligé de faire transcrire leurs titres, ne sont- pas en faute à son égard, comme il le serait vis-à-vis d'un adjudicataj étranger ? Nous ajouterons qu'il serait difficile de refuser à l'héritier t néficiaire, la faculté de purger l'immeuble héréditaire dont il s'est rem adjudicataire. Labbé, Revue critique, 1856, VIII, p. 216, no 5. Dcmolom XV, 191 bis. Civ. rej. et Civ. cass., 12 août 1839, S., 39. 1. 781 et Giv. cass., 62 février 1862, S., 62,1,609. Civ. rej., 28 juillet 1862, S., fi 1, 988. Giv. cass., 12 et 27 nov. 1872, S., 73, 1, 86. Or, si on lui accor cette faculté, on reconnaît par cela même qu'il possède cet immeuble comr tiers, en vertu d'un titre distinctif de son titre successif ; et il n'y a pi aucun motif pour lui dénier l'avantage de se garantir, au moyen de transcription, contre les droits établis par le défunt, puisqu'il se trou soustrait, par l'effet du bénéfice d'inventaire, à l'application de la maxir Eum quem de evictione tenet aclio, eumdem agentem repellit except, Cpr. § 618, texte no 1. Les ayants-cause du défunt pourront sans (loi poursuivre en dommages-intérêts l'héritier bénéficiaire ; mais les coudai nations qu'ils obtiendront contre lui ne s'exerceront que sur les valeu de la succession. Voy. en ce sens : Mourlon, 1, 83. Voy. en sens contrain Rivière et Huguet, no 120. Troplong, no 102. Gauthier, m>li;i. Ducrui no 58. Flandin, I, 583, et II, 1 £03. Verdier. 1, 220 et 221 . Valette, Co sultation insérée dans Sirey, 1873, 1 , 88. ♦s bis. Civ. rej., * juin 1869, D., 69, 1, 480; S.. 7(1. I. 70.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 209. 445

nalitéje cours des inscriptions de privilèges ou d'hypo- hèques acquis antérieurement à ces jugements *3.

yi Les jugements d'expropriation pour cause d'utilité publique ne ren- rent pas, comme on en convient généralement, dans la classe des juge- nenls d'adjudication, dont s'occupe le 4 de l'art. i°r de la loi du 23 nars 1855. Ils ne rentrent pas davantage, quoique certains auteurs aient oulu soutenir le contraire, dans la catégorie des actes translatifs de pro- jeté, mentionnés au no 1 du même article ; et ce, par la double raison [ue, d'après l'économie générale de la loi précitée, le législateur a con- acré des dispositions distinctes aux jugements et aux actes d'aliénation olontaire, et que les jugements dont il est ici spécialement question, sont tien moins translatifs de propriété, qu'extinctifs de toute propriété privée, insi que cela résulte si nettement de l'art. 18 de la loi du 3 mai 4841. Ipr. Laurent, XXIX, 90. En vain objecte-t-on que les art. 46 et 17, elatifs à la transcription du jugement d'expropriation pour cause d'utilité tublique, ne contenant qu'une application spéciale des dispositions de art. 834 du Code de procédure, aujourd'hui formellement abrogé par art. 6 de la loi du 23 mars 4855, sont dès lors à considérer comme étant ux-mêmes abrogés. Cette objection manque d'exactitude dans son point e départ, puisque, d'après l'art. 834 du Code de procédure, la transcrip- ion était simplement facultative, d'après les règles du droit commun, tan- is que l'art. 16 de la loi du 3 mai 1841 l'a rendue obligatoire pour les ju- ;ements d'expropriation. Elle suppose d'ailleurs que ces jugements sont, omme actes translatifs de propriété, soumis à transcription en vertu de art. 1er de la loi du 23 mars 1855, supposition dont nous avons démon- l'erreur. Une remarque importante, qui a échappé aux partisans du ystème contraire au nôtre, c'est que ce système conduirait non-seulement une véritable transformation des art. 16 et 17 de la loi du 3 mai 1841, îais encore à une double modification de l'art. 21 de la môme loi, en ce ue les tiers dénommés en cet article, qui n'auraient pas fait transcrire leur très avant la transcription du jugement d'expropriation, seraient déchus e tout droit h indemnité contre l'État, lors même que le propriétaire 3s aurait fait connaître en délai utile à l'administration, et en ce que. d'un utre côté, ces tiers conserveraient leur droit contre l'État parle seul effet e la transcription, et malgré l'absence de la notification prescrite par article précité. Nous terminerons en rappelant qu'en ce qui concerne pécialement les créanciers hypothécaires ou privilégiés, il a été formelle- îent déclaré, par les commissaires du Gouvernement, à la Commission du énat chargée du rapport sur la loi du 23 mars 1855, « qu'il n'était nul- lement dérogé à la loi du 3 mai 1841, qu'ainsi les délais accordés par cette loi aux parties intéressées étaient intégralement maintenus. » Voy. i ce sens : Bressoles, nos 34 et 87. Sellier, 268. Rivière et Huguet, 0 353. Troplong, 103. Ducruet, p. 5. Gauthier, nos 117 et 158. Ca- antous, Revue critique, 1855, VII. p. 92. Crèpon,Code de V expropriation, !'t. 17, no 4. Daffry de la Monnoye, Tr. de l'expropriation, I, p. 180. Voy. n sens contraire ; Verdier, I, 225.Flandin, I, 599 et suiv. Mourlon,!, 88;

446 DBS DBOITS KKKLS.

Les mêmes propositions s'appliquent aux cessions amia blés, consenties par Les propriétaires d<i terrains soumis \ l'expropriation, pourvu quelles aient eu lieu après lac complissement des formalités indiquées par l'art. 2 de la lo du 31 mai 1841 **. Au cas contraire, de pareilles cession rentreraient, en ce qui concerne la transcription, sous l'a» plication de la loi du 23 mars 1855 **.

Les jugements constatant L'existence d'une conventioi verbale, translatifs de propriété immobilière, sont sou mis à transcription, comme le sont les actes qui renier ment des conventions de cette nature. Art. 1, 3. ' fej

B. Des actes et jugements non soumis à transcription, quoique relatif» à de droits de propriété immobilière i'\

Les actes qui, de leur nature ou en vertu dune dispo sition spéciale de la loi, sont simplement déclaratifs ou re cognitifSj et non translatifs de propriété immobilière, tel: que les transactions et les partages, ne sont pas soumis i transcription.

La dispense de transcription existe, non-seulement poui

II, 581 et 585. Ce dernier auteur s'était d'abord (Examen critique, no 335 prononcé dans le sens de notre opinion.

4V Arg. art. 43 et 19 delà loi du 3 mai 1841. Bressoles, no 27. Troplong no 104. Cabantous, op. et loc. citt. Laurent, XXIX, 91. Voy. en sen contraire : Flandin et Mourlon, opp. et locc. citt. Verdier. I, 225 et 22i

45 Brcssolles, loc. cit. Troplong, 105. Verdier, 226. Flandin, no 608 Cpr. Civ. cass., 30 janvier 1865, D.,65, 1, 75. Voy cep. Riom, 20 novem bre 1865, S., 67, 2, 13.

43 bis, Verdier, I, 193. Laurent, XXIX. 88.

46 Nous ne mentionnons sous cette rubrique, ni la cession des biens, n le délaissement par hypothèque, ni l'abandon fait par l'héritier bénéficiai^ aux termes de l'art. 802, parce que ces actes ne touchent en aucune t'ai oi la propriété, et n'entraînent qu'un déplacement de possession, d'où la nui séquence que la question de savoir si de pareils actes sont ou non sujets la transcription, ne peut être soulevée. Il est du reste bien entendu qat si le débiteur, en taisant une cession de biens volontaire, avait transt'éi à ses créanciers la propriété même des biens abandonnés, l'acte de cessio/ serait sujet à transcription. Mourlon, I, 69 à 71. Flandin, I, 169 à 1"'< Pont, Privilège* et hyp., 261. Verdier, I, 142, 143. Laurent, XXX n«s 494 495.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 209. 447

es partages proprement dits, mais encore pour tous les ac- es à titre onéreux, dont l'effet est de faire cesser Tin divi- sion dune manière absolue, c'est-à-dire relativement à tous es communistes ". Cette dispense, indépendante de la cause qui a donné

47 Gpr. §625. texte no 1 ; texte et note 11 supra. Troplong, nos 50 et 15. Gandin, 1, 194 et suiv. Le partage et la licitation ne revêtent le caractère dé- ■laratif qu'autant qu'ils ont pour effet de faire cesser l'indivision à l'égard le toutes les parties colicitantes, par l'adjudication de l'immeuble à l'une Telles seulement. Il n'en est plus de môme, si après la licitation, l'indivi- sion persiste entre quelques-uns des communistes, ou si l'adjudication a ;u lieu au profit d'un étranger exclusivement, ou conjointement au profit l'un étranger et d'un colicitant.En pareil cas, il y a mutation de propriété it par suite, l'acte doit être transcrit. Req., 8 mars 1875, D., 76, 1, 369, it S., 75, 1, 449 ainsi que la note de Labbé. La jurisprudence a poussé ce îrjncipe jusqu'à ses dernières conséquences. Partout s'est rencontré m acte produisant cessation de l'indivision ou de la communauté de jouis- sance, du moment il ne réunissait pas entre toute les parties légales lu partage, il a été considéré comme de nature à opérer la transmission l'un droit réel au profit d'une ou de plusieurs de ces parties, et par con- séquent comme sujet à transcription. Etablie en matière de droit fiscal, '.ette règle doit être généralisée, et. appliquée également à la situation des parties à l'égard des tiers. Ces propositions se déduisent notamment d'un irrêtdu 25 août 1879 (Civ. cass.,)D., 79,1, 449. S., 90, l, 161. Voy. encore ;iv. cass.,23 avril 1884, S., 84, 1, 209 et la note. Req., 7 janvier 1885, S., 86, 1, 164. Civ. cass., 19 mai 1886, D., 87, 1,15. S., 87,1, 113. Aix, 10 août 1870, D., 73, 2, 204. Il a été jugé ainsi, que même lorsqu'il a pour 3ause la possession de la nue-propriété, et qu'il se trouve de la sorte réu- :ii au droit de propriété dans les mains du plein propriétaire, le droit de ouissance est aussi bien que l'usufruit formellement constitué au profit l'un tiers, un droit réel et distinct, tellement que le propriétaire qui en re- •ueille les produits peut le distraire pour en disposer au profit d'un tiers: ju'un acte de cette nature, intervenu entre deux co-successifs, avait un îffet translatif entre les deux parties contractantes, mais non point àl'égard les autres co-successibles pour lesquels l'indivision était maintenue : que dès lors il ne pourrait être assimilé à un partage purement déclaratif et fu'il devait être transcrit. La tendance de la jurisprudence nous paraît être le ce côté, et les arrêts cités en sens opposé sont des décisions d'espèces, plu- ôt que de doctrine. L'arrêt rendu le 2 avril 1851, par la cliambre des Rc- (uètcs,(S., 51, 1, 337)consacre le principe lui-même, en reconnaissant l'effet léclaratif au cas seulement il existe un partage réel auquel tous les hé- ùtiers aient concouru, attribuant à l'un d'eux ou à quelques-uns d'eux, tprès avoir déterminé les droits de tous, leurs parts dans la succession, et

448 DES DROITS RÉELS.

naissance à L'indivision, s'applique même aux partages ou licitations par lesquels des tiers, cessionnaires de l'un des communistes, seraient devenus propriétaires exclusifs de« immeubles i8.

laissant les autres dans l'indivision. En de pareilles circonstances de l'ai

le partage est effectué, les paris sont déterminées, l'exécution seule d(

l'acte a été négligée par quelques-uns des intéressés. Cpr. Paris, 23 févriei

1860, Palaû, 4860, 647. Civ. rej., 2o avril 1864, S., 64, 1, 237, et spé

cialement en matière d'enregistrement. Civ. cass., 12 juillet 1870, S., 70

1,405. Voir infrà, VI, §625. Lorsqu'il s'agit du jugement d'adjudieatior

rendu sur licitation au profit d'un cohéritier ou d'un copartageant, la dil

pense de transcription résulte des termes exprès du § 4 de l'art. 17 do li

loi de 1855. La raison d'être de cette disposition est dans cette fiction ju

ridique qu'en matière de succession chaque cohéritier est censé avoir suc

cédé seul et immédiatement à tous les objets compris dans son lot, oi

qui lui sont échus par l'effet d'une licitation : c'est pourquoi le partagées

considéré comme déclaratif et non attributif de droits. La question s'es

élevée de savoir si le jugement d'adjudication devait être transcrit par ui

tiers, entré dans l'indivision par l'effet de cession des quotes parts indi

vises d'un ou de plusieurs héritiers et qui s'était rendu adjudicataire ù<

tout ou partie des immeubles de la succession. L'affirmation est généra

lement enseignée et avec raison, selon nous ; en effet, il y a lieu de distin

guer. À l'égard des colicitants, le cesssionnaire est pleinement subroge

aux droits de son cédant qu'il représente. Il est protégé par les disposi

tions combinées de l'art. 883 C. et du § 4 de l'art. 1 de la loi de 1855 ; pa

conséquent, les actes d'aliénation ou les concessions d'hypothèques éma

nant de ses colicitations ne lui seraient pas opposables. La transcriptioi

en ce qui le concerne ce cessionnaire n'aurait d'utilité qu'au point de vu

particulier de la purge (art. 2181 C. c.) Mais la situation n'est plus la mt

me à l'égard soit de l'auteur commun, soit du cédant ; quanta ceux-(

le cessionnaire n'est qu'un tiers acquéreur ordinaire. La transcriptio

de l'adjudication est donc nécessaire pour qu'il soit à l'abri des entr<

prises faites par ce dernier sur les immeubles compris dans la effl

sion. Berger. Transe, no 67 bis et 68. Giv. cass., 29 mai 1876. S., 76, 1

297 et la note. Cpr. Civ. cass., 9 janv. 1854, S., 54, 1, 124. Civ. rej., i

janvier 1857, S., 57, 1,665. Req., 21 juillet 1858, S., 58, 1, 761

Civ. cass., 15 mars 1870, S., 70, 1, 270. Req., 8 mars 1875, S., 7.'

1. 449. Ch. réunies, cass., 12 juin 1876, concl. conf. de M. le premil

avocat général Hédarrides, et Observations. S., 76. 1.81. A l'inverse il n'

a pas lieu de transcrire l'acte qui sous forme d'une acquisition au prof

d'une personne ne constitue en réalité qu'un partage. Montpellier. 16 jai

vier 1882, S.. 82, 2. 113 et la note de Labbé.

*8 Demolombe. XVII, 289. Flandin, I, 208 et suiv. Civ. rej., 27 janvii

DU LA PROPRIÉTÉ. § 209. 449

Les prélèvements exercés sur les immeubles communs, au cas d'acceptation de la communauté par l'un ou l'autre des époux, font cesser l'indivision, et ils équivalent ainsi à un partage, quant à l'application de l'article 883. Dès lors, les actes qui les constatent sont, comme les partages pro- prement dits, dispensés de transcription49.

Les transactions sont exemptes de transcription, alors même que, portant sur un immeuble à la propriété duquel les deux parties prétendaient respectivement avoir droit, lune d'elles renonce seule à ses prétentions, moyennant une somme d'argent payée par l'autre 50. Que si, au lieu

1857, S., 57, 4, 665. Cpr.Civ. cass., 29 mai 1876, D.,76, 1, 377 et note 14, suprà. Le contraire est, à la vérité, admis en matière d'enregistrement, en ce qui concerne le droit de transcription. Voy. Civ. cass., 19 décembre 1845 et 11 février 1846, S., 46, 1, 113 et 116. Civ. cass., 26 janvier 1848, S.. 48, 4, 246. Civ. cass., 9 janvier 1854, S.. 54, 1,424. Req., 21 juillet 1858, S., 58, 1, 767. Civ. cass., 12 et 27 novembre 1872, S., 73, 1. 86. En matière fiscale, la licitation est réputée translative pour l'excédant de ce qui revient à l'adjudicataire dans le prix, à moins que cet excédant ne lui soit attribué par le partage définitif présenté à l'enregistrement en même temps que la licitation. Loi du 22 frimaire an VII, art. 69 § 7, no 4. Civ. rej., 22 juillet 1872. S.. 72, 1, 248. Mais les règles spéciales delà loi fiscale ne sont pas applicables dans les matières de Droit commun. . i9 Rivière et Huguet, n°s 29 et suiv. Mourlon, I, 47. Gauthier, nos *\[ et suiv. Flandin, I, 292 et suiv. Lcsenne. no 15. Verdier, I, 43. Civ. rej., 20 juillet 1869, S., 70, 1, 127. Voy. en sens contraire : Troplong* 62. Cet auteur se fonde sur cette idée, parfaitement juste en elle-même* que le prélèvement s'exerce, non à titre de propriété, mais à titre de créance, et qu'il constitue ainsi une sorte de dation en paiement. Il en conclut que l'acte qui le constate est sujet à transcription. Mais il a ou- blié que le prélèvement, quoique revêtu du caractère qu'il lui assigne. fait cependant cesser, quant à l'immeuble prélevé, l'indivision qui exis- tait entre les époux, et que, par ce motif, il doit, comme équivalent à par- tage, être dispensé de transcription.

50 Cpr. § 421, texte no 2. Rivière et Huguet. nos 19 et suiv. Troplong. nos 70 et suiv. Gauthier, nos 82 et 83. Flandin, I* 329 à 331. Verdier, I, 122 a 124. Laurent. XXIX, 70. Voy. en sens contraire : Le- senne. no 38. Mourlon, I, 74 et 75; IL 547. Ces derniers auteurs n'ont pas remarqué que la transaction par laquelle une personne, reconnaissant les droits de la partie adverse* se borne à renoncer à de simples préten- tions, n'emporte pas renonciation à un droit dans le sens des art. 1 et 2 de la loi du 23 mars 1855.

n 29

450 des Droits réels.

d'èlre consentie pour une somme d'argent, l?i renonciation était donnée moyennant la cession d'un immeuble qui ne faisait l'objet d'aucune contestation entre les parties, l'acte constatant la convention serait sujet à, transcription, mais seulement en ce qui concerne cette cession H, Du reste, un acte qui, qualifié de transaction, ne serait en réalité qu'une cession déguisée, ne pourrait être opposé aux tiers qu'au- tant qu'il aurait été transcrit *\

Les actes contenant confirmation de conventions trans- latives, de propriété immobilière, ne sont pas soumis à transcription, quel que soit le vice de fond ou de forme que la confirmation a pour objet d'effacer. 33 Cette règle s'appli- que à la confirmation de conventions entachées de violence, d'erreur, de dol, ou de lésion, aussi bien qu'à celle de con- ventions annulables pour cause d'incapacité >6\ et même à l'acte par lequel les héritiers du donateur auraient confirmé une donation nulle en la forme S3. Mais il est bien entendu que la règle précitée ne s'appliquerait pas à un prétendu acte confirmatif d'une convention qui, à défaut de l'un des

a' Rivière et Huguct, Troplong, et Gauthier, locc. citt. Mourlon, 1,73. Flandin, I, 33l, Verdier, I, i|0. Laurent, XXVIII, 394 ; XXIX, 71.

52 Flandin, I, 333. Verdier, I, 121. Gpr. Pothier, Communauté, no 111. Merlin, Hep., \o Partage, § XI, 15.

33 Cpr. | 337. Confîrmatio nil dat novi. Troplong, nos 97 et 131. Gau- thier, n" 108. Flandin, I, 466. Bordeaux, 9 juillet 1879, S., 80, 2, 293. Millet, Traité du bornage, p. 419, 420.

54 Mourlon, tout en admettant la proposition énoncée au texte, en ce qui concerne les actes confirmatifs i&B conventions passées par un inca- pable (I, no 125, p. 330), la rejette quant aux actes confirmatifs de con- ventions entachées de violence, d'erreur ou de dol (I, no 126, p. 33o). C'est aussi l'opinion de Verdier, I, 6Q à 68, 187, 188. Mais les motifs sur lesquels il fonde cette distinction, nous paraissent dénués de tout fon- dement, et ont été parfaitement réfutés par Flandin (1, 467 à i-79).

"Mourlon, I, n°123, p. 332. Flandin, I, 483. Cpr. Troplong, no 97. Nous supposons que ce dernier auteur, en dispensant de transcription l'acte confirmatif d'une donation nulle en forme, a entendu parler, comme nous, d'une confirmation émanée des héritiers du donateur, puisque ce dernier n'est pas admis à confirmer une pareille donation, et que, s'il veuj la maintenir, il est obligé de la refaire en la forme légale, au moyen d'un nouvel acte, qui serait nécessairement sujet à transcription.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 209. 451

éléments essentiels à son existence , serait à considérer comme

non avenue 36.

Les actes de renonciation, purement abdicative,à un droit de propriété immobilière, c'est-à-dire ceux par les- quels une personne renonce à un droit de cette nature qui lui était dévolu, mais qu'elle n'avait point encore accepté, ne sont pas sujets à transcription 37. Tels sont les actes de renonciation pure et simple à une succession, à une com- munauté, ou à un legs, non encore acceptés, lorsque d'ail- leurs ils n'impliquent point par eux-mêmes acceptation ta- cite 58.

Les actes contenant résolution, même amiable, de con- trats translatifs de propriété immobilière, ne sont pas sou- mis à transcription, lorsque celui qui les a consentis n'y a donné les mains que pour éviter une résolution judiciaire à laquelle il lui eût été impossible de se soustraire59.

!i6 Rivière et Huguet, 2|4- Verdier, I. 70. Voy. en sens contraire : Flandin, no 480. Cet auteur part de l'idée que les conventions de la na- ture de celles dont il est question au texte, sont susceptibles de confirma- tion. Mais cette idée n'est point exacte. Voy. § 337.

57 Non obstat art. 1, 2. Il ressort de la combinaison des deux pre- miers numéros de l'art. 1 de la loi du 23 mars 1855, que le législateurn'a eu en vue, dans le no 2, que les renonciations translatives, c'est-à-dire celles qui opèrent déplacement d'une propriété définitivement acquise. Troplong, no 93. Rivière et Huguet, no Q6. Gauthier, 103. Flandin, I, 436 à 438. Gpr. Verdicr, I, 165, 166.

38 Nous avons indiqué, texte et note 28 swprà, les actes de renonciation qui, impliquant de leur nature acceptation tacite, sont soumis à transcrip- tion. Voy. dans le sens de la proposition énoncée au texte : Bressolles, no 17. Troplong, nos 94 et 95. Rivière et Huguet, et Gauthier, locc. citt. Mourlon, I, 125. Flandin, I, 441 à 445. Verdier, I, 168.

59 II résulte du rapprochement des dispositions du no 4 de l'art. 1er, du no 5 de l'art. 2, et de l'art. 4 de la loi du 23 mars 1855, que les juge- ments prononçant résolution de contrats translatifs de propriété immobi- lière, ne sont pas soumis à transcription. Et comme il en est ainsi par le motif qu'ils n'opèrent pas une véritable rétrocession, on doit décider, en vertu de la même raison, que les résolutions consenties pour éviter de pareils jugements, sont également dispensées de cette formalité. Troplong, 110 244. Rivière et Huguet, nos 6 et suiv. Gauthier, 48. Flandin, 1,221 et suiv. Mourlon, I, 44. Verdier, I, p. 203.

452 DES DROITS RÉELS.

A plus forte raison, en est-il ainsi de l'acte constatant la résolution opérée par l'exercice de la faculté de réméré, que le vendeur s'était réservée 80.

Les actes de résolution dispensés de transcription, ne sont pas même soumis à la formalité de la mention pres- crite pour les jugements de résolution 61.

o°Les actes constatant l'exercice d'une faculté légale de retrait, même relative à des immeubles, ne sont pas non plus sujets à transcription ti2.

lien est ainsi, non-seulement du retrait d'indivision63, mais encore du retrait successoral Gi, et même du retrait de

60Troplong, no 248. Lesenne, no 8. Gauthier, no 28. Flandin, I. 85, 386 et 387. Mourlon, 1, 67. Verdier. I, 84.

61 Ce serait, en effet, ajouter aux exigences de la loi du 23 mars 1855, que d'étendre, aux actes de résolution amiable, une formalité que l'art. 4 de cette loi ne prescrit que pour les jugements de résolution ; et cette extension est d'autant moins admissible, que l'obligation de remplir cette formalité n'est imposée qu'à l'avoué qui a obtenu un pareil jugement, et non aux parties elles-mêmes. Bressolles, n°69. Rivière et Iluguet, nos 6 et suiv. Troplong, no 232. Flandin, I, 224 à 226. Mourlon, I. 44 ; II. Ml. Verdier. I, 84, p. 202.

62 Les retraits légaux opèrent bien moins une nouvelle translation de propriété, qu'une simple subrogation du retrayant aux droits de l'ache- teur ou du cessionnaire sur qui le retrait est exercé, de telle sorte que le retrayant est censé avoir acquis directement du vendeur ou du cédant. 11 ne faut d'ailleurs pas oublier qu'en matière de retrait successoral et de retrait d'indivision, les tiers se trouvent déjà avertis, par la loi et par la nature du titre de l'acheteur ou du cessionnaire, de la possibilité et de l'éventualité de l'exercice du retrait. Mourlon, J. 65 ; II, 542. Rivière et Iluguet, nos 46 et 49. Flandin, nos 229 et 261. Laurent, XXIX, 110. Verdier, I, 114 à 118. Cpr. Grenoble. 18 août 1884, D„ 56, 2, 61 ef les notes.

63 Cpr. art. 1408. al. 2. et § *i07. texte in fine. Flandin, I, 244 et suiv. u Rivière et Iluguet, 49. Gauthier, no 78. Flandin, I, 237 et suiv.

Voy. en sens contraire: Troplong, n<> 247. Suivant cet auteur, l'acte cons- tatant l'exercice d'un retrait successoral devrait être transcrit, comme ayant pour effet de substituer un nouvel acheteur à l'acheteur primitif, et comme formant ainsi le complément de la vente. Maiscette raison ne nous parait pas concluante, puisqu'il demeure toujours certain qu'il n'y a pas mutation de propriété de l'acheteur au retrayant. 11 est d'ailleurs impos- sible de subordonner l'effet rétroactif du retrait, en ce qui concerne les droits antérieurement concédés par l'acheteur, à la transcription d'unaclcj

DE LA PROPRIÉTÉ. § 209. 453

droits litigieux ('\

11 est bien entendu, du reste, que si l'acheteur ou le cessionnaire n'avait pas fait transcrire son titre, le retrayant ne pourrait se prévaloir du retrait, vis-à-vis des ayants- cause du vendeur ou du cédant, qu'à charge de faire trans- crire lui-même ce titre, et à partir seulement de la trans- cription cr*.

Les cessions d'actions résolutoires de contrats trans- latifs de propriété immobilière, fondées sur le défaut d'ac- complissement des obligations imposées à l'acquéreur, ne sont pas soumises à transcription °7.

qui n'existait pas encore ; et l'on arriverait ainsi, dans le système de Tro- plong, à cette bizarrerie, que les actes postérieurs au retrait seraient, à défaut de sa transcription, efficaces à l'égard du retrayant, tandis que les actes antérieurs ne pourraient lui être opposés. Verdier (I, 118) a fort bien combattu cette opinion.

66 Les raisons juridiques développées aux notes 62 et 64 suprà s'ap- pliquent au retrait de droits litigieux, comme aux autres espèces de re- traits. Il est vrai qu'en matière de retrait de droits litigieux, les tiers, pou- vant ignorer l'existence de la contestation, ne sont pas toujours et néces- sairement avertis de l'éventualité du retrait ; mais leur ignorance à cet égard ne saurait empêcher, ni l'exercice même du retrait, ni son effet ré- troactif. Rivière et Huguet, 50. Gauthier, 79. Flandin, 1, 262. Voy. en sens contraire : Troplong, n<> 249.

00 Le fait subséquent de l'exercice du retrait ne peut, en effet, influer sur les conditions d'efficacité de l'acte d'aliénation. Flandin, I, 242.

cr' De pareilles cessions, à la différence de celles qui auraient pour objet, soit des actions en nullité ou en rescision de contrats translatifs de pro- priété immobilière, soit des actions tendant à la restitution d'immeubles en vertu d'une résolution opérée de plein droit, n'impliquent pas, lors même qu'elles sont relatives à des immeubles, transmission d'un droit de propriété, et n'emportent que transport d'un simple droit de créance. Ce- lui qui a aliéné un immeuble moyennant un prix ou des charges quel- conques, se trouve complètement dépouillé de son droit de propriété, et il n'est plus que créancier de ce prix ou de ces charges ; et si. faute d'ac- complissement des obligations contractées à son profit, il est autorisé ù demander la résolution du contrat, ce droit subsidiaire, et purement auxi- liaire, ne constitue cependant qu'un jus ad rem, qui ne se transformera en jus in re que par la résolution prononcée en justice, résolution que l'ac- quéreur ou ses créanciers peuvent toujours empêcher, en désintéressant le demandeur. Cpr. § 266, texte 1, notes 13 et 14, xMourlon, 1, 18.

454 DES DROITS RÉELS.

Il en est de même de la cession d'une faculté de réméré réservée par le vendeur r,a.

Les jugements qui n'opèrent pas transmission de pro- priété immobilière, ou qui ne constatent pas l'existence d'une transmission de cette nature opérée par convention terbalë, sont dispensés de transcription, quoique relatifs à des droits

Flandin, I, 390 à 392. Voy. cep. Mourlon, II, 568 bis. Voy. en sons con- traire, Verdier, I, 81.

68 Le vendeur avec faculté de rachat se dépouille, malgré la réserve de cette faculté, de tout droit de propriété, et ne conserve qu'un simple jM ad rem, ainsi que la Cour de cassation l'a parfaitement établi, par son arrêt du 21 décembre 1825 (Req., S., 26, 1, 275). La cession d'une faculté de rachat stipulée dans une vente d'immeubles, ne constitue donc pas le transport d'Un droit de propriété immobilière, et n'est dès lors pas sou- mise à transcription. En vain objecte-t-on que l'acquéreur à pacte de ra- chat ne devenant propriétaire que sous l'éventualité de la résolution de son titre, le vendeur, de son côté, doit être considéré comme propriétaire sous condition suspensive. Cette objection ne repose, à notre avis, que sur une idée complètement inexacte. En effet, la faculté de réméré n'est pour le vendeur qu'un moyen de rentrer dans la propriété de l'immeuble par lui aliéné, et ne saurait être envisagée comme lui conférant hic et nvnc un droit de propriété, môme simplement conditionnel. S'il était nécessaire de pousser plus loin cette démonstration, nous ajouterions que ce qui mar- que bien la différence entre la faculté de réméré et un droit subordonné; une condition suspensive, c'est que le défaut d'exercice de cette faculté dans le délai ce fixé, n'emporte qu'une simple déchéance, dont l'effet n'est nullement de faire considérer la clause de réméré comme n'ayant jamais été stipulée, tandis que, dans le cas une condition suspeiisiVÎ vient ii défaillir, le contrat qui s'y trouvait subordonné est censé n'avoir jamais existé. Il est vrai que, si le ccssionnaire vient à exercer le réméré il s'opérera à son profit une véritable mutation de propriété, qui ne sera pas rendue publique pat* la transcription. Mais le même résultat se pré- sente, lorsque le cessionnaire d'un prix de vente fait prononcer en justice ou obtient à l'amiable la résolution du contrat ; cl cependant, dans céttl hypothèse, il parait impossible d'exiger la transcription, soit de la ces sion elle-même, soit du jugement qui prononce la résolution. Nous conj prendrions que le législateur eût soumis à la transcription, l'acte ou 1< jugement constatant l'exercice du réméré; mais il ne l'a point fait, et ci serait ajouter aux dispositions de la loi que d'exiger l'accomplissement cette formalité. Hivière et Huguet, n°* 109 et suiv. Voy. en sens contraire Troplong, nos :;<) & 60. Lesenne, ftb 10. Gauthier, no 48. Mourlon. I. U et 17; 11, 568 bis, Flandin, I, 984 et 385. Verdier, I, 86.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 209. 455

de propriété immobilière 69. Il en est ainsi notamment des jugements prononçant la résolution, la nullité, ou la res- cision d'un acte translatif de propriété immobilière 70, et des jugements d'adjudication sur folle enchère, alors du moins que l'adjudication primitive a été transcrite 71.

Toutefois, la loi impose à l'avoué quia obtenu un pareil jugement, T obligation d'en faire opérer la mention en marge de la transcription de l'acte résolu, annulé, ou rescindé, et ce, dans le mois à dater du jour ce jugement a acquis l'autorité de la chose jugée. A cet effet, il doit remettre un bordereau, rédigé et signé par lui, au conservateur, qui lui en donne récépissé. Art. 4 71 bis .

Cette règle s'applique également aux jugements pronon- çant la révocation d'actes translatifs de propriété immobi- lière, passés par un débiteur eil fraude des droits de ses créanciers Ti. Mais il ne semble pas qu'on doive l'étendre aux jugements qui, après avoir reconnu l'existence d'une résolution opérée de plein droit, en consacrent simplement les conséquences73.

Lorsque l'acte résolu, annulé, ou rescindé, quoique pos- térieur au 1er janvier 185G, n'a pas été trariSCrit, l'avoué qui a obtenu le jugement, est dispensé de toute obligation

69 Les jugements n'étant, en général, que déclaratifs, ils ne sont sujets à transcription que dans les cas exceptionnels la loi les y a expressé- ment soumis. Gpr. art. 1, nos ;{ et 4. ïroplong, nos 44 Gt lâS. Flandin. I, 487. 5ây et 631 ; II, 898. Yerdier, I, 35.

70 Arg. art. 4 delà loi du 23 mars 1855.

71 Cpr. texte, lett. A, et note 39 suprà.

71 bis. Quant à l'obligation pour l'avoué de requérir la mention. Gpr. Bordeaux, lcr février 1869, S., 69> 2, 211.

72 ïroplong, 220. Flandin, L 630. Mourlon, II, 535. Laurent, XXIX, 214. Yerdier, II, 454. Yoy. en sens contraire : Rivière et Huguet, no 269.

73 De pareils jugements ne rentrent pas sous le texte de l'art. 4, puis- qu'ils ne prononcent aucune résolution. Et, comme il s'agit ici d'une dis- position pénale, l'interprétation extensive n'est point admissible. Rivière et Huguet, no 260. Yoy. cep. ïroplong, no 214. Flandin, I, 612 et 613. Mourlon, II, 528. Laurent. XIX, 214. Yerdier, JI, 454.

456 DES DROITS REELS.

d'en faire opérer, soit la mention, soit la transcription 7\ Que s'il s'agissait d'un acte non transcrit, ayant acquis date certaine avant le 1er janvier 1856, l'avoué devrait, dans le délai ci-dessus indiqué, faire transcrire le jugement deré- solution, d'annulation, ou de rescision 73.

L'avoué qui a négligé de se conformer aux dispositions relatives à la mention ou à la transcription, suivant les cas, du jugement prononçant la résolution, la nullité, ou la resci- sion, est pour ce fait passible d'une amende de 100 fr. ; mais le défaut d'accomplissement de ces formalités n'e- xerce aucune influence sur les effets du jugement, qui n'en est pas moins opposables aux tiers 76.

C. Des conséquences du défaut de transcription dans les cas elle

est requise.

Le défaut de transcription n entraîne, ainsi que cela a été établi en tête du présent paragraphe, qu'une ineffica- cité purement relative du titre non transcrit. L'application de ce principe présente à résoudre la double question de savoir, quelles sont les personnes autorisées à se prévaloir en qualité de tiers, du défaut de transcription des actes ou jugements qu'on prétendait leur opposer, et quelles sont les conditions auxquelles elles peuvent en exciper.

Les personnes admises à se prévaloir du défaut de transcription sont toutes celles, et exclusivement celles, qui ont acquis sur un immeuble, soit du chef du dernier pro-

'* Troplong, no 2-23. Flandin, I. 639. Verdier, II, 813.

73 Art. 14, al. 3. Lesenne, no 156. Rivière etHuguct, no -424. Verdier.ll, 814.Vouziers,ll avril 1864, S., 61,2,514. Cpr. cep. Troplong, nos 359 à 362; et Mourlon, II, 1111. Suivant Troplong, la transcription dont s'agit n'aurait pas besoin d'être intégrale ; mais c'est créer une distinction con- traire au texte de la loi. D'après Mourlon, la transcription devrait avoir lieu, alors même que l'acte résolu, annulé, ou rescindé, aurait été trans- crit; mais l'opinion de cet auteur est directement contraire au texte du Iroisième alinéa de l'art. 14, qui ne parle que d'un acte non transcrit.

16 Exposé de motifs de l'art. 4 de la loi du 23 mars 1855 (S., Lois anno- tées. 4855. p. 25, 5). Bressolles, 611. Rivière et lluguel. no 303 ot suiv. Flandin, I. 609. Mourlon, II. 555. Verdier, II, 487.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 209. 457

priétaireou de ses représentants, soit du chef des précé- dents propriétaires, des droits qu'elles ont conservés en se conformant aux lois 77.

Cette proposition conduit à une double série d'applica- tions, dont les unes concernent les personnes autorisées à ?xeiper du défaut de transcription, et les autres, celles qui n'y sont point admises.

a. Les tiers autorisés à opposer le défaut de transcrip- tion sont, non-seulement ceux qui ont acquis des droits réels sur l'immeuble transféré par l'acte non transcrit, mais nême ceux qui n'ont acquis, sur cet immeuble, que des Iroits personnels de bail ou d'antichrèse, sujets à trans- cription 78.

" Req., 31 mai 1875, D., 76, 4, 496; S., 77, 1, 103. Req., 24 avril 1882, S., 83, 1, 64. Aux termes de l'art. 26 de la loi du 11 brumaire in VII. les actes non transcrits n'étaient pas opposables aux tiers qui lisaient contracté avec le vendeur, et qui s'étaient conformés aux dispo- sitions de cette loi. Mais cette rédaction, trop restreinte, pouvait con- luire à refuser le droit de faire valoir le défaut de transcription à des personnes auxquelles il devait être accordé pour atteindre complètement e but que le législateur avait en vue. Aussi, l'art. 3 de la loi du 23 mars 1855 s'exprime-t-il d'une manière plus large etporte-t-il que les actes non ranscrits ne peuvent être opposés aux tiers qui ont des droits sur Vim- neuble. Ces dernières expressions ne laissent plus place au doute, et in- liquent bien nettement qu'on doit comprendre parmi les personnes auto- 'isées à se prévaloir du défaut de transcription, non-seulement ceux qui )nt traité avec le vendeur, mais encore ses créanciers à hypothèque lé- gale et judiciaire, ainsi que les ayants-cause et les créanciers hypothécai- res des précédents propriétaires. Toutefois, ce serait donner à ces expres- sions une extension arbitraire, et même contraire à l'esprit de la loi. que le l'appliquer, soit au vendeur lui-même dans ses rapports avec les ivants-cause de l'acquéreur, soit à ces derniers dans leurs rapports res- pectifs, en tant qu'il s'agit du défaut de transcription du titre de leur tuteur commun. Cpr. notes 85 et 97 infrà. Demolombe, XXIV, 459. .yon, 9 mars 1882, S., 85, 2, 30. Dès lors, les créanciers hypothécaires [ili tiennent tous leurs droits du même propriétaire de l'immeuble ne ;ont pas les uns à l'égard des autres des tiers dans le sens de l'article 3 le la loi de 1855. Ils ne sont donc pas fondés à s'opposer respectivement e défaut de transcription du titre d'acquisition de leur débiteur commun. Ipr, Laurent, XXIX, p. 189 et suiv.

8 Voy. pour la justification de cette proposition : § 174, texte 3 e" note 13.

458 DES DROITS RÉELS.

D'un autre c<Mé, il importe peu que ces tiers tiennen leurs droits d'une convention passée avec Fauteur de 1'actf non transcrit, ou de la loi elle-même 79.

Ainsi, le défaut de transcription peut être opposé :

a. Par un second acquéreur, même à titre gratuit, et pa ceux en faveur desquels ont été constituées des servitude personnelles ou réelles ;

p. Par un preneur à bail de plus de dix-huit ans, et pa le créancier avec antichrèse ;

y. Enfin, par les créanciers hypothécaires, peu import que leur hypothèque soit conventionnelle, légale, ou judi ciaire, et peu importe également que la créance pour su rëté de laquelle une hypothèque conventionnelle ou judi ciaire a été obtenue, soit postérieure ou antérieure à Tact d'aliénation, non encore transcrit au moment de l'inscrip tion de cette hypothèque 80.

Les personnes à considérer comme tiers d'après les ex plications précédentes, sont autorisées à opposer le défau de transcription du dernier acte d'aliénation, sans qu'il ait à distinguer entre le cas leurs droits procèdent d chef de l'auteur de cet acte, et celui il les tiennent de

79 Lex non distinguit. Rivière et Huguet, 477. Lesenne, no 6i Flandin, II, 869. Mourlon, II, 437. Voy. en sens contraire : Troplonj nos 154 et i,j6. Lemarcis, p. 24. Sellier, no 305.

80 Démangeât sur Bravard, Traité de droit commercial, V, p. 296 298, à la note. Labbé, Observations, S., 78, 2, 33, et Revue critiqu année 1878, p. 383. Nancy, 29 décembre 1879, S., 80, 2, 174, D., 80,2, 11! tteq.j 25 juillet 1877, D.,^78, 1, 49. Giv. cass., 23 avril 1884, D., 85, \ 19. Req.,'l() février 1887, 1)., 87,1, 289; Revue du notariat, 7873.Cetl dernière proposition est contestée par Mourlon (II, 490). Dans l'opinic de cet auteur, le créancier qui n'a obtenu hypothèque que postérieur ment à l'aliénation de l'immeuble, ne peut se prévaloir de l'absence c transcription, lorsque sa créance est d'une origine antérieure à cette môfl aliénation. Pour réfuter cette opinion paradoxale, qui, d'après Mourlc lui-même, conduit à un résultat déplorable, il suffira de faire remarqui <pie, si un acte d'aliénation est, quoique non transcrit, opposable à n créancier chirographaire comme tel, il n'en est plus de môme dès qr ce créancier, devenu hypothécaire, fait valoir le droit réel attaché à s< hypothèque. Voy. encore: Binet. Heme critique, 1877, p. 433. Nancy, I juin 1870, S., 78, 2, 33.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 209. 459

précédents propriétaires, lorsque d'ailleurs ces droits ne sont pas devenus inefficaces par suite de transcriptions d'ac- tes d'aliénation antérieurs.

Les tiers, recevables à exciper du défaut de transcription, peuvent en général le faire valoir, malgré la connaissance île fait qu'ils auraient acquise, par des voies quelconques, de l'existence de l'acte non transcrit81.

11 eu serait toutefois autrement, si la convention qu'ils ont passée avec l'auteur de cet acte, avait été frauduleusement concertée dans le but d'en neutraliser ou d'en restreindre les effets 82.

D'un autre côté, les administrateurs du patrimoine d'au- trui, tels que les tuteurs ouïes maris, chargés en cette qua- lité de faire opérer, dans l'intérêt des personnes dont ils ad- ministrent les biens, la transcription des actes passés au profit de ces personnes ou de leurs auteurs, ne sont pas ad- mis à se prévaloir de son omission, lorsqu'ils avaient ob- tenu connaissance de l'existence des actes non transcrits, antérieurement à l'acquisition de leurs propres droits

S 3

81 Arg. art. 1071. Cpr. § 704, texte, lett. A, in fine. Brcssolles, iio 43. Lesenne, no 81. Rivière et François, nos 48 et 49. Troplong, 190. Flan- clin, II, 871 à 882. Mourlon, II, 451 et 452. Garsonnet, Revue pratique,

1871. XXXI, p. 244. Giv. rej., 3 thermidor an XIII, S., 6, i, 60. Civ. cass.. 5 juillet 1882, S., 83, 1, 350. Voy. en sens contraire, Boissonade, Revue pratique, 1870, XXX, p. 587, et 1871, XXXI, p. 259. Sauf le cas de l'acte transcrit lui-môme, résulte la preuve d'une transmission antérieure de certains droits, par exemple d'un bail. Lyon, 6 juillet 1883, D.. 85. 2, 259.

85 Arg. art. 1382. Cpr. § 704, loc. cit. Req., 8 décembre 1858, S., 60, 1, 991. Req., 14 mars 1859, S., 59,1,833. Grenoble, 14 août et 11 décembre 1869, S., 70, 2, 35. Pau, 29 mars 1871, Revue du notariat,

1872. 3048. Pau, 4 février 1884, D., 85, 2, 85. Req., 21 juillet 1885, S., HT. t, 175; Revue du notariat, 1885, 7333. Les auteurs cités à la note précédente se prononcent en général en ce sens. Voy. cependant : Mour- lon, IL 452 à 454. Cpr. Boissonade, op. cit.

83 Bien que la loi du 23 mars 1855 ne reproduise pas la disposition de l'art. 941 du Code civil, en cequi concerne les personnes chargées de faire opérer la transcription, il n'est pas douteux, d'après les principes du Droit commun, que le tuteur ou le mari qui, ayant obtenu connaissance de l'acte à transcrire dans l'intérêt du pupille ou de la femme, a négligé d'accom- plir la formalité, soit non recevable à se prévaloir de son omission, puis-

460 DES DROITS RÉELS.

Dans cette hypothèse, les successeurs universels de ces (m< miriistrateurs ne sont pas davantage autorisés à oppos< le défaut de transcription. Mais il en est autrement de successeurs particuliers qui, du chef de ces administn leurs, auraient acquis des droits sur l'immeuble transféi par un acte non transcrit u.

b. Parmi les personnes qui ne sont pas admises à se prt valoir du défaut de transcription, il faut ranger :

a. Le vendeur lui-même. Ainsi lorsque l'acquéreur, sai avoir fait transcrire son titre, a revendu l'immeuble à t sous-acquéreur qui a fait transcrire le sien, le vendeur n'e pas autorisé à opposer le défaut de transcription de la ven par lui consentie, soit pour se prétendre encore saisi de propriété de l'immeuble à l'égard du sous-acquéreur, so pour faire valoir contre lui son privilège ou son action r^ solutoire, qu'il n'aurait pas conservés par une inscriptic prise en temps utile s\

que le droit qui lui appartiendrait à cet égard comme tiers, se trouve ne Iralisé par l'obligation que sa qualité lui imposait, et par le recours auqu elle donnerait lieu. Bressolles, 55. Troplong, no 186. Flandin. I. SOS H. 844 et 845. Mourlon, II, 440. Laurent, XXIX, 189.

8* Quelle que que soit l'opinion qu'on se forme sur le sens du mot ayan cause dans l'art. 941 (cpr. § 704, texte et note 34), on ne doit pas héf 1er à reconnaître, en présence des termes généraux de l'art. 2 de lai du 23 mars 1855, que les successeurs particuliers du tuteur ou du ma sont fondés à se prévaloir, comme tiers, du défaut de transcription < l'acte que leur auteur aurait faire trancrire. Flandin. IL 847. Mourlo II. 441 à 443. Voy. en sens contraire : Troplong, toc. cit.

8;i 11 est de toute évidence que l'art. 3 de la loi du 23 mars 4855, < disant que les actes non transcrits ne peuvent être opposés aux tiers q ont des droits sur V immeuble, n'a pu comprendre, sous cette expressif de tien, les parties elles-mêmes, à l'égard desquelles la transeriplio comme mesure de publicité, était complètement inutile. Il n'est pas moii certain que la loi précitée, loin d'avoir voulu abroger l'art. 1583 du Loi civil, qui déclare la 'propriété acquise de droit à V acheteur à ï égard a vendeur, par le seul effet, du contrat, a adopté comme point de départe ses dispositions le principe posé par cet article, et n'a eu d'autre objet qi dérégler les rapports des différents ayants-cause, immédiats ou médiats, i vendeur. Troplong, n°s 48, W\. 164 et 16o. Dalloz, Hep., Transcri] tion, 460. Flandin. 11,839. Duverger, De l'effet de la transcriptwt

DE LA PROPRIÉTÉ. § 209. 461

,6. Les héritiers du vendeur. Ils ne sont pas recevables à xciper du défaut de transcription, pour soutenir que l'im- îeublc vendu par leur auteur, fait encore partie de sa accession ; et, à cet égard, iln'y a pas de différence à éta- lir entre les héritiers purs et simples elles héritiers béné- ciaires86.

Il y a mieux, si le défunt, après avoir vendu un immeu- le à un étranger qui n'a pas fait transcrire son titre, l'a- ait vendu une seconde fois à l'un de ses héritiers pré- nnptifs qui aurait fait transcrire le sien, ce dernier ne ourrait pas, après acceptation pure et simple de la succes- ion de son auteur, opposer au premier acquéreur le dé- mtde transcription. Cette règle reçoit même application ucas l'héritier ne se trouve appelé à la succession que mcurremment avec d'autres 87. Mais elle cesserait d'être pplicabléà l'héritier même unique, qui n'aurait accepté i succession que sous bénéfice d'inventaire 38.

irombiére, I, art. 1138. no 48. Demolombe, XXIV, 450 à 453. Verdier, 305, 306, 326. Cpr. cep. Pont, Des privilèges et des hypothèques, no 264* î dernier auteur, tout en adoptant la proposition principale énoncée au xte, émet cependant, à l'occasion de diverses questions relatives au pri- lège du vendeur, et notamment aux nos 259 et 903, une théorie qui ne )us paraît pas exacte. Suivant lui, le vendeur resterait, dans son intérêt ème, investi de la propriété vis-à-vis des tiers, tant que la vente n'aurait isété transcrite. Mais c'est dénaturer, à notre avis, le but de la loi du > mars I800, dont l'objet a bien moins été de protéger le vendeur lui- ême, que de garantir la sécurité des tiers qui traiteraient avec lui ou ce ses ayants-cause. De ce que, dans l'intérêt de ces tiers, et pour le aintiendes droits par eux acquis, le vendeur est, jusqu'à la transcription. puté ne pas s'être dessaisi du droit de propriété, on ne saurait conclure l'il reste réellement investi de ce droit, et bien moins encore qu'il puisse

prévaloir contre les tiers d'une présomption qui n'a été admise qu'en nr faveur. Cpr. Valette, Revue pratique, 1863, XVI, p. 437 à 443. ?q., 4 janvier 1882, S., 82, 1, 268.

80 Troplong, nos 143 et I08. Flandin, II, 840 et 841. Mourlon, II, 421, Sa et 436. Demolombe. XXIV, 4o4. Verdier, I, 329.

17 L'exception de garantie est, en effet, indivisible. Cpr. § 35o, texte, 'tes 6 et 9. D., Hep., \o Vente, 914. Flandin, II, 843. 88 A l'appui de l'opinion contraire. MM. Flandin (II, 842 et 843) et Dal- 1 (Hép., \o Transcription, n0* 462 et 465) invoquent les art. 941 et 1072 1 Code Civil. Voy. encore Verdier. I, 329-331. A notre a\ïs\ l'argument

462 DES DROITS REELS.

y. Les ayants-causes, même à titre particulier du ver deur, qui ne seraient pas eux-mêmes assujettis, pour 1 conservation de leurs droits, à la formalité de la transcris tion.

Il en est ainsi notamment d'un preneur à bail pour dix huit ans et au-dessous, dont le titre est postérieur à la veut de l'immeuble loué 8n, et du légataire à titre particulie d'un immeuble que le défunt avait vendu avant la confec tion de son testament 90.

qu'ils en tirent porte à faux. La doctrine enseigne et la jurisprudence déciaj il est vrai, que les héritiers du donateur ne sont pas.plusquece dernier. a< mis à se prévaloir du défaut de transcription de la donation, pour soute» que les immeubles donnés font encore partie delà succession (cpr.| 701 texte et note 23) : et nous reconnaissons nous-mêmes, que sous ce rapport, n'y a pas de différence à faire entre l'héritier pur et simple et l'héritier béni ticiaire.Cpr. texte et note 86 supra. Mais la question qui nous occupe en t moment est tout autre ; il s'agit de savoir si l'héritier bénéficiaire ne peut p;i en son nom personnel et comme tiers acquéreur, exciper du défaut il transcription, pour faire maintenir la vente passée à son profit par le ùé funt ; et la solution affirmative de cette question, nous parait être tin conséquence forcée du principe que l'héritier bénéficiaire ne confond pa son patrimoine, avec l'hérédité, et reste, en tant qu'il s'agit de la cons vation de ses propres droits, un tiers par rapport aux actes passés le défunt. Cpr. § 618, texte et note 8 à 1 1 ; texte et note 42 suprà. Denu lombe, XXIV, 455. Laurent, XXIX, 187.

89 Cette proposition n'est pas susceptible de difficulté, puisque le so des baux de dix-huit ans ou au-dessous est encore aujourd'hui exclusif ment réglé par les dispositions du Code civil. Cpr. § 174, texte 3 note L). Bressolles, no 50. Demolombo. XXIV, 457.

90 Nous ne nous occupons que du cas le legs est postérieur à l'alii nation, puisque dans l'hypothèse contraire, il se trouverait indépendaj ment de toute transcription, révoqué parle fait même de l'aliénation. Ai 10:58. La solution que nous avons adoptée se fonde sur ce que, les testi rrients n'étant pas sujets à transcription, les légataires. mémo à titre part culier, ne rentrent pas dans la classe des personnes qui. ayant des drol sur l'immeuble, les ont conservés en se conformant aux lois. Ces dernier) expressions supposent en effet, l'accomplissement d'une mesure de pul cite quelconque, et indiquent ainsi que les seules personnes autorisée, exciper du défaut de transcription, sont, celles qui doivent également, pOl la conservation de leurs droits, faire transcrire mi inscrire leurs titre Bressolles, iv> 48. Dalloz, op. et v<> citt., î88. Mourlon, 11, i-85 et i8 Demolombe, loc. citt.

DE LA PROPRIÉTÉ. S 209. 463

. Les créanciers chirographaires du vendeur ou des >récédents propriétaires 91.

Les créanciers chirographaire d'une succession ne sont >as recevantes à opposer le défaut de transcription des ac- es d'aliénation consentis par le défunt, alors même qu'ils >nt pris inscription en vertu de l'art. 2111 92. Ils n'y sont >as davantage autorisés, bien que la succession n'ait été icceptée que sous bénéfice d'inventaire, ou qu'elle ait été léclarée vacante.

Les créanciers chirographaires d'un commerçant failli ic sont pas non plus admis, par le seul elïet du jugement léclaratif de la faillite, à faire valoir le défaut de trans- •ription des actes d'aliénation, valablement passés parleur lébiteur 93. Ce droit ne leur appartient qu'autant qu'il a

01 II est établi, par les rapports de M. de Belleyme, que les mots qui ml des droits sur V immeuble, ont été ajoutés à la rédaction primitive de 'art. 3, pour écarter les prétentions des créanciers chirographaires (S., jOis annotées, 18oj5, p. 28, n<> 8). Troplong, 146. Bressolles, 47. îïândin, II, 848. Mourlon, II, 434. Demolombe, XXIV, 456. Colmet de îanterre, V, 56 bis, V.

92 Cette inscription ne confère pas un véritable privilège aux créanciers [liî demandent la séparation des patrimoines, et n'empêche même pas 'héritier de disposer valablement des immeubles de la succession. Gpr. i 619, texte no 3, lett. b et c. Mourlon, II, 489.

93 Le jugement déclaratif de faillite, tout en opérant le dessaisissement lu failli, et en conférant à ses créanciers des droits propres et distincts de •eux qu'ils tenaient de leur débiteur,ne leur attribue cependant aucun droit ur ses immeubles, dans le sens de l'art. 3 delaloidu 43 mars 1855. Ce se- ait, en effet, une erreur de considérer comme dérivant, soit du dessaisse- nent.soit du jugement déclaratif de faillite, l'hypothèque purcmentlégale, que 'art. 490 du Code de commerce accorde aux créanciers du failli. Cette hypo- hèque, d'ailleurs, ne devenant efficace que par l'inscription, c'est à partir eulementdc l'accomplissement de cette formalité, que les créanciers pas- ent dans la catégorie des tiers autorisés à se prévaloir du défaut de trans- liption. Si nous admettons une solution différente quant à la transcrip- ion requise en matière de donation, c'est parce que, dans cette matière, 'art. 941 du Code civil reconnaît le droit d'exciper du défaut de transcrip- ion à tous ceux qui vont intérêt, sans exiger, comme l'art. 3 delà loi du !3 mais 1855, qu'ils aient des droits sur l'immeuble, et que, par suite du ugement déclaratif de faillite, les créanciers, même simplement chirogra- •liaires, passent de la classe des ayants-cause dans celle des tiers, et se trou-

464 DES DROITS RÉELS.

été pris inscription au nom de la masse, en conformité d< l'art. 490 du Code de commerce, et à partir seulement d l'accomplissement de cette formalité H.

Les personnes qui ont pratiqué une saisie sur un immeu ble aliéné par le débiteur avant la transcription de 1 saisie, ne sont pas, en qualité de créanciers saisissants, au torisées à exciper du défaut de transcription de l'acte d'à liénation, pour repousser la demande en distraction for mée par l'acquéreur 9y. Il en est ainsi non seulement de

ventainsi en situation d'opposer le défaut de transcription, qu'ils ontévideir ment intérêt à faire valoir. Leur position est analogue à celle des créar ciers du donateur, qui ont frappé de saisie les immeubles donnés. Cpr § 704, texte, lett. A. Rivière et François. 69. Rivière et Huguet, 189 et suiv. Lesenne, n<> 68. Flandin, II, 854 à 859. Dalloz, op. et dit. n°s 476 et 477. Mourlon, IL 488. Cpr. Pont. Privilèges et hypothèques IL 9015, 904. Lyon-Caen et Renault, Précis de droit commercial, 11,2711! Boistel, Droit commercial, no 919. Req., 5 août 1869. S-, 69, 1, 393 et 1 note. Voy. en sens contraire : Troplong, nos 1 48 et 149; Démangeât su Bravard, Traité de droit commercial, Y , p. 296 et suiv. D'après ces ai leurs, la transcription serait tardive, par cela seul qu'elle n'aurait eu lii1 (pie postérieurement au jugement déclaratif de faillie.

94 C'est ce que reconnaissent également les auteurs ,cités à la note pr< cédente. à l'exception toutefois de Mourlon, qui refuse aux créancier chirographairesd'un commerçant failli, le droit de se prévaloir du défai de transcription, dans le cas même le syndic aurait pris inscription p vertu de l'art. 490. La solution de cet auteur sur ce point se rattache ridée que nous avons indiquée et combattue à la note 80 suprà. Cpr. Vei dier, 1, 350 et 351.

98 La transcription de la saisit» a bien pour effet, aux termes de l'ai 686 du Code do procédure, de restreindre dans la personne du saisi la il culte de disposer, en ce qu'il ne peut plus aliéner l'immeuble au détr ment de la poursuite. Mais elle ne confère au saisissant aucun <lro sur cet immeuble, qui n'en demeure pas moins jusqu'au jugement d'à iudkation la propriété du saisi. Aussi la proposition émise au texte esl-el généralemenl admise pour le cas la saisie a clé pratiquée par des créa ciers cliirograpliaircs. Troplong, n°447. Rivièreot Huguet, 174. Sellie no302. D.,68, 2, 161. a la note. Flandin. 11,850 à 852. Verdier, 1, 31 312, 324. Voy. cep. Mourlon. IL 476 à &83. Cet auteur, distinguant entre cas la vente est antérieure et celui clic est postérieure à la saisie, i connaît «pie. dans le premier cas, la vente, même non transcrite, estopp sable au créancier, dont la saisie faite super non domino ne saurai I ôt maintenue. Mais il prétend que, dans le second cas. la préférence se «lue ausaisissant, pourvu que la transcription de la saisie soil arttérieu

DE LA PROPRIÉTÉ. § 209. 465

créanciers chirographaires, mais encore des créanciers hy- pothécaires °6.

e. Les ayants-causes d'un acquéreur qui n'a pas fait transcrire son acte d'acquisition, ne sont point à considérer comme des tiers les uns à l'égard des autres, et ne peuvent

à celle delà vente. Il en donne pour raison que, la saisie étant valable, par elle-même, comme faite super domino, elle confère au saisissant qui l'a fait transcrire, le droit de se prévaloir du défaut de transcription de la vente. La distinction proposée par Mourlon ne nous paraît pas admissible; elle se rattache à un ordre d'idées qui n'est pas celui de la loi du 23 mars 1855. En effet, si la transcription delà saisie pouvait conférer au saisis- sant le droit de se prévaloir du défaut de transcription de la vente, elle de- vrait, dans le système de la loi précitée, le lui conférer, tout aussi bien pour le cas la vente est antérieure à la saisie, que pour celui elle lui est postérieure. Giv. cass., 31 août 1881, S., 82, 1, 248. Voy. d'ailleurs la note suivante.

96 Ce second point est vivement controversé ; mais nous ne voyons, quant à la question qui nous occupe, aucune différence entre la position du créancier chirographaire et celle du créancier hypothécaire, auquel la transcription de la saisie ne confère sur l'immeuble aucun droit nouveau, distinct de celui qu'il tient de son hypothèque, qui n'est pas mise en ques- tion et dont l'efficacité n'est nullement contestée. L'opinion contraire, en s'appuyant sur les dispositions de l'art. 3 delà loi du 23 mars 1855, ne repose en définitive que sur la double confusion faite, d'une part, entre la qualité de saisissant et celle de créancier hypothécaire, d'autre part, entre la transcription des actes translatifs de propriété immobilière, requise par la loi précitée, comme condition de la translation de la propriété à l'égard des tiers et la transcription des saisies immobilières, exigée par fart. 678 du Gode de procédure, comme simple formalité de la pour- suite en expropriation forcée. Voy. en ce sens : Devilleneuve, Disser- tation, S., 58, 2, 449. Dalloz, Rép., Transcription, no 472, et D., 58, 2, 161. Flandin, II, 853. Bidard, Journ. de Caen et de Rouen, 1858, p. 146. Eyssautier, Journ. de Grenoble et de Chambéry, 1865, p. 316. Chauveau, quest. 2291 bis. Yerdier, I, 314 et suiv. Beudant, Ob- servations, D., 78, 1, 49. Angers, 1er décembre 1859, S., 59, 2, 11. Nîmes, 13 décembre 1862, S., 63, 2, 58. Grenoble, 1er juin 1865, S., 65, 2, 332, Voy. en sens contraire : Huguet, Revue pratique, 1858, IV, p. 524. Gaen, 1er mai 1858, S., 58, 2, 449. Besançon, 29 novembre 1858, S., 59, 2, 212. Caen, 23 février 1866, S., 67, 2, 236. Paris, 9 février 1877, D., 77, 2, 75 et S., 77, 2, 55. Req., 25 juillet 1877. Cpr. Labbé, Observations sur cet arrêt, S., 77, 1, 441. Bourges, 12 décembre 1887, S., 88, 2, 59. Req., 18 décembre 1888, Revue du notariat, no 8122 ; S., 89, 1, 64. Mourlon (op. et loc> cit.) applique encore à cette hypothèse la distinction que nous avons indiquée et rejetée à la note précédente.

u 30

466 DES DROITS RÉELS.

par conséquent, se prévaloir du défaut de transcription du titre de leur auteur commun, pour contester l'efficacité des droits qu'ils ont acquis 97.

Les tiers ne sont recevables à exciper, en leur propre nom, du défaut de transcription qu'autant qu'ils ont con- servé leurs droits au moyen, soit d'une transcription, soit d'une inscription, à moins cependant qu'il ne s'agisse d'une hypothèque légale dispensée de cette dernière formalité. Loi du 3 mars 1835, art. 3.

Cette condition n'est plus requise, lorsqu'une personne oppose le défaut de transcription, non de son propre chef. mais du chef d'une personne qui a conservé ses droits en se conformant à la loi. Ainsi, un sous-acquéreur qui n'a pas fait transcrire son titre, peut, du chef de son vendeur, c'est à dire du premier acquéreur dont le titre a été transcrit, op- poser à toute personne tenant ses droits du vendeur origi- naire, l'absence d'une transcription antérieure à celle du titre de son auteur. Le droit qui appartient en pareil cas au sous-acquéreur, peut être exercé en son nom par tous ses ayants-cause, et même par ses créanciers simplement chi- rogiaphaires, qui auraient intérêt à faire écarter les hy- pothèques inscrites, du chef du vendeur originaire, posté- rieurement à la transcription du titre de Fauteur de leur débiteur 98.

97 Dos hypothèques ayant été successivement consenties, sur le mémo immeuble, par un acquéreur qui n'a point l'ait transcrire l'acquisition de cet immeuble, les créanciers dont les hypothèques sont les dernières en daté pourraient, avoir intérêt, en reconnaissant l'inefficacité de leurs pro- pres hypothèques, à contester celles qui ont été constituées les premières, afin d'arriver par ce moyen à une distribution par contribution. Mais une pareille prétention ne serait point admissible, puisque, par l'effet même delà venteetdès avant la transcrip lion, l'acquéreur devient propriétaire de l'immeuble par lui acquis, avec faculté d'en disposer ou de le grever d'hypothèques. Seulement, les aliénations ou les hypothèques par lui coii- Sentles rie seront point opposables aux tiers qui, du chef de son auteur, au- ront acquis des droits sur cet immeuble et les auront, dûment conservés,,

Cpr. Demolombe, XXIX, ;:;<). Lyon, 9 mars (882, S., s:;, a, :to. '■'H Ces différentes propositions, qui ne sont, que des applications de

l'art. 1 !(>(>. ne paraissent pas susceptibles de contestation.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 209. 467

Lorsqu'une collision s'élève entre personnes tenant leurs droits du même auteur, chacune d'elles est admise à op- poser aux autres le défaut de transcription ou d'inscrip- tion de leurs titres, à la seule condition d'avoir conservé ses propres droits.

Mais il en est autrement, lorsque le conflit existe entre personnes qui tiennent leurs droits d'auteurs différents. Dans ce cas, il ne suffit pas que celui qui veut opposer le défaut de transcription à son adversaire, ait fait transcrire ou inscrire son propre titre, il faut de plus que la forma- lité de la transcription ait été accomplie par rapport aux actes par lesquels son auteur immédiat et, le cas échéant, ses auteurs médiats sont devenus propriétaires. Cette pro- position, fondée sur ce que le propriétaire d'un immeuble n'en est dessaisi, à l'égard des tiers, que par la transcription de lacté d'aliénation qu'il a consenti, conduit aux appli- cations suivantes :

En cas de collision entre un sous -acquéreur et les ayants cause du vendeur originaire, le sous-acquéreur n'est ad- mis à opposer à ces derniers le défaut de transcription ou d'inscription, qu'autant que l'acte passé au profit du premier acquéreur, a été lui-même transcrit avant que les ayants -cause du vendeur originaire aient fait transcrire ou inscrire leurs titres ".

99 Le but qu'a voulu atteindre le législateur de 1855 ne serait pas rem- pli, s'il suffisait à un sous-acquéreur de faire transcrire son propre titre pour écarter les ayants-cause du vendeur originaire, puisque, d'après la manière dont sont tenus les registres et répertoires des conservateurs des hypothèques, la transcription du titre du sous-acquéreur ne met nulle- ment ces ayants-cause en situation de connaître l'aliénation consentie par leur auteur. Si entre ayants-cause qui tiennent leurs droits d'un auteur commun, et par dérogation à la règle Nemo plus juris in alienum trans- ferre potest quant ipse haberel, la loi de 1855 a dû, d'après son principe même, faire fléchir l'antériorité du titre devant la priorité de la transcrip- tion, ce n'est pas une raison pour en conclure qu'elle ait entendu écarter la règle précitée, dans le cas le conflit s'élève entre personnes qui tien- nent leurs droits d'auteurs différents. Dans ce cas, en effet, l'application de cette règle, loin de contrarier le but de la loi, en assure l'entière réali- sation, comme nous espérons l'établir à l'aide de l'exemple suivant. Pierre

468 DES DROITS REELS.

A plus forte raison, la même solution devrait-elle être admise, si la collision s'élevait entre un créancier hypo-

vcnd un immeuble à Primus, qui, sans avoir fait transcrire son contrat, la revend à Secundus, dont le titre seul est soumis à la formalité. Un conflii, s'élève entre ce dernier et Tertius, auquel Pierre a également vendu le même immeuble, et qui n'a fait transcrire son titre qu'après la transcrip- tion de celui de Secundus. Comment se réglera ce contlit ?En faisant abs- traction de la maxime Nemo plus juris etc.. on serait conduit à décider que Tertius, bien qu'il l'eût emporté sur Primus, sera cependant primé par Secundus, conclusion en opposition manifeste avec ce principe fon- damental de la loi de 1855, que le vendeur n'est dessaisi a l'égard des tiers qu'au moyen delà transcription de l'acte par lequel il s'est dépouillé de sa propriété. Que si. au contraire, on applique, comme nous le pro- posons, la maxime précitée, on reconnaîtra que Primus. n'ayant jamais eu, à défaut de la transcription de son titre, qu'un droit de propriété rela- lif, non opposable à Tertius, n'a pu transférer à Secundus un droit plus solide que celui qu'il avait lui-même, et qu'ainsi Tertius doit l'emporter, conclusion parfaitement conforme au principe ci-dessus rappelé. En vain. pour repousser l'application de la règle Nemo plus juris etc., dit-on que. dans la matièrequi nousoccupe, Secundus n'est pointa considérer comme ayant-cause de Primus, mais comme un tiers. Cette objection ne reposa que sur une équivoque. Il est vrai que, vis-à-vis de Tertius, Secundus est un tiers, comme l'eût été, le cas échéant, Primus lui-même. Mais il est tout aussi certain que c'est un tiers qui n'a pas directement acquis i!c Pierre, vendeur originaire, et dont conséquemment le titre n'est, par lui- même, pas plus opposable aux ayants-cause de celui-ci, qu'il ne le serait s'il était émané a non domino. Au regard des ayants-cause de Pierre, le titre de Secundus n'emprunte sa valeur que de celui de Primus, et ne peut dès lors avoir une efficacité dont, faute de transcription, le titre de ce dernier se trouve dépourvu. Comment, en effet, serait-il possible d'ad- mettre que, par le seul effet de la revente consentie au profit de Secunduf et de la transcription de cette revente, le titre de Primus ait été affranchi de la nécessité d'une formalité à laquelle l'art. 1er de la loi du 23 mars 1855, qui pose le principe delà matière, soumet tous les actes translatifs de propriété immobilière ! On argumente encore du texte de l'art. 3, et notamment des mots jusqu'à la transcription, les droits résultant etc. ne peuvent être opposés aux tiers, qui ont des droits sur l'immeuble, et qui les ont conservés en se conformant aux lois, dont on prétend conclure que tout acquéreur, qu'il tienne ses droits immédiatement ou médialemcnl seulement du vendeur originaire, n'a d'autre litre â faire transcrire que le sien' propre, pour consolider sa propriété envers et contre tons. Mais en faisant cette argumentation, on oublie tout d'abord que l'art. 3 n'est que la sanction des dispositions de l'art. l«r, et qu'il serait contraire aux

DE LA PROPRIÉTÉ. § 209. 469

thécaire de l'acquéreur dont le titre n'a pas été transcrit et un créancier hypothécaire du vendeur ou un autre ac- quéreur, qui n'aurait fait inscrire son hypothèque ou trans- crire son contrat qu'après l'inscription prise par son adver- saire 10°.

règles d'une saine interprétation d'y chercher une restriction à ces dispo- sitions. On perd ensuite de vue que la transcription n'est qu'une mesure conservatoire, qui ne peut ajouter aucune force nouvelle aux droits tels qu'ils ont été acquis. L'accomplissement de cette formalité aura sans doute pour effet de consolider la propriété vis-à-vis des ayants-cause de la personne dont émane l'acte translatif qui y a été soumis. Mais c'est tou ce que dit l'art. 3, ainsi que le prouve l'art. 6, qui en est le complémetut Il ressort en effet de ce dernier article, que la transcription n'arrête le cours des inscriptions que sur le précédent propriétaire, c'est-à-dire sur l'auteur de l'acte transcrit, et non sur les propriétaires antérieurs, et qu'ainsi il n'est pas vrai de dire qu'elle consolide la propriété à l'égard de tous. Sans nous arrêter aux inductions plus ou moins hasardées qu'on a voulu tirer des travaux préparatoires de la loi du 23 mars 1855, qui ne jettent sur la question qu'une lumière fort incertaine, nous terminerons par une considération décisive au point de vue pratique. Le sous-acqué- reur, qui néglige de vérifier si le titre de son vendeur a été transcrit, commet une grave imprudence ; tandis que le tiers, qui traite avec le vendeur originaire sur lequel il n'existe aucune transcription, n'a aucune faute à se reprocher,et deviendrait victimede sa confiance dans le principe posé parla loi elle-même, si le sous-acquéreur devait l'emporter sur lui. Humbert, no 40. Lesenne, 63 à 65. Fons, n<> 43. Ducruet, n°s 14 et 24. Mourlon.II, 447 à 450, 593 à 601. Larombière. Des obligations, I, art. 1138, 47. Gide, Revue critique, 1865 XXVI, p. 372 etsuiv. Demolombe, XXIV, 465. Laurent, XXTX. 163 et 182. Voy. en sens contraire : Rivière et François. nos52 ; Rivière et Huguet, no 212 ;Lemarcis, p. 35, 8 ; Pont. Des privilèges et hypothèques, no* 265 et 1292 ; Dalloz, op. et citt., nos 493 et 494 ; Flandin, II, 887 et 892 ; Verdier, Revue pratique, 1865. XX, p. 54, 1866, XXII, p. 252, et Transcription, 366 à 368.

100 Le contrat de vente passé au profit de l'acquéreur qui a constitué hypothèque n'ayant pas été transcrit, le vendeur est resté saisi de la pro- priété au regard des tiers, et par suite l'hypothèque ou la seconde vente qu'ila consentie, doitnécessairementl'emporler sur l'hypothèque procédant du chef de l'acquéreur. Lesenne, 66. Domenget, Revue critique, 1860. XVH,p.334. Dalloz, op. etv°citt., n°s 498 à 500. Laurent, XXIX, 183, 184. Gpr. Flandin, II, 893 à 895. Cet auteur, qui admet la solution donnée au texte, lorsque le conflit s'élève entre le créancier hypothécaire de l'ac- quéreur dont le titre n'a pas été transcrit, et un autre acquéreur qui a fait transcrire le. sien, la rejette dans le cas la collision existe entre deux

470 DES DROITS REELS.

Au cas de conflit entre les ayants-cause d'acquéreurs suc- cessifs, ceux qui tiennent leurs droits d'un acquéreur sub- séquent, ne peuvent exciper du défaut de transcription ou d'inscription contre les ayants-cause d'un acquéreur anté- rieur, qu'autant que l'acte par lequel ce dernier a aliéné l'immeuble a été lui-même transcrit, avant que leurs adver- saires aient fait transcrire ou inscrire leurs titres101.

Les solutions qui viennent d'être données doivent être ap- pliquées, quelles que soient les dates respectives des titres des parties contendantes 102, et alors même que le titre, ré- créanciers hypothécaires. Voy. dans le même sens, sur ce dernier point: Bressolles, nos 48 et 86. Cet manière devoir serait exacte, sans doute, si la question devait être encore décidée par application de l'art. 834 du Gode de procédure, d'après lequel la transcription n'était exigée que pouf arrêter, à l'expiration du délai de quinzaine, le cours des inscriptions. Gpr. | 272, texte et notes 6 et 7. Mais elle ne saurait plus êtreadmise sous l'empire de la loi actuelle, suivant laquelle la transcription est requise pour assurer la transmission de propriété à l'égard des tiers.

101 Ainsi, supposons que le même immeuhle ait, par suite de vente' et de reventes successives, passé entre les mains de Primus, de Secundus de Tertius et de Quartus. Si Quarlus a fait transcrire son titre, il pourré sans doute l'opposer aux ayants-cause de Tertius ; mais, par cette seul* transcription, il n'aura pas conservé ses droits au regard desayants-caus( de Secundus et de Primus, de telle sorte que, si l'acte de vente de Pri- mus à Secundus et celui de Secundus à Tertius n'ont pas été transcrits leurs ayants-cause l'emporteront sur lui, bien qu'ils n'aient t'aient ins- crire ou transcrire leurs titres que postérieurement à sa transcription. C< résultat se trouve suffisamment justifiée par les développements donnés la note 99.

102 Suivant M. Troplong (n«s 166 et 168), ces dates devraient, au con traire, être prisas en sérieuse considération. Ainsi, dans l'exemple posé la note 99, cette auleiirdonno la préférence à Secundus sur Tertius. 1ers que l'acquisition de ce dernier est antérieure à celle de Secundus. par I motif <pie celui-ci a été induit en erreur parla négligence de Tertius faire transcrire son contrat. Lors, au contraire, que l'acquisition de Teriiu est postérieure à celle de Secundus, M. Troplong fait dépendre la queS lion de préférence d'une nouvelle distinction, qui sera indiquée et discuté à la note suivante. Mais la solution donnée par cet auteur pour le pir mier cas nous parait inadmissible, lui tardant à faire opérer la transcriji tion de son titre, Tertius s'est, sans doute exposé au risque de se vol primé par un autre ayant-cause de Pierre .Mais on ne peut pasdirequi

DE LA PROPRIETE. § 209. 471

gulièrement transcrit, du tiers qui veut opposer le défaut de transcription mentionnerait les noms ainsi que les ac- tes d'acquisition des précédents propriétaires 103.

D. Des rapports sous lesquels la transcription n'est pas requise ; et des avantages qui y sont attachés, sous l'empire de la loi de 1855, somme d'après la légis- lation antérieure.

L'acquéreur d'un immeuble peut, sans avoir rempli la formalité delà transcription, faire valoir son droit de propriété, soit par la voie de revendication, soit au moyen de Faction négatoire, contre toute personne qui, sans titre ou en vertu d'un titre émané a non domino, possède cet immeuble, ou exerce une servitude dont elle le prétend grevé ; et ce, bien que cette personne ait elle-même fait transcrire le titre sur lequel se fonde sa possession •'

loi-

par sa négligence, il ait fait éprouver un préjudice à Sccundus, puisque celui-ci pouvait et devait, pour agir avec prudence, vérifier si le titre de Primus avait été transcrit, et en cas de négative, faire procéder lui-môme à la formalité.

103 Nous sommes encore sur ce point en opposition avec M. Troplong, qui enseigne, au 167, que la transcription des contrats émanés des précédents propriétaires est inutile, lorsque le dernier contrat de mutation qui a été soumis à la formalité, indique les noms des vendeurs antérieurs. Celte opinion nous parait erronée à un double point de vue. D'Une part, en effet, la seule mention des noms des précédents propriétaires ne saurait remplacer la transcription, qui, d'après la loi doit être intégrale, pour faire connaître aux tiers toutes les conditions de la transmission de propriété. D'autre part, la transcription du dernier acte de mutation, renfermât-il les noms des vendeurs antérieurs, ne mettrait pas les ayants-cause de ces derniers en situation de connaître les aliénations consenties par leurs au- teurs, puisque les conservateurs des hypothèques n'indiquent au réper- toire que les noms des parties qui ont figuré dans l'acte transcrit, et ne peuvent y mentionner ceux des personnes qui sont simplement rappelées dans cet acte, commeayantété précédemment investies delà propriété del'immeuble vendu, et sur lesquelles aucune transcription n'a été opérée. Bressolles, 86. Lesenne, 64.Ducruet,no 14. Dalloz,o/>. et citt., no 495. Flandin, II, 888 à 891. Mourlon, 11,600. Gide, loc. oit, Demolombe, XXIV, 466.

104 Dans cette hypothèse, en effet, il ne s'agit plus d'une simple ques- tion de préférence entre des ayants-cause immédiats ou médiats d'un au- teur commun, c'est-à-dire d'une question de nature à être décidée par la priorité de la transcription, mais d'une contestation sur la validité même du titre du défendeur, titre dont la transcription n'a pu purger le vice.

472 DES DROITS RÉELS.

Réciproquement les tiers qui ont à exercer des droits sur un immeuble, peuvent les poursuivre contre l'acquéreur de cet immeuble, dès avant la transcription de son ti- tre 105.

Celui qui, par juste titre et de bonne foi, a acquis un immeuble a non domino, peut invoquer l'usucapion par dix à vingt ans, bien qu'il n'ait pas fait trancrire son ti- tre loe.

Gpr. § 174, texte et note 27. Duverger, De l'effet delà transcription, 20. Colmetde Santerre, V, 56 bis, V. Demolombe, XXIV, 460.

105 Grenier, Des hypothèques, II, 346. Demolombe, loc cit. Poitiers, 18 janvier 1810, S., 10, 2, 374.

106 La loi du 23 mars 1855 ne soumet à la transcription que les actes qui doivent et peuvent par eux-mêmes transférer la propriété. Or, la pro- priété de celui qui, ayant acquis un immeuble a non domino, l'a possédé pendantle temps requis par l'art. 2265, repose bien moins sur la vente à lui consentie que sur l'usucapion qui s'est accomplie à son profit, puis- que l'acte de vente n'est invoqué que pour colorer la possession, et pour assurer à l'acquéreur l'avantage de l'abréviation du temps ordinaire de la prescription. D'un autre côté, il ressort des dispositions des art. 3 et 6 de la loi précitée, que la transcription doit produire immédiatement et par elle-même l'effet que la loi y attache, tandis que, dans l'hypothèse qui nous occupe, elle serait en soi destituée de toute efficacité, et n'emprun- terait sa force qu'à l'accomplissement de l'usucapion, dont elle serait sim- plement une condition. En vain objecte-t-on que le défaut de transcrip- tion peut être opposé par tout tiers ayant des droits sur l'immeuble, et partant par le véritable propriétaire. Cette objection trouve sa réfutation dans le but tout spécial de la loi de 1855, qui a voulu consolider le crédit foncier, en assurant la sécurité des tiers acquéreurs ou créanciers, et qui n'a eu nullement pour objet de protéger le propriétaire négligent, que la perte de la possession constitue suffisamment en demeure de faire valoir ses droits. En vain également invoque-t-on l'art. 2180, aux termes duquel la prescription de dix a vingt ans ne court, au profit du tiers détenteui en ce qui concerne l'extinction des privilèges et hypothèques, qu'à partir de la transcription de son titre. En effet, la disposition toute spéciale de cet article s'explique par la circonstance qu'une simple substitution de personnes dans la détention de l'immeuble hypothéqué n'étant pas poul- ie créancier un indice certain de la mutation de propriété, le législateur ;i exiger, dans son intérêt, une transcription qui la lui révélât. En \;un enfin, dit-on, qu'un titre non transcrit .n'est point un litre juste : il l'est en soi, puisque la transcription n'est point une condition de la validité des titres translatifs de propriété j il l'est aussi ;iu regard du véritable propri^j

DE LA PROPRIÉTÉ. § 209. 473

Mais entre ayants-cause qui tiennent leurs droits d'un au- teur commun, l'usucapioncle dix à vingt ans, ne saurait être invoquée par celui des acquéreurs qui n'a pas transcrit contre celui qui a rempli cette formalité 10T.

Du reste l'acquéreur qui n'a pas transcrit, est toujours ad- mis en faisant abstraction de son titre, à se prévaloir con- tre un autre ayant-cause de l'auteur commun, de l'usuca- pion de trente ans, laquelle, dans ce cas-là même, com- mence à courir à partir de son entrée en possession, et non

taire, puisque ce n'est pas dans l'intérêt de ce dernier que la transcription a été prescrite. On doit d'autant moins hésiter à adopter l'opinion émise au texte, que la transcription, s'opérant non sur l'immeuble, mais sur les parties qui figurent dans l'acte d'aliénation, l'accomplissement de cette formalité n'apprendrait rien au véritable propriétaire qui ne connaîtra pas déjà l'existence de la vente. Rivière et François, nos 39. Lesenne, 40. Rivière et Huguet, n»s 238 et suiv. Mourlon, II, 512. Le Roux, Prescrip- tion, H, 904. Agen, 24 novembre 1842, S., 43, 2, 177. Montpellier, 18 février 1866, S., 70, 1, 163. Civ. rej., 16 juin 1869, S., 70, 1,163. Voy, en sens contraire : Troplong, nos 177 et suiv. Sellier, no 303. Dalloz, op. et citt., n°s 508 et suiv. Flandin, II, 905 et suiv. Golmet de Santerre, Y. mbis,YL Demolombe, XXIV, 462. Verdier, I, 372 et 373. Laurent,XXIX, 33 et 163 ; XXXII, 395. Lyon, 17 février 1834, S., 35, 2, 18. On cite éga- lement dans ce sens un arrêt de la Cour de Bordeaux du 26 février 1851, S., 51, 2, 244. Mais ces arrêts, et un arrêt de la Chambre civile (Civ. rej., 26 janvier 1876, S., 76, 1, 217), qui ont simplement décidé que le dona- taire ne peut invoquer la prescription de dix à vingt ans, pour repousser l'exception tirée du défaut de transcription de son titre, sont complètement étrangers à notre question.

107 Les développements donnés à la note 106 expliquent suffisamment cette proposition, qui n'est aucunement contraire à celle qui la précède. Vainement dit-on qu'il serait bizarre d'admettre l'usucapion par dix à vingt ans en faveur de celui qui a acquis a non domino, et d'en refuser le bénéfice à celui qui tient ses droits du véritable propriétaire. En faisant cette objection, on perd de vue qu'il y a deux situations toutes distinc- tes : l'une, relative à un conflit entre le légitime propriétaire et l'acqué- reur a non domino, doit se régler par la prescription, tandis que l'autre, relative à une collision de droits entre ayants-cause du propriétaire, ne soulève qu'une question de préférence, à décider par la priorité de la transcription. Dans cette dernière hypothèse, l'acquéreur qui a négligé de faire transcrire son titre, ne peut invoquer la prescription de dix à vingt ans comme remplaçant la transcription. Aussi ce point de doctrine paraît- il généralement admis. Bressolles. 54. Rivière et François, no 54. Tro-

474 DES DROITS REELS.

pas seulement à dater de la vente passée au profit de sou adversaire 108,

La transcription constitue, comme sous le Code civil, la première des formalités que doit remplir l'acquéreur qu; veut procéder au purgement des privilèges et hypothèque inscrits sur l'immeuble. Art, 2181.

La transcription confère en outre à l'acquéreur les de m avantages suivants :

a. Elle arrête immédiatement et par elle-même, du moiiii en règle générale, le cours des inscriptions sur le précé dent propriétaire. Loi du 23 mars 1855, art. 6. Les modifi cations que cette loi a apportées, sous ce rapport, aux difc positions du Code civil et du Code de procédure, seron exposées aux §§ 272 et 278.

b. Comme sous le Code civil, la transcription met encon l'acquéreur en position de prescrire, par dix à vingt ans. li libération des privilèges et hypothèques dont l'inimeubî acquis se trouve grevé. Art. 2180, n°4.

plong et l\\\\iy/.,locc. dit. Flamlin, II, 909. Mourlon, IL 509 et 510, Df molombe.XXlY, 463i Le Roux, op. et loc. citt. Bordeaux, 26 février 185j| S. ..'il, 2, wJ'<-'(. Yoy. cep. en sens contraire : Humbcrt, no 41. Cpr. aussi .Mourlon, II, 511.

108 Verdict-, I, 374. Laurent. XXIX, 33. Voy. en sens contraire Mourlon. II. 507 et 508. Cet autour enseigne que l'usucapion de trente ar ne court, en pareil cas, qu'à dater de la vente passée au profit du secon acquéreur, parce (pie, suivant lui, le premier acquéreur n'avait pas ju: que-là d'adversaire contre lequel il pût prescrire. Mais, à notre avis, cetl observation n'est pas exacte au point de vue de l'usucapion, dont la cai|j efficiente réside dans la possession. Lorsque celle-ci a continué, d'ui manière non vicieuse et sans interruption, pendant trente années, g] entraine envers et contre tous une présomption irréfragable de propriéfe D'ailleurs, le système de Mourlon conduirait à des conséquence^ inadini sibles, puisqu'il en résulterait que, môme au bout de soixante ans de po session, le premier acquéreur qui n'aurait pas lait transcrire son titr pourrait être évincé par un second acquéreur, dont le titre ne remonter! pas à plus d(> trentç années.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 210. 475

y .De l'usucapion ou de la prescription acguisitivei

§210.

Notions préliminaires

La prescription, dans l'acception étendue de ce terme, comprend tout à la fois l'usucapion ou prescription ac- ipiisitive, et la prescription proprement dite ou extinctive. Art, 2219.

L'usucapion est moins un moyen d'acquérir dans le sens propre du mot, qu'un moyen de consolider, à l'aide d'une possession revêtue de certains caractères et continuée pen- laiit un laps de temps déterminé, une acquisition sujette à éviction, ou même simplement présumée 2. De l'effet L'étroactif attaché à l'accomplissement de l'usucapion 3.

La prescription proprement dite est une exception au moyen de laquelle on peut, en général, repousser une ac- tion, par cela seul que celui qui la forme a, pendant un certain laps de temps, négligé de l'intenter ou d'exercer le droit auquel elle se rapporte4.

1 Bibliographie. Traité des prescriptions, par Dunod ; 3e édit., Paris IÏ83, 1 vol. in-4°. Traité de la prescription, par Pothier, dans ses œuvres. Die Lehre von der Verjdhrung, nack den Grundsdtzen des franzosiscfien Civilrechts, par Planck ; Gœtttingue 1809, 1 vol.in-8°. Traité des prescrip- tions, par Yazeille ; 2e édit., Paris 1832, 2 vol. in-8°. De la prescrip- tion, par Troplong ; Paris 183o, 2 vol. in-8°. Nouveau traité de la pres- cription en matière civile, par Le Roux deBretagne ; Paris 1869, 2 vol.in-8°.

2 Tel nous paraît être le véritable caractère de l'usucapion envisagée dans son principe rationnel. Il peut sans doute arriver en fait que l'usu- capion ait pour résultat de transformer en propriété, une possession à l'ap- pui de laquelle il n'a jamais existé de titre ; mais on ne saurait admettre qu'en instituant l'usucapion, le législateur ait eu la pensée de sanction- nerl'usurpation ou la spoliation. Cpr. Marcadé, sur l'art. 2219, no 2. Za- cfa&rire, § 209, note 2.

3 Troplong, II, 826. Zacharise, toc. cit. Laurent, XXXII, 4. Cpr. art, 1402 ; §507, texte no 3, lett. 6.

4 Laurent, XXXII, 8. A la différence de l'usucapion. toujours su- bordonnée à la possession de celui qui s'en prévaut, la prescription pro-

476 DE DROITS RÉELS.

Le fondement de l'usucapion se trouve dans la nécessi d'assurer la stabilité de la propriété (ne dominia in pe\ petuam incerta maneant). Sans l'appui de l'usucapion, 1 propriété resterait toujours sujette à contestation. En effet pour établir d'une manière absolue son droit de propriété le dernier acquéreur serait dans la nécessité, non seulemen de produire son titre, mais en outre de prouver le droit d propriété de son auteur immédiat ou même, selon les ca celui des prédécesseurs de son auteur lui même. Une pa reille preuve serait à peu près impossible par cela mêm qu'elle serait indéfinie, et l'on y supplée par celle de l'usu capion. Quant à la prescription, elle repose sur la nécessit de garantir la position des individus et des familles contr les perturbations auxquelles le patrimoine serait expos par suite de réclamations trop longtemps différées '\

L'usucapion ne peut avoir pour objet que des immeuble corporels, ou certains droits réels immobiliers6. La près cription, au contraire, s'applique en général, à toute espèc de droits ou d'actions 7.

prement dite ne requiert, en général, d'autre condition que l'inertie ou 1 négligence de celui contre lequel elle est invoquée. Toutefois, il est d( cas particuliers la prescription elle-même suppose, de la part dçl personne qui doit en profiter, la possession de l'objet auquel se rapporl l'action qu'il s'agit de prescrire. C'est ainsi que le détendeur à une actio en revendication, ne peut y opposer l'exception de prescription, qu'autar qu'il a possédé l'immeuble revendiqué pendant le temps requis pour l'i sucapion. Cpr. § 77°2, texte I et note 1. C'est ainsi encore que. pou pouvoir se défendre, à l'aidede la prescription, contre les poursuites d rigées contre lui. le tiers détenteur d'un immeuble hypothéqué estten de justifier de l'accomplissement de conditions analogues à celles qui soi requises pour l'usucapion. Cpr. g 293. C'est ainsi, enfin, que la prescrij lion des actions eu indemnité dont il est question aux art. 643 et 685, e: subordonnée ;t une condition de possession.

:i Voy. sur la distinction à faire entre la prescription extinctive et 1 déchéances qu'entraîne L'écoulement du délai préfix auquel la loi, en m cordant une action, en a limité l'exercice: § 771, texte n<> 3. Lauren XXXII, 5, (i et 10. ColmetdeSanterre, VIII, :iu2(i bis, VI. La prescriptid accomplie laisse-t-elle survivre une obligation naturelle? Voir § u2^7. i{ Le Houx de Bretagne, l, lj2.

8 Cpr. §478etg483, note:5. Laurent, XXXII, H.

' Voy. quantaux exceptions dont cette, règle esj; susceptible : g 772. mil, loc. cit.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 211. 477

L'usucapion ayant pour effet de consolider, à tous égards tt envers toute personne, une acquisition préexistante ou >résumée telle, donne à la fois une exception et une action. je prescription n'étant qu'un moyen de repousser une ac- ionne confère jamais qu'une exception.

Malgré ces différences si profondes entre l'usucapion et a prescription proprement dite, les rédacteurs du Code tivil, entraînés par l'exemple deJustinien, dont la législa- ion leur a servi de guide en cette matière, ont confondu, lans un même titre, les règles relatives à Tune et à l'autre spècede prescriptions8.

D'après le plan de notre ouvrage, nous n'aurions à nous •ccuper ici que de l'usucapion. Toutefois, pour éviter des édites, nous exposerons aux §§ 211 à 215 te les règles corn- alines à rusucapion et à la prescription proprement dite.

v. Des règle* communes à l'usucapion et à la prescription

proprement dite *.

S 211.

)es personnes qui peuvent prescrire, et de celles contre les- quelles on peut prescrire,

lo Par cela même que toute personne, physique ou md^ aie, est capable d'acquérir des immeubles, et possède un •atrimoine, toute personme aussi est admise à se prévaloir oit de l'usucapion, soit de la prescription 2. Art. 2227. Cette proposition a cependant été controversée, en ce ui concerne l'étranger et le mort civilement. Nous nous ornerons à renvoyer à cet égard aux §§ 78 et 82, nous

8 Cette confusion a fait naitre des doutes sur le sens et la portée de pill- eurs dispositions du Code civil. Voy. entre autres : Art. 2:229 et 2257; |>r. Giv. cass., 21 décembre 1858, S*, 62, 1. 1076.

1 Sauf indication contraire, nous comprendrons ici sous le terme près- 'iption, l'usucapion et la prescription proprement dite.

* Zaeharue, § 210, texte in principio. Laurent, XXXII, 11.

478 DES DROITS RÉELS.

avons établi que son application est indépendante de ] jouissance plus ou moins complète des droits civils 3.

La prescription est en principe, et sauf les cas 1 cours en est exceptionellement suspendu en vertu d'u privilège personnel, admise contre toute personne pins que ou morale. Art. 2251.

Ainsi, on prescrit contre l'Etat, les communes, ou le établissement publics, tout aussi bien que contre les simple particuliers. Art. 2227.

Ainsi encore, on prescrit indistinctement contre les poi sonnes présentes et contre les personnes absentes \ conti celles qui sont informées du cours de la prescription < contre celles qui l'ignorent 3.

Enfin, la prescription peut même être invoquée contre le militaires en activité de service fi.

La prescription est, en général, soumise aux même conditions, epielle ejue soit la position particulière de ceu contre lesquels elle court. Art. 2227 et arg. de cet aH cle ebis .

Toutefois, le temps requis pour l'usucapion avec jus! titre et bonne foi, est sujet à augmentation, lorstpic le pr< priétaire de rinmieuble qui en est l'objet, n'est pas dom cilié dans le ressort de La Qouf d'appel cet immeuble situé. Art, 2265 et 2260.

3 Yoy. g 78, texte, noies IV.) et :i8 ; g 82, texte, notes 30 et 31. Lame \\.\li, 1-2. Colmet deSanlerre, VIII, 326 bUr VII. Le Houx, I, 82 cl 8

* Merlin, Bép., Prescription, seet. I, |7j arl- 2, quest. (>. Va/eille, 312. Tropleng, II, 7()(.). Duranton, XXI, 2é5. Zachariœ, § 211, texte note 3. le Roux, L W). Laurent, XXXII, 14. Req., 2:; octobre 181 S., i:>, 1, .'il. |{e(|.,lt). juillet \W,), S., (il). I, V07.

3 Merlin, (>}). et v^cill., secl. I, g 7, art. 2, (pu^sl . 8. Troplon^, 11,71 Duranton, loc. cit. Zachafiœ, § 211, texte et noie i. Le Roux, I. 8 Laurent, \\\ll, 14 et 43.

f' Cpr. ^ Mil. Le Hoiix.l, \)0. Cependant, le législateur accorde parti «les Paveurs spéciales au$ militaires en activité de service. Voy. Lois i <; brumaire an V, art. 2, Kl fructidor et 0 août 1870, art. 2.

« Ins. Laurent, XXXII, 13.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 212. 479

§212.

lu temps requis pour prescrire, et principalement de la ma- nière de le calculer.

Toute prescription exige l'écoulement d'un certain laps le temps *, qui varie pour les différentes prescriptions, riusi que nous l'expliquerons ultérieurement. Quelle qu'en oit la durée, ce temps se calcule d'après les règles sui- antes :

La prescription se compte par jours, et non par lieu- es. Art. 2260. Il en résulte que le dies a quo< c'est-à-dire o jour la prescription commence, doit rester en dehors le la supputation du délai 2.

La prescription est acquise, lorsque le dernier jour lu terme est accompli. Art. 2261. Ainsi le dies adquem est ompris dans le délai 2 M#.

1 Art. 2219. Nous ne saurions admettre l'idée de prescription instanta- né, mise en avant par certains auteurs pour expliquer la disposition du remier alinéa de l'art. 2279. Cpr. § 183, note 3.

2 En effet, la prescription se comptant par jours, et non par heures, on e peut pas faire entrer dans la supputation du délai, un nombre d'heures ui ne formerait pas un jour complet. Ce n'est d'ailleurs que l'applica- on de la règle générale Dies a quo non computatur in termino. Cpr. § 9, texte et note 15. Delvincourt, Ii, p. 634. Toullier, XIII, 54. Yazeille,

, 317. Troplong, II, 812. Taulier, VII, p. 482. Marcadé, sur l'art. 2261, » 2. Zachariae, § 212, texte et note lre. Le Roux, II, 726. Laurent, [XXII, 350 et 352. Colmet de San terre, VIII, 367 bis, II. Giv. rej.,

mai 1854, S., 54, 1, 479. Cpr. Civ. cass., 27 juin 1854, S., 55, 1, 97. Voy. en sens contraire : Merlin, Rép., Prescription, sect. II, § 2, o 5. Hureaux, Revue de droit français et étranger, 1846, III, p. 278. Bruxelles, 6 juillet 1833, S., 34, 2, 401. Cpr. aussi: Uuranton, XXI, 338. '.et auteur, tout en admettant l'opinion émise au texte, en ce qui concerne i prescription extinctive, la rejette quant à l'usucapion. Mais en faisant ette distinction, contraire à la généralité des termes de l'art. 2260, Du- anton a oublié que la prescription, acquisitive pour le possesseur, est xtinctive de l'action en revendication compétant au véritable propriétaire, t qu'ainsi il ne saurait y avoir deux manières de calculer le temps de la •rescription.

* bis. Le Roux, II, 7'24 et 725.

180 DES DROITS RÉELS.

L;i combinaison de ces deux règles, conduit à reconnat» ire qu'une prescription de trente ans, qui a commence à courir le 1er janvier 1830 à dix heures du matin, s'est ac- complie au coup de minuit qui a séparé le 1e' et le 2 janvier 1860.

Le calendrier grégorien sert de base au calcul des prescriptions. Les mois se comptent de quantième en quan- tième, sans égard au nombre de jours dont ils se com- posent 3. Ainsi, une prescription de six mois, commencée le 1er janvier, s'accomplira à la fin du 1er juillet suivant.

Le jour bissextile se compte, comme tout autre, dans les prescriptions qui s'accomplissent par un certain nom- bre de jours ; et dans celles qui s'accomplissent par mois ou par année, il l'ait partie intégrante du délai, qui se trouve ainsi augmenté d'un jour *.

Il n'y a pas lieu de distinguer, sous le rapport de la prescription, entre les jours de fête légale et les jours ou- vrables. Toute prescription, quelque courte qu'elle soit. peut arriver à son terme un jour férié 8.

3 Vazeillè, I, 336. Troplong, I, 315. Zachariae, § 21*2, texte et note i Le Roux, II, 729, 730. Laurent, XXXII, 353. Gpr. Golmet de Santerre VIII, 367 bis, III. Voy. aussi les arrêts cités à la note 12 du§ 49.

4 Cpr, § 49, texte et note 14. Merlin, Rép., Jour bissextile. Delvin court, loc. cit. Zachariae, § 212, texte et note 3. Dans la première é> lion du Code civil, Fart. 2261 formait le second alinéa de l'art. 2260, l'îirL. 2261, qui a été complètement supprimé dans l'édition de 1807, étai ainsi conçu : « Dans les prescriptions qui s'accomplissent dans un cer « tain nombre de jours, les jours complémentaires sont comptés. Dan « celles qui s'accomplissent par mois, celui de fructidor comprend « jours complémentaires. » Le Roux, II, 732. Laurent, XXXII, 354. Col met de Santerre, VIII, 367 bis, V. Gpr. §11.

3 Voy. §49, textect note 20. Vazcille, I, 328 et 329. Troplong. II, 8i< Zachariae, § 242, texte et note 4. Le Roux, II, 724. Laurent, XXXI 355. Pour les droits d'enregistrement, Voy. Loi du 22 frimaire an \ art. 25. Gaen, 12 janvier I8V2, S., 42, 2, 530. Gpr. Req.. 22juillet 1821 I).. 28, 2, 344. La règle posée au texte n'a point été modifiée par dernier alinéa de l'art. 4 de la loi du 3 mai 1862, dont la dispositïo contraire ne s'applique qu'aux délais de procédure ou autres, susceptib d'augmentation pour dislance, et non aux prescriptions.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 213. 481

\ § 213.

Du moment auquel la prescription devient possible et com- mence à courir, ou de son point de départ en général i.

Les droits qu'on n'est admis à réclamer qu'en qualité d'héritier ou de donataire de biens à venir, ainsi que ceux dont l'exercice est subordonné à une option à faire après le décès seulement de la personne qui les a conférés ne de- viennent prescriptibles qu'à partir de l'ouverture de la suc- cession sur laquelle ils doivent être exercés. Jusque-là les ictions relatives à de pareils droits ne sont susceptibles de s'éteindre, ni directement par l'effet de la prescription pro- prement dite, ni indirectement par le résultat de l'usuca- pion 2. Cette proposition conduit aux applications suivantes : a. L'action en revendication compétantà l'héritier réser- vataire contre les tiers acquéreurs d'immeubles compris lans une donation sujette à réduction pour atteinte portée ila réserve, ne devient prescriptible qu'à partir du décès lu donateur 3.

1 II est essentiel de distinguer l'imprescriptibilité temporaire et les sim- )les causes de suspension. L'imprescriptibilité forme obstacle à la possi- )ilité même de la prescription et à son commencement, tandis que la sus- >ension suppose une prescription possible et commencée en principe, blette distinction, dont on n'a pas toujours tenu suffisamment compte, est urtout importante pour déterminer le moment une prescription est ;ensée commencée dans le sens des art. 4561 et 2281. Elle fournit éga- ement le moyen de restreindre, dans ses véritables limites, la controverse (ui s'est élevée sur la question de savoir si la disposition de l'art. 2257 'applique ou non à l'usucapion, et de faciliter ainsi la solution de cette question. Voir§ 339, texte et note 33. Demolombe, XXIX, 144.

2 Gpr. Troplong, II, 800. Marcadé, sur l'art. 2257, 3. Laurent, CXXII, 34. Le Roux, I, 715. Civ. rej., H janvier 1825, S., 25, 1, 351. 'aris, 17 mars 1831, S., 31, 2, 142. C'est une application de l'axiome,

Actioni non natx non prœscribitur. » « En douaire et autres actions : qui ne sont encore nées, la prescription ne commence à courir que du : jour l'action est ouverte ». Loysel, lnst. Coût., Liv. V, Tit. 3, règle !2. Coutume de Paris, art. 117.

3 Gpr. § 685 quater, texte no 3. Laurent, XXXII. 35 ; XII, 169. Le toux, I, 716.

n. 31

4<S2 DES DROITS REELS.

b. Les actions en nullité, en rescision ou en réduction dirigées contre un partage d'ascendant, même fait par d< nation entre vifs, ne se prescrivent qu'à partir du décès ( l'auteur de ce partage \

c. De même encore, les actions en nullité formées conti une institution contractuelle, ne se prescrivent qu'à part] du décès de Finstituant 5.

d. L'action en rétractation des aliénations à titre gratu d'immeubles compris dans une institution contractucll reste imprescriptible pendant la vie de Fauteur de cett institution 6.

- e. Enfin, Faction en délaissement d'immeubles compri dans une donation cumulative de biens présents et à venii et aliénés par le donateur, n'est sujette àprescriptionqu' partir du décès de ce dernier, alors même que le donatair opte pour les biens présents 7.

La personne au profit de laquelle pourraient éventuelle ment s'ouvrir des droits de la nature de ceux doni il viep d'être parlé, se trouvant non-seulement privée de lafacu d'en poursuivre l'exercice actuel et effectif, mais n'étaii pas même admise à prendre pour leur conservation d( mesures quelconques, toute possibilité de prescriptio cesse en ce qui concerne de pareils droits.

Pour déterminer le point de départ de la prescriptio quant aux droits qui ne rentrent pas dans la catégorie de droits successifs dont il a été parlé sous le 1, il co: vient de distinguer entre la prescription des actions pei sonnelles au profit du débiteur, et l'usucapion ou la prei cription des actions réelles au profit d'un tiers détenteur.

a. La prescription des actions personnelles comment en général à courir du jour de la formation de l'obligati(

* Cpr. §§ 730 et 731, texle no 1 et note 7 ; § 734, texte n<> 1 et note 1

texte 2 in fine. Laurent, XXXII, 35 ; XV, 105 à 118, 152 à 134.

5 Cpr. § 739, texte 2 in fine. Laurent, XXXII, 35 ; XV, 281.

r> Cpr. § 739, texte 3, notes 63 et 76. Le Roux, I, 716. LauPÉ

xxxn, k.

1 Laurent, loc. cit. Cpr. §740, texte in fine. Civ. eass.. 4 mai lKi S., 46, 1, 482.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 213. 483

Il en est ainsi, dans le cas même le créancier n'est au- torisé à exiger son paiement, qu'après l'écoulement d'un certain délai à partir d'un avertissement préalable donné au débiteur 8, et dans celui la créance est productive d'intérêts ou d'arrérages.

Lors donc qu'il s'agit d'une créance productive d'intérêts, la prescription court, non pas seulement à partir de la pre- mière échéance de ces intérêts, mais à compter de la date même du titre 9.

De même, quand il est question d'une rente perpétuelle ou viagère, le fonds de la rente, ou en d'autres termes le droit d'exiger le service des arrérages, se prescrit à partir du jour du contrat de constitution 10.

A la différence de ce qui vient d'être dit pour les rentes, si la dette se composait d'une série d'annuités, la prescrip- tion de l'action relative à ces différentes annuités, ne cour-

8 Non obstat art. 2257, al. 4. Le Roux, I, 693. Laurent, XXXII, 16. Une créance exigible à la volonté du créancier, sous la seule condition d'un aver- tissement préalable à donner au débiteur, n'est point une créance à terme dans le sens de la disposition précitée. Décider le contraire, ce serait lais- ser au créancier la faculté de rendre la créance absolument imprescripti- ble. Mais, lorsque l'avertissement a été donné avant que la prescription ne soit accomplie, il a pour effet de proroger le temps requis pour son ac- complissement, jusqu'à l'expiration du délai au bout duquel le créancier est autorisé à poursuivre le remboursement : autrement, le délai ordi- naire de la prescription se trouverait réduit de tout l'intervalle de temps qui doit s'écouler entre l'avertissement et la poursuite.

9 Laurent, XXXII, 47. En droit romain, il en était autrement. Voy. L. 8, § 4, G. de prsescript. 30 vel 40 ann. (7, 39). Et l'on doit reconnaî- tre que la disposition de cette loi est plus conforme à la règle Actioni non nalx non prœscribitur, que la solution que nous avons cru devoir adop- ter, comme découlant forcément du rapprochement des art. 2262, 2263 et 2287, al. 4.

10 La solution donnée ci-dessus pour les créances productives d'inté- rêts, se fortifie, en ce qui concerne les rentes, par les observations échan- gées, au Conseil d'État, à l'occasion de l'art. 2263. Locré, Lég., XVI, p. 541, 14. Troplong, II, 840. De Fréminville, De la minorité, I, 485. Zachariae, § 172, note 5. Marcadé, Prescription, art. 2263, 2. Le Roux, I. 696. Pau, 26 juillet 1827, S., 28, 2, 111. Civ. cass., 5 août 1829, S., 29, 1, 386. Voy. en sens contraire : Vazeille, I, 358. Bordeaux, 16 juillet 1881, D.,55, 2, 259.

184 DES DROITS REELS.

rait qu a partir du moment chacune d'elles est devenue exigible, de sorte que, quand même aucun paiement n'au- rait été fait depuis plus de 30 ans, le créancier n'en sérail pas moins recevable à réclamer les annuités dont l'é- chéance ne remonterait pas à trente ans11.

La règle d'après laquelle la prescription des actions per- sonnelles commence à courir du jour de la formation de l'obligation, reçoit exception en ce qui concerne les actions en garantie, les créances conditionnelles, et les créances à terme certain ou incertain 12.La prescription, à l'égard de ces actions ou créances, ne commence à courir que du joui du trouble 13, de l'accomplissement de la condition i3bi, ou de l'échéance du terme. Art. 2257 u. Lorsqu'une créance

11 La raison de la différence qui existe à cet égard entre les rentes et le; obligations divisées en annuités, consiste en ce que ces obligations consti tuent autant d'obligations distinctes qu'il y a d'annuités, tandis qu'un( rente ne forme qu'une créance unique, dont les arrérages sont les fruits civils. L. 7, § 8, C. de prœs. 30 vel £0 ann. (7, 39). Le Roux, 1, 695, Laurent, XXXll, 19. Giv. cass., 21 mai 4856, S., 57, 1,30.

12 Le dernier alinéa de l'art. 2257 ne parle, il est vrai, que des crean ces à jour fixe. Mais la disposition qu'il renferme doit s'appliquer a for tiori aux créances à terme incertain, qui, pour la fixation du point dedé part de la prescription, peuvent et doivent être assimilées à des créance conditionnelles. Laurent, XXXII, 24. Le Roux, I, 676. Liège, 6 novem bre 1823, et Rennes, 9 juillet 1840, D., Rép., \o Prescription civil nos 770 et 773. Req., 17 août 1831, J).,eod. »o, v<> Emigré, no 386.

13 L'action en garantie pouvant être exercée, non seulement après viction consommée, mais à partir du trouble, elle devient par cela mèni prescriptible à dater de ce fait. Gpr. art. 175 et suiv^ du Code de proec dure. Le mot éviction dans l'art. 2257, comme dans les art» 1625 et suiv comprend aussi bien l'éventualité d'éviction révélée par un trouble jur dique, que l'éviction accomplie. Gpr. art. 884 et 1640. Civ. cass., 12 d cembre 1837, S., 38, 1, 16. Voy. en sens contraire : Vazeiltè, I, 295. Di ranton, XXI, 333. Laurent, XXXII, 23. Le Roux, I, 685. Cpr. Req 18juilletl876,S., 77, 1, 313.

13 bis. Si l'obligation est soumise à une condition suspensive, le créa: cicr ne peut agir, parce que son droit n'est pas ouvert : dès lors, l'ai 2257 doit recevoir application. Mais c'est l'opposé, si la condition est solutoirc. Duranton, XXI, n°« 324 à326.Vazeille, no 295.Laurcnt, XXXI 22. Golmet de Santerre, VIII, 364 bis, II.

14 Les dispositions de cet article sont des applications delà règle Actio\ non natx "ion prxscribitur, et ne doivent pas être, considérées comn

DE LA PROPRIÉTÉ. § 213. 485

a été stipulée payable en plusieurs termes, la prescrip- tion ne commence à courir, pour chaque fraction de la créance, qu'à partir du terme fixé pour son exigibilité.

La règle dont s'agit reçoit encore exception, quant aux actions en nullité et en rescision, dans les hypothèses pré- vues par les al. 2 et 3 de l'art. 1304, et par l'art. 39 de la loi du 30 juin 1838 13.

Enfin, et par exception à la même règle, la prescription de l'action en restitution d'un gage mobilier ou d'un im- meuble donné en antichrèse, ne commence à courir que du jour du paiement la dette ; et réciproquement, l'ac- tion du créancier en remboursement de sa créance, ne court que du jour le débiteur est rentré en possession de l'ob- jet donné en nantissement 16.

b. L'usucapion et la prescription d'actions réelles au pro- fit d'un tiers détenteur, commencent, en général, à cou- rir du jour de l'acquisition de la possession qui leur sert de base.

Il en est ainsi, dans le cas même la personne contre laquelle courrait l'usucapion ou la prescription, se trouve- rait^ raison d'une condition non encore accomplie, ou d'un terme non encore arrivé , dans l'impossibilité de poursui- vre actuellement l'exercice effectif de ses droits, puisque ces circonstances ne F empêchent nullement de les sauve- garder à l'encontre des tiers détenteurs, et en provoquant la reconnaissance par mesure conservatoire î7.

n'établissant que de simples suspensions de prescription. En effet, la sus- pension de prescription suppose que l'action à laquelle la prescription doit s'appliquer est déjà ouverte, et c'est ce qui n'a pas lieu dans les hypothèses dont s'occupe l'art. 2257. Cpr. Laurent, XXXII, 20 à 22. Proudhon, Usufruit, IV, nos -2140 à 2144.

15 Cpr. §339, texte no 3.

16 Cpr. § 434, texte in fine ; § 435, texte in fine ; §438, texte et note 1 ; § 439, texte in fine.

17 II résulte du texte môme de l'art. 2257, qui s'occupe exclusivement de la prescription des créances conditionnelles ou à terme, et de actions en garantie, que la disposition en est étrangère, tant à l'acquisition des droits réels par usucapion, qu'à l'extinction de pareils droits au profit d'un tiers

486 DES DROITS RÉELS.

De la règle qui vient d'être posée, découlent les consé- quences suivantes :

possesseur. Cette disposition s'explique parfaitement, quanta la prescrip- tion des actions personnelles, uniquement fondée sur la négligence do créancier à poursuivre ses droits, par la considération que le débiteur ne pouvant ignorer, ni l'existence de l'obligation elle-même, ni celle des mo- dalités qui empêchent le créancier d'en réclamer l'exécution immédiate, il n'y avait aucun motif pour faire courir la prescription contre ce der- nier, et pour le soumettre à la nécessité de l'interrompre avant que, par l'échéance du terme ou l'accomplissement de la condition, il se trouvât en position d'exercer l'action même naissant de sa créance. Mais, en matière d'usucapion, ou de prescription de droits réels au profit d'un tiers pos- sesseur, les choses se présentent sous un tout autre aspect. D'une part, en effet, la prescription étant, en pareil cas, principalement fondée sur la possession, elle doit de sa nature pouvoirs'accomplir, malgré les obsta- cles temporaires qui empêcheraient la personne au préjudice de laquelle elle procède, de poursuivre actuellement l'exercice effectif de ses droits. D'autre part, le tiers possesseur peut ignorer l'existence des droits qu'on aurait à lui opposer ; et cette ignorance est même légalement présumée. Art. 2268. De là, et à un double point de vue, la nécessité d'une demande interruptive, qui, comme mesure conservatoire, peut toujours être formée par ceux-là mêmes dont les droits ne sont que conditionnels ou ajournés. Art. 1180. On doit d'autant moins hésiter à reconnaître cette nécessité, que l'usucapion et la prescription de droits réels au profit d'un tiers dé- tenteur, n'atteindraient plus le but en vue duquel elles ont été admises, si le cours devait en être arrêté par l'effet seul d'une condition ou d'un terme, et indépendamment de toute action interruptive. Merlin, Rép., î*î Prescription, sect. III, § 2, art. 2, quest. 2, no 12 ; et Quest., Garantie, | 6, no 3. Delvincourt, II, p. 638 ; et III, p. 387. Toullier, VI, 527 et 528. Proudhon, De l'usufruit, IV, 2130 et suiv. Duranton, XX, 312 ; et XXI, 328. Vazeillc, Des prescriptions, I, 297. Persil, Régime hypothécaire, II, sur l'art. 2180, no 37. Rolland de Villargues, Rèp.duno.t., vis Hypothèque, no 646, et Prescription, 434. Grenier, Des hypothèques, II, 518. Fœlix et Henrion, Des rentes foncières, 205. De Fréminville, Des minorités, I, 440. Taulier, VII, p. 472. Mareadé, sur l'art. 2257, no 2. Gabriel De- mante, Revue critique, 1854, IV, p. 455, 3. Troplong, Des privilèges et des hypothèques, III, 78 ; IV, 886 ; et De la prescription, II, 791. Larom- bière, Des obligations, II, art. 1181, no 15. Pont, Des privilèges et hypothè- ques, n° 1255. Zacharia),§ 214, note 2 ; § 293, texte et note 5 ; et § 772. note 3. Laurent, XXXII, 25. Le Roux, I, 701 à 705. Colmct de Santerre, VIII, 364 bis, III, et suiv. Amiaud, Etudes sur la prescription de l'hypo- thèque; Paris 1880, in-8o. Cpr. Civ. cass., 4 mai 1846, S., 46, 1, 482Xet arrêt est ordinairement cité comme contraire à l'opinion énoncée au texte, et les motifs qui y sont développés semblent, il est vrai, justifier cette ap-

DE LA PROPRIÉTÉ. § 213. 487

Le tiers acquéreur d'immeubles aliénés par un usufrui- tier, en prescrit la propriété, même avant l'extinction de l'usufruit 18.

Le tiers possesseur d'immeubles compris, soit dans une substitution, soit dans une donation soumise à un droit de retour conventionnel, soit enfin dans une vente ou dans un legs conditionnels, en prescrit la propriété au préjudice des appelés, du donateur, de l'acquéreur ou du légataire avant l'ouverture de la substitution 19, le décès du dona- taire 20, ou l'accomplissement de la condition 21.

prédation. Mais au fond cet arrêt ne contredit pas notre théorie, puisqu'il a été rendu dans une espèce il s'agissait, non de simples droits con- ditionnels, mais bien de droits successifs, de la nature de ceux dont il a été question au 1 de ce paragraphe. Voy. encore Besançon, 19 décem- bre 1855, S., 56, 2, 299. Req., 16 novembre 1857, S., 58, 1, 397. Civ. cass., 28 janvier 1862, S., 62, 1, 23£. Paris, 12 juin 1866, S., 67, 2, 33. Dijon, 3 janvier 1878, S., 78, 2, 85. Bordeaux, 12 mai 1879, S., 79, 2, 199. Req., 30 décembre 1879, S., 80, 1, 64. Pau. 26 juin 1889, D., 89, 2, 119. En réalité, les dangers que présenterait l'application de la doctrine indiquée au texte, et en vue desquels la jurisprudence s'est prononcée dans le sens opposé, n'existent pas, ainsi que l'a fort bien démontré M. Labbé, Observations, S., 67, 2, 33 (voy. notamment p. 34, col. 2 et 3). Voy. en sens contraire: Thézard, Revue critique, 1868, XXXIÏI, p. 385. « Proudhon, De Vusufruit, 11,756 à 758. Laurent, XXXII, 29.

19 Cpr. § 696, texte no 3, lett. c ; et texte 4 in fine. Laurent, XXXII, 30. Le Roux, I, 712.

20 Cpr. § 700, texte in fine. Le Roux, I, 706.

21 Zachariae, § 772, note 3. Laurent, XXXII, 32. Pau, 22 novembre 185G, S., 57, 2, 286. C'est à tort que plusieurs auteurs modernes ensei- gnent que, sous la législation romaine, les droits réels soumis à une con- dition ne devenaient prescriptibles, même au profit de tiers possesseur, qu'après l'accomplissement de la condition. Voy. Troplong, II, 791. Mar- cadé, sur l'art. 2257, 2. Cette opinion ne repose que sur une fausse interprétation de la loi 3, § 3, C. com. de leg. (6, 43), dans laquelle on a voulu voir une application de la maxime Agere non valenti non currit praescriptio. Il suffit, pour faire ressortir l'erreur dans laquelle on est tombé à cet égard, de remarquer que la disposition finale de cette loi place les legs purs et simples sur la même ligne que les legs faits à terme ou sous condition, en écartant la possibilité de l'usucapion ou de la pres- cription longi temporis pour les uns aussi bien que pour les autres. Cela prouve, jusqu'à l'évidence, que ce n'est pas dans la maxime précitée qu'il faut chorcher l'explication de la loi dont s'agit. Suivant Cujas (Recitatio-

488 DES DROITS REELS.

Le tiers acquéreur,contre lequel réfléchirait une action ré- solutoire à laquel se trouvait soumis son auteur, peut en général22 usucaper, avant l'ouverture de cette action, l'im- meuble par lui acquis 23.

Enfin, la prescription de l'hypothèque établie pour sûreté soit d'une créance conditionelle ou à terme, soit d'un retour éventuel en garantie, court, au profit du tiers acquéreur des immeubles hypothéqués, avant l'accomplissement de la condition, l'échéance du terme, ou l'ouverture de Fac- tion en garantie s*.

nés in Codicem, ad L. 3, G. corn, de leg., 6, 43) et Furgole (Traité dei. testaments, chap. VII, sect. IV, n<> 40), l'aliénation, au détriment du lé- gataire, de la chose léguée, soit purement et simplement, soit sous une condition qui est venue à s'accomplir, étant légalement réputée non ave- nue, ne peut jamais constituer un juste titre, ni par conséquent conduire à l'usucapion ou à la prescription longi temporis. Les jurisconsultes alle- mands expliquent la constitution précitée, en disant que la défense d'a- liéner les choses léguées emporte, en ce qui les concerne, une impres< criptibilité de même nature que celle qui protège le fonds dotal. Voy Unterholzner, Verjdhrungslehre, § 76. Mûhlenbruch, Doctrina Pandecta rum, | 262. Sell, Rômiscke Lekre der dinglichen Rechte, § 29. Quoi qu'i en soit, il reste toujours certain que la décision de Justinien avait poui objet spécial de protéger les droits des légataires, et qu'elle n'a jamais été étendue aux droits conditionnels conférés par actes entre vifs. Cett( décision, fondée sur la faveur tout exceptionnelle qui s'attachait aux legs en Droit romain, et que Cujas qualifie avec raison de locussingularis, n'f plus aujourd'hui aucune raison d'être. Nous ajouterons que, même en tendue dans le sens que lui prêtent les auteurs dont nous combattons l'o pinion, la loi 3, § 3, Com. de leg., ne s'applique qu'au cas la chose guée a été aliénée par l'héritier, et ne peut, sous aucun rapport, êtr< étendue à celui le tiers possesseur de cette chose tient sesdroits d'uni autre personne. Cpr. § 302, texte 4, lett. a et «.

22 Vov. cep. art. 966 ; §709, texte in fine.

28 Laurent, XXII. 33. Toulouse, 13 février 1858, S., 61, 1,67. Voy en sens contraire : Giv. cass., 28 juillet 1862, S., 62, 4, 236. Agen 21 juillet 1862, S., 63, 2, 15. Nous nous bornerons, pour la réfutatioi des motifs de ces arrêts, à renvoyer aux applications déjà données à note 17 suprà, et aux observations présentées dans la note suivante.

24 II était généralement reconnu dans notre ancienne jurisprudence que le créancier, pourvu d'une hypothèque pour sûreté d'un créance con ditionnelleou à terme, pouvait, avant l'accomplissement de la conditior ou l'échéance du terme, agir en reconnaissance de l'hypothèque contn

DE LA PROPRIÉTÉ. § 213. 489

Par exception à la règle ci-dessus posée, la prescription de l'hypothèque par dix à vingt ans, au profit d'un tiers

le tiers acquéreur des immeubles hypothéqués. Et c'est précisément parce que nos anciens auteurs ne mettaient pas en doute que la prescription ne courût au profit de ce dernier, même avant l'accomplissement de la con- dition ou l'échéance du terme, qu'ils avaient inventé, comme moyen de l'interrompre, l'action en déclaration ou reconnaissance de l'hypothèque. Grand coutumier, liv. II. chap. 33. Coutume d'Auxerre, art. 95. Dumou- lin, Consilium, XXVI, nos 34 à 36. Loyseau, Du dèguerpissement , liv. III, chap. II, nos 10 à 18. Bacquet, Des droits de justice, chap. XXI, nos 192 et 193. Chopin, De privilegiis rusticorum, liv. II, chap. IV, 2. Ferrerii, Nova additio, in quœst. 416 Guidonis Papse. LaPeyrère, Déci- sions du parlement de Bordeaux, Prescription, no 32. Renusson, Traité de la subrogation, chap. V, no 54. Despeisses, Des contrats, partie IV, tit. IV, no 32, 3o. Lebrun, Des successions, liv. IV, chap. I, no 83. Lange, Praticien français, I, p. 518. Pothier, De l'hypothèque, chap. III, § 6. Bourjon, Droit commun de la France, liv. VI, tit. VI, chap. IV, sect. II, nos 7 à 12; tit. VIL part. V, chap. I, no 5, et chap. II, nos 1 à 7. Rousseau de la Combe, Prescription, sect. II, 6. Denisart, Décla- ration d'hypothèques. L'action en déclaration d'hypothèque, en tant qu'interruptive de prescription, a été reconnue, d'une manière plus ou moins explicite, comme subsistant encore sous notre législation nouvelle, par la Cour de cassation, dans ses Observations sur le pro- jet de Code de procédure (S., 9, 1, 4, art. 17), et par de nombreux arrêts. Voy. Civ. rej.,6 mai 1811, S., 12,1,43. Civ. cass., 27 avril 1812, S., 12, 1, 300. Metz, 5 août 1823, S., 23, 2, 343. Grenoble, 1er juin 1824, S., 26, 2, 58. Civ. rej., 2 mars 1830, S., 30, 1, 342. Nî- mes, 18 novembre 1830, S., 31,2,146. Caen, 23 mars 1847, S., 48, 2, 760. Vainement dirait-on que l'action hypothécaire doit être reje- tée, comme n'ayant plus raison d'être en présence de l'art. 2167. Si le créancier peut aujourd'hui exercer son droit d'hypothèque contre un tiers détenteur par voie de poursuite, sans être obligé de le faire préala- blement condamner au paiement de la dette hypothécaire, on ne saurait conclure de à la suppression de l'action hypothécaire comme interrup- tive de prescription. Ce point une fois admis, la proposition énoncée au texte ne semblerait devoir soulever aucune difficulté. Aussi les auteurs cités à la note 17 suprà se sont-ils unanimement prononcés en faveur de cette proposition, qui a été également consacrée parles arrêts ci-après: Grenoble, 10 mars 1827, S., 28, 2, 41. Bordeaux, 5 janvier 1835, S., 35, 2, 248. Mais la solution contraire a été adoptée dansles arrêts sui- vants : Besançon, 19 décembre 1855, S., 56, 2, 299. Req., 40 novem- bre 1857, S., 58, 1, 397. Paris, 12 janvier 1866. S., 67, 2, 33. Bordeaux, 12 mai 1879. S., 79, 2, 199. Req., 30 décembre 1879. S., 80, 1, 64. Ces décisions, principalement fondées sur l'art. 2257, ne reposent en réalité

.

490 DE DROITS RÉELS.

détenteur, ne commence à courir qu'à partir de la trans- cription de son titre d'acquisition. Art. 2180, 4.

§ 214.

De la suspension de la prescription.

La prescription est suspendue, lorsque le cours en est arrêté pendant un temps plus ou moins long.

A. Les causes de suspension, admises par la loi, sont fondées : les unes, sur une faveur spéciale que réclame la condition personnelle de ceux qui ont intérêt à repousser la prescription ; les autres, sur une dispense d'agir que motivent les rapports des personnes au détriment desquel- lescourrait la prescription, soit avec celles au profit desquel- les elle s'accomplirait, soit avec celles contre lesquelles ré- fléchirait l'exercice de l'action interruptive de la prescrip- tion \

que sur une pétition de principe, en ce qu'elles admettent, contrairement au texte même de cet article et aux précédents historiques, que la dispo- sition qu'il renferme s'applique à la prescription des droits réels au profit d'un tiers détenteur, aussi bien qu'à celle des actions personnelles. D'ail- leurs, le système de ces arrêts, poussé dans ses dernières conséquences, conduirait à dire que l'hypothèque établie pour sûreté d'une rente via- gère ou perpétuelle, reste imprescriptible, pour le tiers détenteur, tant que les arrérages en sont exactement payés, ce qui nous parait évidemment inacceptable. Voy. le passage ci-dessus cité du Grand coutumier.

1 Laurent, XXXÏI, 37 et 38. Cpr. ïroplong (II, 700) qui rattache tous les cas de suspension à la maxime A gère non ralenti, non currit prxscriptio. Ce point de vue nous parait inexact. En dehors de l'hypothèse prévue par le no 1 de l'art. 2236, qui constitue plutôt un cas d'imprescriptibi- lité temporaire qu'une cause de suspension proprement dite, les suspen- sions de prescription énumérées aux art. 2252 à 2250 et 2258 sont en réalité fondées sur l'un des motifs indiqués au texte, et ne sont nullemerç| la conséquence d'une véritable impossibilité d'agir dans le sens de la ma- xime précitée, à laquelle il faut bien se garder de donner la portée géné- rale que lui assigne Trof>long. Colmet de Santerre(VlIl, 359 bis, I). consi- dère la suspension de la prescription en laveur des mineurs comme un(j sorte de resiitutio in integrum contre leurs propres négligences ou con-

DE LA PROPRIÉTÉ. § 214. 491

La prescription ne court point, en général, contre les mineurs, même émancipés % ni contre les personnes judi- ciairement interdites 3. Art. 2252.

Cette règle, étrangère aux simples déchéances encourues par suite de l'expiration de délais préfix 4, est d'ailleurs, en ce qui concerne les prescriptions proprement dites, su- jette à d'assez nombreuses exceptions, dont les unes sont expressément établies par la loi, et dont les autres résul- tent virtuellement du but et des motifs en vue desquels certaines prescriptions ont été admises 5. C'est ainsi qu'aux ennes de l'art. 2278, les prescriptions indiquées aux art. 2271 à 2277 courent contre les mineurs et les interdits, [lest ainsi encore qu'on admet généralement, d'après Tes- yrit de la loi, que les prescriptions de courte durée, men- ionnées aux art. 64, 106 et 189 du Code de commerce, ne

re celles de leurs représentants. De même Le Roux, I, 606. Cpr. texte >t notes 20 et 33 infrà.

2 Lex non dislinguit. Troplong, II, 740. Marcadé, sur les art. 2252 à !256, n°l. Zachariae, § 211, texte et note 6. Colmet de Santerre, VIII, {59 bis, I. Le Roux, I, 608. Laurent XXXII, 46.

3 La faveur toute spéciale accordée aux mineurs et aux interdits pour •ause de démence qui leur sont assimilés, ne saurait être étendue aux in- lividus frappés d'interdiction légale, qui ne peuvent, à aucun titre, re- vendiquer les privilèges de la minorité. Voy. cep. en sens contraire : Du- •anton, XXI, 296. Zachariae, § 212, texte et note 7. Le Roux, I, 610. Colmet de Santerre, VIII, 359 bis. II. Ces auteurs partent de l'idée que a suspension de prescription attachée à la minorité, est le résultat de 'impossibilité se trouve le mineur d'exercer par lui-même ses actions, tlais c'estlà une erreur, que démontrent les nombreuses exceptions ap- )ortées à la règle de la suspension. Laurent, XXXII, 52.

* Cpr. § 771, texte 3. Laurent, XXXII, 10. Colmet de Santerre, nil, no 359 bis V. Cpr. Req., 1er février 1882, S., 83, 1, 15;;.

5 La proposition, telle que nous l'avons formulée au texte, ne constitue )as une extension arbitraire de la disposition finale de l'art. 2252. En lffet, cet article ne dit pas « à l'exception des autres cas expressément dét- erminés par la loi » ; et il ne faut pas oublier que des exceptions à une 'ègle générale, peuvent tout aussi bien résulter d'une disposition virtuelle le la loi que d'un texte formel. Colmet de Santerre, VIII, 359 bis, III à CIY. Voy. en sens contraire Laurent, XXXII, 48. Cpr. Le Roux. I. 610.

6 Pardessus, Droit commercial, II, 240, et IV, 1090. Vazeille, I, 269. Troplong, II, 1038. De Fréminville, De la minorité, I, 352. Delangle,

492 DES DROITS RÉELS.

sont pas suspendues au profit de ees personnes e. Il en et de même de la prescription de cinq ans, relative aux créan ces contre l'Etat, et des prescriptions établies par les loi fiscales 7.

La suspension au profit des mineurs et des interdits i lieu, non-seulement au cas la prescription a commenci à courir contre eux, mais encore lorsqu'elle a pris nais sance dans la personne d'un majeur auquel ils ont succédé Il en est ainsi, même dans les hypothèses prévues par le art. 475 8 et 1304 9.

Des sociétés commerciales, II, 727. Bédarride, Des sociétés, II, 699. Bra vard-Veyrières, Traité de Droit commercial, I, p. 460 et 461. Zachariae .§211, note 8. Le Roux, I, 620. Golmet de Santerre, VIII, 359 bis, X\ Boistel,n°s 273 et 574. Lyon-Caen et Renault I, .no 590, note 3. Paris, 2 avril 1836, S., 36, 2, 258.

7 Favard, Rép., Prescription, sect. II, § IV, art. 1er, 2. De Frémir ville op. et loc. citt. Vazeille, I, 271. Laferrière, Juridiction administra tive, II, p. 239. Arr. Gons., 13 janvier 1888, Lebon. 1, 88.

8 En vain dit-on que cet article ayant abrégé le temps ordinaire de 1 prescription, à raison des difficultés que présenterait, après un très lonj espace de temps, la reddition du compte tutélaire, ce serait aller contr l'esprit de la loi que d'admettre la suspension de prescription en faveu de l'héritier mineur du ci-devant pupille. Cette objection est, à notre avis sans portée. Si la considération qu'on invoque a paru suffisante au légis lateur pour réduire le temps ordinaire de la prescription, il ne l'a cepen dant pas trouvée assez grave pour écarter, en cette matière, le bénéfice la suspension attaché à la minorité. Ce qui le prouve, c'est que, dans cas les fonctions du tuteur ont cessé avant la majorité du pupille, prescription ne commence à courir, d'après l'art. 475 lui-môme, qu'à pai tir de cette majorité. Dalloz, Rép.,\° Prescription civile, n°692. Lauren XXXII, 49. Le Roux, 1,622. Douai,24mai 1854, S. ,54, 2, 433. Voy.enser contraire: Duranton, XXI, 291. De Fréminville, Delà minorité, I, 359. Z; chariae, § 211, note 7 bis. C'est évidemment à tort que ce dernier autei: prétend, contrairement au texte formel de l'art. 475, que cet article net blit qu'une simple déchéance et non une prescription.

9 Delvincourt, II, p. 806. Merlin, Rèp., Rescision, n°5 6w ;eiQuesl eod v\ § 5. Proudhon, II, 504 et 505. Vazeille, II, 572. Marcadé. s les art. 2252 à 2256, 1. Colmct de Santerre, VIII, 359 bis. VI : V. 265 bis. III à V.Larombière, Des oblig.. sur l'art. 1304. 32. Demolomb XXIX, 132 à 134. Pau, 11 décembre 1835. S.. 35. 2, 183. Limi 28 mai 1836, S., 39, 2,69. Nimes, 20 juin 1839. S., 39, 2, 535. Req 8 novembre 1843, S.. 44, 1. 129. Agen. 10 janvier 1851. S.. 51.2. 7*

DE LA PROPRIÉTÉ. § 214. 493

La prescription qui, en principe, court contre les femmes mariées, est cependant, sous certains rapports, suspendue en leur faveur 10.

a. Sous le régime dotal, le cours de toute prescription, soit acquisitive, soit extinctive, de nature à porter atteinte aux droits de la femme sur ses immeubles dotaux fl, est en général suspendu pendant le mariage12. Art. 2255, cbn 1560 et 1561.

b. Sous le régime de communauté, la prescription est suspendue, tant que la communauté n'est pas dissoute 13,

Voy. en sens contraire : Toullier. VII, 615. Duranton, XII, 548. Zachariœ, § 337, texte in fine, et note 44. Angers, 22 mai 4834, S., 34, 2, 337. On dit, à l'appui de cette dernière opinion, qu'il ne s'agit pas, dans l'art. 1304, d'une véritable prescription, mais d'une simple déchéance attachée à un délai préfix. Cette supposition, en fa- veur de laquelle milite jusqu'à un certain point la rédaction de cet arti- cle, qui, sans parler de prescription, se borne à fixer la durée des actions en nullité et en rescision, ne nous parait cependant pas fondée,surtout en ce qui concerne les actions en nullité. De pareilles actions, qui dérivent des principes du Droit commun, ne sauraient être considérées comme constituant l'exercice d'un bénéfice exceptionnel ; elles tendent à la réa- lisation d'un droit acquis. Or, s'il en est incontestablement ainsi des ac- tions en nullité, on est bien forcé d'admettre la même solution pour les actions en rescision, que l'art. 1304 place sur la même ligne au point de vue qui nous occupe. La disposition du second alinéa de l'art. 1676 nous parait d'ailleurs clairement démontrer que le législateur est parti de l'idée que le délai accordé pour l'exercice des actions en rescision ne court pas en général contre les mineurs, alors même que ces actions ont pris nais- sance dans la personne d'un majeur. Cpr. Laurent, XXIX, 4.

10 Le Roux, I, 114. Nous ne mentionnerons point ici le cas prévu par le second alinéa de l'art. 1304, dans lequel il est bien moins question d'une simple suspension de prescription, que de la fixation du moment auquel commence à courir la prescription de faction en nullité des engagements contractés sans autorisation par une femme mariée. Cpr. § 213, texte 2 et note 15. Laurent, XXXII, 60 ; XXIX, 41.

11 La prescription des créances dotales de la femme mariée sous le ré- gime dotal, n'est pas suspendue durant le mariage. Voy. § 537 bis, texte in fine,ei notes 14 à 16. Laurent, XXXII, 55 ; XXIII, 547.

12 Voy. pour le développement de cette règle et sur les modifications dont elle est susceptible : § 537, texte no 3. Laurent, loc. cit. ; XXIII, 512 à 515.

13 L'art. 2256 dit bien que la prescription est suspendue pendant le

494 DES DROITS REELS.

quant aux actions que la femme ne peut exercer qu'aprèi une option à faire entre son acceptation et sa répudiation Art. 2256, 1. C'est ce qui aurait lieu si la femme ci ameublissant un immeuble, s'était réservé la faculté de L reprendre en cas de renonciation à la communauté.

c. Sous quelque régime que les époux se trouvent pla ces, la prescription ne court pas tant que dure le mariage1* à l'égard des actions de nature à réfléchir contre le mari soit par suite d'un recours en garantie proprement dit, soi par cela seul que l'action de la femme pouvant exposer c< dernier à des poursuites immédiates et plus rigoureuses il aurait intérêt à en empêcher l'exercice. Art. 2256, 2 .C'est ainsi que, dans le cas la femme, encore mineure a contracté solidairement avec son mari un engagemen excédant les bornes de sa capacité, la prescription de l'ac- tion en nullité de son engagement est suspendue pendan le mariage 15.

mariage ; mais, comme dans l'hypothèse prévue au texte, la suspensioi de prescription tient uniquement à l'impossibilité pour la femme de fain son option avant la dissolution de la communauté, il est évident que li prescription doit commencer à courir, même durant le mariage, di moment la communauté se trouve dissoute par suite de sépara tion de biens à moins que l'action de la femme étant de nature à réfléchi contre le mari, elle ne se trouve suspendue, tant que le mariage mêmi n'est pas dissous, par application du 2 de l'art. 2256. Vazeille, I 334. Troplong, II, 784 in fine. Laurent, XXXII, 57.

14 A la différence de la suspension de prescription dont il est questioi au 1 de l'art. 2256, celle que consacre le no 2 du môme article con tinue malgré la séparation de biens. Troplong, II, 778 à 785. Marcadé sur les art. 2252 à 2256, 6. Zachariae, § 211, texte et note 15. Lan rent, XXXII, 59. Giv. cass,, 24 juin 1817, S., 17, 1, 304. Req., 11 jnil letl826, S., 27, 1, 287. Nîmes, 7 mai 1829, S., 29,2, 273. Grenoble 28 août 1829, S., 30, 2, 99. Civ.cass., 18 mai 1830, S., 30, 1, 266. Req. 7 juillet 1830, S., 31, 1, 68. Req.i 17 novembre 1835, S., 35, 2, 902 Voy. en sens contraire : Vazeille, I, 292.

15 Merlin, Quest., v<> Prescription, § 6, art. 4. Troplong, II, 873 à 875 Marcadé, sur les art. 2252 à 2256, 5. Le Roux, 1,632. Laurent, XXXII 59. Voy. cep. Vazeille, I, 290 et 291. Suivant cet auteur, la solution donné au texte ne devrait plus être admise, s'il était établi que la femme no ses engagée que dans l'intérêt du mari ou pour les affaires de la commiÉiauté

DE LA PROPRIÉTÉ. § 214. 495

En dehors des hypothèses précédemment indiquées, la prescription court contre la femme mariée, non-seulement quant aux biens dont elle a conservé l'administration, mais même quanta ceux dont l'administration a passé au mari 16, sauf pour ce qui concerne ces derniers, son recours con- tre celui-ci, si la prescription, quoique commencée avant le mariage, s'était accomplie par sa faute ou par sa négli- gence 17, et que la perte de l'action eût réellement porté préjudice à la femme 18. Art. 2254.

La prescription est suspendue entre époux, quel que soit le régime sous lequel ils sont mariés. Art. 2253. Cette cause de suspension ne cesse, ni par la séparation de biens, ni même par la séparation de corps 19.

Mais, au point de vue du motif qui a dicté la disposition du no 2 de l'art. 2256, cette distinction ne nous parait pas admissible.

16 Tel est le véritable sens de l'art. 2254, dont il ne faut pas conclure, par un argument a contrario qui irait directement contre l'esprit de la loi, que la prescription soit suspendue en faveur de la femme, quant aux biens dont elle a conservé l'administration. Vazeille, I, 274. Troplong, II, 746. Marcadé, loc. citt., m> 2. Duranton, XXI, 300. Laurent, XXXII,54.

17 Art. 1428, al. 4, et 1562, al. 2. Si, lors de la célébration du ma- riage, la prescription avait été sur le point de s'accomplir, le mari pour- rait être dégagé de toute responsabilité, comme ne s'étant pas rendu cou- pable de négligence. L. 16, D. de fund. dot. (23, 5). Toullier, XII, 414. Bellot des Minières, Du contrat de mariage, IV, p. 217. Benoit, Traité de la dot, I, 181 et suiv. Rodière et Pont, Du contrat de mariage, III, 1751. Vazeille, I, 282. Troplong, II, 760 à 762. Marcadé, sur les art. 2252 à 2256, 2. Duranton, XXI, 301. Zacharise, § 211, texte et note 17. Laurent, loc. cit. Le Roux, I, 116.

18 La seule circonstance que le débiteur de la femme se trouvait insol- vable à l'époque le mari aurait pu interrompre la prescription, ne le déchargerait pas d'une manière absolue de la responsabilité qui pèse sur lui. Il y resterait soumis, si, après l'accomplissement de la prescription, le débiteur revenait à meilleure fortune. Troplong, II, 763. Marcadé, loc. cit. Laurent, loc. cit. Cpr. Yazeille, I, 282.

19 Vazeille, I, 272. Troplong, II, 742. Marcadé, sur les art. 2252 à 2256, no 1. Zachariae, § 211, texte et note 11. Le Roux, I, no 658 à 660. Paris, 26 juillet 1862, S., 62, 2, 513. Lyon, 7 janvier 1868, S., 68, 2, 170. Quant à la séparation de biens, V. Rouen, 15 avril 1869, S., 70, 2, 149. Bordeaux, 3 février 1873, S., 73, 2,107. Caen, 22 janvier 1874, S., TS? 2. 80.

196 DES DROITS RÉELS.

La prescription ne court pas contre l'héritier béné- ficiaire, à Fégard de ses créances contre la succession. Art. 2258, al. 1.

Cette cause de suspension couvre la créance tout en- tière de l'héritier sous bénéfice d'inventaire, dans le cas même il se trouve en concours avec d'autres héritiers, soit bénéficiaires, soit purs et simples, en tant du moins qu'il s'agit simplement pour lui de conserver ses droits sur les biens du défunt, considérés comme restés séparés des patrimoines personnels de ses cohéritiers. Mais il ne pourrait se prévaloir de cette suspension contre les héri- tiers purs et simples, pour les poursuivre sur leurs pro- pres patrimoines, ultra vires hœreditarias 20. 1 La suspension établie par le premier alinéa de l'art. 225S est étrangère à la prescription des actions en revendication ou confessoire de servitudes, que l'héritier bénéficiaire aurait à exercer contre la succession 21.

20 La disposition du premier alinéa de l'art. 2258, qu'il faut bien s< garder de considérer comme une application de la règle Agere non va lenti, non currit prœscriptio, puisque l'héritier bénéficiaire n'est pas placé dans l'impuissance d'agir (art. 996 du Code de procédure), est uni quement fondée sur ce que le législateur a jugé inutile de forcer cet ritier à provoquer des condamnations contre la succession, qu'il es chargé d'administrer tant dans son intérêt que dans celui des créancier; et des légataires. A ce point de vue, et dans la limite indiquée au texte il n'y a pas de motif suffisant pour restreindre l'effet de la suspension î la part de l'héritier bénéficiaire. Gpr. Vazeille, Des successions, sur Fart 802, 1, et Des prescriptions, I, 306. Belost-Jolimont sur Chabot, obs 1, sur l'art. 802. Laurent, XXXII, 64 à 66. Voy. cep. Chabot, Des suc cessions, sur l'art. 4. Troplong, Des privilèges et des hypothèques, II p. 381. Duranton, XXI, 313. En s'occupant de la question que nous ve nons d'examiner, ces auteurs l'ont résolue pour ou contre d'une manier absolue, sans distinguer entre les droits de l'héritier bénéficiaire sur le biens héréditaires eux-mêmes, et ceux qu'il pourrait avoir à exercer con tre ses cohéritiers personnellement ; et la dissidence qui s'est élevée entr eux, tient probablement à ce qu'ils n'ont pas tenu compte de cette distinc tion, qui cependant nous parait clairement indiquée par les termes à ït gara des créances qu'il a contre la succession, qui terminent le premie alinéa de l'art. 2258.

21 Les raisons qui ont fait admettre la suspension de proscription

DE LA PROPRIETE. § 214. 497

B. Les causes de suspension qui viennent d'être énumé- rées, ne sauraient, sous prétexte d'analogie, être étendues ni d'une personne à une autre ÎJ &is, ni d'une situation don- née à une situation différente. Arg\ art. 2251.

Ainsi, la prescription n'est pas suspendue au profit des individus atteints d'aliénation mentale, eussent-ils même été placés dans un asile d'aliénés, tant que leur interdiction n'a pas été prononcée 22. Elle ne l'est pas davantage au profit des personnes pourvues d'un conseil judiciaire pour cause de faiblesse d'esprit ou de prodigalité 23.

Ainsi encore, la prescription n'est pas suspendue, même durant l'indivision de l'hérédité, au profit d'un héritier pur et simple, en ce qui concerne ses droits contre la suc cession 24.

Enfin, la prescription court contre le créancier d'une suc- cession alors même qu'il se trouve investi de l'usufruit de tous les biens qui en dépendent. C'est ce qui a lieu notam- ment dans le cas la femme survivante, créancière de

l'égard des créances de l'héritier bénéficiaire contre la succession qu'il ad- ministre, ne se présentent plus, lorsqu'il s'agit de droits réels, dontPexer- ciceaurait pour résultat de diminuer l'actif héréditaire. Aussi le premier alinéa de l'art. 2258 ne parlc-t-il nominativement que des créances. Mar- cadé, sur l'art. 2258, n°2. Gpr. Laurent, XXXII, 67.

21 bis. Rcq. 25 janvier 1881, D., 81, 1, 246.

22 Marcadé, sur les art. 2252 à 2256, 1 . Troplong, II, 738, à la note. Dcmolombe, VIII, 65S. Le Roux, I, 609. Laurent, XXXII, 52. Douai, 17 janvier 1845, S., 45, 2, 277. Angers, 6 février 1847, S., 47, 2, 201. Req., 31 décembre 1866, S.. 67, 1, 153. Cpr. Civ. cass., 12 mai 1834, S., 34, 1, 333. La disposition de l'art. 39 de la loi du 30 juin 1838, qui ûxc le point de départ de la prescription de l'action en nullité ouverte contre les actes passés par une personne placée dans un établis- sement d'aliénés, ne forme pas une véritable exception à la règle posée au texte. Cpr. § 213, texte 2 et note 15.

23 Troplong, II, 741 . Marcadé, loc. cit. Duranton, XXI, 298. Dcmolombe, VIII, 765. Le Roux, I, 611. Req., 6 juin 1860, S., 60, 1, 598.

2* On ne peut étendre à l'héritier pur et simple, la suspension établie au profit de l'héritier bénéficiaire. Quant à l'indivision, elle n'est pas de ■^a nature suspensive de prescription. Cpr. art. 816 ; § 622, texte et notes 3 à 13. Troplong, II. 721. Le Roux. I. 105. Laurent, XXXII, 70-71. Toulouse. 10 juillet 1829, S., 30, 2, 77. Limoges, 15 juillet 1840, S., 40, 1 519. Grenoble, 31 décembre 1846, S., 47, 2, 479.

il 32

498 DES DROITS RÉELS.

ses reprises, se trouve en même temps usufruitière <l<- tout les biens de son mari ,5.

D'un autre côté, et en vertu de dispositions formelles m la loi, la prescription court au préjudice d'une successioi vacante, quoique non pourvue de curateur, quant aux droit)) qui lui compétent contre des tiers, et réciproquement, m préjudice de ces derniers, quant aux droits qu'ils ont â faire valoir contre une pareille succession '*. Art. 2258, al. 2.

Elle court encore pour ou contre l'héritier, pendant le* délais pour faire inventaire ou délibérer 27. Art. 22-'59.

Enfin, l'état de faillite n'est pas une cause de suspen- sion de la prescription des actions appartenant au failli contre des tiers. Il ne produit pas davantage, par lui- même, suspension de la prescription des actions compé- tant à des tiers contre le failli 28.

25 Troplong, II, 722, et addit. à la suite du vol. II. Laurent, XXXII, 72, Req., 27 août 1819, S., 20, 1, 60. Aix, 21 avril 1836, S., 36, 2, 463. Req., 18 janvier 1813, S., 43, 1, 313. Cpr. aussi : Pau, 31 décembre 1836, S., 37, 2, 364. Voy. en sens contraire: Proudhon, De Cusufrml\ II, 759 à 765. Vazeille, I, 377. Toulouse, 27 mars 1835, S., 35, 2,471. L raisons invoquées à l'appui de cette dernière opinion peuvent se résunu dans cette idée, que la veuve, en jouissant de tous les biens délaissés \> son mari, s'est successivement payée des intérêts de ses reprises, et qu'ains la prescription n'a pas plus pu courir contre elle que contre un créancie sur antichrèse. Mais cette assimilation manque complètement d'exactitude puisque celui qui détient un immeuble à titre d'antichrèse, n'en perçoi les fruits qu'en qualité de créancier, et à charge de les imputer sur intérêts de sa créance, tandis que la veuve usufruitière possède les bie! et en perçoit les fruits en cette qualité, et non comme créancière.

-6 Merlin, Ré])., Prescription, sect. I, § 7, art. 2, quest. 17 ; elQuat Succession vacante, § 2. Troplong, II, 807. Duranton, XXI, 323. Mai cadé, sur l'art. 2258, 4. Laurent, XXXII, 68 et 69. Colmet de Santerfi VIII, 395 bis, VII. Le Roux, I, 110.

37 Cpr. C. C, art. 779 et 797. G. Pr., art. 174; § 614, texte et note Troplong, II, 808. Marcadé, loc. cit.

58 Troplong, 11,719 et 720. Bruxelles, 10 novembre 1824, 1)., liép., Pre cription civile, 743. Le Houx, I, 102. Nouguier. Lettres de change, 1001. Req., 23 février 1832, S., 32, 1, 537. Req., 14 février 1833. S.. % 1, 844. Tm disant que l'état de faillite ne produit pas, par lui-même, sa pension de prescription, nous entendons indiquer que nous ne nous occ pons ici que des créanciers qui n'ont fait aucune diligence pour se faii admettre au passif de la faillite. Voy. sur la position des créanciers adm au passif de la masse : texte et note 30 infrà ; § 215, tex*te et note 75.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 214. 499

Du reste, on peut et on doit, même en dehors des cas de suspension formellement prévus parla loi, admettre par application de la maxime Agere non valenti, non currit praescriptio, que la prescription d'une action déjà ouverte reste malgré cela suspendue, toutes les fois qu'un obstacle légal s'oppose à son exercice, et ne permet même pas de recourir à des actes interruptifs 29. C'est ainsi que la pres- cription reste suspendue au profit des créanciers du failli qui ont fait admettre leurs créances au passif de la masse jusqu'au moment où, par l'effet d'un concordat ou de la clôture de l'union, ils auront recouvré l'exercice de leurs actions individuelles 30. C'est ainsi encore que, dans le cas les qualités de créancier et de débiteur se trouvent tem- porairement réunies sur la même tête par suite de confu- sion, la prescription ne court pas tant que dure la confu- sion 31. Par un motif semblable, la jurisprudence a admis une suspension de prescription en faveur des créanciers d'émigrés, porteurs de titres qui, faute d'avoir acquis date certaine avant la promulgation du décret du 9 février 1792, n'avaient pu être oposés à l'Etat 32.

29 La proposition énoncée au texte n'est pas contraire à l'art. 2251, dont la véritable signification est, que la condition personnelle d'un individu et les circonstances particulières de fait dans lesquelles il se trouve placé, ne peuvent jamais autoriser à admettre une suspension de prescription qui ne serait pas établie par la loi. On forcerait le sens de cet article, si l'on voulait en conclure que la prescription court, en l'absence de disposition spéciale qui la suspende, malgré l'existence d'un obstacle légal qui s'op- poserait à l'exercice de toute action, même simplement interruptive. Voy. en sens contraire : Golmet de San terre, VIII, 358 bis, I et II.

80 Les créanciers qui ont demandé et obtenu leur admission au passit de la masse, ayant fait tout ce qu'ils pouvaient et devaient faire pour la conservation de leurs droits, et se trouvant privés, tant que dure l'état de faillite,de toute action individuelle, la prescription doit être suspendue en leur faveur. Cpr. Req., 28 février 1832, S., 32, 1, 537.

31 Vazeille, I, 314. Troplong, II, 726. Zachariae, § 211, note 21. Douai, 31 août 1824, S., 27, 1, 244. Agen, 21 juillet 1827, S., 28, 2, 147. Civ. cass., 21 juillet 1829, S., 29, 1, 371. Civ. rej., 18 février 1835, S., 35, 1, 721.

n Loi du 28 mars 1793, art. 43. Vazeille, I, 313. Troplong, II, 717. Le Roux, I, 588. Paris, 28 janvier 1828, D., 28, 2,139. Cpr. encore sur

500 DES DROITS RÉELS.

Mais on ne devrait pas, sur le fondement de la maxime Agere non valcnti, non ouvrit, prœscriptio, admettre une véritable suspension de prescription, à raison de difficultés ou impossibilités de fait qui auraient apporté temporaire- ment obstacle à l'exercice dune action. Seulement le juge serait en pareil cas, autorisé à relever le créancier ou le propriétaire des suites de la prescription accomplie pendant la durée de cet obstacle, si, après sa cessation, il s'était immédiatement mis en mesure de faire valoir ses droits. C'est ce qui a lieu, par exemple, dans le cas où, par suite d'inondation, d'invasion, ou de siège, les communications ont été momentanément interrompues entre le domicile du créancier ou propriétaire et celle du débiteur ou posses- seur33, et qu'il n'est pas intervenu à raison de ces circons-

un autre cas de suspension, à raison d'un obstacle légal qui s'opposerait àl'exercicede l'action : Req., 10 décembre 1838, S., 39, 1, 311.

33 La maxime Agere non valenti, non currit prœscriptio, étant extraite de la glose sur la loi première, § 2, G. de ann. excep. (7, 40), il importe pour en apprécier la portée, de ne pas perdre de vue l'espèce de cette loi, dans laquelle il est question de l'impossibilité légale et absolue, se trouvait le fds de famille, d'exercer, tant qu'il restait clans les liens de la puissance paternelle, les actions relatives à ses biens adventices. On com- prend que, dans les hypothèses l'obstacle à l'exercice d'une action pro- vient de la loi elle-même, la prescription doive demeurer suspendue tant qu'il n'est pas levé, la loi ne pouvant pas ne pas tenir compte d'un obs- tacle qu'elle a créé elle-même. Mais la même raison ne milite pas en fa- veur de la suspension de prescription, lorsqu'il ne s'agit que d'un obsta- cle de fait ; et du silence même que le législateur a gardé en présence de la controverse qui existait autrefois sur ce point, on est amené à conclure qu'il n'a pas voulu attacher à des obstacles de cette nature, une véritable suspension de prescription. On doit d'autant moins hésiter à le décider, que, d'après le système contraire, on serait obligé de défalquer, dans la supputation du délai requis pour la prescription, l'espace de temps qui s'est écoulé pendant la durée de l'obstacle, alors môme qu'il aurait cessé bien antérieurement à l'accomplissement de la prescription, et qu'ainsi celui contre lequel elle courait, eût eu toute facilité pour l'interrompre, ce qui ne serait, ni conforme à l'esprit de la loi, ni commandé par des con- sidérations péremploires d'équité. Le seul tempérament qu'on puisse ad- mettre en vertu de pareilles considérations, est celui que nous avons in- diqué au texte. C'est dans cet esprit qu'est conçu l'avis du Conseil d'État des 25-27 janvier 1814. Voy. aussi : Paris. 30 août 1809, S., 10, 2, 81.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 214. 501

tances, de disposition législative ayant pour effet de sus- pendre la prescription33 bis.

Pour compléter l'explication des cas de suspension, il convient encore de remarquer que les personnes qui, d'a- près leur qualité ou la nature de leurs fonctions, seraient personnellement responsables de la non-interruption des prescriptions courant au détriment de ceux dont ils gèrent les biens, ne sont point admises à se prévaloir d'une pa- reille prescription accomplie à leur profit, bien qu'on ne puisse leur opposer une cause de suspension proprement dite.

C'est ainsi que le tuteur etle père administrateur légal ne peuvent invoquer, contre le pupille ou l'enfant dont ils ad- ministrent les biens, le bénéfice d'aucune prescription ou déchéance accomplie pendant la durée de leur responsabi- lité »\

C'est ainsi encore que l'envoyé en possession provisoire des biens d'un absent, le curateur d'une succession vacante, le syndic d'une faillite, et le maire d'une commune, ne sont pas admis à se prévaloir d'une prescription qui se serait accomplie, pendant la durée de leur gestion, au détriment de l'absent33, de la succession vacante, de la faillite, ou de la commune 3G.

Req., 28 mars 1810, S., 10, 2, 236. Arr. Cons., 12 novembre 1840, S., 40, 2, 472. Gpr. en sens divers : Dunod, part. I, chap. X. Merlin, Rép., Prescription, sect. I, § 7, art. 2, quest. 10. Vazeille, I, 315. Troplong, H, 727 et 728. Coin-Delisle, Revue de Droit français et étranger, 1847, IV, p. 285. Marcadé, sur l'art. 2251 , no 1. Zachariae, §214. Laurent, XXXII,42. Colmet de Santerre, VIII, 358 bis, II.

33 bis. Voyez sur la suspension des prescriptions et péremptions pen- dant la guerre de 1870-1871 : Décrets des 9 septembre, 3 octobre et 2 no- vembre 1870 ; loi du 26 mai 1871 . Voyez aussi la série des lois et des dé- crets qui ont successivement prorogé les délais de protêt et de recours en matière d'effets de commerce. Cette série commence par la loi du 13 aoûtl870, et finit avec celle du 4 juillet 1871.

34 Gpr. § 116, texte no 4, notes 11 et 12 ; § 120, texte 3 et note 7 ; § 123, texte et note 46. Laurent, XXXII, 73.

35 Duranton, XXI, 295. Zachariœ, §211, note 9 in fine.

36 Nancy, lOjanvier 1863, S., 63, 2,92. Cpr.Req., 13 novembre 1843, S., 43, 1, 857. Il ne faut pas conclure de cet arrêt que, dans l'opinion de

502 DES DROITS RÉELS.

Enfin, par une raison analogue, l'héritier bénéficiaire ne peut invoquer la prescription qui se serait accomplie au préjudice de la succession qu'il est chargé d'administrer37.

C. La suspension n'a d'autre effet que de rendre inulilc pour la prescription le temps pendant lequel elle a duré. C'est ce qu'on exprime en disant que, pendant ce temps, la prescription dort ou sommeille. Il en résulte qu'il est per- mis de compter comme utile à la prescription, non-seule- ment le temps postérieur à la cessation de la suspension, mais encore le temps antérieur à l'époque celle-ci s'est produite. Il y a mieux : l'existence dune cause de suspen- sion au moment même la prescription est devenue pos- sible, c'est-à-dire au moment de Droit commun elle prend son point de départ, n'empêche pas qu'elle ne doive être réputée commencée dans le sens des art. 1 561 et 2281 38.

Le bénéfice de la suspension ne peut, en général, être invoqué que par les personnes, ou contre les personnes, au profit desquelles, ou au regard desquelles, elle est éta- blie, et non par leurs cointéressés ou contre leurs cointéres- sés 89.

Ainsi lorsque, parmi plusieurs copropriétaires, ou plu- sieurs créanciers, même solidaires, il s'en trouve un au profit duquel la prescription a été suspendue, par exem- ple, pour cause de minorité, les autres ne sont pas admis à se prévaloir de cette suspension40. De même la suspen-

la Cour de cassation, les fonctions de maire ne font obstacle à l'accom- plissement de la prescription au profit de celui qui les exerce, qu'autam qu'il a celé à la commune les titres qu'elle avait contre lui. Voy. c<m. Req., 3 août 18.^7, S., 39, 1, 319. Cet arrêt, quoique bien rendu au foin nous parait contenir des motifs erronés, en ce qu'il suppose (prune pos- session, commencée anima domini, se transforme temporairement en pos- session précaire, par cela seul que le possesseur s'est trouvé investi de qualité d'administrateur des biens de la personne contre laquelle courait la prescription.

87 Duranton, XXI, 317. Zachariae, § 211, texteet note 11).

88 Cpr. § 213, note 1 ; § 215 bis, texte et note 8 ; g 537, note Ni. 39 Zachariae, § 211, texte, noies 10 et 22. Cpr. note ->l bis, suprà *°XeRoux,I,6l2. Laurent, XXXII, 74W«.Civ.rej.,f4aoûl L8iO,S.. iO,

1, 733. Voy. lés autres autorités citées à la note 1 1 du £U2(J8 bis. Cpr. aussi Civ. cass.,*12 novembre 1833, s., 33, 1, 82(1.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 214. 503

sion de la prescription en faveur de l'usufruitier, ne profite pas au nu-propriétaire41.

Réciproquement, le créancier en faveur duquel la pres- cription a été suspendue au regard de son débiteur princi- pal, ou d'un seul de ses codébiteurs, môme solidaires, ne peut invoquer le bénéfice de la suspension à l'égard de la caution ou des autres codébiteurs. C'est ce qui aurait lieu, par exemple, si le créancier avait épousé une femme soli- dairement obligée envers lui avec d'autres débiteurs 42.

La règle ci-dessus posée reçoit cependant exception, tant en matière réelle indivisible, qu'en ce qui concerne les obligations indivisibles aux termes des art. 1217 et 1218 48. Cette exception recevrait application dans le cas même où, par le résultat d'un partage, un droit indivisible serait tombé au lot de l'un des cointéressés au profit duquel la prescription n'avait pointété suspendue de son propre chef

H

41 Le Roux, I, 614. La Cour de Montpellier (7 février 1855, S., 56,2,280), a cependant jugé le contraire, en disant que la possession n'affecte que la jouissance, et que, si celle-ci appartient à un usufruitier contre laquelle la prescription n'a pu courir, la possession reste inefficace à l'égard du nu- propriétaire, par cela même qu'elle l'est à rencontre de l'usufruitier. Mais ce raisonnement repose sur une idée complètement inexacte. Si la possession se manifeste principalement par des actes extérieurs de jouissance, ce n'est pas une raison pour dire que la possession par un tiers d'un immeuble grevé d'usufruit, n'affecte que le droit de jouissance : elle manifeste, quand elle est exercée à titre de propriétaire, des prétentions à la pleine propriété, et s'attaque ainsi au droit du nu-propriétaire tout aussi bien qu'à celui de l'usufruitier. Comme il n'existe d'ailleurs entre ces deux droits aucun lien d'indivisibilité, il n'y a aucune raison pour faire profiter le nu-pro- priétaire, d'une suspension de prescription établie en faveur de l'usu- fruitier. Voy. encore : Laurent XXXII, 75.

42 Req., 23 février 1832, S., 32, 1,537. Le codébiteur solidaire au pro- fit de qui la prescription n'a pu courir (art. 2253 et 2257) est-il admis à l'invoquer du chef de son codébiteur au profit de qui elle s'accomplit ? Non, répond Colmet de Santerre <;Y, no 142 bis, V), mais le créancier ne pourra lui réclamer que sa part dans la dette. Au contraire, d'après Demo- lombe, XXVI, nos 412 à 415. il est autorisé à invoquer la prescription pour le tout. Cpr. Civ. cass., 8 décembre 1852, S., 52, 1, 795.

Art. 710, et arg. de cet article. Cpr. § 301, texte no 2, lett. c. Le Roux, 1,613. Laurent, XXXII, 70. Civ. cass., 25 mars 1861, S., 61, 1,433. 44 Non obstat art. 883. Cpr. g 625, texte no 1 in fine.

504 DBS DROITS RÉELS.

§ 215.

De l'interruption de la prescription.

A. Notions générales.

On dit que la prescription est interrompue, lorsque le cours en est brisé à un moment donné, de telle sorte que le temps antérieur à ce moment ne peut plus être compté, comme utile à l'accomplissement de la prescription.

L'interruption de la prescription est naturelle ou civile, suivant qu'elle est le résultat d'un simple fait matériel, ou d'un acte juridique. Art. 2242.

L'usucapion ne peut être interrompue directement que par un fait matériel de nature à entraîner, contre la vo- lonté du possesseur ',1a perte de la possession {usurpation . Mais elle peut l'être aussi indirectement par l'interruption civile de la prescription extinctive des actions réelles com- pétant à celui contre lequel courait cette prescription.

Les causes qui entraînent la perte de la possession ayant été développées au § 179, nous nous bornerons à rappeler ici que l'appréhension de la possession par un tiers, n'en emporte la perte définitive pour le précédent possesseur, et n'opère par suite interruption de l'usucapion, qu'autant que cet état des choses a duré plus d'une année. Art. 2243. Il est du reste indifférent, pour l'interruption de l'usuca- pion, que la perte de la possession provienne du fait de celui-là même contre lequel l'usucapion devait s'accomplir, ou qu'elle procède du fait de toute autre personne. Art. 2243.

La prescription extinctive ne peut, en général, être inter- rompue que civilement. Toutefois, la prescription qui, en

1 Cpr. Nimes, 9 novembre 1830, S., 31, 2, 194.

2 C'est pour cette raison qu'en Droit romain l'action en revendication, môme suivie de litiscontestation, n'empochait pas que l'usucapion ne s'ac- complît durant l'instance. Mais le défendeur était tenu, en vertu d'une obligation découlant de la litiscontestation, de restituer au demandeur la chose par lui usucapée, et pouvait môme ôtre astreint à fournir, pour garantie de cette obligation, la caution de dolo. L. 18, D. de rei vind. (6, \). Institutes, III, XVIII, %\, Accarias, Droit romain, II, 718.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 215. 505

matière de servitudes personnelles ou réelles, résulte du non-usage, est susceptible d'être interrompue par le fait matériel de l'exercice de ces servitudes. Cpr. art. 617 et 706.

B. Des causes d'interruption civile.

Les actes juridiques d'interpellation auxquels la loi ittache l'effet d'interrompre la prescription, sont, d'après es art. 2244 et 2245, les citations en justice ou en conci- iation, les commandements et les saisies.

a. Sous les termes citation en justice, on doit comprendre, îon-seulementles demandes introduites par exploit d'ajour- îement, mais encore toute demande régulièrement formée, l'importe par quelle voie 3. Par exemple, les demandes in- identes, reconventionnelles, ou en intervention, formées par equête, par acte d'avoué à avoué, ou même, selon les cas, >ar de simples conclusions *, les demandes en collocation >roduites dans un ordre ou dans une distribution par con- ribution 5, celles en admission au passif d'une faillite 6, en-

3 Merlin, Quest.. Interruption de prescription, § 2. Troplong, II, 62 à 567. Marcadé, sur les art. 224-2 à 2248, no 2. Laurent, XXXII, 92 t 93. Colmet de Santerre, VIII, 351 bis, X. Une citation en référé inter- )mpt-elle la prescription? Voir pour l'affirmative Bertin, Journal le Droit u 27 août 1879. Pour la négative, Paris, 12 mai 1877, S., 77, 2 195, et inclusions de M. l'avocat général Desjardins données devant la Chambre vile de la Cour de cassation (S.. 79, 1, 405). Amiens. 16 mars 1880, ., 80, 2, 317. Civ. rej., 5 juin 1883, S., 84, 1, 49 et les observations e Labbé; D., 83, 1, 373. Cette dernière opinion nous parait préférable :i principe. Si cependant, la citation en référé contenait des conclusions nclant à faire reconnaître le droit soumis à prescription, ces conclusions, instituant une véritable demande en justice, devraient être considérées )mme interruptives, bien que le juge du référé fut incompétent pour en mnaitre. Art. 2247.

4 Merlin, Hép., vo Compensation, § 2, 7. Troplong, II, 562. Zacha- ae, § 213, note 8. Le Roux, 1, 498. Laurent, loc. cit. Colmet de San- rre, VIII, 351 bis. XL Req., 3 frimaire an XI, S., 3, 2, 485. Req., 12 dé- labre 1826, S., 27, 1, 244. Req., 25 janvier 1837, S., 37, 1, 225. Civ. iss., 19 juillet 1841, S., 41, 1, 763.

5 Laurent, XXXII, 93.Voy. cep. Colmet de Santerre, VIII, 251 bis, XII. 3 dernier auteur estime que la prescription n'est pas interrompue par une îmande en collocation dans un ordre. Rouen, 3 mars 1856, S., 57, 2, 742.

8 Troplong, 11,719.

506 DES DROITS RÉELS.

fin les requêtes introductivcs d'instance devant une jui diction administrative 7.

La citation en justice interrompt la prescription, lo même cpi'elle est donnée devant un juge incompétent. n'y a pas à distinguer sous ce rapport entre l'incompétent ratione personae et l'incompétence ratione materise 8. Il in porte peu que la citation ait été suivie d'un jugement di clarant cette incompétence 8 bis. Art. 2246. 9

7 Orléans, 28 mai 1842, D., 44, 2, 12. Mais les réclamatio adressées à l'administration par voie gracieuse et les oppositions à pareilles réclamations, ne constituant pas de véritables demandes en ju tice, n'interrompent pas la prescription. Req., 26 juillet 1864, S.. 64b 438. Voy. cep., quant aux réclamations concernant les arrérages de rent sur l'Était: Avis du Conseil d'État des 8-13 avril 1809 (Locré, Lég., X\ p. 602). Gpr. Loi du 29 janvier 1831, art. 10, lequel dispose que la d ebéance n'est pas applicable aux créances dont l'ordonnancement et paiement n'auraient pu être effectués dans les délais déterminés par le de l'administration. Voy. sur ce qu'il faut entendre à cet égard, Dinnesi; et Pallain, Le Trésor public, p. 410. Lafcrrière, Juridiction administrais II, p. 239.

8 Vazeille, I, 194. Troplong, II, 596. Duranton, XXI, 283. Le Roux, 479. Laurent, XXXII, 97. Zachariaa, § 213, note 10 bis. Orléans, 28 m 4842, D., 44, 2. 12. Cpr. Req., 9 mai 1838, S., 38, 1, 861. Mais la I chéânee quinquennale ne serait pas interrompue par une demande fc mée devant une juridiction incompétente. Laferrière, Juridiction adm nistrative, II, p. 240. Arr. Cous., 19 mai 1853.

8 bis, Req., 17 décembre 1849, S., 50, 1, 122. Non obstat, art. 22 o Si la demande est rejetée.... » Le juge qui déclare son incompétence rejette pas pour cela la demande: il serait en effet contradictoire que juge fût réputé rejeter une demande dont il a déclaré ne pouvoir connaitr

,J Suivant Marcadé (art. cit.. 3), il serait difficile de concilier la A position de cet article avec celle de l'art. 2247, qui statue que l'interru tion doit être regardée comme non avenue, lorsque l'assignation < nulle par défaut de forme. Mais la difficulté que s'est créée cet autei pour avoir à tort considéré comme entachée de nullité, une assignat) donnée devant un juge incompétent, n'existe pas en réalité. En déclai son incompétence, le juge ne prononce pas, et ne pourrait pas mèi prononcer l'annulation de l'assignation par laquelle il a été indûnj saisi. La disposition de l'art. 2247 s'explique d'ailleurs naturellement cette idée qu'une assignation; quoique donnée devant un juge incoraj lent, est, au point de vue de l'interruption de la prescription, une ma testation suffisante de l'intention du, propriétaire ou du créancier d'exi

.'.'■

DE LA PROPRIÉTÉ. § 215. 507

Si, au contraire, l'assignation est nulle pour défaut de forme, l'interruption est regardée comme non avenue 9 bis, Vrt.2247.On doit, sous ce rapport, considérer comme un dé- faut de forme, l'omission du préliminaire de conciliation dans les cas il est exigé 10. Mais l'absence de l'autori- sation dont le demandeur aurait eu besoin pour introduire >a demande dune manière régulière, ne constitue pas un vice de forme de nature à entraîner la nullité de l'assigna- tion, et n'empêche par conséquent pas qu'elle ne produise interruption de prescription **. Du reste, comme les nullités n'opèrent pas de plein droit, et qu'elles sont d'ailleurs sus- ceptibles de se couvrir, l'interruption de prescription n'est réellement à considérer comme non avenue, qu'autant que [assignation a été annulée n bis.

L'interruption est également à regarder comme non avenue, si le demandeur se désiste de sa demande I2, s'il laisse prononcer la péremption de l'instance 18, ou que

;er ses droits. Maleville, sur l'art. 52:247. Laurent, XXXII, 97. Req., 17 lécembre 1849, S., 50, 1, 122.

9 bis Req., S mai 1879, S., 79, 1, 313.

10 Arg. art. 65 du Gode de procédure. Troplong, II, 600. Laurent, XXXII, 95. Le Roux, 1, 485. Colmet de Santerrc, VIII, 352 bis, IL Giv. rej., JO mai 1814, S., 14, 1, 201. Gpr. Giv. cass., 16 janvier 1843, S., 43, 1, H. Voy. cep. Marcadé, art. cit., no 9.

11 Voy. § 114, texte, notes 10 et M ; § 472, texte n°ll, notes 101 et 102. Vazeille, 1,195 à 198. Troplong, 11,599. Zachariîe,§ 213, note 1 1. Le Roux, [, 487. Laurent, XXXII, 96. Cpr. Req., 24 décembre 1828, S., 29, 4, 156.

11 bis. Laurent, XXXII, 94.

12 Gpr. Gode de procédure, art. 402 et 403. Toutefois, le désistement motivé sur l'incompétence du juge devant lequel la demande a été portée, a'enlèverait pas plus à cette demande son effet interruptif, que le juge- aient qui, à défaut de désistement, aurait déclaré l'incompétence. Arg. art. 2146. Marcadé, loc. cit., no 3. Laurent, XXXII, 98. Gaen, 8 février 1843, S., 43, 2, 242. Grini. cass., U mars 1884, 1)., 85, I, 90. Gpr. Gh. Munies cass., 27 février 1865, D., 67, 1, 93. Crim. rej., 14 mars 1884, I)., -s;;, l, 90.

13 Giv. cass , 29 juin 1846, D., 81, 1, 73, sous-note a. Gpr. en ce qui :oncerne la suspension de prescription qui résulterait de l'effet suspensif le l'instance d'appel, fût-elle même déclarée périmée. Giv. cass., 14 février 1888. S., 90, 1, 313. Vov. en sens contraire la note de Ballevdier, S., loc.

508 DES DROITS RÉELS.

celle-ci vienne à s'éteindre par la discontinuation d poursuites pendant trente ans u, et enfin si la demande es rejetée ,5. Art. 2247.

Il importe peu, sous ce dernier rapport, que la demand ait été rejetée quant au fond et pour toujours, ou qu'ell n'ait été écartée qu'en l'état, en vertu soit d'une exceptio: péremptoire de forme, soit d'une exception dilatoire tiré du fond, laissant subsister le droit d'action 16.

cit. La simple discontinuation de poursuites pendant trois ans n'entraîn pas la péremption, dont l'effet peut être prévenu tant qu'elle n'a pas et demandée. Code de procédure, art. 399. Duranton, XXI, 266. Zacharig § 213, note 1-2. Laurent, XXXII, 99. Civ. cass., 19 avril 1831. S., 31, 162. Gpr. Req., 6 décembre 1876, D., 77, 1, 257 et la note.

14 L'instance ou plutôt l'effet du contrat judiciaire formé entre les pai ties, se prescrit, indépendamment de toute demande en péremption, pa trente ans, à partir du dernier acte de procédure, de telle sorte que Fini tance ne peut plus, après ce délai, être utilement reprise. Merlin, Rêp< \o Prescription, sect. III, § 8. 1. Le Roux, I, 491. Laurent, XXXII 100.Civ.rej., 23 novembre 1831, S.. 32,1, 67. Civ. rej., 16 janvier 1831 S., 37, 1, 105. Req.. 2 août 1841, S., 1, 41, 776. Douai, 24 novembr 1851, S., 52, 2, 62. Toulouse, 11 août 1855, S., 56, 2, 120. Req., 6 ma 1856, S., 56, 1, 887. Voy. en sens contraire : Cbauveau sur Carré, Loi de la procédure, quest. 1413. Bourbeau, Théorie de la procédure, V, p 613 et suiv.

15 Le Roux, I, 496. Laurent, XXXII, 101. Cpr. Req., 14 novembre 186( S., 61, 1, 725. Lyon, 1er décembre 1864, S., m, 2. 22. Req., 4 juillet 186* S., 66, 1, 315. La radiation du rôle n'enlève pas à l'assignation son eflfc interruptif.

16 La disposition finale de Fart. 2247 suppose évidemment que la m mande n'a été écartée que par une fin de non-recevoir qui ne s'oppos pas à sa reproduction ultérieure ; car, si les prétentions du demandeii avaient été rejetées quant au fond, la question d'interruption de prescrip tion ne présenterait aucun intérêt, puisque le défendeur n'aurait plus bc soin d'invoquer la prescription, et pourrait repousser, par l'exception d ebose jugée, toute demande nouvelle dirigée contre lui. Maleville, su l'art. 2247. Duranton, XXI, 266. Zachariae, § 213, note 13. Cela posé, est évident qu'il n'y a pas à distinguer entre les deux hypothèses ind: quées au texte, et que la seule question est de savoir si l'instance a M définitivement vidée, ou si elle est à considérer comme subsistant encore en d'autres termes, si le demandeur se trouve, par l'effet du jugemenl dans la nécessité d'introduire une demande nouvelle, ou s'il loi suffil pour faire valoir ses droits, de reprendre les errements de l'ancienne Civ. cass., 5 mai 1834, S., 34, 1, 403. Civ. cass., 14 juin 1837. S.. I

DE LA PROPRIÉTÉ. § 215. 509

Mais l'interruption de prescription ne serait pas à con- sidérer comme non avenue, si la demande n'avait été écartée que provisoirement, sous forme de sursis ou de fin le non-procéder, de telle sorte que l'instance ne se trouvât pas définitivement vidée 1T.

b. La citation en conciliation interrompt la prescription lu jour de sa date, mais à la condition qu'elle soit suivie, lans le mois à compter de la non-comparution ou de la ion-conciliation, d'une assignation en justice. Art. 2245 îbn. Gode de procédure, art. 57 n bis.

La citation en conciliation estinterruptive de prescription, )ienque l'affaire soit dispensée du préliminaire de concilia- ion 18 ; et ce, même dans le cas elle ne serait pas susceptible de se terminer par transaction 19.

■84. Bordeaux, 6 janvier 1841, D., 41, 2, 128. Voy. cep. Troplong, I, 610. La critique dirigée par cet auteur contre le premier de ces arrêts, le nous parait pas fondée ; elle ne repose que sur une confusion en- rc la demande et faction. Une demande rejetée, même en l'état seule- ment, n'en est pas moins rejetée d'une manière définitive, puisqu'un pa- eil rejet, quoique laissant subsister le droit d'action, emporte toujours xtinction de l'instance. Le Roux, I, 496. Laurent, XXXII, 101 et >;ige 113, note 2. Giv. rej., 30 mai 1814, S., à sa date. Req., 7 juin 1869, .,69,1, 420. Giv. rej., 8 janvier 1877, S., 77,1, 147. Voir cependant lerlin, Quest., Interrupt.de presc, no II. '' Le Roux, 1, 496. Req., 28 juin 1837, S., 37, 1, 780.

17 bis. Quanta la raison d'être de cette disposition légale, Voy. Marcadé, III, art. 2246, 6. Le Roux, I, 469. Laurent, XXXII, 102. Gpr. en >ns divers : Giv. cass., 16 janvier 1843 et Aix, 22 décembre 1843, D., ép., Presc. civile, no 547.

18 Delvincourt, II, p. 640. Favard, ïiép., Prescription, sect. II, §3, rt. 2. Vazeille, 1, 191. Troplong, II, 592. Duranton, XXL 265 in fine. De réminville, De la minorité, I, 505. Ghauveau sur Carré, Lois de la pro- ■dure civile, quest. 248 bis. Marcadé, art. cit., no 8. Zacharia1, § 213, 'xte et note 9. Montpellier, 9 mai 1838, S., 38, 2, 492. Voy. en sens jntraire: Req., 17 janvier 1877, S., 78, 1, 165, et la note.

19 Si la loi a attribué à la citation en conciliation, l'effet d'interrompre prescription, ce n'est point par le motif qu'elle peut conduire à une

ansaction, mais bien parce qu'elle fait connaître au défendeur les pre- nions du demandeur, et son intention de les faire valoir judiciairement, effet interruptif de la demande en justice dont la citation en concilia- on doit être suivie dans un bref délai est censé remonter au jour pour

510 DES DROITS RÉELS.

La comparution volontaire du défendeur au bureau < paix produit, lorsqu'elle est constatée par un procè verbal de non-conciliation, le même effet qu'une citatioQj

c. Un commandement n'interrompt la prescription qu'a tant qu'il est régulier en la forme, et qu'il a été fait à requête d'un créancier autorisé à procéder par cette voie : Mais il n'est pas nécessaire que, dans un aélai quelconqn

la première t'ois ces prétentions ont été extrajudiciairement notifiées. 1 vard, Va/.eille, Dnranton, Marcadé etZacharia^, locc. ciil. LeRoux,I,no 41 Req., 9 novembre 1809, S., à sa date. Cpr. § 548 bis, texte et n( 34. Voy. cep. Delvincourt, Chauvean et Troplong, locc. citt. Lan r oi XXX1L105. Rouen, Ui décembre 184u2, S., 43, t, Hùf Req., 47 janvier 181 précité. Vainement, pour contester la proposition énoncée au lexi veut-on soutenir que le préliminaire de conciliation serait frustratoire, i moment il n'y a pas possibilité de transaction. Mais de ce qu'un ac cesse exceptionnellement d'être obligatoire, il n'en résulte point qu'il soit plus facultatif. D'ailleurs l'exception même peut être fort douteuse < droit, et il est plus sage de laisser au demandeur la faculté de se soustrai a la déchéance à laquelle il s'exposerait s'il se trouvait en dehors d'un I d'exception. C'est résoudre la question par la question que de déciil avec la chambre des Requêtes (arrêt précité de 1877), que dans les allai r dispensées de conciliation, ce préliminaire serait frustratoire, qu'il Si sans résultats, et que par suite, il ne pourrait interrompre la prescripti< En effet l'art. 2245 déclare que la citation en conciliation est interrupÉ sans limiter cette conséquence au cas la citation est obligatoire. 1)( elle ne peut être considérée comme frustratoire, et elle a pour effet d' terrompre la prescription. Néanmoins, dans le cas très particulier préliminaire de conciliation a été écarté dans l'intérêt du défendeur, cou par exemple en matière d'action rédhibiloire, on peut admettre qi n'est point interruptif. Giv. cass., 3 mai 188°2, S., 84, 1, °28. Mais alors s'agit de déchéance plutôt que de prescription. Cpr. VIII, §771, note

20 Arg. art. 48 du Code de procédure. L'objet de la citation, qui mettre les parties en présence au bureau de conciliation, se trouvant n pli par leur comparution volontaire, on doit attribuer à cette comparut le même effet interruptif qu'à la citation. Vazeille, I, 186. Troplong. 590. Chauveau sur Carré, op. cit., quest. 249. Boncenne, Théorie de procédure civile, II, p. 89. Taulier, VU, p. 4M. Marcadé, loc.cit., Zachariœ» §243, texte et note 10. Laurent, XXXII, 104. Le Roux. 471. Voy. en sens contraire : Duranton, XXI, 266.Colmar, 15 juillet 18( S., 14, % 89.

21 Req., 8 juin 1841, S., 41, 1, 478. Req., 4 janvier 1842, S., 1% 533. Le commandement interrompt également la prescription acquis*! Laurent, XXXII, 107 et 413.

t>E LA PROPRIÉTÉ. | 215. 511

il soit suivi d'une saisie 22. D'un autre côté, le commande- ment conserve son effet interruptif, alors même que la saisie dont il a été suivi aurait été déclarée nulle 23.

On doit, en ce qui concerne la prescription de l'action hypothécaire, assimiler à un commandement, la sommation adressée au tiers détenteur de payer ou de délaisser **, avec cette différence, toutefois, que cette sommation tombe en péremption, et perd ainsi tout effet interruptif par la discontinuation des poursuites pendant trois années 25.

Les actes extrajudiciaires (significations, sommations, interpellations) autres que ceux dont il vient d'être parlé, n'interrompent pas la prescription 26. Il en est ainsi notam- ment de la signification du transport faite au débiteur de la créance cédée, même avec défense de payer en d'autres mains qu'en celles du cessionnaire 27 ; et ce, bien que

-2 II en est ainsi notamment du commandement préalable à la saisie immobilière, qui n'en conserve pas moins son effet interruptif, quoiqu'il n'ait pas été suivi de saisie dans les trois mois de sa date. Delvincourt, II, p. 639 et 640. Troplong, II, 575. Laurent. XXXII, 108.

23 Troplong, II, 690. Laurent, loc. cit.

** Arg. art. 2169, cbn. 2176. Grenier, Des hypothèques, II, 517. Tro- plong, II, 579. Zachariœ, § 293, note 7. Laurent,' XXXII, 109 et XXXI.521. Req., 27 décembre 1854, S., 54, 1, 113. Cpr. Req., 28 novembre 1831, S., 32, 1, 24. On devrait également considérer, comme interruptive de prescription, vis-à-vis de l'acquéreur ou de l'adjudicataire d'un immeuble hypothéqué, la sommation qui lui serait laite par un créancier, de se pré- senter à l'ordre ouvert pour la distribution du prix, et d'y l'aire valoir ses droits. Riom, 2 janvier 1858, S., 58, 2, 188. Mais il en serait autre- ment, à notre avis, de la sommation au tiers détenteur de faire procéder à l'ouverture de l'ordre, une pareille sommation étant sansobjet,en ce que chaque créancier peut lui-même provoquer cette ouverture. Voy. cep. Trop- long, II, 567. Grenoble, 2 juin 1831, S-, 32, 2, 6±2.

23 Arg. art. 2176. Merlin, Hèp., Commandement, 18. Troplong, II, 580. Laurent, XXXI, 257 et 258. Toulouse, 22 mars 1821, S., 21, 2,348. Bordeaux, 12 août 1857, S., 58, 2, 201.

26 Delvincourt, II, p. 639 et 640. Merlin, Hep., Interruption de pres- cription, n°5. Troplong, 576 à 578. Duranton, XXI. 267. Zachariœ, §213, note 8. Laurent, XXXII, 110. Giv. rej., 10 décembre 1827, D., Rép., v<> Prescription civile, n<> 498. Pau, 20 juillet 1870, L)., 72, 270.

27 Merlin, op. et citt., n<> 11. Troplong, 11,571 et 572. Marcadé,ar/. cit., no 5. Laurent, XXXII, 111. Toulouse, 21 mars 1821, S., 21, 2, 348.

512 DES DROITS RÉELS.

cette créance ait été antérieurement frappée de saisie 28 Quant à la signification faite à l'héritier, conformémel à l'article 877, d'un titre exécutoire contre le défunt, or doit lui refuser tout effet interruptif dans le système qu permet de joindre un commandement à cette signification Sf Mais, dans le système contraire, il semble qu'une pareilh notification opère interruption de prescription, pourvi qu'elle soit suivie d'un commandement fait à l'expiratioi de la huitaine 30.

d. Toutes espèces de saisies sont interruptives d< prescription. Il en est ainsi notamment de la saisie-arrêt 31 qui, dans l'intérêt du saisissant, a même pour effet din terromprela prescription, non-seulement en ce quiconconu 'Sa propre créance, mais encore quant à la créance de sor débiteur contre le tiers saisi 82. Une saisie n'interrompt 1;

Paris, 49 avril 1831, S., 32, 2, 25. Nîmes, 6 mars 1832, S., 32, 2. 321 Voy. en sens contraire : Vazcille, I, 205.

28 Laurent, XXXII, 111. Voy. en sens contraire : ïroplong et Marcadé locc. citt. A l'appui de leur opinion, ces auteurs invoquent le principe que la signification du transport d'une créance, déjà frappée de saisic-ar rôt, vaut opposition. Ce principe est sans doute incontestable, en ce qu concerne les rapports du cessionnairc et des tiers saisissants. Mais il n'ej résulte nullement que, Yis-à-vis du débiteur lui-même, la signification di transport constitue un acte équivalant à commandement ou à saisie.

29 Voy. sur la controverse qui s'est élevée à ce sujet : § 617, note H

30 Cpr. Laurent, XXXII, 112. Bordeaux, 11 janvier 1856, S., 56. i 721. Voy. aussi : Toulouse, 27 mars 1835, S., 35, 2, 471. Riom, 14 jan vier 1843, S., 43, 2, 93. Ces deux arrêts attachent un effet interruptif à 1 notification faite en conformité de l'art. 877, sans exiger la condition in diquée au texte.

31 Vazcille, I, 205. Troplong, II, 570. Riom, 4 mars 4847, D., 47, î 112. Lyon, 7 janvier 186S, D., 68. 2, 62. Req., 25 mars 1874, 1)., 74, ! 367. Besancon, 28 avril 1875. J).,78, 2, 74. Cpr. D. flé/?.,voPrescripticH civile, no 493. Vov. en sens contraire: Bordeaux, 13 mars 1X28, S.. 28 2, 284.

32 Laurent, XXXI1,U6.— Le Houx, 1, 568. Vazcille (loc. cit.)\a trop luii en disant que « la saisie signifiée interrompt la proscription. tout à la fois c « faveur du saisissant contre le débiteur direct, et en faveur (h1 celui-ci cou « tre le tiers saisi. » En effet, le créancier qui exerce les droits et action de son débiteur, ne les sauvegarde que pour les besoins et dans la mesur de ses proprés intérêts. Troplong (II, 646)j se plaçante un autre point il

J

DE LA PROPRIÉTÉ. § 215. 513

prescription, qu'autant qu'elle a été régulièrement signifiée ou dénoncée au débiteur, dans les délais prescrits par la loi 33. Mais aussi, dans ce cas, l'interruption de prescription remonte-t-elle au jour de la saisie même 3*.

e. En vertu de lois spéciales, la prescription est encore interrompue par la remise du mémoire préalable aux actions à intenter, soit contre l'Etat, soit contre des com- munes, ou des départements 3S. Toutefois, cette interruption est à considérer comme non avenue, si la remise du mémoire n'a pas été suivie d'une demande en justice, formée dans le délai d'un mois, à partir de l'époque la demande a pu être régulièrement introduite

36.

vue, exprime une opinion quimous parait plus inexacte encore que celle de Vazeille, lorsqu'il dit que la saisie-arrêt crée pour le débiteur saisi une impossibilité d'agir, et entraine ainsi en sa faveur une sorte de suspen- sion de la prescription. Si le débiteur saisi ne peut, au préjudice des droits du saisissant, exiger le paiement effectif de sa créance, rien ne l'em- pêche cependant d'agir, aux fins du moins d'interrompre la prescription.

33 Gode de procédure, art. 563, 565, 601, 628, 641 et 677. Il est à remarquer qu'en matière de saisie-arrêt, la dénonciation doit, à peine de nullité de la saisie, être accompagnée d'une demande en validité : faute d'accomplissement de cette formalité, le débiteur pourrait, en faisant pro- noncer l'annulation de la saisie, repousser l'interruption de prescription que le créancier voudrait en faire résulter. Laurent, XXXII, 117. Besan- con. 28 avril 1875, D., 78, 2, 74. Voy. en sens contraire : Vazeille, I, 204; Zacharias, §213, note 7.

34 L'art. 2244 porte, en effet, que la prescription est interrompue par la saisie signifiée, et non pas par la signification de la saisie.

3J Loi des ^8 octobre-5 novembre 1790, tit. III, art. 15. Loi du 10 août 1871, art. 55 ; loi du 5 avril 1884, art. 124. La présentation du mémoire dont il est ici question n'est pas interruptive de prescription, lorsque, comme en matière d'actions possessoires, cette formalité ne constitue pas un préalable indispensable à l'introduction de la demande. Req., 28 no- vembre 1864, S., 65, 1, 32.

36 C'est ce qui résulte explicitement pour les actions contre les départe- ments et contre les communes des dispositions des lois susvisées de 1871 et de 1884. Quant aux départements, les deux derniers §§ de l'art. 55 de la loi du 10 août 1871 sont ainsi conçus : « L'action ne peut être portée «devant les tribunaux que deux mois après la date du récépissé, sans pré- « judice des actes conservatoires : La remise du mémoire interrompra la « prescription, si elle est suivie d'une demande en justice dans le délai de « trois mois ». Les mêmes dispositions se retrouvent dans l'article 124 de ii 33

514 DES DROITS REELS.

f. Enfin, la force des choses conduit à reconnaître que le compromis est interruptif de la prescription, en ce sens

la loi du 5 avril 4884, sur les communes. Ce qui revient à dire, puisque la demande ne peut être formée avant l'expiration de deux mois à dater de la remise du mémoire, qu'elle doit l'être, ainsi qu'il est dit au texte, dans le mois à partir de l'époque elle a pu être régulièrement introduite. Nous pensons que les mêmes règles doivent être appliquées aux actions intentées contre l'Etat, bien que la loi précitée des 28 0Ctbbre-5 novembre 1790, tit. III, art. to, se borne à fixer à un mois le terme avant lequel !a demande ne peut être formée, et ne subordonne pas expressément l'effet interruptif du mémoire à la condition qu'il soit suivi, dans un délai dé- terminé, d'une demande en justice. On a voulu induire de que à l'égard de l'Etat tout au moins, le mémoire est par lui-même, à l'instar d'un com- mandement ou d'une saisie, interruptif de prescription. Cette conclusion ne nous parait pas acceptable. Un mémoire se trouvent simplement énon- cées les prétentions du demandeur, et l'intention de les faire valoir en justice, n'a évidemment pas, de sa nature, la même valeur au point de vue de l'interruption de la prescription, que des actes de poursuites. Tout au plus pourrait-on l'assimiler à un acte extrajudiciaire : or, il est de prin- cipe que les actes extrajudiciaires ne sont pas interruptifs de prescription. Si le législateur a cru devoir exceptionnellement attribuer au mémoire un effet interruptif, ce n'a pu être qu'à raison de sa relation avec la de- mande dont il annonce l'introduction en justice, et qui, devant le suivre dans un délai rapproché, lui communiquera rétroactivement l'effet inter- ruptif que cette demande est seule susceptible de produire. Le système contraire, suivant lequel le mémoire serait par lui-même et indépendam- ment de toute demande en justice, interruptif de prescription, conduit à des conséquences qui le condamnent irrémissiblement. 11 en résulterait, s'il s'agissait, par exemple, d'une prescription de 30 ans, qu'on pour- rait, au moyen de mémoires remis à la préfecture tous les 29 ans, éterniser les réclamations contre l'Etat qui n'aurait même pas, comme au cas d'une interruption produite par une demande en justice, la ressource d'en fain disparaître l'effet, après trois années d'inaction, au moyen d'une demande en péremption. Par suite la simple manifestation de l'intention de former une demande en justice aurait un effet interruptif plus énergique qu< l'introduction même de celte demande. On répond que la loi de 1790 n'ayan! pas indiqué le délai dans lequel le mémoire doit être suivi d'une demande en justice, il n'appartient pas au juge de la déterminer. Cette objectior se comprendrait, si le juge ne trouvait pas dans la législation le moyci de combler la lacune présentée par la loi de 1790, et si, de sa pleine au torité, il devait arbitrairement fixer le délai : mais elle disparaît en pré sence de l'art. .r>7, Pr. c. aux, termes duquel la citation en conciliatiûi n'interrompt la prescription qu'autant qu'elle a été suivie d'une deniand en justice dans délai d'un mois à partir de la non-comparution ou dcl

DE LA PROPRIÉTÉ. § 215. 515

qu'il empêche qu'elle ne puisse s'accomplir pendant la durée, conventionnelle ou légale, de la mission des arbi- tres. Mais il est entendu que cet effet interruptif disparai- trait, si le compromis venait à tomber en péremption 37.

Indépendamment des actes d'interpellation ci-dessus mentionnés, au moyen desquels le créancier ou le pro- priétaire interrompt par son faitle cours de la prescription, la loi considère encore, comme opérant interruption, lare- connaissance que le débiteur ou le possesseur fait du droit de celui contre lequel il prescrivait38. iVrt. 2248.

La reconnaissance à l'effet d'interrompre la prescription, peut avoir lieu expressément ou tacitement. La reconnais- sance expresse n'est soumise à aucune forme spéciale

39

non-conciliation, c'est-à-dire, dans le délai d'un mois à dater du jour cette demande a pu être régulièrement formée. Pour les actions à exercer contre l'Etat, actions qui ne sont pas soumises au préliminaire de conci- liation, le mémoire remis au préfet nous parait devoir remplacer ce préli- minaire, et dès lors, il y a lieu d'appliquer par raison d'analogie, les prin- cipes établis par l'article 57 précité. Nous pensons donc que le dépôt du mémoire n'est interruptif de prescription que s'il a été suivi d'une de- mande en justice dans le mois à partir du jour la faculté d'agir a pris son cours, soit par la réponse donnée au mémoire, soit par l'expiration du délai d'un mois écoulé sans réponse. Voy. en ce sens : Reverchon, Des auto- risations de plaider, n°s 72, 73. Foucart, Droit admin., II, 839. Ducrocq, Droit admin., II, 1046. D.,Rép., Communes, 1658, (sous l'empire de la loi de 1837). Voy. en sens contraire, un arrêt inédit de la chambre civile du 13 janvier 1875, rendu au vu de la loi de 1837. Il porte ce seul motif que « ni l'art. 51 delà loi de 1837, ni aucune autre disposition de cette loi « ne subordonne l'interruption de prescription qu'il fait résulter de la pré- « sentation du mémoire à la condition de l'introduction dans un délai dé- « terminé d'une demande en justice ». C'est ce motif que nous avons tenté de réfuter.

31 Cpr. Troplong, II, 561 et 594. Vazeille, I, 191. Laurent, XXXII, 119. Grenoble, le' août 1833, S., 34, 2, 19. Limoges, 29 avril 1836, S., 36, % 270. Toulouse, 4 juin 1863, S., 64, 2, 20.

88 De sa nature, l'interruption civile suppose un acte émané de celui contre lequel la prescription court. C'est en partant de cette idée, que Za- chariae 213) qualifie d'interruption improprement dite ou fictive, celle que la loi attache à la reconnaissance par le débiteur ou le possesseur, du droit du créancier ou du propriétaire.

89 II faut bien se garder d'étendre à la reconnaissance envisagée comme moyen d'interrompre la prescription, les dispositions de l'art. 1337, qui

516 "DES DROITS RÉELS.

elle peut se trouver dans une simple lettre missive, ou même être purement verbale40. La reconnaissance tacite résulte de tout fait qui implique l'aveu de l'existence du droit du créancier ou du propriétaire, par exemple, du paiement d'une partie delà dette, du service des intérêts ou arrérages, et d'une demande de délai41.

La reconnaissance n'exige pas l'acceptation de celui au profit duquel elle doit interrompre la prescription41 bis. Elle peut résulter de déclarations faites dans un inventaire après décès, et même d'actes passés avec des tiers 41 ^,par exem- ple, d'un acte de vente qui délègue l'acquéreur à payer son prix aux créanciers du vendeur, ou qui le charge de servir une rente affectée sur l'immeuble vendu 42.Elle peut égale- ment résulter d'offres réelles ou même d'offres verbales non acceptées, pourvu que les unes ou les autres aient été fai- tes purement et simplement et non à titre de transaction 43.

En matière de faillite, l'admission d'une créance au pas- ne s'appliquent qu'à la reconnaissance considérée comme moyen (le preuve. Happort au Tribunat, par Jaubert (Locré, Lég., XII, p. 521, n°23).

Vazeille, I, 210 et 212. Troplong, II, 614. Marcadé, art. cit., no 10. Req., l«r mars 1837, S., 37, 1, 999. Req., 20 juin 1842, S., 42, 1, 712. Req., 11 mai 1842, S., 42, 1, 980.

41 Toullier, X, 307. Vazeille. I, 212 et 214. Troplong, II, 618. Duran- ton, XXI, 269. Zachariae, § 213, note 14. Req., 1er mars 1837, S., 37, û 999. Gpr. aussi : Req., 4 janvier 1842, S., 42, 1, 533. Bourges, 28 juin 1843, S., 44, 2, 1. Giv. rej., 29 août 1860, S., 61, 1, 145. Besançon', 11 janvier 1883, D., 83, 2, 211.

" bis Giv. cass., 27 janvier 1868, D., 68 I, 200; S., 68, 1, 105.

41 ter. Douai, 28 novembre 1879, 'S., 81, 2, 32.

*8 Troplong, II, 610 et 615. Zachariœ, loc. cil. Bruxelles, 17 juin 1806, S., 6, 2, 358. Bordeaux, 7 mars 1831, S., 31, 2, 250. Toulouse, 13 août 1833, S., 34, 2, 20. Caen, 19 mars 1850, S., 52, 2, 282. Paris, 12 février 1853, S., 53, 2, 143. Grenoble, 25 janvier 1855, S., 55,2, 300. Req., 25 février 1863, S., 64, 1, 440. Cpr. aussi : Civ. cass., 23 lévrier 1831, S., 31,1, 184.

45 Vazeille, I, 221. Le Roux, I, 455. Laurent, XXXII, 127. Req., 4 jan- vier 1842, S., 42, 1, 553. Req., 30 janvier 1865, S., 65, 1, 131. Civ. cass., 27 janvier 1868, S.,68, 1, t05.Rouen,20 mars 1868, S., 69,2, 113. Req., 18 décembre 1883, 1)., 84, 1, 364; S.. 85, 1, 486.

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DE LA PROPRIÉTÉ. | 215. 517

sif de la masse, opère reconnaissance, tout comme son ins- cription au bilan déposé par le failli **.

Quant il s'agit de la prescription exstinctive de droits personnels, la reconnaissance, en tant que simplement in- terruptive, peut valablement être faite par toute personne jouissant de l'administration de ses biens, ainsi que parles administrateurs du patrimoine d'autrui, par exemple, par une femme séparée de biens, par un mineur émancipé, par un tuteur, ou par un mari *5.

Mais, en ce qui concerne l'usucapion ou la prescription ex- tinctive de droit réels, la reconnaissance n'est interruptive, qu'autant qu'elle émane d'une personne ayant la capacité de disposer des immeubles corporels ou incorporels dont la pres- cription aurait pour résultat de consolider l'acquisition i6.

La preuve de la reconnaissance interruptive de prescrip- tion, ne peut se faire que d'après les régies du Droit com- mun. Ainsi, le créancier qui prétend que la prescription a été interrompue, soit par une reconnaissance simplement verbale, soit par des paiements d'intérêts ou d'arrérages, n'est admis à faire la preuve de ces faits par témoins, qu'au- tant que le principal de la dette ou le capital de la rente n'excède pas 150 fr. 47, ou qu'il existe un commencement de preuve par écrit48. Ainsi, d'un autre côté, le créancier ne

** Troplong, II, 719. Req., 23 février 1832, S., 32, 1, 537. Bordeaux,. 24 février 1843, S., 43, 2, 288. Orléans, 11 mai 1861, S.. 63, 2, 65.

45 En payant une partie du principal devenu exigible, ou les intérêts de la dette, ces personnes interrompent valablement la prescription ; et dès lors il n'existe pas de raison pour ne pas leur reconnaître la capacité de l'interrompre de toute autre manière. Vazeille, I, 217. Paris. 29 avril 1814. S.. 14, 2, 241. Req., 26 juin 1821, 1)., op. et v<> citt., 604.

46 Ceux qui ne sont pas autorisés à disposer de droits réels immobiliers. ne peuvent pas non plus renoncer aux avantages d'une possession de na- ture à conduire à la consolidation de pareils droits. C'est pour ce motif que le tuteur, entre autres, ne peut pas, sans autorisation du conseil de famille, acquiescer à une action immobilière. Art. 464.

47 Cpr. § 762, texte 3 et notes 23. Civ. cass., 28 juin 1854. S.. 54, l,46o. Civ. cass.. 17 novembre 1858, S., 59, 1, 905. Voy. en sens con- traire : Bruxelles. 10 décembre 1812, S., 13, 2, 370.

48 Cpr. § 764, texte no 2 et note 10, texte no 3 et note 37. Req., 20 no- vembre 1839, S., 40, 1, 716.

518 DES DROITS RÉELS.

peut pas se prévaloir des énonciations portées dans ses registres domestiques ou livres de comptabilité, pour établir l'existence des paiements par lui allégués 49.

C'est à la reconnaissance envisagée comme moyen d'in- terrompre la prescription que se rapporte la disposition de l'art. 2263, d'après lequel le créancier d'une rente est, au bout de vingt-huit ans de la date du dernier acte qui constate l'engagement du débi-rentier50, autorisé à con- traindre ce dernier à fournir, à ses frais, un titre nouvel, afin qu'il ne puisse pas, en niant le service des arrérages, invoquer la prescription de trente ans 51.

La disposition de l'art. 2263, spéciale à l'hypothèse il s'agit d'une rente, c'est-à-dire d'un capital inexigible, ne saurait être étendue à celle le capital, bien que exigible, ne le serait cependant qu'après un terme de plus de 30 ans 52.

C. De l'étendue de V interruption et de ses effets.

L'interruption de la prescription ne s'étend pas dune action à une autre, de sorte que, dans le cas une per- sonne jouit de deux actions procédant du même titre ou des mêmes rapports, l'exercice de l'une de ces actions n'em- porte pas interruption de la prescription de l'autre, quel- que affinité d'ailleurs qui existe entre elles38. Spéciale-

49 Art. 1331. Cpr. § 758, texte et notes 1 à 8. Vazeille, I, 215. Troplong, II, 621. Fœlix et Henrion, Des rentes foncières, p. 440. Troplong, II, 621. Req., 11 mai 1842, S., 42, 1, 719. Voy. cep. Grenoble, 20 juillet 1821, Dev. et Car., Coll. nouv., VI, 2, 152. Req., 24 mai 1832, S., 32, 1, 439.

50 Cpr. Civ. cass., 23 février 1831, S., 31, 1, 184.

51 II est bien entendu que, si le créancier esta mémo de prouver régu- lièrement le service des arrérages, le débiteur ne pourra lui opposer au- cune déchéance tirée de l'absence de titre nouvel. Mareadé. sur l'art 2263, I. Le Houx. Il, 842. Laurent, XXXII, 382. Colmet de Santerre, VIII, 370 bis. Req., 20 novembre L839, S.. U), I, 716. Req., 17 juin 1882, S., 83,1, 82. Cpr. Paris, 19 juin 1866, S.. 67, 2. 33. Civ. cass. 27 janvier 1868, S., 68, 1, 105;

« 4rg. art. 2257. Troplong, 11,844. Mareadé, sur Part. 2263, n<> 3. Colmel de Santerre, VIII, 370 bî$ II. Laurent, XXXII, 381. Paris. 12 juin '1800, S., (17, 2, 33. Voy. en sens contraire : Taulier, ML p. '<83.

Troplong, IL 656 et suiv. Vazeille, L 225 etsuiv. Zachariae, §213,

DE LA PROPRIÉTÉ. § 215. 519

ment, la prescription de Faction en reddition d'un compte de tutelle, n'est pas interrompue par la demande en nul- lité d'un traité intervenue entre le tuteur et le mineur de- venu majeur, si d'ailleurs aucunes conclusions n'ont été prises pour demander une reddition de compte 5\

Toutefois, la demande tendant à obtenir une condamna- tion subordonnée à l'annulation ou à la rescision d'un titre, emporte virtuellement exercice de l'action en nullité ou en rescision de ce titre, et en interrompt la prescription. C'est ainsi que la demande en reddition de compte formée contre le tuteur par le mineur devenu majeur, interrompt la prescription de Faction en nullité fondée sur l'art. 472 55, et qu'une demande en partage interrompt la prescription de l'action en nullité d'un partage antérieur b6.

La règle que l'interruption de prescription ne s'étend pas d'une action aune autre, s'applique, à plus forte raison, au cas il s'agit d'actions procédant, entre les mêmes par- tics, de causes diverses, et à celui il est question d'ac- tions compétant contre des personnes différentes.

C'est ainsi que, d'une part, la demande en partage de biens héréditaires, fondée sur la dévolution légale de ces biens, n'est pas interrompue par l'exercice de l'action per- sonnelle ex testamento °\

C'est ainsi que, d'autre part, l'interruption de l'action hy- pothécaire, par la sommation faite au tiers détenteur, n'in- terrompt pas, même en ce qui concerne ce dernier, la pres- cription de Faction personnelle contre le débiteur b8 ; et

texte et note 16. Le Roux, I, 538. Laurent. XXXII, 137 et s. Cpr. Paris, 25 janvier 1831, S., 31, 2, 25-2. Nîmes, 6 mars 1832, S., 32, 2, 324.

3; Le Roux,I,o38. Laurent, XXXII, 88. Req. ,1er mai 1850, S. .50,1, 542.

M Le Roux, I, 539. Laurent, XXXII, 89. Req. ,2 mars 1837, S. ,37,1, 985.

sfi Bourges, 23 mars 1830, D., op et v;° citt., 484. Voy. aussi : Req., 14 juillet 1829, S., 29, 1, 397. Civ. rej., 7 janvier 1863, D., 63, 1, 226. Civ. cass., 21 avril 1863, D., 63, 1, 46.

37 Troplôflg, II, 664. Vazeille, I, 231. Nîmes, 6 mars 1832, S., 32, 2, 324. Voy. aussi : Douai, 13 janvier 1865, S., 66, 2, 61.

5* Le tiers détenteur pourra, malgré la sommation qui lui a été faite, se prévaloir de la prescription accomplie au profit du débiteur. Art. 2180,

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520 DES DROITS RÉELS.

que l'action en nullité, en rescision, ou en résolution, cTu acte translatif de propriété, formée contre l'acquérez n'interrompt pas la prescription de l'action endélaissemer contre le tiers détenteur69.

L'interruption naturelle de l'usucapion de la propriété profite au propriétaire, alors même que ce n'est pas parso fait,maispar celui d'un tiers, que le possesseur a été.pendari plus d'une année, privé de la possession. *9bis Art. 2243 Ce principe s'applique également à la prescription acquisi tive des servitudes personnelles ou réelles, et môme à 1 prescription exstinctive de l'action hypothécaire ouvert contre le tiers détenteur de l'immeuble hypothéqué. Arg art. 2180, 4, cbn. 2229.

, Au contraire, l'interruption civile de la prescription, soi acquisitive, soit exstinctive, ne profite, en général, qui celui dont elle émane et à ses ayants-droit ; et réciproque ment, elle ne peut être invoquée que contre celui à l'égan duquel elle a été opérée et contre ses ayants-droit 60.

Il suit de que, malgré la communauté d'intérêts qu peut exister entre diverses personnes, l'interruption civil émanée de l'un des copropriétaires ou cocréanciers seule

4. Merlin, Rép., Interruption de prescription, 12. Persil, Régim hypothécaire, II, p. 224. Grenier, Des hypothéqués, II, 519. Troplong, I 659et<660. Pont, Des privilèges et des hypothèques, II, 1253. Zachariœ, 293, note De. Riom, Il messidor an XI, S., 7, 2, 1113. Riom, 2 avri 1816, S., 17,2, 373. Civ. rej., 25 avril 1826, S., 26, 1,433. Riom, 6 juï let 1830, S., 33, 2, 647. Req., 8 novembre 1838, S. ,39, 1, 428. Voy. ei sens contraire : Grenoble, 2 juin 1831, S., 3-2, % 622. Cpr. Le Roux, 543. Laurent, XXXII, 143.

89 Troplong, II, 648 et 662. Bordeaux, 13 août 1829. S., 30, 2,98. Req. 28 novembre 1831, S., 31, 1, 429.

3I* bis. Le Houx, I, 431. Laurent XXXII, 144.

60 A persona ad personam non fit interruptio, née active, nec passive Laurent. XXXII, 91. Hcq., 21 décembre 1859, S., 60, 1, 449. Cpr. art 709, 1199, 1206, 2249 et 2250. Les dispositions de ces articles sont, évi demment exceptionnelles, et présupposent le principe énoncé au texte Dunod, Partie I, en., 9, p. 61 et suiv. Vazoille, I, 232. Troplong, II, 627 Duranton, XXI, 278 et 279. Zacharia-, § 213, texte et note 19. Laurent XXXII, 448 et 146. Le Houx, I, 131 et552. Civ. rej., 15 avril 1828, S. 28, I, 210. Colmar, 18 janvier J859,! S.. 59, 2, 382.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 215. 521

ment, ne profite point à ses consorts ; et que, réciproque- ment, celle qui a été opérée contre un seul des coposses- seurs ou codébiteurs ne peut être opposé aux autres.

Cette double conséquence doit être admise, même à l'é- gard des cohéritiers qui se trouveraient encore en état d'in- division01. Il y a mieux : l'interpellation faite à l'un des ^héritiers n'interrompt pas la prescription à l'égard des au- tres, alors même que, s'agïssant d'une dette hypothécaire, îette interpellation aurait été dirigée contre l'héritier létenteurde l'immeuble hypothéqué. Art. 2249, al. 2.

L'application delà règle ci-dessus posée, est cependant joumise aux exceptions suivantes :

a. L'interruption de prescription, émanée de l'un des Téanciers solidaires, profite à ses consorts ; et réciproque- nent, celle qui a été opérée contre l'un des codébiteurs lolidaires, peut être opposée à tous les autres. Art. 1199, [206 et 2249, al. 1 61 bis.

Mais, malgré la solidarité active, l'interpellation faite >ar un des héritiers de l'un des créanciers solidaires n'in- errompt pas la prescription au profit de ses cohéritiers ; •t, elle ne l'interrompt au profit des autres créanciers, que >our la part de cet héritier dans la créance solidaire. De nême malgré la solidarité passive, l'interpellation faite à un des héritiers d'un codébiteur solidaire, n'interrompt >as la prescription à l'égard des autres héritiers ; et, elle le l'interrompt vis-à-vis des autres codébiteurs, que pour

61 C'est bien à tort qu'on a voulu assimiler les cohéritiers qui se trou- ent encore en état d'indivision, à des coassociés, créanciers ou débiteurs olidaires. Cette assimilation est formellement repoussée en principe par isart. 873 et 1-2-20, et spécialement, en ce qui concerne l'interruption de description, par l'art. 2249. Pothier, De la prescription, 55. Yazeille, , 248 et 249. Troplong, II, 649. Le Roux, I, 553-555. Laurent, XXXII, il. Paris. 8 juin 1825. S., 25, 2, 265. Aix, 3 décembre 1831, 1)., 1832, 91 Pau, 11 mars 1861, D., 61, 2, 95. Cpr. Req., 23 janvier 1855, D., ■j, 1, 116. Voy. aussi en ce sens les arrêts cités à la note 2 du § 621. oy. en sens contraire : Riom, 20 décembre 1808, S., 9, 2. 123. iourges, 28 juin 1825, S., 26, 2, 136.

61 bis. Le Roux, I, 572, 573. Laurent. XXXII, 149; XVII, 263 et 304

307.

DES DROITS REELS.

la part de cet héritier dans la dette solidaire. Art. 2249 al. 2, 3 et 4.

b. En matière indivisible, soit réelle, soit personnelle f interruption de prescription, eût-elle été opérée par ui seul des intéressés, ou contre l'un d'eux seulement, pro fîte, ou est opposable à tous les autres62. Cette exception f même plus détendue que celle qui résulte de la solidarité en ce qu'elle reçoit son entière application, bien que l'in- terruption ne procède que de l'un des héritiers de l'un de* intéressés, ou qu'elle n'ait eu lieu que contre un de ces hé- ritiers. Art. 2249, al. 2.

Les obligations énumérées à l'art. 1221, ne rentrent pai dans l'exception dont il vient d'être parlé, et restent soumi ses à la régie générale ci-dessus établie, à cette modifica- tion près, que les poursuites dirigées pour le tout contre h codébiteur ou cohéritier passible de pareilles poursuites] interrompent à son égard la prescription, non-seulemenj pour sa part, mais pour la totalité de la dette 63. Spécia- lement, lorsque le cohéritier, détenteur des immeubles hy- pothéqués, a été en cette qualité poursuivi pour le tout, la prescription est interrompue, en ce qui le concerne, poui la totalité de la dette, sans qu'il puisse se prévaloir de la prescription qui se serait ultérieurement accomplie au profil de ses cohéritiers, à l'effet de soustraire à l'action du créan cier, une portion quelconque des immeubles hypothé- qués 6*.

62 Art. 709 et 2-249, al. 2, et arg. de ces articles. Gpr. § 301, texte, no- tes 21 et 22. Proudhon, DeVusufruit. VII, 3127. Vazcille, I, 245. Trop- long, II, 637. Laurent. XXXII, 149; VIII, 320 ; XVII, 396.

03 Cpr. §301, texte no 3, lott. d.

64 II résulte du rapprochement du 1 de l'art. 1221 et des alinéas pro mier et dernier du même article, que l'héritier, possesseur des immeuble: hypothéqués, peut, sur ces immeubles, être poursuivi pour le tout, noi: pas seulement comme un tiers détenteur ordinaire, mais en sa qualité à représentant du défunt, et ce, par exception au principe qui consacre II division des dettes entre les héritiers. En présence de ces textes, ou n< saurait se refuser à reconnaître que les poursuites dirigées pour le toul contre l'héritier possesseur des immeubles hypothéqués, à une époque <>i La créance, existe encore intégralement, ont nécessairement pour ett'el <li

DE LA PROPRIÉTÉ. § 215. 523

c. L'interpellation faite au débiteur principal interrompt i prescription contre la caution. Art. 2250 65. Mais lapro- .osition inverse ne saurait être admise : en d'autres termes, 3S poursuites dirigées contre la caution, même solidaire, 'interrompent pas la prescription de l'obligation princi- ale, prescription dont la caution elle-même pourra, le cas chéant, se prévaloir

66

)nserver les droits du créancier, dans toute l'étendue que comportent ■s poursuites qu'il a régulièrement exercées. On ne pourrait contester ïttc solution qu'en assimilant l'héritier, possesseur des immeubles hypo- léqués, à un simple tiers détenteur, pour tout ce qui excède sa part clans

delte. Gpr. texte et note 58 suprà. Mais cette assimilation, contraire la véritable situation des choses, puisque le défunt, est, en ce qui con- 'i ne la possession de l'immeuble hypothéqué, complètement représenté ir celui de ses héritiers qui possède cet immeuble, doit d'autant moins re admise, qu'elle ôterait toute signification aux dispositions précitées 3 l'art. 1224. Yazeille, I, 244. Voy. en sens contraire : Troplong, II, )9. Marcadé, sur les art. 2249 et 2250, 1. Rodière, De la solidarité

de l'indivisibilité, no 470. Le Roux, I, 571. Laurent, XVII, 408 ; XXXII, iO. Gpr. aussi : Req., 12 février 1829, S., 30, 1, 201. Cet arrêt, que roplong invoque en faveur de son opinion, ne nous paraît pas avoir dé-

iJé in terminis la question dont nous nous occupons. Dans l'espèce sur nielle il a statué, la cause interruptive delà prescription résultait d'une connaissance émanée de l'héritier possesseur des biens hypothéqués, ns qu'il fût établi, d'une manière certaine, que cette reconnaissance appliquât à l'intégralité de la dette ; aussi l'art. 1221 n'est-il pas même se dans cet arrêt.

65 Cet article décide, conformément à l'opinion vers laquelle inclinait othier {Des obligations, no 699), une question qui était autrefois contrô- lée. Il est douteux que la solution donnée par le Code soit la plus ju- dique, et qu'elle se trouve en harmonie avec la disposition de l'art. 2034, ix termes duquel l'obligation qui résulte du cautionnement peut s'étein- e pour elle-même, nonobstant la conservation de l'obligation principale, ir les mêmes causes que les obligations en général, ce qui comprend rtuellement la prescription, puisque cet article ne l'excepte pas. Art. 134. Dans le même sens, Laurent. XXXII, 151. Cpr. Le Roux, 1, 578. '''ù Delvincourt, III, p. 256. Duranton, XXI, 283. Taulier, VII, p. 467. •nsot, Du cautionnement, 526. Marcadé, sur les art. 2249 et 2250, 2. Laurent, XXXII, 152. Mourlon, III, nos 1888 à 1891. Voy. en sens ntraire : Vazeille, I, 251. Le Roux, 1, 579. Larombière, Des obligations y l'art. 1206, 3. Troplong, II, 635. En fondant son opinion sur ce ie le droit du créancier est un et identique, tant contre la caution e contre le débiteur principal, Troplong nous parait méconnaître le ca-

524 DES DROITS RÉELS.

La règle et les exceptions qui viennent d'être dévelop- pées, en ce qui concerne l'interruption civile proprement dite, s'appliquent également à l'interruption résultant de la reconnaissance, par l'un des débiteurs ou possesseurs, du droit de celui contre lequel courait la prescription, sauf l'appréciation, d'après les circonstances particulières a chaque espèce, de l'objet et de l'étendue de la reconnais- sance 67. Il est toutefois à remarquer que, lorsque la recon- naissance de la dette, par l'un des codébiteurs solidaires, ne résulte que d'un acte sous seing-privé, elle ne peut êtrf opposée aux autres, qu'autant que cet acte a acquis dato certaine avant l'accomplissement delà prescription 68.

Indépendamment des exceptions formellement admises par la loi, la règle d'après laquelle l'interruption de pres- cription ne s'étend pas d'une personne à une autre, est en- core virtuellement soumise aux modifications suivantes :

a. La demande en garantie formée par le défendeur, in- terrompt, dans l'intérêt du demandeur au principal, la prescription de l'action que celui-ci aurait pu directement introduire contre le garant 6î).

b. La saisie immobilière devenant, à partir de la men- tion opérée, sur les registres de la conservation des hypo- thèques, conformément à l'art. 693 du Code de procédure, commune à tous les créanciers inscrits, elle a virtuelle- ment pour effet d'interrompre, à dater de l'accomplissement de cette formalité, la prescription qui courait contre eux

. 70

ractère purement accessoire du cautionnement, et le transformer en une sorte d'obligation solidaire.

67 Zacharia;. § 213, note 15. Laurent, XXXÏI, 153.

68 Bordeaux, 23 décembre 4861, S., 62, 2, 319.

69 Vazeille, II, 236. Troplong, II, 642. Laurent, XXXII, 158. Req., I février 1820, S., 20, 1, 178. Civ. re.j., 27 mars 1832, S.. 32. 1 , 650.

70 11 est généralement reconnu que la saisie immobilière interrompt la prescription, au profit des créanciers hypothécaires, à partir du momettl elle leur est devenue commune. Mais il va divergence sur la doubla question do savoir, ;i quelle époque se produit cet effet : el si l'interrup- tion profite môme aux créanciers hypothécaires dispensés d'inscription ei non inscrits. Cpr. Merlin, Quest., Interruption de prescription, S--1)'

DE LA PROPRIÉTÉ. § 215. 525

c. L'interruption opérée par l'usufruitier contre le dé- ûteur ou contre le tiers détenteur d'une créance ou d'un mmeuble soumis à l'usufruit, profite non-seulement à Fu- ufruitier, mais encore au nu-propriétaire, et réciproque- nent T1.

d. Pareillement, l'interruption faite par le créancier ga- giste ou sur antichrèse, profite au propriétaire de l'objet lonné en nantissement.

Du reste, l'interruption opérée par l'héritier apparent, »u contre lui, profite à l'héritier véritable, ou lui est oppo- able 72.

L'interruption de prescription, en rendant inutile le emps antérieur au moment elle s'est produite, n'era- >êche pas qu'une nouvelle prescription, ne puisse com- tiencer à courir. Le point de départ de cette nouvelle pres- ription, varie d'après les distinctions suivantes 72 bis :

L'usucapion, interrompue naturellement, recommence à ourir du jour l'ancien possesseur est rentré en pos- ession. Il en est de même, au cas d'interruption naturelle, le la prescription acquisitive de servitudes personnelles ou éelles, et de la prescription extinctive de l'action hypothé- aire, qui courait au profit du tiers détenteur de l'immeuble ivpothéqué.

La prescription extinctive de servitudes personnelles ou éelles, interrompue, après un non-usage plus ou moins prolongé, par un acte d'exercice de la servitude, recom- nence à courir à partir de cet acte même.

Lorsque la prescription extinctive de droits personnels

été interrompue par un commandement ou par une saisie, e cours de la nouvelle prescription commence, dans le •remier cas, à dater du commandement même, et dans le

Troplong, II, 638 à 641. Le Roux, 1, 569. Grenoble. 2 juin 1831, ., 3-2, 2, 622.

71 Proudhon, De l'usufruit, IV, 2160 à 2163. Troplong, II, 656. Lau- int, XXXII, 157.

72 Vazeille, I, 249. Troplong, II, 650. Le Roux, I, 558. Cpr. Laurent, XXII, 159.

72 bis. Le Roux, 1, 430, 431 . Laurent, XXXII, 160.

526 DES DROITS RÉELS.

second, à partir, suivant les circonstances, soit du derniei acte de poursuite fait en exécution de la saisie, soit de la la clôture de l'ordre ou de la distribution par contribution qui en a été la suite 73.

L'interruption de la prescription résultant, au profit de* créanciers du failli, de leur admission au passif de la masse, n'a par elle-même qu'un effet momentané. Mais à cette interruption vient se joindre, au regard du failli, cl en vertu de la maxime Agere non valenti, non currit pr%s- criptio, une suspension de prescription, dont l'effet se pro- longe tant que dure l'état de faillite 74.

Quand la prescription a été interrompue par une inst;uic( judiciaire, l'effet interruptif dure aussi longtemps que l'instance elle-même, de telle sorte que la prescription, quelque courte qu'en soit la durée, ne peut s'accomplii durant l'instance 75. Actiones qu% tempore pereunt, semei

73 Gpr. Troplong, II, 687, 689 et suiv.

74 La Cour d'Orléans, par arrêt du 11 mai 1861 (S., 63, 2, 65), ajugtJ que l'état de faillite opère, en faveur des créanciers admis au passif de la masse, une cause permanente d'interruption, susceptible d'être opiner aux coobligés solidaires du failli. Mais cette manière de voir ne nous pa- rait pas exacte : les actes successifs faits par les syndics dans l'intérêt de la masse, pour la conservation et la réalisation des biens du failli, ne sau- raient être considérés comme interruptifs de la prescription des actions individuelles compétant à tels ou tels des créanciers, qu'ils ne représen- tent pas sous ce rapport. La question de savoir si, en pareille circons- tance, on ne doit admettre, en faveur des créanciers du failli, qu'une sus- pension de prescription, ou si, au contraire, les actes des syndics opèrent, à leur profit, des interruptions successives de la prescription de leurs ac- tions individuelles, est sansdoute sans importaneequant au failli lui-même ; mais elle présente un grand intérêt en ce qui concerne ses codébiteurs solidaires, puisque l'interruption pourrait leur être opposée, tandis que la suspension reste sans effet à leur égard. Gpr. Req., 28 février 1832, S., 32, 1, 537. Civ. cass., 5 janvier 1864, S., 64, 1, 85.

75 Arg. art. 2274. Gpr. texte, lett. 13, notes 13 et 14 suprà. Troplong, II, 683. Bravard et Démangeât, Traité de droit commercial, III, p. 563, Le Roux, I, 509,511. Laurent, XXXII, 162. Marcadé, VIII, p. 124«l suiv. Giv. cass., 19 avril 1831, S., 31, 1, 162. Voy. aussi, dans ce sons les arrêts cités à la note 76 infrà. Voy. en sens contraire : Zachariœ §213, texte et note 20. La seule question qui puisse, à notre avis, faijn difficulté, est de savoir si l'instance doit, au point de vue qui nous occupe

DE LA PROPRIÉTÉ. § 215. 527

nc/usœ judicio salvœ permanent. Cette règle reçoit ce- )endant exception dans le cas spécialement prévu par l'art. 89 du Code de commerce, en ce sens que la prescription ecommence à courir à partir du dernier acte de poursuite, [iiand même l'instance n'aurait pas été déclarée périmée 't devrait être considérée comme subsistante 76.

L'interruption proprement dite n'a point pour eli'et de

H'olonger le temps de la prescription. La nouvelle pres-

ription s'accomplira donc, à partir de la cessation de

interruption, par le même délai que se serait accomplie

•elle qui a été interrompue 77.

D'un autre côté, l'interruption laisse le possesseur ou le lébiteur dans l'état il se trouvait au moment la description a commencé à courir. Spécialement, le tiers icquéreur dont la bonne foi aurait cessé avant ou depuis

tre considérée comme liée par le seul effet de l'ajournement, ou s'il faut de lus qu'il ait été suivi de contestation en cause, ou tout au moins de la omparution du défendeur. Voy. dans le sens de la première opinion, ui nous parait préférable d'après les termes de l'art. 2274 : Troplong, ~>c. cit. Voy. pour la seconde solution : Rauter, Revue de législation, 836, Y, p. 133. Mais si l'inaction se prolonge pendant 30 ans, et si instance ne continue pas, la prescription s'accomplit. Le Roux, I, 507. .aurent, XXXII, 162.

76 Les termes de l'art. 189 sont trop formels, pour se refuser à y voir ne exception à la règle Actiones qux fempere pereunt, semel inclusse uiicio salvœ permanent, exception que justifie d'ailleurs l'intérêt qui s'at- iche à la sécurité des transactions commerciales. Giv. rej., 27 novembre 848, S., 49, 1, 253. Giv. eass., 24 décembre 1860, S., 61, 1, 364. Bois- ai, Droit commercial, 850. Lyon-Gaen et Renault, Précis, 1, 1284. Voy. en 3ns contraire : Bravard et Démangeât, loc. cit.

11 Troplong, II, 553, 679, 687, 695 et 698. Laurent XXXII, 168. Nancv, 8 décembre 1837, S., 38, 2, 222. Riom, 1852, S., 52. 2, 528. Voy. en ans contraire : Coulon, Quest. de droit, III, p. 105. Toulouse, 20 mars 835, S., 35, 2, 417. Cette dernière solution paraît avoir prévalu dans Tan- ienne jurisprudence; mais elle est contraire à la nature de l'interruption, ui, n'affectant pas le titre de la créance, et n'en changeant pas le carac- 3re, ne saurait avoir pour effet de proroger le temps au bout duquel doit accomplir la prescription ; et nous sommes d'autant plus portés à la -jeter sous l'empire de notre législation nouvelle, que l'art. 189 du Gode e commerce est rédigé dans un esprit diamétralement opposé.

528 DES DROITS RÉELS.

l'interruption, n'en pourrait pas moins prescrire par dix j vingt ans, à partir de la cessation de l'interruption 78.

L'interruption qui résulte de la reconnaissance, faite pa le débiteur ou possesseur, du droit du créancier ou di propriétaire, produit, à certains égards, des efîets plu: étendus (pie l'interruption proprement dite.

C'est ainsi que le tiers acquéreur, avec juste titre e bonne foi, ne peut plus, après avoir reconnu les droits di véritable propriétaire, recommencer à prescrire par dix i vingt ans. Il y a mieux : si le possesseur avait reconnu h précarité de sa possession, une pareille reconnaissant formerait, d'une manière absolue, obstacle à la près cription 78 bis.

C'est ainsi encore, que la reconnaissance d'une dett< soumise à une prescription de courte durée, a pour eue d'en proroger le temps à trente années, lorsqu'elle es accompagnée d'un nouvel engagement de la part di débiteur, et constitue ainsi un titre distinct du titre primitif et efficace par lui-même 7<J. Mais cet effet ne saurait ètr< attribué à la reconnaissance résultant de l'admission d'uni créance au passif d'une faillite 80.

Lorsqu'une demande judiciaire a été suivie d'un juge ment qui l'a accueillie, la prescription de Yactio judicai résultant de ce jugement, ne s'accomplit que par 30 ans quoique la condamnation ait été prononcée en vertu d'uni

Laurent, XXXIi, 169.Req., 2 avril 1845, S., 45, 1, 241. Voy.ensï Contraire : Troplong, II, 553 et £M. En émettant cette opinion, lesavan auteur nous parait avoir oublié que les art. 2265 et 2269 n'exigent 1 bonne foi qu'au moment de l'acquisition.

bis. Laurent, XXXII, 172;

79 Arg. art. 189 du Code de commerce. Troplong, II, 097 et 698. Lai rent, XXXII, 171. Req., 6 novembre 1832, S., 32, 1, 824. Rouen, mars 1842, S., 42, 2, 317. Paris, 10 juillet 1852, S., 52, 2, 528. Req 7 avril 1857, S., 57, 2, 527. Cpr. Nancy, 6 mai 1834, D., op. et v<> citi u" 639. Paris, 12 février 1853, S., 53, 2, 143. Golmar, 29 décembre 186S S., 62, 2, 542. Nous nous associons à la critique que Troplong a iail du premier de ces arrêts. La décision des deux derniers nous parait égî lement tort contestable.

80 Giv. cass., 5 janvier 1864, S., 6i, 1, 85.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 215 bis. 529

créance soumise à une prescription déplus courte durée 81. Le même effet est attaché, en matière de faillite, au juge- ment portant homologation du concordat 82.

§ 215 bis. Des dispositions transitoires, relatives à la prescription.

Gomme la prescription ne donne de droit acquis que lorsqu'elle est définitivement accomplie, que jusque-là elle ne confère pas même de droit éventuel et ne constitue qu'une simple expectative légale, les rédacteurs du Code auraient pu, sans s'écarter de la règle de la non-rétroactivité des lois, soumettre à toutes les règles établies par ce Code, les prescriptions commencées sous l'empire des lois anciennes, et non encore accomplies aux dates respectives de la promulgation des différents titres dont il se compose. C'est aussi ce qu'ils ont fait, dans l'art. 691 et dans le second alinéa de l'art. 2281, pour les cas spéciaux que ces dispositions concernent *.

Mais sauf ces dispositions particulières, ils ont posé en principe, dans le premier alinéa de l'art. 2281, que les prescriptions commencées à l'époque de la publication du titre de la prescription, seraient réglées conformément aux lois anciennes ; et ils l'ont fait, sans établir à cet égard de distinction entre la prescription extinctive et l'usucapion 2.

Ce principe, qui s'applique non-seulement à la durée du temps requis pour l'accomplissement de la prescription, mais encore aux autres conditions qu'elle exige 3, conduit aux conséquences suivantes :

81 Cpr. § 768, texte 4. Troplong, II, 683.

82 Troplong, II, 720.

1 Cpr. § 30, texte II, no 2, lett. d, et note 42. Cpr. aussi Laurent, XXXII, 608.

2 Merlin, Rép., Prescription, sect. I, §3, 9. Zacharise, § 212, texte et note 5. Laurent, XXXII, 609. Civ. cass., 10 mars 1828, S., 28, 1, 129. Voy. en ce sens contraire : S., loc. cit.

3 Troplong, II, 1082 à 1084. Marcadé, sur Fart. 2281, no 1. Zachariae,

h 34

530 DES DROITS RÉELS.

a. Une prescription dont la durée a été abrégée par le Code Civil, ne s'est accomplie que par le laps de temps que requérait la loi ancienne sous l'empire de laquelle elle avait commencé ; et cela, dans le cas même le délai plus court fixé par ce Gode s'est écoulé depuis sa promulgation 4. C'est ainsi, par exemple, que la prescription de fermages échus au moment de la publication du titre de la prescription, ne s'est accomplie que par le laps de temps requis par l'ancien statut local, bien qu'il se fût écoulé plus de cinq ans depuis la mise en vigueur de l'art. 2277, qui a réduit à cinq années le temps de cette prescription 3.

b. En sens inverse, lorsque la durée d'une prescription a été prolongée par le Code, elle ne s'en est pas moins accomplie par l'expiration du délai plus court fixé par la loi ancienne sous laquelle elle avait commencé. C'est ce qui a lieu pour les servitudes continues et apparentes qui, dans les pays de Droit écrit, se prescrivaient par dix ans entre présents et vingt ans entre absents, et qui, depuis le Code, ne s'acquièrent plus que par la possession de trente ans 8 bis.

c. Les causes de suspension établies par le Code civil, ne s'appliquent point aux prescriptions commencées sous une législation qui n'admettait pas les mêmes causes de suspension, et vice versa *. C'est ce qui a été jugé, notam- ment quant aux prescriptions commencées sous l'empire de

§ 212, texte et note 8. Laurent, XXXII, 615.Civ. cas. s, 1er août 4810, S., 10, 1, 319. Grenoble, 22 août 1834, S., 35, 2,301.

* Merlin, op. et citt., section I, § 3, 10. Laurent, XXXII, 610. Civ. cass., 10 mars 1828, S., 28, 1, 129. Grenoble, 22 août 1834, S., 35, 2, 301.

» Laurent, XXXII, 610. Civ. cass., 21 décembre 1812, S., 13, 1, 182. Civ. cass., 28 décembre 1813, S., 14, 1, 92. Voy. aussi : Civ. cass., 12 février 1816, S., 16, 1, 221.

5 bis. Laurent, XXXII, 610. D'après certaines coutumes, la prescrip- tion trentenaire seule amenait à l'acquisition des immeubles : en ce cas, les possesseurs, même ayant titre et bonne foi, n'ont pu arriver à l'usuca- pion par 10 et 20 ans. Laurent, XXXII, 610.

6 Laurent, XXXII, 611. Voy. dans le môme sens, quant à l'interruption de la prescription: Troplong, II, 1086. Req., 26 juin 1827, S., 28, 1,61.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 215 bis. 531

coutumes qui n'attachaient aucun effet suspensif aux minorités survenues durant le cours de la prescription 7.

Pour l'application du principe posé par le premier alinéa de l'art. 2281, on doit considérer comme des prescriptions commencées sous les lois anciennes, non-seulement celles qui ont couru, dune manière effective, avant la promulga- tion du Gode, mais même celles qui, dès leur point de départ, avaient été suspendues par une cause dont l'existence s'est prolongée sous la loi nouvelle, par exemple, par la minorité de ceux auxquels la prescription est opposée 8. Au contraire, on ne saurait envisager comme commencées sous l'empire des lois anciennes, les prescriptions de droits ou d'actions qui, bien que se rattachant à des faits ou des actes contemporains de ces lois, ne sont cependant nés que depuis la promulgation du Gode 9.

La disposition du premier alinéa de l'art. 2281 s'applique non-seulement aux prescriptions établies par le titre XX du livre III du Code civil ; elle s'applique encore à celles qui se trouvent indiquées dans les autres parties de ce Code 10. Mais elle ne saurait être étendue aux prescriptions réglées par des lois spéciales, antérieures au Code civil, et notam- ment aux prescriptions admises en matière d'enregistre- ment ".

I Troplong, II, 1085. Marcadé, loc. cit. Le Roux, II, 747. Laurent, XXXII, 611. Nancy, 31 juillet 1834, S., 35, 2, 458. Caen, 20 février 1838, S., 38, 2, 383. Cpr. aussi : Aix, 14 juin 1838, S., 38, 2, 495. Voy. en sens contraire : De Fréminville, De la minorité, I, 368. Nîmes, 20 février 1838, S., 38, 2,496.

8 Laurent, XXXII, 613. Req., 15 décembre 1825, S., 27, 1, 220. Paris, 25 février 1826, S., 28, 2, 142. Pau, 4 février 1830, S., 30, 2, 200. Tou- louse, 27 août 1833, S., 34,2, 97. Grenoble, 20 janvier 1834, S., 34, 2, 617. Bordeaux, 15 janvier 1835, S., 35, 2, 248. Giv. rej., 20 juin 1848, S., 48, 1, 497. Voy. en sens contraire : Troplong, II, 1087. Zachariae, § 212, note 7.

9 Cpr. §213, texte et note 1. Laurent, XXXII, 613. Paris, 17 mars 1831, S., 31, 2, 142.

10 Merlin, op. et vo citt., sect. I, § 3, 13, 1°. Troplong, II, 1076. Marcadé, sur l'art. 2281, 1. Zachariae, §212, note 6.

II Legi speciali per gêneraient non derogatur. Troplong, II, 1079. Za-

532 DES DROITS RÉELS.

Quant à la question de savoir si cette disposition est ou non applicable aux prescriptions établies par le Code de commerce, elle a été vivement controversée12; mais la jurisprudence s'est définitivement prononcée pour l'affirma- tive 13.

Le principe posé par le premier alinéa de l'art. 2281, suppose que le droit ou l'action faisant l'objet dune pres- cription commencée sous la loi ancienne, est resté suscep- tible de prescription sous le Gode civil. Au cas contraire, on devrait, sans avoir aucun égard à la prescription com- mencée sous l'empire de l'ancienne loi, s'en teniràl'impres- criptibilité prononcée par le Code u.

D'un autre côté, ce même principe a été modifié parle

'chariae, loc. cit. Req., 30 novembre 4813, S., 14, 1, 75. Solution de l'ad- ministration de l'Enreg. du 20 mars 1868, S., 68, 2, 234. D. Supplément vo Enregistrement, iio 3203.

12 Voy. pour l'affirmative : Vazeille, II, 800. Horsonj Questions sur le Code de commerce, II, quest. 132, p. 194. Persil, De la lettre de change, sur l'art. 189, 5. Le Roux, 11, 736, (en matière de commerce). Voy, pour la négative : Merlin, op. et citt., sect. I, § 3, 12, 2°* Troplong, II, 1077. Bien que les raisons données par ces derniers auteurs, à l'appui de leur opinion, ne manquent pas de gravité, on comprend que la juris- prudence ne s'y soit point arrêtée, et ait considéré la disposition du pre- mier alinéa de l'art. 2281 comme un principe général, applicable, d'après l'esprit dans lequel ila été établi, non-seulement aux matières civiles pro- prement dites, mais encore aux matières commerciales.

13 Paris, 6 mai 1815, S., 16, 2, 67. Riom, 13juinl818, S., 19,2, 293. Req., 12 juin 1822, S., 22, 1, 319. Giv. cass., 21 juillet 1823, S., 24, 1, 354. Giv. cass., 20 avril 1830, S., 30, 1, 295. Req., 26 lévrier 1838, S., 38, 1, 257. Voy. en sens contraire : Bruxelles, 21 novembre 1806, S., 7, 2, 241. Rouen, 31 décembre 1813, S., 14, 2, 104. Paris, 2 mai 1816, S., 17, 2, 63.

14 Art. 691, et arg. de cet article. Merlin, op. et t>° citt., sect. I, § 3; et Quest., vo Séparation de patrimoines, §2. Duranton V, 579. Pardessus. Des servitudes, II, 342. Taulier, II, p. 446. Vazeille, II, 809. Troplong, H, 1088. Demolombe, XII, 799. Zacharite, § 212, texte et note 9. Le Roux, II, 749. Laurent, XXXII, 612. Civ. cass., 13 août 1810, S., 10, 1, 333. Giv. rej., 10 février 1812, S., 13, 1, 3. Civ. cass., 31 août 1825, S., 26, 1, 27. Civ. cass., 8 août 1837, S., 37, 1, 679. Douai, 18 mars 1842, S., 43, 2, 8. Dijon, 20 février 1857, S., 57, 2, 614. Req., 25 janvier 1858, S., 58,1, 351.

1

DE LA. PROPRIÉTÉ. § 216. 533

second alinéa de l'art. 2281, en ce que les prescriptions qui, d'après les lois anciennes, avaient encore plus de trente années à courir lors de la promulgation du titre de la pres- cription se sont définitivement accomplies par l'écoule- ment du laps de trente ans à partir de cette promulgation13.

B, Des règles particulières à l'usucapion de la propriété,

§ 216. Généralités,

Les immeubles corporels ne peuvent devenir l'objet de l'usucapion, qu'autant qu'ils se trouvent dans le commerce. Art. 2226. Ainsi, par exemple, les immeubles qui dépen- dent du domaine public, ne sont pas, tant qu'ils conser- vent leur destination, susceptibles d'usucapion1.

Le Code civil reconnaît deux espèces d'usucapion, dont l'une s'accomplit par dix à vingt ans, et l'autre par trente ans seulement2. Toutes deux donnent, à la fois, une excep-

15 Et non à partir du jour ces prescriptions ont commencé à courir. Troplong, II, 1089 à 1091. Zachariae, § 212, texte in fine. Le Roux, II, 748. Laurent, XXXII, 614, 615. Req., 5 avril 1837, S., 37, 1, 702. Gpr. cep. Giv. rej., 12 novembre 1832, S., 33, 1, 396. Le 2«»e alinéa de l'art. 2281 ne dérogeant à la première disposition de ce texte que pour ce qui est relatif à la durée de la prescription, il y a lieu d'appliquer même sous l'empire du Gode, les conditions prescrites par l'ancien droit pour l'ac- complissement de la prescription. Par suite de la substitution du calen- drier grégorien au calendrier républicain, le délai de prescription doit être calculé conformément au nouveau calendrier. Civ.cass., 24 décembre 1867, S., 68, 1, 110.

1 Nous nous bornerons à renvoyer, pour le développement et les appli- cations de ces propositions, aux §§ 169, 171 et 185.

* Quelle que soit la faveur due à la personne, physique ou morale, con- tre laquelle on invoque l'usucapion, il n'est plus de cas la loi exige une possession qui ait duré au-delà de trente ans. Gpr. art. 2227. Voy. cepen- dant art. 2281. Quant à la prescription immémoriale, que l'ancien droit admettait dans des cas il rejetait toute usucapion par un temps déter- miné, le Code n'en parle (art. 691) que pour la proscrire. Cpr. Merlin, Rép., Prescription, sect. II, §§ 20 à 24.

534 DES DROITS RÉELS.

tion à l'efïet de repousser la demande en revendication que formerait l'ancien propriétaire, et une action à l'effet de revendiquer l'immeuble usucapé contre tout possesseur, fût-ce même contre l'ancien propriétaire 8.

A la différence de la prescription exstinctive, qui s'accom- plit, en général, par la seule inertie ou négligence de celui contre lequel elle court, l'usucapion exige, de la part de celui qui l'invoque, le fait positif d'une possession revêtue des qualités requises par la loi. Art. 2229. Sine possessions usacapiO) contingere nonpotest.

L'usucapion par trente ans n'exige, de celui qui s'en pré- vaut, d'autre condition que la possession. Art. 2262. Quant à l'usucapion par dix à vingt ans, elle requiert, outre la possession, la double condition d'une acquisition fondée sur un juste titre, et de la bonne foi de l'acquéreur. Art. *2265.

Le possesseur peut, pour compléter le temps de l'usu- capion, joindre à sa propre possession, celle du précédent possesseur, sous les conditions et distinctions indiquées au §181. Art. 2235.

L'usucapion étant fondée sur la possession, ses effets ne peuvent jamais s'étendre au delà des limites de cette der- nière. Tantumprœscriptum, quantum possessum.

8 La rédaction de l'art. 2262, qui définit la prescription de trente ans comme un moyen d'éteindre les actions tant réelles que personnelles, pourrait, au premier abord, faire penser que cette prescription n'est point acquisitive de propriété, etqu'elle ne confère qu'une exception contre l'ac- tion en revendication du légitime propriétaire. Il en était ainsi en Droit romain, lorsque la possession avait été appréhendée de mauvaise foi. Mais en droit français, la possession de trente ans a toujours été considérée comme un moyen d'acquérir, môme en faveur du possesseur de mauvaise foi ; et les art. 690, 691 et 2180, no 4, combinés avec les expressions fi- nales de l'art. 2262 sans qu'on puisse lui opposer V exception déduite de k mauvaise foi, prouvent clairement que les rédacteurs du Code ont entendu maintenir à cet égard les principes de l'ancien Droit français. Voy. aussi art. 712 et 816. Laurent, XXXII, 401.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 217. 535

§ 217.

De la possession requise pour Tusucapion.

La possession légale, c'est-à-dire celle qui est exempte de précarité, de clandestinité et de violence1, peut seule, aux termes de Fart. 2229, servir de fondement à l'usuca- pion ; et pour apprécier, sous ce rapport, l'efficacité de la possession, il faut, en général, se reporter à son origine*. Toutefois, la possession, vicieuse à son point de départ, de- vient utile pour l'usucapion, du moment les vices dont elle était entachée ont disparu.

Tout ce qui est relatif à la nature des vices de précarité, de clandestinité et de violence, à la durée de ces vices^ à leur transmission aux successeurs du possesseur originaire, et àla manière dont ils peuvent être purgés ayant déjà été exposé aux §§ 180 et 181, nous nous contenterons de ren- voyer aux développements qui y ont été donnés.

C'est au vice de précarité que se rattache la règle qu'on ne peut prescrire contre son titre. Cette règle, dont la vé- ritable signification est, comme l'indique l'art. 2240, qu'on ne peut se changer à soi-même la cause et le principe de sa possession, n'empêche pas qu'on ne soit admis à prescrire au delà ou en dehors de son titre3. Ainsi, l'acquéreur d'un terrain déterminé, peut prescrire la propriété d'un terrain plus étendu que celui qui lui est attribué par son titre4.

*Cpr. § 177, texte et note 7.

8 Origo nanciscendœ possessionis exquirenda est. L. Q,proe.} D. de acq. vel amitt. poss. (41, 2). Ce principe, toutefois, n'est plus appliqué dans notre Droit d'une manière aussi absolue qu'il l'était en Droit romain. Gpr. § 180, texte nos 2 et 3, notes 20 et 24.

3 Cette règle, du reste, est complètement étrangère à la prescription ex- tinctive, qui de sa nature est précisément dirigée contre le titre. Art. 2241. Zachariœ, § 21o c, note 7. La circonstance qu'une redevance annuelle et perpétuelle aurait été stipulée comme prix de la concession de droits d'u- sage, n'empêcherait pas que l'usager ne pût, tout en conservant son droit, s'affranchir par la prescription de l'obligation de servir la redevance. Req., 7 août 1833, S., 33, 1, 721. Req., 14 mai 1834, S., 34, 1, 810.

4 Troplong, II, 530. Vazeille, I, 170. Zacharia3,§ 215c, note 7. Le koux,

...

536 DES DROITS RÉELS.

D'un autre côté, le preneur peut prescrire, contre le bail- leur, la propriété d'un terrain non compris dans le bail 8. Enfin, celui qui jouit d'un droit d'usage dans une forêt, peut en prescrire la propriété au moyen de faits de posses- sion qui, tels que le défrichement et la mise en culture de la forêt sont incompatibles avec l'idée d'un simple droit d'u- sage, et constituent l'exercice complet du droit de propriété0. La possession pour conduire à l'usucapion de la pro- priété, doit être exclusive. Une possession promiscuè, c'est- à-dire des faits de jouissance exercés, par un tiers, en con- currence avec le propriétaire, sont inefficaces pour conduire à l'acquisition par prescription soit de la toute propriété, 7 soit même de la copropriété 7 bis. Il y a mieux, lorsque le

I, 419. Laurent, XXXII, 334. Bordeaux, 11 janvier 1828, S., 28, 2, lOffl Cpr. § 199, texte et note 20. Req., 9 novembre 1826, S., 27, 1, 29. Metz, 29 mars 1859, S., 61, 1, 955. Voy. cep. Req., 15 décembre 1847, S., 48. 1, 419.

5 Le Roux, I, 422. Laurent, XXXII, 331. Douai, 5 décembre 1854, D., 55, 2, 139. Voy. cep. Riom, 17 décembre 1814. D. Hép., vo Prescrip- tion, no 439.

6 Vazeille, II, 813. Bourges, 6 août 1839, S., 40, 2, 52. Cpr. Civ. cass., 16 janvier 1838, S., 38, 1, 191. Montpellier, 26 avril 1838, S., 39, 2, 87. Ces deux derniers arrêts semblent restreindre la proposition émise au texte au cas où, s'agissant de droits d'usage établis au profit des habitants d'une commune ut universi, quelques-uns d'entre eux prétendraient avoir acquis ut singuli, par des faits de possession personnels, la propriété de tout ou partie de la forêt soumise au droit d'usage. Mais cette restriction ne nous parait pas devoir être admise. L'usager ne détenant pas la forêt même, gre- vée de son droit, comme l'usufruitier ou le fermier détiennent le fonds sou- mis à leur droit d'usufruit ou de bail, on ne saurait dire de lui, ainsi qu'on le dit de ces derniers, qu'il possède quoi que ce soit pour le compte du propriétaire. I) ne rentre donc pas dans la classe des détenteurs précaires. Voy. en sens contraire de l'opinion émise au texte : Gurasson sur Proud- hon, Des droits d'usage, III, 1027. Toulouse, 13 avril 1832, S., 32, 2, 576. Toulouse, 25 mars 1833, S., 33, 2, 483.

7 Troplong, I, 252. Req., 12 décembre 1838, S., 39, 1, 484. Douai, 18 mars 1842, S., 43, 2, 8. Req., 23 mai 1855, S., 56, 1, 401. Civ. rej., 22 juillet 1856, S., 56, 1,910.

1 bis. Req., 6 avril 1850, S., 50, 1,527. Civ. rej. ,5 décembre 1877. D.. 79, 1, 198. Req., 12 novembre 1878, S., 79, 1, 474. La prescription ac- quisitive suppose la dépossession complète de celui contre lequel on l'in-

DE LA PROPRIÉTÉ. § 217. 537

léfendeur justifie d'une possession exclusive actuelle , lade- nande en revendication ne devrait pas être accueillie, si la possession trentenaire antérieure sur laquelle elle est fon- lée, ne présentait que les caractères d'une possession pro- niscuë7^".

Mais la possession promiscuë peut être suffisante pour )rescrire la copropriété, lorsque la partie à laquelle la pres- cription est opposée ne justifiant ni d'un droit antérieur à a toute propriété, ni d'une possession exclusive actuelle, es juges n'ont, pour régler les droits respectifs des parties, Vautres éléments de décision que les faits même de posses- sion promiscuë 7 quater.

D'un autre côté, la possession doit avoir été manifestée par des actes suffisamment caractérisés pour annoncer, l'une manière non douteuse, la prétention de la part du possesseur de se gérer comme maître. Si cette intention ne assortait pas, d'une manière certaine, des faits invoqués mr le possesseur, ou si ces faits n'étaient pas de nature à exclure toute idée de précarité, de clandestinité et de vio- ence, la possession serait équivoque, et comme telle insuf- fisante pour faire admettre l'usucapion8. Art. 2229.

roque. Tant que le propriétaire exerce, dans quelque mesure que ce soit, les actes de jouissance manifestant son droit de propriété, il le conserve l'une manière intégrale. Ces actes en effet sont une protestation perma- îente contre la jouissance de son adversaire, et ils impriment à celle-ci m caractère de précarité qui la rend inefficace pour servir de base à l'ac- misition de la copropriété aussi bien qu'à celle de la toute propriété. Civ. ;ass., 6 juin 1888, S., 89, 1, 157 ; D., 89, 1, 405 et la note en sens îontraire.

7 ter. Lu. présomption de propriété qui s'attache à la possession exclusive ictuelle ne peut fléchir que devant la preuve du droit de propriété, et cette preuve ne saurait résulter d'une possession trentenaire antérieure qui ne présente que les caractères d'une possession promiscuë. Civ. cass., 9 dé- cembre 4856, S., 57, 4, 588.

1 quater. Laurent, XXXII, 295. Req., 22 février 4870, D., 70, 4, 425.

8 On ne saurait voir dans la disposition de l'art. 2229, portant que pour oouvoir prescrire, il faut une possession... non équivoque, l'indication d'un caractère particulier, et distinct des diverses qualités requises pour l'effi- cacité delà possession. Tout ce que la loi a voulu dire, c'est que ces qua- lités doivent ressortir, d'une manière claire et non douteuse, des faits in-

538 DES DROITS RÉELS.

C'est ainsi que des faits de jouissance qui ne porteraient pas sur tous les produits ou émoluments d'un fonds, et qui pourraient être le résultat d'un démembrement de propriété, ou d'une simple tolérance, par exemple, des faits de passage, de puisage, de vaine pâture, d'extraction ou de dépôt de matériaux, seraient en général à considérer comme ne constituant qu'une possession équivoque au point de vue de l'acquisition de la propriété 9.

C'est ainsi encore que les faits de possession, exercés par un des communistes, restent équivoques au regard des autres, tant que, par des actes indiquant, d'une manière formelle et évidente, l'intention de se gérer comme seul et unique propriétaire, sa jouissance n'a pas revêtu le caractère de possession exclusive 10.

Dans un autre ordre d'idées, on devrait considérer comme équivoque, la possession de celui qui, après avoir acquis d'un fermier l'immeuble qu'il tenait à bail, lui en aurait laissé la jouissance à un titre quelconque11, ainsi que celle qui résulterait d'anticipations commises entre voisins, lors du labourage ou de lafauchaison 12.

voqués par le possesseur. Troplong, I, 359. Marcadé, sur les art. 2229 à 2234, no 7. Le Roux, I, 312, p. 243. Colmet de Santerre, VIII, 336 bis, IX. Cpr. Zachariae, § 215 c, texte et note 2. Voy. en sens contraire, Laurent, XXXII, 293.

9 Bélime, De la possession, 55. Troplong, I, .461, 273 et 359. Req., 25 janvier 1842, S., 42, 1, 972. Besançon, 14 novembre 1844, S., 45, % 645. Req., 23 mars 1855, S., 56, 1, 401. Voy. cep. sur les modifications que, suivant les circonstances, cette règle est susceptible de recevoir : 185, texte 3 et notes 37 à 39. Cpr. aussi : texte et note 13 infrà.

10 Bélime, op. cit., no 54. Troplong, I, 360 et 361. Cpr. § 221, texte 5. Laurent, XXXII, 291. Le Roux,I, 105. Civ. cass., 26 août 1856, S., 57, 1, 28. Civ. cass., 17 juin 1862, S., 62, 1, 711. Req., 19 lévrier 1872, S., 72, 1, 336. Le communiste qui en cette qualité possède la chose animo domini comme propriétaire n'a pas besoin d'un titre nouveau pour prescrire la totalité au regard et au préjudice de son cocommuniste : il suffît que pendant tout le temps requis pour prescrire, sa possession ail été exclusive de tout acte de possession de la part de celui-ci. Req., 13 ilé- cembrel886, S., 87, 1, 176.

11 Voy. les autorités citées à la note 15 du § 181.

12 Toullier, III, 175. Pardessus, Des servitudes, I, 126. Vazeille, l,

DE LA PROPRIÉTÉ. § 217. 539

Du reste, la question de savoir si la possession est suffi- samment caractérisée, ou si elle est équivoque, demeure lésa nature, une pure question de fait, abandonnée à l'appré- ciation du juge 13.

La possession, revêtue des caractères exigés par la loi, îe conduit à l'usucapion qu'autant qu'elle a duré, d'une nanière continue et non interrompue, pendant le temps 3xigé pour son accomplissement. Art. 2229.

La possession, une fois acquise au moyen d'actes maté- riels, se conservant en matière immobilière, par la seule intention, et la loi ne fixant aucun délai à l'expiration luquel la possession exigerait, pour sa conservation, le secours de nouveaux actes extérieurs, celui qui a possédé à une époque plus ou moins éloignée, peut être réputé posséder encore actuellement, bien qu'il n'ait pas fait, clans un temps récent, d'actes matériels de possession u. Mais, comme le Code n'a pas érigé en présomption légale, la ma- xime Olim possessor, hodie possessor prsesiimitur , le juge pourrait aussi, en se fondant sur la seule absence d'actes récents de possession, considérer l'ancien possesseur comme ayant renoncé à l'intention de posséder13. Si cependant un

46, p. 50. Garnier, Des actions possessoires , p. 462. Zachariae, § 215 c, texte et note 3. Paris, 28 février 1821, S., 22, 2, 116. Cpr. sur cet arrêt: Troplong, I, 352 ; et Bélime, op. cit,, 41. Quoique bien rendu au fond, parce que la preuve offerte ne portait pas sur une possession déterminée par des limites certaines, cet arrêt nous paraît cependant avoir posé, dans ses motifs, une doctrine trop absolue. Il est hors de doute, en effet, que celui qui, après avoir successivement étendu sa culture jusqu'à une ligne déterminée par des signes apparents et invariables, aurait continué pen- dant trente années à posséder dans ces limites, serait à bon droit autorisé à invoquer l'usucapion. Cpr. § 199, texte et notes 19 et 20.

13 Req., 17 février 1825, S., 25, 1, 379. Req., 20 février 1838, S., 38, 1, 814. Req., 23 janvier 1842, S., 42, 1, 972. Req., 23 mai 1855, S., 56, 1,401. Req., 22 juillet 1874, S., 75, 1, 17.

14 § 179, texte no 4, notes 17 et 18. Voy. notamment, Civ. rej., 12 février 1889, S., 90, 1, 13.

15 Maleville, sur l'art. 2223. Vazeille, I, 36. Zachariae, § 215 c, note 13. Cpr. Troplong, I, 423. Laurent, XXXII, 269. Golmet de Santerre, VIII, 340 bis. Marcadé, sur les art. 2229 à 2234, 3. Ces derniers auteurs enseignent même que la preuve de la possession ancienne,

540 DÈS DROITS RÉELS.

terrain n'était, d'après la nature de ses produits, suscept; ble d'exploitation ou de jouissance qu'à des intervalles riodiques plus ou moins éloignés, l'absence de faits de poi session pendant ces intervalles, ne serait d'aucune consi dération ; et la possession devrait être réputée continue par cela seul qu'elle aurait été exercée aux époques o elle pouvait l'être d'une manière utile 16.

Lorsque celui qui a fait des actes récents de possessior prouve avoir possédé anciennement, par lui-même ou pa son auteur, il est légalement présumé avoir possédé dans] temps intermédiaire ; et cette présomption ne peut être d* truite que par la preuve positive d'une cessation volontair de l'intention de posséder. Probatis extremis, prœsamitv médium. Art. 2234 u bis.

Enfin, le possesseur actuel qui produit, à l'appui de s possession, un titre translatif de propriété, doit être pr< sumé avoir possédé depuis la date de ce titre 17. Cette pré somption généralement admise comme présomption d fait, cesserait cependant d'être applicable, s'il était allégn que l'auteur du possesseur actuel n'avait pas lui-même 1 possession à la date du titre par lui concédé, et que c dernier ne fût pas en état de prouver l'inexactitude d cette allégation.

non accompagnée de celle de la possession actuelle, devrait, en sens ir verse de la règle Olim possesso?% hodie possesso?* prxsumitur, faire prés1 mer la perte de la possession. Mais n'est-ce pas mettre en oubli le prii cipe que la possession, en matière immobilière, peut se conserver par 1 seule intention ? Req., 4 juillet 1838, S., 38, 1, 882. Gpr. § 187, texte u 2, notes 18 et 19.

lfi Troplong, I, 338. Marcadé, sur l'art. 2229, no 1. Le Roux, I, 28.' Laurent, XXXII, 275, 276. Golmet de San terre, VIII, 336 bis, II. Nanc] 23 avril 1834, S., 35, 2, 458. Cpr. Giv. rej., 19 mars 1834, S., 34, \ 838. Giv. rej., 5 juin 1839, S., 39, 1. 621. Giv. cass., 4 janvier 187:;, S 77,1, 149. Req., 19 juillet 1875, S., 76, 1, 159. Req., 9 juillet 1877. S 78, 1. 120. Req., 14 mars 1881, S., 81, 1, 267. Req.. 19 mars 188',. S 86, 1,463.

16 bis. Req., 30 mars 1874, S., 74, 1, 358.

17 Voy. g 179, texte no 1 etnote9. Maleville, sur l'art. 2228. Troplonj I, 421. Marcadé, art. cit., 3. Gpr. Req., 3 avril 1838, S., 38. 1, 34(

DE LA PROPRIÉTÉ. § 218. 541

Lorsque la continuité de la possession se trouve établie, ['après les règles qui viennent d'être indiquées, par celui [uise prévaut del'usucapion, et que la personne àlaquelle lie est opposée prétend que la possession a été interrom- pe, c'est à cette dernière qu'incombe la charge de prou- er le fait de l'interruption18.

§218.

les conditions spécialement requises pour Vusucapion par dix à vingt ans, et des effets qui sont attachés à son ac- complissement.

A. Les conditions spécialement requises pour l'usuca- >ion par dix à vingt ans sont : un juste titre d'acquisition ; tla bonne foi de l'acquéreur. Art. 2265.

On appelle juste titre, un titre qui, considéré en soi, est-à-dire abstraction faite du point de savoir s'il émane lu véritable propriétaire et d'une personne capable d'alié- er, est propre à conférer un droit de propriété. En (Tau- res termes, tout titre qui a pour objet de transmettre un roitde propriété, forme un juste titre, lorsqu'il est léga- 3ment autorisé quanta son genre, et qu'il est revêtu des olennités exigées pour sa validité d'après sa nature même, t sans égard à la condition de la personne dont il émane1.

Ainsi la vente, l'échange, la dation en paiement, cons-

18 Gpr. § 749, texte no 2, lett. c.

1 Le mot juste s'entend exclusivement de la réunion de ces conditions 'gales, et n'a aucun trait à la légitimité de la transmission de propriété, u point de vue de la question de savoir si la personne dont émane le titre, tait ou non propriétaire de l'immeuble par elle aliéné. C'est précisément, ii effet, le vice résultant de l'absence de tout droit de propriété dans l'au- ;ur de la transmission, que l'usucapion a pour objet de couvrir. Ainsi, ne vente consentie a non domino forme un juste titre, pourvu que le ven- eur ait disposé de l'immeuble vendu comme d'une chose à lui apparte- ant. Troplong, II, 873. Vazeille, II, 465. Zachariae, § 217, texte et note Laurent, XXXII, 389. Le Roux, II, 867,868. Golmet de Santerre, VIII, 72 bis, III.

542 DES DROITS RÉELS.

tituent des justes titres. Il en est de même de la donatio et du legs, à supposer, bien entendu, que les actes qui le renferment soient revêtus des formes exigées par la loi1 H Il en est encore ainsi des jugements d'adjudication empo; tant translation de propriété 2.

De la définition ci-dessus donnée, il résulte en sens k verse, qu'on ne saurait considérer comme des justes titres

a. Les conventions qui, comme un bail, n'ont pas poj objet de transférer un droit de propriété 2 bis,

b. Celles qui ont pour eflet direct de dépouiller une pei sonne de sa propriété ou de sa possession, plutôt que d'e investir une autre (dévestitives, plutôt qu'investitives c'est-à-dire les transactions 3 et les partagées * ; et par idei

1 bis. D'après Le Roux (II, 870), la donation même faite à un succe sible constitue un juste titre conduisant à l'usucapion, puisque le don taire est en droit de conserver l'immeuble donné en renonçant à la succe sion. Nancy, 14 mars 1842, D., 42, 2, 106.

2 Le Roux, II, 876. Golmet de Santerre, VIII, 372 bis, IV. Gpr. § % texte, lett. A, 2, et notes 36 à 39.

2 Us. Le Roux, 11,868.

3 Ce serait à tort qu'on invoquerait, en sens contraire, la loi 29. D. usurp. et usuc. (41, 2), et la loi 8, G. deusuc. pro empt.veltrans.Çl ,26).I Droit romain, pas plus qu'en Droit français, la transaction ne constitua nécessairement et par elle-même, un juste titre. Elle ne prenait ce cara tère que lorsqu'elle créait en faveur de l'une des parties une nouvelle eau de possession, et c'est à des cas de ce genre que s'appliquent les dispoi tions des lois précitées. Voy. Sell, Hômische Lehre der dinglichen Recb § 42. Dans cette supposition, la transaction devrait encore aujourd'h être considérée comme un juste titre. C'est ce qui aurait lieu si, comr condition d'une transaction, l'une des parties avait cédé h l'autre un il meuble qui ne formait pas l'objet du différend. Gpr. § 209, texte, lett. notes 50 à 52 ; g 420, texte et notes 13 à 16. Troplong, II, 882. Marcad sur les art. 2265 à 2269. Laurent, XXXII, 403 ! XXVIII, 393-31):;. Roux, II, 872 à 874. Colmet de Santerre, VIII, 372 bis, X et XL Ci cass., 14 mars 1809, S., 10, 1, 94.

4 Cpr. § 209, texte, lett. B, 1, notes 47 à 49. Le partage, ayant ui quement pour objet de faire cesser l'indivision, suppose essentielleme une acquisition antérieure, faite par les copartageants eux-mêmes ou p leur auteur, et ne constitue pas dès lors un titre spécial et distinct d'à quisition. Que si des héritiers avaient partagé ou licite entre eux un il meuble qu'ils croyaient erronément dépendre de la succession, le parta;

DE LA PROPRIÉTÉ. § 218. 543

tité de raison, les jugements qui, sur une demande en re- vendication, ordonnent le délaissement de l'immeuble re- vendiqué 5, ainsi que les jugements d'adjudication entre co-

se rattacherait à un titre putatif que les copartageants n'ont pu, par leur fait, transformer en un titre réel d'acquisition.. Delvincourt, II, p. 655. Troplong, II, 886. Duranton, XXI, 370. Marcadé, loc. cit. Demolombe, XVII, m. Zachariae, § 217, note 7. Le Roux, II, 877. Laurent, XXXII, 401. Req., 27 août 1835, S., 35,1, 797. Giv. cass., 10 décembre 4846, D., 46, 1, 45. Colmar,9 février 1848, S., 50, 1, 513. Mais sans qu'il soit nécessaire de se fonder sur le principe même de la non-rétroactivité du partage, l'opinion mise plus haut se justifie par cette seule considération que le partage est lévestitif plutôt qu'investitif, et qu'il ne crée pas une nouvelle cause le possession, lnf'rà, §625, texte et note 31. La proposition émise m texte ne s'appliquerait cependant pas au partage d'ascendant fait par ionation entre vifs. Un pareil acte, considéré au point de vue, non de la répartition, mais de la transmission des biens qui en forment l'objet, cons- titue le titre pro donato. D'un autre côté, les descendants entre lesquels un ascendant a partagé par donation entre vifs, la totalité même de ses biens présents, n'étant cependant que des successeurs à titre particulier, rien ne s'oppose à ce qu'une possession utile pour l'usucapion par dix à vingt ans ne commence dans leur personne. Gpr. § 733, texte n<> 1. Bour- ges, 25 janvier 4856, S., 59, 1, 921. Voy. en sens contraire : Le Roux, H, 858. Orléans, 42 juillet 1860, S., 60, 2, 558. Cpr. Laurent,. XV, 73-74. 3 L'argument qu'on a voulu tirer, à l'appui de l'opinion contraire, de la théorie du contrat judiciaire, nous semble dénué de fondement. En for- mant ce contrat sur une action en revendication, les parties ne reconnais- sent au juge que le pouvoir de déclarer les droits du véritable proprié- :aire, et ne l'autorisent nullement à transférer ces droits à celui auquel ils n'appartiendraient pas. L'engagement que les parties prennent de se soumettre à la décision du juge, emporte, de la part de celui qui doit suc- comber, non point abandon éventuel d'un droit de propriété existant à son profit, mais simplement renonciation à faire valoir des prétentions qui Jésormais n'auront plus aucune apparence de réalité, quia res judicata iro veritate habetur. Troplong, H, 883. Duranton, XXI, 374. Marcadé, loc. •it. Zachariae, § 247, note 7. Laurent, XXXII, 404. Le Roux, II, 875. Golmet le Santerre, VIII, 372 bis, IV. Dalloz, Observations, D., 70, \, 17, note 2. /oy. en sens contraire : Rauter, Cours de procédure civile, § 59, note ». Gpr. aussi : Giv. rej., 24 février 4827, S., 27, \, 450. Giv. cass., 4 juillet 1835, S., 35, 4, 754 ; D. Rép., Prescriptions civiles, 93. Les motifs de ces deux arrêts semblent condamner l'opinion mise au texte; mais il importe de remarquer qu'ils sont intervenus dans es espèces il s'agissait de sentences arbitrales rendues avant le 'ode civil, et la prescription, commencée sous l'empire des lois meiennes, devait être réglée conformément à ces lois. Art. 2281. Or,

544 DES DROITS RÉELS.

partageants qui ne sont pas translatifs de propriété 6

c. Les dispositions qui, telles que les donations à causi de mort et les substitutions, sont prohibées à raison de leu nature même, et frappées par ce motif dune nullité abso lue7.

d. Enfin, les donations et les legs renfermés dans des ac tes ou des testaments non revêtus des formes requises pou leur validité. Art. 2267.

La confirmation ou l'exécution volontaire de pareils leg ou donations par les héritiers du testateur ou donateur, m leur conférerait pas, même pour l'avenir seulement, le ca ractère de justes titres, et ne priverait pas le véritable pro- priétaire du droit dexciper de la nullité dont ils se trouven toujours viciés à son égard, pour repousser l'usucapion pa: dix à vingt ans invoquée contre lui 8.

on admettait assez généralement, dans notre ancienne jurisprudence, au le titre n'était exigé que comme élément de la bonne foi, et que la ju$U opinio dominii quxsiti pouvait suffire, même en l'absence d'un véritabl titre d'acquisition, pour fonder l'usucapion par dix à vingt ans. Dans c système, on comprend qu'un jugement ordonnant le délaissement d'ui immeuble ait été considéré comme formant, pour celui qui l'avait obtenu une juste cause de se croire propriétaire de cet immeuble. A ce point d vue, les deux arrêts ci-dessus cités peuvent donc, jusqu'à certain point se justifier; mais la doctrine qu'ils ont appliquée, n'est pas compatibl avec les dispositions de l'art. 2265 du Gode civil, et ne saurait plus de lors être suivie aujourd'hui. Gpr. texte et note 20 infra. Nous ajouteron que, même en Droit romain, la question de savoir si un jugement rend! sur une action en revendication constitue un juste titre, pour le deman deur au profit duquel il a été rendu, est fortement controversée, et que négative, soutenue entre autres par Sell (op. cit., § 53), se fonde sur de raisons dont il est difficile de méconnaître la force. Même en admcttan qu'un jugement soit de nature à constituer un juste titre, encore faut- qu'il soit revêtu des formes légales nécessaires à sa validité. Req., 1 juillet 1873, D., 74, 4,308.

6 Cpr. texte et note 2 suprà ; § 209, lett. A, no 2, notes 40 et 41.

7 Arg. art. 2267. Si une simple nullité de forme fait obstacle à ce qu le titre qui en est entaché, puisse servir de base à l'usucapion par dix vingt ans, il doit, à plus forte raison, en être de même des nullités intrin sèques absolues. Troplong, II, 905. Mareadé, art. cit., no 3. Le Houx. Il 895. Voy. aussi : Grenoble, 22 avril 1864, S., 64, 2, 21-7.

a Les nullités de forme dont se trouve entaché un testament ou url

DE LA PROPRIÉTÉ. § 218. 545

Au contraire, un acte de sa nature translatif de propriété est un juste titre, encore qu'il se trouve entaché d'une cause de rescision ou de nullité relative \ peu importe que cette nullité soit de fond ou de forme 10. Le tiers au préju- dice duquel s'est accomplie une usucapion fondée sur un ti- tre de cette espèce, ne peut, pour la repousser, contester de son chef l'efficacité de ce titre u.

Le titre suhordonné à une condition suspensive, ne de- donation, sont des nullités absolues, qui peuvent être invoquées par tous les intéressés. Le véritable propriétaire de l'objet donné ou légué est donc admis à s'en prévaloir, bien que les héritiers du donateur ou du testa- teur aient renoncé à les proposer, en confirmant expressément ou tacite- ment la donation ou le testament. C'est évidemment dans ce sens qu'est conçu l'art. 2:267, qui suppose que le titre nul a été exécuté, c'est-à-dire tacitement confirmé, et qui, malgré cela, le rejette comme impropre à fonder l'usucapion. Delvincourt, II, p. 652. Duranton. XXI, 379 et 380. Le Roux, (spécialement pour les donations), IL 891, et (spécialement pour les legs), 893. Voy. en sens contraire : Vazeille. II, 484. Troplong, II, 901. Zacha- riae, § 217, texte et note 13. Laurent, XXXII, 393. Golmet de Santerre, VIII, 374 bis.

9 Cette opinion est généralement admise ; il n'y a de controverse que sur le point de savoir si la connaissance de pareils vices doit, au point de vue de l'usucapion, faire considérer l'acquéreur comme étant de mau- vaise foi. Cpr. texte 2 et note 24 infrà. Delvincourt, II, p. 655. Toul- lier, VII, 605. Duranton, XXI, 383 et 385. Troplong, II, 902 et suiv. De Fréminville, De la minorité, I, 364. Marcadé, loc. cit. Zacharise, § 217, note 10. Le Roux, II, 896. Laurent, XXXII, 394. Colmet de Santerre, VIII, 372 bis, II. Voy. cep. Vazeille, II, 480 à 483. Cet auteur, dans les expli- cations qu'il donne, ne sépare pas la question du juste titre et celle de la bonne foi.

10 Quoique les nullités de forme soient en général des nullités absolues, il en est autrement de celles qui, attachées à l'inobservation de formalités spécialement prescrites dans l'intérêt de certaines personnes, par exemple, des mineurs et des interdits, ne peuvent être proposées que par ces per- sonnes. De pareilles nullités, par cela même qu'elles ne sont que relatives, ne tombent pas sous l'application de l'art. 2267, et n'enlèvent pas au titre qui en est entaché, le caractère de juste titre. Voy. les autorités citées à la note précédente. Civ. rej. 1er floréal an V, D. Rép., Prescription, no 900, 2o Cpr. Metz, 30 mars 1833, I). Rép., Faillite, no 76.

11 Mais il le pourrait, le cas échéant, du chef de l'auteur de ce titre, pour demander, par voie d'action personnelle, la restitution de l'immeuble u*u- capé. Cpr. texte, lett. B, in fine, et note 47 infrà*

ii 35

546

DES DROITS RÉELS

vient efficace pour l'usucapion qu'à dater de révènemen

de condition ". Mais le titre soumis à une condition ré- solutoire, est dès son origine utile pour Fusucapion 13. Lorsque la convention invoquée comme juste titre, n'es

12 L. 8, proe.. D. de per. etcom. reivend. (48,6). L. 2, § 2, D. pro emt (41, 4). Pothier, 90. Troplong, II, 910. Marcadé, loc. cit. Larombière Des obligations, sur l'art» 1181, 4, II, p. 487 (2e édit.) Zacharia | 217, texte et note 6. Le Roux, II, 899, 901. Ce dernier an lui enseigne, (II, 900), que le titre putatif étant, d'après le droit françan insuffisant pour conduire à la prescription décennale, la croyance errfr née que la condition suspensive était accomplie ne procurerait pas iuh possession utile pour l'usucapion. Mais, à l'inverse, la prescription courrai même avant que le possesseur ait eu connaissance de l'accomplisse- ment de la condition. L. 2, % 2. D. Pro emptore. (41.4). Le Roux, II, 90t. Voy. en sens contraire : Duranton, XXI, 370. Vainement cet auteur in voque-t-il la rétroactivité attachée à l'accomplissement de la condition su* pensive, pour soutenir que l'acquéreur, mis en possession avant l'événe- ment de la condition, doit être considéré comme ayant eu, dès son entrée en jouissance, l'opinion quœsiti dominii, puisqu'il savait que la condition venant à s'accomplir, elle se réaliserait d'une manière rétroactive. Cette argumentation porte à faux : il s'agit en effet bien moins, dans la ques- tion qui nous occupe, de déterminer les effets juridiques que produit l'ac- complissement de la condition apposée à un contrat portant sur une tram mission conditionnelle de propriété, que de rechercher en fait si l'acquè reur, mis en possession avant l'événement de la condition, peut être cou sidéré comme ayant en dès ce moment, d'une manière positive, Yaninm domini, bien qu'il sût qu'il serait obligé de restituer l'immeuble au ca la condition viendrait à défaillir. Or, la négative (tarait d'autant plu certaine, que la mise en possession anticipée de l'acquéreur n'a évideni ment pas étéopérée en exécution du contrat principal, et ne peut s'exj querque par une convention accessoire, qui, impliquant pour ce demie une obligation éventuelle de restitution, ne lui crée qu'une situation pro visoire et équivoque.

13 Art. I ()(>.'), etarg. de cet article. Troplong, II. 91. Duranton, XXI, fl Zaeliari;.', § 217, noie 6. Le Roux, II, 899. Laurent, XXXII, 398. C{M Nancy. 14 mars 1842, S., 41, 2,133. Dans la vente forcée, comme dans Vente volontaire, la condition de paiement du prix, est résolutoire, ma non pas suspensive : il en résulte que si l'adjudicataire, sans avoir paj son prixj revend l'immeuble à un tiers de bonne foi, cette revente con titueen faveur de ce dernier un juste titre, susceptible de servir de bas a la prescription décennale. Civ. rej., 20 janvier 1880, S. ,81, 1,201, el rapport de M. Baudouin : I)., 80. I , (Li et la note. Vov. cep. Req., 24jtti 1810, S., 47. 1, 563 et le rapport de M. Troplong.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 218. 547

pas, pour sa validité, soumise à la nécessité dune consta- tation authentique, la preuve de son existence peut résulter d'un acte sous seing privé, aussi bien que d'un acte authen- tique, pourvu que l'acte produit soit valable en la forme u. A cet égard, il convient de remarquer que l'acte dépourvu d'authenticité pour l'une des causes indiquées eulart. 1318, vaut cependant comme acte sous seing' privé, lorsqu'il est signé de toutes les parties 13, et que l'acte sous seing privé, qui, pour n'avoir pas été rédigé en double original, ne fait pas par lui-même preuve complète de la convention synallag- matique qu'il renferme, peut cependant acquérir cette force probante par l'exécution que les parties lui ont donnée 16.

L'acte sous seing privé n'est d'ailleurs opposable au vé- ritable propriétaire, que du jour il a acquis date certaine par Tune des circonstances indiquées en l'art, 1328, de telle sorte qu'en dehors de ces circonstances, le possesseur ne pourrait pas, même en offrant de prouver que sa posses- sion remonte à la date apparente de l'acte, reporter à cette date le point de départ du temps requis pour l'accomplisse- ment de l'usucapion n.

Les actes entre vifs renfermant des conventions transla- tives de propriété peuvent être opposés, comme justes ti- tres, au véritable propriétaire, bien qu'ils n'aient pas été soumis à la formalité de la transcription, lien est ainsi, non- seulement des actes contenant des conventions à titre oné- reux, mais même des actes de donation 18.

i* Laurent, XXXII. 394. Cpr. Angers, 9 mars 1825. S.. 26, 2, 181.

15 Loi du 25 ventôse an XL art. 68. (.ode civil, art. 1348. Cpr. § 755, texte no 3.

16 Art. 1325, al. 4. Cpr. § 750, texte n<> l, notes 35 à 38. Ya/.eille, II, 193. Zachariœ, § -217. note 12.

17 Vazeille, II, 494. Troplong, II, 903. Zachariœ, § 217, note 14. Le Koux, II, 905. Larombière, op. cit., sur l'art 1328. 11, VI, p. 119, ('2'' Édition). Alger, Kl novembre 1890, S.. 91, 2. §3.

18 Voy. pour les actes à titre onéreux. Le Roux. II, 997. Montpellier, 8 novembre 1881, S., 84, i, 109. Voy. en sens contraire: Alger 15 no- vembre 1890, S., 91,2, 53. Bastia, 5 février 1890, I)., 90, 2, 303 : S., 90, 2, 130. Les raisons développées au § 209, note 100, à l'appui de

548 DES DROITS RÉELS.

En matière d'usucapion, le juste titre nest [k«s seulement exigé comme élément ou moyen de preuve de la bonne foi ; il constitue une condition distincte de cette dernière 19.

Il faut donc qu'il existe en réalité ; et la croyance du pos- sesseur à son existence, serait insuffisante, quelque plausi- ble qu'elle fût 20. (Test ainsi que le legs de la chose d'autrui,

cette proposition, en ce qui concerne les actes renfermant des conventions à titre onéreux, s'appliquent également aux actes de donation, puisqu'il es généralement reconnu que, même en matière de donations immobilières. i;i transcription ne constitue pas une condition de validité de la disposition. Gpr. § 704, texte, lett. A, 4. Il est vrai» que l'art. 941 du Code civil, rédigé d'une manière plus large que l'art. 3 de la loi du 23 mars 1835, donne à toutes personnes qui ont intérêt, le droit de se prévaloir du dé- faut de transcription des donations d'immeubles susceptibles d'hypothè- ques. Mais il est évident que ces expressions, qui doivent être entendues secundum subjectam matcriam, ne comprennent (pie les ayants-cause ou créanciers du donateur, et ne sauraient, sous aucun prétexte, être appli- quées au véritable propriétaire de l'immeuble donné. Le Roux, II, 907, (pour les actes a titre onéreux) et 892 (pour les donations). Agen, 24 no- vembre 1842, S., 43, 2, 177. Caen, 20 juillet 1874, S., 74, 2, 30o. Civ. cass., 26 janvier 1876, S., 76, 1, 217. Dans l'espèce jugée par ce dernier arrêt, il s'agissait du conflit élevé entre le donataire et les ayants-causa du donateur et non pas entre le donataire et le véritable propriétaire : doctrine établie par l'arrêt est donc conforme à celle de la note. Mai une donation non transcrite, émanée cl non domino constitue un jui titre au regard du véritable propriétaire. Montpellier, 18 février 1866, S., 70, 1, 163. Gpr. Bordeaux. 26 février 1851, S., 54, 2, 244. Cet arrêt, qu'on cite ordinairement en sens contraire, n'a pas, ainsi que noie l'avons déjà fait observer à la note 106 du § 209, statué sur cette question,

19 Mareadé, VIII, sur l'art. 2269,no 1. Laurent,XXXII,406.Req., 22 juillel •187i. S.. 7.v>, 1 . 17. Cet arrêt reproduit les termes mêmes de la propos: lion énoncée au texte. Gpr. Le Houx, 11, 884 et 909. La différence qi existe, sous ce rapport, entre les conditions exigées pour l'acquisition d( fruits et celles qui sont requises pour l'usucapion par dix à vingt aai ressort nettement du rapprochement des art. 549 et 550 opposés aux arl 220.v> à 2267. Le Houx, II, 937. Aussi est-il généralement reconnu qu'à différence du Droit romain, qui, dans certaines hypothèses, admettait titre putatif comme titutus pro suo (LL. 3 et >>, D.pro suo, M, 10), noh Code exige un titre existant en réalité, et non pas seulement dans l'épi nion du possesseur. Arg. art. 550 et 226:1. Troplong, II. 890 à 900. Mai eadé. art. cit., u«> 3, Zachariœ, § 217. texte et note Ire. Req., 22 juill 1874, S., 75, 1,17 et la note. Voy. cep. : Laurent, VI. 208, 209 et 21

20 Troplong, 11, 892. Zacliaria-, § 217, texte et note 4. Le Houx, Il

DE LA PROPRIÉTÉ. § 218. 549

quoique constituant de sa nature un juste titre, ne peut être invoqué comme tel, lorsque le testament qui le contenait a été révoqué, quoiqu'à l'insu du légataire sl.

D'un autre côté, le titre doit s'appliquer en réalité, et non pas seulement d'une manière putative, à l'immeuble possédé. C'est ainsi que l'héritier, qui même de bonne foi, a pris possession d'un immeuble qu'il croyait dépendre de l'hérédité, ne peut pas l'usucaper par dix à vingt ans " ; et que l'acquéreur dont le titre ne porte que sur une partie de l'immeuble par lui possédé, ne peut invoquer cette usuca- pion que pour la partie comprise dans son titre 23.

En matière d'usucapion, la bonne foi semble devoir se prendre dans un sens plus restreint qu'en fait de percep- tion de fruits, et s'entendre uniquement de la croyance se trouve l'acquéreur, au moment de l'acquisition, que son auteur est, en vertu d'un titre inattaquable, propriétaire de l'immeuble qu'il lui transmet 'u.

884. Laurent, XXXII, 389. Gpr. pour l'ancien droit: D'Argentré, sur l'art. 266 De la Coutume de Bretagne, eh. 1, nos 3 et suiv. Pothier, De la Prescription, 95 et s.

21 Troplong, II, 898. Le Roux, II, 886. En droit romain, il en était au- trement. Voy. L. 4, D. pro leg. (41, 8).

22 Duranton, XXI, 361. Marcadé, toc. cit. Troplong, II, 888. Zachariae, | 217, note 7. Le Roux, II, 888, 889. Laurent, XXXII, 400. Le Droit romain se prononçait également, sur ce point, en sens contraire. Yoy. L. 3, D. pro fier. (41,5).

23 La loi 2, | 6, D. pro emt., renferme encore une décision contraire : « Sed si fundus emtus sit, et ampliores fines possessi sint, totnm longo « tempore capi, quoniam universitas ejus possideatur, non singulœ par- « tes. » En citant ce texte, pour prouver qu'il est permis de prescrire au delà de son titre, Troplong (II, 550) n'a pas fait remarquer, qu'en Droit français ce n'est que par Tusucapion de trente ans, qu'on peut prescrire au delà de son titre, tandis que, d'après la loi romaine précitée, on le pouvait par Tusucapion ou la prescription longi temporis, c'est-à-dire par la prescription de dix à vingt ans. Laurent, XXXII, 400. Le Roux, 11,910. Giv.rej., 13 avril 1881, S., 83, 1, 453. Yov. anal. Req., 17 mars 1869, D., 69,1,257.

24 Nous croyons devoir adopter, sur ce point de doctrine assez déli- cat, l'opinion émise par Zachariae 217, texte et note 16). Gpr. Le Roux, II, 937. Laurent, XXXII, 406. Les raisons qui nous détermi-

550 DES DROITS RÉELS.

C'est ainsi que celui qui achète, d'un mineur ou d'une femme mariée sous le régime dotal, un immeuble qu'il

nent sont les suivantes. L'usucapion ne devant avoir d'autre résultat que de couvrir, par rapport au véritable propriétaire, le vice consistant en ce que le titre translatif de propriété émane d'un autre (pie de lui, il semble naturel de n'exiger, pour ce résultat purement relatif. qu'une bonne foi également relative. C'est d'après cette considération qu'on admet généralement, en matière de prescription par dix à vingt ans de l'action hypothécaire, que l'ignorance de la part du tiers acquéreur de l'existence de l'hypothèque, suffit pour fonder la bonne foi. D'un autre côté, nous comprendrions difficilement que la connaissance d]une nullité relative qui vicierait le titre de l'acquéreur, le constituât en mauvaise toi. bien que l'existence d'une pareille nullité n'enlève pas à ce titre le carac- tère de juste titre. Enfin, comme un titre entaché d'une nullité relative n'en transfère pas moins la propriété, lorsqu'il émane du véritable pro- priétaire, l'acquéreur, qui ignorait les droits de ce dernier, a pu croire à la translation de la propriété à son profit; et l'éventualité de l'action en nullité à laquelle il se savait exposé, éventualité de nature, d'ailleurs, à être écartée par la confirmation de son titre, ou par la prescription de cette action, ne doit pas plus l'empêcher d'usucaper par dix à vingt ans, <[ue ne le ferait la chance de l'événement d'une condition résolutoire à laquelle son titre se trouverait soumis. Cpr. texte et note 43 suprà. A ces considérations on oppose, il est vrai, plusieurs lois romaines, et notam- ment les lois 26 et 27, I). de cont. emt. (18, 4), la loi 4:2. D. de usurp. et usuc. (H. 3), et la loi 2, § 15, I). pro emt. (il, 4), qui décident que celui quia sciemment acheté d'un pupille, d'un prodigue, ou de tout autre in- dividu frappé de l'interdiction d'aliéner, ne peut pas usucaper. Mais on oublie, d'une part, qu'en Droit romain la vente passée par ces personnes était considérée comme non avenue, et non pas comme simplement annu- lable : d'autre part, que la tradition faite par les mêmes personnes ne transférait pas la propriété ; d'où la conséquence que l'acquéreur ne pou- vait, ii aucun point de vue, avoir l'opinion qtigesiti dominii, et se trouvait par cela môme constitué en mauvaise foi. En Droit français, au contraire, il doit en être autrement, puisqu'il est incontestable que la vente passét par un mineur on par un prodigue transfère la propriété, qui reste acquis à l'acquéreur tant que la convention n'a pas été annulée. Nous ajouterons qifen dehors des hypothèses ci-dessus rappelées et autres analogues, la jurisconsultes romains expriment nettement l'idée que la bonne foi con- siste dans la croyance que la chose a été transmise par celui qui en était propriétaire, (iaius. Corn., Il, \. Proe., Inst. de USUC. (il. (i). L. 27, D. de cont. nul. (18, I). I,. 109. D. de V. S. (50, 16), L. un., C. de usue. transf, (7, 31). Vôy. en ce sens : D'Argcnlré. sur fart, °2(>f> de la eniihimi

de Bretagne. Dunod, part. I, chap. VIII, p. 48.' Duranton, XXI, 384 ej 385. Le Roux, II. 943, 914. Voy. en sens contraire : Troploug. Il, 911 I

DE LA PROPRIÉTÉ. § 218. 551

croit leur appartenir, peut, malgré la connaissance de la minorité, ou delà dotalité dont l'immeuble aurait été frappé s'il avait appartenu à la femme, Fusucaper par dix à vingt ans contre le véritable propriétaire r6. C'est ainsi encore que l'acquéreur, dont le titre serait susceptible d'être atta- qué, par celui dont il émane, pour cause de violence, de dol, ou de lésion, n'en est pas moins admis àusucaper par dix à vingt ans contre le véritable propriétaire 26,

La bonne foi exige une croyance pleine et entière : le moindre doute delà part de l'acquéreur sur les droits de son auteur, est exclusif de la bonne foi 27. Il en résulte que l'ac- quéreur qui aurait eu connaissance, au moment de son ac- quisition, d'une cause de nullité, de rescision, ou de réso- lution, inhérente au titre de son auteur, ne saurait être con- sidéré comme ayant été de bonne foi 28. Mais l'acquéreur qui se serait trompé sur la valeur des titres produits par son auteur, pourrait invoquer son erreur comme justifica- tive de sa bonne foi, alors même qu'il s'agirait d'une er- reur de droit 29.

J$2. Taulier, VII, p. 486 et 487. Marcadé, art. cit., 4. Cpr. aussi : Va- zeille, II, 480 et 483 ; et note 9 saprù.

25 Req., 27 février 1856, S., 56, 1, 799. Voy. en sens contraire : Laurent, XXXII, 412. Le Roux, 11,916.

26 Voy. en sens contraire, Laurent, XXXII, 412. L'argument que Troplong (II, 918) et Marcadé (toc. cit.) prétendent tirer, en sens contraire, de la Const. 6 au Gode de prœscr. long. temp. (7. 33), ne repose que sur une interprétation erronée de ce texte. Dans l'espèce sur laquelle ont statué les empereurs Dioclétien et Maximien, il s'a- gissait, non de l'usucapion opposée à un tiers propriétaire, mais uni- quement des rapports du vendeur et de l'acheteur, et leurrescrit se borne à décider que ce dernier n'est pas admis, pour repousser l'action de dolo formée par le premier, à se prévaloir de la prescription de dix à vingt ans. C'est donc bien à tort que les deux auteurs précités ont reproché à Pothier de n'avoir pas rappelé ce rescrit comme indiquant une des con- ditions constitutives de la bonne foi.

27 Voët, XLI, III, Troplong, II, 927.Duranton, XXI, 386. Le Roux, II, 909. Req., 8 août 1870. D., 72, 1, 17. Alger, 17 mars 1879, D., 81, 1, 411.

28 Voy. spécialement quant à la cause de résolution résultant, en ma- tière de vente, du défaut de paiement du prix : § 356, texte in fine.

29 On enseigne assez généralement, en se fondant sur la loi 31, proe»

552 DES DROITS RÉELS.

La bonne foi esi toujours présumée jusqu'à prouve dit contraire. Art, 2208 2" bis.

Mais il est bien entendu que si l'acquéreur voulait, en invoquant une erreur de droit, repousser le reproche de mauvaise foi fondé sur ce que l'inspection des titres de son auteur a lui en révéler les vices, il serait tenu de prou- ver l'existence de cette erreur 30. Et encore, ne devrait-il être admis à cette preuve qu'autant que l'erreur serait plau- sible.

La bonne foi n'est exigée qu'au moment de l'acquisition, c'est-à-dire, lorsqu'il s'agit d'une transmission opérée par acte entre vifs, au moment de la conclusion de la conven- tion translative de propriété 31, et en matière de legs, au

D. de usurp. et usuc. (41, 3), et sur la loi 2, § 15, D. pro emt. (41, 4), que l'erreur de droit n'est point, en matière d'usucapion, justificative de la bonne foi. Voy. Delvincourt, II, p. 656. Troplong. II, 926. Duranton. XXI. 388. Le Roux, II, 917, 918. Mais, pour saisir le véritable sens des lois précitées, il importe de se rappeler qu'en Droit romain le titre putatif était, en certains cas, admis comme équivalant à un titre réellement existant ; et c'est en s( plaçant à ce point de vue, que ces lois décident que l'erreur de droit ne suf- fit jamais pour fonder un titre putatif. Or, la question ne peut plus se pré- senter dans les mêmes termes sous l'empire du Gode civil qui ne recon- naît pas, en matière d'usucapion, le titre putatif; et nous ne voyons pas de motifs pour refuser le bénéfice de l'usucapion à celui qui, ayant en s? faveur un juste titre réellement existant, se serait trompé en droit sur li valeur des titres de son auteur. Cpr. § 28, texte et note 6. Laurent, XXXII 413 ; XV. 505 à m.

^ bis. Le Roux, IL 925. Laurent, XXXII, 414. Bastia, 5 février 189C D., 90, 2, 363.

30 Lorsqu'il est prouvé que l'acquéreur a pris inspection du titre d son auteur, et que ce titre se trouve entaché d'une nullité apparente, l'ai quéreur est, en vertu de la maxime Nemo jus ignorare censetur, présum avoir eu connaissance de cette nullité, et se trouve par cela même soumis la nécessité, pour écarter cette présomption, de justifier de son erreur d droit. Cpr. Laurent, XXXII, 415. Req., 19 février 1873, D., 73. 1. 200

31 Arg. art. 711, 1138 et 1583. Delvincourt, II, p. 656. Duranton, XXI 393.Le Roux, II, 923, 924. Laurent, XXXII. 417. Voy. cep. Civ. rej.,9jaj vier 1827, S., 27, 1, 370. II en est ainsi dans le cas même la cm ventiona été subordonnée à une condition suspensive. C'est à tort, selo nous, que M. Larombière (Des obligations, IL p. 194, 4) enseigne qui dans celte hypothèse, la bonne foi doit exister au moment «le l'accompli?

DE LA PROPRIÉTÉ, g 218. 553

moment le légataire a manifesté l'intention d'accepter le legs 32. La connaissance que le possesseur obtiendrait ultérieurement des droits du véritable propriétaire, ne forme aucun obstacle à l'usucapion 33. Art. 2269.

La question de savoir quelle est, en matière d'usucapion par dix à vingt ans, l'influence de la bonne foi ou de la mauvaise foi de celui qui succède à une possession déjà commencée, se résout par une distinction entre le succes- seur à titre universel et le successeur à titre particulier.

Le successeur à titre universel u continuant, en matière d'usucapion, la possession de son auteur, avec ses vices et ses qualités, on n'a point à prendre en considération la condition personnelle d'un pareil successeur, qui, bien que de mauvaise foi, peut usucaper par dix à vingt ans, lorsque son auteur était de bonne foi, et qui, réciproquement, n'y est pas admis dans le cas contraire, malgré sa bonne foi per- sonnelle 35.

Le successeur à titre particulier commençant, au con- traire, une possession nouvelle, le caractère de cette pos-

semenl de la condition. Cette question est toute différente de celle que nous avons examinée texte et note 12 suprà.

32 II est vrai que, dès l'instant du décès du testateur, le légataire a un droit acquis à la chose léguée. Toutefois, l'acquisition ne se consomme, d'une manière définitive, que par l'acceptation du legs, d'où la conséquence que c'est à ce moment que la bonne foi doit exister. Yoy. en sens con- traire : Laurent, XXXII, 417, in âne.

33 Mata fides superveniens (id est scientia rei alienœ) non impedit usuca- pionem. Cpr. L. un., § 3, C. de usuc. Iransf. (7, 31). Il en est autrement, d'après le Droit canonique. La disposition de l'art. 2269 est critiquée par Laurent, XXXII. 416. Cpr. Marcadé, VIII, sur l'art. -2235, no 2. Le Roux, II, 924.

3; Sous cette expression, nous comprenons tous les successeurs à titre universel, qu'ils jouissent ou non de lasaisine. Le Roux, I, 349 à 354 ;II, 921. C'est à tort que Zacharise(|217, texte et note 18) restreint la propo- sition énoncée au texte aux successeurs universels qui représentent la personne du défunt. Cpr. § 181, texte et note 12.

33 § 12. Inst. de usuc. (2, 6). Vazeille, II, 497. Troplong, II, 932 et 937. Duranlon, XXI, 238. Marcadé, sur l'art. 2235, n^ 1 et 2. Le Roux, 1. 352. 333; H, 921. Folleville, Jonction des possessions, 46. Laurent, XX XII. 361. Roq., 27 août 1835, S., 35. 1, 797.

554 DES DROITS RÉELS.

session doit s'apprécier dans sa personne, etne sedétermioj plus d'après les vices et les qualités de celle de son auteur Lorsque le successeur particulier est de bonne foi, il peut malgré la mauvaise foi de son auteur, usucaper par dix î vingt ans, à dater de son entrée en possession 3G. Quand le successeur particulier est de mauvaise foi, la bonne i'o de son auteur ne l'autorise pas à se prévaloir de l'usina pion par dix à vingt ans

37

36 Arg. a fort. art. 2239! Duranton, XXI, 240, Marcadé, loc. cit. Lau- rent, loc. cit.

:]7 L.2,§ il,\),pro emt. (41,4). Dolvincourt,ILp.f>:i8. Taulier, VII, p. 456 Duranton, XXI, 441. Marcadé, loc.cit. Zacharue, § 217. Le Houx, I, 353, Lan rent, loc. cit. Colmet de Santerre, VIII, 376 bis, I.Voy.en sens contraire : Va zeille,II, 497.ïroplong,ï,432,et II, 938. Limoges, 2 décembre 1854,S., 9 1 2, 549,. Cette dernière opinion nous parait aussi contraire aux règles de I morale qu'aux principes du droit. Les considérations d'équité et d'utilitt générale qui ont fait admettre la maxime Mala fides superveniens noi nocet en faveur de celui qui, étant de bonne foi au moment de son acqui sition, a cessé de l'être avant l'accomplissement de l'usucapion, ne mili lent pas pour le successeur particulier qui s'est rendu acquéreur de 1; chose d'autrui, malgré la connaissance qu'il avait des droits du véritahl propriétaire : il ne saurait trouver dans la bonne foi de son auteur, uni excuse li sa mauvaise foi. L'art. 2269 se contente, il est vrai, de l'exis tence de la bonne foi au moment de l'acquisition. Mais ce texte n'est nul lement contraire à notre manière de voir: il ne prévoit pas le cas de plu sieurs transmissions successives de la chose d'autrui, et ne dit nulleinen qu'il suffit, dans ce cas. que la bonne foi ait existé chez le premier acqué reur; il signifie seulement que la mauvaise foi, survenue dans la per- sonne d'un acquéreur quelconque, ne forme pas obstacle à ce que l'usuoi pion par dix à vingt ans ne s'accomplisse à son profit, et par suite n'em pèche pas qu'il ne puisse, même avant l'accomplissement del'usucapioi transmettre à un successeur de bonne foi les avantages de sa propre jto sition. L'argument qu'on a voulu tirer, contre notre manière de voir, d l'art. 2235, n'est pas plus concluant que celui auquel nous venoie de répondre. Cet article, en effet, se home à poser le principe de I jonction des possessions, sans indiquer les conditions auxquelles cell jonction devient possible pour conduire à l'usucapion par dix à vin ans. D'un autre côté, l'art 2283 autorise hien le possesseur actuel à juin die à sa possession celle de son prédécesseur; mais cela ne veul pas <lir pie le successeur à titre particulier, dont la possession e8t complèle ment distincte de la possession de son auleur, puisse, en les Soudan l'une à l'autre, faire participer la sienne propre aux avantages de celle d ce dernier.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 218. 555

Mais rien ne l'empêche de joindre la possession de ce lernier à la sienne propre, pour invoquer rusucapion par rente ans.

La possession avec juste titre et bonne foi conduit à 'usucapion au bout de dix ans, lorsque, pendant tout ce emps, le véritable propriétaire a eu son domicile dans le vssort de la Cour d'appel se trouve situé l'immeuble, •t au bout de vingt ans seulement, lorsque ce propriétaire i toujours été domicilié dans le ressort d'une autre cour l'appel 88. Art. 2265. Que si le véritable propriétaire ivait eu, en différents temps, son domicile dans le ressort *t hors du ressort de la situation de l'immeuble, chaque innée d'absence ne compterait que pour la moitié d'une muée de présence, de sorte qu'il faudrait deux années l'absence pour remplacer une année de présence. Art, 2266 3fl. Le temps requis pour l'accomplissement de l'usu-

38 Suivant certains auteurs, dont l'opinion a même été consacrée par [uelques arrêts, on devrait, pour l'application de la distinction intli- [uée au texte, s'attacher exclusivement au fait de la résidence, sans tenir ;ompte du domicile. Yoy. Delvincourt, II, p. 656. Marcadé, sur les art. im à 2269, no S. Nimes, 12 mars 1834, S., 34, 2, 360. Pau, 6 juillet 1861, S., 61, 2, 433. Mais l'argument qu'on a voulu tirer, dans ce sens, les mots de l'art. 2265 Si le véritable propriétaire habile, nous par-ail écarté par la suite du même article, et par l'art. 2266, le législateur s'est servi des termes domicilié et domicile. En effet, l'emploi de ces der- nières expressions, sur la signification desquelles il n'y a pas de doute possible, fait disparaître toute incertitude quant à l'acception dans la- quelle il convient de prendre le mot habiter, qui peut s'appliquer au do- micile aussi bien qu'à la simple résidence. Nous ajouterons que l'opinion contraire serait incompatible avec l'esprit général de notre législation sur le domicile, et avec cette idée que, pour le règlement des rapports juri-

liques dans lesquels une personne peut se trouver avec une autre, elle est toujours censée présente au lieu de son domicile. Vazeille, II, 503 à î)0S. Troplong, II, 865 et 866. Duranton, XXI, 377. Zacharia>, % 217. note 19. Montpellier, 10 mars 1829, S., 30, 2, 44. Grenoble, 12 juillet 1834, S., 35, 2, 476. Voy. en sens contraire : Laurent, XXXII. 421. Gpr. Pothier, De la Presc., no 107. Le Roux, IL 942. Golmet de Santerre, VIII. 372 bis, XVI. Pau, 6 juillet 1861, S., 61, 2, 433.

3n C'est évidemment par inadvertance que cet article dit : il faut ajou- ter à ce qui manque aux dix années de présence, au lieu de dire : il faut

556 DES DROITS RÉELS.

capion est donc susceptible de varier de onze manière différentes, depuis dix ans jusqu'à vingt ans.

Lorsque, de plusieurs copropriétaires d'un immeubl les uns sont domiciliés dans le ressort de la Cour d'appc il est situé et les autres hors dudit ressort, la prescription s'accomplit par 10 ans à l'égard des premiers pour leur parts indivises, sans qu'ils puissent se prévaloir de ce qu le temps requis pour l'accomplissement de l'usucapion l'encontre de leurs consorts, n'est pas encore écoulé *°.

B. L'usucapion par dix à vingt ans, en consolidant 1 propriété, l'affranchit de toutes les éventualités dévictio auxquelles elle se trouvait soumise, à raison d'actions e nullité, en rescision, ou en résolution, ouvertes contre ] titre de la personne dont l'acquéreur tient ses droits, ( qui étaient de nature à réfléchir contre lui 41.

Mais cette usucapion n'a pas pour cfïet d'éteindre le servitudes réelles, dont se trouve grevé un immeubl acquis et possédé comme franc, les charges de cetl nature ne s' éteignant que par le non-usage pendant tren ans, alors môme que l'immeuble grevé a passé dans 1( mains d'un tiers acquéreur *2.

L'usucapion par dix à vingt ans d'un immeuble corpore

ajouter' aux années de présence. Marcadé, loc. cit. Le Roux. IL 940. C( mot de Santerre, VIII, 373 bis, II et III.

Zachariae, § 217, texte et note 22. Le Roux, 0,945. Laurent, XXX 422. Civ. cass., 22 novembre 1833, S., 33, 1, 826. La Cour de Colin dont l'arrêt a été cassé, avait, en décidant le contraire, confondu la simj indivision avec l'indivisibilité. Cpr. § 214, texte in fine,

'•' Cpr. §§356, 360, 083 quater, 700 et 739. Vazeille, II, 517 et 31 Troplong, II, 850 à 852. Le Roux, II, 848, 849 et 852. Laurent. XXX 425 : XXVII, I 18 : XIX. 73. Amiens, 3 août 1839, S., 41, 2, 190. Ao cep. art. 966, et § 709. texte in fine. Ce principe toutefois ne s'applique à l'action l'évocatoire ou paulienne, § 313, texte no 4 et note 45. Cj Civ. rej., 9 janvier 1865, S., 65, 165, ni à l'action en délaissement biens compris dans une donation révoquée pour cause de survenai d'enfants, § 709, texte m fine, notes 43 et 44 .

» Art. 706, cbn. 2264. Cpr. § 179, texte no 2, lett. a. et note 23 255, texte, lett. Il, 2. Req., 23 novembre 1873. I)., 70, 1, 423. \< cep. Laurent, XXXII. 424; VII. 90, 91; VIII, 314. Colmet de Santer VIII. 372 bis, XXI et s.

DE LA PROPRIÉTÉ. § "-2 18. 557

n a pas non plus pour effet d'éteindre, par elle-même, les servitudes personnelles auxquelles cet immeuble se trouve soumis. Cela toutefois n'empêche pas que celui qui, par juste titre et de bonne foi, a acquis, soit du nu propriétaire, soit a non domino, un immeuble grevé d'usufruit, ne puisse, par l'effet de la prescription acquisitive de dix à vingt ans, réunir cet usufruit à la nue propriété y,i.

Quant aux hypothèques, elles sont bien susceptibles de s'éteindre, par la prescription de dix à vingt ans, au profit du tiers acquéreur de l'immeuble hypothéqué. Mais cette prescription extinctive ne doit pas être confondue avec l'usucapion de la propriété, dont elle est complètement indépendante, bien qu'elle soit, comme cette dernière, fondée sur la possession *'*.

L'usucapion par dix à vingt ans n'entraîne que l'extinction de l'action en revendication qui eompétait au véritable propriétaire ; elle laisse subsister, soit l'action personnelle en restitution qui peut lui appartenir contre celui dont émane le titre qui a servi de fondement à l'usucapion ** W«, soit tout au moins Faction en indemnité, fondée sur le délit ou le quasi-délit dont ce dernier s'est rendu coupable en disposant indûment de la chose d'autrui *5.

D'un autre côté, l'usucapion par dix à vingt ans n'a pas pour résultat de purger le titre, en vertu duquel elle s'est accomplie, des vices de nullité relative ou de lésion dont

3 Cpr. Le Roux, il, 853. Voy. pour le développement de cette propo- sition: §434, texte, lett. I).

** Art. -2180. Cpr. §-293. Cpr. Colmet de Santerre, VIII, 372 bis, XX.

41 bis. Alors même que l'acquéreur possède avec juste titre et bonne foi, la prescription établie par l'art. 2263 ne l'affranchit pas des obliga- tions qui lui sont personnellement imposées. Ainsi, au cas de donation immobilière faite en fraude des droits des créanciers, le détenteur de bonne foi, assigné en vertu de l'action révocatoirc de l'art. 1167, est tenu de res- tituer au créancier tout le profit qu'il a tiré de la libéralité. Si au con- traire, cette même action révocatoirc était intentée contre un individu qui aurait participé à la fraude du débiteur, il serait tenu à la restitution pour le tout. Civ. rej., 9 janvier 1865, S., 6o, 1. 65.

*6 Art. 4382 et 1383. Vazeilie, II, 489. Le Roux, II, 864 et 897. Lau- rent, XXXII, 427. Req., 20 juillet 1852, S., 52, 1,689.

558 DES DROITS RÉELS.

il se trouve entaché; de sorte que l'action en annulatîoi ou en rescision compétent à Fauteur de ce titre peut, seloi les cas, survivre à l'accomplissement de l'usucapion Mi.

De ces deux dernières propositions combinées entre elle il résulte que, malgré l'accomplissement de l'usucapion i l'extinction de l'action en revendication, le véritable pro priétaire peut, du chef et comme créancier de celui qui ; aliéné l'immeuble usucapé, exercer l'action en nullité 01 en rescision qui serait encore ouverte, au profit de c< dernier, contre le titre d'aliénation, et obtenir ainsi, pu voie d'action personnelle, la restitution de cet immeuble r'

46 C'est ce qui aurait lieu, bien qu'aux termes de Tari. 1304 l'action ci nullité ou en rescision se prescrive également par dix ans, si la prescriji tion de cette action n'avait commencé à courir que postérieurement ai point de départ de l'usucapion, ou que le cours en eût été interrompu. Lau rent, XXXII, -V28.

,f7 Cette proposition, qui ne parait pas contestable, fait en grande par tie disparaître l'intérêt pratique que présente la question de savoir si 1, connaissance, de la part de l'acquéreur, des causes de nullité relative (H de rescision dont son titre est entaché. le constitue en mauvaise foi, et form ainsi obstacle à l'usucapion par dix à vingt ans, puisque l'accomplisse ment de l'usucapion n'enlèvera pas au véritable propriétaire, le moyâ de recouvrer son immeuble, tant que l'action en nullité ou en rescision n se trouvera pas elle-même éteinte par prescription ou confirmation. El dans l'hypothèse contraire, il serait bien rigoureux de considérer l'a( quéreur comme ayant été de mauvaise foi à raison de la eonnaissanc d'un vice purement relatif, qui pouvait disparaître, et qui de fait aur été complètement effacé. Laurent, XXXII, 428.

CHAPITRE IV

De* action* qui unissent du droit tic propriété.

§ 219.

Les actions naissant du droit de propriété, sont l'action en revendication, et Faction négatoire.

Quant à l'action publicienne *, admise en Droit romain, elle n'existe plus chez nous, comme action distincte de la revendication. A notre avis, la controverse qui s'est élevée à ce sujet se réduit, en tant qu'on l'envisage dans son intérêt pratique, à une simple question de preuve, à celle de savoir quelles sont, dans telles circonstances données, et eu égard à la position du défendeur, les justifications à faire par le demandeur en revendication **&.

1 Sur toute cette théorie, consulter C. Âppleton, Histoire de la pro- priété prétorienne, et de l'action publicienne ; Paris ISSU. ± vol. in-S et Revue critique, 1889, Dissertation extraite de cet ouvrage, p. "29.

lbis C'est ce qui ressortira des explications données dans la suite du texte. Ces explications feront voir que. tout en nous rattachant, pour la solution du point de savoir quelles sont les justifications à faire par le de- mandeur en revendication, à l'idée d'un droit meilleur ou plus probable,, qui formait la base de l'action publicienne. nous pensons cependant qu'il convient, dans l'application de cette idée, de tenir compte de la différence profonde qui sépare notre législation, sous l'empire de laquelle la posses- sion, même de mauvaise foi. renferme en elle le germe de l'usucapion, lorsque d'ailleurs elle réunit les qualités requises par l'art. ii>29. et le Droit romain, qui n'admettait pas que la possession de mauvaise foi put conduire à l'usucapion. C'est pour ce motif surtout que nous ne saurions nous associer à l'opinion des auteurs qui, examinant la question au point de vue purement théorique, enseignent que l'action publicienne subsiste •meure aujourd'hui avec ses caractères et ses conditions propres. 11 ne faut d'ailleurs pas perdre de vue (pie, dans notre Droit, le possesseur annal a toute une année pour rentrer, au moyen de la complainte, dans la pos- session dont il a été dépouillé, et qu'ainsi l'action publicienne ne présen- terait plus, sous ce rapport, la même utilité pratique qu'en Droit romain,

560 DES DROITS RÉELS.

De l'action en revendication.

De sa nature, Faction enrevendicationpeutavoir pour obj< des meubles, aussi bien que des immeubles ; mais en Dro

l'interdit uti possidetis ne protégeait que le possesseur actuel, et uc celui qui avait cessé de posséder. Voy. pour le maintien de l'action pi blicienne : Duranton. IV, 233 et suiv., et XVI, 21. Troplong. De i prescription, 1, 230, et De la vente. 1, 23o. Demolombe, IX, 484. Zacharia § ^18, texte in fine, notes 1.4 et 1:2 : Voy. contre le maintien de cette a tion : Laurent, VI, 156. Pour justifier cette opinion, il convient d'examim rapidement l'action publiçienne dans son principe, et dans son déveloj peinent historique. D'après la doctrine la plus répandue, l'origine de l'ai tion publiçienne se rattache à l'ancienne distinction romaine des ehos< en res rnancipi, et res nec mancipi. Lorsqu'une res mancipi, par exen pie. un fonds déterre, avait été transmise par le moyen d'un simple moi d'acquisition du jus gentium, comme une vente suivie de tradition, fai quéreur n'obtenait point sur cette chose le domaine quiritaire. Ce d< mnine nclui était dévolu que si au mode d'acquisition du droit des géra venait s'adjoindre un mode d'acquisition du droit civil, comme la manc pation ou l'usucapion : sinon, la chose était seulement in bonis de reh qui l'avait reçue. De plusieurs conséquences. D'abord, jusqu'à ce qi l'usucapion lut accomplie, l'acquéreur, même jouissant de la possessioi restait exposé aux caprices du vendeur qui pouvait revendiquer la cha vendue : à cette action, il avait, il est vrai, la ressource d'opposer l'excej tion rei vendit m et ivaditœ. Mais, s'il avait perdu la possession, il n'avi aucune action pour réclamer la chose aux mains d'un tiers détenteur 4 Inst. de act. (4, 6,) C'est à cette situation que le préteur Publicius, coi tempo rain sans doute de Gicéron, apporta un remède d'équité (Ejusqi rei argumentant est primo œquitas. L. 17. D. de Publ. in rem action (o\2) au moyen d'une action réelle établie sur cette fiction que l'usucapit était accomplie, tandis qu'elle était seulement commencée. Inventa est Prœtore actio. in qud dieit is, qui posscssiojiem amisit eam rem se us cepisse, et ùavindicat suam esse. § 4,fr2s£.(4, 6). Si toutefois cette actic était intentée contre lèveras dominus qui était armé d'un titre supérieur celui du demandeur, il se défendait en opposant l'exception justi domim Devenant ainsi demandeur en exception, il était, bien que possesseur La chose1 réclamée, tenu de prouver qu'il en était propriétaire : c'est sa doute à cette hypothèse que fait allusion le § u2, hoc.tit. portant : sanè u casu qui possidet, nihilominus aetoris partes obtinet. La publiçienne n' vait donc d'efficacité véritable qu'à l'égard d'un tiers possédant en ver d'un titre inférieur ou moins probable que celui du demandeur : et jurisconsultes romains n'étaient point d'accord sur la règle à suivre po déterminer la préférence entre les titres. L. i), § l. D. h. t. L.31, § -•

DE LA PROPRIÉTÉ. § 219. 5b'l

français, elle n'est admise, à l'égard des meubles, que dans les deux cas exceptionnels indiqués par le second alinéa de l'art. 2279 \

De act. emti et venditi (19, 1). L'exercice de l'action publicienne était subordonné à Ja réunion de toutes les conditions exigées par l'usucapion (chose susceptible d'usucapion, justa causa, bona fides) sauf la durée du temps légalement exigé. L'usage de cette action, plus commode en ce que la preuve était plus simple, et en ce que le demandeur n'avait pas à jus- tifier du droit de son auteur, s'appliqua dans la pratique à tous les cas de transmission de meubles ou d'immeubles : elle s'étendit même au cas la tradition avait été faite à non domino, circonstance qui ne modifiait en rien la situation des parties. Justinien ne conserva point l'ancienne di- vision des res mancipi et nec mancipi, mais il maintint la publicienne, telle qu'il l'avait trouvée en usage, avec les conditions et les effets que nous venons d'indiquer. Peu nous importe qu'il ait ou non, comme on le soutient, altéré le texte de l'édit prétorien, en ajoutant les mots à non domino qui ne figurent point dans le manuscrit deGaius, et qui ne se com- prenaient guère sous l'ancien droit, (Cbn. Gains, IV, 36. L. l.D. h. t.) l'action publicienne a passé dans les Pandectes. elle s'est maintenue. Cpr. sur ces diverses questions : Obrock, De publicianâ in rem actione; Gœttingue 1843. Pcllat, De la Propriété, p. 427 et suiv. Paris 1850, in-8. Bonjean, Des actions, II, 282. Ortolan, Instituts, I, p. 453 ; II, p. 513. Démangeât, Cours de Droit Piomain, II, p. 509. Aecarias, Précis de Droit Romain, II, p. 988. Walter, Gcschichte des rœmischen Redits, II, g 537, 540, 541, 677. Puchta, institutionen, II, 233, ÏM; Pandekten, et Vorlesungen, 173. Thibaut, Pandekten, I, 254 à 257. Vangerow, Lehrbuch des Pandekten, I, 335. Ces règles ainsi formulées furent acceptées par l'ancienne jurisprudence française, afin d'atténuer la rigueur de la preuve imposée au demandeur en revendication. Pothier, Du Domaine de Propriété, % 292, et la note de Bugnet. Merlin (Rép., Revendica- tion, § 2, 3) pose la question comme étant hors de toute contestation. Troplong, Presc, I, 230. Vente, I, 235. Ainsi s'est établie en ayant pour point de départ quelques-unes des règles de l'action publicienne, telle qu'on la retrouve au Digeste, la théorie du titre le meilleur et le plus probable, spéciale uniquement à la preuve en cas de revendication, théorie qui a été consacrée par la jurisprudence moderne, et dont on trouvera le développement dans la suite de ce §.

2 Les actions que les art. 1926 et 2102, 4, du Code civil, 574 et suiv. du Code de commerce, qualifient d'actions en revendication, ne sont en réalité que des actions personnelles en restitution. Quant à la revendica- tion dont il est question dans l'art. 2102, 1, al. 5, elle constitue bien une action réelle ; mais elle dérive d'un droit de gage, et non d'un droit de propriété. Les cas exceptionnels la revendication est admise en

n. 36

562 DES DROITS RÉELS.

a. L'action en revendication, qu'il faut se garder de confondre avec les actions en restitution fondées sur un rapport d'obligation personnelle, se forme contre le dé- tenteur de l'immeuble revendiqué. La circonstance que cl détenteur ue posséderait pas pour son propre compte, mail pour le compte d'autrui, n'empêcherait pas que Faction ne fût régulièrement introduite '\ et ne dut être considérée comme interruptive de prescription à l'égard du véritable possesseur 4.

b. Le demandeur en revendication est tenu de justifier du droit de propriété qui forme le fondement de sa demande a. Cette justification résulte, d'une manière irréfragable, de la preuve de l'accomplissement de l'usu- capion, au profit du revendiquant lui-même ou de l'un de

fait de meubles ayant été développés aux || 183 et 183 bis, nous ne trai- terons ici que de la revendication en matière immobilière.

3 Le propriétaire, autorisé à poursuivre sa chose entre les mains de toute personne qui la détient, ne peut être tenu de rechercher à quel titre elle la délient, d'autant plus qu'il n'existe pas pour lui de moyens certains et légaux de reconnaître, si elle la possède pour son propre compte ou pour le compte d'autrui. C'est aussi ce que décide formellement la loi 9, D. de rei vind. ((), 1), et ce qui résulte implicitement de l'art. 17:27 du Code civil. Polluer. De la propriété, 298. Proudhon., Usufruit, III, 1304. Laurent, VI. K>7. Il est bien entendu du reste que, si le défendeur déclare ne posséder que pour le compte d'un tiers qu'il indique, le de- mandeur devra, pour régulariser son action, mettre ce dernier en cause. Cpr. quant aux biens détenus par une congrégation religieuse non auto- risée : Laurent. VI, 1">H.

* Dès qu'on admet que l'action en revendication est régulièrement in- troduite contre celui qui délient l'immeuble revendiqué, on est forcément amené à reconnaître que la demande ainsi formée, est interruptive de la prescription de cette action, quelle que soit la personne contre laquelle celle interruption doive réfléchir, sans qu'il puisse être ici question de l'application du principe, d'ailleurs incontestable, que l'interruption de la prescription ne s'étend pas, en général, d'une personne à une autre. Gpr. cep. Proudhon, De l'usufruit, \\,lK.\'i. Vazeille, Des prescriptions, I, 249. Troplong, De la prescription, [1,634. Le Roux, De la prescription. I. 562. Rcq., 21 décembre in:»!). S., 60, I. £49.

:i Cpr. Req,, i février 1857, S., 57, I, 650. Req., Il novembre 1861, S., 62, l, il. Bordeaux, 14 juin f877, S., 79, 2,324. Req., 26 mars 1879, S,, 71), 1, 294. Req., 23 janvier 1884, S., 84, 1, 152.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 219. 563

ses auteurs. En dehors de cette hypothèse, il convient, pour résoudre la question de savoir si la preuve du droit de propriété, sur lequel repose la demande en revendica- tion, se trouve ou non rapportée, d'établir les distinctions suivantes 6 :

Lorsque le demandeur produit un titre de propriété7,

6 En dehors de l'usucapion, la preuve du droit de propriété, qui in- combe au demandeur en revendication, ne saurait, en pure théorie., s'ad- ministrer d'une manière complète, que par la production d'un titré trans- latif de propriété, accompagnée de la justification du droit de l'auteur im- médiat, et de celui des prédécesseurs de ce dernier. Mais une preuve aussi rigoureuse se concilierait difficilement avec les exigences pratiques ; et il semble, d'un autre côté, qu'au point de vue de l'équité, on ne puisse ré- clamer du revendiquant que la preuve d'un droit meilleur ou plus pro- bable que celui du défendeur. C'est sur ces considérations, combinées avec la présomption de propriété qui s'attache à la possession, que sont fondées les règles indiquées dans la suite du texte, règles qui, dans le si- lence de la loi sur les éléments constitutifs de la preuve du droit de pro- priété, nous paraissent devoir être admises par cela même qu'elles sont conformes à l'esprit général de notre législation. Appleton, op. cit., 374 et 375. Voy. en sens contraire : Laurent, VI, 169.

7 Les jugements ou les partages, quoique ne constituant pas des justes litres en matière d'usucapion. sont à considérer comme des titres de pro- priété dans le sens de la proposition énoncée au texte. Pothier, De la propriété, 323. Riom, 4 juillet 1857. S.. 58, 2, 103. Civ. cass., 22juin 1864, S., 64, 1, 349. Rouen. 1er février 1865, S., GO. 2, 180. Req., 22 mai 1865, S., 65, 1, 359. Civ. cass.. 21 décembre 1805, S., 66, 1, 205. Civ. cass., 13 juillet 1870, S.. 70, 1, 397. Aix, 29 février et 15 mars 1872, S. .73. 2,49 et la note. Il résulte de ces arrêts que si l'acte public régulier translatif de propriété a spécialement effet entre les parties contractan- tes, les tiers qui y sont étrangers ne peuvent cependant le combattre que par des titres contraires ou par une possession caractérisée antérieure au plus ancien des titres produits. Il est d'ailleurs généralement admis que les dispositions de l'art. 1165 qui ne donne effet aux conventions qu'entre les parties contractantes, n'est pas applicable au cas de contestations por- tant sur la preuve du droit de propriété. Req., 10 avril 1872, S., 72, 1, 374. Pau, 8 mai 1872, S., 73. 2, 79. Req., 20 juillet 1874, S., 74, 1, 363. Bor- deaux, 18 décembre!879, S., 80, 2, 109. Bordeaux, 6 avril 1883, S., 83, 2, 148. Civ. cass., 14 novembre 1888, D., 89,1, 469. Voy. en sens contraire : Laurent, VI, 162. Naquet, Dissertation, S.. 73, 2, 49. Arnault, Recueil de l'académie de législation de Toulouse, 1877-1878. XXXI. p. 169. Joseph Bressolle, Revue critique, VIII, 1879, p. 207, 208. Mais la seule possession des titres de propriété d'un immeuble ne constitue pas une présomption

504- DES DROITS RÉELS.

et <$ue le défendeur n'en rapporte point, le revendiquai]]

doit être considéré comme justifiant suffisamment de son droit de propriété, pourvu que son titre soit antérieur à la possession du défendeur. Au cas contraire, il devrait, pour faire admettre sa demande, prouver le droit de propriété de son auteur au moyen d'une justification analogue à celle qui vient d'être indiquée, c'est-à-dire, en produisant le titre de ce dernier, et en prouvant que ce titre est dune date antérieure à la possession du défendeur 8.

Quand les deux parties rapportent, l'une et l'autre, des titres de propriété, et que ces titres émanent de la même per- sonne 8/«5, c'est par l'antériorité des transcriptions ou, selon les cas, des titres eux-mêmes, que se règle la préférence. Que si ces titres émanaient d'auteurs différents, la demanda devrait être rejetée et le défendeur maintenu en posses- sion 9, à moins que le demandeur ne parvint à établir que son auteur Teùt emporté sur celui du défendeur, dans le cas la contestation se serait élevée entre ces derniers ,0.

Enfin, lorsque le demandeur ne produit aucun titre à l'appui de sa réclamation, et qu'il se borne à invoquer soit d'anciens faits de possession, soit des présomptions tirées de l'état des lieux ou d'autres circonstances, la question de savoir si le juge peut admettre ces moyens comme suffisants pour justifier la demande, doit se résoudr

légale établissant, la transmission an profit du possesseur des titres Civ. rej., ±1 mai 1877, S., 78. 1. 146.

8 Pothier, op. cit., n<> 324. Merlin, Rép., Revendication, § 4, n( Lyssauticr. Journal de Grenoble et de Chambéry, 1866, p. 130. Laurent VI, 162. Appleton, op. cit., 377. Civ. cass., 22 juin 186'*, S., 64,1, 349 Rouen, 1"'- février 1865, S. ,(>(), 2,180. Civ. eass.,'°->7 décembre 1865, S.,66 1,205; D.,66,1, 5. Voy. eneorc les arrêts cités à la note 7, suprù.

8 bit Appleton, op. cit., 378. Cpr. De faction en revendication de, immeubles, par Montagne, Poitiers 1879, p. 410. Voy. en sens contraire Laurent, VI, 171.

,J In pari causa, melior est causa possidenlis. L. 9, § i, 1). de publ. U rem ad. (6, "1). Merlin, op., et toc. citt. Appleton, op. cit., 378. Voy ru sens contraire : Laurent, VI, 171.

10 Cette preuve une Ibis faite, le titre et la possession du défendrai doivent être écartés, par application de la règle Nemo plus jarisinuliui transferre potest quam ipse haberet. Appleton. op. et loc. citt.

DE LA PROPRIÉTÉ. S 219. 565

par une distinction entre le cas le défendeur a une possession exclusive et bien caractérisée, et celui les faits de jouissance dont il se prévaut ne réunissent pas les qualités constitutives dune possession utile. Au premier cas, la présomption de propriété attachée à la possession du défendeur doit remporter, quelque graves que puissent être les circonstances de fait militant en faveur du deman- deur ". Au second cas, il appartient au juge de balancer entre elles les présomptions respectivement invoquées par les deux parties, et d'accueillir ou de rejeter la demande suivant le résultat de cet examen comparatif 12.

c. L'action en revendication, dont l'objet principal est de faire reconnaître le droit de propriété du demandeur, tend,

11 Âpplcton, op. cit. y 379. Giv. eass., 22 novembre 1847, S., 48, 1, 24. Giv. cass., 9 décembre 1 856, S., 57, 1, 388. Giv. cass., 10 janvier

1860, S., 60, 1, 340. Req., 30 décembre 1872, S., 73, 1, 150. Civ. cass., 9 novembre 1886, D., 87, 1, 246. Gpr. Req.,25 avril 1882, D., 82, 1, 248.

12 Appleton, op. cit., 379, 382, 385. Req., 31 juillet 1832, S., 32, 1, 783. Req., 20 novembre 1834, S., 35, 1, 70. Req., 13 juin 1838, S., 38, 1, 886. Giv. rej., 26 août 1839, S., 39, 1, 920. Req., 29 janvier 1840, S., 40, 1, 957. Civ. rej., 16 avril 1860, S., 60, 1, 801. Req., 11 novembre

1861, S., 62, 1, 41. Req., 17 décembre 1866, S.. 67, 1, 30. Req., 20 avril 1868, S., 68, 1, 269. Req., 17 juin 1873, S., 73, 1, 265. Req., 30 juin et 17 mars 1874, S., 74, 1, 122 et 485. Req., 7 mars 1877. S., 78, 1, 340. Giv. rej., 10 août 1880, S., 81, 1, 117. Req., 29 janvier 1884, S., 84, 1, 152. Orléans, 9 février 1884, D., 86, 2, 11. Lyon, 2 mars 1887, D.. 88, 2, 66. Les titres produits par les détendeurs à la revendication, une fois qu'ils sont introduits dans l'instance appartiennent à toutes les par- ties et le juge peut y puiser des éléments de décision à l'appui, soit comme preuve, soit comme commencement de preuve par écrit. Laurent, YI, 165. Req., 22 mai 1865, S., 65, 1, 359 ; D., 65, 1, 473. Req., 31 mars 1868, D., 68, 1, 418. Req., 20 mars 1888, S., 89, 1, 62. Laurent (VI, 172) n'admet pas dans l'hypothèse visée au texte que le demandeur puisse triompher même d'un défendeur, dont la possession n'est ni caractérisée ni exclusive, s'il ne démontre pas à l'aide d'une preuve littérale, quand la valeur pécuniaire du litige dépasse 150 irancs,que lui ou son auteur était propriétaire ; il ne peut pas s'appuyer sur desimpies présomptions, notam- ment sur l'état des lieux, les dépositions des témoins etc. M. Appleton (op. cit., 381 et s. a fait justice de cette argumentation qui n'a réuni que peu d'adhérents. Voy. cep. Montagne, op. cit., p. 213. Gpr. Naquet, Disser- tation précitée, S., 73, 2, 49.

566 DE DROITS RÉELS.

par voie de conséquence, à obtenir la restitution de l'im- meuble revendiqué avec ses accessoires et accession! encore existants, ainsi que la bonification des produits 01 émoluments de cet immeuble, et la réparation des dom- mages que le propriétaire aurait pu éviter s'il avait posséda lui-même 13.

En tant que les indemnités dont il vient d'être questior sont fondées sur des causes postérieures à l'introduction de l'action, les droits du demandeur sont en général les mêmes que le défendeur ait été de bonne foi ou de mauvaise foi u C'est ainsi que le possesseur, même de bonne foi, est, à par- tir de la demande, tenu de restituer, non-seulement loi fruits par lui perçus, mais encore ceux qu'il a négligé d( percevoir u ; et que, d'un autre côté, il répond des dété riorations arrivées par sa faute. La seule différence qui dans cette hypothèse, existe entre lui et le possesseur <W mauvaise foi, c'est qu'il n'est pas tenu du cas fortuit10.

Lorsqu'il s'agit de répétitions fondées sur des causes an- térieures à l'introduction de l'action, il faut, pour détermi ner, d'une manière plus précise, l'étendue de l'obligation d< restitution qui incombe au défendeur, distinguer entre h possesseur de bonne foi et le possesseur de mauvaise foi

13 Telle est l'idée complexe qu'on exprime d'ordinaire en disant que restitution doit se faire cum omni causa. Cpr. L. 75. et L. 81, D. de 1 S. (50, 16). Laurent, VI, 476.

14 Les obligations qui incombent à cet égara au possesseur, même j bonne foi, sont à considérer, bien moins comme la conséquence d'un présomption de mauvaise foi attachée à la demande, que comme dériva du contrat Judiciaire . Cpr. § G20(>, texte et note °2i. Le système contraii conduirait à imposer au défendeur qui aurait été de bonne foi jusqu'à l'h troduction de la demande, l'obligation de répondre de toutes les détéru rations survenues à partir de cette époque, et de celles mêmes qui seraiei le résultat d'un ras fortuit. Or, cette conséquence nous parait inadmisa ble en équité, et le Droit romain la rejette formellement. Cpr. texte el ne Mi ii/frà.

13 g 9, Inst. de off. jud. (4, 17). L. 1 G. de fruet et lit. eœp. (7, M 16 L. 40, proe., I). de lier. pet. (;>, 3). Sell, Rômische Lehre der dnmi

chen Reçhte, £ (.>ï. p. ;!<>'). Âccarias, Précis de droit romain, IL 80'

p. 960.

Ce dernier est tenu de rendre compte des fruits par lui perçus et de ceux qu'il a négligé de percevoir 17. Il doit même la restitution de ceux qui auraient été perçus, de bonne foi ou de mauvaise foi, par les tiers auxquels il a transmis la chose usurpée. 11 doit de plus les intérêts des fruits du jour de la demande, conformément à l'art. 1153, et peut même être condamné à les payer à partir d'une épo- que antérieure, non, il est vrai, à titre d'intérêts moratoi- res, mais à titre de dommages-intérêts 18.

Le possesseur de mauvaise foi est responsable de toute espèce de détériorations, même de celles qui ont eu lieu par cas fortuit 1!), à moins qu'il ne prouve, quant à ces der- nières, qu'elles se seraient également produites, si l'immeu- ble revendiqué avait été en la possession du demandeur. Art. 1302, al. 2.

Enfin, lorsqu'il a disposé d'objets mobiliers, sujets à res- titution comme accessoires de cet immeuble, il est tenu d'en bonifier la valeur intégrale, bien qu'il n'en ait retiré qu'un prix inférieur. Arg. art. 1379.

Le possesseur de bonne foi, au contraire, ne doit pas la restitution des fruits 20. Il n'est responsable, ni des dété- riorations arrivées par cas fortuit, ni même de celles qui procèdent de son fait, si ce n'est jusqu'à concurrence du profit qu'il en aurait retiré n. Enfin, il n'est tenu, quant aux objets mobiliers dont il a disposé, qu'à la restitution du prix qu'il en a obtenu 22.

17 § 2, Inst. de off. jud. (4, 17). L. 33, et L. 62, § i, D. de reivind. (6, 1). Pothier, De la possession, 336. Zachariae, § 218. Merlin, Rèp., Fruits, 4. Toullier, III, 110. Duranton, IV, 360. Demolombe, IX, 586. Cpr. sur le mode de restitution des fruits : Code de procédure, art. 129 et 256.

18 Giv. cass., 9 février 1864, S., 64, 1, 137.

19 Arg. art. 1379. Cpr. L. 40, proe., D. de her. pet. (5, 3). Laurent, VI, 175

20 Art. 549 et 550. Cpr. § 206.

21 Quia quasi suam rem neglexit, nulli querelx subjectus est. L. 31, § 3, D. de fier. pet. (5, 3). Laurent, loc. cit.

22 Arg. art. 1381. Duranton, IV, 366. Zachariœ, § 218, note 3. Civ. cass., 21 mai 1848, S., 49, 1, 125.

568 DES DROITS RÉELS.

La distinction établie, en ce qui concerne la restitutio: des fruits, entre le possesseur de bonne foi et lepossessou de mauvaise foi, est étrangère aux produits et émolument qui ne rentrent pas dans la catégorie des fruits propremen dits. La restitution en est due par le possesseur de bonn foi, aussi bien que par le possesseur de mauvaise foi r\

Du reste, le demandeur ne peut réclamer, même contr un possesseur de mauvaise foi, la restitution des fruits 01 autres produits du fonds, que sous la déduction des frais d culture, de récolte, ou d'extraction 24. Art. 548. Mais au sî- a-t-il droit à cette restitution, pour toute la durée de Fin due possession, sans qu'on puisse lui opposer la prescrip tion de cinq ans établie par Fart. 2277 23.

d. Les exceptions à l'aide desquelles le défendeur peu repousser Faction en revendication, sont celles de prescrip tion, de garantie, et de chose jugée.

Tl n'est admis à opposer l'exception de prescription, qu'au tant qu'il est devenu lui-même propriétaire de l'immeubl revendiqué par l'effet de Fusucapion 2,!.

L'exception de garantie lui appartient dans tous les ca le revendiquant serait, soit de son propre chef soit d chef d'une personne aux obligations de laquelle il a suc cédé, tenu de le garantir des suites de Féviction qu'entra nerait l'admission de la demande. C'est ce qu'on exprim parles maximes : Quem de evictione tenet actio, eumdei agendem repellit exceptio. Qui doit garantir ne peut évir cer 2T. L'exception de garantie est indivisible, en ce sen qu'elle peut être opposée pour le tout, même à celui qi

23 Yov. pour le développement decette proposition : § 206, texte in fim notes 33 et 34.

84 Cpr. § 19:2, texte in fine, et note 31.

^ Duranton, IV, 463. Chavot, II, 500. Demolombe, IX, 639. Zacharia § 201, noir 10. Req., 13 décembre 1830, S., 31, 1,24. Voy. en sens coi traire : Delvincourt, II. p. H.

2,! Cpr. § -240, texte et note \ ; § 216, texte et noteS ; § 772, texte n<

27 Art. 1382. Cpr. LL. 11 et 34, G. de évict. (21, 2). Pothier, 7)// coi irai de voile, n<> !(>.'>. Merlin. Quest., Hypothèque, § \ bis, n(,G. Zac ri;e. g 218, texte ei noie 2. Civ. cass., 24 janvier 1826, S.. 26, l, 387.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 219. 569

l'a succédé que pour partie à l'obligation de garantie, née lans la personne de son auteur 28.

Quant à l'exception de chose jugée, elle peut être invo- jiiée, non-seulement lorsque la nouvelle action est fondée mr le même titre que la précédente, mais encore dans le as la première demande a été formée en termes géné- aux, sans indication d'un titre déterminé d'acquisition, lette exception, au contraire, ne serait pas recevable si, la )remière demande ayant été formée en vertu d'un titre dé- erminé d'acquisition, la seconde se trouvait fondée sur un itre différent 29.

Ie. La question de savoir dans quel cas, et dans quelle nesure, le défendeur, condamné au délaissement de l'im- neuble revendiqué, est autorisé à demander la bonifica- ion de ses impenses, se résout diversement selon la nature les impenses 30.

Les impenses nécessaires, c'est-à-dire celles qui ont eu )Our objet la conservation de l'immeuble31, doivent être estituées intégralement, alors même que l'avantage qui m était résulté pour le propriétaire, aurait complètement lisparu par suite d'un cas fortuit 32 ; et sans qu'il y ait en général à distinguer, si le défendeur était de bonne foi ou le mauvaise foi au moment il les a faites 33. Toutefois,

28 Cpr. § 355, texte, notes 3, 6 et 9. 29Cpr. | 769, texte et note 87.

30 A l'exemple du Droit romain (cpr. L. 79, D. de V. S., 50, 16), le Iode civil distingue trois espèces d'impenses, savoir, les nécessaires, les itiles, etles voluptuaires. Cpr. art. 599, 861, 862, 1381, 1634, 1635, 1673

2175. La théorie des impenses, telle que nous l'établissons, est, dans tes ses parties, fondée sur la règle Jure naturx œquum est, neminem alterius detrimento et injuria fieri locupletiorem. L. 206, D. de R. J. , il). Accarias, op. cit., II, 807, p. 962, note 2. Laurent, VI, 176.

31 Impensse necessariœ sunt, quœ si non faetx sunt, res peritura aut leterior futura sit. L. 79, D. de V. S. (50, 16). Laurent, loc. eût.

32 Le propriétaire, en effet, s'est enrichi par le fait môme de ces im- enses, qu'il eût été obligé de faire lui-même, et qu'il s'est trouvé dispensé

paver. Zacharia3, § 218. Laurent, VI, 176. Vov. cep. Demolombe, X, 687. r>3 Arg. art. 1381. C'est ce qui était déjà admis en Droit romain. L. 5,

.

570 DES DROITS RÉELS.

les dépenses d'entretien étant à considérer comme charJ des fruits, ne donnent lieu à aucune répétition en favei du possesseur qui, à raison de sa bonne foi, a été dispensé < la restitution des fruits ut

Les impenses utiles, c'est-à-dire celles qui, sans a voir é indispensables à la conservation de l'immeuble, ont eu poi résultat de l'améliorer et d'en augmenter la valeur, ne pci vent être répétées que jusqu'à concurrence de la mieu value encore existante lors du délaissement 35. Dans cel limite, elles sont dues au possesseur de mauvaise foi, am bien qu'au possesseur de bonne foi 3G ; et ce dernier ( autorisé à en réclamer la bonification, sans aucune dédiu tion à raison des fruits qu'il est dispensé de restituer 37.

Du reste, il ne faut pas confondre avec les simples a ni liorations, les constructions nouvelles, dont le sort estrég par l'art. 555

38

C. de reivïnd, (3, 32). Demolombe, IX, 686. Il est toutefois bien entend que le possesseur de mauvaise foi ne peut avoir aucune répétition à fo mer. pour les impenses nécessaires qu'un cas fortuit a fait disparaît! lorsque, faute de prouver que la perte en aurait également eu lieu enj les mains du propriétaire, il se trouve responsable des cas fortuits. La] rent, loc. cit.

3V Arg. art. 6().v), al. 1. Cpr. L. 18, § u2, l). commod. vel cont. (13, I L. 7, §2, D. de usuf. (7, 1). Laurent, loc. cit. Paris. 11 juillet 1881, D 55, 2, 143.

35 C'est dans cette mesure seulement, que le propriétaire du fonds i profite. Voy. art. 1673. Zachariae, loc. cit. Laurent, VI, 177.

:i,i Le Droit romain contenait sur ce point une décision contraire, et ] reconnaissait au possesseur de mauvaise foi, que le droit d'enlever ce q pouvait l'être sans dégradation du fonds. L. 37, D. de reivind. (6, l 1. 7, § 12, D. de acfj.rer. dom. (44, 1). L. .'>, G. de rei eind. (3, 3U2). Ce n'éte qu'en matière de pétition d'hérédité que, d'après la loi 38, 1). de lier, pe (5, 3), le possesseur de mauvaise foi se trouvait placé, en ce qui concen les impenses utiles, sur la mémo ligne que le possesseur de bonne foi. Mi dans notre ancienne jurisprudence, on avait déjà, par application de règle citée à la note 30 suprà, généralisé la disposition de cette derniè loi, en retendant de la pétition d'hérédité à la revendication. Laurent, Y 177. Grenoble, 10 juillet 1860, D., 62, 2, 10. Civ. rej., 22 août 1865, 9 66, I. 153.

;i7 Cpr. sur cette proposition : § 2(K, texte, lett. b, et note 15.

"H Voy. à cet égard : g u20ï, texte, lett. b.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 219. 571

Quant aux impenses voluptuaires, c'est -à-dire de simple agrément, et qui n'ont point eu pour résultat d'augmenter la valeur de l'immeuble, le défendeur, qu'il ait été de bonne foi ou de mauvaise foi, n'est point en droit d'en demander le remboursement. Il est seulement autorisé à les enlever, lorsqu'elles sont susceptibles de Tétre sans dégradation du fonds, et que d'ailleurs les objets à détacher peuvent lui être de quelque utilité 39.

Le possesseur, même de bonne foi, ne jouit pas d'un vé- ritable droit de rétention pour le remboursement de ses impenses, sauf au juge, si le demandeur en revendication ne présentait pas des garanties suffisantes de solvabilité, à faire dépendre de ce remboursement, l'exécution de la condamnation en délaissement *°.

Le demandeur en revendication n'est pas tenu de resti- tuer au défendeur, le prix que celui-ci peut avoir payé pour l'acquisition de l'immeuble au délaissement duquel il se trouve condamné ; et ce, alors même qu'il l'aurait ac- quis par voie d'adjudication publique H.

Il est toutefois entendu que, si le défendeur avait em- ployé tout ou partie de son prix à l'acquittement de char- ges réelles, susceptibles d'être poursuivies contre le de- mandeur, ce dernier serait tenu de lui bonifier le montant des paiements ainsi effectués 42.

De l'action nêgatoire.

L'action nêgatoire est celle qui compète au propriétaire d'un immeuble, pour le faire déclarer franc et libre des servitudes réelles ou personnelles, qu'un tiers prétendrait

39 Arg. art. 39. Gpr. Demolombe, IX, 689. Du Caurroy, Bonnier et Roustain, II, 1)3. Zachariae, § 218. Laurent, VI, 178.

Gpr. | 2o6 bis, texte, notes 13 et 18. Demolombe, IX, fi.v>3 et s. Voy. en sens contraire : Laurent, VI, 181.

41 La disposition, tout exceptionnelle, de l'art. 2280 est étrangère à la revendication en matière immobilière.

42 Gpr. L. 63, D. de rei vind. (G, 1). Pothicr, De la propriété. 343. Cpr. Laurent, VI, 180.

572 DES DROITS RÉELS.

exercer suç, cet immeuble. Cette action tend accessoiremeq à faire interdire au défendeur, tout ultérieur exercice d< la servitude, et à obtenir la réparation des dommages qu< son exercice antérieur a pu causer au demandeur.

Ce dernier n'a d'autre preuve à faire que celle de soi droit de propriété. Cette preuve se fait suivant les règle; ci-dessus exposées. Le demandeur n'a donc point à établi] que son immeuble est franc de la servitude réclamée pai le défendeur. C'est, au contraire, à celui-ci qu'incombe To bligation d'en prouver l'existence. Il en serait ainsi, biei que, par une sentence rendue au possessoire, il eût ét< maintenu dans la jouissance de la servitude 43.

Du reste, l'action négatoire peut également avoir poui objet de faire ramener dans ses limites véritables, l'exer cice d'une servitude dont l'existence est reconnue : et, dam ce cas, c'est également au défendeur à prouver que la ser- vitude a réellement l'étendue qu'il prétend lui asisgner.

43 La question de savoir à laquelle des deux parties incombe la charg de la preuve, quant à l'existence ou à la non-existence de la servitude est vivement controversée entre les commentateurs du Droit romain, non seulement pour le cas le défendeur a été maintenu au possessoire dan la jouissance de la servitude, mais même pour celui il en a simplemen la quasi-possession. Toutefois, l'opinion émise au texte est celle qui s trouve enseignée par les meilleurs auteurs. Yoy. Sell, Rômische Lehr der dingliclien Rechte, § 98, p. 393. Quoi qu'il en soit de cette contro verse en Droit romain, la question ne nous parait pas susceptible de si rieuses difficultés en Droit français, et nous nous bornerons, pour justifie notre manière de voir, à renvoyer au principe posé au § 190. Merlin Quest.,\° Servitudes, § 3, no 1. Toullier, III, 714. Bélime, Des action possessoires, 492. Carou, Des actions possessoires, no 138. Curasson Compétence des juges de paix, II, p. 531. Garnier, De la possession, p 187. Marcadé sur l'art. 1315, no 2.Demolombe, XII, 957. Zachariae,§2ll texte et note i. Laurent, VIII, 288. Grenoble, 14 juillet 1832, S.. 33. UJ 11. Limoges, 28 juillet 1842, S., 43, 2, 25. Agen, 30 novembre 1858 S.. 54, 2, 8. Agen, 23 novembre 1857, S., 57, 2, 709. Yoy. eu sen contraire : Delvincourt, I, p. 413 et 414. Duranton, V, 641. Pardessuj Des servitudes, II, 330 ; Taulier, II, p. 442 et 443 ; Limoges, 15 févril 1837 et 20 novembre 1843, S., 37, 2, 171. et H, 2, 158. La Chambï civile de la Cour de cassation a appliqué le même principe en matièf possessoire. Giv. rej., 27 février 1889. S.. 90, I, 317.

CHAPITRE V

De l'extinction, de la perte, et de la révocation de la propriété.

§ 220.

De l'extinction absolue, et de la perte relative de la pro- priété.

Le droit de propriété s'éteint, d'une manière absolue, par la destruction totale de la chose qui s'y trouvait sou- mise. Une simple inondation, quelque prolongée qu'en soit la durée, ne fait pas cesser le droit de propriété l.

Ce droit s'éteint, de la même manière, par la mise de la chose hors du commerce. Une pareille transformation juridique peut résulter, non-seulement d'une expropriation ou cession volontaire pour cause d'utilité publique, mais encore d'un événement de la nature emportant incorpora- tion de la chose au domaine public. C'est ce qui a lieu pour les terrains sur lesquels une rivière navigable ou flottable se forme un nouveau cours ou étend son ancien lit2.

Enfin, le droit de propriété s'éteint, d'une manière absolue, quant aux animaux sauvages qui, en recouvrant leur liberté naturelle, redeviennent des choses nulHus*, et

1 Inundatio fundi speciem non mutât. Inst. de div. rer. (2, 24). Cpr. § 179, texte et note 22. Merlin, Rép., Motte ferme. Demolombe, X, 172 à 174. Zachariœ, § 203, texte et note 5. Laurent, VI, 309. Req., 29 juin 1833, S.. 33, 1, 622. Req., 20 janvier 1833, S., 35, 1, 363. Req., 28 dé- cembre 1864, S., 63, 1, 81. Req., 10 février 1869, 1)., 70, 1, 148. Cpr. Rouen, 30 janvier 1839, S., 39, 2, 252. Req., 11 novembre 1840, S., 40, 1, 1001.

2 Art. 562 et 563. Cpr.L. 1, § 7, D. de flum. (43, 12). Demolombe, X, 175. Req., 25 avril 1842, S., 42, 1, 621.

3 § 12, Inst. de rer. div. ('2, 1). Cpr. § 179, texte et note 16.

574 DES DROITS RÉELS.

quant aux objets abandonnés par leur propriétaire, ;i\< L'intention de les laisser avenir au premier occupant \

Le droit de propriété se perd, d'une manière relathj c'est-à-dire, pour le propriétaire actuel, dans les cas 1 loi attribue à une personne, à titre d'invention, d'accessioi ou de prescription, la propriété d'une chose qui appartenu à une autre.

Il se perd, delà môme manière, par l'effet des conventioj translatives de propriété, des adjudications sur licitatio ou sur saisie, des retraits légaux, des actes d'abandon pn vus par les art. 656 et 699", et par l'effet des jugemen qui ordonnent la restitution dune chose dont la propriél n'avait été transmise qu'en vertu d'un titre vicieux.

Enfin, la propriété se perd encore, d'une manière relative par la confiscation 6.

§ 220 Bis.

De la révocation de la propriété.

La propriété est de sa nature irrévocable.

Cependant elle est exceptionnellement sujette à révod lion, Lorsqu'elle n'a été transmise qu'en vertu d'un titi révocable à la volonté de celui qui l'a concédé. Il en e ainsi, pour les donations faites entre époux pendant mariage, et pour les ventes dans Lesquelles le vendeur s'e réservé, par un pacte de in diem addictione, ou par m clause de retrait conventionnel, la faculté de se dépari

* Cpr. § -168, texte no 4 et note <i.

5 Le droit de propriété ne se perd, ni par la cession de biensqui vCÛ porte pas en général translation do la propriété des biens abandond [% 587 j texte ci note '<•), ni par L'abandon que t'ait l'héritier bénéficiai aux termes de l'art. H\Vl 648, texte no H. lell. e), ni par le délais.* menl par hypothèque î2N7, texte '<\ et noir i5), qui ne constitua toujours, l'un el l'autre, qu'une abdication do la possession. Cpr. X chariae, § ^°20, texte et noir Ire,

0 Cpr» (Iode pénal, art. 11.

DE LA PROPRIETE. § 220 bis. 575

du contrat, ou de reprendre la chose vendue moyennant la restitution du prix \

D'un autre coté, la propriété est également sujette à L'évocation, lorsque le titre qui Fa conférée se trouve soumis à une condition résolutoire, expresse ou tacite. La condition résolutoire tacite est en général 9, sous-entendue lans les contrats parfaitement synallagma tiques, pour le as l'une des parties ne satisferait pas à son engagement pacte commissoire). Art. 1184. Elle Test encore, en matière le dispositions à titre gratuit, pour les causes spéciale- nent indiquées aux art. 953, 954, 955, 960 et 1046.

Les deux hypothèses ci-dessus rappelées sont les seules il puisse être question de propriété révocable, dans le ;ens propre du mot ; et c'est à tort qu'on comprend quelque- bis, sous l'idée générale de révocation, tous les cas le propriétaire se trouve privé de sou droit par une cause [uelconque, indépendante de sa volonté 3.

Lorsque celui qui possède une chose à titre de pro- H'iétaire, est condamné à la délaisser par suite, soit d'une Lction en nullité ou en rescision, soit d'une demande en éduction pour atteinte portée à la réserve, ou en restitu- ion de l'indu, la propriété n'est pas considérée comme implement révoquée, mais bien comme n'ayant jamais été l'ansmise, même seulement dune manière intérimaire *.

1 Voy. quant aux donations entre époux : art. 1090. Voy. sur le pacte e indiem addictione : § 8.v)3. Voy. sur le pacte de réméré, ou retrait con- ditionnel : art. 16o9 et suiv.

8 Voy. cep. art. 1978 ; § 390. texte et notes 9 à 14.

3 II est généralement reconnu qu'il ne saurait être question de révoca- on de propriété lorsque, par un pur effet de sa volonté, un acquéreur 3nonce au bénéfice de son acquisition. C'est ainsi que l'usage que ferait a acquéreur d'un pactum displicentiœ, n'opérerait pas révocation de son tre, mais constituerait de sa part une simple renonciation à son acqui- tion. L. 3, D. quib. mod. pig. vel hyp. sol. ("20, 6). Merlin, Qaest., ésolution, § 1. Pardessus, Des servitudes, II, 318, Zacliaria*, §196, notes

et 10.

4 Dans ces différents cas, le titre de l'acquéreur se trouve entaché d'un ice qui en entraine, non pas seulement la révocation, mais l'anéantisse* îent complet ou partiel.

576 DES DROITS RÉELS.

On ne doit pas non plus considérer, comme opéra une véritable résolution du titre de l'acquéreur d' immeuble hypothéqué, l'adjudication prononcée, par su de surenchère du dixième, au profit du surenchérisseur d'un tiers '\

Quant aux donations en avancement d'hoirie, le rapp< auquel elles sont soumises, emporte bien une certai éventualité de résolution; mais cette éventualité, dune r ture toute spéciale, diffère essentiellement dans ses en de celle qui se trouve attachée à la révocation or< naire 6.

La révocation de la propriété transmise par un til révocable à la volonté de celui qui l'a concédé, s'opère vertu de la manifestation même de cette volonté 7.

La révocation attachée à l'événement d'une conditi résolutoire, a lieu, en général, de plein droit, dès l'insta de cet événement, peu importe que la condition soit casueU potestative, ou mixte, affirmative ou négative, expresse tacite 8.

Par exception à cette règle, la condition résolutoii connue sous le nom de pacte commissoire, n'opère révo< tion de la propriété, qu'en vertu du jugement qui la décL ou de la convention qui la constate 9. La même excep s'applique à la condition résolutoire attachée, en matii de dispositions à titre gratuit, à l'ingratitude du donaû

» Cpr. § 294, texte i.

» Cpr. art. 843, 845, 859, 8(10 et 805.

7 Voy. sur la révocation des doimtions entre époux : art. 1096 ; § texte no .v>. Voy. sur l'exercice du retrait conventioncl : § 357.

8 Art. 118:).' Cpr. § 302, texte no 4, lelt. b, et notes 74. !) Cpr. §302, texle no 4, lett. b, et notes 77 à 81. On ne saul

d'une manière absolue, exiger un jugement qui déclare la révocal lorsque les parties sont d'accord pour reconnaître l'existence des auxquels elle se trouve attachée. Seulement faut-il, quand une vention constate en apparence une révocation, examiner soigneuseni d'après les circonstances dans lesquelles elle est intervenue, si elle 68 réalité simplement déclarative de la révocation, OU si elle constitue

rétrocession. Cpr. § 209, texte, lett. A, \\n \, et note :\il ; texte, letl nfi \, et note 59 ; § 2(i(>, texte l.Zachariœ, § 196, texte el note 8.

de la propriété. § 220 bis. 577

ou légataire, et à l'inexécution des charges imposées à ces derniers. Art. 956 et 1046.

Au point de vue des effets que la révocation de la propriété produit à l'égard des tiers, on la distingue en révocation ex tune et en révocation ex nunc, suivant qu'elle s'opère ou non d'une manière rétroactive 10. En général, la révocation a lieu avec effet rétroactif, et ce n'est que dans le cas il existe une disposition spéciale contraire qu'elle opère pour l'avenir seulement ".

En matière immobilière, la révocation ex tune entraîne , en vertu de la maxime Resoluto jure dantis, resolvitur jus accipientis, la résolution de tous les droits réels procédant de celui dont la propriété se trouve révoquée. Art. 952, 954, 963, 1664, 1673 et 2125, et arg. de ces articles. L'ancien propriétaire est donc autorisé à reprendre son immeuble franc et quitte de toutes les charges, servitudes, ou hypothèques, dont il aurait été grevé du chef du pro- priétaire dépossédé. Mais il est tenu de respecter les actes d'administration de ce dernier, et notamment les baux de neuf ans ou au-dessous par lui passés 12.

En fait de meubles corporels, au contraire, la révocation même ex tune ne réfléchit pas, directement et par elle- même, contre les tiers, acquéreurs, usufruitiers, ou créanciers nantis, qui ne peuvent être condamnés à la restitution de la chose soumise à leur droit de propriété, d'usufruit, ou de gage, qu'autant qu'ils y seraient tenus en vertu d'une obligation personnelle dérivant de leur mau- vaise foi 13.

10 Zachariae, §196, texte et note 6. Nous n'avons pas à nous occuper ici des effets que produit, entre les parties, la résolution des contrats translatifs de propriété.

11 Arg. art. 4183. Zachariae, § 196, texte et note 8.

13 Art. 1673 et arg. de cet article. Marcadé, sur l'art. 1183, no 2, in fine. Colmet de Santerre, V, 102 bis, III. Zachariae, § 196, note 6. Sous ce rapport, la simple révocation de la propriété produit des effets moins étendus, que l'annulation ou la rescision du titre translatif de propriété. Gpr. I 369, texte no 4.

13 Gpr. §. 183, texte no 4 et note 29; texte no 5 et note 35. Zachariie, loç. cit.

n 37

578 des droits réels.

La révocation ex mine, c'est-à-dire celle qui, par excep tion, s'opère sans rétroactivité à l'égard des tiers, laiss subsister, même en matière immobilière, les aliénation consenties par le propriétaire dépossédé, ainsi que le hypothèques et les servitudes qu'il peut avoir constituées Voy. art. 132 et 958.

APPENDICE A LA PROPRIÉTÉ

Des formes particulières que peut affecter le droîi

«Se propriété.

A. Delà copropriété portant sur des choses individuellemen

considérées1.

§ 221.

1. De la copropriété ordinaire,

La copropriété est le droit de propriété compétant à plusieurs personnes sur une seule et même chose, qu: n'appartient ainsi à chacune d'elles que pour une quote part idéale ou abstraite 2.

Le Code civil ne s'étant pas spécialement occupé de copropriété des choses individuellement considérées 3, c'es

1 Cpr. sur cette matière : Du quasi-contrat de communauté, à la suit du Traité sur le contrat de société, par Pothier. Principes, XXVI, De h communauté, en appendice, au traité de la Société, par Laurent. De I communauté ,en appendice,^ traité du contrat de SoaV/e,par Guillonard

5 La copropriété, telle que nous la définissons, est celle que d'ancien auteurs allemands qualifiaient de condominium pro diviso, vel juris ro mani (Mitteigenthum), par opposition au condominium pro indiviso, ve juris germanici (Gcsammteigenthum), expressions dont ils se servaien pour désigner la copropriété en vertu de laquelle chacun des commu nistes est h considérer comme propriétaire in solidum de la totalité d l'objet indivis, sauf les restrictions auxquelles l'exercice de son droit s trouve virtuellement soumis par la présence et les droits de ses consorts Voy. Hofacker, Prinripia juris civih's, II, § 909; Zaehariae,§ 197, text et note 3. On rencontre encore, dans la matière des successions, des ve$ tiges de cette dernière espèce de copropriété. C'est par elle que s'expli que le principe de l'indivisibilité de la saisine héréditaire. Cpr. § 60(jp Zachariœ, § 197, texte et note 4.

3 Au titre des successions, il n'est question que de la copropriété et dl

DE LA PROPRIÉTÉ. § 221. 579

àla doctrine qu'incombe la tâche d'en construire la théorie, en s'aidant avec discernement des matériaux fournis tant par le titre de la propriété, que par ceux des successions et du contrat de société.

Dans le développement de cette théorie, nous aurons principalement en vue l'hypothèse il n'existe entre les copropriétaires ou communistes que de simples rapports de communauté, sine affectu societatis. Ce n'est qu'à cette hypothèse que s'appliquent, d'une manière absolue, les règles ci-après exposées, qui ne sauraient être étendues à la copropriété entre époux communs en biens ou entre asso- ciés, que sauf les modifications indiquées dans la matière de la communauté entre époux et dans celle de la société. Chaque copropriétaire jouit, en ce qui concerne sa quote-part idéale, des droits inhérents à la propriété, qui sont compatibles avec la nature purement intellectuelle de cette quote-part; et il peut les exercer sans le consentement de ses consorts.

Ainsi, tout communiste a la faculté d'aliéner sa quote- part indivise, sans même que les autres copropriétaires soient autorisés à en exercer le retrait \ Ses créanciers sont mssi en droit de saisir et de faire vendre cette quote-part ïomme telle, c'est-à-dire avant tout partage; et ce, alors nême que la chose commune serait immobilière 5.

)artage de l'hérédité, c'est-à-dire d'une universalité juridique. Au titre lu contrat de société, la matière est traitée, bien moins au point de vue lu droit de copropriété, considéré en lui-même, que sous celui des rap- >orts personnels qu'engendre l'association. Cpr. Zachariae, loc. cit. '■* Laurent, XXVI, 436 et 439. Le retrait établi par l'art. 841, en matière e cession de droits successifs, n'est pas même admis contre les cessions de roits indivis dans une communauté conjugale, ou dans une société. Voy. 359 ter, texte in fine. A plus forte raison, ne saurait-il être exercé contre i cession d'une part indivise dans une chose individuellement détermi- ée. Zachariae, § 197, texte et note 5. Guillouard, op. cit., 393. 5 Non obstat art. 2205. La disposition de cet article paraît bien, d'a- res l'esprit qui l'a dictée, devoir être appliquée à tous les cas l'indi- ision porte sur une universalité ou sur une masse de biens. Mais il n'y lirait aucun motif pour l'étendre à l'hypothèse l'objet indivis est un nmeuble déterminé dans son individualité. Zachariae, § 497, texte et ote 8. Cpr. 778, infrà, texte et note 20. Guillouard, op. cit., 394.

580 DES DROITS RÉELS.

Ainsi encore, chaque communiste peut valablement corn tituer des hypothèques conventionnelles sur sa quote-pa indivise dans l'immeuble commun ; et les hypothèques I gales ou judiciaires dont ses biens se trouvent grevés, fra] pent également cette quote-part 6. Toutefois, de pareille hypothèques, dont le sort reste toujours subordonné a résultat du partage ou de l'acte qui en tient lieu, dévier nent complètement inefficaces, dans le cas l'immeubl commun tombe au lot d'un autre communiste, ou lui ei adjugé sur lieitation.

Enfin, chaque communiste est recevable à revendique] contre tout tiers détenteur, sa quote-part idéale, sinon pou obtenir un délaissement, qui ne se comprend qu'autai que la revendication porte sur des objets corporels, d moins pour faire reconnaître son droit de copropriété 7.

Les parts idéales des copropriétaires ne constituai] pas des corps certains, aucun deux ne peut, sans le con sentementde ses consorts, exercer, sur la totalité de la chos commune, ni même sur la moindre partie physiquement terminée de cette chose, des actes matériels ou juridique emportant exercice actuel et immédiat du droit de propriété

Aucun eles communistes ne peut donc faire à la chos commune, des innovations matérielles, auxquelles ses cou sorts n'auraient point donné leur assentiment 8.

Une peut pas davantage aliéner cette chose, la grève de servitudes ou d'hypothèques, au détriment du droit d ses consorts. Les actes d'administration qu'il a passés lient même pas ces derniers 9 ; spécialement, le bail coil

6 Toullier, III, 573. Pardessus, Des servitudes, II, 254. Troplonl Des hypothèques, II, 468. Demante, 11,541 bis, V. Demolombe, XII, 741 Zachariae, % 197, texte, notes 6 et 7. Gruillouard, op. cit., 393 Civ. easf 6 décembre 1826, S„ 27, 1, 171. Civ., rej., 8 lévrier 1847, S., 48, l, '.|

1 Gpr. § 620, texte in principio. Zachariae, § 197, texte et note 6 bis.

1 Arg. a fortiori art. 1859, al. '*. Meltor est eonditio prohibentis. L.28, com. div. (10, 3). Pardessus, op. cït.,\, 192. Demolombe, XI, 447. Zaelj riSB,§ 197. Laiirent,XXVl,436.(Juillouanl, 390. Grenoble, 12 janvier 181 et Bourges, 16 janvier 1826, S. Ghr. Metz, 6 lévrier 1857, S., 58, 2, |

9 La disposition du lftr al. de l'art. 1859, d'après lequel les assoef

DE LA PROPRIÉTÉ. § 221. 581

senti par un seul des communistes, n'est point opposable aux autres 10. Toutefois, les actes d'aliénation, de constitu- tion de servitudes ou d'hypothèques, et les baux consentis par l'un des communistes deviendraient intégralement ou partiellement efficaces au regard de ses consorts, si, par le résultat du partage, tout ou partie de la chose commune tombait au lot de ce dernier u.

Enfin, aucun des communistes n'est recevable, dès avant le partage, à former, contre le tiers détenteur de la chose commune, une demande en revendication tendant au dé- laissement d'une partie matériellemeut déterminée de cette chose 12.

Tout copropriétaire est autorisé à jouir de la chose commune,, conformément à sa destination, et à charge de ne point empêcher ses consorts d'en user selon leur droit13.

Ce droit de jouissance ne l'autorise pas à détériorer la condition de la chose commune dans son intérêt particu- lier. C'est ainsi que le communiste, qui serait proprié- taire exclusif d'un héritage joignant le fonds commun, ne pourrait établir des vues droites sur ce fonds, qu'à la dis-

sont censés s'être donnés respectivementmandat pour l'administration des affaires sociales, ne s'applique pas aux communautés formées sine affcctu societatis. Guillouard. op. cit., 391 ; Du louage, I, 54. Civ. cass., 22 no- vembre 185-2, S., 53, 1, 73. Gpr. Rouen, 21 lévrier 1862, S., 62, 2, 268. Civ. rej. 13 mars 1866, S., 67, 1, 333. Voy. cep. Bordeaux, 11 avril 1845, S., 46, 2, 315. Cet arrêt, dont un considérant est contraire à la proposition ci-dessus énoncée, nous parait cependant avoir bien jugé au fond, à raison des circonstances particulières dans lesquelles il a été rendu.

10 Cpr. §364, texte et note 5. Guillouard, op. cit., 391. Voy. notam- ment Civ. cass., 19 juin 1875, S., 75, 1, 328.

11 Toullier, III, 573. Pardessus, op. cit., II, 250 à 253. Demolombe, XII, 742. Zachariœ, §197, texte et note 9.

12 Cpr. texte et note 7 suprd ; §519, texte in fine ; Bourges, 14 janvier 1831, S., 32,2, 151 ;Req.,13 novembre 1833, S.. 33, 1,839; Civ. cass., 28 avril 1851, S., 51, 1, 442.

13 Arg. art. 1859, n<> 2. Pardessus, op. cit., I, 192. Demolombe, XI. 445 et 446. Civ. cass,, 7 avril 1875, S,, 75, 1, 299, Req., 14 février 1876, D-, 77, 1,327,

582 DES DROITS RÉELS.

tance de 19 décimètres de la ligne qui le sépare de son propre héritage l\

Tout communiste peut contraindre ses consorts à con- tribuer, proportionnellement à leur intérêt, aux frais d'en- tretien et de conservation de la chose commune, sauf à ces derniers à s'affranchir de cette obligation par l'abandon de leur droit de copropriété 15.

Chaque copropriétaire est autorisé à demander, en tout temps, le partage delà chose commune, qui d'ailleurs ne se trouverait pas soumise, à raison de sa nature et de sa destination, à une indivision forcée 16. Art. 815 17.

Il en est ainsi, alors même que les copropriétaires ont conventionnellement affecté un terrain indivis entre eux, à un usage commun, par exemple, au pacage de leurs bes- tiaux respectifs 18.

La circonstance que les communistes auraient procédé entre eux à une division quelconque de jouissance, et que cet état de choses se serait prolongé pendant un temps plus^ ou moins long, ne les priverait pas de la faculté de de- mander le partage de la chose commune elle-même. C'est ainsi que, dans le cas les copropriétaires d'un moulin ont arrêté d'en jouir alternativement de deux jours l'un, ainsi que dans celui les copropriétaires d'une prairie

14 Demolombe, XII, 565. Quid s'il s'agissait d'une cour ou d'une ruelle placée, par sa destination, dans un état d'indivision forcée ? Cpr. § 221 ter, texte 1 , notes 10 à 14.

13 Arg. art. 1859, no 3, et 656. Pothier, n<>192. Pardessus, op. cit., I, 192. Demolombe, XI, 448 et 449. Zacnaria?, § 197, texte et note 10. Lau- rent, XXVI, 437. Req., 2 février 1825,S.,25,"l,363. Lyon, 5 février 1834, S., 34,2. 224. Voy. en sens contraire : Guillouanl. pp. cit., 391, 397, 398;

16 L'hypothèse la chose commune se trouve soumise à une indivi- sion forcée, fera l'objet du § 221 ter.

17 Bien que cet article soit placé au titre des successions, le principe d'ordre public qu'il consacre, n'en est pas moins applicable à l'indivision portant sur une chose particulière, aussi bien qu'à celle d'une hérédité.. C'est un point qui n'a jamais été contesté. Laurent, X, 229. (iuilloii.ini. op. cit., m. Cpr. Civ. cass., 26 décembre 1866, S., 67, 1, 76.

18 Laurent, loc. cit. Civ. rej., 18 novembre 1818, S. Clir. Hcq., 9 mai 1827, S., 27, 1, 471.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 221. 583

sont convenus d'alterner annuellement entre eux l'exploi- tation de ses diverses parties, ces conventions, qui ne sont relatives qu'à la jouissance de la chose commune, ne for- ment aucun obstacle à la demande d'un partage de pro- priété 19.

Le droit de demander le partage est en lui-même im- prescriptible, tant que dure l'indivision. Il ne peut s'étein- dre qu'indirectement, par la cessation de cette dernière. C'est ce qui a lieu, lorsque l'un des communistes a possédé la totalité de la chose commune à titre de propriétaire ex- clusif, et ce, pendant trente années, après avoir manifesté ses prétentions à ce titre, par des actes de nature à faire disparaître toute équivoque sur le caractère de sa posses- sion 20. Il en est encore ainsi, lorsque les différents commu- nistes ont, pendant cet espace de temps, possédé au même titre, et comme s'il y avait eu partage entre eux, des por- tions matériellement déterminées, dont l'ensemble forme l'intégralité de la chose commune. Que si Tundes commu- nistes n'avait possédé, à titre de propriétaire exclusif, qu'une partie de la chose commune, et que le surplus fût demeuré dans l'indivision, l'action en partage ne serait éteinte que pour la portion usucapée, et continuerait de subsister pour la partie restée indivise.

Les copropriétaires ne peuvent pas renoncer, d'une ma- nière indéfinie, au droit de provoquer le partage : une pa- reille renonciation serait à considérer comme non avenue 21.

19 Zachariae, § 197, texte et note 14. Civ. cass., 15 février 1813, S., 13, 1, 316. Rennes, 27 mai 1812, S., 15, 2, 102. Civ. rej., 31 janvier 1838, S., 38, 1, 120. Cpr.§ 221 bis, texte et note 6.

20 On doit, en effet, reconnaître que la possession par l'un des commu- nistes de la totalité de la chose commune, présente un caractère équivo- que, qui ne peut cesser qu'au moyen d'actes indiquant, d'une manière formelle et évidente, l'intention de se gérer comme seul et unique pro- priétaire. Voy. art. 816 ; § 217, texte no 2 et note 10. Zachariae, § 215 e, note 8, et § 197. Guillouard, op. cit., 403. Bourges, 22 juillet 1831, S., 33, 2, 392. Civ. rej., 26 août 1856, S., 57, 1, 28. Req., 11 août 1859, S., 61, 1, 65. Civ. cass., 17 juin 1862, S., 62, 1, 711,

81 Req., 9 mai 1827, S., 27, 1, 471.

584 DES DROITS RÉELS.

Mais il leur est permis de convenir de la suspension du par- tage pour un délai de cinq années au plus, et même de re- nouveler une pareille convention, autant de fois qu'ils le ju- gent convenable. D'un autre côté, un testateur ou donateur peut aussi, dans les limites de la quotité disponible, atta- cher à sa disposition, la condition que la chose donnée ou léguée restera indivise pendant le même espace de temps22.

Les règles relatives au partage des successions, à la ma- nière de l'opérer, et aux effets qu'il produit, s'appliquent aussi, en général, au partage des choses particulières -\

Ainsi, d'une part, ce partage peut se faire à l'amiable, lorsque tous les intéressés sont présents, majeurs, et maî- tres de leurs droits, et doit, au cas contraire, se faire en jus- tice, suivant les formes tracées par la loi u. Chacun des communistes est autorisé à demander sa part en nature, à moins que la chose commune ne soit pas susceptible de se partager commodément, auquel cas, elle doit être licitée ou vendue aux enchères, et le prix en provenant distribué entre les copropriétaires, au prorata de la part de chacun d'eux. Art. 826, 827 et 1686. Tout communiste est le maî- tre de demander que la licitation se fasse à l'admission des étrangers ; et ceux-ci doivent nécessairement y être appe- lés, lorsqu'il se trouve, parmi les intéressés, des mineurs, des interdits, ou des absents. Art. 1687. Il est procédé à la licitation suivant les formes déterminées par le Code de procédure. Art. 1688.

Ainsi, d'un autre côté, le partage n'est que déclaratif, et non translatif de propriété, en ce sens, que chaque commu- niste est considéré comme ayant été, dès l'origine de l'in- division, propriétaire exclusif de ce qui est tombé dans son lot, et comme n'ayant jamais eu aucun droit de propriété sur ce qui est échu à ses consorts 2:i. On doit, sous ce rap-

22 Art. 815, al. 2. Cpr. sur ces diverses propositions : §622, texte et notes H à 6.

23 Art. 4476 et 1872, et arg. de ces articles. Guillouard, op. cit., 406. 24ArU66,838 et$40.Gpr.|§ 623et024.Guillouard,dp.ct*.,p.Bi2etS13. ** Il a toujours été admis que l'art.883, quoique ne s'occupant expressé*

DE LA PROPRIÉTÉ. § 221. 585

port, assimiler au partage proprement dit, non-seulement la licitation par suite de laquelle l'un des communistes est devenu propriétaire exclusif de la chose commune, mais encore tout acte à titre onéreux dont l'efïet a été de faire cesser l'indivision d'une manière absolue, c'est-à-dire rela- tivement à tous les communistes 26. Les conséquences de la rétroactivité du partage dont il est ici question, sont du reste les mêmes que celles du partage d'une succession 87. Enfin, les dispositions des art. 887 etsuiv., sur la resci- sion du partage héréditaire, sont également applicables au partage d'une chose particulière 28.

§ 221 Us.

2. De la copropriété résultant du concours de plusieurs pro- priétaires, ayant droit chacun à des produits différents du même fonds.

Si le droit de jouissance, qui forme l'un des attributs de

ment que du partage entre cohéritiers, est également applicable au par- tage entre tous autres copropriétaires. Delvincourt, II, p. 162 et 163. Du ranton, VII, 522. Proudhon, De l'usufruit, V, 2393. Marcadé, sur l'art. m, 2. Zacharise, § 197, texte et note 23. Laurent, X, 402. Guillouard. op. cit., 406. Req., 10 août 1824, S., 25, 1, 97. Req., 28 avril 1840, S.. 40, 1, 821. Grenoble, 28 août 1847, S., 48, 2, 469. Grenoble, 12 mars 1849, 5., 49, 2, 385. Lyon, 14 février 1853, S., 53, 2, 381. Req., 29 mars 1854, 5., 56, 1, 49. Trib. Orange, 30 décembre 1885, S., 86, 2, 144.

56 Voy. pour le développement et la justification de ces propositions : § >25, texte 1. Un acte qui ne fait cesser l'indivision qu?à l'égard de quelques-uns des communistes, tout en la laissant subsister à l'égard des autres, n'équivaut pas à partage quant h l'application de l'art. 883.Zacha- riae, §197, texte et note 20. Civ. cass., 10 janvier 1827, S., 27, 1, 142. Giv. cass., 24 août 1829, S., 29, 1, 421. Req., 18 mars 1829, S., 30, 1, 339. Req., 29 mars 1854, S., 56, 1, 49. Req., 8 mars 1875, S., 75, 1, 449, i les Observations de Labbé. Giv. cass., 23 avril 1884, S., 84, 1, 209, et es Observations de G. Déniante. Voy. encore Giv. rej., 14 décembre 887. S., 89, 1,193.

*' Zachariae, § 197, texte et note 25. Civ. rej., 24 mars 1823. Voy. sur les conséquences de la rétroactivité du partage 625, texte, note ira.

18 Gpr. Paris, 21 mai 1813, S., 14, 2, 269 ; Bourges, 29 mai 1830, S., 30, 2, 297.

586 DES DROITS RÉELS.

la propriété, s'étend en principe à tous les fruits et émoli ments de la chose, aucun obstacle légal ne s'oppose cepei dant à la division de ce droit, par nature de produits, enti plusieurs propriétaires, de telle sorte que les produits d'ui certaine espèce appartiennent à l'un d'eux, et le surplus d< fruits et émoluments à l'autre \

Cette division se rencontre en fait sous différentes fo mes. C'est ainsi qu'une forêt peut être divisée, quant à | jouissance, entre plusieurs propriétaires, l'un ayant drc aux taillis ou aux arbres d'une certaine essence, et l'aut aux futaies ou au surplus des bois 2, C'est ainsi encore qi la jouissance d'une prairie appartenant en commun à det propriétaires, peut être divisée entre eux de telle sorte, qi les premières herbes soient attribuées à l'un, et les secoi des à Fautre 3. C'est ainsi enfin qu'un terrain couvert to à la fois de brandes ou de chaumes et de bois, peut appa tenir, pour les brandes ou les chaumes, à l'un, et pour I bois, à l'autre \

Les rapports auxquels donne lieu un pareil concours ( propriétaires, se distinguent essentiellement de ceux qui r sultent, soit de la coproprité ordinaire, soit du droit de s

1 Req., 26décembre 1833, S., 34, 1, 720. Req., 13 février 1834, S 34, 1, 205. Voy. cep. Demolombe, IX, 513 à 528. Notre savant collèg élève des doutes sur la justesse de cette doctrine, qui, selon lui, ne se co cilierait pas avec l'art. 543, dont la disposition a pour objet de détern ner, d'une manière limitative, les droits réels que reconnaît notre législ tion nouvelle. Nous sommes parfaitement d'accord avec lui sur l'intjj prétation restrictive à donner à l'article précité. Mais la proposition émi au texte n'y est nullement contraire : dans l'hypothèse à laquelle elle s'a plique, il s'agit bien moins de savoir s'il dépend des particuliers i créer des droits réels qui ne rentreraient pas dans la catégorie de ce que reconnaît l'art. 543, que de savoir si le concours de plusieurs pi priétaires sur un seul et même fonds, ne peut pas s'établir sous la forr particulière indiquée au texte. Or, la question réduite à ces termes rentre en aucune manière dans la prévision et dans l'objet de l'art. 5'<

2 Gpr. Merlin, QuesL, Communaux (biens), £7; Civ. cass.,30iT 1843, S.. 43, 1, 474;Chamb. réun. cass., 20 février 1851, S,, 51, 1, X Req., 5 novembre 1866, S., (>(>, 1, $41.

3 Req., 22 novembre 1841, S., 42, 1, 191.

* Req., 26 décembre 1833, S., 34, 1, 720. Req., 13 février 1831, j 34, 1, 205.

DE LA PROPRIETE. § 221 bis. 587

perficie. Dans la copropriété ordinaire, les droits des com- munistes se déterminent par quotes-parts idéales, et s'é- tendent, en proportion de ces quotes-parts, à tous les pro- duits de la chose ; tandis que, dans les hypothèses dont il est ici question, les droits des différents propriétaires sont déterminés par nature de produits, de façon que chacun deux est propriétaire exclusif des produits d'une certaine espèce. Quant au droit de superficie, il opère une division matérielle du fonds sur lequel il porte, en deux immeubles corporels distincts, à savoir, le dessus ou la superficie, et le dessous ou le tréfonds ; tandis que, dans le cas dont il s'agit au présent paragraphe, la division porte, non sur le fonds lui-même, mais sur ses produits.

Le concours de plusieurs propriétaires ayant droit cha- cun à tels ou tels produits d'un seul et même fonds, peut s'établir, non-seulement par convention, mais encore par usucapion, c'est-à-dire par l'effet d'une possession que plu- sieurs personnes ont exercée, chacune à titre de maître ex- clusif, sur les différents produits du fonds 5.

Un tel concours constituant, malgré la jouissance divisée des différents propriétaires, une véritable indivision quant à la propriété du fonds lui-même, chacun d'eux est autorisé à en provoquer le partage ou la licitation, qui s'opérera dans la proportion de la valeur comparative des produits auxquels ils ont respectivement droit 6.

Du reste, dans l'hypothèse plusieurs personnes sont appelées à recueillir séparément les divers produits d'un seul et même fonds, il peut quelquefois être difficile de caractériser la nature de leurs droits respectifs, et de reconnaître si elles sont toutes à considérer comme co- propriétaires de ce fonds, ou si, au contraire, il ne compète à quelques-unes d'entre elles qu'un droit de superficie partiel, ou même qu'un simple droit d'usage. Pour résoudre cette difficulté, on doit avant tout recourir aux

5 Merlin, op.,v<> et loc. citt. Req.,26 décembre 1833, S., 34, 1, 720.

6 Req., 22 mars 1836, S., 36, 1, 385. Gpr. Demolombe, IX, 527 et 528, ît l'arrêt de la Cour de Gaen, du 17 février 1837, cité par cet auteur.

588 DES DROITS RÉELS.

titres, s'il en existe ; à défaut de titres, il faut remonter l'origine de l'état de choses qu'il s'agit d'apprécier, aim qu'aux circonstances qui en ont accompagné l'établisse ment, et s'attacher au caractère intentionnel des faits d possession7.

§ 221 ter. 3. De la copropriété avec indivision forcée.

Lorsque la copropriété porte sur des choses affectées comme accessoires indispensables, à l'usage commun d deux ou de plusieurs héritages appartenant à des prc priétaires différents, la destination même de ces chose leur imprime un caractère d'indivision forcée, quis'oppos à ce qu'on puisse en provoquer le partage '. C'est ce qi a lieu notamment pour les allées, ruelles 2, cours, fosse d'aisances ou puits 2 bis, destinés au service de plusieui maisons, et pour les avenues, sentiers, chemins 3, o

1 Voy. outre les arrêts cités à la note lre : Golmar, 26 juin 1845, Reçue des arrêts de cette Cour, XLI, p. 292. Req., 14 novembre 1853, S., 5^ 1, 105.

1 L. 19, § 1, D. corn. div. (10, 3). Req., 10 décembre 1823, S., 24, 239. Req., 10 janvier 1842, S., 42, 1, 311. La situation dont il est $ question, est ordinairement qualifiée de servitude d'indivision. Gpr. Pa dessus, Des servitudes, I, 190 et suiv. Duranton, V, 149 ; et les arrêts c dessuscités. Mais cette qualification, inexacte en elle-même, puisque l'ind vision forcée constitue bien moins une charge imposée à la chose indivis qu'une simple restriction à la l'acuité d'en demander le partage, peut d'ai leurs conduire à des conséquences complètement erronées. Cpr. texte notes 4 à 8 infrà. 11 est vrai que l'usage de la chose commune est, dai l'hypothèse dont nous nous occupons, restreint à l'utilité que peuvent t retirer les héritages dans l'intérêt desquels elle a été laissée indivise. Ma ce n'est pas une raison pour dire que cet usage s'exerce à titre de serv tude. Toullier, III. 469 bis. Zacharia*, § 197, note \Q. Cpr. Demolomb XI, 444 et 445. Cpr. aussi Laurent, Vil, 480-482 in fine, (îuillouan De la Société, 385.

- Cpr. Pau, 29 mars 1867, S., 67, 2, 356.

2 bis, Quant à ce qui concerne spécialement les puits, voir Lauren VII, 164. Req., 11 mai 1887, S., 90, 1, 315.

3 Cpr. Req., 20 lévrier 1866, S., 66,1, 193. Les chemins d'exploitatic

de la propriété. § 221 ter. 589

abreuvoirs, affectés à l'exploitation de divers fonds ou domaines 3 bis.

Il est toutefois à remarquer, en ce qui concerne les cours communes, que l'indivision n'en est forcée, qu'autant que le partage qui en serait fait, ne laisserait pas à chacune des maisons au service desquelles elles sont affectées, une cour séparée, suffisante pour son usage *.

Le droit qui compète à chacun des communistes, s'exerce, non à titre de servitude, mais à titre de copropriété. Il en résulte que ce droit ne se perd pas, à l'instar d'un droit

font partie du domaine privé, et dès lors, l'usage en peut être interdit à tous les tiers qui n'y ont point un droit spécial de passage. Ils ne doivent pas, dès lors, être confondus avec les chemins ruraux non reconnus qui appartiennent aux communes. Cpr. swprà, § 169, note 16, et qui sont affectés à l'usage du public. Les chemins qu'on appelle en Provence chemins votsinaux ou de quartiers rentrent dans la classe des voies privées destinées à l'exploitation des immeubles y attenant. 11 peut être parfois assez difficile de préciser la nature du droit appartenant aux intéressés, et de reconnaître si le droit de passage, par exemple, s'exerce à titre de copropriété ou de servitude. La question néanmoins ne manque pas d'im- portance, en ce qui touche notamment la recevabilité de l'action possessoire et l'acquisition par prescription s'agissant d'une servitude discontinue ou non-apparente. Selon nous, la difficulté doit se résoudre par l'examen du titre originaire ; si, comme il arrive souvent, le titre manque, par l'appré- ciation des circonstances qui ont amené l'état de fait constaté ainsi que parla volonté présumée des intéressés. En cas de doute, la jurisprudence décide, et avec raison croyons-nous, que les cointéressés sont à réputer copropriétaires du sol formant par suite d'une convention le chemin d'ex- ploitation. Req., 29 novembre 1814. Req., 11 décembre 1827. Req., 19 novembre 1828. Req., 27 décembre 1830, S., à leur date. Civ. rej., 12 dé- cembre 1853, S., 55, 1, 472. Poitiers, 15 mai 1856, S., 56, 2, 517 et l'arrêt de la Chambre des Requêtes en tête de la note. Mais il faut appliquer les principes opposés lorsqu'il est jugé en fait qu'il ne s'agit au litige que d'une servitude de passage, Civ. rej., 25 juin 1860, S., 60. 1, 728. Civ. rej., 19 mars 1861, S., 61, 1, 447. Civ. cass., 2 juillet 1862, S., 62, 1, 1040. Cpr. Laurent, VII, 165 et suiv., 481 et suiv. Lyon, 5 janvier 1849, S., 50, 2, 166.

3 bis. Rennes. 14 août 1867. 1).. 67. 5. 388. Il en est de même pour les cours d'eau privés, servant à l'usage commun de plusieurs usines. Civ. rej., 8 novembre 1876, S., 77, 1, 61.

4 Duranton, V, 149. Pardessus, op. citt, 1, 191. Demolombe, XI, 444. Req.< 21 octobre 1889, S., 90, 1, 283.

590 DES DROITS REELS.

de servitude, par le fait seul du non-usage pendant 30 ans s que, déplus, il est susceptible de s'acquérir par prescription et quil peut donner lieu à l'exercice d'une action possessoin de la part de chaque communiste contre les autres 6. 11 ei résulte également qu'on ne doit appliquer, dans cetti matière, ni la disposition de l'art. 702, qui défend au pro- priétaire de l'héritage dominant de faire aucun changement de nature à aggraver la charge de la servitude 7, ni celk du alinéa de l'art. 701, qui permet au propriétaire de l'héritage servant de demander, le cas échéant, le change- ment de l'assiette de la servitude 8.

Les droits qui appartiennent aux différents communistes; sont, dans le cas d'indivision forcée, plus étendus qu'au cas de copropriété ordinaire. Chacun d'eux peut user de la totalité de la chose commune et de ses diverses parties, comme d'une chose à lui appartenant, sous la condition toutefois de ne pas la faire servir à des usages autres que ceux auxquels elle est destinée, et de ne porter aucune atteinte au droit égal et réciproque de ses consorts 9.

La destination de la chose commune se détermine, à défaut de convention, par sa nature même, et par l'usage auquel elle a été de fait affectée.

Ces principes conduisent, entre autres, aux application* suivantes :

Le copropriétaire d'une cour commune peut exhausser, comme bon lui semble, les bâtiments donnant sur cette cour, et y pratiquer toute espèce déportes ou de fenêtres 10.

5 Req., 25 avril 1858, S., 56, 1, 80&

6 Cpr. §185, texte 3, lett. b, et note 37. Guillouard, op. cit., 387. 1 Guillouard, op. cit., 387. Req., 40 novembre 1845, S., 46, 1, 487.

Req., 31 mars 1861, S., 51, 1, 404.

8 Guillouard, op. cit., 387. Req., 17 novembre 1841, S., 41, 1, 150, Paris, 15 mars 1856, S., 57, 2, 61. Civ. rej„ 15 février 1858, S., 58, i 347. Voy. cep. Lyon, 5 janvier 18 W, S., 50, 2, 168.

9 Demolombe, XI, 445. Guillouard, 388. Caen, 24 août 4842, S., 43, 2, 78. Req., 31 mars 1851,S., 51, 1, 404. Paris, 6 novembre 1863, S.Jii. 2, 36. Keq., 28 juin 1876, I)., 78, 1, 127. Cpr. Laurent, Vil, 483, 185.

10 Demolombe, XI, 446. Guillouard, 38!). Paris, Il juin 1842,S.,4i>, %

de la propriété. § 221 ter. 591

Il est aussi autorisé à déverser, dans la cour commune, les eaux pluviales de ses bâtiments, et même ses eaux ménagères * l , en tant que la disposition des lieux le permet 12 . Mais il ne serait pas en droit d'y établir un dépôt permanent de fumiers 13.

La copropriété d'une ruelle séparant deux héritages, donne à chacun des communistes, la faculté de pratiquer des vues droites dans les bâtiments longeant cette ruelle, lorsqu'elle n'a pas reçu une destination spéciale et restreinte qui s'oppose à l'établissement de pareilles ouvertures, et à supposer, d'ailleurs, qu'elle ait tout au moins dix-neuf décimètres de large **.

Que si la ruelle avait moins de dix-neuf décimètres de largeur, les communistes ne pourraient ouvrir des vues

259. Req., 10 novembre 1845, S., 46, i, 487. Angers, 26 mai 1847, S., 47, 2, 411. Voy. cep. Grenoble, 10 novembre 1862, Journal des Cours de Gre- noble et de Chambéry, 1862, p. 35. Gpr. Laurent, VII, 884, qui écarte avec raison l'application de l'art. 676. Req., 31 mars 1851, S., 51, 1, 404.

11 Demolombe, loc.cit. Guillouanl. 389. Req., 6 février 1822, S., à sa date. Req., 5 décembre 27, D., 28, 1, 49. Grenoble, 1Q novembre 1862, S., 63,2,207.

12 II en serait autrement si, la cour n'offrant pas d'écoulement pour les eaux, elles devaient v demeurer stagnantes. Guillouard, loc. cit. Gaen, 23 avril 1847, S., 48, 2, 379.

13 Gaen, 24 novembre 1856, S., 57, 2, 304.

14 D'après une autre opinion, qui, dans le principe, avait été consacrée par la Cour de cassation, le propriétaire d'une ruelle ne pourrait y avoir des vues droites, qu'autant qu'il laisserait, entre le bâtiment elles sont pratiquées et le milieu de la ruelle, un espace de dix-neuf décimètres. Voy. Pardessus, op. cit., I, 204, in fine. Duvergier sur Toullier, III, 521, note a. Solon, Des servitudes, no 292. Req.. 5 mai 1831, S., 33, 1, 836. Cette opinion doit être rejetée : elle part de l'idée qu'une ruelle, quoique affectée à l'usage commun des riverains, n'en appartient pas moins divisément pour moitié à chacun d'eux. Or, cette idée est évidemment erronée puis- que le droit de copropriété porte, de sa nature même, sur toutes et cha- cune des parties de la chose commune, de sorte que le copropriétaire d'une ruelle qui y ouvre des vues, ne fait qu'user de son droit de copro- priété, et ne doit pas être considéré comme exerçant une servitude. Aussi la Cour de cassation n'a-t-elle point persisté dans sa jurisprudence. Voy. dans le sens de l'opinion émise au texte : Gaen, 24 août 1842, S., 43, 2, 78. Req., 31 mars 1851, S., 51, 1, 404. Bordeaux, 28 juillet 1858, S., 59, 2, 390.

592 DES DROITS RÉELS.

droites dans les bâtiments qui la bordent, qu'autant qu1 ressortirait des circonstances de la cause, et notammer de l'existence d'anciennes fenêtres, que rétablissement d pareilles ouvertures rentre dans la destination à laquell la ruelle a été afïectée 13.

C'est également par l'usage auquel la ruelle a précéden ment servi, que se résout la question de savoir si le communistes sont ou non autorisés à y déverser leui eaux pluviales ou ménagères 16.

Du reste, les copropriétaires de la chose commune u peuvent en user que pour les besoins des héritages dar l'intérêt desquels elle a été laissée indivise n.

A défaut de convention contraire, chacun des coproprû taires doit supporter, dans la proportion de son intérêt, h charges de la chose commune 18, sauf à s'affranchir de cetl obligation par l'abandon de son droit de copropriété 91.

L'art. 664 s'occupe spécialement de l'indivisio

15 Notre sentiment sur ce point diffère de celui de M. Demolombe (X! 565), qui reconnaît en principe aux communistes, la faculté d'ouvrir d vues droites dans les bâtiments bordant la ruelle séparative de leurs lier tages, alors même qu'elle n'a pas dix-neuf décimètres de large, et qui ne leur refuse qu'autant qu'il serait établi, ]>ar les litres ou les circonstam que l'exercice de cette faculté dépasse les limites de l'usage auquel la ruel a été affectée. A notre avis, cette manière de voir intervertit le vérital état de la question, et notre savant collègue paraît n'avoir été amené à 1' dopter, que parce qu'il a placé sur la même ligne les cours et les ruell communes, sans remarquer que si, de leur nature, les cours sont de* nées à fournir l'air et le jour aux bâtiments qui les entourent, il en est a trement des simples ruelles, dont l'usage ordinaire est restreint, soit i passage, soit à l'écoulement des eaux. Voy. en ce sens : Guillouard. <> cit., 389. Nancy, 25 décembre 4846, S., 17, 2, 15S. Montpellier, 14 n vembre 4850, S., 57, % 81. Agen, 24 juin 4867, S., 68, 2, 180.

16 Guillouard, op. cit., 389. Cpr. Req., 34 mars 1851. S., 51, l, W Bordeaux, 20 juillet 1858, S., 59, 2, 350.

17 Demolombe, XI, 444. Bourges, 13 novembre 1888, S., 39, 2, ^

18 Demolombe, XI, 448. Laurent, VU, i86. Cuillouard, op. cil.. 394 397. Cpr. Req-, 2 lévrier 1825. S., 25, 4, 363. Lyon, 5 février 1834, S., 3

19 Arg. art. (156. Pardessus, op. cit., I, 192. Demolombe, XI,449< M rent, XXVI, 437 H. 438. Voy. en sens contraire, Guillouard, op. cit., 39

DE LA PROPRIÉTÉ. § 221 ta\ 593

forcée relative à l'hypothèse les différents étages d'une maison appartiennent à divers propriétaires.

Chacun des ayants-droit étant, dans cette hypothèse, propriétaire exclusif de l'étage cpii lui appartient, la copro- priété ne porte pas sur la maison elle-même 20. Elle s'applique nécessairement, et dans tous les cas, au sol sur lequel la maison est construite 21, ainsi qu'aux ouvrages qui, tels que les gros murs et le toit, sont indispensables à son existence et à sa conservation M. Elle peut s'étendre également à certaines parties ou dépendances de la maison laissées indivises pour servir à l'usage commun de tous les propriétaires, telles que la cave, le grenier, la cour, le puits, l'évier et la fosse d'aisance 83.

Pour le règlement des charges incombant aux divers propriétaires, il faut distinguer celles qui sont communes à tous, et celles qui sont particulières à chacun.

Au nombre des charges communes, l'art. 664 place les frais de réparation ou de reconstruction du toit et des gros murs, auxquels on doit assimiler les digues et voûtes qui

20 Toullier, III, 222. Duranton. Y, 339. Marcadé, sur l'art. 664. Demo- lombe, XI, 425 bis. Zachariae, §197, note 2. Laurent, VII, 488, 491. Fré- my-Ligneville et Perriquet, II, 582. Civ. rej., 31 juillet 1872, S., 72, 1, 334.

2* Frémy-Ligneville et Perriquet, II. 582. Req.,22 août 1860,S., 64, 1, 81. Si le sol est forcément indivis entre les copropriétaires, il n'en résulte pas qu'il puisse être entre eux l'objet d'une action en partage ou en licita- tion. De même, si le propriétaire du rez-de-chaussée a creusé un puits ou bâti une cave, les copropriétaires de la maison n'ont pas le droit de récla- mer la jouissance ou le partage de l'ouvrage : ils peuvent seulement de- mander la cessation des travaux, ou dans tous les cas, faire prendre des mesures, afin qu'ils ne soient pas compromettants pour le reste de l'im- meuble. Civ. rej., 31 juillet 1872, S., 72, 1, 334. Gpr. Trib. de Bergerac, 17 février 1863, D., 63, 3. 43.

22 Frémy-Ligneville et Perriquet. II, 582. Gpr. cep. Pau, 7 décembre 1861, S., 62, 2, 318. Pau, 7 février 1862, S., 62, 2, 499. Ces deux arrêts, dont nous ne saurions approuver la doctrine, semblent faire une confusion entre les règles de la copropriété et celles des servitudes.

23 Pardessus, op. cit., I, 193. Demolombe, XI, 428. Code Perrin, 2593. Frémy-Ligneville et Perriquet, II, 585. Civ. rej., 8 décembre 1824, S., 25, 1, 362. Cpr. Lyon. 5 février 1834, S., 34, 2, 224, et Grenoble, 10 novem- bre 1862, S.. 62, 2, 207.

n 38

594 DES DROITS RÉELS.

serviraient de soutènement à la totalité du bâtiment u. Le* charges communes comprennent également celles qui son relatives aux objets demeurés indivis pour servir à l'usai: < de tous les propriétaires, ainsi que l'impôt foncier, e celui des portes d'entrée servant à un usage commun 25.

Sauf convention contraire 2f>, chacun des propriétaire; doit contribuer aux charges communes, dans la propoitim de la valeur de l'étage qui lui appartient, valeur pour U fixation de laquelle il y a lieu de faire abstraction des cm bellissemeuts particuliers que tel ou tel étage aurait reçus j:

Quant aux charges particulières, et à défaut de règlemen contraire dans les titres de propriété, l'art. 6()4 les répar fit de la manière suivante : Le propriétaire de chaque éta^r fait le plancher sur lequel il marche. Le propriétaire di premier étage fait l'escalier qui y conduit; le propriétaire di second étage fait à partir du premier, l'escalier qui mèn< chez lui, et ainsi de suite -7 frw. Au nombre des charges par ticulières, il Faut aussi ranger l'impôt des fenêtres, qui doi être supporté séparément par chaque propriétaire, pour h fenêtres qui se trouvent dans son étage 28.

Chacun des propriétaires peut faire dans son étage sur les parties qui en dépendent, tous les changements qu' juge comenahles, pourvu qu'ils ne nuisent pas à la solidi de la maison, et qu'ils ne causent aucun tort aux autres pr

-"' Delvincourl, 1, M.'). Maivadé, sur Tari. (>(H<. Démaille. Cours. oh). Deiuolonibe, XI, \dl. Q nid des voùles de caves ? Çpr.en sens. \ers: Diiranlon, V, \'cjl. Pardessus, op. cit., I, \\Y;\. Taulier. IL p. 39 Denioloinbe, toc. cit. Frémy-Ligncville. et l'emquel, IL .v>88.

-■'* Durauleu. \ , :ii(i. Taulier, IL p. 396, Pardessus, (,193. Dcinolninli \l. 428 cl 430. Frémy-Ligneville el Perriquat, II, 889. Laurent, \ II. '.!>

« Cpr. Ue.p. 9 niais ISI«). S., I!), I, 303.

V Toullicr, III. ±ï.\. Pardessus, op. et toc. citl. Demoloinhe. M, ï: Fréniv-Li^ncville et l'on-iquet, II, l')K\.

« bis. Demolomlie (M, i3.3) e,L Laurent (VII, MO) considèrent celle. position comme contraire à l'équité, cl ils préfèrenl l'ancien droit, d près lequel, « ipiaid aux degrés cl, montées, chacun en doit sa portion

?8 Duranlon, \ ', :iili. Taulier, II. p. :;%. Deniulmnbe, M, illd. Lieu

Ligneville et Perriqtiet, II, 589,

de la propriété. § 221 ter. 595

priétaires 29. Il peut même procéder à des innovations sur les parties communes de la maison, à charge de faire au préalable constater par experts que les travaux projetés n'occasionneront aucun dommage 80,

La question de savoir si le propriétaire de l'étage le plus élevé est ou non autorisé à ajouter de nouveaux étages, ne parait pas susceptible cl être résolue en principe, et dune manière uniforme. C'est ainsi que l'opposition uniquement fqriïiée par celui cpii n'est propriétaire que du rez-de -chaus- sée, ne doit pas, ce semble, être un obstacle à l'exhausse- ment projeté, et que la solution contraire nous paraîtrait en général préférable, si l'opposition émanait du proprié- taire d'un étage supérieur 31. En tout cas, l'exhaussement ne devrait-il être permis, qu'à charge de faire constater au préalable par experts, qu'il n'en résultera aucun dommage pour les parties inférieures de la maison.

Lorsqu'une maison divisée par étages vient à être dé- truite par cas fortuit, ou que son état de vétusté rend sa re- construction nécessaire, les différents propriétaires ne sont pas tenus de contribuer aux frais de cette reconstruction,

29 Demolombe, XI. 436. Grenoble. 14 août 1828, S., 30, 2, 34. Civ. rej., 15 février 1843, S., 43, 1, âal. Grenoble, 10 novembre 1862, S.. 63, 2, 207. Riom, 21 mars 1877, S., 78, 2, 100.

30 Arg. art. 662. Demolombe, XI, 439. Frômy-Ligneville et Perriquet, II, 590. Cpr. Laurent, Vil, 492. Cpp. Grenoble* 16, juin 1832, S., 33, 2, 208. Nîmes, 3 décembre 1839, S., 40. 2, 53:;. Req., 17 novembre 1840, S.. 41, 1, 150. Pau, 7 décembre 1861, S., 62, 2. 318.

31 Cpr. en sens divers: Duvergier sur Toullier, III, 225, note a. Demo- lombe, XI, 437. Laurent, VII, 492. Frémy-Ligneville et Perriquet, II, 582. Grenoble, 27 novembre 1821, S.. 28, 2. 497. à la note. Grenoble. 12 août 1828, S.. 30. 2, 34. Grenoble, 15 juin 1832, S.. 33. 2, 208. Paris. 17 mars 1838, S. ,38. 2, 479. Nîmes, i février 1840. S.. W. 2. 505. Rouen. 22 mai 1840, S., 40. 2. 517. Grenoble, 10 novembre 1862, S.. 63, 2, 207. Bordeaux. 17 mars 1868, S., 08, 2, 216. En citant l'arrêt de la Cour de Nîmes, nous n'entendons pas l'approuve? dans la partie du dispositif qui a condamné le propriétaire du rez-de-chaussée à contribuer à la reconstrue- tion du mur de face, devenue nécessaire pour l'exhaussement de la maison. De même, l'arrêt de Grenoble du 15 juin 1832, bien «pie donnant une solu- tion exacte en droit, nous parait s'appuyer sur un motif erroné en déci- dant que les dispositions de l'art. 664 établissent une servitude réciproque entre cointéressés. Laurent, VU, 489. Aix, 26 avril 1845, D., 45, 2, 114,

596 DES DROITS RÉELS.

et chacun d'eux est autorisé à demander la licitation du sol et des matériaux 3\

Si, par suite d'alignement, la maison était sujette à recul, l'indemnité, pour le terrain réuni à la voie publique, de- vrait se partager, entre les divers propriétaires, propor- tionnellement à la valeur des étages appartenant à chacun d'eux33. Dans le cas inverse, l'administration délaisse- rait une portion de la voie publique, contiguë à la maison, le droit de préemption sur le terrain délaissé appartien- drait, dans la même proportion, aux propriétaires des dis férents étages 3'\

g 222.

1. De la mitoyenneté !.

Le droit de copropriété qui porte sur des murs, fossés, ou haies, servant de séparation entre deux héritages conti- nus, se désigne sous le nom spécial de mitoyenneté. La mitoyenneté constitue une véritable communauté 2, ave'* une indivision forcée 3.

82 Demolombe, Xi, 440. Laurent, VII, 493. Frémy-Ligneville et Perri- quet, 11, 592. Voy. en sens contraire: Duranton, V, 347.

33 Demolombe, XI, 441. Nimes, 4 février 1840, S., iO, 2, oOo.

»*Req., 22 août 1860, S., (il, 1, 81.

1 Les dispositions du Code civil sur cette matière ont été principalement puisées dans les art. 194 et suiv. de la coutume de Paris. Cpr. Code Pefj rin, Dictionnaire des constructions, 6e édition, par Rendu, Sireyet Carré. Nouvelle jurisprudence : Traité pratique des murs mitoyens, par Masselin Paris 18815. 1 vol. in-8°. Traité de la législation des bâtiments, par Frémy Ligneville et Perriquet; Paris 1881, "2 vol. in-8<>. Voy. not., II, 492 et s.

- Suivant une ancienne doctrine, reproduite par quelques auteurs mo- dernes, chacun des voisins serait propriétaire exclusif pro diviso de l;i moitié du mur attenant à son héritage. Cpr. Toullier, lit, 183. Taulier. Il, p. 378. Mais c'est une idée que repoussent les art. (i.v>7 et 658, «los- quels il résulte que les deux voisins sont également copropriétaires pft indiviso de la totalité du mur. Demolombe, XI, 309. Frémy-Ligneville e Perriquet, II. 492. Laurent, VII, 494 et 495,

3 L'indivision forcée des clôtures mitoyennes se trouve virtuelleuien!

établie par l'art. 656, aux termes duquel l'abandon de la mitoyenneté c>

DE LA PROPRIÉTÉ. § 222. 597

a. Du mur mitoyen.

Le mur mitoyen est celui qui, placé sur la ligne sépa- rât! ve de deux héritages, appartient en commun, avec le terrain sur lequel il se trouve assis, aux propriétaires de ces héritages 3 bis. Un mur peut être mitoyen en tout ou en partie ; et, dans ce dernier cas, l'exclusion partielle de la mitoyenneté peut s'appliquer, non-seulement à l'étendue du mur en longueur, mais encore à sa dimension en hauteur.

L'art. 653 établit, en ce qui concerne les murs servant de séparation entre deux héritages contigus, des présomp- tions de mitoyenneté fondées sur cette idée, que le mur dont rétablissement présentait, eu égard à la nature de ces héritages, une certaine utilité pour l'un et pour l'autre, est à considérer comme ayant été construit aux frais communs des deux voisins, et pour moitié sur le terrain de chacun d'eux.

Aux termes de l'article précité, un mur servant de sépa- ration entre bâtiments, est présumé mitoyen dans toute sa hauteur, lorsque les deux bâtiments présentent la même élévation, et au cas contraire, jusqu'à l'héberge seulement, c'est-à-dire jusqu'à la ligne formée par l'arête des construc- tions les moins hautes \ La partie qui dépasse la sommité de ces constructions est, sauf la preuve du contraire 3, ré- putée appartenir exclusivement au propriétaire du bâtiment le plus élevé. lien est ainsi, même de la portion du mur qui s'élève au-dessus du toit de ce bâtiment fi.

En vertu du même article, tout mur servant de sépara- tion entre cours et jardins, est présumé mitoyen ; et ce, alors même que l'un des héritages se trouverait en état

le seul moyen, pour le copropriétaire d'un mur mitoyen, de se dispenser de contribuer à la réparation ou à la reconstruction de ce mur. Gpr. texte, lett. bctc, notes 72 et 83 infrà. Demolombe, XI, 310.

3 bis. Cpr. Demolombe, XI, 314. Laurent. VII, 496.

4 Gpr. Discussion au Conseil d'État, sur l'art. 653. Demolombe, XI, 317 et 318. Laurent, VIL 525.

5 Gpr. Bordeaux, 1er février 1839, D., 39. 2, 141. Req., 9 mars 1840, S., 40, 1, 641.

6 Delvincourt, I. p. 394. Pardessus. Des servitudes. I. 160. Duranton. L 306. Demolombe. XL 347.

598 DES DROITS RÉELS.

complet de clôture, tandis que l'autre ne serait pas entiè- rement clos \

La présomption de mitoyenneté établie pour les deux hypothèses qui viennent d'être indiquées, reçoit son appli- cation dans les campagnes aussi bien que dans les villes.

Enfin, l'art. 053 présume mitoyens les murs servant de séparation entre enclos dans les champs, c'est-à-dire entre des fonds qui se trouvent en état complet de clôture. Il en est ainsi, bien que l'un de ces fonds soit entièrement en- touré de murs, et que l'autre se trouve fermé, sur un ou plusieurs côtés, par des clôtures d'une autre nature 8.

Les présomptions de mitoyenneté admises par l'art. 653 ne doivent pas être étendues à des murs de séparation qui ne seraient pas dans les conditions qu'indique cet article. C'est ainsi notamment qu'on ne saurait considérer comme mitoyens, ni le mur d'une maison attenant à une cour ou à un jardin \

7 Demolombe, XI, 3-27. Cpr. Pardessus, op. cit., I, 139. Laurent, VII, •>28. Voy. en sens contraire : Marcadé, sur l'art. 653, n<> l. Voy. aussi : Taulier, II. p. 379.

8 Pardessus, op. et loc. citt. Demolombe. XI, 328 et 328 bis. Cpr. Trm- lier, loc. cit. Voy. cep. Toullier. III, 487.

9 La loi, en effet,, ne présume mitoyen que le mur entre bâtiments. <M non le mur d'un bâtiment attenant à une cour ou à un jardin. Quelquej auteurs enseignent cependant que, dans les lieux la clôture est forcééj le mur d'un bâtiment contiguà une cour, ou à un jardin, doit être présunfl mitoyen jusqu'à la hauteur fixée pour les murs de clôture. Voy. en ce sens : Merlin. Rép., v<> Mitoyenneté, § I, ;>. Delvincourt, I, p. 394 e 395. Toullier, III, 187. Pardessus, op. et loc. citt. Selon, Des servitude* 135. Codé IVrrin. n<> 2866. Cpr. Polluer, Société, 202. Mais, poûl réfuter l'opinion de ces auteurs, il suffira de faire remarquer, qu'ils érigeai en présomption légale une pure conjecture, dont l'exactitude en fait sera même très souvent contestable, puisqu'il n'est pas probable que le pftfi priétaire d'une cour ou d'un jardin, simplement obligé de concourir à la construction d'un mur de clôture, ait contribué aux frais de rétablisse incni d*iin mur qui, dès son origine, était destiné à soutenir un bâtiment Duranton, V. 303. Duvergier, sur Toullier. III, 187. note a. DuCaurroJ Bonnier et Roustain, II, "286. Marcadé, sur l'art. 653, tiP 2. Carou, Dj actions posses8oir es, n" 95. Taulier, II. p. 379. Demante, ('ours, II. .''■07 bu IL Demolombe, XI. 323. Zachariœ, g 2:!«>. note 2. Laurent, VU. 526. lien nés. 9 juillel 1824, S.. Chr. Pau, 18 août 1834, S., 88, 2,298. Reqi

DE LA PROPRIÉTÉ. § 222. 599

ni le mur servant de soutènement à une terrasse 10. Pour résoudre la» question de savoir s'il y a lieu, ou non, à l'application des présomptions de mitoyenneté qui vien- nent d'être indiquées, il ne faut pas s'attacher exclusive- ment à la disposition actuelle des localités, et il convient de tenir compte de leur état à l'époque de la construction du mur ll. Le voisin qui se prétend propriétaire exclusif d'un mur, peut donc écarter la présomption de mitoyenneté résultant en apparence de la disposition actuelle des lieux, en prouvant, et ce même par témoins, que les conditions auxquelles cette présomption est subordonnée, n'existaient pas lors de la construction du mur, pourvu toutefois qu'il ne se soit pas encore écoulé trente années depuis l'établis- sement du nouvel état de choses 12. C'est ce qui aurait lieu

4 juin 1840. S., 45, 1, 824. Pau. 7 février 1862, S., 62, 2, 499. Giv. rej., 12 mai 1886, S., 88, 1, 206.

10 Merlin, liép., Mitoyenneté, §1, 5. Pardessus, Des servitudes, I, 150 et 164. Solon, Des servitudes, 134. Laurent, VII, 529. Orléans, 19 janvier 1849, S., 49, 2, 596. Bordeaux, 18 mai 1858, S.. 59, 2,177.Cpr. Nîmes, 23 juillet 1862, S., 62, 2, 456. Req., 25 avril 1888, S., 88, 1, 380. Voy. cep. Demante, II, 507 bis, IV, et 517 bis, V et VI. Demolombe, XI. 330. Ces auteurs, tout en admettant la solution donnée au texte, pour le cas le mur qui soutient les terres de l'héritage supérieur, ne s'élève pas au-dessus du niveau de cet héritage, enseignent que, dans le cas contraire, le mur doit être présumé mitoyen, et ce, dans toute sa hau- teur. Cette distinction nous paraît devoir être suivie, mais en tant seule- ment qu'il s'agit d'un mur assez élevé pour empêcher toute vue sur le fonds inférieur, et formant ainsi un véritable mur de clôture. Que si le mur ne s'élevait qu'à hauteur d'appui, il resterait un mur de terrasse et devrait comme tel, être présumé appartenir exclusivement au propriétaire du fonds supérieur.

11 Cette proposition ne paraît pas contestable ; elle découle, comme co- rollaire, de l'idée même sur laquelle sont fondées les présomptions de mitoyenneté établies par la loi. Req., 16 juin 1881, S., 83, 1, 401.

12 Cette preuve ne constitue point, ainsi qu'on pourrait le croire au premier abord, un moyen détourné de combattre l'exactitude de la pré- somption légale de mitoyenneté ; elle tend seulement à établir que les con- ditions auxquelles cette présomption est subordonnée, font défaut en fait. Une pareille preuve, toujours admise, même pour écarter l'application d'une véritable présomption juris et de jure, est à plus forte raison rece- vable dans l'hypothèse qui nous occupe. Frémy-Ligneville et Perriquct, op. cit., II, 499. Laurent, VII. 530. Req., 10 juillet 1865, S., 65, 1/341.

^

GOO DR DROITS RÉELS.

notamment dans le cas où, un bâtiment ayant été construit sur la limite extrême d'un terrain attenant à une cour ou à un jardin, le propriétaire de ce fonds y aurait lui-même ul- térieurement élevé des constructions, en les appuyant sur les murs de ce bâtiment, ou en les y incorporant ".

Les présomptions de mitoyenneté établies par l'art. G.j.3 peuvent être combattues par la preuve littérale de la non- mitoyenneté, par l'existence de certains signes matériels constituant, d'après la loi, des marques de non-mitoyen- neté, enfin, par la preuve de la possession exclusive, pen- dant trente ans, du mur présumé mitoyen 14. Mais elles ne céderaient pas nécessairement devant la circonstance que le mur reposerait en majeure partie sur le sol de l'un des voisins 15.

Les titres invoqués pour combattre directement une pré- somption de mitoyenneté, doivent être des actes communs aux deux parties ou à leurs auteurs, alors du moins que les conditions matérielles auxquelles se trouvent subordonnée

13 Du Caurroy, Bonnier et Roustain, II, 286, note 3. Demolombe, XI, 321. Bourges, 21 décembre 1836, S., 37, 2, 477. Req., 10 juillet 1865, S., 65,1,341.

14 Bien que l'art. 653 ne mentionne pas la prescription, il est en prin- cipe hors de doute, que la propriété exclusive d'un mur mitoyen ne puisse être acquise, comme celle de toute autre chose commune, par une possession trentenaire réunissant les conditions exigées pour l'usucapion. Voy. aussi : art. 670. Mais il faut que les faits de possession, invoqués à l'appui de la prescription, caractérisent, d'une manière non équivoque, une jouissance exercée à titre de propriétaire exclusif du mur, etne soient pas susceptibles de s'expliquer comme étant le résultat, ou d'une pure to- lérance de la part du voisin, ou de l'exercice d'une simple servitude ; et nous reconnaissons que ces conditions, rigoureusement nécessaires, ne se rencontreront que difficilement en fait. Merlin, Rcp., Mitoyenneté, § 2, no 8. Toullier, III, 188. Duranton, V, 313. Pardessus, op. cit., I, 161. Déniante, Cours, II, 507 bis, V. Marcadé, Revue critique. 1851, II, p. 70. Demolombe, XI, 346. Zachariae, § 239, texte et note 4. Laurent, VII, 538. Pau, 18 août 1834, S., 35, 2, 298. Rouen, 31 août 1867, S., 68. 1, 215. Cpr. Frémy-Ligneville et Perriquet, op. cit., Il, p. 511.

II y a, dans ce cas. conflit entre les deux présomptions légales éta- blies par les art. .v>.v>2 et 653 ; et il appartient au juge de déterminer, d'a- près les circonstances de la cause, quelle est celle de ces présomption! <|ni rloil prévaloir, Req., Il janvier I8(i'<., s . 65, I, 262.

f

DE LA PROPRIÉTÉ. $ 222. 601

cette présomption, existaient déjà lors de la construction du mur16. Dans cette supposition, la preuve testimoniale ne pourrait être admise à défaut de preuve par écrit, quelle que fût l'importance du litige 1T.

Les signes matériels indiqués par l'art. 654 sont les seuls qui puissent être invoqués comme marques de non- mitoyenneté 18, à moins qu'il ne s'agisse de constructions

16 II est vrai que l'art. 653 se borne à dire que la présomption de mi- toyenneté peut être combattue par un titre contraire, sans exiger expres- sément que le titre soit commun aux deux parties. Mais il est de principe qu'un titre ne peut être opposé qu'à celui dont il émane ; et, dans l'hy- pothèse spécialement prévue au texte, il n'y a aucun motif pour s'écarter de ce principe. Laurent, VII, 533. Cpr. Duranton, V,308 ; Taulier, II, p. 380. Voy.cep.Demolombe,XI,334 et 335. CodePerrin, no2881.Civ.rej., 25 jan- vier 4859, S., 59,1, 466. Req., 11 août 1884. S., 86,1, 196. Dans l'espèce de l'arrêt de 1859, qui se rapproche de l'hypothèse dont il a été précédemment question (texte et notes 11 à 13 supra), si même elle n'y rentre pas complète- ment, l'existence des conditions auxquelles se trouve subordonnée la pré- somption de mitoyenneté, n'était pas suffisamment établie, puisqu'il s'a- gissait d'un mur qui, dans le principe, longeait un terrain non clos. Nous comprenons que, dans ces circonstances, celle des parties qui se préten- dait propriétaire exclusif du mur, ait pu invoquer son titre d'acquisition pour corroborer les inductions résultant de l'état matériel des lieux ; et c'est aussi ce que nous avons fait ressortir dans la rédaction de notre proposition.

17 Pardessus, Des servitudes, 1, 161. Duranton, V,308. Marcadé, sur l'art. 8S3,no 2.Demolombe,XI,333. Angers, 3 janvier 1850, S. ,50,2, 460. Voy. en sens contraire: Laurent, VU, 532. Voy. aussi : Amiens, 29 juin 1842, S.. 45, 2, 22. Cet arrêt a décidé, avec raison, que le voisin par le fait duquel a été démoli un mur séparatif, que l'autre voisin soutient avoir été mitoyen, n'est pas admis à prouver par témoins, qu'il s'y trouvait des marques de non-mitoyenneté, qui lui en attribuaient la propriété exclusive.il en serait de même de la preuve qui devrait résulter d'une expertise.

18 Quoique l'art. 654 ne soit pas rédigé en termes restrictifs, le carac- tère limitatif de sa disposition résulte de son rapprochement avec l'arti- cle précédent, et de l'esprit général dans lequel ont été conçues les diffé- rentes règles relatives à la présomption de mitoyenneté. Voy. art. 666, 667 et 670. Rapport au Tribunat, par Albisson (Locré, Lég.t VIII, no 11, p. 388). Pardessus, op. eit.,\, 162. Duranton, V, 310. Taulier, II, p. 387. Marcadé, sur l'art. 654, no 2. Zacharia3, § 239, texte et note 3. Laurent, VII, 536. Frémy-Ligneville et Perriquet, op. cit. II, 507. Voy. en sens contraire : Demante, Cours, II, 508 bis ; Demolombe, XI. 341. Cpr. aussi : Pau, 20 mars 1863. S.. 63. 2. \Çr2.

602 DES DROITS RÉELS.

élevées antérieurement à la promulgation du titre 4 servitudes19. Encore ces signés ne font-ils prouve de la no mitoyenneté, qu'autant qu'ils ont été placés lors do construction du mur, ou que du moins ils existent dep\ trente ans, au vu et au su du voisin 2,\

La possession exclusive, que l'un des voisins aurail i pendant an et jour, d'un mur légalement présumé mitoyl ne suffirait pas pour détruire la présomption de n toyenneté, alors même que ce voisin aurait été mainte au possessoire dans sa jouissance exclusive 21.

En cas de conflit entre un titre établissant la mitoyenne et des marques de non-mitoyenneté, c'est le titre c l'emporte. Il en est ainsi, alors môme que ces marqi existent depuis 30 ans, à moins que L'induction qu' prétend en tirer, ne se trouve corroborée, soit par u contradiction régulière signifiée à l'autre voisin, soit r dos actes matériels exclusifs de toute idée de mitoyenne Encore faut-il que cette contradiction ou ces actes remonte à plus dv 30 années 1>2.

,!l Chabot, Questions transitoires, Servitude. Toullier, 111. 192. ranton, Y. 319. Taulier, II. p. 387. Demolombe, XIj340. Req., 18 jui 1837, S., 38, 1. 325. Pau. 20 mars 1863, S.. 63, 2, L62. La doctriid cetarrôl est généralement admise surtout pour les murs construits ai rieuremenl au (iode Civil. Frémy-Ligne ville et Perriquet, 11, .v>07.

20 Delvincourt, I. p. 396. Pardessus, op cit., 1, 163. Duranton, V. I Taulier. II. p.382. Marcadé, sur l'ail . 634, m>u2. Demolombe, XI, 337 et I

21 La présomption légale mitoyenneté, équivalant à titre, esl net sai rement plus forte que la présomption de propriété exclusive, aiiac

;m simple t'ait de la possession. Merlin, Rép., .Mitoyenneté. § 1, n Toullier, III. 188. Coulon, Ouest, droit, II. p, 173. Taulier. Il, p. | Solon, Des servitudes, ti)i. Marcadé, sur L'art.670, ni,s "2 et 3. Demi

II. 807 bis, VI. Demolombe. XI, 349 à 381. Zaeharue, § 239, note 1.3

dessus, Servitudes, I, H>:>. Larombière, 06^oiiow*,V,art.l315, 18. 1

renl, VII, 540. Il en est de même pour la haie mitoyenne, lufrà. non et. les autorités citées. Voy. en sens contraire : Duranton. V, ,\\ \. (iarn

Des fictions possessotres , p. 240.

-- Delvincourt,. I.p. 398. Duranton, V, 311. Marcadé sur l'art. iî.Vk i Demolombe, XI, 343. Voy. en sens contraire : Pardessus, opt cit., I Taulier, II, p. iîK-i. (Juan! ;iu\ marques de non mitoyenneté, Voy. < Perrin, p, 84tf et suiv.

DE LA PROPRIETE. § 222. 603

(L'existence de signes matériels d'une nature contraire

aux marques de non-mitoyenneté, et crue, par ce motif, on

pourrait être porté à considérer comme indicatifs de

itoyeimeté, ne suffirait pas à elle seule pour déclarer

mitoyen, un mur qui ne serait pas à considérée comme tel

u vertu d'une présomption légale de mitoyenneté. C'est

insi, par exemple, qu'on ne devrait pas réputer mitoyen,

n mur de clôture attenant à un héritage non clos, par

ela seul que le chaperon de ce mur présenterait un plan

incliné des deux côtés aô.

Du reste, en l'absence de présomptions légales de

itoyenneté, et même en cas d'existence de marques de

oii-mitoyenneté, la mitoyenneté peut s'établir, non-seulc-

ent par titres, mais encore par la prescription de 30 ans,

fondée sur des actes matériels constitutifs de l'exercice

des droits qui appartiennent au copropriétaire d'un mur

mitoyen 2i.

Les copropriétaires d'un mur mitoyen sont tenus de contribuer, dans la proportion de leur droit, aux trais de réparation ou de reconstruction de ce mur 8S. Vit. 655.

Lorsque la nécessité de reconstruire un mur mitoyen, est volontairement reconnue parles deux voisins, ou judiciaire- ment déclarée, l'un d'eux ne peut, en général, contraindre autre qu'à la construction d'un mur à établir dans les

23 II est. en effet, à remarquer qu'à la différence de ce qui avait lieu dans notre ancien Droit, le Code civil n'admet pas de marques de mitoyen- neté, de nature à suppléer à la réunion des circonstances auxquelles il at- tache lui-môme une présomption de mitoyenneté. Delvincourt. I, p. 396. Toullier, NI. 190. Pardessus, op. cit., I, 164. Duranton. Y. 312. Demo- lombe, XI, 339. Cpr. Bordeaux, 22 février 1844, S., 44, 2, 457.

n Rouen, 31 août 1867, S., 68, 2,2 15. La mitoyenneté pourrait-elle s'acquérir également par la prescription de 10 à 40 ans avec juste litre et bonne foi ? L'affirmative nous parait devoir être admise en principe ; mais en l'ait, le concours des conditions exigées pour ce mode d'acquisition, ne pourra que rarement se rencontrer en pareille matière. Cpr. Réq., 10 juil- let L865, S.. 65, l, 341.

25 Voy. cep. sur le cas la reconstruction du mur mitoyen est devenue nécessaire par suite de la démolition et de la réfection dv l'un des bâti-

604 DES DROITS RÉELS.

conditions de l'ancien, c'est-à-dire dans les mêmes coi ditions, et avec des matériaux de même nature 2".

Chacun des copropriétaires d'un mur mitoyen peut, e renonçant à la mitoyenneté, s'affranchir de l'obligation c contribuer aux frais d'entretien et de reconstruction de < mur, pourvu qu'il ne soutienne pas un bâtiment qui 1 appartient, et que d'ailleurs ce ne soit pas par son fait qi la réparation ou reconstruction en ait été rendue néce saire ". Art. 656. Il résulte de laque, si le mur mitoye] séparant deux bâtiments, sert également d'appui à l'i et à l'autre, celui des voisins qui veut abandonner mitoyenneté, ne peut le faire qu'après la démolition de se bâtiment, et demeure responsable envers l'autre des coi séquences de cette démolition28.

La faculté d'abandon compète à chacun des voisins, mên dans les lieux la clôture est forcée en vertu de l'art. 663 2

ments qui s'y appuyaient : Paris. 30 décembre 1864, S., 65, 2, 133. G] aussi : Rouen, 31 août 18(>7, S., 68, 2. 215. Paris, 5 février 1868. S.. ( 2. 337. Mais le copropriétaire du mur mitoyen qui le fait démolir et r construire exclusivement dans son intérêt personnel doit supporter s( les frais de ce travail. Laurent, VII, 544. Paris, 22 février 1872, S., 1 2, I 18. (av. cass., 18 mars 1872, S., 72,4, 2 13 et (sur le renvoi) Amier 28 février 1873. S., 73, 2, 118. Paris, 24 mars et 24 novembre 1874. j 76, 2, 109. Cpr. cep. comme solutions dépure équité et motivées s les circonstances de L'espèce, Paris, 5 février et 8 mai 1868. S.. 68, 337. Paris, 31 décembre 1870, I)., 72. 2, 84.

2,J Demolombe, XI. 393. Laurent, VII. 344. Caen, 28 février 1837. | 37, 2. 376. Cpr. Zachariae, § 239, note 6.

-' Delvincourt, 1, p. 400. Toullier, III. 219. Duranton, V, 319. Para sus. op. cit., I, 106 et 168. Marcadé, sur les art. 633 et 656. Deman Cours, II, 310 bis, I. Demolombe, XL 393. Laurent, VII, 346.

28 Demolombe, XL 389. Laurent, VIL 348. Civ. cass., 16 décembre I8( S., 64, I. 33. Paris. 4 février 1870, I)., 70, 2, 217. Mais il est permis déroger par des conventions particulières à la règle de Tari. 636. Ile 24 mars 1884, S., 83, 1, 363.

-,) Voy. pour la justification de cette proposition : § 200. texte et note Civ. rej., 29 décembre 1819, s., à sa date. Bordeaux, 14 juin 1833. S..:

2,640. Paris, I 4 novembre 1860, S., 61, 2, 127. Civ. cass., 3 déceml 1862, S.. 63, I, 33. Civ. cass., 7 novembre 1864, S., 64, 1.306. Uordeai 3 mars 1873. S., 73. 2. 203. Orléans, 24 mai 1873. S.. 74, 2. 171.

doctrine esl dans l<' môme sens. Maleville, sur Part. Mï.\. Favard, Héi

DE LA PROPRIÉTÉ, g 222. 605

et elle peut être exercée pour la totalité ou pour partie du mur 30.

L'abandon de la mitoyenneté par l'un des voisins, a pour effet de conférer à l'autre la propriété exclusive du mur. Toutefois, si ce dernier, au lieu de l'entretenir ou de le reconstruire, le laissait tomber en ruine ou le démolissait, l'auteur de l'abandon serait, pr opter causam non secutam, autorisé à répéter la moitié du sol et des matériaux 31.

La mitoyenneté donne à chacun des copropriétaires, le droit de se servir du mur mitoyen pour tous les usages auxquels il est destiné d'après sa nature. Elle confère même, sous ce rapport, des droits plus étendus qu'une communauté ordinaire, en ce que l'un des voisins peut, pour se servir du mur mitoyen, y opérer sans le consentement de l'autre, certaines innovations ; seulement il doit, à défaut de ce consentement, faire, au préalable, régler par experts, les mesures nécessaires pour empêcher que les innovations projetées ne causent la dégradation du mur, ou n'en com- promettent la solidité. Art. 662 3S.

En vertu de ce principe, chacun des copropriétaires est

1

yo Servitude, sect. 2, § 4, 4. Touiller, III, 163 et 164. Marcadé, art. 663. Carou, Act. poss., 102. Voy. en sens contraire : Laurent, VII, 502. Tribunal de l'Empire d'Allemagne, 8 avril 1885, S., 88, 4, 15. La faculté de renoncer à la mitoyenneté subsiste, qu'il s'agisse comme dans l'art. 656 de la reconstruction d'un mur, soit comme dans l'art. 663, d'une première construction. Civ. cass., 27 janvier 1874, S., 74, 1, 210. Giv. cass., 26 juillet 1882, S., 84, 1, 79.

30 Gode Perrih, 2963 bis. Laurent, VII, 537. Giv. cass.. 3 avril 1865, S., 65,1,159.

31 Delvincourt, I, 401. Toullier, III, 220. Duranton, V, 320. Pardessus, op. cit., I, 168. Marcadé, loc. cit. Déniante, II, 510 bis, I. J)emolombc, XI, 391. Laurent, VII, 550.

32 La disposition de cet article est générale, et s'applique même aux tra- vaux prévus et déterminés par les art. 657, 658 et 659. Delvincourt, I, 401. Toullier, III, 206. Pardessus, op. cit., I, 178 et 181. Marcadé, sur l'art. 662. Du Gaurroy, Bonnier et Roustain, II, 295. Taulier, II, p. 389. De- mante, Cours, II, 506 bis. Demolombe, XI, 416. Zachariœ, § 239, note 15. Fréiny-Ligneville et Perriquet, 11,531. Voy. en sens contraire : Duranton, \ , 335. Laurent, VII, 553. Gpr. aussi en sens contraire, pour le cas d'exhaus- sement du mur mitoyen : Rcq., 18 avril 1866, S., 66, 1, 430. Gpr. Orléans, 20 février 1858, D./61, 5, 456. Bordeaux, 21 avril 1864. S.. 64, 2, 219.

606 DES DROITS RÉELS.

autorisé à adosser, contre le mur mitoyen, toutes espè< de plantations ou de constructions. Aceteflet jl peut y fa placer des poutres ou solives dans toute son épaisseur, cinquante-quatre millimètres près, sans préjudice du dr qu'a l'autre voisin de les faire réduire à l'ébauchoir jusqi la moitié du mur, dans le cas il voudrait égalera* asseoir des poutres au même endroit, ou y adosser u cheminée. Art. 0o7.

Chaque copropriétaire peut également pratiquer c enfoncements dans le mur mitoyen, pour y établir ( armoires ou des niches 3:j, ou pour y encastrer des tuya de deseente de fosses d'aisance 34, pourvu que ces inno\ tions ne causent aucun préjudice au voisin. Art. 662 u l

luifin, chacun des copropriétaires est même autorisa exhausser le mur mitoyen, soit pour bâtir contre la par exhaussée, soit pour tout autre motif dont il n'est pas te de rendre compte. Art. 658. La seule circonstance q l'exhaussement du mur mitoyen, sans offrir un intéi sensible à celui des voisins qui veut y procéder, aur pour résultat de priver Vautre d'avantages plus ou moi importants, n'autoriserait pas les tribunaux à renferm dans certaines limites l'exercice de cette faculté, que loi accorde sans restriction !:i. Si toutefois l'un des voisi Voulait, sans aucune utilité pour lui-même et par p esprit de vexation ou de chicane, donner au mur niilov une élévation excessive, les tribunaux pourraient, j) application de la règle Ma/iliis non est uidu/aendiini , restreindre la hauteur :i,î.

:!:) Taulier. II. p. 988. Demolombe, XI, 414.

;ii Demolombe, M ,412. fteq.,ï novembre 1849, S.. :;<), l, 18. (Juiih cheminées ? Voy. en sens divers : Delvincourt, I. p. 401 ; Dijon. 18 si 1847, S., 18, 2, 147. Cpr. aussi: Poitiers,28 décembre IHVl.S., 42,2, k

'■'' his. Il appartient aux tribunaux d'examiner, suivant les circonstanc s'il y a lieu coordonner la destruction ou la modification des travaux ii gulièrement entrepris. Req., 20 novembre i 8T0, S., 77. I, 149.

'■'- Laurent. VII, 50Ô. Paris, 8 juillet 1858, S., .V.l. 2, ISO. Paris, Piji 1804, S.. 04, i. 220. Tenions.', il novembre 1804, S'., 08, 2,9S. Orléa

(i décembre Ikki. S., 82, 2, 32, Voy. cep. Met/, 12 juin 180Y, S., 7, iss. Bruxelles, 28août 1810, S., 14, 2, 250. ■'''• Potliici', Society m" i\i. Delvincourt, I, p, 109. Toullier el Dm

sm

DE LA PROPRIÉTÉ. § 222. 61)7

:1'

Le copropriétaire qui fait procéder à F exhaussement

d'un mur mitoyen, doit en supporter les frais 36 bis, \\ est de plus tenu d'indemniser le voisin du préjudice que lui causera la charge de l'exhaussement, en nécessitant de plus fréquentes réparations :i\ à moins cependant qu'au moyen de travaux confortatifs, il ne fasse entièrement disparaître les inconvénients de la surcharge 3b. Art. 658.

Lorsque le mur mitoyen n'est pas en état de supporter l'exhaussement, celui des voisins qui veut y faire procéder, doit reconstruire ce mur en entier à ses frais, et en prenant de son coté l'excédant d'épaisseur. Art. 059 as àis. Dans ce cas, il ne doit aucune indemnité à raison de la surcharge 3".

Si l'un des voisins avait exhaussé le mur mitoyen sans le reconstruire, alors que la reconstruction en eût été nécessaire pour le mettre en état de supporter la charge résultant de l'exhaussement, il deviendrait responsable de tous les dommages que par son imprévoyance il aura occasionnés, soit au mur mitoyen lui-même, soit au bâti- ment de l'autre voisin 40.

gicr. III, 202 et 203. Duranton, V,33Q, Pardessus, op. cit., I, 173. Demn- ïambe, XI, 398. Flandin, Revue critique, 4864a XXV, p. 17. /acharne, | 239, texte et note 10. Laurent, VII, .vm.v>. Code Perrin, 2972. Fr-émy-Ligneville et Perriquet, II, 633 Yoy. cep. (av. cass., 11 avril IB64, S., 64, 1, lOo.

30 bis. Quant à retendue du principe. Req., 18 août 1874, S., 74, 4, 401. Gpr. Frémy-Ligncvillc et Perriquet, II, oîi.

37 Les expressions finales de l'art. 0.")8, assez obscures en elles-mêmes, ^'expliquent par l'art. 197 de la coutume (le Paris, aux termes duquel l'in- demnité dont s'agit était fixée au sixième de la valeur du surhaussement. Cpr. Perrière, Commentaire delà coutume de Paris, suiTart. 197. Pothier, op. cit., 213. Le Code a remplacé cette fixation uniforme et à forfait par une évaluation variable, dont les résultats seront par cela même plus conformes à l'équité. Pardessus, op. cit., I, 177. Du Caurroy, Bonifier et Houstain, II, 290. Taulier, II, p. 390. Dcmolombe, XI, 400.' Zachaiïa>, § 239. note 12. Laurent, VII. o.v)7.

38 l)emolombe,Xl, 402. Cpr. Pardessus, op. cit., I, 174, Demantc, Cours, II. Mb bis, II.

38 bis. Heq.. H) mars 1881, S., 81, 1, 223.

39 Pardessus et Déniante, opp. cl locc. citt. Dcmolombe, XI, 404. Laurent, VII, oo9. Bordeaux, 21 avril 1804, S.. 64, 2. 219. Cpr.

008 DES DROITS RÉELS.

Les frais à supporter par celui qui fait exhausser o reconstruire le mur mitoyen, comprennent les frais cVe^ pertise que ces opérations peuvent nécessiter, ainsi qu ceux à faire pour étayer les bâtiments du voisin. On do également assimiler à ces frais, les dépenses nécessaire pour réparer et remettre dans leur ancien état les plant* tions ou constructions que ce dernier avait adossées a mur mitoyen, et qui se trouveraient dégradées par suil de son exhaussement ou de sa reconstruction **.

Mais le voisin n'a aucun dédommagement à réclame pour les embarras momentanés que lui a causés Texécutio des travaux, ni même à raison de la privation de jouissanc que lui ou ses locataires ont eu à subir pendant lei confection *2. Il en serait ainsi, bien que, cette privatio de jouissance ayant duré plus de quarante jours, le voisi se trouvât exposé, de la part de ses locataires, à une actio en réduction de loyer ou en résiliation de bail v\

Celui des voisins qui a fait exhausser le mur mi loyer devient propriétaire exclusif de la partie exhaussée < peut exercer sur cette partie tous les droits qui compètei au propriétaire d'un mur non mitoyen. Il est notammei autorisé à y pratiquer, conformément aux art. 676 et 67r

Chambéry, mars I87.vi cL Rcq., 31 janvier I87b\ S., 76, 1, 293. I môme obligation pèse sur les communes et sur les partienliers.

41 Pothier, op. cit., no 213.Toullier, III, 208. Pardessus, op. et loc. cil Duranton, Y, 331. Solon, op. cit., 155. Demolombe, XI, 405. Ma le copropriétaire qui fait exhausser le mur mitoyen, n'a pas à supporti les frais nécessaires pour donner aux cheminées du voisin adossées à < mur, l'élévation que réclame le nouvel état des choses. Duranton, V, lo cit. Demolombe, XI, 406. Laurent, VU, 562. Bordeaux, 18 mai 1849, S 50, 2, 183. Voy. en sens contraire : Pardessus, op. et loc, çitt. Co( Perrin, no m)ï. Limoges, \ mai 1813, S., 14, 2. 88.

*2 Ncminem lœdere videtur, qui xuo jure utitur. Pardessus, op. et lo cilt. Duranton, V, 331. Demolombe, XI, 106. Paris, &mail813, S., li, ! 88. Bordeaux, 30 novembre 1 H(>ri, D., 65,2, 44. Voy. cep. Delvincourt, j). 402. Taulier, iï,p. 391.Cpr. Paris, 24 mars 1879, S., 79,2,137 et la nol

*8 Duranton et Demolombe, locc. dit. Paris. 19 juillet 1848, S., '<8, : i64. Aix, 4 mai 1863, S., 64, % 73. Paris, 30 décembre 1864, S.. 65, \ 133. Paris, 15 décembre 187:;. S., 7(1, 2, 109. Voy. cep. Pardessus, lo cit. Toullier. III. 211. Laurent, Vil. 562.

DE LA PROPRIETE. § 222 609

des jours à fer maillé et à verre dormant **. Mais il doit en supporter seul les réparations. Art. ()58.

En cas de reconstruction du mur pour cause d'exhausse- ment, le nouveau mur, quoique reconstruit aux frais de l'un des copropriétaires, n'en devient pas moins mitoyen jusqu'à la hauteur de l'ancien; et ce, dans toute son épais- seur, lors même qu'elle aurait été augmentée, sauf au voi- sin qui a fourni l'excédant de terrain nécessaire à cet effet, à reprendre cet excédant si le mur venait à être démoli *3.

Le voisin qui n'a pas contribué aux frais d'exhaussement, est toujours admis à acquérir la mitoyenneté de la partie exhaussée, en remboursant la moitié de ces frais, et, le cas échéant, la moitié de la valeur du sol fourni pour l'excé- dant d'épaisseur. Art. 600.

Quelque étendus que soient les droits que confère la mitoyenneté, l'un des voisins ne peut cependant se per- mettre des innovations qui seraient de nature à porter atteinte au droit égal et réciproque de l'autre. C'est ainsi qu'il ne peut, sans le consentement de ce dernier, ni diminuer la hauteur ou l'épaisseur du mur mitoyen fG_, ni établir de son côté, et sur une partie seulement de l'épais- seur de ce mur, des constructions en maçonnerie ou en pan de bois *7. Il ne peut pas davantage, sans le consente- ment du voisin, pratiquer dans le mur mitoyen des fenêtres ou ouvertures quelconques, même à verre dormant. Art. 675 *8.

44 Merlin, Bép., Vue, § 3, 8. Toullier, III, o27. Duranton, V, 333. Pardessus, op. cit., I, 211. Demante,III, 5JL3 bis, III. Demolombe, XI, 408. Zachariso, § 239, texte et note 13. Laurent, VII, 563. Voy. en sens contraire : Douai, 17 février 1810, S., Chr. Amiens. 13 mai 1886, I).. 87, % 203.

43 Taulier, II, p. 391. Laurent, VII, 559. Cpr. Demolombe, XI, 407. Voy. cep. Marcadé, sur l'art. 639, no 1.

46 Demolombe, XI, 383 bis et 413. Il a même été jugé que du mo- ment où le voisin avait déclaré son intention d'acheter la mitoyenneté, le propriétaire du mur n'avait plus le droit de le démolir. Rouen, 20 janvier 1841, S., 41, 2, 262.

41 Demolombe, XI, 403. Bordeaux, 11 décembre 1844. S., 45, 2, 523. Bordeaux, 18 mai 1849, S., 50, 2, 183.

48 La disposition de cet article est-elle encore applicable, lorsqu'une n. 39

610 DES DROITS REELS.

Il est, du reste, bien entendu que,, même eu restant dai les limites naturelles des droits que confère la mitoyenneté lun des voisins ne peut rien faire qui soit de nature porter atteinte aux servitudes établies au profit de l'autre /f

Tout propriétaire d'un terrain joignant un mur no mitoyen, a le droit d'en acquérir la mitoyenneté, en toi ou en partie, en remboursant la moitié de la valeur d mur, ou de la portion qu'il veut rendre mitoyenne, ain que la moitié de le valeur du sol sur lequel se trouve ass ce mur ou cette portion. Art. ()61 *■ bi$.

L'exercice de cette faculté est subordonné à la conditio que le mur touche immédiatement le terrain de celui qi veut acquérir la mitoyenneté. Le propriétaire dont le mi se trouve en retrait de la ligne qui sépare son héritage cl celui du voisin, est donc autorisé à refuser la cession de 1 mitoyenneté, quelque peu d'importance que présente, p? sa valeur et son étendue, le terrain laissé libre entre 1 mur et la limite de son fonds :i0.

ville, ayant acquis l'une des maisons adossées au mur mitoyen, vient à démolir pour l'élargissement ou le percement d'une rue ? Celte questi doit se résoudre par une distinction entre le cas le sol delà maison molie a été définitivement incorporé au domaine public communal, e cas celle incorporation n'a pas encore été réalisée. Civ. rej., 24 ji Ici 1862, S.. 62, 4, 796 et 797. Req., 34 janvier 1860, S., 66, 1, 96. Ci rej., 1er juillet 1871). S.. 80, 1, 418; I)., 79, I, Ï7S. Gpr. Montpelln 9 juin 1848, S., 48, 2, 079. Req., 34 janvier 4849, S., 60, 2, 359, à noie Paris, 13 mai 18(10. S.. 60, 2, 359 et 362.

"> Zachariae, § 239, texte et note 8. Toulouse, -21 avril 4830, S., 34 -229. Cpr. Req., 10 janvier 1810, S., 40, 4, 476.

',!l bis. Le prix de la cession de mitoyenneté est garanti par le privilè de l'art. 2103. Demolombe, XI. 367. Laurent, VII, 522, 523. Trib. ci\

la Seine. 8 février 1880, S., 81, 2. 2:>. \ oy. en sens contraire : Par 23 janvier 1833, S., 34, 2. 9:;. Civ. rej. (motifs), 47 février 1864, S., 0 I. 717.

;,° « Tout propriétaire joignant au mur » : porte l'article 664 . Il résu de ce texte que celui qui ne justifie pas d'un droit de propriété sur

terrain COntigUà un mur. ne jouit pas de ta faculté d'acquérir la iniloyt uel.é de ce mur. D'autre part , la disposition de l'art. 664, dérogea

au principe protecteur de la propriété posé par l'art. 545, doit ô interprétée d'une manière restrictive. En vain dit-on que le propriétaii

DE LA PROPRIETE. § 222. 61 1

La faculté d'acquérir la mitoyenneté ne peut être exer- cée, quant aux murs faisant partie d'édifices publics placés hors du commerce, tels qu'une église, une prison, ou un arsenal, tant que ces édifices conservent leur destination"1. D'un autre côté, elle ne s'applique pas aux simples clôtu- res en planches :i2.

en élevant son mur à une faible distance de la ligne qui sépare son fonds de celui du voisin, dans la pensée de se soustraire à l'acquisition de la mitoyenneté, se rend ainsi coupable d'une fraude à la loi. Cette objection Suppose qu'il s'agit d'une disposition d'ordre public. Or, cette supposition est inadmissible, puisqu'il est permis de renoncer à la faculté d'acquérir la mitoyenneté (cpr. texte et note 60 infrà), et que, d'un autre côté, le propriétaire qui veut élever des constructions sur son terrain, n'est pas obligé d'acquérir la mitoyenneté du mur du voisin, et peut laisser entre ce mur et ses constructions tel espace de terrain qu'il juge convenable. Du- ranton, Y, 324. Duvergier sur ïoullier, III, 193, note a. Du Caurroy, fionnier et Roustain, II, 292. Déniante, Cours, II, 515 bis, V. Douai, 7 août 1845, S., 46, 2, 620. Civ. cass., 26 mars 1862, S., 62, 1, 413. Req., 18 juin 1878, S., 79, 1, 213. Bordeaux, 3 janvier 1888, S., 89, 2, 70. Voy. en sens contraire: Delvincourt, I, p. 397. Pardessus, op. cit., 1, 154. Marcadé, sur l'art. 661, no 1. Taulier, II, p. 392. Solon, op. cit., 141. Demolombe, X. 354. Laurent, VII, 507- Lepage, Lois des bâtiments, I, 391, note 16. Frémy-Ligneville et Perriquet, op. cit., II, 551. Bourges, 9 décembre 1837, S., 38, 2, 159. Caen, 27 janvier 1860, S., 61,2. 63. Cpr. Bordeaux, 17 mars 1868, S., 68, 2, ±l<ô. Cet arrêt décide que le proprié- taire d'un mur ne peut être contraint d'en céder la mitoyenneté, lorsque le bâtiment au profit duquel cette mitoyenneté est réclamée lui appar- tient en commun avec l'autre partie : les dispositions exceptionnelles de l'art. 661 ne s'appliquent point à cette espèce.

51 Pardessus, op. cit., I, 43. Demolombe, XI, 356. Zachariae, § 239, note 16. Toulouse, 13 mai 1831, S., 31, 2, 276. Civ. cass., 5 décembre 1838, S., 39, 1, 33. Req., 16 juin 1856, S., 59, J. 122. Douai, 21 août 1865, S., 66, 2, 229. Bordeaux, 5 avril 1870, S., 70, 2, 206. De même pour les murs entourant les cimetières. Trib. de Lyon, 23 janvier 1866, D. 6. 73, 45. Voy. en sens contraire, quant aux hôtels de préfecture : Paris, 18 janvier 1854, S., 54, 2, 178. Laurent, VII, 508. Demolombe, XI, 356. Notre savant collègue ne nous parait pas conséquent à lui-même, en comprenant (IX, 460) les maisons communes dans le domaine public communal, et en excluant (loc. sup. cit.), les hôtels de préfecture du domaine public départemental. Cpr. § 171. Cpr. Laurent, VII, 509 et suiv. Mais les murs des presbytères nous paraissent être compris dans les dispositions générales de l'art. 661 . Laurent, VII, 510. '6i Laurent, VII, 508. Civ. cass., 15 décembre 1857, S., 58, 1, 271.L'exis-

(312 DES DROITS RÉELS.

Les mots de Fart. 001 ou en partie, se réfèrent à la ha teur, aussi bien qu'à la longueur du mur. Mais ils ne do vent pas s'entendre de sa dimension en épaisseur, et l'ï ne pourrait restreindre une demande en acquisition de mitoyenneté, à une portion seulement de l'épaisseur c mur :j3. Le voisin, qui ne veut acquérir la mitoyenneté c mur que pour une portion de sa hauteur, est obligé d\ payer la valeur à partir des fondements 8*.

On ne peut user de la faculté d'acquérir la mitoyenneté qu'à charge de payer la moitié de la valeur réelle du mu alors même qu'il serait construit en matériaux d'un pr plus élevé que ceux qui sont habituellement employés dai la localité 55.

Lorsque les parties ne sont pas d'accord sur la valei de la mitoyenneté, elle doit être tixée par experts ; et 1< frais de l'expertise amiable, dont les résultats ont été ai ceptés par les deux parties, restent à la charge de celle qi veut acquérir la mitoyenneté. Que si le propriétaire cl mur, interpellé de nommer un expert, refusait de le fair< ou que les experts nommés ne s'entendissent pas, les fra de la contestation et de l'expertise judiciaire qu'elle néce

tence d'une clôture mitoyenne construite en planches ne priverait ni l't ni l'autre des voisins du droit de construire, sur la limite extrême de si fonds, un mur destine à devenir sa propriété exclusive ; et celui <| voudrait user de cette faculté, pourrait demander à cet effet la suppn sion de la clôture en planches. Req., 1er février 18(i0, S., 60, I, 9' Mais la faible épaisseur à un mur n'empêche pas qu'on ne puisse aeqi rir la mitoyenneté: Caen, 111 janvier 1877, S., 77, 2, 16§.

M Du Caurroy, Bonnier et Koustain, II, i\)i. Déniante, Cours, II, .'> bis, III. Demolombe, XI, 362. Voy. en sens contraire : Delvineourt, I, 398. Marcadé, sur l'art. 661, no -2. Cpr. aussi : Paris, 18 février 18.' Pal., 18.ii. I, 139.

:iV Duranton, V, 32t. Pardessus, op. cil,, I, 156. Demolombe, XI, 3f Laurent, \ II, 512. Mais il peut demander une réduction à raison la surcharge que la partie supérieure, et non mitoyenne du mur. imp< à la partie rendue mitoyenne. Demolombe, XI, 364. Frémy-Lignevilld Pcrriquet, II, 557. Montpellier. 8 mars 1876, S., 77, il, 177.

'■''■• Marcadé, sur l'art. 661, n" °2. Déniante, Cours, II, 315 bis, II. Dell lombe, XI, 365. Aix, ii novembre 1866,S.,6 7, 2, 264. Paris. 13 mai 18" I)., 7(1, 2, 8.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 222. 013

siterait, tomberait à la charge, soit du propriétaire du mur, soit du voisin qui veut en acquérir la mitoyenneté, suivant que les offres faites par ce dernier seraient ou non recon- nues suffisantes yfi.

La faculté d'acquérir la mitoyenneté est imprescriptible, comme tout autre faculté légale. Arg. art. 2232. Elle est en outre absolue, en ce sens qu'on est admis à l'exercer, sans être tenu de justifier d'aucun intérêt de nécessité ou d'uti- lité S7, et sans que le voisin puisse se refuser à la cession de la mitoyenneté, par le motif qu'elle aurait pour résultat de gêner ou de rendre impossible l'usage auquel il a jus- qu'alors fait servir le mur *8. 11 y a mieux : celui qui a fait l'abandon de la mitoyenneté, pour se dispenser de contri- buer à la réparation ou reconstruction du mur, est toujours en droit de la racheter 59.

La faculté d'acquérir la mitoyenneté ne présentant au- cun caractère d'ordre public, il est permis d'y renoncer ; et le voisin qui a constitué sur son fonds une servitude in-

:

36 Pardessus, I, 158. Demolombe, XI, 366. Limoges, Û avril 18:20, S., 22, 2, 232. Riom, 11 juillet 1838, S., 39, 2, 417. Gpr. aussi : Zachariœ, § 239, note 17. Voy. cep. Toullier, III, 195. Favard, Rêp., Servitude, sect. II, 54. Duranton, V, 328. Laurent, VII, 513. Suivant ces der- niers auteurs, les frais de la contestation et de l'expertise judiciaire à laquelle elle a donné lieu, devraient rester à la charge du propriétaire du mur, si les offres du voisin qui veut en acquérir la mitoyenneté avaient été reconnues suffisantes, bien que ce dernier n'eût pas au préalable provoqué une expertise amiable. Cpr. Montpellier. 8 mars 1876, S., 77, 2, 177.

37 Merlin, Rép., Vue, § 3, 8. Duranton, V, 325. Pardessus, op. cit., I, 155. Du Caurroy, Bonnier et Roustain, II, 292. Marcadé, Revue critique, 1851, I, p. 70. Demolombe, XI, 359. Zacharia>, § 239, texte et note 19. Laurent, VII, 505. Giv. rej., 1er décembre 1813, S., 14, 1, 95. Paris, 18 juin 1836, S., 36, 2, 403. Toulouse, 8 février 1844, S., 44, 2, 291 . Giv. cass., 3 juin 1850, S., 50, 1, 585. Bordeaux, 31 mai 1882, D., 86, 1, 79.

38 Ainsi, le propriétaire du mur ne peut refuser d'en céder la mi- toyenneté, par la raison qu'il s'y trouve des jours, dont la suppression pourrait être demandée après l'acquisition de la mitoyenneté. Demolombe, XI, 360. Zacharia', § 239, texte et note 20. Laurent, VII, 317 et s. Giv. cass., 6 mai 1873, S., 73, 1, 327.

39 Toullier, III, 221. Duranton, V, 322. Demolombe, XI, 357. Zacharise, §239, note 19.

614 DES DROITS RÉELS

compatible avec F exercice de cette faculté, est par ce même à considérer comme y ayant renoncé co.

L'acquisition de la mitoyenneté a pour effet de plac les deux voisins sur un pied de parfaite égalité, et donr par conséquent à l'acquéreur, la faculté de demander suppression des ouvrages ou des ouvertures qui, établis < pratiqués dans le mur devenu mitoyen, seraient incomp tibles avec les droits que confère la mitoyenneté cl, à moii que l'ancien propriétaire exclusif de ce mur ne soit fonc à en réclamer le maintien, à titre de servitude acquise si l'héritage voisin.

C'est ainsi que le voisin, qui s'est rendu acquéreur de | mitoyenneté d'un mur, peut demander la suppression d< jours de tolérance pratiqués dans ce mur M ; et ce, dans

60 Demolombe, XI, 360, 36i. Laurent, Vil, 506, 549. Orléans, 1er d cembrie 1848, S., i9, 2, 593. Caen.81 janvier 1877, S.. 77, 2, 46o. Cl Civ. Càsà., 19 février 1848, S., 48, 1, ÙO.

61 Cette proposition se justifie par la eonsidération, que le maintj des ouvrages et des ouvertures que le propriétaire exclusif d'un mur établit, ou y pratique, même dans la limite de son droit, n'en reste p moins subordonné à l'exercice possible, par le voisin, de la tactil d'acquérir la mitoyenneté de ce mur. Demolombe, XI, 369 à 372. Ci rej., I01' juillet 1861, S., 62, I, 81. et la note. Yoy. en sens contraire. < ce qui concerne spécialement des cheminées établies dans l'épaisseur ( mur, avant l'acquisition de la mitoyenneté : Pardessus, op. cit.,\, 17 Laurent, VII, 472. Prémy-Lignevîlle et l'erriquet, op. cit., II. 56 Pokiers, 28 décembre1844',*S., 42, 2,484. Bourges, 49 février I872, H 72, il, 222. Civ. eass. (Belgique) 18 octobre 188:',. S.. 86, 4, 43. Gp aussi : Ueq., 7 janvier 1845, S., 45, I, 209. Laurent, VIL 545, M Toutefois l'interdiction d'acquérir la mitoyenneté doit, être restreinte h portion qu'il est nécessaire de laisser libre pour que la servitude co liniic d'exister. Civ. eass., 5 décembre 1838, S., 39, I, 83. Bordeaux, i janvier 4850, S;, 50, 2, 2K2.

« Merlin, Rèp., v«> Vue, § 3, 8. Delvincourt, L p. 397 el 10

Dur an ton, V, 325. Pardessus, op. cit., I, 211. Solon, op. rit., n" I i Démaille. Cours, II, 545 bis, IV. Marcadé, sur les art. (!7:i à (i7 Duvergier SUr Touiller, III. .">27, note (t. Demolombe. M, 370. Laureti

VII, 549 et suiv. Frémy-LigneVille et Perriquet, 11, 568. Toulouse, ; décembre 1832, S.. 33, 2, 632. Paris, 48 juin 1838, S., 36, 2, 10

Toulouse, H lévrier 1844, S.. 44, 2, 291. Civ. eass., 2 juin 1850, S., 51

DE LA PROPRIETE, g 222. 615

cas même ils existeraient depuis plus de trente ans ,!3. C'est ainsi encore qu'il est autorisé à réclamer la suppres- sion d'une gouttière, qui, établie sur le couronnement du mur, formerait obstacle à son exhaussement 6\

Mais le voisin qui a acquis la mitoyenneté ne peut, en se prévalant des droits quelle confère, porter atteinte aux servitudes dont son héritage se trouve grevé 63. Il n'est pas admis notamment à réclamer la suppression des vues pra- tiquées, depuis plus de trente ans, dans le mur devenu mitoven. Il lui est même interdit de les obstruer en bâ- tissant contre ce mur; et il doit rester, pour les construc- tions qu'il voudrait établir, à la distance légale de dix-neuf

1, 585. Giv. cass., 7 mai 1873, S., 73, 1, 327. Tribunal de Castel- ûaudary, 10 juin 1873, S., 73, 2, 184. Sauf le cas l'acte de vente de la mitoyenneté stipulerait le maintien des jours existant. Voir la jurisprudence sus-mentionnée. Vov- en sens contraire : Toullier, III, 527.

63 La prescription trentenaire est inefficace pour écarter l'action tendant à la suppression des jours, parce que, d'une part, cette suppression ne pouvait être demandée avant l'acquisition de la mitoyenneté, et que, d'autre part, la faculté d'acquérir la mitoyenneté est imprescriptible. Art. 2232. Duranton, (oc. cit. Demolombe, XI, 374. Req., 30 mai 1838, S., 38, 1, 818. C'est par inadvertance, sans doute, que Marcadé (sur l'art. 661, no 1) et MM. Du Gaurroy, Bonnier et Roustain (II, 292, -I) émettent sur ce point une opinion contraire, en appliquant à de simples jours de tolérance, ce qui ne doit être admis que pour des servitudes de vues. Quant à la question de savoir si des ouvertures pratiquées en dehors des conditions exigées par les art. 676 et 677, sont à considérer comme de simples jours de tolérance, sujets à suppression après l'acquisition de la mitoyenneté, ou comme constituant de véritables servitudes de vue, auxquelles cette acquisition ne peut porter aucune atteinte, lorsqu'elles existent depuis trente années, voy. § 196, texte, lett. a, et notes 18 à 20. Cpr. aussi : Angers, 20 août 1818, S., 19, 2, 277. Grenoble, 3 décembre 1830, S., 31, 2, 91. Bourges, 6 mars 1847, S., 47, 2, 523. Bordeaux, 18 janvier 1850, S., 50, 2, 282. Req., 25 janvier 1869, S., 69, 1, 156, et la note.

64 Giv. rej., 1er juillet 1 86 i , S., 62, 1. 81. Rennes. -1er mai 1874, S., 74, 2, 172.

63 Zachariœ, § 239, note 20. Giv. rej., 23 juillet 1850, S., 51, 1, 782. Req., 15 juillet 1875. S., 75, 1, 407. Req., 13 janvier 1879. S., 79, 1, 264. Req., 13 juin 1888, S.. 88, 1, 413.

6\l) DES DROITS RÉELS

ou de six décimètres 0G de la ligne qui passe parle miliei de son épaisseur07.

b. Des mitres clôtures mitoyennes.

Toute clôture qui sépare deux héritages est réputée mi- toyenne °'7 bis, « Toute clôture » porte le nouvel article 666 élargissant ainsi les dispositions de l'ancienne loi qui avai en vue seulement les fossés et les haies. Ainsi les proprié taires peuvent établir d'autres clôtures, par exemple, de! palissades, des treillages ou des haies sèches, qui son toutes réputées mitoyennes. Mais la présomption cesse s l'un des héritages seul est en état de clôture 67 fer, ou s'i y a titre, prescription, ou marque contraire ,î7 quater.

Gc Duranton, V, 326. Déniante, Cours, SIS bis> IV. Demolombe, XI, 374 Bordeaux, 10 mai 1822, S., 22. % 266. Req., 19 janvier 182S, S., 25, 2 309. Montpellier. 28 décembre 1825, S., 26, 2, 230. Bordeaux, 8 ma 1828, S.. 28. 2, 283. Paris, 3 juin 1836, S., 36, 2, 401. Req., 21 juille 1836. S.. 36, 1, S29. Bordeaux, 27 juin 1845, S., 46, 2, 406.

G" Cpr. § 196, texte, lett. b, et note 24.

07 bis. La loi du 20 août 1881, qui fait partie du Code rural, modifie le articles (M). 667, 668, 669 et 670, C. C. Voir sur les nouvelles disposition: introduites, Mayjurou-Lagorsse, Le code rural, Paris 1883, broch. Di Groos, Code rural, eh. 9 et 10, I, p. 90 et suiv.

07 ter. Il en est ainsi par le motif que l'on doit considérer comme pro priétaire exclusif de la clôture celui qui a eu la précaution de clore soi héritage. C'est la règle que nous avons établie quant au mur mitoyei servant de séparation entre les champs. Yoy.suprà texte et note 8. Mais II présomption de mitoyenneté existe, alors môme que les divers héritage seraient clos selon des modes différents.

c" quitter. Il résulte de la discussion devant les Chambres que la lo de 1881 vise la prescription de 30 ans, et l'usucapion par 10 et 20 ans Quant aux marques contraires, le nouvel article 666 étend à tout espèce quelconque de clôture la présomption que l'ancien article (\()( établissait pour les fossés. Quant aux haies, l'art. 070 ancien ne inen tionnait que le titre, ou la possession an contraire. V. Rapport de M. Léoj Clément au Sénat, Duvergier, Coll. des Lois, 1881, p. 36S, note. Il es difficile de déterminer en règle générale, ce qu'il faut entendre i»;i signe contraire pour les haies sèches, et pour les treillages et palissades c'est une question d'espèce que le juge appréciera d'après les circons

tances. (Test ainsi que pour les haies sèches, au moyen de l'aspect de h clôture, et de l'essence du bois ; » pour les palissades, la place de>

DE LA PROPRIÉTÉ. § 222. 617

r

La clôture mitoyenne, quelle quelle soit, doit être en- tretenue à frais communs : c'est l'extension à toute espèce de clôture de la régie établie pour le fossé par l'ancien ar- ticle 669 " quinque : toutefois le voisin peut, sauf l'exception établie pour les fossés servant habituellement à l'écoule- ment des eaux, se soustraire à cette obligation en renon- çant à la mitoyenneté. Art. 667.

Enfin, le voisin dont l'héritage joint une haie ou un fossé non-mitoyens ne peut contraindre le propriétaire de cette haie ou de ce fossé à lui céder la mitoyenneté. Art. 668. Les motifs particuliers qui existent relativement à la mi- toyenneté des murs ne se rencontrent pas ici CT sexto.

Du fossé mitoyen. Tout fossé qui sépare deux héri- tages, est présumé mitoyen 68. Art. 666. Il en est ainsi, alors même que l'un de ces héritages se trouve en état com- plet de clôture, et que l'autre n'est clos que du côté existe le fossé r>\

Cette présomption cède à la preuve contraire résultant,

}

poteaux de soutènement que le propriétaire plante toujours de son côté, la direction des attaches en osier ou en fil de fer qui sont tordus à l'intérieur de la propriété close, bien d'autres signes encore peuvent avoir une signification très certaine ». Rapport de M. Leroy. S., Lois, 1882, p. 27.") et 276, note 7. Rapport de M. L. Clément, Duvergier, loc. cit. Cpr. Lagorssc, p. 52. Si la loi nouvelle n'a pas mentionné les bornes, c'est par ce motif, développé devant le Sénat et devant la Chambre des députés, que l'existence de bornes suppose un partage décisif et un règlement définitif entre les propriété. S., loc. cit. Mais les nouvelles dispositions ne s'appliquent pas au mur mitoyen. Rapport au Sénat, Duvergier, loc. cit., p. 366.

67 quinquies. Rapport de M. Leroy à la Chambre des députés, S., loc. cit., p. 276, note 1.

67 sexto. Même rapport, S., loc. cit., note 2.

08 S'il existait des bornes sur l'un des côtés du fossé, il ne pourrait être considéré comme séparant deux héritages, et il ne saurait y avoir lieu à l'application de la présomption établie par l'art. 666. Duranton, V, 349. Pardessus, op. cit., I, 183. Demolombe, XI, ij3. Rcq., 20 mars 1828, D., 28, 1,186.

09 Demolombe. XI, 4SI. Vov. cep Limoges, 1er août 1839, D., 41, 2. 21.

618 DES DROITS REELS

soit d'un titre 69 &i«, soit de la marque de non-mitoyennet indiquée par l'ait. ()()(>70,soit de la possession exclusive d fossé pendant trente aimées 71, soit enfin de Fusucapion pj 10 et 20 ans.

La marque de non-mitoyenneté attachée au rejetdes tei res d'un côté seulement du fossé, n'a plus aucune valeu: lorsqu'elle est contredite par un titre ou par des borne constatant la mitoyenneté du fossé 72.

Le fossé mitoyen doit être entretenu à frais commua Art. 667. Mais chacun des voisins est, en général, admis se dégager de cette obligation d'entretien, en abandonnai son droit de mitoyenneté 73.

Cette faculté d'abandon ne s'applique pas aux fossés soi

69 bis Ce titre doit être commun aux deux parties. Cpr. note 1(3. Vo en sens contraire : Bordeaux, 13 juillet 1886, D., 88, 2, 80.

70 Nouvel article 666. Lorsque la terre provenant du creusement ( fossé se trouve rejetée d'un côté seulement, le fossé est censé apparten exclusivement à celui des voisins du côté duquel se trouve le rejet. Cp Req., 16 mars 1831, S.,35, 1, 207. Req., 22 juillet 1861 , S., 61, 1,823. Cette marque de non-mitoyenneté est la seule qui doive être admise. Cp texteet note 18 suprà. Duranlon, Y. .'loi et 355. Pardessus, op. cit., 183. Daviel, Des cours (Veau, 11. p. 850. Zachariae, § 239, note 22. Yo cep. Demolombe, XI, io8.

71 Pardessus, op. cit., \, 183. Duranlon, V, <'i.Y2. Duvergier sur Toullie III. 220. note c. Demolombe, XI, 457. Zachariae, § 239, texte et noie -2 Larombière, Oblig., V, art. 1315, 15. Gpr. sur les caractères de possession requise en pareil cas : Duranton, Y, 358. Angers, (i ma I8:5.vi, S., 35, 2. 344. Caen, 5 novembre 1859, S., 60, 2, 20\. \ possession exclusive d'un fossé pendant an et jour, même reconnue i possessoire, ne suffit pas pour faire disparaître la présomption légale < mitoyenneté. Cpr. texte et note 2\ suprà. Déniante, Cours, II, 521 bi Demolombe. XI. 456. Bourges, 2{\ mai 1825, S.. 26, 2, 108. Douai, février I8:;(i, et Poitiers, 2'.\ juin 1836, S., 37, 2, I M). Yoy. en sens ce traire : Duranlon, Y. :{.'>(>. Du Gaurroy, Bonnior el Roustain, II, 30 Garnier, Dus actions possessoircs, p. 21\).

'•- Duranton, Y, 351. Daviel, Des cours d'eau. II. 851. Marcadé sur 1 art. (»(i'i à ()()'.). Demolombe, XI, i."»'.).

73 Duranton, V, 360. Pardessus, op. cit., I. 184. Duvergier sur Toullij III, ±21. note a. Solou. op. ni., h" 192. Demolombe, M, 161. Zacharw £ 239, texte el noie 23, Voy. en sens contraire : Du Caurroy, Bonnier Roustain, II, :!<>:!.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 222. 619

mis à l'action de la police administrative 7\ Elle ne peut, en aucun cas, être exercée par celui des voisins auquel le fossé sert pour l'écoulement de ses eaux pluviales ou mé- nagères 7:i. Art. 6G7.

Du reste, aucun des voisins n'est admis à demander le comblement du fossé et le partage du terrain sur lequel il se trouve établi 7t5. Toutefois, dans le cas le fossé mi- toyenne sert qu'à la clôture, le copropriétaire peut le dé- tuire jusqu'à la limite de sa propriété à charge de cons- truire un mur sur cette limite. Art. 668.

De la hdie mitoyenne. Toute baie, vive ou sèche 77, servant de séparation entre deux héritages 78, est présumée mitoyenne, lorsque les héritages sont tous deux en état de clôture 7il, ou qu'ils ne sont clos ni l'un ni l'autre 80. Art. 670.

Cette présomption peut être combattue, soit par un titre

14 Gpr. Loi du 14 floréal an XI. Pardessus, op. cit., I, 182 et 184. Deniolombe, loc. cit.

7;> Arg. art. 636. Gpr. Durantori, Demolombe, et Zacharia>, locc. citt.

70 La mitoyenneté d'un fossé constitue, aussi bien que celle d'un mur, une indivision forcée, qu'on ne peut faire cesser que par l'abandon de son droit de mitoyenneté. Pardessus, op. cit., I, 18."). Duvergier. suc Toullier, III, 227, note a. Déniante, Cours, II, 523 Ins. Demolombe, XI, 163. Angers, ler juin 4836, S., 36, 2, 386. Voy. en sens contraire: Duranton, V, 361. David, op. cit., II, 857. Zachariœ, § 239, note 23.

77 Les termes généraux dans lesquels est conçu le nouvel article 666 et la discussion de la loi devant les Chambres ont supprimé l'ancienne controverse sur la question de savoir si les haies sèches pouvaient cons- tituer des clôtures mitoyennes. L'affirmative est aujourd'hui certaine. Cpr. Rapport de M. Leroy à la Chambre des Députés. S., Lois, 188-2, ]). 275, note 7.

78 Req., 15 juillet 1875, S., 75, 1, 419. Req., 10 avril 1883, S., 83, I. 256. S'il existait des bornes au-delà de la haie, il n'y aurait pas lieu à l'application de la présomption de mitoyenneté établie par l'art. (ifi(>, puisque la haie ne serait plus séparative.

79 Pour vérifier l'existence de cette condition, il ne faut pas s'arrêter exclusivement à l'état actuel des lieux, mais se reporter à leur disposition primitive. Cpr. texte et note 11 à 13 suprà. Deniolombe, XI, 471. Caen. ter juii]{>t 1857, S., 59, 2, 496. Req., 12 mars 1872, S., 72, 1, 63.

80 C'est en ce sens que doivent être entendues les expressions de l'art. ()()(>. « à moi?is qu'il ny ait qu'un seul des héritages en état de clôture ». j)emolombe, XI, i 71. Duranton, Y. 368.

620 DES DROITS RÉELS.

contraire, soit par la preuve d'une possession exclusive de la haie pendant trente ans ou par celle de lusucapion pen- dant 10 ou 20 ans. Art. 666. La simple possession an- nale, même reconnue au possessoire, serait insuffisante à cet effet81.

L'entretien de la haie est à la charge commune des co- propriétaires, qui, d'un autre côté, sont également appelés à en partager les produits 82. Art. 667 et 669.

81 L'art. 670, en disant que toute haie qui sépare des héritages, est réputée mitoyenne, s'il n'ij a titre ou possession suffisante au contraire , et en plaçant ainsi sur la même ligne la possession et le titre, n'j évidemment voulu parler que d'une possession équivalente à titre, c'est- à-dire d'une possession trentenaire, qui seule est suffisante pour écartei la présomption de mitoyenneté. Gpr. texte et notes 21 et 71 suprà. Del vincourt, I, p. 557. Duvergier sur Toullier, III, 229, note a. Marcadé, sui l'art. 670, 3. Déniante, Cours, II, 524 6&. Demolombe, XI, 475. ZacharisBj § 239, texte et note 26. Larombière, Oblig., Y, art. 1315, no 15. Baudry- Lacantinerie, I. 1301. Angers, 7 juillet 1830, S., 31, 2, 104. Bourges, 31 mars 1832, S., 32, 2, 496. Civ. cass., 13 décembre 1836, S., 37, 1, 213 Bourges, 31 mai 1837, S.. 37, 2, 265, Req., 17 janvier 1838, S., 38,1 123. Mais il ne s'agit que d'une présomption cédant à la preuve contraire Req.. 12 mars 1872, S., 72, l. 63. Civ. rej . . 24 janvier 1882, S., 82, 1 376. Cpr. Req., 8 vendémiaire an XIV, S., 6, 1, 75. Cet arrêt, qui s< borne à décider que la complainte est admissible pour trouble apporté? la possession exclusive d'une haie, n'est point en opposition avec notre manière de voir. Voy. en sens contraire : Toullier, III, 229. Dur an ton, Y, 370. Du Caurroy, Bonnier et Roustain, II, 305. Bordeaux, 5 mai 1858, S., 58. 2, 490. Req., 2 février 1876, S., 78, I, 21. Quant à l'usucapioi par 10 ou 20 ans. il nous parait résulter de la discussion de la loi (pie !< législateur de 1881 a entendu la comprendre dans ses prévisions. Suprd note 07 quater. H est d'ailleurs à remarquer que le texte de l'anciei article 670, relatif aux présomptions de non-mitoyenneté pour les haies i élé modifié par les dispositions beaucoup plus larges du nouvel article 060. Quant aux haies, le Code n'écartait la présomption de mitoyenne!* <pie si l'un des héritages était en état de clôture, ou bien, s'il y avait titn ou possession au contraire. La loi de 1881 assimile les haies à toutes le clôtures qui sont réputées mitoyennes, à moins qu'un seul des héritage soit eu état de clôture, ou qu'il y ail, titre, prescription, ou marque cou traire. Cette modification nous parait lever' toute incertitude, et d'ailleui la prescription par 10 et 20 ans était admise par plusieurs auteurs anlé rieurs ;i la loi de 1881. Demolombe. M, 349 et suiv., 475.

*! Demolombe, XI, 477. Zachariœ, §239, texte cl noie 27.

DE LA PROPRIÉTÉ, g 22^. 621

Chacun des voisins est autorisé à se décharger des frais d'entretien, en abandonnant son droit de mitoyenneté 83. Mais aucun d'eux ne pourrait exiger la suppression de la haie et le partage du terrain quelle occupe8*. Toutefois, le propriétaire d'une haie mitoyenne peut la détruire jusqu'à la limite de sa propriété, à charge de construire un mur sur cette limite. Art. 668.

Les arbres plantés dans la haie mitoyenne sont présumés mitoyens, comme la haie elle-même, et sous les mêmes restrictions *\ Les produits ou émoluments s'en partagent par égales portions entre les copropriétaires ; les fruits sont recueillis à frais communs, et partagés aussi par moitié, soit qu'ils tombent naturellement, soit que la chute en ait été provoqué, soit qu'ils aient été cueillis. Il en est ainsi alors même que le tronc de ces arbres ne se trouverait pas précisément placé au milieu de la haie, et que leurs bran- ches inclineraient d'un côté plus que de l'autre 8,i. Mais cha- cun des voisins peut toujours exiger que ces arbres mi- toyens soient abattus, et réclamer la moitié du bois en pro- venant. Art. 670.

Du reste, la disposition de l'art. 661, relative à la cession forcée de la mitoyenneté des murs séparatifs, ne peut être étendue, ni aux fossés, ni aux haies 8T. Art. 668.

83 Arg. art. (îo6. Pardessus, op. cit., I, 187. Dcmolombc, XIX, 478.

8i Duranton, Y, 381. Pardessus, op. et loc. citt. Demolombe, XI, 479. Voy. cep. Req., 22 avril 18-29, S., 29, 1, 334.

8S C'est-à-dire, à moins que le contraire ne résulte d'une preuve littérale, ou d'une possession exclusive pendant trente années. Gpr. Duvergier sur Toullier, III, 233, note 1. Solon, op. cit., no 20i. Demolombe, XI, 482. Zachariap, § 239, texte et note 28.

80 Pardessus, op. cit., I, 189. Duvergier sur Toullier, toc. cit. Marcadé, sur l'art. 673. Taulier, II, p. 406. Demolombe, XI, 483. Zachariae, § 239, texte et note 29. Voy. en sens contraire : Duranton, V, 376 et 379.

87 Duranton, V, 363 et 38o. Taulier, II, p. 398. Solon, op. cit., 206. Demolombe, XI, 430 et 468. Zachariae, § 239, note 27.

622 DES DROITS REELS.

B. De la propriété restreinte à certaines parties matérielle]

vient déterminées d'un immeuble corporel.

S 223.

Les cas divers de propriété partielle ou restreinte, qui feront l'objet du présent paragraphe, forment tous des exceptions à la règle, consacrée par l'art- oo2, que la propriété du sol emporte celle du dessus et du dessous.

\°De lapropriété de constructions établies sous le sol d'autrui. et de la propriété restreinte à certaines parties d'un bu li- ment.

Aux termes de l'art. 553, on peut acquérir par prescrip- tion, et à plus forte raison par convention ou par disposi- tion, la propriété dune cave, ou de toute autre construction établie sous le sol d'autrui.

Il résulte également du môme article, que le propriétaire d'une maison peut, soit en étendant ses constructions sui le bâtiment du voisin, soit en isolant de ce bâtiment de: pièces qui en faisaient partie et en les réunissant à sa maison, acquérir, par les mêmes moyens, la propriété df ces constructions ou de ces pièces \

La propriété dune cave établie sous le sol d'autrui n'emporte pas la propriété du tréfonds situé au-dessous d< cette cave, et n'autorise pas celui auquel elle appartient, à la creuser plus profondément, à moins que ce droit ne résulte pour lui d'une convention ou disposition.

Au contraire, la propriété de constructions élevées siu le bâtiment d'autrui emporte la propriété de L'espace aériei qui se trouve au-dessus de ces constructions, et donne ainsi a celui qyj en est propriétaire, la faculté de les exhausser,

1 [1 ne faut pus confondre cette hypothèse avec celle d'une maison

divisée par étages entre divers propriétaires, que nous avons examiné(

au § 224 ter. Elle en diffère essentiellement, en ce qu'elle ne suppose pas.

comme cette dernière, l'existence d'une communauté relative au sol, aui

murs, dan toit. Cpr. Civ. cass., 30 novembre \h:>:>, S., 54, 1, <>7!>.

DE LA PROPRIETE. § 223. 623

lorsque, d'ailleurs, elle ne lui est pas interdite par le titre en vertu duquel il les a établies, et que l'exhaussement n'est pas de nature à causer dommage au bâtiment inférieur 2.

Si l'on peut acquérir par prescription la propriété de constructions établies sous le sol d'autrui, il n'en résulte pas qu'on puisse, indépendamment de toute inédification ou incorporation, acquérir par ce moyen le tréfonds comme tel. C'est ainsi que l'exploitation souterraine d'une carrière, quelque laps de temps qu'elle ait duré, n'en confère pas la propriété au tiers qui Fa exploitée 3.

Du reste, on peut, à l'aide cVinédification ou d'incorpora- tion, acquérir, non-seulement la propriété exclusive, mais encore la copropriété, soit d'ouvrages établis sous le sol d'un voisin, par exemple de fosses d'aisance *, soit de certaines parties de son bâtiment ou de son fonds lj.

Du droit de superficie y bis

Le droit de superficie est un droit de propriété portant

2 II n'y a aucune contradiction entre cette proposition et la précédente. La construction d'une cave sous le sol d'autrui, n'enlève pas au pro- priétaire du sol la possibilité de faire usage du tréfonds, dont il con- serve la propriété en vertu de la règle posée par le premier alinéa de l'art. 532, règle qui ne se trouve écartée que pour l'emplacement occupé par la cave ; tandis que l'espace aérien qui se trouve au-dessus de constructions établies sur le bâtiment d'autrui, est enlevé d'une manière absolue à l'usage et à la disposition du propriétaire de ce bâtiment. Dans ce dernier cas, la position du constructeur se rapproche de celle du propriétaire superticiaire, avec cette différence cependant que, ses constructions ne reposant pas directement sur le sol, il ne peut rien faire de nature à nuire au bâtiment qui leur sert d'appui.

3 Frémy-Ligneville et Perriquet, op. cit., I, 61, 2. Cpr. Civ. rej., le février 1832, S., 32, 1, 463. Vov. en sens contraire, Montpellier, 4 juillet 1867, S., 70, 4,213.

* Req., 22 octobre 1811, S., 11, 1, 369;

3 Golmar, 23 février 1840, Journal de la Cou?" de Colmar, 1840, p. 54.

5 bis Bibliographie. Histoire des contrats de locatio?i perpétuelle ou à longue durée, par Joseph Lefort ; Paris 1873, 1 vol. in-8o. Histoire des locations perpétuelles et des baux à longue durée, par Garsonnet ; Paris 1878, 1 vol. in-8o.

u D'après la législation romaine, qui n'avait pas apporté au principe

624 DES DROITS RÉELS.

sur les constructions, arbres, ou plantes, adhérant à 1 surface d'un fond {édifices et super fiées), dont le dessou (tréfonds) appartient à un autre propriétaire 7.

Le droit de superficie est intégral ou partiel, suivan qu'il s'applique à tous les objets qui se trouvent à 1 surface du sol, ou qu'il est restreint à quelques-uns d'entr eux, par exemple, soit aux constructions, soit aux plante et aux arbres, ou même seulement à certains arbres 8.

Le droit de superficie constitue une véritable propriét corporelle, immobilière 9. Il en résulte qu'à l'instar d droit de propriété, et à la différence des servitudes, il n se perd pas par le non usage 10.

Le droit de superficie est de sa nature perpétuel, comm

de l'accession, une exception semblable à celle qu'admet Fart. 553, 1 droit de superficie ne constituait pas un droit de propriété, mais u simple droit réel sur la chose d'autrui. L. 10, D. fam.ercisc. (10,4). L. §§ 4 et (>, I). de superf. (43, 18). Quant à la doctrine du droit Romaii Cpr. Doncau, Commentai' il de Jure civili, lib. IX, chap. 16 et 17. Accî rias, Précis de Droit romain. I, 483. C'est à tort que Ton a voulu cons dérer le droit de superficie comme constituant une servitude réelle, et e effet, il n'y a point de fonds dominant. Cpr. Laurent, VIII, 409 et suiv mais il tant remarquer que cet auteur se place spécialement au poir de vue de la législation de la Belgique. Quant aux différences qi séparent les droits de superficie et d'usufruit, Proudhon, De Vusufrv I, 117 ; VIII, 3734 et suiv. Laurent, VIII, ili.

7 Cpr. Demolombe, XI, 483 ter el quater. Flandin, De la transcription I, 362 à 365. Don eau, op. cit., C. 16, n»8 4 et suiv. Lefort, op. cit., \ 333. Cpr. Duranton, IV, n°s 7o et suiv. Laurent, VIII, 414 et suiv.

8 Cpr. Loi des 26 juillet-45 août 1790. Loi des 13-20 avril 1794, tit. 1 art. 14 et 13. Loi des 7 juin-6 août 1791, art. 7 et 8. Loi du 9 ventôse a XIII ; Loi du 25 mars 184.v>. Voy. spécialement en ce qui concerne le arbres placés sur les grandes routes, Aucoe, Conférences, III, 1403, § I8.1 texte I, notes 14 et 15. Cpr. Giv. cass., 18 mai I8.v>8, S., .x>8, I. 664 Besançon, 14 décembre 1864, S., 65, 2, 197.

!) .Merlin, Quest., Hiens nationaux, § 1. Troplong, Du louage, I, M Demolombe, IX, 483 quater. Lefort, p. 333. Gar sonnet, p. 550. Cpl Proudhon, De l'usufruit, VIII, 3749. Zachariœ, § 198, note Ire et § 234

noir I"'.

10 Besançon, 14 décembre 1864, S., (m, 4, 197 et la note. D., (m, : I, et les Obsercaltou.s de Meaume. Req., ."> novembre 18(>(>, S., 66, 1 i'tl D., 67, I, 32.

DE LA PROPRIÉTÉ. $ 223. (526

tout autre droit de propriété ; ce qui n'empêche pas qu'il ne puisse être concédé d'une manière révocable, ou pour un temps seulement ".

Il peut s'établir par convention ou disposition H &&, et le cas échéant, quoique plus rarement, par prescription. C'est ainsi qu'on peut acquérir, par la possession tren- tenaire, la propriété d'arbres plantés sur le terrain d'autrui ou sur un chemin public 12.

Le propriétaire du tréfonds conserve la jouissance de tous les droits et l'exercice de toutes les facultés qui appartiennent au propriétaire d'un fonds, comme maître du dessous, à charge cependant de ne causer aucun dommage aux édifices et superfices. Il a droit à la moitié du trésor que la loi attribue au propriétaire du fonds dans lequel il a été découvert, ainsi qu'à la redevance due par le concessionnaire d'une mine existant dans son fonds, peu importe que la mine fut ou non déjà en exploitation, lors de la constitution du droit de superficie 13. Il est autorisé

11 Civ. cass., 18 novembre 1835, S., 33, I, 007. Req., 10 avril 1867, S., 67, \, 377. Voy. aussi : Civ. cass., 18 novembre 1835, S., 35, 1, 907.

11 bis. Il se constitue souvent par bail. Doneau, IX,chap. 16, nos ]() et suiv. Laurent. Mil, 415-417.

12 Laurent, VIII, 418. Civ. cass., 18 mai 1858, S., .vi8, 1, 661. Req., 23 dé- cembre 1861, S., 62, 1, 181. Douai, 28 novembre 1865, S., 66, 2, 188. Cpr. |185, texte 1, notes 14 et 15 et note 8 suprà. Le droit du superficiaire se transmet à ses héritiers. Proudhon, De l'usufruit, VIII, 3728. Toute trans- mission, toute mutation du droit de superficie est frappée du même droit que la transmission de la propriété. Championnière et Rigaud, Droit d'enregis- trement, IV, 3469. Il s'éteint par la perte de la chose, la ruine par exemple; de la maison sur laquelle porte le droit, à moins que la maison détruite ne fasse partie d'un domaine sur toute l'étendue duquel reposerait le droit de superficie.

13 Voy. cep. Proudhon, De l'usufruit, VIII, 3732. Cet auteur parait admettre, par application de l'art. 598, et à raison de l'analogie qui existerait, selon lui, entre la position du superficiaire et celle de l'usufrui- tier, que la redevance due par le concessionnaire de la mine doit revenir au superficiaire, lorsque la mine était déjà en exploitation au moment de la constitution du droit de superficie. Mais l'assimilation qu'il prétend établir n'est aucunement exacte, et nous ne voyons pas à quel titre le superficiaire, dont le droit s'arrête à la surface, pourrait réclamer un émolument attaché à la propriété du tréfonds.

h 40

626 DES DROITS RÉELS.

à exploiter souterrainement les tourbières et carrières q se trouvent dans le fonds, pourvu que cette exploitation j nuise pas à la superficie.

Lorsque le droit de superficie est intégral, le propriétai superficiaire jouit de tous les droits, et peut exercer tout les facultés qui appartiennent au propriétaire d'un fou sur le dessus de ce fonds 13 bis, H peut donc en chang la culture ou le mode d'exploitation, construire de nouveal bâtiments, et même démolir ceux qui existaient lors de constitution du droit de superficie, à moins cependant qi ce droit n'ait été établi que d'une manière révocable u.

Si le droit de superficie n'est que partiel, le propriétai superficiaire n'eu jouit pas moins, en ce qui concerne 1 objets sur lesquels il porte, de toutes les facultés inhérent à la propriété.

Le concours d'un droit de superficie avec la proprié du tréfonds ne constituant pas un état d'indivision, auci des intéressés n'est admis à provoquer le partage ou licitation de L'immeuble sur lequel portent ces deux droi do propriété distincts l>.

/;. Le droit du fermier ou locataire sur les constructio

18 bis. 11 peut exercer les actions possessoires. Proudhon, De Vusufr VIII, 3726. Laurent, VIII, 3719, 419,Garsonnet, Traité de procédure civi I. ^ 132, noie 3. On lui reconnaît généralement le droit de chasse.

i*Cpr. Proudhon, op. rit., VIII, 3724 à 3730. Laurent, VIII, \di suiv. Le droit de superficie implique la cession do la pleine propr d'un édifice, d'une construction faite par le propriétaire du sol : c' donc la transmission d'une chose qui est immeuble de sa nature. et suite, susceptible d'hypothèque. Pont, Vriv. et hyp.f no 391..Lefort 334. Voy. <'ii sens contraire : Laurent, VIII, 120.

13 (av. cass.. 16 décembre 1873, S., 74, 1, 457, et les Obsei'vcUii conformes de Labbé.C'est ce qui a été jugé spécialement quant aux étai dont il sera question ci-après. Lyon, 7 août 1844, S., \.\,"2, ilit. Cpr. Ç icj.. :»l janvier 1838, S., 38, 1 , 420. Cet arrêt n'est pas, comme M. Dei tombe (IX, 528) semble le penser, contraire à l'opinion émise au texte.Di l'espèce suc laquelle il a statué, le propriétaire de L'évolage t'était ai

(rime partie de Passée, de telle sorte qu'il n'y avait pas souleui

concours d'un droit de superficie avec la propriété du tonds, mais eue

Une communauté portant sur le l'omis lui-même. Voy. du reste : le?

le IL. d, infrà.

DE LA PROPRIETE.

2i'S. 627

:

qu'il a élevées en vertu d'une clause du bail, constitue, bien que limité à la durée de la location, un droit réel immobilier de superficie, lorsqu'il résulte des conventions arrêtées entre les parties, que le propriétaire a renoncé au bénéfice de l'accession, par dérogation à la règle Superficies solo ce dit 16.

Une pareille renonciation peut, même en l'absence de déclaration expresse, s'induire de l'ensemble des conditions du bail, notamment de la stipulation que les constructions resteront affectées hypothécairement pour sûreté du paie- ment des loyers ou fermages, et de la clause qui conférerait au fermier ou locataire, soit d'une manière absolue, soit pour le cas les parties ne s'accorderaient pas sur le prix à payer par le propriétaire du sol, le droit d'enlever ses constructions en fin de bail. L'induction à tirer de pareilles conventions acquerrait plus de force encore, si la loca- tion avait été consentie pour un temps excédant la durée ordinaire des baux, ou s'il s'agissait d'un terrain qui, destiné, par sa nature et sa situation à être surbâti, aurait été loué dans ce but IT.

,u La validité d'une pareille renonciation ne saurait être contestée en présence de l'art. 333, de la disposition duquel il ressort que la règle Superficies solo cedit, consacrée par les art. 546 et 552, n'esL pas d'ordre public, et peut être écartée, soit par la prescription, soit, à plus forte raison, par une convention contraire, delà posé, il est évident que le bailleur qui a renoncé au bénéfice de l'accession, n'a plus aucun titre pour se dire propriétaire des constructions élevées par le preneur, et que, ar suite, c'est nécessairement sur la tête de ce dernier que repose la propriété de ces constructions, qui ne peuvent pas être sans maitre, et [ui constituent en elles-mêmes, aux termes de l'art, 318, des immeubles j>ar nature. Gpr. Mourlon, De la transcription, I, 13. Ducruet, Eludes mr la transcription, 6. Flandin, De la transcription, I, 32. Duranton,

XI, 6. Martou, Des hypothèques, III, 933. Pont, Des hypothèques, no 634. Bourges, '22 mars 1867, S.,67,2, 358. Lyon, 18 février 1871, S.,71,2,81. Keq.. 13 février 1872, S., 72, I, 104. Voy. cep. Dubois, Revue pratique, 1862, XIV, p. 183, 8. Guillouard, Tr. du louage, I, 297 et s.

17 Gpr. L. I, | 3, D. de superficiebus (43,18). L. I, D. qui pot. in pig. 1-20, '<). Douai, 19 juillet 1844, S., 44, 2, 354. Rouen, 20 août 1839,'s., 59, 2, 647. Giv. rej., 7 avril 1862, S., (ri, l, 489. Paris, 30 mai et 27 août 186'*, S., 64, 2, im et 267.

028 DES DROITS RÉELS.

Si, au contraire, rien n'indique que le propriétaire sol ait entendu renoncer au bénéfice de l'accession, le dr du fermier ou locataire sur les constructions qu'il a f élever, n'est qu'un droit personnel et mobilier de jouissam comme celui qui lui appartient sur le fonds même l8. G' ce qui aurait nécessairement lieu, s'il avait été stipulé cj les constructions faites par le preneur resteraient au ba Jeur, soit sans indemnité, soit moyennant une indcmnit< régler par experts 19.

c. Le bail à convenant ou à domaine congéable, usité temps immémorial en Bretagne, et maintenu par la loi c 7 juin-G août 1791, présente une forme particulière droit de superficie 20. Les traits généraux et distinctifs cette convention se résument dans les points suivants

18 Cpr. § 164, texte I, notes 11 et 12. La proposition énoncée texte devrait être admise dans le cas même on l'on reconnaîtrait an preni le droit d'enlever en cours de bail les constructions par lui laites. Vi sur ce point : § 365.

,!' Cpr. Besançon, 22 mai 1845, S., 17, 2, 27;!. Req., 14 février 18 S., i9, l, 261. Civ. rej., 2 juillet I8.il , S., 51, I, 535. Civ. «juillet 1851, S., 51, l, 682. Req., 1er août I8.vi9, S., 00, 1,07. Pa 15 décembre 1800, S., 00, 2, 83. Req., 27 mai 1873 S., 74,1,1 Nancy, 2 mars 1889, S., 90, 2, 127.

1>0 Cpr. (luillouard, Du louage. II, 634, 645. Par une fausse assim tion de la tenure convenancière aux baux emportant pour les preneurs droit perpétuel de jouissance, la loi des 27 août-7 septembre 1792 av en déclarant les ci-devant domaniers ou colons, propriétaires inconmn blés du sol, comme des édifices et superfices, et en leur accordant la fan de racbeter la rente convenancière, transformé le domaine congéable une propriété portant sur l'ensemble du fonds. Mais celte loi fut rapj tée par celle du 9 brumaire an VI, qui remit en vigueur la loi de juin-6 août 1791. sans toutefois porter atteinte aux rachats opérés i l'intervalle, et aux droits de pleine propriété consolidés sur la tête domaniers par l'effet de ces rachats. Merlin, Bép»t Convenant. Du] gier, Du louage. I, 217. Demolombe, IX, 503. (luillouard, /)//. loiu II, 637. Civ. cass., 16 juillet 1828, S., 28, I, 289. Civ. cass., novembre 1846, S., 47, I, 97. Civ. cass., 3 mai L848, S., 18, I, Angers, 7 juillet 1847 et 23 août 1848, S., 49, 2, 365. Civ. cass, janvier 1849, S.. 49, l, 112. Civ. cass., 1er juin 1853, S.. 53, I, Civ. cass., 5 juillet I8.v>;{, S., 53, 1, 02.vi.

si Cpr. Merlin, /.Vf/y.. \is Bail à domaine congéable, Baillée, Congén

DE LA PROPRIÉTÉ. § 223. 629

La propriété du fonds est retenue par le bailleur, qui, pour cette raison, est appelé propriétaire foncier ; et la jouissance en est abandonnée au preneur ou colon, contre paiement d'une redevance annuelle, désignée sous la déno- mination de rente convenancière.

La propriété des édifices et superfices est transférée, à titre de vente, au preneur ou colon, que, par ce motif, on nomme aussi domanier.

Enfin, le propriétaire foncier conserve la faculté perpé- tuelle et imprescriptible de congédier le domanier, et de rentrer dans la propriété des édifices et superfices, en lui en remboursant la valeur à dire d'experts, remboursement que ce dernier est, de son côté, autorisé à réclamer, en pro- voquant le congément ". Toutefois, il est permis au pro- priétaire foncier et au domanier de renoncer respective- ment, l'un, à la faculté d'exercer le congément, l'autre, à celle de le provoquer n.

<l. Les usages de la Bresse offrent encore une espèce re- marquable de droit de superficie, quant aux étangs qui sont alternativement remplis d'eau et empoissonnés pendant deux années, puis ensuite mis à sec et cultivés la troisième. La jurisprudence ancienne et moderne et la loi du 21 juil- let 1856 ont également reconnu que Yéoolage, c'est-à-dire l'étang mis en eau, peut constituer une propriété matériel- lement distincte de Yassec, c'est-à-dire du sol de l'étang.

et Renie convenancière. Tonllier, III, 103 et 104. Proutlhon, op. cit., VIII. 3723. Demolombe, IX, 501 à 504. Lefort, p. 262, 313, 336. Aulanier, Traité du domaine congéable, Paris 1848. I vol. in-8°. Derome, De l'use- ment de Rohan ou du domaine congéable. Revue critique, 1862, XXI, p. 229 ; 1863, XXII, p. 209 et 524. De Villeneuve, Du domaine congéable, ou bail à convenant. Civ. cass., 28 février 1832, S., 32, 1, 264. Civ. rej., 11 novembre 1833, S., 33, 1, 834. Civ. rej., 5 mai 1834, S., 34, 1, 343. Civ. rej., 8 avril 1845, S., 45, 1, 497.

2- La faculté de provoquer le congément a été formellement reconnue aux domaniers par Tait. 1 1 de la loi des 7 juin-6 août 1791. Mais il parait qu'anciennement cette faculté ne leur appartenait pas. Cpr. sur la pro- cédure à suivre en pareil cas, Lefort, p. 339.

23 Troplong, Du louage, I, 61. Duvergier, Du louage, I, 230. Civ. rej., 25 novembre 1829, S., 30, I. 14. Req., 5 mars 1851, S.. 51, I, 250.

630 DES DROITS RÉELS.

Toutefois, pour favoriser le dessèchement des étangs insa lubres, la loi précitée a, par dérogation au principe précé demment établi, autorisé les divers intéressés à provoque la licitation des étangs dont l'évolage et l'assec n'appar tiennent pas au même propriétaire, et leur a même impos l'obligation d'y procéder dans le cas le desséchemen ayant été ordonné en exécution des la loi des 11-19 septem bre 1792, ils ne veulent pas se soumettre aux condition prescrites pour l'opérer 2\

Des mines-*

La concession d'une mine, régulièrement faite par le gou vernement, a pour effet d'en séparer la propriété de cell de la surface, et d'en former un nouvel immeuble corporel distinct du surplus du fonds. Il en est ainsi, alors mèm cpie la concession a eu lieu au profit du propriétaire de ] surface. Loi du 21 avril 1810, art. 5 à 8 et 19. Ces textes n sont point modifiés parla loi du 27 juillet 1880.

Jusqu'à la concession de la mine, la propriété en rest unie à celle du sol ; et le tiers qui l'exploiterait sans con

21 Cpr. note \l')suprà; Décret du 28 octobre 18.vw, portant règlemci d'administration publique pour l'exécution do la loi du 31 juillet I8.v>( sur la licitation des étangs dans le département de l'Ain ; Lyon, 1 8 févril 1844, S., \\, 2, 641. D'après les anciens usages de la Bresse et des Don Des, la création des étangs donnait droit aux eaux de toute nature, qu par l'assiette des lieux, découlaient sur eux sans qu'il fût nécessaire qu ce droit tut fondé en titre, et les propriétaires voisins ne pouvaient mén sur leur propre terrain exécuter aucun travail détournant les eaux de 1 pente naturelle ou artificielle qui les conduisaient aux étangs supérieur Req., 18 février I88i, S., 85, 1, 2().v>, et les conclusions de M. l'avoca général Poli ton.

23 Cpr. sur cette matière : les actes des pouvoirs législatif et exéeufl et les ouvrages cités à la note 12 du § 193. Voy. aussi : Delecroix, Coi de la loi du 27 juillet 1880 'portant révision de la loi, de 1810. BÎO Propriété des mines cl de ses rapports arec la propriété superficielle, in-! Paris I87(i. Proudhon, Du, domaine privé. II, 71 î> et suiv. ; Demolomb IX, ()V7 à 650. M. Féraud-Giraud, (Code de la mine et des mineurs. Par 1887, 3 vol. in-8, I, l!),20), a indiqué avec nue grande netteté les mot i qui ont fait établir ce droit spécial de propriété.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 223. 631

cession préalable, serait passible de dommages-intérêts en- vers le propriétaire du fonds dans lequel elle se trouve 20.

La concession dune mine, consentie au profit d'un tiers, constitue une sorte d'expropriation pour cause d'utilité pu- blique, dont l'effet est d'anéantir tous les droits réels qui, avant la concession, appartenaient au maître du sol, ou à ses créanciers hypothécaires, sur la mine considérée comme accessoire du fonds. Le droit de propriété du maitre du sol est converti en une redevance annuelle à payer parle con- cessionnaire, et fixée par l'acte de concession '^ bis. Quant aux créanciers hypothécaires, leurs droits sont transpor- tés sur cette même redevance, qui, dans leur intérêt, par- ticipe de la nature immobilière de la surface, et demeure réunie à sa valeur. Loi précitée, art. 17 et 18.

Quoique la concession consentie au profit du propriétaire de la surface n'entraîne aucune expropriation, elle n'en a pas moins pour effet de créer un immeuble nouveau, qui, par le fait même de la concession, demeure affranchi des hypothèques antérieures. Ces hypothèques se trouvent éga- lement transportées sur la redevance, qui, dans cette hy- pothèse même, doit à cet effet être évaluée par l'acte de concession. Loi précitée, art. 6, 19 et 42 26 ter. Il est, du reste, bien entendu, que les hypothèques générales dont se trouvaient grevés, dès avant la concession, les biens pré-

26 Demolombe, IX, 647. Req., 1er février 1841, S., 41,1, 121.

26 bis. Sont frappées d'une nullité absolue et d'ordre public les conven- tions privées intervenues entre le propriétaire foncier et le concessionnaire de la mine, à l'effet, soit d'autoriser le propriétaire de la surface à exploi- ter lui-même la zone minière située sous son immeuble, soit de déterminer la redevance à payer par le concessionnaire, tout devant être, sous cerap- porl.tixé par l'acte de concession. Req., lo avril 1868, S., 68, 1, 800. Giv. cass., 7 août 1877, S., 78, 1, 101.

26 ter. Le nouvel article 42 porte : « le droit accordé par l'article 6 de « la présente loi au propriétaire de la surface sera réglé sous la forme « fixée par l'acte de concession.» Il a substitué ces mots usous la forme fixée dans l'acte de concession » à ceux-ci « à une somme déterminée par l'acte « de concession » afin d'établir nettement en faveur du Gouvernement, le droit de déterminer la redevance à payer au tréfoncicr soit au moyen d'une somme fixée, soit au moyen d'un prorata d'après le revenu de la mine.

632 DES DROITS RÉELS.

seuls et à venir du propriétaire du fonds, s'étendront à h mine qui lui a été concédée, comme à tout autre immeuble qu'il aurait nouvellement acquis 2T.

L'acte de concession opère les effets qui viennent d'être indiqués, indépendamment de toute transcription 28.

La mine, considérée comme immeuble distinct de la sur- face, est transmissible à titre onéreux ou gratuit, suscepti ble d'usufruit, d'hypothèque, et de saisie immobilière aussi bien que tout autre immeuble corporel. Toutefois, uni mine ne peut être vendue par lots, ou partagée, sans une autorisation préalable du gouvernement, donnée dans les mêmes formes que la concession 29. Loi précitée, art. 7 et 21

La concession d'une mine en confère la propriété perpé- tuelle ; et le concessionnaire ne peut, même pour cause d'utilité publique, être privé, sans indemnité, de la faculté de l'exploiter dans une partie quelconque de son périmè- tre 30. Loi précitée, art. 7, et arg. de cet article.

Le concessionnaire peut être autorisé par arrêté préfec- toral, pris après ejuc les propriétaires auront été mis à même de présenter leurs observations, à occuper dans lr périmètre de sa concession les terrains nécessaires à l'ex- ploitation ele sa mine, à la préparation métallique des mi- nerais, et au lavage des combustibles, à l'établissement des routes ou à celui des chemins de fer ne modifiant pas le relief du sol. Si les travaux entrepris par le concession- naire ou par un explorateur, muni du permis de recher- ches mentionné en l'article 10, ne sont que passagers, et xi le sol, ils ont eu lieu, peut être mis en culture, au bout

27 Cpr. Discussion au Conseil d'Etat de la loi du 21 avril 1810 (Lo- cré, Lég.t IX, p. 220 et 221, n<> 13).

28 Bressolles, Exposé des règles sur la transcription, i('). Troplonj;, De la transcription, n«81. Gauthier, Résume de la transcription. n" 120) Mourlon, De la transcription, I, 77. Flandin, De la transcription, 1,348.

29 Cpr. Civ. rej., 29 janvier 1866, S., 66, I. III. Giv. rej., 18 novembre 1867, S., 67, I, \\\).

:{0 Le principe posé au texte est incontestable ; il aété reconnu tant pai la Cour de cassation que par' le Conseil d'État. Aucoc, Conférences. III. 1507. Civ. cass.,18 juillel 1837, S., 37,1, 664. Chamb. réun. cass.,3man 1841, S., 41, 1,259. Civ. rej., 3 janvier 1 «:;->, S., 53,1, 347. Arr. Cons.,

DE LA PROPRIÉTÉ. | 223. 683

d'un an, comme il était auparavant, l'indemnité sera réglée à une somme double du produit net du terrain endom- magé. Lorsque l'occupation ainsi faite prive le propriétaire de la jouissance du sol pendant plus dune année, ou lors- que, après l'exécution des travaux, les terrains occupés ne sont plus propres à la culture, les propriétaires peuvent exiger du concessionnaire ou de l'explorateur l'acquisition du sol. La pièce de terre trop endommagée ou dégradée sur une trop grande partie de sa surface doit être achetée en totalité, si le propriétaire l'exige. Le terrain à acquérir ainsi sera toujours estimé au double de la valeur qu'il avait avant l'occupation. Les contestations relatives aux indem- nités réclamées par les propriétaires du sol aux concession- naires de mines aux termes des dispositions qui viennent d'être rappelées sont de la compétence des tribunaux ci- vils. Loi de 1880, art. 43.

D'autre part, il était indispensable de faciliter au con- cessionnaire l'accès de sa mine, et de l'autoriser à créer des débouchés pour l'écoulement de ses produits. L'empla- cement d'une concession minière n'est point abandonnée au choix du concessionnaire : il dépend de la richesse des gisements, de la configuration du sol, enfin de l'ensemble de conditions naturelles qui s'imposent à l'industrie. 11 ad- vient donc fréquemment, ainsi que le disait devant la Chambre des députés, le rapporteur de la loi de 1880, que l'exploitant se trouve dans la nécessité d'ouvrir ses travaux dans des localités éloignées de toute voie de communication, ou vers lesquelles il ne pourrait aboutir qu'après avoir opéré des transports onéreux, s'il était contraint de se ser- vir des chemins existants. Depuis de longues années, l'ad- ministration avait permis la construction hors des périmè- tres concédés, de voies de communication destinées à re- lier les exploitations aux autres chemins, à condition de n'occuper les terrains qu'après observation des formalités prescrites par la loi du 3 mai 1841 sur l'expropriation pour cause d'utilité publique.

§8 juin 1864, Lebon, 577. S., b.v>. 2, 117. Tribunal dos Conflits, S mai 1877. Li'bcm. H-4. Arr. Cons.. \ mars 1881. Lobrm. 263.

634 DES DROITS RÉELS.

D'autre part, outre les voies de communication, l'exploi- tant peut être dans la nécessité tVouvir au delà de la li- mite des terrains concédés, ce qu'on appelle des travaul de secours, destinés à faciliter l'exploitation, et quelque- fois même à la rendre possible : ce sont des puits d'aéragc, des galeries d'écoulement, ou des rigoles nécessaires pour le passage des eaux. La loi de 1810 ne prévoyait pas l'exé- cution de ces travaux et l'article il de la loi de 1880 esl venu combler cette lacune.

Le nouveau texte permet de déclarer qu'il y a utilité pu- blique à entreprendre certains travaux indispensables à l'exploitation des mines et pour leur exécution, elle auto- rise l'expropriation des terrains situés en dehors des périmè- tres,sous la condition également de se conformer aux dispo- sitions de la loi du 3 mai 1841. Un décret rendu en conseil d'Etat peut autoriser hors la concession, l'établissement àà canaux, chemins de fer, routes nécessaires à l'exploitation d'une mine, travaux de secours et à l'intérieur du péri- mètre concédé, la construction de chemins de fer modifiait le relief du sol. Loi de 1880, art. 44.

Le concessionnaire doit prendre, dans l'exploitation d< la mine, toutes les précautions convenables pour garanti! la solidité du terrain qui la recouvre 81, et peut être cou damné à Faire exécuter les travaux préservatifs, jugés cessaires pour écarter toute cause de préjudice 32. En c;n de dommage causé à la surface parles travaux intérieur de la mine, il n'est tenu de réparer ce dommage (pie con fermement aux règles du Droit commun, c'est-à-dire danl la mesure seulement d'une estimation réglée au simple, et non au double !!. Il en est ainsi, qu'il s'agisse de <lélé

81 Demolombe, IX, 650. Voy. aussi l'arrêt cité à la note suivante.

•-- Req., 15 mai 1861, S., 61, 1 , 959.

;;:: La difficulté esl résolue conformément à l'opinion émise an texte pu la disposition finale de l'article 43 de la loi de 1880, lequel a adopté I doctrine des Chambres réunies de la Cour de cassation. En effet, il n'y ; poinl identité d<> situation entre celui qui exécutanl des travaux superficiel prend possession du terrain d'autrui, le fouille, et prive le propriétaire d la jouissance de son immeuble» et d'autre pari, le concessionnaire de 1;

DE LA PROPRIÉTÉ, f 223. 635

riorations causées à clos terrains cultivés, ou à des bâti- ments 3\ et que ces derniers aient été élevés, soit avant, soit depuis la concession a:i.

Le propriétaire du sol conserve la propriété de tout le terrain compris entre la surface et la mine M, et peut exer- cer sur ce terrain toutes les facultés inhérentes à la pro- priété, à charge cependant de s'abstenir des ouvrages de nature à nuire à la mine, ou à en compromettre l'exploita- tion. ^

La concession peut être retirée, lorsque l'exploitation d<> la mine est restreinte ou suspendue de manière à mettre on péril la sûreté publique, ou à laisser en souffrance les be- soins des consommateurs, comme aussi dans le cas le concessionnaire n'acquitte pas les taxes qui lui ont été im- posées pour frais d'assèchement de la mine ou d'autres

mine qui est chez lui, et qui exploite souterrainement les richesses qui lui appartiennent. On ne voit pas pourquoi, contrairement à tousles prin- cipes du droit commun, ce dernier serait tenu de payer, au double de leur valeur, les dommages causés par son exploitation au propriétaire de la surface. Avant la loi de 1880, cette question avait été vivement contro- versée et la Cour de cassation avait d'abord décidé que l'indemnité devait être portée au double. Yoy. en ce sens : Req., 23 avril 1830, S., 50, 1, TIJo. Req., 22 décembre 1852, S., 53, 1, 14. Nîmes, 10 février 1857, S., 57, 2, 343. Civ. cass., 2 décembre 1857, S., 58, 1, 377. Nancy, 7 juillet 1858, S., 58, 2,572. Nîmes, 15 décembre 1858, S., 59, 2, 20. Civ. cass., 17 juillet 1800, S., 60, 1, 699. Civ. rej., 17 juillet 1860, S., 60, 1. 701. Mais, elle n'a pas persisté dans cette jurisprudence ; et nous pensons que c'esl avec raison. En effet, les dispositions des art. 43 et 44 de la loi du 21 avril 1810, ci-dessus analysées, sont de leur nature tout exception- nelles, et doivent, comme dérogeant à la règle de justice et d'équité éta- blie par l'art. 1 149, être restreintes au cas pour lequel elles sont établies, c'est-à-dire à celui le dommage a été causé par des travaux faits à la surface du sol. Yoy. en ce sens : Dijon, 29 mars 1854, S., 54, 2. 243. Di- jon, 21 avril 1856, S., 56, 2, 715. Lyon, 2 août 1858, S., 58, 2, 664. Grenoble, 20 mars 1861, S., 61, 2, 249. Chamb. réun. rej., 23 juillet 1862, S., Oi, 1, 801. Civ. cass., 4 août 1863, S.. 63, 1, 432. Giy.cass.,18 novembre 1863, S., 64, 1, 36. Toulouse, 17 janvier 1866, S., (\(\ 2. 127.

3,1 Civ. rej., 17 juillet 1860, S., 60, I, 701.

"Dijon, 21 août 1856, S., 56. 2, 518. Req., 3 février 1857, S.. 57, 1, &69. Req.5 17 juin 1857, S.. 57. I. 639.

:,; Lyon. 21 mars 1852, S., 53.2. 277.

636 DES DROITS RÉELS.

travaux exécutés par les soins de l'administration. Ce re- trait est prononcé par le ministre des travaux publics, sauf recours au Conseil d'Etat par la voie contentieuse. Loi du 21 avril 1810, art. 49. Loi du 27 avril 1838, art. 6, 9 et 10. L'art. 6 de cette dernière loi règle les suites du retrait de la concession.

C. De la propriété pleine ou moins pleine.

§ 224.

Notions générales. Aperçu historique sur le domaine di- rect et le domaine utile, et sur le rachat des rentes ré- servées ou foncières.

La propriété est appelée pleine ou moins pleine, suivant que le droit de jouissance, qui en est un des attributs, s'y trouve encore attaché, ou qu'il en a été séparé sous forme de droit réel, constitué au profit dun tiers *.

D'après le Droit romain, cette séparation pouvait avoir lieu, non-seulement d'une manière temporaire, par la cons- titution d'un usufruit, mais encore à perpétuité, au moyen de l'établissement d'une empliytéose. La jouissance concé- dée à l'emphytéote, même pour un temps indéfini, n'étai point considérée comme un droit de propriété : tout auss: bien ([ne celle de l'usufruitier, elle ne constituait qu'un sim- ple droit réel sur la, chose d' autrui 8.

Cependant, comme la législation romaine accordait i\

1 Bibliographie. Lefort, Histoire des contrats de location perpétuelh ou à longue durée. 1 vol. in-8, Paris 1875. Garsonnet, Histoire des loca- tions perpétuelles, et des baux à longue durée, i vol. in-8, Paris 1878 Cpr. § i, Insl. de usuf. (u2, i) ; L. 25, proe., D. de V. S. (50, 16).

* L. 1, § I. I). si ager vect. (6, 3). L. 10, I). fam. ercisc.(i0, 2.) I>. 3 g 4, I). de reb. cor. (il. 0). L. 71, 5et (i. I). de leg. I" (30). I,. 1, C. d> jure empli. (4, (>(>). Thibault, Versuche, II, 3. Puchta, Pandekten,§ I7'< Sell, Rômische Lettre der dinglichen liecide, §14, 5. Mainz, Elément. de droit Romain , I, 654. Cpr. Accarias, Droit Romain, I, n°283/>is; Il n* 81 7. Lefort, p. 7(i et suiy.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 224. (J37

l'emphytéote, ainsi qu'au superficiaire, une action utile en revendication, les glossateurs imaginèrent cle lui reconnaî- tre une sorte de propriété, qu'ils qualifièrent de domaine utile3. Cette doctrine, généralement adoptée dans la pra- tique, et étendue à des conventions qui présentaient plus ou moins d'analogie avec Temphytéose perpétuelle, opéra une révolution complète dans la constitution de la pro- priété foncière, et conduisit à admettre en principe la pos- sibilité d'une décomposition intellectuelle du droit de pro- priété, en deux propriétés distinctes, appelées, Tune, do- maine utile, et l'autre, domaine direct.

On entendait par domaine utile, le droit de jouissance séparé de la propriété, et exercé, non à titre de servitude, mais à titre de propriété. Le domaine direct comprenait les autres attributs de la propriété, avec le droit d'exiger certaines redevances irrachetables, en reconnaissance de la directe, et avec l'expectative de rentrer dans la pleine propriété par l'effet, suivant les cas, de la commise, du retrait, du droit de préférence, ou de l'expiration de la concession. Du reste, cette décomposition de la propriété se présente dans l'histoire sous des formes si diverses, et avec des effets tellement variés, qu'il est impossible de déterminer, d'une manière exacte et précise, dans une formule générale, l'étendue des droits que comportaient le domaine direct et le domaine utile.

Les concessions ou conventions les plus importantes qui opéraient décomposition de la propriété, étaient l'inféoda- tion, le bail à cens, et l'emphytéose *.

3 L. 1, 1 1, D. si ager vect. (6, M). L. I, § 6, I). de superf. (43, 18). L. 1:2, in fine, G. de fund. patri. (11, b'I ). Barthole, sur la loi 16, D. deacq. vel amitt. poss. (il, 2). L'erreur dans laquelle les glossateurs sont tombés a cet égard, est d'autant plus singulière, que l'admission même d'une ac- tion in rem utilis, au profit de l'emphytéote, prouve qu'on ne le considé- rait pas comme propriétaire; car, en cette qualité, il aurait eu l'action di- recte en revendication. Schilter, Commcntarius ad jus feudale alemani- cum. | 3. Hofacker, Principia juris civilis, II, 1034. Scll, op. et loc.citt. Lelbrt, loc. cil.

4 Tel parait avoir été le caractère de l'albergemcnt qui était tort en usage

()o8 DES DROITS RÉELS.

A côté de ces conventions, il en. existait d'autres qui, tout en ayant pour effet de transférer la pleine propriété, ne la transféraient cependant que sous la réserve, par l'ancien propriétaire, d'un droit réel immobilier de rente annuelle et perpétuelle, en argent ou en nature, qu'il retenait dans l'héritage concédé (censusreservativus, rente foncière). Tels étaient le bail à rente et le bail à champart dont les noms variaient de province à province avec quelques différences dans les ciïets \ Or, les rentes dues eu vertu de pareils baux étant également irrachetables, et aucun signe caractéristique ne les distinguant des redevances dues en reconnaissance du domaine direct, il

en Savoie et dans le Dauphiné. Il s'appliquait aux pâturages ainsi qu'aux forêts, etaux cours d'eaux. Dans le premier cas il conférait, à l'alberga- Laire le droit démener paître ses bestiaux dans des localités déterminées, d'y couper des litières, des herbes ri des broussailles. Dans le second cas il consistaiten l'autorisation de créer une chute d'eau pour mettre en mou- vement les artifices d'un moulin. Les redevances attachées à la concession de ce droit et qui présentaient selon les circonstances le caractère de ren- tes foncières ou de rentes féodales, ont dispara pur l'effet des lois révolu- tionnaires (Cpr. § "li'i) ou parla prescription, un grand nombre de créan- ciers ayant renoncé à exiger la prestation. D'après Salvaing de Boissieu (Traité de V usage des fiefs en Dauphiné), l'albergement n'est pas autre chose que l'emphytéose. Merlin, Rép., Albergement. Journal de Greno- ble et de Chambéry, 1861, p. 14. Charmeil, Eludes sur le droit emphytéù* tique et les albergements. Lefort, p. "2{M-ill.)$. G-arsonnet, Locutions per- pétuelles, p. 393. An cas l'acte constitutif ne peut être représenté, L'air bergataire est admis a prouver par titres ou par témoins que le droit d'al- bergemenl a été autrefois concédé à l'un de ses auteurs, et que depuis, il on a joui par les siens ou par lui-même, sans protestation de la part du propriétaire du sol. Civ. cass., i) janvier 1889, I)., 00. I. 125. Dans le Bugey, pays de franc-alleu, l'albergement ne transmettait pas le domaine utile et il ne corderait qu'un simple droit d'usage, (iarsonnel, toc. cil. Heip. Il août 1851, S., 51, I, 764. Il importe de ne point, con- fondre l'albergeinriil a\ec le droit, de Mairie, qui était, en usage dans quel- ques provinces du centre, et qui consistait en une concession de vaine pâ- ture, moyennant paiement d'une redevance féodale. Guy-Coquille, Cou- tumes du Nivernais, ch. III. Pothier, Coutume d'Orléans, lit. V. Cpr,

Dupin, sur l.oysel, ll'tlï, note de Laurière.

:i Cpr, Traité du bail à rente et, Traité îles champarts, par Pothier, dans ses œuvres. .Merlin. Rép., v's Bail à rente, Champart et Tarage. Lefort,

p. m,

DE LA PROPRIÉTÉ. § SSâ. 639

devenait souvent très difficile de reconnaître avec pré- cision les immeubles dont la propriété était demeurée pleine, et ceux dans lesquels elle avait été divisée.

D'un autre côté, on rencontrait, dans notre ancien Droit, des conventions, qui, bien que généralement connues sous la même dénomination, se trouvaient cependant, quant à leurs effets, appréciées d'une manière différente, suivant les divers pays elles étaient en usage. C'est ce qui s'était produit notamment, pour le bail à comptant % et pour la locatairie perpétuelle 7.

Les charges multiples et mal définies qu'un pareil état

6 D'après la coutume de La Rochelle, le bail à complant était translati de propriété. Valin, Nouveau commentaire sur la coutume de la Rochelle, sur Part. 6 de cette coutume, III, p. 316. Merlin, Rép., Vignes, § 2. Garsonnet, p. 4-20. Civ. rej., 10 octobre 1808, S. , 9, 1, 119. Un avis du Conseil d'État, du 4 thermidor an VIII, a décidé au contraire qu'il ne l'é- tait pas dans les pays composant aujourd'hui le département de la Loire- Inférieure. Il en était de même dans toute la Bretagne. Lefort, p. 320. Voy. encore en ce sens: Civ. rej., 7 août 1837, S., 37, 1, 864. Appelé à statuer sur la nature des baux à complant dans les départements de la Vendée et de Maine-et-Loire, qui faisaient autrefois partie du Poitou et de l'Anjou, le Conseil d'État, par un avis des 21 ventôse-23 messidor an XI (S., 3, 2, 152), répondit qu'il n'y avait pas lieu de se prononcer sur la question ainsi formulée, et que le principe posé dans l'avis du 4 thermidor an VIII était de plein droit applicable partout les clauses des baux se- raient analogues à celles des baux de la Loire-Inférieure. La question de savoir si, dans le Poitou et dans l'Anjou, les baux à complant étaient ou non translatifs de propriété, est donc restée à l'état de controverse. Voy. dans le sens de la translation de propriété au profit du preneur à com- plant : Merlin, Rép., Vignes, §2. Troplong, Du louage, I, o9. Lefort, op. cit.. p. 311. Civ. rej., 26 janvier 1826, S., 27,1,228 ; Civ. rej., 20 juillet 1828, S., 28, 1, 317 . Civ. cass., 9 août 1831, S., 31, 1, 387 ; Civ. cass., 11 février 1833, S., 33,1, 183. Voy. dans le sens de la rétention par le bailleur du droit de propriété : Duvergier, Du louage, l, 189. Herold, Revue pratique , 1857, III, p. 364.

7 En Provence, la locatairie perpétuelle était regardée comme transla- tive de propriété. Julien, Statuts de Provence, I, p. 269. Garsonnet, p. 423. Lefort, p. 248 et suiv. Suivant la jurisprudence du Parlement de Toulouse, au contraire, elle ne l'était pas. Boutaric, Institutes, liv. III, tit. XXV, § 3 ; et Traité des droits seigneuriaux, chap. XIV. Fonmaur, Traité des lods et ventes, no 536. Arrêt du Parlement de Toulouse du 14 août 170o.

640 DES DROITS RÉELS.

de choses faisait peser sur la propriété foncière, devaien nécessairement avoir pour effet d'entraver la libre trans mission des immeubles et les progrès de l'agriculture Aussi, l'affranchissement du sol français, depuis longtemp provoqué par tous les économistes, fut-il une des première mesures qu'amena la révolution de 1789. Les principale lois rendues à cet effet furent celles des 11 août-3 novem bre 1789, 15-28 mars 1790, 18-29 décembre 1790, 2o-2i août 1792, et 17 juillet 1793 ' bis.

Dune part, ces lois anéantirent, dans toute leur étendue les institutions féodales ; elles supprimèrent sans indcmnit les corvées, les services personnels, et même les redevance dont l'origine se rattachait à ces institutions. D'autre pari elles déclarèrent rachetables les redevances et rentes noi entachées de féodalité, sans distinguer entre celles qu avaient été stipulées comme condition de la translatio] de la pleine propriété d'un fonds, et celles qui, créées \ l'occasion de la concession d'un simple domaine utile avaient été stipulées en reconnaissance du domaine direc réservé par le concédant. Elles eurent donc pour efïe d'abolir dans l'avenir tous les droits de domaine direct en les transférant, avec ou sans indemnité, aux détenteur qui jusque-là n'avaient été investis que du domaine utile

[1 y a mieux, Fart. 2 de la loi des 18-29 décembre 179 déclara rachetables les rentes ou redevances établies pa le contrat connu sous la dénomination de locatairie pn pétuelie, sans faire d'exception pour les pays où, suivai l'opinion commune et la jurisprudence, les bailleurs cou servaient la pleine propriété des biens concédés à titre. Cette loi reconnut ainsi virtuellement les prencui comme propriétaires de ces biens 8. Sous la date du

'' bis. G-arsonnet, p. 535 et suiv. Lefort, p. 300 et suiv. Doniol, La II volution française et la Féodalité. Les démembrements de la propriété foi clerc en France avant et après la Révolution, par Chénon. Paris, 188 I vol. in-8°.

H Merlin, Quest., Locatairie perpétuelle, § I. Duvergier, Du louag I, I'.).'). Demolombe, IX, .">().'>. Giv. cass., 7 ventôse an XII, S., i, I, 231 Civ. cass., 5 octobre 1808, S.,!), I, 115 et lis. Civ. cass., 29 juin I8ij

DE LA PROPRIÉTÉ. | 224. 6*41

prairial an 11, intervint un décret qui renferme une dis- position semblable pour les baux à culture perpétuelle .

En résumé, les législateurs , de 1790 et de l'an 11 autorisèrent, par une sorte d'expropriation légale au profit des détenteurs, le rachat de toutes les redevances et rentes établies à perpétuité, par cela seul qu'elles étaient dues en vertu de titres conférant à ces détenteurs une jouissance perpétuelle, et quelle que fût d'ailleurs la nature des droits qui, d'après la convention ou l'usage, étaient réservés ou censés réservés par les bailleurs (\

Cependant, une réaction partielle contre ces idées, qui semblaient blesser l'équité, ne tarda pas à se produire. Les avis du Conseil d'Etat du 4 thermidor an VIII et des 21 ventôse-23 messidor an XI, déjà cités à la note 6 de ce paragraphe, décidèrent successivement que, dans les tenures à comptant du département de la Loire-Inférieure, la portion de fruits réservée par les bailleurs n'était point rachetable, et qu'il devait en être de même partout les clauses des baux, analogues à celles des baux de la Loire- Inférieure, indiqueraient la retenue de la propriété par les bailleurs 10.

S., 13, 1, 382. Nimes, 25 mai 18.V2, S., 52, 2, 539. Agen, 11 juillet 1859, S., 60, 2, 316.

9 C'est évidemment ainsi que l'entendait Tronchet, rapporteur de la loi des 18-29 novembre 1790, lorsqu'il disait : un droit perpétuel de jouis- sance est incompatible avec Vidée d'un simple bail à loyer. Son opinion à cet égard était conforme à celle de d'Argentré, qui enseignait (sur l'art. 61 de la coutume de Bretagne, note 2, no 7) que toute location perpétuelle est assimilable à une emphytéose.

10 Sous couleur d'interprétation, les avis du Conseil d'État cités au texte ont, en réalité, altéré l'esprit des lois de 1790 et de l'an IL Onpeutmême dire qu'ils en ont, jusqu'à certain point, violé la lettre, puisque la pre- mière de ces lois déclare rachctables les champarts de toute espèce et de toute dénomination, et que les baux à complant ne constituent en défini- tive qu'une espèce de eh am part. L'analogie que, pour justifier sa décision, le Conseil d'État a cherché à établir entre les baux à complant et le do- maine congéable, est du reste complètement inexacte. Le bail à domaine congéable étant de sa nature révocable à la volonté du bailleur, le doma- nier n'a pas, en principe, comme le preneur à complant, un droit perpé- tuel de jouissance. Ouoi qu'il en soit, l'autorité législative de ces avis du

ii M

642 DES DROITS RÉELS.

L'on arriva ainsi à poser en principe général que, dan les anciennes tenures, même perpétuelles, le rachat ces» d'être admissible, toutes les fois que la propriété a éti retenue en entier par le bailleur11. La jurisprudence, qu avait d'abord refusé d'admettre ce principe 12, finit par L reconnaître, pour celles des tenures du moins cjui n'étaion pas formellement indiquées dans les lois des 18-29 no vembre 1790 et du 2 prairial an II ; elle l'appliqua nota m ment à la métairie perpétuelle 13, au coloriage perpétuel ** et au bail héréditaire usité en Alsace n.

Conseil d'État ne saurait être contestée, et elle a été formellement recon nue par la jurisprudence. Cpr. § 3, texte et note G, ainsi que les arrêt cités aux notes 13 à 13 infrà. Voir sur ces avis du conseil d'État ; Ghénon op. cit., p. 137. (iarsonnet, p. 544.

11 Instruction de la Régie de l'enregistrement, du 3 pluviôse an XL S. 3, 2, 152. ïroplong, Du louage, I, 56, Duvergier, Du louage, I, 20(J Championniére et Kigaud, Des droits d'enregistrement, IV, 3062. Dcmo lomhe, IX, 307 et 308.

12 Voy. (av. cass., 28 janvier 1833, S., 33, I, 196. (av. cass., 2 mat1 1833, s!, 35, I, 394,

13 Civ. rej., 1 1 août 1840, S., 40, 1, (>73. Civ. rej., 80 mars 1842, S 42, I, 017.'

14 Bastia, 2(1 novembre 1861, S., 02, 2, 173. Req., 23 décembre I8(i: S., 63, I, 96.

1:i Chamb. réun. rej.. t\ novembre 1837, S., 37, 1. 954. Il est toul t'ois à remarquer que le 16 juin 1832 (S., 53, L IWl) la Cour de cassatii a rejeté le pourvoi formé contre un arrêt de la Cour de Golmar (Ui I août 1846, qui avait décidé que le bail héréditaire s'était fondu on Alsa< avec l'emphytéose romaine, et devait, à moins d'une réserve expresse il la propriété au profit du bailleur, èlre considéré comme soumis au mêmes règles (pie le bail emphytéotique. Nous comprenons qu'en cet et; de la cause, et en présence de l'interprétation donnée par la Gourd'appi à l'acte de concession, la Cour de cassation ait vvu devoir s'écarler dai l'espèce du principe consacré par son précédent arrêt. IMais il nous resli au point de vue du Droit historique, quelques doutes sur l'exactitude de I

doctrine admise par la Cour de (lolinar, qui a peut-être confondu la que lion de savoir si le bail héréditaire transférait le domaine utile, avec Côl

de savoir s'il conférait nn droit réel opposable aux tiers, ce qui n'estpoii contestable, mais ce qui n'eût pas subi, du moins d'après le principeooi sacré par la jurisprudence inaugurée en 1837, pour autoriser le racha

M. us il faut remarquer que les principes établis au texte ne sont pas a| pbcablesà la rente colongère. Merlin, Qucst., Rentes foncières, £ H Lcfort, p. 314.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 224. 643

Le principe du rachat facultatif des rentes foncières perpétuelles, établi par le droit intermédiaire, fut, après quelque hésitation, maintenu par le Code civil. La com- mission, chargée de préparer le projet de ce Code, fut pat' la nature de ses travaux, amenée à examiner s'il convenait, ou non, de rétablir les baux emphytéotiques et à rente foncière, avec les caractères et les effets qui y étaient autre- fois attachés ; mais elle ne voulut pas prendre sur elle de trancher cette question, dont elle abandonna la décision à la sagesse du gouvernement 16. Ce ne fut que par la loi du 30 ventôse an XII, et après une longue discussion au Conseil d'État, qu'une résolution définitive fut prise à cet égard. L'art. 3 de cette loi ordonna l'intercalation au titre De la distinction des biens, de la disposition qui forme aujourd'hui l'art. 530 du Code civil 1T.

Cet article, en déclarant essentiellement rachetable, toute rente établie à perpétuité pour prix de la vente d'un immeuble, ou comme condition de la cession à titre onéreux ou gratuit d'un fonds immobilier, se prononça par cela même contre le rétablissement des baux perpétuels, qui, tout en transférant aux preneurs le domaine utile, ou môme la pleine propriété, réservaient aux bailleurs le domaine direct, ou du moins un droit réel dans le fonds.

La seule modification que Fart. 530 apporta au Droit intermédiaire, fut de permettre au créancier de régler les clauses et conditions du rachat, et de stipuler qu'il ne pourrait avoir lieu avant trente ans.

Il résulte de ce qui précède que, si un immeuble était cédé à la charge ou sous la réserve d'une rente perpétuelle, cette rente serait nécessairement rachetable, et que le droit de propriété passerait plein et entier sur la tête du concessionnaire, quelle que fût d'ailleurs la qualification

u Discours préliminaire, par Portalis (Locré, Léy., I, p. 309, 89).

17 Les travaux préparatoires à la suite desquels l'art. 530a été décrété* sont rapportés par Locré (Lég., VIII, p. 78 à (JD). Voir le résumé donné par Garsonnet, p. 544 et suiv.

t

644 "DES DROITS RÉELS.

donnée par les parties à leur convention, et nonobstant toute clause contraire 18.

Si toutefois, il était clairement établi que malgré la perpétuité de la concession, les parties n'ont entendu faire qu'un simple bail, et que la propriété a été retenue pleine et entière par le bailleur, cette convention devrait sortir son effet, sauf réduction de la durée du bail au terme de quatre-vingt-dix-neuf ans 1!'.

La même réduction nous parait devoir être également admise pour celles des anciennes tenures perpétuelles qui, d'après la jurisprudence, n'emportaient pas translation de propriété au profit des preneurs.

S 224 bis.

De l'emphytéose temporaire.

L'art. 1CI de la loi des 18-29 décembre 1790, après avoir défendu de créer à l'avenir aucune redevance foncière non rachetable, admit cependant, pour certaines concessions temporaires, une exception qu'il formula dans les termes suivants : « Sans préjudice des baux à rente ou emphy « théoses, et non perpétuels, qui seront exécutés pourtouti « leur durée, et pourront être faits à l'avenir pour quatre* « vingt-dix-neuf ans et au-dessous, ainsi que les baux « vie, même sur plusieurs têtes, à la charge qu'elles n'ex- « céderont pas te nombre de trois l. »

,8 Zaehariae,§ 198, texte, noies 4 et 8. Cpr. Demolombe, IX, 491, in /ira, et 531. Lefort, p. 318. Civ. casa., L3 décembre 1824, S., u2.vi, l.uJ(.)l

1!) Arg. art. 1 delà loi des 18-29 décembre 1790, et art. 170!) du Code civil. Cpr. | 363. Duvergier, Du louage, I, 28. Demolombe, IX. 530 ei 331. Zacharïae, § M>H. texte, noies 6 et T. Voy. cependant : FœlixetHcn rion, Des renies foncières, I b. Championnière et Rigaud, Des droitl d'enregistrement, IV, 3031, 3062, 3068 et 3077. Naquet, Traité des droitl d'enregistrement, l,n° ii'2\).

' A la disposition exceptionnelle citée au texte, se rattachenl l'art. -v> d ta loi du 9 messidor an III, qui rangeait parmi les biens susceptibles d'hy pothèque l'usufruit résultant des baux emphytéotiques, lorsqu'il restait en

DE LA PROPRIÉTÉ. § 224 bis.

645

En exceptant ainsi de la faculté de rachat les rentes dues en vertu d'emphytéoses non perpétuelles, la loi précitée conserva implicitement aux baux emphytéotiques, les ca- ractères et les effets cpii y étaient attachés dans notre an- cienne jurisprudence, et maintint ainsi, au profit des em- phytéotes, le droit de domaine utile qui leur était égale- ment reconnu \ ("/est dans cet esprit que fut rédigée la loi des 15 septembre-16 octobre 1791, qui qualifie de pro- priété réversible le droit du bailleur à emphytéose, et sup- pose par même que le preneur restait, pendant la du- rée du bail, investi d'un droit de domaine.

Mais cette manière d'envisager le droit de remphytéote ne se retrouve plus dans les lois du 9 messidor an III et du 11 brumaire an VII. En rangeant ce droit parmi les objets susceptibles d'hypothèque, sous la qualification & usufruit ou de jouissance à titre d' emphytéose, les rédacteurs de ces lois ont nettement indiqué qu'ils n'y voyaient plus, comme les jurisconsultes romains, qu'un droit réel de jouissance sur la chose d'autrui.

En présence de ces précédents législatifs, il nous parait difficile d'admettre, avec la jurisprudence et avec certains auteurs 3, que l'emphythéose temporaire, opère encore au-

core vingt-cinq années de jouissance, et l'art. G de la loi du 11 brumaire an VII, qui déclarait susceptible d'hypothèque la jouissance à titre d'em- phytéose pour le temps de sa durée. En ce qui touche l'origine de l'em- phytéose : Voir Despeisses, III, p. 42. Laurent, appendice au Liv. II du Code civil, VIII, 340 à 408.

2 L'opinion contraire de Dumoulin (sur la coutume de Paris, § 78, glose IV, 15), invoquée par M. Pepin-Lehalleur {Histoire de V emphytéose, p. :293), n'avait point prévalu dans la pratique. Voy. Bacquet, Questions sur les baux des boutiques du palais, chap. XII, nos 9 à 1:2. Loyseau, Traité du de'guerpissement, liv. I, chap. V, 8. Louet, lett. E, somm. 10. Le- grand, sur l'art. 78 de la coutume de Troyes, glose u2. Perrière, sur l'art. 149 de la coutume de Paris. Ferrière, Dictionnaire de Droit, Emphy- téose. Denisart, Collection de jurisprudence, Emphytéose, n<>s2 et 7. Merlin, Quest., Emphytéose,. § .">, nos [ et 2. Lefort, p. 343. Gpr. De- molombe, IX, 485 et suiv.

3 Merlin, Quest., \o Emphytéose, sect. V, | 8. Favard, Uép., Hypo- thèque, sect. [, 2. Proudhon, Du domaine privé, II, 710. Persil, Ré- gime hypothécaire, sur l'are. 2118. no |.v;. Cpr. Lefort, p. 343 el suiv.

646 DES DROITS RÉELS.

jourcThui décomposition do la propriété, et translation du domaine utile au profit de l'emphytéote *.

La seule question qui soit, à notre avis, sujette à discus- sion, est celle de savoir si la jouissance de Temphytéote a conservé, sous le Code Civil, le caractère de droit réel immobilier, susceptible d'hypothèque, que lui attribuaient la loi du 9 messidor an III et celle du 11 brumaire an VIL Or, la négative de la question ainsi posée, nous parait clai- rement résulter des dispositions des art. 526, 543, 2118 et 2204. Ces articles, dont l'objet est d'énumérer, d'une ma- nière limitative, les immeubles incorporels, les droits réels qui forment des démembrements de la propriété, ainsi que les biens susceptibles d'hypothèque et de saisie immobi- lière, ne faisant aucune mention de la jouissance à titre d'emphytéose, refusent par cela même à cette jouissance, le caractère de droit réel immobilier, susceptible d'hypo- thèque et d'expropriation forcée * bis,

Naquet, Traité des droits il' enregistrement. I, 2:28. Duranton, IV, T.""): XIX, 268 : XXI. 5. Thézard, Priv. et %;., no i0. Civ.cass., 26 juin 1822, S.. 22, I. 362. Giv. casa., ot Civ. rej., 1er avril 1840, S., 40, 1, 433 et 436, Civ. cass., 24 juillet 1843, S., 43, 1, 830. Civ. cass., 18 mai 1847, S.. '.7, 1,623. Giv. rej., 17 novembre 1852, S.,.V2, 1, 7ï7. Civ. cass., 2:-} février I8:;:i, s., :;:;. I. 206. Civ. cass., 2(1 avril 1858, S.. :;:;, 1, 445. Grenoble, 4 janvier 1860, S., 61, â, 126. Alger, 8 avril 1878, S. ,78. 2, 296. Req., 22 juin 188:;, I)., 86,1, 208.

'' Voy. dans lo sens <lo notre solution : Ait. Cons., .rJ août 182!), S., 29, 2, iltt. Cpr. Sénatus-Consulte du 30 janvier 1810, ail, II: Loi du 21 juin 1820. Pont, Priv, ethyp., no 388. Chénon, Démembrement de la propriété foncière , p. C>2. L'emphytéose le constitue par contrat ou par testament, mais on reconnaît généralement que l'immeuble dotal no peut être grevé d'emphytéose : il on résulterait en effet une sorte d'aliéna* lion partielle <lo la propriété. Rodiôre et Tout, Contrat de mariage, 1, 338< Laurent, VIII, 361 Lefort, p. 351.

* bis. Demolombe, IX, Wl. Toullier, III, KM. Delvincourt, IM. p. 185, note I. Proùdhon, Usufruit, I. 97. Grenier, Hypothèques, I, \\.\. Valette, Priv,, et Hyp., I. p. l'.'l et sniv. Félii et Henrion, Rentes foncières, p. 28. Le Contrôleur <lr r enregistrement . XII, 2298, p. 180. Guillouard, Du l<>n<i<it' l, lu. Voy. en sons contraire; Merlin, Rèp.} Emphytéose, no \. Questions, Y, 8. Persil, art. 2118, art. 15. Favard, Rép., \" Emphytéose, no 2. Duranton, IV, 80; XVIII, 208.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 224 bis. 647

En vain a-t-on voulu prétendre que l'emphytéose se trouve comprise, dans les art. 526, 2118 et 2204, sous le terme usufruit, et dans l'art. 543 sous les expressions droits de jouissance : cette objection ne repose que sur une équi- voque. Il ressort, en effet, jusqu'à l'évidence, du rappro- chement des articles précités et de l'ensemble des disposi- tions du titre III du livre II du Code Civil, que les rédac- teurs de ce Code n'ont entendu désigner par le mot usu- fruit, que le droit de jouissance viager dont il est traité au chapitre premier de ce titre, et par les termes droits de jouissance, que les droits d'usufruit, d'usage et d'habitation qui forment l'objet du même titre. D'ailleurs, si l'emphy- téose constituait effectivement, comme on le prétend, un droit réel de jouissance sui generis, plus étendu que l'u-

Rolland de Villargues, Rép. du notariat, Bail emphytéotique, nc 11 ; Hypothèque, 121. Troplong, Louage, 1, 50; Hypoth.,11, 405. Duver- gier, Louage, I, 159. Lefort, p. 349. Req., 19 juillet 1832, S., 32, 1,551. Giv. rej., 26 janvier 1864, S., 64, 1, 91. Gpr. Laurent, VIII, 374. Voir infrà, note 8. Ces derniers auteurs enseignent que l'emphytéose, consti- tuant un droit immobilier, est susceptible de saisie immobilière, de com- plainte possessoire, mais non pas de nantissement. Au cas d'expropriation pour cause d'utilité publique, si le propriétaire et l'emphytéote dont la jouissance est limitée à un temps déterminé, s'entendent pour le règlement de leurs droits sur l'indemnité due, le jury devra allouer une indemnité unique, ou des indemnités distinctes suivant les accords intervenus entre les parties. Mais au contraire, dans le cas l'entente n'aurait pu se faire entre les intéressés, si l'une des parties réclame l'allocation d'une indem- nité unique, l'autre, l'allocation de deux indemnités distinctes, le jury est tenu de pourvoir par sa décision aux deux hypothèses, en raison de la so- lution alternative que le débat entre le propriétaire et l'emphytéote peut recevoir des tribunaux ordinaires, compétents pour le résoudre. Crépon, Code de l'expropriation, sur l'art. 39, n°s 42 et suiv. Daftry de la Mon- noye, Lois de l'expropriation, II, p. 181. Giv. cass., 19 juillet 1843, S., 43 1, 732. Rouen, 20 novembre 1878, D., 79, 2, 256. Au contraire, lier- son (Exp., 373) enseigne que l'allocation d'une seule indemnité suffit, le droit de l'emphytéote devant être assimilé à celui de l'usufruitier. Cpr. Delalleau et Jousselin, I, 369. Laurent, VIII, 408. Les constructions éle- vées par l'emphytéote depuis l'époque de son contrat, lui appartiennent en pleine propriété, et dès lors, au cas d'expropriation pour cause d'utilité publique, l'indemnité, en ce qui les concerne, lui revient pour le tout. Req., 22 juin 1885, D., 86, \, 268.

648 DES DROTTR RÉELS.

sufruit, on no pourrait rationnellement soutenir qu'elle se trouve comprise, sous la dénomination d'usufruit, aux art. 526; 543, 2118 et 2204.

En résumé, dût-on admettre que la disposition de la loi des 18-29 décembre 1790, relative aux emphytéoses temporai- res, n'a pas été expressément abrogée par l'art. 7 de la loi du 30 ventôse an XII, on n'en serait pas moins forcé de re- connaître que le Code Civil a, par son silence, virtuelle- ment enlevé à la jouissance de l'emphytéote, le caractère de droit réel immobilier, qu'elle avait conservé jusqu'à sa promulgation.

Nous bésitons d'autant moins à nous prononcer en ce sens, que le contrat de louage étant susceptible de toutes les modifications qui peuvent entrer dans les convenances des parties, aucun intérêt social ne réclamait le main- tien de l'emphytéose, comme contrat distinct du bail ordi- naire 5 ; et que, d'un autre côté, en l'absence de toute dis- position législative qui détermine, d'une manière précise, les caractères auxquels se reconnaîtrait l'emphytéose, la solution de la question de savoir si telle ou telle location constitue un bail ordinaire ou un bail emphytéotique, serait plus ou moins arbitraire et divinatoire 6.

;i Lors de la discussion sur l'art. 2118, ïronchet a formellement déclaré qu'on ne s'était pas occupé de l'emphytéose, parce qu'elle n'avait plus d'objet (Locré, Lég.t XVI, p. 2.v>3, no 3).

11 ('/est ce dont il est facile de se convaincre en recourant aux arrêts qui ont eu à statuer sur cette difficulté. Voy. Keq., 12 mars 1845, S.. 43, 1,382. Req., 9 janvier 1854, S., 54, 1, 531. Civ. rej., 24 août is:>7. S., :i7. 1, 854. Grenoble, 4 janvier 1860, S., 61, 2, 125. Req., 6 mars 1861. S., (il, I, 713. Civ. rej., 11 novembre 1861, S., 62, 1, 91. Civ. rej., 26 janvier 1864, S., 61, 1, 91. Il parait ressortir de l'examen de 1; jurisprudence de la Cour de cassation que, dans sa pensée, la modieiu du loyer ou du fermage, et l'obligation pour le preneur de l'aire des amé- liorations, sans pouvoir eu réclamerle prix à lafin du bail, constitueraien les seuls caractères essentiels et distineliïs de l'emphytéose. Mais eu se

plaçant, an point de vue législatif, on comprendrait difficilement que cei

circonstances pussent avoir [tour effet de modifier la nature de la jouissanct du preneur, et de convertir le droit purement personnel que confère m !>ail ordinaire, en un droit réel formant démembrement de la propriété,

DE LA PROPRIÉTÉ. § 224 his. 049

On doit conclure des observations précédentes que, lors- que la jouissance d'un immeuble a été cédée pour un temps seulement, fût-ce même à titre d'empliytéose, le contrat est régi par les règles du louage, à moins que les clauses de la convention ne manifestent clairement l'intention des parties d'établir, soit un droit de superficie temporaire, soit une servitude personnelle 7. Sauf ces hypothèses exception- nelles, la jouissance du preneur ne constitue qu'un droit personnel et mobilier, qui n'est pas susceptible d'hypothè- que 8, et qui ne peut former l'objet d'une action posses- soire 9.

Ces principes s'appliquent même aux emphytéoses tem- poraires établies avant la promulgation du Code Civil, avec cette restriction toutefois, que les hypothèques constituées, dès avant cette époque, sur une jouissance emphytéotique, ont continué de subsister malgré la transformation de la nature de cette jouissance.

7 Delvincourt, III, p. 185. Grenier, Des hypothèques, I, 143. Fœlix et Henrion, Des rentes foncières, 1, lett. b. p. 24 et suiv. Valette, Des privilèges et des hypothèques, I, p. 191 et suiv. Rodière et Pont, Du con- trat de mariage, I, 338. Demolombe, IX, 489 à 491 et 529. Pont, Des hy- pothèques, no 388. En sens contraire, voy. outre les autorités citées à la note 3 suprà, et les arrêts indiqués aux notes 8 et 9 infrd : Battur, Des privilèges et des hypothèques, II, 46. Duranton, IV, 80, et XIX, 268. Tro- plong, Des hypothèques, II. 405, et Du louage, I, 50; Duvergier, Du louage, 1, 142 et suiv. Pepin-Lehalleur, Histoire de ïemphytèose , p. 328 et suiv. ; Marcadé, sur l'art. 526, 3. Du Gaurroy, Bonnier et Roustain, II, 70. Déniante, Cours, II, 378 bis, IV à VI. Zacharia>, § 198, texte et note 9, et § 258, note 4 in fine.

8 Voy. en sens contraire : Paris, 10 mai 1831, S., 31, 2, 153. Req.,19 juillet 1832, S., 32, 1, 531. Douai, 15 décembre 1832, S., 33, 2,65. Civ. rej., 26 janvier 1864, S., 64, \, 91. V. suprà, note 4 bis.

9 Voy. en sens contraire : Zacharia1, § 190 a, texte* et note 2. Civ. cass., 26 juin 1822, S., 22,1,362.

050 DES DROITS REELS.

S 224 ter. Des rentes foncières d'après la législation actuelle \

Sous l'expression de rentes foncières on comprend, non seulement les anciennes rentes foncières proprement dites mais encore toutes les redevances que la loi des 18-29 cembre 1790 a déclarées rachetantes, et notamment le cbamparts 2, ainsi que les baux à percière 2 bis.

En autorisant le rachat des rentes ou redevances per pétuelles, la loi précitée ne leur enleva cependant pas 1< caractère de droits réels immobiliers, et comme tels sus ceptibles d'hypothèque 3. Elles conservèrent ce earactèr» jusqu'à la loi du 11 brumaire an VII, qui les mobilisa im plicitement en déclarant, dans son art. 7, qu'elles ne pour raient plus à l'avenir être frappées d'hypothèque. Cette mo- bilisation fut formellement consacrée par la loi du 22 fri- maire an VII * ; et l'article 529 du Code Civil ne fit que re produire à ce1 égard les dispositions du Droit intermé diaire :i.

Depuis la loi du 11 brumaire an VII, les rentes, dites fon cières % ne constituent donc pins que des créances mobiliè

1 Cpr. sur cette matière : Traité des rentes foncières, par Fœlix et lien l'ion ; 2e édit., Paris 1828, I vol. in-8.

2 Civ. cass., -28 juin (854, S., 84, i, 465.

' bis. Civ. cass.! 27 janvier et 10 mars 1868, S.. 08. 1. 103.

:; Voy, les titres V el VI decette loi .

'* L'art. 27 de la loi (lu 22 frimaire an VII porte que les rentes et autre: biens meubles seront déclarés au bureau du domicile du défunt, et Tari 69, § 2, 1 1 <lo la môme loi, assujettit au droit de 50 cent, par 100 les quittances, remboursements ou radiais dereniesèt redevances de tout' nature, et ions autres actesou écrits portant libération de sommes ou va leurs mobilières.

■'' Vby. les autorités citées à la note 16 (lu § l(i.r).

(i (les rentes étaient autrefois appelées foncières, parce que le crédi-ren lier les percevait à titre de droit-réel dans le tonds. Bien qu'il n'en soi plusainsi aujourd'hui, on leur a conservé cette dénomination, parce qu'ella

oui pour cause une concession de fonds.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 224 ter. 651

res, qui ne peuvent être frappées d'hypothèque \ ni former l'objet d'une action possessoire 8, et qui sont devenues, à partir de la même époque, prescriptibles par trente ans '. Ceux qui détenaient, lors de la promulgation de la loi lu 11 brumaire an VII, des biens grevés de pareilles ren- ies, en sont devenus débiteurs personnels par l'effet de leur mobilisation, et ils ont perdu, eux et leurs successeurs uni- versels, la faculté de s'affranchir, au moyen du déguerpis- îement, de l'obligation de les servir 10.

1 II est à remarquer que la loi du II brumaire an VII, tout en déclarant nie les renies foncières ne pourraient plus être hypothéquées à l'avenir, aissa subsister les hypothèques dont elles se trouvaient grevées, et indi- qua dans ses art. 42 et 45 les formalités à remplir, soit pour les conser- ver, soit pour les purger. Le Gode civil n'a rien innové sur ce point, et 'art. 654 du Code de procédure a mémo formellement maintenu l'effet des îypothèques établies sur des rentes, antérieurement à la loi du II bru- rnairean VII. Grenier, Des hypothèques, I, 161. Fœlix et Henrion, 91,

('IL II.

8 Voy. les autorités citées à la note 5 du § 178.

'•> Civ. cass., 3 février 1884, S.. 34, I. 326. Req.. 17 janvier 1843. S., W. I. 257. Civ. cass., 27 décembre 1848, S., 49, I, 151. Req.. 20 août

}49, S.. 49, I. 743. Req.. 4 décembre 1849. S., 50, 1,41. Agen, lljuil- et 1859, S., 60, 2, 316. Civ. cass.. 27 janvier 1868, S., 08, 1,105.

10 Tant ([lie les rentes foncières ont conservé leur caractère immobilier, îlles étaient dues par le fonds, et n'avaient pas, à vrai dire, de débiteur >ersonnel. Leur mobilisation ayant eu pour effet d'enlever aucrédi-rentier out droit dans le fonds, en y substituant une simple créance mobilière. les détenteurs des immeubles arrentés au profit desquels s'est opérée cette transformation, sont nécessairement devenus débiteurs de ces rentes, puis- ni'on ne comprend pas de créance sans un débiteur. Fœlix et Henrion (chap. prélim.. § 5, et 38), partant de l'idée que les rentes foncières ont •té mobilisées par l'effet de la loi des 18-29 décembre 1790, estiment que ?e sont les détenteurs à l'époque delà promulgation qui sont devenus éle- cteurs personnels des rentes dont se trouvaient grevés les fonds arrentés. ^eur opinion sur ce point nous parait erronée, non-seulement au point le vue du Droit positif et des dispositions formelles des titres V et VI de

loi précitée, mais encore en pure théorie, puisque la faculté de rachat iccordée pour tel ou tel droit n'entraîne par elle-même, ni l'extinction, ni a transformation de ce droit. La mobilisation des rentes foncières n'ayant .Hé opérée que par la loi du 11 brumaire an Ail, ce n'est qu'à partir de cette époque qu'elles ont été transformées en simples créances, et que les détenteurs des fonds arrentés on sont devenus détenteurs personnels.

652 DES DROITS RÉELS.

Réciproquement, ceux qui sont devenus, depuis la 1 du 11 brumaire, tiers détenteurs de biens ancieimemej

grevés de rentes foncières, n'ont plus été assujettis, par seul effet de leur détention, à l'obligation de servir ces rei tes. Sauf l'exercice de l'hypothèque privilégiée dont il i être parlé, ils ne peuvent être poursuivis, même pour L arrérages échus pendant la durée de leur détention, qu'ai tant qu'ils se sont personnellement obligés au service ( la rente ll.

La mobilisation des rentes ayant eu pour effet de tran porter aux détenteurs des fonds arrentés, le droit réel in mobilier dont le titulaire de la rente était jusque-là demeui investi, la jurisprudence a admis avec raison, en favei de ce dernier, une hypothèque privilégiée, destinée à rantir le service de la rente 12. Cette hypothèque est régi quant à sa conservation, ses effets, et son extinction, pi les règles du Droit commun ls.

Du reste, la mobilisation des rentes foncières n'a poi: enlevé aux débiteurs de celles qui avaient été créées ava: la loi des 23 novembre-lc' décembre 1790, le droit de r tenir, pour le paiement des contributions, le cinquième à arrérages de ces rentes l4.

La convention par laquelle le propriétaire d'un il meuble l'aliène à la charge d'une rente, ne constitue pa sous le Droit nouveau, un contrat d'une nature spécia

11 Fœlix cl Henrion, nos 82 et 84a. Civ. cass., H novembre 1824, 25, 1.1. Req.,24mars 18-29. S., 29, I. 162. Giv. cass., 25 août 18-29. 30, 1,338. Chamb. réun. cass., -27 novembre L835, S., 35, 1, 900.

12 Grenier, Des hypothèques, 11,331. Fœlix et llenrion, nos 91 cetsu Poitiers, -2 pluviôse an Mil. S., .f>, 2, «335. Nîmes, 23 frimaire an XI S.. (i. 2. 8-2. Civ. cass., -29juin 1813, S., L3, 1. 382. Cette jurisprudei a été législativement consacrée par différents décrets, rendus pour la m en vigueur des lois françaises dans les pays réunis. Yoy. Décrets du décembre 1808, art. 11 ; du 9 décembre 1811, art. 37 ; du l°rmars 18 art. •).

I ; Nîmes, -2 ventôse an XII, S.. 7, 2. 1232. Civ. cass.. -29 juin 1813, 13, I. 382. Yoy. aussi les arrête cités à la note M suprà.

II Loi du 3 frimaire au VII, art. 98. Yoy. sur celle retenue : Fœlil llenrion. nna 36 " H suiv.

DE LA PROPRIÉTÉ! § 224 ter. 653

Cette charge peut être attachée à tout acte d'aliénation, soit à titre onéreux, soit à titre gratuit ; ses effets se détermi- nent d'après les règles relatives au contrat par lequel elle a été établie, et d'après les principes qui régissent en gé- néral les engagements conventionnels. De résultent, en- tre autres, les conséquences suivantes :

a. Lorsque la rente a été stipulée comme prix delà trans- mission à titre onéreux d'un immeuble, le vendeur jouit du privilège établi par l'art. 2103, 1. Il peut aussi provo- quer la résolution du contrat en cas de non-paiement des arrérages de la rente, peu importe qu'elle forme la totalité ou seulement une partie du prix l:i.

Mais il ne pourrait, pour les causes énumérées aux art. 1912 et 1913, demander le remboursement d'un capital re- présentatif de la rente 16.

b. La donation d'un immeuble, faite sous la condition ou à la charge d'une rente, est soumise aux mêmes causes de révocation ou de réduction que toute autre donation oné- reuse.

c. L'acquéreur ou Je donataire d'un immeuble aliéné à la charge d'une rente ne peut, au moyen du déguerpisse- ment, s'affranchir de l'obligation de la servir. Il en est de même de ses héritiers ou successeurs universels.

*3 Cpr. Nîmes, 25 mai 1852, S., 52 2, 539.

,(i Fœlix et Henrion, no 40 f. Caen, 13 mars 1815, S., 16, 2, 287. Req., 5 mars 1817, S., 18, 1, 71. Giv. cass., 28 juillet 1824, S., 24, 1, 851. Bourges, 12 avril 1824, S., 25, 2, 254. Paris, 8 janvier 1825, S., 25, 2, 341. Nîmes, 25 mai 1852, S., 52, 2, 539. Req., 9 janvier 1865, S., 65, 1. 136. La proposition énoncée au texte ne serait pas applicable au cas le prix de vente, déterminé d'abord en capital, aurait été ultérieure- ment converti, par voie de novation, enrente constituée. Mais aussi, dans ce cas, le créancier ne pourrait demander, à défaut de paiement de la rente, que le remboursement du capital qu'elle représente, et non la résolution de l'acte d'aliénation. Cpr. § 324, texte n<> 2 et note 31 ; § 856, texte, notes 17 et 18. La circonstance que le débiteur d'une rente foncière est tombé en faillite, et que l'immeuble grevé de cette rente a été vendu, ne suffit pas pour ouvrir au créancier l'action en remboursement de son capital, le caractère propre de la rente foncière étant de n'être soumise à aucun ternie d'exigibilité pour le capital. Caen, 5 août 1874, S., 75, 2, 327.

L

654 DES DROITS RÉELS.

d. L'obligation de servir une rente se divise, entre 1( héritiers du débiteur originaire, dans la proportion de leuj parts héréditaires, de manière que chacun d'eux peut et] personnellement poursuivi pour sa part, et ne peut l'eu que pour cette part, sauf l'exercice de Faction hypothécaiî contre ceux qui se trouvent en possession des immeublî arrentés 17.

e. Le débiteur personnel d'une rente et ses successeiu universels peuvent être astreints à en passer un titre noi vel, conformément a l'art. 2263.

/'. Le tiers détenteur d'un immeuble originairement alién sous la charge d'une rente n'est point personnellement ten d'en servir les arrérages, même pendant la durée de s détention. Le crédi-rentier ne peut que le poursuivre hyjn thécairement, ou, le cas échéant, former contre lui une d< mande en résolution ou en révocation de l'acte par lequi la rente a été établie. Cette poursuite et cette action son (punit à leurs conditions d'exercice et à la prescriptioi soumises aux règles du Droit commun. Le créancier de 1 rente n'est pas autorisé à exiger du tiers détenteur la pai sa bon d'un titre nouvel ; il peut seulement agir contre h pour faire reconnaître son droit et interrompre la prescris bon des actions (fui lui compétent.

;}" La loi des 18-29 décembre 1790 a fixé le taux du m chat an denier 20 pour les rentes en argent, et au dénie 2o pour les rentes (ni nature. Les dispositions de cette 1( sont encore aujourd'hui applicables au rachat des renti créées antérieurement à sa publication ; mais elles n sauraient être étendues aux rentes d'une origine posti j'ienre.

L'art. 536 laisse aux parties la liberté de régler, aia qu'elles le jugent convenable, le taux du rachat ; et la coi ventionquile détermine ne peut être attaquée comme nsi mire. Mais si le taux du remboursement avait été exagéi au point de rendre la faculté de rachat à peu près illusoire

11 Fœlixet llciirioii, nn 'AS a.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 224 ter. 655

la clause devrait être écartée, comme tendant à éluder la disposition de la loi qui a établi cette faculté 18.

A défaut de règlement conventionnel exprès, les rentes créées postérieurement à la publication de la loi des 18-29 décembre 1790 sont, en général, rachetables au denier 20, quelles aient été stipulées payables en argent ou en na- ture111. Toutefois, et bien que la disposition delaloiprécitée, qui fixait au denier 2o le taux du rachat des rentes en na- ture, ne soit plus obligatoire, les tribunaux pourraient rap- pliquer comme formant, avec l'usage local, un élément pour apprécier l'intention commune des parties 20.

Si, contrairement à la disposition de Fart. 530, il avait été stipulé que le rachat ne pouvait avoir lieu avant un terme excédant trente années, cette stipulation ne serait frappée dinefficaeité que pour le temps dépassant les trente

années 21.

18 Duranton. IV, 157 . Fœlix et Henrion, 79 #. Taulier, If, p. 171. Du Caurroy, Bonnier etRoustain, II, 48. Demoloinbe, IV, 498.

18 Fœlix et Henrion, 194 mm. Poitiers, "21 avril 1851, S., 34, ij 1 '<5. Paris, 5 août 185 1 , S., 54, % 775. Montpellier, 29 décembre 1855, S., 57,-2, 30.

2nReq., 12 février 1866, S., (56, 1, â36. Cpr. Proudhon, Du domaine privé, I, 391 ; Marcadé, sur l'art. 550, 1 ; Demoloinbe, IX, 424 bis.

21 Arg. art. 1660. Duranton, IV, 158. Taulier, II, p. 172. Demoloinbe, IX, 150. Voy. en sens contraire : Fœlix et Henrion, 79 /'.

TITRE DEUXIEME

DES SERVITUDES

S 225. Notion et division des servitudes.

Les servitudes [sensu lato) sont des droits réels en vert desquels une personne est autorisée à tirer de la chose d'an trui une certaine utilité.

Les servitudes sont personnelles, lorsque, établies pou l'avantage individuel d'une personne déterminée, elles n sont dues qu'à cette personne, et ne constituent ainsi qu des droits temporaires ou viagers.

Les servitudes sont réelles, lorsque, imposées à un héri tage pour l'utilité ou l'agrément d'un héritage appartenajj à un autre propriétaire, elles sont dues à ce dernier comm tel, et revêtent dès lors un caractère de perpétuité.

Les premières sont désignées au Code Civil sous la d^ nomination de droits de jouissance ; les secondes y sont ap pelées services fonciers, ou simplement servitudes, art. o43

Les servitudes réelles, qui n'emportent, en général, ai eun droit aux fruits ou produits de l'héritage servant, n dégénèrent cependant pas en servitudes personnelles, pi cela seul qu'elles conféreraient exceptionnellement la joui! sauce de certains fruits ou produits de cet héritage. Ell< conservent le caractère de servitudes réelles, lorsque ci Fruits ou produits doivent profiter directement à l'héritag dominant ' bit. C'est ce qui a lieu pour les droits de mar<

1 Les rédacteurs du Gode Civil ont cm devoir écarter l'expression servitudes personnelles, dans la crainte d<> réveiller le souvenir de la dalité. .Mais c'était un scrupule exagéré, puisque personne ne pouvi se méprendre sur le sens de ce terme technique, et qu'après tout lesdroi do jouissance, constituent <1<! véritables servitudes, auxquelles s'appliqu tout aussi bien qu'aux servitudes réelles, la règle Scrvitus nunquam faciendo consista. L. I, D. de serv. (8, I). Maleville, Introduction au lit IV du livre IL Toullier, III, 384. Demolombe, \. 214. Laurent, VI, 32

1 his.\/d perception «les fruits par l'usufruitier lui-môme est un des^

DE LA PROPRIÉTÉ. § 225. 657

nage et de pacage 2, et pour celui de prendre dans un fonds la marne2 bis1 l'argile, ou le sable nécessaires à l'exploita- tion ou à l'entretien de l'héritage dominant. Et, dans le cas même le propriétaire de cet héritage est appelé à pro- fiter, pour son usage personnel, d'une portion des fruits ou produits du fonds servant, comme cela se rencontre quand il s'agit du droit de prendre dans une foret du bois de chauffage, la servitude n'en retient pas moins le carac- tère prépondérant de servitude réelle, en ce qu'elle forme un cAE&uière inséparable du fonds dominant, dont elle aug- mente la valeur, et en ce qu'elle passe comme tel à tous les propriétaires de ce fonds 3.

Les droits d'usage dans les bois étant réglés par des lois spéciales, nous n'aurons pas à nous en occuper4. Art, 536.

Par la même raison, nous ne traiterons pas davantage des droits d'usage sur les prés, marais, terrains vains et vagues '% et sur les étangs G.

Les curés et desservants sont usufruitiers des biens des

ractères substantiels de l'usufruit. C'est ce qui distingue ce droit réel du don ou du legs des fruits, autorisant le bénéficiaire à les recevoir des mains de l'héritier. Proudhon, I, 50. Salviat, I, p. 22. La concession d'un immeuble avec affectation à un service spécial, par exemple celui de l'enseignement, diffère essentiellement de la constitution d'un usufruit, elle n'est pas régie par les art. 578 et suiv. du Code civil : elle est l'acces- soire de la destination donnée à l'immeuble. Req., 24 juillet 1882, 1)., 84* 1, 183; S., 83, 1,371. Req. 23 avril 1883, 1)., 84, 1, 251 ; S., 85, 1, 373. Cpr. sur la nature du droit d'usufruit, et sur l'interprétation des clauses qui le constituent, Laurent, VI. 341 et suiv.

2 L. 1, §1, I). deserv. praed. rust. (8, 3). Code civil, art. 688. Cpr. Déniante, Cours, II, 480 bis; Demolombc, X, 757.

- bis. Civ. rej., 23 novembre 1873;, D., 75, 1, 63.

3 Cpr. § 247, texte no 1 .

* Cpr.Codeforest.,art.61 et suiv. ^et les ouvrages cités au § 25, texte no 9.

s Cpr. Loi des 20-27 septembre 1790, art. 8 ; Loi des 28 septembre-6 octobre 1791, tit. I, sect. IV, art. 8 ; Loi des 28 aoùt-14 septembre 1792, art. 5; Passez, Des portions ménagères ; Dissertation, Revue d'administra- tion, 1888. Civ. cass., 4 février 4863, S., 66, 1, 352; Caen, 31 janvier 1865. S., 65. 2, 201. En ce qui concerne la qualité du demandeur en cantonnement. Cpr. Civ. rej., 12 août 1884, D., 85, 1, 111.

G Cpr. Civ. cass., 5 juillet 1848, S.. 48, 1, 698; Caen, 31 janvier 1865, S.. 65, 2, 201 ; Dijon, 25 juillet 1866, S., 67, 2, 51.

ii 42

658 DES DROITS RÉELS.

cures7 ; les évoques ont le même droit sur les biens compo

7 La nalure du droit appartenant au curé et au desservant sur les bien des cures et sur les presbytères a été tort controversée. Il faut distinguer En ce qui touclie les biens des cures, c'est-à-dire les biens appartenan à la cure elle-même, envisagée comme personne morale, le curé ou L desservant est usufruitier. La question est résolue expressément par li décret du 6 novembre 1813 qui renvoie aux articles du Code civil rela tifs à l'usufruit (art. 6 à 13). Cpr. Ducrocq, Droit administratif IL 1329. Le procès-verbal d'installation tient lieu d'inventaire pour 1< titulaire, qui n'a point à fournir caution. Il ne peut ni opérer de eban genîent dans la nature des biens, ni en principe, consentir des bau? excédant 9 ans. La jouissance des bois doit être conforme aux régla posées par le code civil. 11 est tenu des réparations d'entretien, et il ; qualité pour intenter à ses frais les actions tendant au maintien de sor droit, mais il lui faut l'autorisation du conseil de Préfecture, si la con testation engage les droits fonciers de la cure, laquelle alors, supporte les frais du procès. Gaudry, Législation des cultes, III, 1199 et suiv. La ques- tion est plus délicate pour les presbytères appartenant aux communes, soil en vertu de l'art. 72 de la loi du 18 germinal an X (conf. deux avis du conseil d'Etat approuvés par l'Empereur en date des 3 nivôse an XI, et 2 pluviôse an XII) soil parce qu'elles les auraient bâtis ou achetés plus tard. Le curé n'est point usufruitier du presbytère. Nulle disposition légale ne lui attribue cettequalité; il est investi seulement d'un droit spécial dejouis- sanee ou d'habitation : c'est-à-dire qu'il a le droit d'être logé dans l'édi- tice communal consacré à cet usage, que son habitation ne doit pas être troublée, qu'il a enlin une action pour la faire respecter, et y être main- tenu. Loi du 18 germinal an X, article 72. Décret du 30 décembre 1809 art. 92.11 est bien à remarquer que la seule obligation imposée, quant à ce aux communes, est de fournir au curé un logement dans un presbytère, oi a défaut de logement, une indemnité équivalente. Loi du 5 avril 1884, ar I3li, n'' 11. Cpr. sur la distraction des parties superflues des presby- tères, Ordonnance 3 mars-29 août 1823. Le pure a donc uniquemen le droit d'obtenir un logement ; aussi, loin d'être astreint, comme 1< serait un usufruitier, aux charges d'entretien, n'est-il tenu que des re parations puremenl locatiyes. Décret 30 décembre 1809, art W. Décret di 6 novembre 1813, art. 13 et 21. C. c, art. 1720. 173L 1733. In/rà § 307, fi°. La jurisprudence de la jGQUT de cassation et celle du Tribuna des contl'ils sont acliiellenienl. dans ce sens. Crim. cass.. 31 mais et juin IKK2 cl dans cette dernière affaire conclusions de M. le Procureul général Marbier, S.,82, I, V8I .Crim. rej.. 10 février 188;:, S., 83, 1.28'<l Crim. cass.. 7 décembre 1883, (deux arrêts) S., 83, I, 310. Tribunal del Conflit», 13 décembre [883, et les conclusions de .M. (iomel, commissaiq

du gouvernement, lieboij, 940. Toulouse. 24 décembre 1883, p., 86,

203. Cpr. Crim. rej.. Il iiowinbre I8HUJ. S., 83, I . I II). Ep sens eonli air

Req., ifévrier 187§, I).. 7(.). |, 221. Êtyr l'ensemble de pas questions, Cprl Gaudry, op. cit., Il, B4o et suiv. Voyez aussi tribunal d'Annecy , 10 aoif

DE LA PROPRIÉTÉ. § 225. 659

sant les menses épiscopales.

1889, Journal la Loi. du 30 octobre 1881) et les autorités cités en note. Le Ministère de l'Intérieur a même soutenu, mais à tort selon nous, que la résidence des curés et desservants dans les presbytères, procédait d'une affectation administrative purement gracieuse. Cire. min. du 8 avril 18O8. Cpr. Dissertation de Ducrocq, D.,83, 2, 169. Ce système nous parait con- traire à la loi. ci il conduit à des conséquences inacceptables. Le droit au logement résulte directement pour le curé des dispositions combinées delà loi de germinal avec celles des décrets de 1809 el de {813. Il n'y a nulle analogie entre cette affectation expresse, et le simple avantage du logement dans des bâtiments publics concédé par diverses lois à certains fonctionnaires. La désignation des locaux par l'administration est toujours précaire, et elle est susceptible d'être modifiée : le fonctionnaire d'ailleurs n'est même pas tenu des réparations locatives. Si l'on acceptait le système de l'administration, l'on arriverait forcément à décider que l'affectation faite par un acte administratif pourrait être valablement révoquée par un autre acte administratif : que par suite toute contestation relative à l'affectation du presbytère appartiendrait au contentieux administratif : enfin que le curé n'aurait point d'action pour faire valoir son droit d'habitation. Per- sonne, nous le croyons du moins, ne voudrait aller jusque là. Riom, 21 août 1881,1)., 82,^2, 124. Giv. c;.>s.. 17 décembre 1884. S.. 80. 1, 205. Civ. cass.. }3 juillet 1887, S., 88, 1. 76. Arr. Cons., 29 juillet 1858, Lebon, 542 (Autorisation de plaider), Abbé Forcés et la note. Arr. Cons.; 1er juillet 1882, Lebon. 1087 et 1089. Tribunal des conflits, 18 mars 1882, Lebon. 275. La Chambre criminelle de la Cour de cassation a reconnu elle-même aux desservants et curés des droits de jouissance sut ijeneris, lesquels peuvent être sauvegardés contre les atteintes des simples particuliers. Crim. rej., 11 novembre 1882, S., 83, 1, 140. Crim. rej., 16 lévrier 1883, S., 83, 1, 284. Toulouse, 24 décembre 1885, P., 86, 2, 265. La Chambre civile accorde au curé ou desservant l'action en réintégrande ou la complainte pour sauvegarder les droits de jouissance et d'usufruit contre certains actes du maire ou du conseil municipal. Civ. cass., 17 décembre 1884, S., 86, 1, 205 ; I.)., 85, 1,289. Civ. cass., 13 juillet 1887, S., 88, 1, 76. Ce que nous avons dit quant aux droits des curés sur les biens de la cure s'applique aux droits des évoques sur les biens constituant la mense épiscopale. Décret 6 novembre 1813, art. 29. Ils en sont donc usufruitiers. Gaudry, op. cit., III, 1164 et suiv. Mais aucune loi n'attribue aux évoques un droit d'habitation dans les palais dits épiscopaux : l'art. 71 de la loi du 18 germinal an X se borne à autoriser le gouvernement à procurer aux évêques un logement convenable. D'où il suit que les décisions administratives mettant les pa- lais épiscopaux à la disposition des évêques sont purement gracieuses, et toujours révocables. Tribunal des conflits/14 avril 1883, et les conclusions de M. Chante-Grellet, commissaire du Gouvernement. Lebon, 357. Voy. en sens contraire Angers, 25 janvier 1883, D., 83, 2, 175. Cet arrêt a le tort de confondre sans cesse la situation des évêques avec celle des curés.

CHAPITRE l

lies servitudes n>ersouiielles.

Soluciîs. Code civil, art. 578 à 036. Bibliographie. Traite de F usufruit, de l 'usage et de l'habitation, par Sal- viat; Bordeaux 1817, 2 vol. in-8. Traité des droits d'usu- fruit, d'usage, d'habitation et de superficie, parProudhon ; "2e édit. annotée par Curasson ; Dijon 183G, 8 vol. in-8. Traité de l'usufruit, de l'usage et de l'habitation, parGenty ; Paris 1860, 1 vol. in-8.

I. De F usufruit.

S 226. Notion de F usufruit.

L'usufruit est un droit réel, temporaire ou viager J, qui autorise l'usufruitier à user et à jouir, comme le proprié taire lui-même a, d'une chose appartenant à autrui, à charge d'en, conserver la substance 3. Art. 578*.

1 Nous avons ajouté ces mots, qui ne se trouvent pas dans l'art. *>78, pour indiquer qu'à la différence de la propriété et des servitudes réelles, l'usufruit est, par essence môme, limité quant à sa durée,, et non trans- missible aux héritiers. Cpr. art. 617 et 619. Demolombe, X, "1*11.

8 Le projet de l'art. .v>78 portait « avec le même avantage que le pro- priétaire lui-même. » Mais, à la demande du Tribunal, ces expressions ont été remplacées par celles qui se trouvent reproduites au texte, pour l'aire ressortir la double idée, que l'usufruitier n'est assimilé au proprié- taire qu'au point de vue de la perception des fruits, et que, d'un autre côté, sa jouissance est soumise aux charges qui grèvent les fruits. Obser- vations du Tribunal (Locré, Lég., Vllf. p. 253). En ce qui touche les différences existant entre les droits du propriétaire et ceux de l'usufruitier, Y. Laurent, VI, 327 et suiv.

:l (les expressions, par lesquelles les rédacteurs du Gode ont évidemment voulu reproduire le salua rerurn substantia de la définition romaine (proe., Inst. <le usuf., "2, 4), énoncentune proposition parfaitement exacte en elle-même; mais il est permis de douter qu'elles rendent d'une nu nière complète les différentes idées que renferme la locution latine. Cpr. Demolombe, X, 226. Laurent. VI, 328. v Cpr. sur lc> similitudes cl les dissemblances qui existent entre l'usu

DE LA PROPRIÉTÉ. § 226. 661

L'usufruit peut porter sur des objets incorporels aussi bien que sur des objets corporels, sur des meubles comme sur des immeubles * &*'«, enfin sur des universalités de fait ou de droit comme sur des choses individuellement envi- sagées. Art. 581. Il pourrait même porter sur un droit d'u- sufruit 3. Mais il ne saurait avoir pour objet une servitude réelle, considérée en elle-même et séparément du fonds auquel elle est attachée *.

L'usufruit, de sa nature, suppose la possibilité d'user ou de jouir de la chose qui s'y trouve soumise, tout en en cou- servant la substance. Les choses qui se consomment par le premier usage qu'on en fait, ne sont donc pas suscepti- bles d'un usufruit proprement dit. Cependant, à l'exemple des lois romaines, notre Code admet que les choses de cette espèce, telles que l'argent, les grains, les vins, etc., peu- fruit et certains autres droits de jouissance : Merlin, Rép., Usufruit. Duranton, IV, 169 et suiv. Proudhon, \, 40 et suiv. Demolombe, X, 228 à 230 bis, Laurent, VI, 325 et suiv. Spécialement le bail à vie ne doit pas être confondu avec l'usufruit. Cpr. Proudhon, I. 98 et suiv. Toullier, III. nos 387 et suiv. Duvergier, Louage, XVIII, 89. Troplong. Louage. I, art. 1709, 24. Cham pionnière et Rigaud, Droits d'Enregist., IV, 3076. Voy. en sens contraire : Merlin, /ïc/j., vo Usufruit, §" l,n° 3. Duranton (XVII. 19) voit surtout dans cette question une difficulté à résoudre en recher- chant l'intention des parties. Cela est vrai, en tant qu'il s'agit d'établir la nature de l'acte, mais les effets de cet acte se déterminent par l'applica- tion des règles du droit. Cpr. Req., 6 mars 1861. S., 61, 1, 713. Req., le août 1867, S., 68, 1, 16. Quant au droit d'enregistrement, Civ. cass., 18 janvier 1825, S., à sa date. Civ. rej.. 21 août 1861 (Deux arrêts). S., 62,1, 315.

* bis. Une chose est susceptible d'usufruit dès qu'un possesseur peut y trouver un avantage appréciable soit dans l'ordre des intérêts matériels, par exemple un bail à ferme, Laurent, VI, Req., 49 janvier 1857, S., 59,1, 421 ; soit dans celui des jouissances de l'esprit : par exemple des collec- tions d'objets d'art, Demolombe, X,262 et 306, 379. De même, les bénéfices réalisés par le mineur en qualité de commanditaire dans une société commerciale appartiennent au titulaire de l'usufruit légal. Req.. 10 dé- cembre 1878, S.. 79, 1, 126. Infrà % 230, note 20.

« Cpr. art. 1568. Duranton, IV, 480. Proudhon, I, 33. Zachariœ, §224, texte et note 2.

c Proudhon, I, 370 et suiv. Demolombe. X, 261 bis. Zacharia1. i; 224, texte et note 3. Cpr. Salviat, I, p. 65.

662 DES DROITS RÉELS.

vent être soumises à un droit analogue à l'usufruit, et que Ton appelle quasi- usufruit. Art. 587.

Lorsque l'usufruit est indivis entre plusieurs personnes, chacune d'elles est autorisée à demander le partage des objets sur lesquels il porte ou, en cas d'impartageabilité, la licitation de leur droit de jouissance 7.

L'usufruit étant un droit réel sur la chose d'autrui, il n'existe aucune indivision entre l'usufruitier et le nu-pro- priétaire ; alors du moins que ce droit porte sur la totalité de la chose ou de l'universalité juridique qui s'y trouve soumise 8. Il en résulte que, dans le cas même les biens grevés d'usufruit seraient reconnus impartageables entre les co-propriétaires de la nue-propriété, ceux-ci ne seraient autorisés à liciter que cette dernière, sans pouvoir, contre le gré de l'usufruitier, mettre en vente la pleine propriété de ces biens '.

Que si l'usufruit ne portait que sur une quote-part des biens qui en forment l'objet, il y aurait sans doute indi- vision entre les parties, mais quant à la jouissance seule ment; chacune d'elles serait donc autorisée à demander partage des objets soumis à leur jouissance indivise, on )e cas échéant, la licitation de cette jouissance. Mais lu jlfruitier ne pourrait demander, contre les nus-propriétai •es, la Licitation de la pleine propriété, pour exercer soi usufruit sur la partie du prix proportionnelle à son droit 1( Réciproquement^ les nus-propriétaires ne seraient pas ac mis à provoquer cette licitation, contre le gré de l'tisufrtii

; Duranton, VIL 80. Dertioloiribëj W. 489. huis, lw murs iso:;. S. 65, 2, 99. Civ. càss., 18 août 1879, S.. 80. I. 181.

H L. (>, I). dereb. connu //u/ sub. lut,. (27j 0). Promllinii. I. 7. Ya/rilli Des successions, sur l'art. 8I.\ n" 7. DUvergier». De lu voile. Il, 148» D( molombe, X, 216, et XV, 190. Dufcruc, Dnpartagei 248. Eiaurent, \ 368 : VII, '.:;. Civ. mu., Il janvier 1888» S.. 90, 1, 499.

8 Demolombe, XV, 490. Laurent, Vf,368. Civ. cass», 8 décembre ISii S., 'il. \. 15. Angers, \ décembre 1862, S.. (Cl. ±. I '<:;. Metz, Il décen bre 1864, S.. 65, 2, 10. Req., 27 juillet 1869, S.. 00. I. 468. Gaen, : avril 1880. S.. 81. 1, 118. Voy. cep» art» (iluJ.

10 Proudhon, III. 1245. Duranton, VII, 80. Demolombe, XV, 489. L*1 rent, VI, 368. Paris, 1er mars 1865, S., 65, 2, 99. Civ. rej., 10 décembi 1888. s., oo. i. 497, Gpr. les observations critiques de Labbé,

DE LA PROPRIÉTÉ. § 227. 663

fier, qui offrirait de consentir à la mise en vente de la jouis- sance seulement .

§ 227. Des différentes manières dont l'usufruit prit t rtre établi.

L'usufruit est établi par la loi ou par la volonté du pro- priétaire. Art. 579.

Il peut également s'acquérir, sur des immeubles corpo- rels, par l'usucapion, soit de trente ans, soit de dix à vingt ans avec juste titre et bonne foi '.

11 Proudhon, III, 1182-4283. Laurent, VI, 368. Cpr. Giv. rej., 14 juin 4863, S., 63, I, 339. Dans l'espèce de cet arrêt, l'usufruitier avait résisté, d'une manière absolue, à la licitation, sans faire l'offre indi- quée au texte. Il est à croire que si cette offre avait eu lieu, la Cour de cassation n'aurait pas admis la demande des nus-propriétaires ten- dante à la licitation de la pleine propriété. Cette solution a été contes- tée par Labbé (sous tteq., 7 juin 1878, S., 80, 1, 145). L'application des règles du partage et des dispositions de l'art. 815 soulève toujours des difficultés lorsque la propriété de biens indivis d'une succession est démembrée en nue-propriété et en usufruit. Nous croyons devoir maintenir la doctrine énoncée au texte et à la note, sans toutefois mé- connaître la valeur des objections proposées en sens opposé. Il est en effet difficile d'admettre l'idée d'une indivision unique, existent deux droits distincts indivis entre personnes différentes. Les intérêts des nus- copropriétaires sont respectables sans douie, mais ceux de l'usufruitier ne le sont pas moins, et celui-ci peut avoir un grand intérêt à demander la mise en vente isolée de la jouissance, pour s'en rendre adjudicataire sans être obligé d'acquérir en même temps la nue-propriété. L'arrêt pré- cité de 1878, dont on a peut-être exagéré la portée, n'a rien de contraire à notre système. Il décide seulement, et avec raison selon nous, que dans le cas d'adjudication en pleine propriété d'immeubles impartageables gre- vés d'usufruit, le prix d'achat représente à la fois la nue-propriété et l'u- sufruit ; que, par conséquent, la somme revenant h chacun des intéressés ne peut être fixée que par le résultat des opérations de liquidation. (Labbé ibid.) Dans le sens de la note, Proudhon, III, 1252, 125.v>. Laurent, VI, 368.

1 En effet, l'usufruit est susceptible d'une quasi-possession, dont les effets civils sont les mêmes que ceux de la possession proprement dite. Cpr. § 177. Voy. aussi : art. 2262 cbn. 690, et art. 226") cbn. 526. Delvin- court, I, p. 348. Toullier et Duvergier, III, 393. Proudhon, II, 7ol et

1

664 DES DROITS RÉELS.

Mais l'usufruit ne peut plus, comme en Droit romain, être établi d'office par le juge, qui dépasserait ses pou- voirs, si, pour faire cesser l'indivision d'une chose com- mune, il adjugeait la nue-propriété à l'un des copartageants, et l'usufruit à l'autre 2.

Il n'existe, à vrai dire, qu'un seul usufruit légal, c'esl celui qu'établit l'art. 754 2 bis.

Quant au droit de jouissance accordé aux pères et mè- res sur les biens de leurs enfants, à celui du mari sur les biens dotaux de la femme mariée sous le régime dotal 01 sous la clause exclusive de communauté, et à celui de communauté sur les biens personnels des époux, ils n'en trament pas un démembrement de la propriété, suscepti ble d'être vendu, hypothéqué, ou saisi, séparément d( celle-ci \ et ne constituent pas dès lors des droits d'usu- fruit dans le sens propre du mot. D'ailleurs, la jouissance du mari ou de la communauté est bien moins le résulta d'une disposition directe de la loi, que celui de la conven- tion, expresse ou présumée, intervenue entre les époux {

suiv. Duranton, IV, 502. Vazeille, Des prescriptions, I, 134, 361, et 11 523. Troplong, De la prescription, II, 855. Du Gaurroy, ttonnier et Rous tain, II, 157. Domanto, Cours, II, 418 bis, IVotV. Marcadé, sur l'art. 5TS 2. Demolombe, X, 241. Laurent, VI, 338. Glasson, Bévue pratique XXXV, p. 425 et suiv. Req., 17 juillet 4810. S., 17, 1, 152. Vor. en sen contraire: Salviat, II, p. 154.

2 Arg. lo art. 579 ; 2" art. 827, 832 et 833. Toullier, III, 391. Duran Ion, IV, 489. Proudhon, I, 304. Marcadé, sur l'art. 579, n<> 2. Du Caurroy Bonnier et Rous tain, II, 156. Taulier, II, p. 296. Déniante, Cours, Il 418 bis, III. Demolombe, X, 232. Laurent, VI, 337. Voy. en sens cou traire : Maleville, sur l'art. 579. Zachariae, § 223, texte et note 2. L'arn" cité par ce dernier auteur à l'appui de son opinion (Re<[.. 21 août 1832 S., 32, I, 773), rendu dans un cas d'indivision forcée, n'a pus statué su la question.

- bu. Voy. cep. Laurent, VI, 332.

8 Cpr. § 535, texte n°2 ; § 550 bis, texte 4. C'est à tort que Zacharii (§223, texte et note Ire) range parmi les cas d'usufruit légal, le droit

jouissance accordé au mari par les art. 1530 et 1549.

'i Demolombe, X,233 à 23(1. La donation ou le legs de l'usufruit de ton les biensque le disposant laissera dans sa succession comprend ment l'usufruit des biens dont au jour de son décès il n'avait que la nue-pr(

DE LA PROPRIÉTÉ. § 228.' 66?

S 228.

De rétablissement de V usufruit par la volonté du proprié- taire.

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il 01

L'usufruit peut être établi, soit par convention, à titre onéreux ou gratuit, soit par acte de dernière volonté.

La constitution d'usufruit peut avoir lieu : purement et simplement, ou sous condition ; avec ou sans charges ; à partir d'un certain jour, ou jusqu'à une certaine époque; en un mot, avec toutes les modalités auxquelles le propriétaire juge à propos de la soumettre. Art. 580.

L'usufruit peut être établi conjointement et simultané- ment au profit de plusieurs personnes. Il peut même être constitué en faveur de plusieurs personnes appelées à en jouir successivement, les unes après les autres \ Toutefois, la validité d'une pareille constitution est subordonnée, en ce qui concerne les personnes appelées en second ou en troisième ordre, à la condition de leur existence, ou tout au moins de leur conception, soit à l'époque de rétablisse- ment de l'usufruit, lorsqu'il est constitué par acte entre vifs, soit au jour du décès du testateur, lorsqu'il est établi par testament 2.

priété, et dont l'usufruit appartenait à un tiers. Lors de l'extinction du droit de celui-ci, l'usufruit profite au légataire ou au donataire, et non pas aux héritiers du disposant. Rouen, 20 décembre 1852, S., 53, 2,353. Rennes, 19 mai 1863. Bordeaux, 16 juin 1863, S., 63, 2,263. Duranton,IX, 255. Demolombe, Donations, IV, 690. Delvincourt, II, p. 359. Prou- dhon, I, 302.

1 11 y a dans ce cas autant d'usufruits distincts, qu'il y a de personnes appelées à se succéder dans la jouissance, de sorte que l'usufruitier en second ordre tient son droit directement du constituant, et non, par voie de succession, de l'usufruitier en premier ordre. Aussi n'y a-t-il pas, en pareil cas. de substitution. Cpr. § 694, texte no 1 et note 6. Duranton, IV, 491. Demolombe, X, 246. Zacharia\. § 230, texte, notes 6 et 7. Lau- rent. VI, 354.

2 Art. 906, et arg. de cet article. Laurent, VI, 354. Cpr. Demolombe. X, 247 et 248.

666 DES DROITS RÉELS.

L'usufruit ne saurait, en principe, être constitué au pr fit d'une personne et de ses héritiers 3. Néanmoins, les ti bunaux pourraient, par interprétation de l'intention d parties ou de la volonté du testateur, considérer un parc usufruit, comme successivement établi, au profit de la pe sonne appelée en premier ordre, et de ses héritiers nés ou conçus au moment de la convention ou du décès c testateur. Art. 1121.

L'usufruit ne peut être établi en faveur d'une personi morale pour plus de trente ans 4.

3 En Droit romain, il était permis de stipuler un droit d'usufruit, ta pour soi ({ne pour ses héritiers. L. 38, § 12, 1). de V. 0. (45, 1). L'on décidait même qu'une pareille stipulation profite, non-seulement aux 1 ritiers du premier degré, mais encore aux héritiers des héritiers à to les degrés indéfiniment. Elvers, Die rômische Servituienlehre, p. 119 [ii. Ces solutions se comprenaient sous l'empircd'une législation quin' vâit limité la durée de l'usufruit, à la vie de l'usufruitier, que dans l'int rét, privé du nu-propriétaire (ne in universum inutiles estent proprietaU | I, Inst. de usuf., 2, 4), et qui, d'un autre côté, admettait la possihi! d'une séparation perpétuelle de la jouissance d'avec la propriété, j exemple au moyen delà constitution d'une emphytéoso ; mais elles so incompatibles avec l'esprit de notre législation nouvelle, que révèle bien clairement les ait. 530 et 849 , et qui, dans des vues d'ordre pub repousse le rétablissement, sous une forme quelconque, de ce que l'on a pelait autrefois le domaine utile. Demolombe, X, 248. Zacharise, § texte et note \. Laurent, VI, 354, in fine. Voy. cep. Proudhon, 1, 321 328. buranlon, IV, 4M. Taulier. 11, p. 300. '

1 La nature des droits réels en général, et spécialement Celle de sufruit, est fixée par la loi, et ne dépend pas de la volonté des parlieuliei Art. 543. l'roudhon. I, 309. On ne peut donc, par disposition ou eonv( lion, déroger a l'art. 619, tjùi limite à trente années la durée de l'u; fruit établi au profit de personnes morales. Marcadé, sur l'art. (117. Demolombe, X, 244. Zaehari;e. g 230, texte et note .r>. Laurent, VI. 38 353 : VII, 83. fcpk Menues. 29 décembre 1836, S., ft, î, 177. Req., janvier4838, S.. IIS. I, i4i. Voy. en sens contraire : l'roudhon, 1. 31

Vazeille, ùës pîkes6Hptionè, I. 3(iu2. Durantou. IV. 863. Du Càtirroy, Bi nier et ftoustain, il, 223. Taulier, IL p. 33t. toutefois 11 n'eu est pas

mémo quand il y a coneessioii d'un droit de jouissance sur un iimueiil mais avec a liée I . il ion a un service spécial (celui de l'enseignement |

exemple), relie concession n'a pas le caractère d'une constitution d'i droit d'usufruit et n'est pas soumise aux resl ridions de durée imposi

DE LA PROPRIÉTÉ. § 228. 667

Les conditions requises pour la validité des titres desti- nés à transférer la propriété, sont également nécessaires à la validité de ceux qui ont pour objet une constitution d'u- sufruit. Ainsi, par exemple, les donations en usufruit doi- vent être faites suivant la forme prescrite par l'art. 931 * bis.

Le principe de notre Droit, d'après lequel les biens se transmettent, non-seulement entre les parties contractan- tes, mais même au regard des tiers, par le seul effet des conventions, et la règle, que nul ne peut transférera autrui des droits plus solides ou plus étendus que ceux qu'il a lui-même, s'appliquent également, sous les modifications indiquées aux §§ 174 et 176, à la constitution ou à la trans- lation de droits d'usufruit.

Sous l'empire du Code civil, les actes constitutifs ou translatifs de droits d'usufruit, môme immobiliers, étaient en général efficaces à l'égard des tiers, indépendamment de leur transcription, de telle sorte que toute constitution ultérieure de droits réels sur l'immeuble grevé d'usufruit, ne pouvait être opposée à l'usufruitier. Cette règle ne rece- vait exception que dans le cas un usufruit immobilier avait été constitué ou transféré par donation entre vifs 5.

Mais l'art. 1er, 1, de la loi du 23 mars 1855 ayant sou- mis à la formalité de la transcription, tous les actes entre vifs, translatifs de droits réels susceptibles d'hypothèques, on doit conclure de cette disposition, combinée avec l'art. 2118 du Code civil, que les actes entre vifs, même à titre onéreux, ayant pour objet la constitution ou la transmis- sion d'un usufruit immobilier, ne deviennent aujourd'hui efficaces à l'égard des tiers que par leur transcription, et à dater de l'accomplissement de cette formalité ". Il en est de

aux personnes morales. Req., 24 juillet 1882, S., 85, 1, 371 ; D., 84, 1, 18.vi. Req., -28 avril 1883, S., 8o, 1, 373.

bis. Laurent, VI, 339 et suiv.

5 Gpr. § 704, texte, lett. A. Zachariae, S 224, texte et notes S à 8.

G L'art. 1er, no \} (\G \a \0\ <]u 23 mars 18.V> ne mentionne, il est vrai. <!"<' les actes translatifs de droits réels susceptibles d'hypothèques. Mais

668 DÈS DROITS RÉELS.

môme des jugements qui opèrent transmission d'un u fruit immobilier, ou qui constatent une pareille transn sion opérée par convention verbale. Loi du 23 mars 18 art. 1er, al. 3 et 4.

Les règles développées au § 209, sur la transcription I actes à titre onéreux et des jugements relatifs à la tra mission de la propriété immobilière, s'appliquant éga ment aux actes de même nature et aux jugements rela à la constitution ou à la translation d'un usufruit immo lier, nous nous bornerons à y renvoyer. Nous renverri de même au $ 704, pour tout ce qui concerne la tra user tion des actes de donation entre vifs, portant constituti ou translation d'un pareil usufruit.

La formalité de la transcription est, par la force des choses, étrangère à rétablissement de l'usufruit léj dont s'occupe l'art. 754, et à la jouissance légale des pèt et mères 7. D'un autre côté, elle ne concerne que les ae constitutifs ou translatifs d'un usufruit proprement dit. ne s'applique, ni au droit de jouissance qui appartient g communauté sur les biens personnels des époux, ni à ce qui, sous le régime dotal ou sous la clause exclusive communauté, compète au mari sur les biens dotaux de

il est évident que, dans l'esprit de la loi, colle expression comprend é lement les actes constitutifs de pareils droits. Flandin, De la tramer tion, I, 352. Mourlon, De la transcription, I, 30. Verdier, De la tra cription, I, 228. A la différence des actes constitutifs ou transi» d'usufruit, la simple réserve d'un pareil droit, de la pari du vend ou du donateur d'un immeuble, n'est pas sujette à une transcript spéciale, et serait opposable aux ayants-cause de l'acquéreur ou donateur, quand bien même, par fraude ou par erreur, la transcript de l'acte de vente OU de donation dans lequel elle aurait été stipulée, r ferait pas mention. En pareil cas, les tiers, induits en erreur par transcription incomplète, n'auraient qu'un recours en dommages-intér soit contre le notaire qui a délivré l'expédition sur laquelle la transcript a été opérée, soit contre le conservateur des hypothèques. Flandin, cit., I. 429 à 432. Voy. en sens contraire : Lesenne, De la transcripti u" 47. Laurent, VI, 351. Cpr. Rivière et François, De la transcripti n" 34. Verdier, op. cit., I, 2i7. " Flandin, op. cit., I, ^>7.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 228.

669

emme 8. Il en serait ainsi dans le cas même la cous- it ution de dot ne porterait que sur un ou plusieurs im- neubles déterminés !l.

8 On a dit, à l'appui de cette solution, que les droits de jouissance in- liqués au texte, sont, comme tout autre usufruit légal, dispensés de trans- cription d'après leur nature même. Flandin, op. cit., I, 353 et 354. Mais cette idée n'est point exacte, puisque les droits de jouissance dont s'agit îe sont que le résultat de conventions matrimoniales, fondées sur la vo- onté expresse ou présumée des époux, et que, dans le cas il existe un •ontrat de mariage, cet acte serait à la rigueur susceptible de transcrip- ion. La raison de décider est que la jouissance compétant, soit à la com- mmauté, soit au mari, ne constitue pas un véritable droit d'usufruit, sus- 'cptiblc d'être vendu, hypothéqué, ou saisi. Cette raison est d'autant plus concluante, que l'art. 1er, no 1, de la loi du 23 mars 1855 ne soumet pas îommément à la formalité de la transcription, les actes constitutifs ou ,ranslatifs d'usufruit, et ne les y assujettit qu'en tant qu'ils rentrent dans a catégorie des actes translatifs de droits réels susceptibles d'hypothèque. Voy. en sens contraire : Rivière et Huguet, Qnest. sur la transcription, nos 143 et suiv.

9 Troplong^Ite la transcription, nos 84 à 88) et Mourlon [De la trans- cription, I, 50 et 51) admettent avec nous que la formalité de la transcrip- ion n'est pas applicable au droit de jouissance appartenant à la commu- îauté sur les biens personnels des époux, par le motif que cette jouissance ie constitue pas un véritable usufruit. Ils reconnaissent également Timi- dité de la transcription quant à la jouissance qui compète au mari sur es biens de la femme, mariée sous la clause exclusive decommunauté, ou nème sous le régime dotal, lorsque la constitution de dot porte sur tous es biens présents ; ils en donnent pour raison que, dans ces hypothèses, es obligations contractées par la femme antérieurement au mariage, et notamment celles qui résultent de ventes immobilières ou de constitutions îypothécaires par elle consenties, étant susceptibles d'être poursuivies sur la pleine propriété de ses biens, le mari ne pourrait, par la transcription lu contrat de mariage, mettre son droit de jouissance à l'abri des consé- îuences de ces poursuites. Mais, partant de l'idée que, dans le cas la onstitution de dot porte sur un ou plusieurs immeubles déterminés, pré- édeinment vendus par la femme, le mari peut, par la transcription du con- nu de mariage, rendre inefficaces en ce qui concerne son droit de jouis^ sance, les ventes non encore transcrites, ces auteurs enseignent qu'il a in- érèt à accomplir cette formalité. Nous ne saurions partager cette manière le voir : le motif indiqué à la note précédente s'applique en effet, avec tout autant de force, à l'hypothèse actuelle, qu'à celles d'une constitution île dot générale, ou d'une clause exclusive de communauté. Comme nous l'avons fait remarquer, le droit de jouissance du mari sur les immeubles

670 DES DROITS HÉELS.

§ 229.

Des obligations de l'usufruitier avant son entrée en joui

sance.

L'usufruitier doit, avant son entrée en jouissance faire dresser, en présence du propriétaire, ou lui dûmdj appelé, un inventaire des meubles et un état des imineuhli sujets à l'usufruit*. Art. G00.

Lorsque les parties sont majeures, et capables dexero leurs droits, cet inventaire et cet état peuvent être fai sous seing privé. Au cas contraire, ils doivent être dreM par un notaire \ bis. Les frais de ces actes sont, engénéfli

dotaux, même spécialement constitués, n'esl pas un droit réel susceptl d'hypothèque, et ne rentre dans aucune des autres espèces de droits do la constitution ou la transmission se trouve soumise à transcription, i doit conclure do que le mari n'est pas. quant à son droit dejouissam à ranger au nombre des tiers dont parle l'art. 3 de la loi du 23 mars 1^ et que dès lors il n'est pas plus autorisé, pour taire valoir ce droit de jom sauce à exciper du défaut de transcription des actes de vente passés] la femme avant le contrat de mariage, que les tiers ne pourraient. ce rapport, lui opposer l'absence de transcription de ce contrat. Le s; lème contraire conduirait aune conséquence à laquelle on ne parait j avoir songé, c'est que les ventes consenties par la femme dans l'interi| du contrat de mariage à la célébration du mariage, seraient opposai au mari, si elles avaient été transcrites avant la transcription du conl de mariage ; conséquence qui serait en opposition évidente avec ladifl sition de l'alinéa \ de l'art. 1558. Nous ajouterons qu'il serait peu éi| table que la femme pût, en se constituant en dot des immeubles qu'elle rait précédemment vendus, paralyser, dans unecertaine mesure, leseï de pareilles ventes, par l'établissement d'un droit de jouissance qui, H que constitué en faveur du mari, n'en doit [tas moins tourner à son ;;\: tage personnel. Cpr. art. 1540. Voir cep. Laurent, \ I. 350.

1 L'usufruitier n'est tenu de l'aire dresser inventaire qu'au momenl son entrée en jouissance : postérieurement à cet, inventaire le nu-prop

taire peut, il est vrai, demander le récolement et l'estimation des objets i biliers grevés d'usufruit, nuis il appartienl aux tribunaux d'apprécié «•cite mesure doit être ordonnée. Req., ±1 mai 1883, D., Ki. 1, 272. 1 bis. Cpr. Code de procédure, art. !HI et buIv. Demolombe, X. '• Zacharia?, g 226, note Ire, Laurent, VI, 493. L'usufruitier qui doit É

DE LA PROPRIÉTÉ. § 229. 671

à la charge de l'usufruitier 2.

Le défaut d'accomplissement de l'obligation dont il vient cTêtre parlé, n'entraîne pas contre l'usufruitier la déchéance de son droit 3, et ne le soumet même pas à la restitution des fruits par lui perçus *. Cette omission n'a d'autre effet que de l'exposer à voir établir par commune renommée la consistance du mobilier non inventorié % et d'élever con- tre lui la présomption qu'il a reçu en bon état les immeu- bles qu'il n'a pas fait visiter e. Du reste, il est bien entendu

porter les frais de l'inventaire, a en général le choix du notaire. Bordeaux, 17 décembre 1879, S., 80, 2, 112. Voy. encore : Req., (motifs) 31 jan- vier 1870, S., 70, 1, 148.

2 Proudhon, II, 792. Demolombe, X. '&\bU. Si cependant l'usufruit portait sur l'universalité ou sur une quote-part du mobilier d'une succes- sion acceptée sous bénéfice d'inventaire, et qu'ainsi l'inventaire profitât à l'héritier bénéficiaire, les frais devraient en être prélevés sur les biens de la succession. Demolombe, X, 463. Duranton, IV, 493.

3 La disposition spéciale de l'art. 1442 ne saurait être étendue à l'usu- fruit proprement dit, alors même que le nu-propriétaire serait mineur. Proudhon, II, 793. Demolombe, X, 471. Zacharhe, § 226, texte in princi- pe. Laurent, VI, 500. Req., 23 février 1836. S., 36, 1, 773. Req., 17 juillet 1861. S., 61, 1,836.

'• En adoptant l'opinion contraire, on serait conduit à cette conséquence que, dans le cas même l'usufruitier n'aurait apporté aucun retard vo- lontaire à la confection de l'inventaire, il n'en serait pas moins privé des fruits dans l'intervalle de l'ouverture de son droit à la clôture de cet acte. Or, cette conséquence nous parait inadmissible, et doit faire rejeter le système qui y conduit. Malcvillc. sur l'art. 600. Duranton, IV, 593. Du- vergier sur Toullicr, III, 419, note 6. Marcadé, sur l'art. 600, 2. De- molombe, X, 470. Zacharia\ § 226, texte inprincipio. Grenoble, 27 mars 18-2 4. S., 23, 2,298. Bastia, 13 juin 1833, S., 36, 2. 183. Nimes, 3 jan- vier 1838, S.. 38, 2, 289. Dijon. 2 juillet 1842, S., 42, 2, 473. Req., 21 mars 1858, S.. 58, 1, 458. Voy. en sens contraire : Proudhon, II, 793 à 798. Laurent, VI, 501. Toulouse. 18 août 1820. S., 38, 2, 289. à la note. Toulouse, 29 juillet 1829, S., 30,2, 239.

f! Arg. art. 1415 et 15.04. Cpr. §751, texte in fine. Demolombe, X, 472. Zacharia1, §226, texte et note 3. Vov. en sens contraire : Laurent, VI, 304, 505.

6 Arg. art, 1731. Toullier, III, 421. Proudhon. II, 794 et 795. Demo- lombe, X, 479. Zachariir, loc. cit. Nancy, 28 novembre 1824, S,. 26, 2, 114. Bastia, 15 juin 1835. S.. 36. 2. 183. Voy. en sens contraire : Lau- rent, VI. 504.

672 DES DROITS RÉELS.

que l'usufruitier peut toujours être contraint, par les voie* légales, à l'accomplissement de l'obligation que lui imposj Fart. 600 7 ; et cela, dans le cas même il aurait pris pos- session des biens soumis à l'usufruit, sans opposition de h part du nu-propriétaire 8.

Si un testateur, en faisant un legs d'usufruit, avait dis- pensé l'usufruitier de dresser inventaire, cette clause ne priverait pas les héritiers, même non réservataires, de h faculté d'y procéder en présence de ce dernier, ou lui dû- ment appelé 9. Cette faculté leur appartiendrait, alors menu que le testateur aurait défendu de faire inventaire 10 ; ci l'on devrait considérer comme non avenue toute clause pénale destinée à assurer le maintien de cette défense, no- tamment la disposition additionnelle ordonnant que, si elle n'était pas respectée, le legs d'usufruit serait converti er

7 Toullier, III, 419. Proudhon, II. 794. Demolombe, X. 469. Zachariae- § 220, texteet note 2. Grenoble, 27 mars 1824, S., 23, 2, 298.

8 Civ. cass., 10 janvier 1859, S., 59, 1, 225. Gpr. Laurent, VI, 502.

9 Arg. art. 941 cbn. 930 et 909 du Gode de procédure. C'est ce qu parait généralement admis pour le cas de simple dispense. Duranton, IV 598 et 599. Demolombe, X, 473 et 174. Zachariae, g 220, texte et note .vi Laurent, VF, 497. Poitiers, 29 avril 1807, S., 7, 2, 647. Bruxelles, 18 dé- cembre 1811, S., 12, 2. 145. Bruxelles, 10 juin 1812, S., 13,2, 46. Agen 22 juin 1 sr>:>. S.. 53, 2, 569. Voy. cep. Taulier, II, p. 321. La clause por tant qu'à la lin de l'usufruit, l'usufruitier sera tenu de restituer les immeu- bles eu bon état, ne peut être considérée comme emportant la dispense d l'aire inventaire. Civ. cass., 10 janvier 1859, S., 59, 1, 22o. il a été jugi mais à tort selon nous, que l'inventaire n'était pas nécessaire, lorsqu' ne pouvait présenter aucune utilité au nu-propriétaire. Bordeaux, 2 mai 1870. S.. 77, 2, 217. Cette décision est en opposition avec les terme) généraux de l'art. 600. .Mais nous ne sautions admettre ainsi que l'en- seigne Laurent (VI, 497 à 500), que la prohibition ou la dispense de faifl l'inventaire du mobilier soient contraires à l'ordre public ; toutefois U même auteur (VI, 499), n'étend pas la même règle à l'état des immeubles soumis à l'usufruit. Gpr. en ce qui concerne l'effet du défaut d'in venlaire au point de vue de la contribution aux dettes, au cas d'usufrul universel ou à titre universel. Laurent, VII, 27.

10 Proudhon, II. 800 et suiv. Du Caurroy, Bonnieret Roustain, II. 194 Demolombe, \. 475. Zachariae, £220, note 5. Laurent, VI. 198. Gaen, •»( avni 18:»:;, s.,;>o, 2,228.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 229. 673

legs de pleine propriété ". La dispense ou la prohibition de faire un inventaire, ont seulement pour effet de mettre à la charge des héritiers les frais de celui qu'ils auraient jugé convenable de dresser. Encore de pareilles clauses ne pourraient-elles, même avec cet effet restreint, être opposées aux héritiers réservataires, si elles devaient avoir pour résultat de porter atteinte à leur réserve 19.

L'usufruitier doit, avant son entrée enjouissance, four- nir caution de jouir en bon père de famille. Art. 601 12 bis.

Tant qu'il n'a pas satisfait à cette obligation, le nu-pro- priétaire est, en principe, et sauf les modifications résul- tant des art. 602 et 603, autorisé à refuser la délivrance des objets soumis à l'usufruit 18. La circonstance que ce dernier aurait laissé l'usufruitier entrer en possession sans exiger de caution, ne le rendrait pas non-recevable à exiger ultérieurement l'accomplissement de cette obligation u.

11 Une opinion contraire a été émise au sein du Conseil d'État, lors de la discussion sur l'art. 600. Mais cette opinion, qui n'a pas été convertie en disposition législative, ne saurait être admise. De ce que le testateur qui ne laisse pas d'héritiers à réserve, eût été autorisé à donner en pleine propriété les biens dont il n'a disposé qu'en usufruit, il n'est pas permis de conclure qu'il soit également autorisé à priver l'héritier, nu-proprié- taire, de la faculté de prendre les mesures nécessaires pour la conserva- tion de ses droits : Quod potuitnon fecit ; fecit quod non potuit* Ce point une fois admis, il est évident que l'addition d'une clause pénale ne peut pas rendre efficace une prohibition destituée par elle-même de tout effet juridique. Art. 900 et 1227. Proudhon, loc. cit. Déniante, Cours, II, 441 Us, IV. Demolombe, X, 476. Laurent, VI, 498. Toulouse, 23 mai 1831, S., 32, 2, 322. Voy. cep. Maleville, sur l'art. 600; Merlin, Rép., Usu^ fruit, § 2, no 2. Agen, 3 nivôse an XIV, S., 6, 2, 111.

« Zacharia?, § 226, texte et note 4. Pau, 24 août 1835, S., 43, 1, 481, Bordeaux, 12 avril 1851, S., 51, 2, 527.

12 bis. Domat, Lois civiles, Liv. I, tit. XI, sect. IV, art. 1 et 2.

13 C'est à tort que Proudhon (II, 814) a voulu tirer de l'art. 604 une induction contraire. De ce que l'usufruitier a droit aux fruits, même avant d'avoir donné caution, il n'en résulte nullement qu'il soit fondé à exiger la remise effective des objets soumis à l'usufruit, sans avoir satisfait à cette obligation. Demolombe, X, 483. Laurent, VI, 520. Req., 22 janvier 1878, S., 78, 1, 216. Cpr. Laurent, VI, 520.

*♦ Salviat, I, p. 112 et suiv. Proudhon. II, 815. Demolombe, X, 484. Laurent, VI, 520.

n 43

674 DES DROITS RÉELS.

Mais le retard de donner caution ne prive pas l'usufrui tier de son droit aux fruits à partir du moment ils lu sont dus, d'après les distinctions qui seront indiquées ai paragraphe suivant. Art. 604 u btit

Les règles générales exposées au § 425, sur la matièn dont toute personne, légalement tenue de fournir une eau tion, doit satisfaire à cette obligation, s'appliquent spécia lement à l'usufruitier. Il peut donc remplacer la caution soit par un gage, soit par d'autres sûretés équivalentes telles que le dépôt à la caisse des consignations, d'un( somme d'argent ou d'une inscription de rente 15. Mais il n< serait pas admis à offrir, en remplacement d'un cautionne ment personnel, une constitution hypothécaire, même sui des biens libres 16.

14 bis. Cpr. Laurent, VI, 521 et suiv.

15 Art. 2041, et arg. de cet article. Cpr. § 425, texte in fine. Salviat, I p. 140. Duranton, IV, 003. Marcadé, sur l'art. 003, 1. Taulier, II, p 322. Du Caurroy, Bonnier et Roustain, 11, 190. Troplong, Du cautionne ment, 592. Ponsot, Du cautionnement, n<> 380. Demolombe, X, 505 Zacharhe, § 220, texte et note 8. Laurent, VI, 507. Cpr. Civ. rej., 1' mars 1835, S., 30, 1, 855. Voy. en sens contraire : Proudhon, II, 848.

'•L'hypothèque, dont la complète efficacité est subordonnée au renou vellement décennal de l'inscription prise pour sa conservation, et qui, d'ui antre côté, est soumise à de nombreuses causes d'extinction, ne présente rait pas au nu-propriétaire une sécurité aussi entière, aussi exempte chances de perte, que la constitution d'un gage. Salviat, Ponsot, Du Caui roy, Bonnier et Roustain, opp.et locc. cilt. Proudhon, II, 847. Zacharia § 220, texte et note 8. Laurent, VI, 508. Arg. Ilcq., 10 juillet 1845, S., 45,' 817 (rendu en matière de surenchère). Voy. en sens contraire : Toullier III, 422. Duranton, Marcadé, Taulier, Troplong, Demolombe, opp. et loct citt. Limoges, i 2 mars 1851, S. ,51, 2, 330. Civ. rej., 7 août 1882, S., 82, 457 et les conclusions de M. l'avocat général Desjardins conformes à c< arrêt. L'on ne saurait méconnaître que l'opinion indiquée au texte et d veloppéeen la présente note soit d'une extrême rigueur, et peut-être d< passe-t-elle la volonté du législateur. La garantie offerte par une hypi thèque sur un immeuble est généralement égale, sinon supérieure à cell qui résulte de la caution mobilière, et il n'est point difficile au nu-propru taire de conserver son droit hypothécaire en observant les formalités gales. L'on ne saurait d'ailleurs, selon nous, assimiler au cas l'usufru tier ne trouverait, pas de caution, celui il peut oiïrir une garantit1 pi hypothèque, et dès lors, il n'y a pas lieu d'appliquer à ce dernier cas l< dispositions des art. 002 <■! 603,

DE LA PROPRIÉTÉ. § 229. 675

La caution offerte doit présenter une solvabilité suffi- sante pour répondre, d'une part, de la valeur intégrale du mobilier, et, d'autre part, du montant des dégradations que l'usufruitier pourrait commettre sur les immeubles 17. C'est d'après les mômes éléments que se fixe la somme à cou- vrir parie gage, que fournirait l'usufruitier en remplace- ment de caution.

Lorsque l'usufruitier se trouve dans l'impossibilité de donner, soit une caution, soit un gage ou une autre sûreté équivalente, les art. 602 et 603 prescrivent, pour la conci- liation de ses droits et de ceux du nu-propriétaire, les me- sures suivantes :

a. Les immeubles sont donnés à bail sous des conditions de nature à offrir pleine garantie au nu-propriétaire, notam- ment pour l'exécution des réparations d'entretien ; et ils peuvent même, le cas échéant, être soumis à la gestion d'un séquestre, chargé de faire ces réparations et de re- mettre à l'usufruitier l'excédant des loyers ou fermages 18.

b. L'argent comptant est employé en achat de rentes sur l'État, ou en placements sur particuliers avec garantie suf- fisante. Si, malgré les précautions prises d'accord entre les parties, la créance venait à se perdre, sans la faute de l'une ni de l'autre, le nu-propriétaire supporterait la perte du capital, et l'usufruitier celle des intérêts 19.

c. Les denrées sont vendues, et le prix en est placé con-

11 Salviat, 1, p. 127. Proudhon, II, 819 et suiv. Duranton, IV, 602. Marcadé, sur l'art. 601, 1. Demolombe, X, 502. Laurent, VI, 506. Gpr. cep. Taulier, II, p. 322.

18 Gpr. Salviat, I, p. 145. Proudhon, II, 836. Demolombe, X,507. Lau- rent, VI, 522. Turin, 29 août 1807, S., 7, 2, 713. Gpr. Req., 8 novembre 1881, D., 83, 1,174.

19 Chacun des intéressés doit, en effet, supporter la perte de la créance dans la proportion de son droit sur la créance perdue. Demolombe, X, 508. Gpr. cep. Duranton, IV, 606. Laurent, VI, 524. Les sommes d'argent représentant les créances remboursées à l'usufruitier qui n'a pas trouvé de caution doivent être placées par lui : si les juges du fait ont le droit de désigner sous ce rapport un emploi déterminé, ils ne peuvent sou- mettre l'usufruitier à subir le concours d'une tierce personne, chargée de l'assister dans ces opérations. Req., 8 novembre 1881, D.,83, 1, 174.

676 DES DROITS REELS.

formément à ce qui vient d'être dit pour l'argent comp- tant 20.

d. Quant aux meubles qui, sans se consommer, se dété- riorent peu à peu par l'usage, le nu-propriétaire peut, pour se décharger de L'obligation de les tenir à la disposition de l'usufruitier qui offrirait ultérieurement de fournir caution, exiger qu'ils soient vendus, et que le prix en soit placé comme celui des denrées. Mais cette faculté ne le prive pas du droit de conserver ces objets en nature, et de celui de les retenir tant que l'usufruitier n'aura pas donné caution, sans même être obligé de payer à ce dernier les intérêts de leur valeur estimative sl. Du reste, quel que soit le parti auquel s'arrête le nu-propriétaire, les tribunaux peuvent, à la demande de l'usufruitier, ordonner, suivant les cir- constances, qu'une partie des meubles nécessaires à son usage personnel, lui soit délivrée sous sa simple caution juratoire de les représenter à l'extinction de l'usufruit"1 bis.

Par exception à la règle qui soumet tout usufruitier à l'o- bligation de fournir caution, l'art. 001 en dispense le ven- deur ou le donateur sous réserve d'usufruit ; et cette excep- tion doit être appliquée à toute personne qui, en aliénanl une chose à un titre onéreux quelconque, par exemple, pai

8,1 Laurent, VI,523. Si l'usufruit portait sur un fonds de commerce, il aurait lieu de procéder, non pas seulement à la vente des marchandises qu le composent, mais encore à la cession du fonds lui-même. Gpr. § 236 lexle no 2.

81 L'option que nous accordons au nu-propriétaire ressort bien nette meut du textede l'art. 603, qui ne dit pas, comme l'art. 602, que les meu blés dont il s'occupe seront vendus, et qui, en se bornant à laisser® nu-propriétaire la faculté d'en exiger la vente, lui reconnaît impliciteme celle de les conserver eu nature, cl par suite le droit d'en refuser la déli vrance à l'usufruitier tant que celui-ci, faute de donner caution, n'aur pas rempli la condition sous laquelle il peut exiger cette délivrance. Nou ne pensons même pas que le nu-propriétaire doive en pareil casa l'usu fruitier, les intérêts de la valeur estimative des meubles non délivrés, puù quec'est bien moins à titre de jouissance qu'à titre de dépôt qu'il les cou serve, et que, d'un jour à l'autre, il pourra être tenu de les extrader su L'offre de donner caution. Cpr. en sens divers : Salviat, I, p. 141. Prou dhon, 11,841. DuCaurroy, Bonnier etRoustain, H, 198. Demolombe, X lit! à 518. Laurent, VI, 523 et 584. 24 bis. Laurent VI, 523.

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DE LA PROPRIÉTÉ. § 229. 677

échange ou par dation en paiement, s'en est réservé l'usu- fruit ". Mais elle ne saurait être étendue à l'acquéreur ou au donataire de l'usufruit d'un bien dont le vendeur ou le donateur s'est réservé la nue-propriété 23.

L'art. 601 accorde, en second lieu, la dispense de fournir caution aux pères et mères ayant la jouissance légale des biens de leurs enfants. Cette dispense ne s'applique, nia l'usufruit constitué, par convention ou par testament, au profit du père ou de la mère, sur les biens de leurs en- fants 3*, ni à celui que leur confère l'art. 754, sur les biens dévolus aux collatéraux avec lesquels ils se trouvent en con- cours 2S.

Enfin, et en troisième lieu, le mari est, sous le régime dotal, dispensé, de plein droit, de fournir caution à raison de la jouissance des biens dotaux ; et cette exception doit également recevoir application sous la clause simplement exclusive de communauté 26.

La dispense de fournir caution peut aussi être accordée par le titre constitutif de l'usufruit. Art. 601. Il est, en effet, permis à toute personne qui établit un usufruit à titre oné- reux ou gratuit, d'affranchir l'usufruitier de cette obliga- tion ; et ce, dans le cas même les biens sur lesquels porte l'usufruit formeraient l'objet d'une réserve hérédi- taire ou d'un droit de retour conventionnel 27. Une pareille

22 Du Caurroy, Bonnier et Roustain, II, 196. Demolombe, X, 490. Lau- rent, VI, 514.

23 Duranton, IV, 610. Duvergier sur Toullier, III, 422, notée. Marcadé. sur l'art. 601, no 1. Du Caurroy, Bonnieret Roustain, 11, 196. Demolombe, X, 491. Zachariœ, § 226, note 13. Laurent, VI, 512. Voy. en sens con- traire : Proudhon, II, 830.

2* Maleville, sur l'art. 601. Salviat, I, p. U7. Proudhon, 11, 828. De- molombe, X, 488. Zachariae, § 226, texte et note M. Voy. en sens con- traire : Delvincourt, I, p. 364 et 365. Cpr. Laurent, VI, 510.

2:5 Cpr. § 597 bis, texte et note 7. Chabot, sur l'art. 754, n<> 4. Delvin- court, locïcit. Toullier, III, 432. Duranton, IV, 608, et VI, 257. àlanote. Demolombe, loc. cit. Laurent, VI, 510.

26 Art. 1550, et arg. de cet article. Cpr. §531. texte et note 16.

27 Cpr. § 679, texte 3 et note 6. Civ. cass., 12 mars 1862. S.. 62, 1, 413. Civ. cass., 5 juillet 1876, S., 77, 1, 345. Voy. cep. Laurent, VI. 515.

678 DES DROITS RÉELS.

dispense, qui n'a pas besoin d'être expresse, peut résulter de l'ensemble des clauses de l'acte constitutif d'usufruit 28. Si, pendant la durée de l'usufruit, il s'opère dans la po- sition personnelle de l'usufruitier, dispensé de fournir cau- tion, des changements de nature à mettre en péril les droits du nu-propriétaire, si, par exemple, l'usufruitier vient à tomber en faillite ou en déconfiture, le nu-propriétaire est, nonobstant la dispense de donner caution, autorisé à en réclamer une 29. A plus forte raison le peut-il, lorsque l'u- sufruitier commet des abus de jouissance, ou donne lieu à de justes soupçons de malversation

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88 Proudhon, II, 823. Demolombe, X, 494. Laurent, VI, 514. Bourges, 29juin 1841, S., 45, 2, 500. Bordeaux, 24 juin 1842, S., 43, 2, 36. Civ. rej., 10 janvier 1859, S., 59, 1, 225. Rennes. 12 juillet 1864, S., 64, 2, 181. Quant à la dispense de caution relativement à des objets déclarés par le testateur incessibles et insaisissables. Voy. Req., 14 mai 1849, S., 49,

1, 475. Il est aujourd'hui de jurisprudence constante que la dispense de fournir caution et de faire emploi, concédée à l'usufruitier par son titre constitutifs pour objet et pour conséquence de lui assurer la libre jouissance des valeurs comprises dans l'usufruit, suivant leur forme au moment il vient à s'ouvrir, sans que sa jouissance puisse être modifiée ou transfor- mée par des mesures conservatoires prises dans l'intérêt du nu-proprié- taire. D'où il résulte que les tribunaux ne peuvent, lorsqu'ils constatent la bonne gestion de l'usufruitier, ordonner la conversion des titres au por- teur en titres nominatifs ou le dépôt de valeurs à la Banque de France. Aix, 31 janvier 1879, S., 79, 2, 332. Civ. cass., 11 juillet 1888, S., 88, 1, 368; lievuc du notariat, no 7908 ; D., 89. 1, 463. Req., 26 mars 1889, S., 89, 1, 206 ; lievue du notariat, 8055 ; D., 89, 1, 463. Req.. 28 octobre 1889, S.. 90, 1, 53 ; I)., 90, 1, 67. Voy. encore Orléans, 1er fé- vrier 1883, D., 85, 2, 104. Voy. en sens contraire : Nancy, 21 mai 1886, S., 86, 2, 214.

M Arg. art. 1188 et 1913. Proudhon, II, 863 à 868. Demolombe, X, 497 et 498. Ponsot. Cautionnement, 409. Lyon, 15 janvier 1836, S., 36,

2, 230. Bordeaux. 9 juillet 1846, S., 40, 2, 645. Rouen, 2 février 1855. S.. 55. 2, 497. Douai, 30 décembre 1872, S.. 74, 2, 19. Aix. 31 janvier!879, S., 79, 2, 332. Voy. eu sens contraire : Genty, 189. Enchère, Valeurs mobilières, no 836. Laurent, VI, 516 et suiv. Paris, 6 janvier 1826, S., 26, 2, 231. Paris, 15 juin 1877, S., 77, 2. 181.

80 Arg. a fortiori, art. 618. Proudhon et Demolombe, hooe. dit. Nancy, 17 février 1844, S., 44, 2, 162. Req., 21 janvier 1845, S., 45. 1, 129. Caen, 19 mai 1854, S., 64, 2, 713. Toulouse, 2 juin 1862, S., 63, 2. 41. Cpr. Aix, 29 mars 1817, S., 17, 2, 163. Douai, H janvier 1848, S., 48.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 229. 679

Mais la simple transformation des objets soumis à l'usu- fruit, résultant, par exemple, soit du rachat d'une rente, soit de la vente par licitation ou par expropriation forcée d'un immeuble, ne serait pas suffisante pour autoriser le nu-propriétaire à exiger une caution 31. Il pourrait seule- ment, en pareil cas, et à supposer en outre que l'usufruitier, dispensé de fournir caution, ne présentât pas une solvabi- lité de nature à écarter tout sujet de crainte sérieuse, de- mander, soit le remploi immédiat du capital de la rente rachetée ou du prix de vente, soit l'établissement de me- sures conservatoires destinées à en garantir la restitution lors de la cessation de l'usufruit 32.

En vertu d'une disposition spéciale au cas un immeu- ble soumis à l'usufruit est exproprié pour cause d'utilité publique, l'usufruitier, même solvable, ne peut toucher l'indemnité d'expropriation qu'à charge de donner cau- tion 33. Les pères et mères ayant la jouissance légale des biens de leurs enfants, sont seuls dispensés de cette obli- gation. Loi du 3 mai 1841, art. 39.

2,437. Orléans, 1er février 4883, D., 85, 2, 404. Civ. cass., 11 juillet

1888, S., 88, 1, 368, et les arrêts cités note 28 suprà. Req., 22 octobre

1889, Revue du notariat, no 8184. 81 La dispense de donner caution équivaut do sa nature à caution ; et

comme celui qui a constitué l'usufruit a pu prévoir le rachat de la rente ou la vente de l'immeuble pour les causes indiquées au texte, rien ne prouve que, dans sa pensée, la dispense de caution dût cesser par l'effet seul de ces faits juridiques. Bordeaux, 9 juillet 1846, S., 46, 2, 45. Paris, 25 août 1848, S., 48, 2, 629. Rouen. 2 février 1855, S., 55, 2, 497. Cpr. cep. Bordeaux, 9 août 1845, S., 46, 2, 531. Aix, 12 juin 1879, S., 80. 2. 77. Yoy. en sens contraire : Besançon, 8 février 1875, S., 77, 2, 36.

32 Proudhon, II, 869 et 870. Ponsot, op. cit., 409. Demolombe, X, 500. Lyon, 15 janvier 1836, S., 36, 2, 230. Cpr. note 28 suprà, in fine.

33 Cette disposition spéciale, qui soumet l'usufruitier à l'obligation do donner caution pour toucher l'indemnité d'expropriation, sans distinguer entre le cas il est insolvable et celui il présente des garanties suf- fisantes, s'explique par la considération que l'expropriation pour cause d'utilité publique est un fait qui n'entre pas d'ordinaire dans les prévisions des parties ou du disposant. Dafïry de la Monnoye, De V Expropriation, sur l'art. 39, nos 15 et suiv. Crépon, Code de V Expropriation, sur l'art. 39, nos 30 et suiv.

680 DES DROITS RÉELS.

§ 230. Des droits de l'usufruitier.

Les dispositions légales relatives aux droits de l'usufrui- tier s'appliquent, non-seulement au cas l'usufruit est établi par la loi, mais encore à celui il est constitué, soit par convention, soit par testament. Toutefois, ces disposi- tions n'étant, dans ce dernier cas, que déclaratives de la volonté présumée des parties ou du testateur, elles sont sus- ceptibles de recevoir, par le titre constitutif de l'usufruit, des modifications plus ou moins étendues ; et c'est dès lors ce titre qu'il faut consulter d'abord pour déterminer les droits de l'usufruitier \

En l'absence de toute modification résultant du titre cons- titutif, l'usufruitier jouit des droits suivants :

Il est autorisé à demander la délivrance des objets sur lesquels porte son droit. Cependant il ne peut former cette demande qu'après avoir satisfait à la double obliga- tion de faire inventaire et de donner caution 2.

D'un autre côté, il doit prendre les objets soumis à l'u- sufruit dans l'état ils se trouvent au moment de son ou- verture 2 ôw, sans pouvoir exiger que le nu-propriétaire les mette préalablement en bon état de réparations 3 ; et i

1 Toullier, III, 403. Proudhon, II, 886. Demolombe, X, 266. Zacharia\ % 227, texte et note 4 re. Domat, Lois civiles, 1. I, tit. XI. Laurent, VI, 362. Req., U mai 4849, S., 49, 4, 475. Toulouse, 34 juillet 1858,S.,59, 2, 689.

2 Cpr. § 229, texte n<> 1 ; texte n<> 2 et note 14.

2 bis. Laurent, VI, 374, 372. Mais il peut empêcher que les objets sou- mis à l'usufruit soient modifiés dans l'intérêt exclusif du nu-propriétaire par exemple, il peut s'opposer à la vente ou à la licitation de l'immeubli grevé d'usufruit et à la conversion de son usufruit immobilier en uni jouissance sur le prix en provenant. Metz, 14 décembre 1864, S., 65, 2. 16. Il en serait autrement si la licitation était nécessaire. pour payer le? dettes. Cpr. art. 612. Infrà, $ 232, 234.

3 Cpr. L. 65, § 4, 1). de usnf. (7, 1). Proudhon, IV, 1644 et suiv. Toui- ller, III, 4-43. Duranton, III, 394. Demolombe, X, 4.r;8. Zachariœ,§ 227

DE LA PROPRIÉTÉ. § 230. 681

est tenu en outre de respecter les baux consentis par celui qui a constitué l'usufruit *. Art. 600.

L'usufruitier peut user et jouir des objets sur lesquels porte son droit, comme le propriétaire lui-même. Art. 578 4 bis.

L'époque à partir de laquelle l'usufruitier a droit aux fruits, varie suivant que l'usufruit est constitué par actes entre vifs, ou par testament. Au premier cas, le droit aux fruits s'ouvre du jour même de la constitution de l'usufruit, à moins que le titre n'ait reporté Fentrée en jouissance à une époque ultérieure ; et si, par une circonstance quelcon- que, le nu-propriétaire est resté en possession des objets soumis à l'usufruit, il doit compte à l'usufruitier des fruits qu'il a perçus depuis l'ouverture de la jouissance de ce der- nier \ Au second cas, l'usufruitier n'a droit aux fruits qu'à partir de la délivrance du legs d'usufruit, volontairement consentie ou judiciairement demandée 6. Il en est ainsi,

texte et note 2. Laurent, VI, 374. Douai, 2 décembre 4834, S., 35, 2, 29. Toulouse, 9 février 4865, S., 65, 2, 460. 4 Duvergier surToullier, III, 443, note a. Demolombe, X, 554.

4 bis. Il jouit par conséquent, de même que le propriétaire lui-même, des servitudes réelles actives existant au profit de l'immeuble grevé d'usu- fruit. Laurent, VI, 374. Il peut également acquérir un droit de servitude réelle pour l'avantage de ce fond. Proudhon, III, 1452, 4886. Salviat, 1,282.

5 Art. 604, et arg. de cet article. Cpr. § 229, texte no 4 et note 4 ; texte 2. Cpr. en ce qui concerne la détermination de l'époque à laquelle commence la jouissance de l'usufruitier : Laurent, VI, 355 et suiv.

0 Voy. § 724, texte et note 2. Néanmoins, le droit d'usufruit qui est ou- vert du jour du décès du testateur, est susceptible d'être cédé à un tiers, avant la demande de délivrance. Proudhon, I, no 393 et suiv. Laurent, VI, 356 et suiv. 11 peut y avoir lieu de distinguer spécialement en ce qui con- cerne les dispositions à cause de mort, entre l'époque de l'ouverture du droit d'usufruit, et celle en commence l'exercice effectif par la percep- tion des fruits. Ainsi, au cas de legs pur et simple d'usufruit, le droit de l'usufruitier s'ouvre du jour de l'ouverture de la succession, et il est, par conséquent, susceptible d'être cédé à un tiers : au contraire, le droit aux fruits ne commence à courir que du jour de la demande en délivrance formée soit contre l'héritier, soit contre le légataire universel pourvu de saisine. Art. 724, 4004, 1006 G. civil. Proudhon. I. nos 393 et suiv. Lau- rent, VI, 356. Voir infrà § 748.

682 DES DROITS RÉELS.

alors même qu'il s'agit d'un usufruit portant sur l'univei salité ou sur une quote-part d'une succession 7.

L'usufruitier a droit aux fruits pendants par branches o par racines au moment de l'ouverture de sa jouissance ; < ce, sans être assujetti à aucune récompense envers le ni propriétaire pour frais de labours ou de semences. Art. 58£ Si ces frais étaient encore dus à des tiers, l'usufruitier d( vrait sans doute les leur rembourser ; mais il serait e droit de les répéter contre le nu-propriétaire 8.

Abstraction faite des fruits que le nu-propriétaire pei avoir à bonifier à l'usufruitier, d'après ce qui a été dit c dessus, ce dernier n'acquiert, en fait de fruits naturels, qu ceux dont la récolte ou la séparation a eu lieu pendant ] durée de sa jouissance 9. Art. 585. Il n'a droit à aucune ir demnité à raison des fruits encore pendants par branche ou par racines lors de la cessation de l'usufruit, bien qu'il fussent arrivés à leur maturité, et qu'il eût été autorisé à le recueillir 10. Cette règle s'applique même au cas l'ust fruitier s'est trouvé, par suite de force majeure, dans lin possibilité de faire la récolte n ; mais elle cesserait de rece voir application, si l'empêchement avait eu pour cause

I En effet, un pareil legs ne constitue toujours qu'un legs à titre pari culier. Voy. § 714, texte et note 16 ; § 721, texte et note 3. Laurent, V 357.

8 Toullier, III, 402. Proudhon, III, 1150. Durautou, IV, 530. Marcad sur l'art. .*>8ô\ 4. Demolombe, X, 378. Zacharia^, § 227, texte et note Laurent, VI, 383 et suiv.

9 Voy. sur la distinction des fruits en naturels et civils, et sur la m nière diverse dont s'acquièrent les uns et les autres: § 192, texte n°3. Qua aux fruits cueillis avant leur maturité, Domat, Lois civiles, 1. 1, lit. Il, S6( 1, art. 7. Marcadé, Voy. sur l'art. 58a. Demolombe, X, 370. Laurent, Y 392 et suiv.

10 La disposition que renferme à ce sujet l'art. 590, en ce qui concen les coupesde bois, ne doit pas être considérée comme exceptionnelle, ma bien comme une application spéciale du principe posé au texte.

II Salviai, I, p. 93. Proudhon, III, 1178. Duranton, IV, l'ù\H. Marcad sur l'art. 58o, n«> 2. Demolomfee> X, 369. Laurent, VI, 393. Voy.ce Delvincourt, 1, p. 355.

DE LA PROPRIETE. § 230. 683

fait même du nu-propriétaire, ou une contestation relative î la propriété ,2.

Quant aux fruits civils, qui sont réputés s'acquérir jour par jour, indépendamment de leur échéance et du fait de leur perception, ils appartiennent à l'usufruitier dans la proportion de la durée de sa jouissance, et ne lui appar- tiennent que dans cette mesure. Art. 586. Il est du reste bien entendu que, pour les fruits civils qui ont commencé à courir depuis l'ouverture de l'usufruit, c'est à partir seu- lement du jour auquel le cours en remonte, que Fusufrui- tier y a droit dans la proportion de la durée de sa jouis- sance 13.

L'usufruitier, autorisé à user des choses soumises à son droit, peut les employer à tous les usages auxquels ils sont propres, à charge d'en conserver la substance. Sous cette restriction, il est même endroit de se servir des choses qui, tels que le linge et les meubles meublants, se détériorent peu à peu par l'usage. Lors donc qu'il les représente à la fin de l'usufruit, n'importe dans quel état, il ne doit aucune bonification pour les détériorations qui provien- draient d'un usage normal et régulier, et ne répond que de celles qui auraient été occasionnées par son dol ou par sa faute 14. Mais lorsqu'il ne les représente pas, il en doit payer la valeurau moment de l'ouverture de l'usufruit, à moins de justifier de leur perte totale par cas fortuit v\

12 Duranton, IV, 558. Demolombe, loc. cit.

13 Les fruits civils qui, aux termes de l'art. 586, s'acquièrent jour par jour, ne peuvent, en effet, s'acquérir que du moment l'obligation, en vertu de laquelle ils sont dus, a pris naissance. Dumoulin, Coût, de Paris, tit. I, § 1, glose 4, no 52, t. I, col. 70. Proudhon, II, 923. Duranton, IV, 5.39. Demolombe, X, 380. Laurent, VI, 394 et suiv. Cet auteur critique vivement la disposition de l'art. 586. Cpr. Paris, 22 juin 1865, S., 65, 2, 329.

14 Domat, Lois ciuiles, liv. I, tit. XI, sect. IIF, art. 3. Proudhon, III, 1058 à 1060. Demolombe, X, 302. Cpr. Laurent, VI, 403 et suiv.

15 C'est ce qui résulte de la discussion au Conseil d'État et de la sup- pression, opérée à la suite de cette discussion, d'une disposition d'après laquelle l'usufruitier était dispensé de représenter les choses qui se trou- vaient entièrement consommées par l'usage (Locré, Lég., VIlI^p. 238,

684 DES DROITS RÉELS.

Art. 589 16.

C'est en vertu de son droit d'usage que l'usufruitier ci autorisé à chasser et à pêcher, comme le propriétaire lui même, sur les terrains soumis à l'usufruit, et dans les eau la pêche appartient à ce dernier 17.

Le droit de jouissance de l'usufruitier porte, tant sur le produits qui par eux-mêmes constituent des fruits naturel ou civils, que sur les émoluments auxquels la loi attribu le caractère de fruits. Mais, en général, et sauf les cxccj tions qui seront ci-après indiquées, il ne s'étend pas ai delà. A ces propositions se rattache l'explication des ar 588, 590 à 594, et 598 " bis.

a. L'usufruit d'une rente viagère donne à l'usufruitier droit d'en percevoir les arrérages pendant la durée de s jouissance, sans être tenu d'en restituer une portion que conque, dans le cas même cette rente, constituée surs

13). Dolvincourt, I, p. 349 et 350. Proudhon, loc. cit. Marcadc, si l'art. 589. Demolombe, X, 302 bis, Cpr. cep. Dii Caurroy, Bonnier Roustain, II, 172.

16 Les art. 950, 1063 et 1566 ne contiennent que des applications la règle posée par l'art. 589. Cpr. § 699, texte in fine, et note 14 ; § 54 texte no 3, lett. a. p. Mais il en est autrement de l'art. 453, qui rend 1 pères et mères virtuellement responsables de la perte, même arrivée p cas fortuit, des meubles qu'ils ont conservés en nature. Voy. § 550 b texte 6, in fine.

17 Cpr. § 201 texte no 1 et note 3. Merlin, Rêp., \o Chasse, § 3, no Salviat, I, p. 265 etsuiv. Duranton, IV, 285. Proudhon, III, 1209 et 121 Demolombe, X, 333 et 335. Gcnty, 144. Laurent, VI, 381. Chenu, Cha et Procès, p. 85.

17 bis. L'usufruitier d'actions industrielles peut percevoir les intérêts les dividendes de ces actions, mais il n'a aucun droit sur la partie < bénéfices annuels d'une société retenue aux termes des statuts pour mer un fonds de réserve destiné à durer autant que la société clle-mên et à être réparti entre les associés lors de la liquidation. Massé. Dr commercial, II, 1406. Laurent, VI, 402 et, 427. (av. rej., S février 181 I).. 90, 1, 300. I) n'a que la jouissance des actions et parts d'intér préemptées par la société et réparties entre elle et les associés. Ces valei en effet l'ont partie du capital, et à ce titre, elles appartiennent au nu-p prié taire : il en est de môme des primes de remboursements d'actions échi par l'effet du tirage. Req., 14 mars 1877, S.. 78, I. 5, et le note de LaW Quant aux revenus d'un établissement industriel. Voy. Laurent, VI. 4(

DE LA PROPRIÉTÉ. § 230. 685

tête, viendrait à s'éteindre avec l'usufruit lui-même 18. Art. 588.

Une solution analogue doit être admise pour le cas l'usufruit est établi, soit sur un autre usufruit, soit sur un droit de bail à ferme. L'usufruitier d'un usufruit n'est donc pas tenu de restituer les fruits qu'il a perçus 19, ni l'usufrui- tier d'un bail à ferme, les produits obtenus par l'exploita- tion de ce bail 20.

18 Voy. sur les controverses qui s'étaient élevées à ce sujet dans notre ancien Droit : Marcadé, Iievue critique, 1851, I, p. 444. Demolombe, X, 327. Laurent, VI, 424.

10 Art. 1568, et arg. de cet article. Cpr. L. 7, § 2, D. de jur. dot. (23, 3). Delvincourt, I, p. 350 et 331. Toullier, III, 417. Proudhon, I, 154. Demolombe, X, 329. Laurent, VI, 425.

20 Proudhon, I, 367. Zachari», § 227, note 12. Laurent, VI, 379. Mont- pellier, 13 mars 1856, S., 57, 2, 695. Req., 19 janvier 1857, S., 59, 1, 421. Voy. en sens contraire : Duranton, 111,372. Demolombe, X, 330. Caen, 23 mai 1868, S., 69, 2, 18. Au soutien de leur manière de voir, ces auteurs disent que, dans un bail à ferme, ce sont les fruits à recueillir par le fermier qui forment la substance de son droit, qu'ainsi l'usufruit établi sur un pareil bail a pour objet ces fruits eux-mêmes, d'où la con- séquence ultérieure que, déduction faite des fermages par lui payés et de ses impenses, l'usufruitier est tenu de restituer le surplus du produit des récoltes, et n'est autorisé à retenir que le revenu qu'il s'est procuré au moyen de cet excédant. Mais le point de départ de cette argumentation est, à notre avis, erroné. De ce que le droit du fermier se résout en une perception de fruits, ce n'est pasune raison pour en conclure que les fruits à percevoir forment la matière de son droit, dont l'objet ne consiste réel- lement que dans une prestation, c'est-à-dire dans l'accomplissement de l'obligation incombant au bailleur de le faire jouir paisiblement de la chose louée pendant toute la durée du bail. La distinction qu'on voudrait établir, au point de vue qui nous occupe, entre les émoluments d'un usu- fruit et les produits d'un bail à ferme, serait d'autant moins rationnelle, que si l'usufruit constitue un droit réel, tandis que le bail ne confère au fermier qu'un droit personnel, le droit de l'usufruitier ne s'en résout pas moins, tout aussi bien que celui du fermier, en une simple perception de fruits. Nous terminerons en faisant remarquer que les arrêts cités par M, Duranton en faveurde son opinion (Lyon, 26 avril 1822, S., 23, 2, 281 ; Ct Civ. rej., 7 mars 1824, S., 25, 1, 125), ont été rendus dans une espèce il s'agissait, non pas d'un bail, mais d'un achat de coupes de bois, dont la valeur constituait un véritable capital, aux intérêts duquel devait se borner le droit de l'usufruitier.

686

DES DROITS REELS.

Mais il n'en serait plus de même, si l'usufruit portai sur des annuités ou des redevances périodiques, stipulées pour un temps seulement, et constituant ainsi de véritables capitaux ; dans ce cas, l'usufruitier n'aurait droit qu'au) intérêts de ces annuités ou redevances 21.

b. Les droits de l'usufruitier sur les forêts, les pépinières et les arbres fruitiers, ou autres arbres isolés, se détermi nent d'après les règles et les distinctions suivantes :

Lorsque l'usufruit porte sur des bois taillis, qui naissen et renaissent périodiquement, plusieurs fois durant la vi( de l'homme, les coupes à faire de ces bois constituent d< véritables fruits, et l'usufruitier est toujours autorisé à i procéder, peu importe que ces taillis aient été aménagés ou qu'ils ne l'aient pas été. Au premier cas, ildoitobser ver l'aménagement qu'il trouve établi au moment de l'ou- verture de l'usufruit, lors même que cet aménagemen n'aurait encore été réalisé que pour une partie de la fo rêt 22. Au second cas, il doit en général se conformer, pou] le mode d'exploitation, à l'usage suivi par le propriétaire qui a constitué l'usufruit. Que si le mode d'exploitatior pratiqué par ce dernier avait été abusif, l'usufruitier de vrait suivre l'usage observé par les précédents propriétai res. Enfin, en l'absence d'usage spécialement établi parles propriétaires delà forêt soumise à l'usufruit, il aurait à se conformer à l'usage général des propriétaires possédant dans la même région, des fonds de même nature 2S. Art

51 Demolombe, X, 330 bis. Laurent, VI, 425. Rouen, 49 juillet 1837, S. 39, 2, 120.

22 Laurent, VI, «1. Paris, 22 juillet 1812, S., 12, 2, 401.

23Cpr. en sensdivcrssurles propositions énoncées au texte : Proudhon 111, 1109 à 1174. Duranton, IV, 846 a 5B0. Taulier, II, p. 303 et 304 Du Caurroy, Bonnier et Roustain, II, 173 et 174. Demolombe, X, 390 i 394. Laurent, VI, £32. Notre interprétation de l'art. 590 est fondée su cette idée que le législateur, en disant : « l'usufruitier est tenu d'observé « l'ordre et la quotité des coup es, conformément à l'usage constant </<• « 'propriétaires », a sans doute voulu principalement désigner, sous cet! dernière expression, les propriétaires mômes de la forêt soumise à l'usu fruit, mais qu'il n'a pas entendu les indiquer d'une manière exclusive comme il l'a l'ait dans l'art. 591, en se servant des termes : les ancien

DE LA PROPRIETE. § 230. 687

590, al. 1. L'usufruitier a le droit de prendre, dans les tail- lis, les chablis, les arbres morts ou coupés en délit, bien que l'époque de leur coupe ne soit point encore arrivée u. Mais il n'est pas, en général, autorisé à exploiter les bali- veaux, soit anciens, soit modernes, réservés lors des coupes du taillis 26. Cette règle ne reçoit exception qu'au cas les anciens propriétaires étaient eux-mêmes dans l'usage constant de couper, à des époques périodiques, un certain nombre de ces arbres 26.

A la différence des taillis, les bois de haute futaie sont, en principe, à considérer comme un capital placé enréserve par le propriétaire, et ne donnent des revenus périodiques, assimilables à des fruits, qu'autant qu'ils ont été mis en coupes réglées. C'est dans cette hypothèse seulement que l'usufruitier est autorisé à les exploiter, en se conformant d'ailleurs à l'aménagement établi par les anciens proprié- taires. Art. 591 i\ En l'absence d'aménagement, il lui est

propriétaires. Les juges du fait peuvent décider que si l'usufruitier n'a pas observé l'ordre et la quotité des coupes, il peut y avoir compensation entre les coupes l'usufruitier a dépassé le nombre des arbres qu'il avait le droit d'abattre et les coupes ce nombre n'avait pas été atteint. Req., 23juin 1868, S., 69, 1, 32. Cpr. Laurent, VI, 432. Quant aux arbres d'une avenue, Req., 1er avril 1835, S., 36, \, 155.

84 Arg. a contrario, art. 592. Proudhon, 111, 1176. Taulier. II, p. 306. Demolombc, X, 398. Cpr. Req., 21 août 1871, S., 71, 1, 144.

26 Proudhon, III, 1186 à 1190. Demolombe, X, 420 bis. Agen, 14 juillet 1836, S., 36, 2, 570. Req., 14 mars 1838, S., 38, 1, 741. Sauf le cas ces baliveaux nuiraient aux récoltes ou au taillis mais en tenant compte de leur valeur au nu-propriétaire à la fin de l'usufruit : c'est une conséquence de l'obligation de jouir en bon père de famille. Demolombe, X, 419. Cpr. Laurent, VI, 433.

26 Orléans, 14 juin 1849, S., 49, 2, 531. Cpr. Riom, 19 juillet 1862, S., 63, 2, 29.

27 Req., 14 mars 1838, S., 38. 1, 741. Req., 16 décembre 1874, S., 75, 1, 265. Angers, 28 novembre 1878, S., 80, 2, 263. Les difficultés qui pourraient s'élever sur le point de savoir si tels ou tels actes d'exploita- tion constituent ou non une mise en coupe réglée, ne nous semblent pas de nature à être résolues au moyen d'une règle absolue. Le principal ca- ractère auquel se reconnaît une véritable mise en coupe réglée, se trouve, à notre avis, dans la circonstance que le propriétaire a entendu se créer,

()SS DES DROITS RÉELS.

généralement interdit de toucher aux bois de haute futaie et il ne lui est pas même permis de s'approprier, soit le arbres arrachés ou brisés par accident, soit les arbres morts La loi lui accorde cependant la faculté de les employer au réparations dont il est tenu 27 àis, et môme celle d'abattr les arbres nécessaires pour cet objet, à charge d'en fair constater la nécessité avec le nu-propriétaire. Art. 592 28 Elle lui accorde également le droit de prendre, dans le futaies non aménagées, des échalas pour les vignes faisan partie du domaine soumis à l'usufruit ; et cette dispositioi doit s'étendre aux tuteurs destinés à soutenir les arbre fruitiers 29. Art. 593.

Du reste, l'usufruitier d'une foret, soit de taillis, soit di futaie, aménagée ou non aménagée, est autorisé à y exer cer le parcours et la glandée, et à y recueillir les fruits e les produits périodiques des arbres. Art. 593.

L'usufruitier d'une pépinière est en droit d'extraire le

par l'exploitation telle qu'il l'a pratiquée, un revenu régulier et périodique Cpr. Proudhon, III, 1483. Demolombe, X, 409. Laurent, VI. 434 à m 440 etsuiv. Riom, 19 juillet 1862, S., 63, 2, 29.

27 bis. C'est-à-dire pour les réparations d'entretien, et non pour le grosses réparations dont il n'est pas tenu aux termes de l'art. 592 Toulouse, 23 mai 1881, S., 81, 2, 141. Cpr. Laurent, VI, 441 et suiv. c les critiques qu'il formule. Le môme principe doit s'appliquer aux répl rations nécessaires aux usines, Massé, Droit commercial, II, 1408. Denu lombe, X, 411. Cpr. Orléans, 14 juillet 1849, S., 49, 2, 591;

28 Orléans, 14 juillet 1849, S., 49, u2, 591. Il résulte des dispositions d cet article que l'usufruitier ne pourrait plus, comme l'y autorisait la 1( \"2,proe. D. de usuf. (1, 7), employer les chablis à son chauffage, ni, plus forte raison, couper pour cet objet des arbres sur pied, ainsi que Ici saignaient plusieurs de nos anciens auteurs de Droit coutumier. Denu lombe, X, 413 et 415 ter. Laurent, VI, 443. L'usufruitier qui a mal à pi pus coupé une futaie doit indemnité au propriétaire, du jour môme il 1 coupée, et non à la fin de l'usufruit. Salviat, I, p. 254. Demolombe, 1 410 bis. Duranton, IV, 562. Laurent, VI, 440. Bourges, 15 juillet 1873,av< Req., 16 décembre 1874, S., 75, 1, 265. Voy. en sens contraire : llenn quin, Traité de législation, p. °2(.W. Delvincourt,l,p. Slu2. Paris, 1°2 déeen bre 1811, S. Chr. Sauf, bicncnlendu le droit du nu-propriétaire de demai der la déchéance, en cas d'abus manifeste de jouissance de la part i l'usufruitier.

29 Demolombe, X, 411. Laurent, VI, 444.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 230. 689

sujets qu'on peut en tirer sans la dégrader, à la charge de se conformer à l'usage des lieux pour leur remplacement. Art. 590, al 2.

Les arbres fruitiers, autres que ceux qui croissent spon- tanément dans les forêts 30, appartiennent à l'usufruitier, lorsqu'ils meurent ou qu'ils viennent à être arrachés ou brisés par accident, à charge d'en opérer le remplacement. Art, 594. Cette disposition semble devoir s'appliquer, par analogie, aux arbres isolés que Ion est dans l'habitude d'é- laguer ou d'émonder périodiquement, tels que les saules et les peupliers 31.

c. Pour déterminer les droits de l'usufruitier sur les mi- nes, minières, carrières et tourbières qui se trouvent dans le fonds soumis à l'usufruit, il faut, suivant l'art. 598, dis- tinguer l'hypothèse l'exploitation a déjà commencé et l'hypothèse contraire132.

L'usufruitier a le droit de jouir, comme le propriétaire lui-même, des mines, minières, carrières et tourbières en exploitation lors de l'ouverture de l'usufruit. Ainsi, lors- qu'il s'agit d'une mine proprement dite, concédée au pro* priétaire du sol, il est autorisé à en continuer l'exploitation^ sans avoir besoin d'une nouvelle concession 33. Que si la

30 Proudhon, III, 417o et i 190. Demolombe, X, 4:25. Cpr. Angers. 8 mars !866, S., 67, 2, 21.

31 Salviat, I, p. 252. Taulier, II, p. 307. Yoy. cep. Demolombe, X, 424.

32 La question de savoir si l'exploitation est à considérer comme étant ou non commencée, est une question de fait et d'intention. Cpr. à cet égard : Proudhon, III, 1206. Demolombe, X, 432. Laurent, VI, 449, (qui donne de longs développements à cette idée de l'élément intentionnel.) Lyon, 1er juillet 1840, s., 44, % 34. Lyon, 24 mai 185;-*, S., 54, t, Irll. Lyon. 7 décembre 18(5(5, S., (57, 2, (5. Quid du cas l'exploitation se trouvait suspendueau moment de l'ouverture de l'usufruit? Yoy. Bordeaux, 10 mars 18(55, S., 66,2, 7.

33 Suivant la législation en vigueur à l'époque le Gode civil a été dé- crété, les concessions de mines étaient purement personnelles, et les suc- cesseurs des concessionnaires n'étaient admis à continuer l'exploitation ({n'en vertu d'une autorisation spéciale du gouvernement. Yoy. arrêté du 3 nivôse an VI. C'est à cette législation que se réfère la disposition finale de l'art. 598, qui est devenue sansobjet depuis les changements introduits

«90

DES DROITS RÉELS.

mine avait été concédée à un tiers, il aurait le droit de pe] cevoir la redevance due parle concessionnaire3'.

L'usufruitier au contraire n'a, comme tel, aucun droit su les mines non encore ouvertes au moment de son entrée e jouissance. Si donc il venait à obtenir la concession d'un mine comprise dans un terrain soumis à l'usufruit, il n pourrait l'exploiter, en qualité de concessionnaire, qu' charge de payer au propriétaire du sol la redevance qui lu est due ; et si la concession avait lieu au profit d'un tiers ce serait au nu-propriétaire, et non à l'usufruitier, que re viendrait cette redevance 3\ Ce dernier n'aurait droit, ei pareil cas, qu'à une indemnité de non-jouissance pour 1 dommage que la recherche ou l'exploitation de la mine au rait causé à la surface du terrain 30.

Les règles qui viennent d'être développées s'appliquen aux minières, aussi bien qu'aux mines proprement dites sans qu'il y ait même à distinguer entre les minières ren- fermant du minerai d'alluvion et les autres 3T. Elles s'appli-

par la loi du 21 avril 1810. Aux termes de l'art. 7 de cette loi, qui n' point été modifié par la loi des 27-28 juillet 1880, la concession donne,' ctïet, la propriété perpétuelle de la mine, qui est dès lors disponib transmissible, et susceptible d'être grevée d'usufruit, à l'instar de tou autres biens. Proudhon, De L'usufruit, III, 1201. Duranton, IV, 568. Mi cadé, sur l'art. 598, à la note. Taulier, II, 309. Du Caurroy, Bonnier Roustain, II, 180. Demolombe, X, 435. Voy. cependant : Proudhon, D domaine privé, II, 707 à 772. Salviat, I,p. 289.

M Proudhon, III, 1200. Duranton, IV, 509. Demolombe, X, 436. Lai rent, VI, V<9.

•!:- Proudhon, toc. cit. Duranton, IV, 572. Taulier, II, p. 310. Du Gain roy, Bonnier et Roustain, II, 188. Demolombe, X, 437. Laurent, VI, i-">: Voy.en sens contraire : Dclvineourt, 1, p. 358.

:"; Proudhon et Demolombe, locc. citt. Laurent, VI, i52. Lyon, 2i nu 1853, S., 54, 2, 727.

37 Laurent, VI, 453, 454. On a voulu prétendre que, les maitres de tb ges étant, en \ < *ili i (les art. 59 et 00 de la loi du 21 avril 1810, autoris ;i exploiter, au lieu et place du propriétaire du sol, les minières renfe mant du minerai d'alluvion qu'il refuserait d'ex traire, l'usufruitier trouve parcela même autorisé a procéder à celte extraction. Voy. Delvit

court. I, p. 359; Duranton, IV, 573. Mais celle conclusion ne nous part nullement jiisldiée. De ce que le nu-propriél;nre peut, à la demande d

DE LA PROPRIÉTÉ. § 230. 6P1

quent également aux tourbières et carrières, avec ce tem- pérament toutefois, que l'usufruitier pourrait extraire du sol les pierres nécessaires aux réparations dont il est tenu ;î8.

Le droit d'usage et de jouissance compétant à l'usufrui- tier s'étend à tous les accessoires dépendant, lors de l'ou- verture de l'usufruit, des objets qui s'y trouvent soumis, Art. 597.

Le droit de l'usufruitier s'applique même aux alluvions qui se forment pendant la durée de sa jouissance. Art. 596. Mais il ne s'étend pas aux autres accroissements que reçoit 38 àis, par suite d'accession, l'objet grevé d'usu- fruit '. Ainsi, l'usufruitier d'un fonds riverain d'un cours d'eau n'a aucun droit de jouissance à exercer, ni sur lesîles et ilôts qui se formeraient dans ce cours d'eau 40, ni sur la portion de terrain que la force subite des eaux viendrait réunira ce fonds par simple adjonction41. Il en serait ainsi,

maîtres de forges, rire tenu, soit d'exploiter de pareilles minières, soit d'en abandonner l'exploitation à ces derniers, il n'en résulte pas que l'usu- fruitier puisse s'attribuer des produits auxquels l'art. 598 lui refuse toute participation. Son droit se réduit donc encore à réclamer, suivant les cas, une indemnité pour privation de jouissance. Taulier, II, p. 344. Déniante, Cours, II, 438 bis. Demolombe, X, 458.

Arg. art. 592, Proudbon, III, 4204 et 420». Taulier, II, p. 344. Dé- niante, Cours. II, 438 bis. Demolombe, X, 433. Voy. en sens contraire : Laurent, VI, 454.

38 bis. Cpr. Laurent, VI, 372, 373.

39 Arg. a contrario, art. 596. Cet article, en effet, ne renferme qu'une exception, fondée sur la difficulté qu'il y aurait à déterminer, d'une ma- nière précise, les limites du fonds à l'époque l'usufruit s'est ouvert. Cpr. L. 9, § 4, D. de usuf. (7, i). On ne peut donc en tirer aucun argu- ment d'analogie; et l'on doit, tout au contraire, appliquer ici la rèoleEx- ceptio firmat regulam in casibus non exceptis. Zacharia1, § 2:27, texte et note 15.

40 Maleville, sur l'art. 596. Delvincourt, I, p. 359. Duvergier sur Toul- lier, 111,416. Proudhon, II, 524. Marcadé, sur l'art. 596, no L Demo- lombe, X, 158 et 334. Voy. en sens contraire : Duranton, IV, 421 et 580; Du Gaurroy, Bonnier et Roustain, II, p. 311. Laurent, VI, 373.

41 Proudhon, II, 527. Voy. en sens contraire : Demolombe. X, 142 bis et 333. En invoquant à l'appui de son opinion l'art. 597, notre savant col-

lu >

DES DROITS REELS

dans le cas morne l'usufruit porterait sur la successio] d'une personne décédée ''\

Enfin, l'usufruitier n'a, comme tel, et sauf la portion qu peut lui revenir à titre d'inventeur, aucun droit, soit depro priété, soit de jouissance, sur le trésor découvert pcndan la durée de l'usufruit. Art. 598, al. 2. *2 bis.

Du reste, la règle que l'usufruit ne s'étend pas aux ae croissements, ne forme aucun obstacle à ce que l'usufrui tier exerce, dans le cas prévu par l'art. 563, son droit di jouissance sur la portion de l'ancien lit attribuée au pro priétaire du terrain nouvellement occupé par les eaux i3.

L'usufruitier, appelé à jouir comme le propriétaire est par cela même autorisé à faire, en général, tous les acte d'administration que pourrait passer ce dernier, sans cesse de jouir en bon père de famille **.

Ainsi, il peut donner à ferme ou à loyer les biens rurauj

lègue no parait pas avoir remarqué que cet article, qui ne s'occupe qued

accessoires existant déjà lors de l'ouverturede l'usufruit, est complètemel étranger aux accessions survenues pendant sa durée.

'- Voy. en sens contraire : Demolombe, X, 833. La distinction que savant auteur établit entre le cas l'usufruit porte sur des objets pal ailiers et celui il s'exerce sur une hérédité, distinction dont on trouve aucune trace dans la loi, est, à notre avis, inexacte en doctrii Les accroissements dont il s'agit au texte entrent, connue acquisitioi nouvelles, dans le patrimoine de l'héritier, nu-propriétaire, et ne saurais! cire considérés comme venant s'ajouter au patrimoine de la personm laquelle il a succédé, patrimoine qui, à partir de l'ouverture de la sudsj sion, s'est trouvé confondu dans celui de cet héritier.

« bis. Laurent, VI, 382.

*3 En effet, dans le cas prévu par l'art, 563, il s'agit bien moins d' accroissement que d'une simple Indemnité, qui doit être attribuée à l'rçj fruitier et au nu-propriétaire, à proportion des droits que chacun d'e avait dans le fonds nouvellement occupé par les eaux. Proudlion, II. 5! et V, 2551. Taulier, II, p. Mil. Demolombe. \, 168.

" Laurent, VI, i.'i.'i et suiv. Cpr. Civ. cass., 21 juillet 1818. S.. 18. :!".'). L'usufruitier ne peut renoncer ù une servitude réelle existant au pro de l'héritage grevé d'usufruit : mais il peut contracter l'engagement p<

sonncl (le n'eu point faire usa^e. cl si le nu-propriclaire succède inci pour partie à l'usufruitier, il est. en \crlu de l'obligation de garantie, le

de respecter cet engagement. Civ. cass., 25 août I8(»:t. s.. (>:;, l, i(

DE LA PROPRIÉTÉ. § 230. 693

et les maisons ou autres bâtiments, faisant partie de l'usu- fruit *3, en se conformant toutefois, pour la durée des baux et l'époque de leur renouvellement, aux règles établies par les art. 1429 et 1430 *". Art. 595. Sous cette réserve, les baux par lui passés sont obligatoires pour le nu-proprié- taire, même après la cessation de l'usufruit, à moins que ce dernier ne soit à même de prouver qu'ils ont été faits en fraude de ses droits i7. Au contraire, les baux consentis par l'usufruitier en dehors des conditions déterminées par les art. 1429 et 1430, ne sont pas opposables au nu-pro- priétaire 48. Mais l'annulation n'en pourrait être demandée pour ce motif, ni par l'usufruitier lui-même, ni par le pre- neur 40. Celui-ci n'aurait même, dans le cas le nu-pro-

43 Les termes donner à ferme dont se sert l'art. 595, ne doivent pasêtre pris dans le sens restreint que leur attribue Fart. 1711, mais dans le sens large suivant lequel ils s'appliquent aux baux de toute espèce d'immeu- bles. Gela résulte bien nettement de l'art. 602, et n'a jamais fait de doute dans la pratique. Demolombc, X, 347.

',6 Yoy. pour l'interprétation de ces articles : § 113, texte 5 et notes 60 à 63; §510, texte 3 et notes 12 à 16. Laurent, VI, 459 à 460 ; VIL 101. Voy. sur le droit de résiliation des baux existants, Paris, 36 avril 4850, S.", 51, 2, 796. Aix, 30 novembre 1863, S., 64, 2. 159. Gpr. Laurent, VI, 375, 459 et suiv.

« Toullier, XII, 408. ProudhonJH, 1249. Troplong, Duloumje, I, 155. Taulier, II, p. 313. Demolombe, X. 350, 354 et 354 Lis. Laurent, VI, 460. Cpr. Lyon, 44 juin 1854, et Douai, 6 juin 1854, S., 55, 2, 74 et 75. Voy. cep. Poitiers, 29 avril 1863, S., 63, % 169. Orléans, 31 décembre 1868, S., 69, 2, 51. Poitiers, 22 mars 1881, S., 82, 2, 105. 11 est du reste bien entendu que, si l'usufruitier avait reçu, lors de la passation du bail, un pot de vin ou des deniers d'entrée, il ne pourrait retenir ces valeurs, qui de- vraient être réparties sur toutes les années du bail, dans la proportion de la durée de sa jouissance. Proudhon, II, 999. Demolombe, X, 353. Lau- rent, VI, 468.

48 Demolombe, X, 352. Cpr. Metz. 29 juillet 1818, S., 19, 2, 53; Aix. 10 novembre 1863, S., 64, 2, 159.

49 Duvergier, Du louage, I, 4L Taulier, II, p. 343. Du Caurroy, Bon- nier et Roustain, II, 180. Demolombe, X, 356. Laurent, VI, 461. Douai. 18 mars 1852, S., 52, 2. 337. Suivant Duranton (IV. 587) et Laurent (VI, 462 et suiv.). le bail consenti par l'usufruitier en dehors des conditions établies par les art. 1429 et 1430, ne serait pas, après la cessation de l'usufruit, obligatoire pour le preneur. Il nous parait, au

694 DES DROITS RÉELS.

priétaire refuserait d'exécuter de pareils baux, aucun re- cours à exercer contre l'usufruitier, qui, d'ailleurs, ne se serait pas personnellement soumis à l'obligation de garan- tie 50.

L'usufruitier est également autorisé à louer ceux des meubles compris dans l'usufruit que le fait même de leur location n'exposerait pas à de plus grands dangers de dé- térioration. Mais son droit, d'administration étant restreint par le principe, qu'il doit jouir comme le propriétaire et en l)on père de famille, il ne pourrait louer les meubles dont l'usage entraine un prompt dépérissement, à moins que, d'après leur nature ou leur affectation précédente, ils ne fussent destinés à être loués. Si, en dehors de cette excep- tion, l'usufruitier avait donné enlocation des meubles sujets à se détériorer rapidement par l'usage, ce fait pourrait, sui- vant les circonstances, être considéré comme constituant de sa part un abus de jouissance, et motiver contre lui l'ap- plication de l'art 01.8 81. Du reste, les locations de meu- bles ne peuvent, dans le cas môme l'usufruitier se trou- vai! en droit de les consentir, être opposées au nu-proprié- taire après la cessation de l'usufruit 52.

contraire, que, tout en dépassant ses pouvoirs, l'usufruitier n'en lie pas moins le preneur envers le nu-propriétaire, puisque c'est en stipulai pour lui-même qu'il stipule éventuellement pour ce dernier, et qu'on se trouve précisément ici dans un des cas exceptionnels Pari. 1124 admet la stipulation pour autrui. Cpr. Req., u29 janvier 1883, D.,83, I, 314-345 ■>" Arg. art. 1860, al. 2, 1899 et 1997. Cpr. L. 0j §lj D. foc. tond. (19j 2). Le preneur-, ayant participé à la Faute commise par l'usufruitier, m

saurait trouver dans celle laule. un principe d'aeliou contre ce dernier, cl

doil s'imputer le préjudice qu'il éprouve. Pfourihon, III. lu2"20. Dénies lombe, X, 357. Cpr.Caen, Il août 1825, S., 26, 2, 310.

-' Cpr. Protidhoh, III. 4081 a 1075. Durantbn, IV, 578. Marcadé, sut l'art. 589, n" 1, et sur l'art. o(.).">. 3, Du Caurroy, Bohtiier el Roustairij II. 182. Demolombe, \. J2'>s et 299. Voy. en sens contraire : Laurent. VI i70 et suiv.

j- La disposition de l'art. :i*).r) ne concernant que les baux d'immeubles on retombe, en cequi concerne les locations mobilières, sous l'applictf

lion de la règle llcsolulo jure (liuilis. rrsolnlur jus acripinilis. Marcade.

sur l'art. ."»(.>."). 3, Demolombe, X, 300.

1

DE LA PROPRIETE. § 230 695

De même que l'usufruitier a le droit de louer les immeu- bles soumis à l'usufruit, de même aussi il est autorisé à ven- dre les récoltes de Tannée, pendantes par branches ou ra- cines, etlesbois pour lesquels l'époque de la coupe est arri- vée. Une pareille vente, d'ailleurs faite sans fraude, est opposable au nu-propriétaire, alors même que la totalité des récoltes ou des bois vendus se trouvait encore sur pied lors de la cessation de l'usufruit ;i3 ; mais, dans ce cas, le prix appartiendrait pour le tout à ce dernier. Que si la ré- colte ou la coupe avait été faite pour partie seulement, le prix se partagerait entre l'usufruitier ou ses héritiers et le nu-propriétaire, en proportion des produits déjà détachés ou coupés, et de ceux qui étaient encore sur pied, au mo- ment de l'extinction de l'usufruit s*.

Lorsque l'usufruit porte sur des créances ou des rentes, l'usufruitier est, en vertu de son droit d'administration, autorisé non-seulement à en recevoir, mais encore à en poursuivre, le cas échéant, le remboursement ou le ra- chat 54 bis- Il n'a pas même besoin, à cet effet, du concours du nu-propriétaire, qui n'est pas, en général, admis à con- tester la validité des paiements faits entre les mains de l'u- sufruitier, lors même que ce dernier serait devenu insolva- ble 5\ Seulement, le nu-propriétaire pourrait, si Tusufrui-

33 Toullier, III, 401. Duranton, IV, 554. Du Caurroy, Bonnier et Rous- tain, II, 181. Taulier, II, p. 301. Demante, Cours, II, 434 bis, IV. Demo- lombe, X, 359. Civ. cass., 21 juillet 1818, S., 18, 1, 375. Req., 9 août 1881, S., 82, 1, 369, et les Observations de Labbé sur cet arrêt. Voy. en sens contraire : Proudhon, II, 991 et 995 ; Marcadé, sur l'art. 585. 6. Laurent, VI, 477-478.

54 Voy. sur ces deux propositions, outre les autorités citées à la note précédente, Passez, Dissertation, Revue pratique, L, 1881, p. 308.

54 bis. Infrà, note 63 bis.

B3 Proudhon, III, 1031, 1044 à 1047. Duvergïer sur Toullier, III, 2%, note a. Dcmolombe, X, 323. Laurent, VI. 413 et suiv. Nancy, 17 février 1844, S., 44, 2, 162. Req., 21 janvier 1845, S., 45, i, 129. ^Besançon, 8 février 1875, S., 77, 2, 36. Voy. en sens contraire : Labbé, Observations. sous Grenoble, 17 juillet 1868, S., 69. 2. 9. Colmet de Santerre, II, no 426 bis, ll[. Cpr. Bordeaux. 9 avril 1845. S., 46, 1, 231. D'après cet arrêt, l'usufruitier qui a fourni caution aurait seul le droit de recevoir sans le

M.

696 DES DROITS RÉELS.

tier a^ait été dispensé de fournir caution, et si le déran gement de ses affaires donnait lieu de craindre que le ca pital remboursé ne fût compromis entre ses mains, deman der à la justice des mesures conservatoires, pour en ga< rantir la restitution à la cessation de l'usufruit 56. Du reste l'usufruitier, qui ne devient pas propriétaire des rentes 01 des créances soumises à son usufruit, ne peut en dispose] par voie de cession ou de novation S7.

Quoique l'usufruitier n'ait pas le pouvoir de dispose] par vente ou cession des objets corporels ou incorporels compris dans son usufruit, il est cependant autorisé à cédei

concours du nu-propriétaire, le remboursement des rentes soumises à soi usufruit. Ainsi établie en droit la proposition est trop large, et il parai plus sage de s'en référer sous ce rapport au pouvoir d'appréciation dujug» du tait. Les circonstances jouent un grand rôle en pareil cas, et l'arrêt l'i bien compris puisqu'il s'appuie également sur les termes de l'acte consti tutif de l'usufruit. Aix, 31 janvier et 12 juin 1879, S., 79, 2, 332 ; 80, 2 77. Req., 20 mars 1889, S., 89, 1, 206. Req., 28 octobre 1889, S., 90 1. 53.

ï6 Proudhon, III. 1018 et 1049. Ponsot, Du cautionnement, n^s 409 e suiv. Demolombe, X, 324. Nancy, 17 février 1844, S., 44, 2, 162. Cpr Req., 14 mai 1849, S.. 49, 1, 475, et les arrêts cités à la note précédent in fine.

y' Proudhon III, 1054. Demolombe, X, 321. Bordeaux, 19 avril 1841 S., i8, 2. 183. L'usufruitier ne peut sans commettre un abus de jouis sance proroger l'époque de l'exigibilité d'une créance, et une pareille cor vention no saurait être opposée au nu-propriétaire par le débiteur. Pare .'> juin 1881. I)., 82, 2, 137, et la note. On s'est demandé s'arrête 1 responsabilité de l'usufruitier d'une créance, au cas ayant reçu le rem boursemenl du capital, il en a effectué le placement aux mains d'un nou veau débiteur. Il nous parait certain qu'à la tin de l'usufruit, l'usufiuitù scia tenu de restituer au nu-propriétaire le montant de la créance sur la quelle portait son droit de jouissance, alors même que le second débiteu deviendrait insolvable, el que nulle faute ou imprudence ne puisse être n prochée à l'usufruitier. Par l'effet du remboursement la créance s'est trot vée éteinte, et l'usufruil B'est transformé en un quasi-usufruit sur les d

niera remboursés cl prêtés à nouveau : d'où la conséquence que la situ; lion doit .être régie par les dispositions de l'art. .r>87. Grenoble, 17 juill IK68, S.. 69, 2,9. Il importerai! peu, selon nous, que le montant de créance remboursée fût versé directement par le débiteur aux mains <l nouvel emprunteur, ou qu'il no lui parvint qu'après avoir traversé la caisa de l'usufruitier : celle différence de l'ail ne nous semble pas influer sur I

DE LA PROPRIÉTÉ. § 230. 697

son droit d'usufruit lui-même !i8, ou à l'hypothéquer en tant qu'il porte sur des immeubles susceptibles d'hypo- thèque. Art. 595 et 2118.

Une pareille cession ou constitution d'hypothèque n'a d'effet que pendant la durée de l'usufruit. Mais aussi la ces- sion profitc-t-elle, dans cette limite, aux héritiers du ces- sionnaire décédé avant l'extinction de l'usufruit 39.

L'usufruitier qui a cédé son droit, n'en reste pas moins personnellement tenu, envers le nu-propriétaire, de toutes les obligations qui lui incombent en cette qualité li0 ; et la caution qu'il a fournie ne se trouve même pas, à raison de ce fait, libérée de plein droit de son engagement pour l'a- venir81.

question de droit. Labbé, Observations, S.. 69, 2, 9. Voy. on sons con- traire : Grenoble, 17 juillet 1868, précité.

;i8 D'après le texte même de l'art. 595, ce n'est pas seulement l'exercice de son droit, mais son droit lui-môme, que l'usufruitier est autorisé à cé- der. Il en résulte, par exemple, que le cessionnaire d'un droit d'usufruit peut l'hypothéquer, et que ses créanciers peuvent le saisir. Du Gaurroy, Bonnier et Roustain, II, 183. Demolombe, X. 362. Zacliaria\ § 227, texte et note 16. Genty, no 98. Laurent, VI, 474 et suiv. Cpr. Proudhon, II, 894. Cernante, Programme,]^ 601. Taulier, II, p. 312. Bien que ces derniers au- teurs semblent enseigner que la cession porte plutôt sur les émoluments uti- les do l'usufruit que sur ce droit lui-même, ils n'énoncent cette idée qu'au point de vue de l'extinction de l'usufruit, dont la durée reste effective- ment la même, malgré la cession ; au fond, leur opinion n'est donc pas contraire à notre doctrine.

50 Proudhon, II, 894 et 895. Taulier, II, p. 312. Demolombe, loc. cit. Laurent, VI, 474.

G0 Proudhon, II, 896. Duranton,IV. 585. Demolombe, X, 363.Zac!mrue, § 227, texte et note 17. Laurent, VI, 476.

61 Voy. en sens contraire: Proudhon, IL 851 et suiv. Troplong, Ducau- tiotniemenl.n0* 153 et 154. l)emolombe,X,363 bis. Laurent, VI, 509. A l'appui de leur manière de voir, ces auteurs invoquent principalement Part. 2015. aux termes duquel on ne peut étendre le cautionnement au delà des limites dans lesquelles il a été contracté. Mais, en demandant à la caution l'exé- cution des obligations qui incombent à l'usufruitier, et auxquelles ce der- nier n'a pas pu se soustraire par la cession de l'usufruit, le nu-proprié- taire n'excède nullement les limites du cautionnement. Les auteurs que nous combattons sont, à notre avis, inconséquents, en admettant tout à la l'ois (pie l'usufruitier reste obligé, et que la caution se trouve dégagée.

698 DE DROITS RÉELS.

De ce que le droit d'usufruit est susceptible d'être cédé il résulte que les créanciers de l'usufruitier peuvent le sai sir et le faire vendre. Toutefois, le nu-propriétaire sera autorisé à s'opposer à la saisie, si elle portait sur des meu blés dont la location par l'usufruitier constituerait un abu de jouissance 6'.

L'usufruitier jouit, pour faire reconnaître son droit dune action analogue à la revendication, et qu'on nomm action confessoire 6'2 bis. H jouit également des actions ei bornage et en partage ; mais le bornage ou le partage opéré sans le concours du nu-propriétaire, ne pourrait ètr opposé à celui-ci, et n'aurait, en ce qui le concerne, qu'u caractère provisionnel ,i;i.

D'un autre côté, l'usufruitier peut exercer toutes les ac tions ayant pour objet la réalisation des droits sur lesquel porte son usufruit 63 bis. C'est ainsi que l'usufruitier d'u

Cette derrtière ne pouvait d'ailleurs ignorer que l'usufruitier avait la f; culte de céder sou droit ; et, à moins de stipulation contraire, elle doit èti considérée comme ayant cautionné toutes les obligations de l'usufruitiei y compris celles qui naîtraient de faits postérieurs à la cession. Tout c que nous pouvons concéder, c'est qu'au cas de cession de l'usufruit, ] caution serait. endroit d'exiger que l'usufruitier lui rapporte sa déchargl en fournissant nue nouvelle caution au nu-propriétaire ; mais nous r saurions admettre que son engagement s'éteigne de plein droit, par suit d'un fait auquel le nu-propriétaire est resté eomplètemenl étranger, etqi peut-être n'est pas même parvenu à sa connaissance.

68 Cpr. texte 3 et noie 51 suprà ; Demolombe, \. 298. Paris, abûl 1 s;>7 . S., 57, il, B6M. Voy. cep. Laurent, VI, 475. Hennés, 2d m 1835, S.. 36, 2, 157.

02 bis. Laurent, VI; 983 et sniv. Civ. eass., 5 mars 1850, S.. 50. 377. Quant à la preuve de la constitution du droit d'usufruit, elle se f;i en se conformant aux règles Ordinaires selon qu'il s'agit d'un usufruit él Mi ;i litre onéreux ; art. LUI. 1517 et 1555 ; ou bien à litre gratuit : < ce dernier cas la production soil du testament, soit de l'acte authenliqi portant donations est le seul élément légal de preuve;

,;; Cpr. J199, texte H note II. Proudlion, III. IS43 à 1245. Cpr. Lai refit, VI. 507.

,i:t bis. Il peut par exemple poursuivre les débiteurs des créances gf

vers d'usufruit, mais seulement après la délivrance, car il s'agil .d'un alli

but delà jouissance. Laurent, VI. 500. Cependant il y a lieu de déclan valables les paiements faits de bonne loi à l'Usufruitier qui éiaii de Fait I

DE LA PROPRIÉTÉ. § 230. 699

prix de vente peut, à défaut du paiement de ce prix, pro- voquer la résolution de la vente 64. C'est ainsi encore que l'usufruitier d'une créance quelconque est admis à former, le cas échéant, l'action paulienne contre les actes faits par le débiteur en fraude de la créance. A plus forte raison, peut il faire valoir toutes les sûretés, telles que les privi- lèges, hypothèques, ou cautionnements, formant des acces- soires de la créance sur laquelle porte son usufruit.

Au contraire, l'usufruitier, même de la totalité ou de quote-part d'une succession, n'a pas l'exercice des actions qui tendraient à faire rentrer dans l'hérédité du constituant, des biens qui ne s'y trouvaient plus au moment de l'ouver- ture de l'usufruit. Il en est ainsi notamment de l'action en réméré, et de celle en rescision pour cause de lésion. Mais, si de pareilles actions avaient été formées par l'héritier, nu propriétaire, l'usufruitier serait autorisé à exercer son droit sur les objets qui, par suite de l'admission de ces ac- tions, devraient être considérés comme ayant toujours été compris dans le patrimoine du constituant, à la charge, bien entendu, de faire à l'héritier l'avance des sommes que celui-ci aurait à rembourser, ou de lui en bonifier les inté- rêts pendant la durée de l'usufruit 65.

L'usufruitier peut également, pour s'assurer l'exercice paisible de son droit, former les diverses actions posses- soires que le nu-propriétaire serait autorisé à intenter 6,i.

Les jugements que l'usufruitier a obtenus, soit au péti- toire, soit au possessoire, profitent au nu-propriétaire, à la conservation des droits duquel il est tenu de veiller 0T. Mais

possession de la créance, mais qui n'avait pas encore obtenu la déli- vrance. Civ. rej.,3 mars 1868. I).. 08. 1. 158.

G4 Proudhon, III, 1415 et suiv.

H;i Proudhon, III, 1397 à 1414. Laurent, VI, 370.

,;,i Gpr. | 185, texte 2 ; § 187, texte no I et note 4. Laurent, VI, 365 el suiv. Civ. cass., 5 mars 1850, S., 50, \, 377. Nous pensons contraire- ment à Topinion de Laurent (VI. 366), que le nu-propriétaire peut intenter l'action possessoire dans le cas de trouble de l'ait, comtfie dans le cas de trouble de droit, son intérêt est engagé dans les deux hypothèses,

'r' Proudhon, I. 37 à 39. Zachariœ, § 227, note 19.

700 DES DROITS RÉELS.

les jugements rendus contre l'usufruitier seul ne peuver être opposés au nu-propriétaire, puisqu'il n'est pas auto risé à compromettre les droits de ce dernier ,iH. D'un autr côté, l'usufruitier est admis à former tierce opposition au jugements rendus contre le nu-propriétaire seul, sans ôtr tenu de prouver l'existence d'une collusion frauduleuse cl tre ce dernier et les tiers qui ont obtenu ces jugements 6! De la combinaison de ces deux dernières propositions, suit que les tiers actionnés, soit par l'usufruitier, soit pa le nu-propriétaire, peuvent demander, au premier cas, ] mise en cause du nu-propriétaire, et, au second, celle d l'usufruitier.

§ 231.

Des obligations de l'usufruitier pendant la durée de s

jouissance.

L'usufruitier est tenu de conserver la substance de 1 chose soumise à son droit. Art. 578. Et l'on doit entend! ici par substance, non-seulement la matière dont se con pose la chose, mais encore sa forme constitutive et sa mi nière d'être particulière. Ainsi, l'usufruitier ne peut coi vertir une terre arable en bois, ni une vigne en terre ar ble \ Ainsi encore, il ne peut pas davantage changer la coi figuration extérieure d'une maison, ni même en génér sa distribution intérieure \

Gs Proudhon et Zachariœ, locc. citt. Cpr. § 7(59, texte n<> 3 el note 38.

69 Proudhon, I, 37 ; III, 1-2(17 et 1298. Demolombe, X, 344, 345. Ma cadé, sur l'art. 614. Laurent, VII, 48. Arr. Cons., 24 mais 1853, LebO] 381; S., 54,2, 75.

1 Proudhon, III, 1472. Demolombe, X, 454. Laurent, VI, 525. Voy. ce Orléans, 6 janvier 1848, S., W, 2,281.

- Proudhon, III. 1113. Marcadr, sur Tari. 578, i. Demolombe, I 224,225,442 à 448. Massé,Z)r. comm.Ji, 1407. Laurent, VI, 48 1 el suh .V2(> etsuiv. Cpr. Req.,8 avrill845, S., V-k 1, 606. Ces questions doive ôtrc généralement arbitrées exssquo etbono, et elles rentrent dans le cerc du pouvoir d'appréciation des juges du t'ait. Quant aux constructioi

DE LA PROPRIÉTÉ. § 231. 701

Mais l'usufruitier est autorisé à faire les modifications qui, sans altérer la forme propre de la chose, tendraient seulement à l'améliorer ou à en augmenter la valeur3.

L'usufruitier doit jouir en bon père de famille, et comme le ferait le propriétaire lui-même, eu égard à Tu- sage auquel la chose grevée d'usufruit se trouvait précé- demment affectée. Art. G01. De ce principe découlent une série de conséquences, dont voici les principales :

L'usufruitier ne peut employer les objets soumis à son droit qu'aux usages auxquels leur nature les rend propres.

Lorsque ces objets ont reçu une affectation spéciale, il doit la respecter. Ainsi, par exemple, il ne peut donner à une hôtellerie une destination nouvelle, ni réciproquement convertir en hôtellerie une maison d'habitation *.

Il doit s'abstenir de tout acte d'exploitation ou de jouis- sance qui tendrait à augmenter momentanément l'émolu- ment de son droit, en diminuant pour l'avenir la force pro- ductive des choses soumises à l'usufruit \

L'usufruitier est tenu de veiller à la garde et à la con- servation des objets compris dans l'usufruit. Sa responsa- bilité à cet égard se détermine d'après les règles du Droit commun, telles qu'elles sont exposées au§ 308 \ Ainsi, il n'est pas responsable de la perte de la chose soumise à son

élevées par l'usufruitier, Voy. pour les droits respectifs de celui-ci et du nu-propriétaire lors de la cessation 'de l'usufruit Laurent, VI, 58o et suiw Cpr. suprà, § -204, note 23.

3 Arg. art. 599, al. 2. Cpr. L. 13, §§ 4 et 7, D. de usuf. (7, 1). Proii- dhon, III, 1111 et 4432. Demolombe, X, 452 et 453. Zachariœ, §228, texte et note Ire.

; Demolombe, X, 449. Zachariie, § 228, lexteetnote 3. Voy. cep. Lyon, 20 janvier 1844, S., 44, 2, 207 ; Req„ 8 août 1845, S., 45, i, 600.

s Zachariaî, § 228, texte % lett. a.

G Art. 601. Cpr. §308, texte no 2. Demolombe. X, 626 et 627. Zacharke, §228, texte et note 13. L'usufruitier d'une créance garantie par une hy- pothèque est tenu de veiller au renouvellement de l'inscription. Laurent. VI, 531. Toutefois, l'usufruitier jouit d'undroit propre qui lui est attribué par la loi, et il no doit pas être considéré comme le mandataire du nu- propriétaire. Laurent, VIL 46 et suiv*

702 DES DROITS RÉELS.

droit, lorsqu'elle est arrivée sans sa faute. Art. 615 et arg. de cet article.

Les dispositions de Fart. 1733, relatives à la responsabi- lité du locataire en cas d'incendié, ne sont point, en tanl qu'elles restreignent le cercle des justifications de ce der- nier, applicables à l'usufruitier, qui est admis à établir, par tous moyens de preuve, que l'incendie du bâtiment soumis à l'usufruit a eu lieu sans sa faute \ D'un autre côté, l'usu- fruitier n'est pas responsable de l'incendie arrivé par la né- gligence de son locataire, même insolvable, si d'ailleurs il ne s'est personnellement rendu coupable d'aucune faute 8.

L'usufruitier d'un bâtiment, quoique tenu de veiller à sa conservation, n'est pas obligé de le faire assurer contre l'in- cendie ; et s'il ne l'avait pas fait, le nu -propriétaire n'au- rait, à raison de cette omission seule, aucun recours à exer- cer contre lui, en cas de sinistre. Que si l'usufruitier avait fait assurer le bâtiment soumis à son droit, l'indem- nité à recevoir en cas d'incendie ne lui appartiendrait que pour la jouissance, et devrait, à la cessation de l'usufruit, être restituée au nu-propriétaire, sous la déduction toute- fois des primes payées par l'usufruitier 9.

7 Gpr. g 867, texte no 3. Proudhon (III, 154$, et IV, 1563) et Demo- lombe (X, (i^8) vont pins loin encore : Partant de l'idée, erronée selon nous, que l'incendie doit de sa nature être rangé dans la classe des cas fortuits. ces auteurs enseignent que c'est au nu-propriétaire à prouver que l'incen- die a eu lieu par la faute de l'usufruîtier. Dans le même sens. Toulouse i:> mai 1837, S., 37, 2, 357. Cpr. Laurent, VI, 820.

8 Proudhon, IV, 1569. Demolombe, X, (>u29.

'•' L'assurance ne devant jamais être pour l'assuré nue source de bénéfice, l'usufruitier ne peut assurer la propriété elle-même que procuratorio wo- minc. D'un autre côté, le propriétaire qui veut profiter de la convention d'assurance faite par l'usufruitier, doit par1 cela même contribuer, dans la mesure de son droit, aux charges qui en résultent. De Lalande, Assurance* contre iHncendie,^0* 39 et 40. Lorsqu'il a éié reconnu en fait et par inter-j prétation de la volonté des parties que l'usufruitier a contracté une assurance exclusivement en son intérêt, il en résulte que l'assurance a pria lin avec l'usufruit et par le décès de l'usufruitier. Giv. rej., 9 novembre

ISS7. S.. 89, 1, 273. Si l'assurance de l'immeuble a été faite par le nu-propriétaire et à ses frais, l'usufruitier ne peut,en cas de sinistre, exiger

DE LA PROPRIÉTÉ. § 23 1 . 703

C'est en vertu de l'obligation qui incombe à l'usufruitier de veiller à la conservation de la chose grevée d'usufruit, que l'art. 614 lui impose le devoir de dénoncer au nu-pro- priétaire, les usurpations que des tiers commettraient nu préjudice des droits de ce dernier, et les autres atteintes qu'ils pourraient y porter, sous peine d'en être personnelle- ment responsable 9 kis.

Par suite de la môme obligation, tous les actes conser- vatoires faits par l'usufruitier profitent au nu-propriétaire 10.

L'usufruitier doit faire exécuter, à ses frais, les répa- rations d'entretien. Il est môme tenu des grosses répara- tions, lorsque les dégradations qui les ont rendues néces- saires, sont le résultat du défaut de réparations d'entretien depuis l'ouverture de l'usufruit, et à plus forte raison, lors- qu'elles ont été causées par une faute positive de sa part ,0 bis. En dehors de ces deux cas, les grosses réparations demeu- rent à la charge du nu-propriétaire. Art. 605.

La loi ne définit pas directement les réparations d'en- tretien; elle ne les indique que d'une manière indirecte, en disant que ce sont toutes celles qui ne rentrent pas dans la catégorie des grosses réparations.

Aux termes de l'art. 606, les grosses réparations com- prennent : celles des gros murs li et des voûtes; le réta-

que l'indemnité soit employée à la reconstruction des bâtiments. Il n'a droit qu'aux intérêts de cette indemnité. Colmar, 25 août 1826, S. Chr. Mais tous les motifs de cet arrêt ne doivent pas être acceptés. Voy. en sens con- traire : Grrin et Joîiat, Assurances terrestres, n°91. Besançon, 26 février 1856, S., 56, 2, 307. Cet arrêt est principalement fondé sur les circons- tances de l'espèce et sur l'intention des parties.

9 bis. Cpr. Laurent, VI, 528. Cpr. Marcadé, sur l'art. 614. 3.

10 Req., 7 octobre 1813, S., 15, 1, 143. Voy. spécialement sur les actes interruptifs de prescription : § 215, texte et note 71. Cpr. aussi, quantaux jugements obtenus par l'usufruitier : § 230, texte 5 et note 67.

10 bis. Giv. rej., 7 novembre 4865, S., 66, 1, 41 et la note.

11 L'expression gros murs ne comprend pas seulement les quatre murs extérieurs du bâtiment, mais encore les murs de refend, qui s'élèvent à partir du sol jusqu'au sommet de l'édifice. Dcmolombe, X, 560. Laurent, VI, 538. Cpr.' Req., 25 juin 1877, S., 77, 1, 340. De même il y a lieu de considérer comme grosse réparation la réfection des dessous d'un théâtre,

704 DES DROITS RÉELS.

blissement dune ou de plusieurs poutres12 ; eelui des cou- vertures entières; enfin celui des digues, des murs de sou- tènement ou de clôture, aussi en entier.

L'idée dominante qui ressort de l'ensemble de l'article précité, c'est qu'une réparation, même portant sur des ou- vrages de la nature de ceux qui y sont indiqués, ne revel le caractère de grosse réparation, qu'autant qu'elle consiste dans une reconstruction ou un rétablissement 1:i. Pourlap plication de cette idée, la loi distingue les réparations è faire aux gros murs et aux voûtes, qui constituent des gros ses réparations, alors même qu'il ne s'agit épie ele la recons- truction partielle de ces ouvrages14, etla réfection descou vertures, des digues, des murs ele soutènement ou ele clô- ture, qui ne devient une grosse réparation, que lorsque ces ouvrages sont à rétablir en entier13.

L'énumération que Fart. 000 donne des grosses répara- tions, est essentiellement limitative, en ce qui concerne.

rendue nécessaire par des vices de construction. Civ. rej., 7 novembre 1865, S., G6, 1. 41.

12 Le mot entières qu'on lit à la fin du 1«P alinéa de l'art. 606, ne s'a| plique qu'aux ouvertures, et non aux poutres. Cpr. Coutume de Paris, ar 262. Pothier, De la communauté, ^72. Proudhon, IV, 1634. DurantOE IV. 614, note lre. Demolombe, X, 561 et l'A\3. Laurent, VI, 538. Quai aux charpentes des toitures, Proudhon, III, 1638. Demolombe, X, 564 Cpr. FerrièreSj sur fart. 262 de la Coût, de Paris, III, p. 912, nos 34 c suiv.

1:5 Toutes les réparations à taire à un gros mur OU à une voûte ne corn tiluent pas pour cela seul des grosses réparations, lorsque, tel qu'un sin pie recrépissage, elles ne nécessitent aucune reconstruction même par- tielle. Pothier, op. et toc. cilt. Proudhon, IV, 1626. Du Caurroy, Bonnu et Roustain, II, 202. Demolombe, X. 562. Voy. en sens contraire : De \ incourt, 1, p. 367. Taulier, p. W).

14 .Observations du Tribunat (Locré, Lég.t VIII, p. 256, nn lu2). Pro| dlion, IV, 1639. Demolombe, X, 561 bis. Voy. cep. DuCaurroy, Honnie el Roustain, loc. cit.

1 Celle dernière expression ne doit cependant pas être entendue d'un manière trop rigoureuse. S'il devenait nécessaire de procéder au rétablis sèment de la presque totalité d'une couverture, d'une digue ou d'un mi de clôture, la réparation sérail à considérer comme grosse réparatioi Proudhon, V 1632 el 1636. Demolombe, X* 565 et 566- Laurent, A 538.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 231. 705

soit les bâtiments ou maisons d'habitation et leurs dépen- dances 16, soit les autres ouvrages dont s'occupe cet arti- cle.

Quant aux réparations à faire à des ouvrages ou à des objets dont l'art. 606 ne s'occupe pas, et notamment à des usines ou à des choses mobilières, il faut, pour distinguer les grosses réparations et celles d'entretien, se guider d'n- près l'analogie des dispositions de cet article. Il en résulte que le remplacement d'une meule, et même le rétablisse- ment de l'arbre de couche ou de la roue d'un moulin, ne constituent que des réparations d'entretien n.

Les réparations d'entretien ne cessent pas d'être à la charge de l'usufruitier, alors même qu'elles ont été ordon- nées par l'autorité. Il en est ainsi, notamment du badi- geonnage, dans les villes il a été déclaré obligatoire.

L'obligation de pourvoir aux réparations d'entretien ne concerne que celles qui sont devenues nécessaires depuis l'ouverture de l'usufruit 18.

16 Ainsi, les réparations à faire à des fosses d'aisances ou à des puits. ne sont que des réparations d'entretien. Cpr. Demolombe, X, 568. En ce qui concerne l'importance des réparations d'entretien, Voy. Req., 40 dé- cembre 1828, S. Chr.

17 Ces réparations, dont la cause réside dans l'exploitation même, et dont la nécessité peut se reproduire plusieurs fois pendant la durée de l'usufruit, doivent, en vertu de ce double motif, être supportées par l'usu- fruitier. Décider le contraire, serait, à notre avis, se mettre en opposition avec l'esprit del'art. 606, dont la tendance générale a été de restreindre, dans l'intérêt du nu-propriétaire, le cercle des grosses réparations. Prou- dhon, IV, 1641. Orléans, 16 février 1821, S., VI, 2, 364. Cpr. Zacharia- §228, note 4. Laurent, VI, 5i0. Voy. en sens contraire : Demolombe, X, 569 bis.

18 Pothier, Du douaire, 239. ïoullier. III, 430. Duranton, IV. 621. Taulier, II, p. 326. Déniante, Cours, If, 449 bis, I. Demolombe, X. 572. Zacharisp, § 228, texte et note 5. Req.. 10 décembre 1828, S., 29, 1, 14. Cpr. Laurent, VI, 345 et suiv.Voy. en sens contraire: Proudhon. IV, 1658 et 1659. L'argument que ce dernier auteur veut tirer du 2e alinéa de l'art. 605 est sans portée, puisqu'en soumettant l'usufruitier à l'obliga- tion de faire les grosses réparations qu'aurait rendues nécessaires le défaut de réparations d'entretien, le législateur n'a évidemment entendu parler que de celles de ces dernières réparations qui étaient effectivement

à sa charge.

II. *e>

«.£

706 DES DROITS RÉELS.

L'usufruitier n'est donc pas tenu de rétablir ce qui e* lonibé de vétusté, par suite d'un état de choses antérieur son entrée en jouissance, alors même que les travaux a eu cuter à cet ettet rentreraient dans la classe des répara lions d'entretien ".

D'un autre côté, l'obligation dont s'agit ne s'appliqui pas davantage aux dégradations causées par des cas for tuits 2I. Art. 007.

L'usufruitier peut, en renonçant à F usufruit, s'affranchir pour l'avenir, de l'obligation de pourvoir aux réparations d'entretien21. Il peut même, au moyen de cette renoncia tion, et en restituant en outre les fruits par lui perçus de puis l'ouverture de son droit, se décharger, pour le passé de l'obligation d'effectué!? les réparations dont la cause s'esl

19 La restriction que l'art. 607 apporte à l'obligation d'entretien qui pèse sur l'usufruitier, est évidemment conforme à l'équité ; on ne conce- vrait pas que ce dernier fût tenu de supporter les effets d'une vétusté qui, bien qu'arrivée à son dernier degré pendant la durée de l'usufruit, n'en re- monterait pas moins à une époque antérieure à l'ouverture de ce droit, En vain dit-on, que les dégradations ne peuvent être occasionnées que pai la vétusté, lorsqu'elles ne sont pas le résultat de cas fortuits ou d'abus d( jouissance, et qu'ainsi l'interprétation que nous donnons à l'art. 607, aboutirait à libérer complètement l'usufruitier des obligations que lui ini pose l'art. 60$. Cette objection repose sur une confusion entre la vétust qui, dans le sens de l'art. 607, suppose des détériorations successivemen produites par une longue série «Tannées antérieures à l'ouverture de l'i sutruit, et les dégradations qui, dans le cours même de l'usufruit, ont ét( occasionnées par la jouissance de l'usufruitier et par l'effet naturel < temps. Nous ajouterons que l'usufruitier pourra sans doute se trouver c lait, et en vue (h; sa jouissance, dans la nécessité de rétablir ce qui ser; tombé de vétusté, OU ce qui aura été détruit par cas fortuit ; mais, à moi] de déclarer l'art, 607 complètement inutile, comme le fait M. Demolombe il faut bien reconnaître qu'il a eu précisément pour objet de le dispense ;i cet égard de toute obligation légale. Voy. en ce sens : Rapport au Tr bunat, par Perreau (Locré, Lég., VIII, p. 276, II). Laurent, VI, :>.">! Cpr. Toullier, III. !$9. Durantpn, IV, 620. Voy. en sens contraire : Proi dhon, IV, 166.') il 1668. Du Caurroy, Bonnieret Houstain, 11, 20:; ;i 20S Demolombe, \. 587 et 588. Cpr, Orléans, 6 janvier 1Ô48, S., 48, 2, 28j "" Voy. pour et contre cette proposition, l<vs autorités citées n In note 16 2i Demolombe, \, .*>70. Voy. aussi les autorités citées à la note suj vante.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 231. 707

produite dans le cours de sa jouissance, pourvu qu'elles n'aient pas été occasionnées par sa faute ou par sa négli- gence -'.

L'usufruitier est tenu d'acquitter seul, et sans répéti- tion contre le nu-propriétaire, les charges qui sont à con- sidère!' comme pesant sur les fruits. Art. 608. Telles sont les contributions ordinaires établies au profit de l'Etat, à sa- voir l'impôt foncier, et celui des portes et fenêtres 23. Tels

->2 Pothier, Du douaire. 237. Salviat, I, p. 168. Proudhon. V, 2191. Duvergier sur Toullier, III, 429, note a. Zachariae, § 288, texte, notes 8 et 9. Laurent, VI, 547. Deux autres opinions ont été émises sur ce point. Suivant Duranton (IV, 623) et Déniante (Cours, III. U9 bis, III), l'usu- fruitier ne serait môme pas tenu de restituer tous les fruits recueillis de- puis l'ouverture de son droit, et il lui suffirait de bonifier ceux qu'il aurait perçus depuis l'époque les réparations dont il veut s'affranchir sont devenues nécessaires. Mais cette distinction, qui se comprendrait jusqu'à certain point dans le système de ceux qui mettent à la charge de l'usu- fruitier les réparations d'entretien, alors même qu'elles sont nécessitées par la vétusté ou par des cas fortuits, nous semble inadmissible dans le sys- tème contraire que nous avons adopté, puisque les réparations qu'ont rendues nécessaires la jouissance même de l'usufruitier et les ravages du temps à partir de l'ouverture de son droit, sont une charge naturelle des fruits qu'il a perçus depuis son entrée en jouissance. D'après Du Caurroy, Bonnier et Roustain (11,200), Bugngt^sur Pothier, VI, 414), Marcadé(sur l'art. 605. 3) et Demolombe (X, 577 et 578), l'usufruitier ne pourrait pas, même en restituant tous les fruits par lui perçus, s'affranchir, pour le passé, de l'obligation de pourvoir aux réparations d'entretien dont la cause est contemporaine à l'exercice de son droit. Ces auteurs se fondent sur ce que l'usufruitier ayant, par suite de sa jouissance, contracté l'obli- gation d'entretien, il ne saurait s'en affranchir par une restitution de fruits, qui ne ferait pas disparaître le fait même de sa jouissance. Mais, à notre avis, cette argumentation ne repose que sur une équivoque. En effet, l'o- bligation d'entretien est bien moins attachée au fait abstrait de la jouis- sance, qu'à la perception des fruits dont elle forme une charge, d'où la conséquence qu'au moyen de la restitution de tous les fruits par lui perçus, l'usufruitier fait disparaître la cause réelle de son obligation. Cpr. § 550 bis, texte no 3, lett. cl.

23 Quid de l'impôt, dit des 4o centimes, établi par le décret du 16 mars 1848? D'après son caractère tout à la fois extraordinaire et imprévu, cet impôt n'a pas tombera la charge exclusive de l'usufruitier en vertu de l'art. 608. 11 rentre, à notre avis, dans la classe des charges dont parle l'art. 609, et a dû, à ce titre, être supporté par le nu-propriétaire et l'usu-

708 DES DROITS REELS.

sont encore les centimes additionnels, affectés aux dépense! des départements et des communes, peu importe qu'iljj n'aient été imposés que d'une manière temporaire, et de- puis l'ouverture de l'usufruit seulement 2*. Telle est enfin l'obligation qui incombe aux riverains de fossés ou de cours d'eau non dépendants du domaine public, de contribuer aux frais de leur curage23.

Les charges pesant sur les fruits, qu'on nomme aussi charges annuelles, ne sont dues par l'usufruitier que dans la proportion de la durée de sa jouissance ; et le montant de son obligation à cet égard se règle au point de vue passif, comme se détermine au point de vue actif son droit aux fruits civils 2G.

L'usufruitier est obligé de contribuer, avec le nu-pro- priétaire, aux charges qui, pendant la durée de l'usufruit, ont été imposées sur la propriété elle-même. Art, 609, al. 1er. ('/est ce qui a lieu notamment pour les impôts extraor- dinaires ouïes emprunts forcés, établis ou requis en temps de guerre -7.

Le mode de contribution à ces charges est réglé de la manière suivante: Le propriétaire est tenu de les payer, sans pouvoir en général s'y soustraire en provoquant, jus qu'à concurrence de ce qui serait nécessaire à leur acquitte! ment, la vente partielle de la chose soumise à l'usufruit '*

fruitier dans la proportion que cet article détermine. Déniante, Cours, II, 'iol bis, il. Voy. en sens contraire : DuCaurroy, Bonnieret Roustain, 11, :20(i, à la noie. Demolombe, X, 601.

-v Proudhon, IV. 17(.)i2. DuCaurroy, Bonnieret Roustain, II, u20(>. l)e- molombe, loc. cit. Laurent, VII, 1.

« Cpr. Loi du 14 floréal an XI. Proudhon. IV, 1793. Laurent, Vil, i

'" Cpr. art. S86. Demolombe, X, (>07. Laurent, VII, 3 à 5.

-' Proudhon, IV, 1658, 1680 et 1681. Marcadé, sur l'art. 1609, l.De- molombe, X, 611 et 612. Laurent (VII. bot suiv.), étend ce môme principe aux charges d'intérêt privé qui intéressent tout ensemble la jouissance cl la nue -propriété. Cpr. noie u2:> suprà.

28 Le ehoix laissé au nu-propriétaire par le alinéa de l'art. (>li2 ue lui appartienl pas dans l'hypothèse prévue par l'art. 609. Gependanl m tribunaux pourraient l'autoriser a procéder à la vente d'une portion du

fonds soumis a l'iisul'ruil, s'il était dénué de toute ressource, et que l'uSlb

DE LA PROPRIETE. § 231. 709

L'usufruitier, de sou côté, doit bonifier au nu-propriétaire, les intérêts du capital à débourser par ce dernier, à moins qu'il ne préfère faire lui-même l'avance de ce capital, au- quel cas il est en droit d'en exercer la répétition à la fin de l'usufruit. Art. 609, al. 2 et 3.

La règle de contribution posée par l'art. (>0Ï) doit s'ap- pliquer, par analogie, à l'acquittement des obligations lé- gales qui pèsent sur la propriété, et dont l'exécution a été requise pendant la durée de l'usufruit. C'est ainsi que l'u- sufruitier est tenu de contribuer, avec le nu-propriétaire, au paiement : des frais de la clôture forcée on du bornage, exécutée ou opérée à la demande du voisin ; des indemni- tés dues, en vertu de la loi du 16 septembre 1807, pour dessèchement de marais, ouverture de canaux et de routes, ou construction de digues ; enfin des frais d'établissement de trottoirs, pour la portion mise à la charge du proprié- taire, conformément à la loi du 7 juin 1845 29.

La même règle de contribution doit encore s'appliquer aux dettes qui, sans être dues personnellement par le nu- propriétaire 3(), affecteraient, par privilège ou par hypo- thèque, le fonds soumis à l'usufruit, et pour le paiement desquelles ce dernier et l'usufruitier seraient poursuivis comme tiers détenteurs 31. C'est ainsi que l'usufruitier d'un

Fruitier ne voulût point faire l'avance du capital nécessaire à l'acquitte- ment des charges dont il est ici question. Cpr. Proudhon, IV, 18(53. Mar- cadé, sur l'art. 609, 1. Du Caurroy, Bonnier et Roustain, II, 207. Déniante, Cours, II. 451, III. Demolombe, X, 615. Laurent. VII, 10 ot suiv.

59 Cpr. Proudhon. IV, 1877 et suiv. Demolombe. X, 61:2 et '613. Lau- rent, VII, 8.

30 L'hypothèse il s'agit de dettes personnelles grevant le patrimoine do celui qui a constitué l'usufruit, sera examinée au § 232.

31 Proudhon, IV. 183:2. Déniante, Programme, I, 021. Marcadé. surles art. 610 à 612, no 8. Demolombe, X, 526. Voy. cep. Taulier, II, p. 330. Suivant cet auteur, l'usufruitier qui a payé la dette hypothécaire affectant l'immeuble soumis à l'usufruit, peut exercer son recours contre le nu-pro- priétaire, non-seulement pour le capital, mais même pour les intérêts à échoir pendant la durée de l'usufruit. Il en serait sans doute ainsi, s'il s'a- gissait d'uni1 dette hypothécaire dont, le nu-propriétaire fûl personnel]»1-

J

710 DES DROITS RÉELS.

fonds grevé par privilège d'une rente foncière, dont le nu- propriétaire ne serait pas débiteur personnel, est. bien tenu; de bonifier à celui-ci les intérêts des arrérages qu'il aurait été contraint de payer, mais ne doit pas rester définitive- ment chargé du service de ces arrérages eux-mêmes, et se trouve par conséquent en droit, lorsqu'il les a acquittés sans avoir pu en obtenir le remboursement du débiteur personnel de la rente, de les répéter, à la cessation de l'u- sufruit, contre le nu-propriétaire 32.

A supposer que l'usufruit ait été constitué à titre gra- tuit, l'usufruitier doit supporter, d'après les distinctions suivantes, tout ou partie des frais des procès relatifs, soit à la jouissance seulement, soit à la pleine propriété 33.

ment tenu; mais telle n'est pas l'hypothèse dont nous nous occupons ici, qui rentre bien moins sous l'application de l'art. 611 que sous celle de l'art. 609.

32 D'après le Droit ancien, qui considérait la rente foncière comme un droit réel immobilier, réservé dans le fonds grevé, et les arrérages de la rente comme des charges annuelles de ce fonds, le service de ces arrérages incombait naturellement à l'usufruitier. La question de savoir si cette règle devait encore êtresuivie dans notre Droit nouveau ayant été soulevée lors de la discussion de l'art. 611 au Conseil d'Étal. Tfonchet et Treilhard se prononcèrent pour l'affirmative (Locré, Lég., YII1. p.42,n°24); et cette solution a été adoptée par Proudhon (IV, 1834 et suiv.). Mais, à notre avis, elle ne se concilie, ni avec la nature actuelle dos rentes dites fon- cières, qui ne constituent plus que des dettes ordinaires garanties par un privilège, ni avec l'art. 611. aux termes duquel l'usufruitier à titre parti- culier n'est pas tenu des dettes auxquelles se trouve hypothéqué le fonds soumis à l'usufruit. Ce quipeut expliquer la réponsede Tronchet et Treilf hard, c'esl qu'au moment ils la donnèrent, on n'était pas définitive

ment li\é sur le rejet ou le maintien des renies foncières avec le caractère qu'elles avaient dans l'ancien Droit, la question n ayant été tranchée qua par la loi du M) ventôse an XII, qui ordonna l'insertion de l'art. 530 an Gode civil. Duranton, IV, 024 bis. Duvergier sur Toullier, III. i32, note 6. Du Caurroy, Bonnier etRoustain. Il, 206. Marcadé, sur l'art. 611. De- molombe, \. 528. Zachariœ, § 12H, note l.">. Laurent, Vil, lu2. Voy. cep^

Nîmes, 7 juin IH.'iti. S., .'17, J2, Ï2"2.'i. Cet arrêt, rendu dans dos circons-

tanecs particulières, et par interprétation du testament constitutif de l'u- sufruit, n'a pas statué en principe sur la question.

:i:t II est bien entendu que les Irais de procès restent à la charge exclu- sive du nu-propriétaire, lorsque la contestation n'a porté que sur la nue- propriété. Arg. art. 613. Demolombe, X. 620. Laurent, Vil, 14 et suiv.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 231. 711

Lorsque le procès n'a eu pour objet que la jouissance, les frais auxquels l'usufruitier a été condamné, ainsi que ceux qui lui ont été adjugés sans qu'il ait pu les recouvrer, restent à sa charge exclusive. Art. 618.

Lorsque la contestation a porté sur la pleine propriété, et intéressait ainsi le nu-propriétaire aussi bien que l'usu- fruitier, il faut sous-distinguer si le procès a été gagné ou perdu. Au premier cas, les frais non recouvrables contre le tiers qui a succombé, doivent être supportés, par le nu- propriétaire et par l'usufruitier, d'après la règle de contri- bution posée par l'art. 009, peu importe qu'ils aient été en cause tous les deux, ou qu'un seul y ait figuré 3\ Cette règle de contribution doit également être suivie au second cas, lorsque l'usufruitier et le nu-propriétaire étaient tous deux parties au procès qu'ils ont perdu 8S, à moins cependant que le jugement interveuu n'ait eu pour résultat l'anéan- tissement de l'usufruit, hypothèse dans laquelle les frais se répartissent entre eux par portions viriles 3(i. Que si l'usu- fruitier, ou le nu-propriétaire avait seul figuré dans l'ins- tance, les frais auxquels l'un ou l'autre aurait été condam- né, resteraient à sa charge exclusive37.

Dans la supposition d'un usufruit constitué à titre oné- reux, le nu-propriétaire devant garantir à l'usufruitier la paisible jouissance de son droit, la question des frais se dé- cide d'après les principes généraux sur les effets de la ga- rantie due par le vendeur ™.

3* ïoullicr, III, 4;i4. Proudlion, IV, 1762. Duranton, IV, 627. Du Caur- roy, Bonnier et Roustain, II, 21o. Damante, Cours. 4.v>6. Demolombe. X. 622 et 6:24. Voy. cep. Duvergier sur Toullier, loc. cit.

35 Voy. les autorités citées à la note précédente.

3G Demolombe, X, 622. Gpr. cep. Déniante, Cours, II,4o6 bis. Marcadé sur l'art. 613, no 1. Laurent, VII, 15.

37 Demolombe, X, 624.

38 Gpr. art. 1626 et suiv., et § 355. Demolombe, X, 618.

712 DES DROITS RÉELS.

§232.

De la position de F usufruitier quant aux dettes qui c/re^ raient le patrimoine du constituant, ou qui forment des charges de son hérédité.

Pour déterminer cette position, il convient de distinguer tout d'abord entre l'hypothèse l'usufruit a été établi par acte entre vifs, et celle il l'a été par testament.

Dans la première hypothèse, dont la loi ne s'occupe pas spécialement, l'usufruitier n'est, en règle, soumis à aucune obligation, soit de paiement, soit de contribution, en ce qui concerne les dettes qui grevaient le patrimoine du cons- tituant, ou qui forment des charges de son hérédité. Il en est ainsi, non-seulement lorsque l'usufruit a été établi à titre onéreux, mais même, en général, dans le cas il a été constitué à titre gratuit \ Le contraire ne devrait être admis, qu'en vertu d'une clause expresse du titre constitu- tif, ou par interprétation de la volonté des parties.

Dans la seconde hypothèse 2, la loi distingue entre l'usu- fruitier dont le droit ne porte que sur des objets particu- liers, et celui dont la jouissance s'étend à l'universalité ou à une quote-part des biens du constituant 8 bis,

1 La solution donnée au texte est sans aucune difficulté, lorsque la do- nation ne porte que sur des objets particuliers. Si elle a été contestée, c'est pour le cas seulement il s'agit d'une donation en usufruit com- prenant tout OU partie des biens présents du constituant. Voy. dans le sens de. notre proposition : Du Caurroy, Bonnier et Roustain, II, "21 i. Laurent, VII, 17. Voy. en sens contraire : Marcadé, sur les art. 610 et ()lu2, 1. Cpr. aussi : Demolombe, X, 548. Genty, Usufruit, °2i7. Nous nous bornerons, pour le développement de notée opinion, à renvoyer au § 70(i. et, aux distinctions qui s'y trouvent établies.

- Les dispositions relatives à cette hypothèse, la seule dont la loi s'oc- cupe spécialement, doivent être étendues, sans aucune hésitation, à l'usu- l'ruit dévolu au père ou à la mère en vertu de l'art. 754, et à l'usufruit établi par institution contractuelle. Demolombe. \. 546.

- bis. Sur cette distinction, voyex la critique faite par Laurent (VII. 17 et siih . . ci Marcadé, sur l'art. 610.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 232. 713

Lorsque l'usufruit ne porte que sur des objets particu- liers, l'usufruitier n'est pas tenu de contribuer au paiement des dettes et charges grevant l'hérédité du constituant. Il en est ainsi, alors même qu'il s'agit de dettes hypothécai- res, affectant les immeubles soumis à l'usufruit, en ce sens du moins que si l'usufruitier était, comme tiers détenteur, tenu de les payer, il aurait son recours en remboursement immédiat contre les héritiers ou autres successeurs univer- sels du défunt \ et pourrait môme, si ce recours était resté inefficace, répéter ses avances contre le nu-propriétaire, mais seulement à la cessation de l'usufruit \ Art. 611.

Lorsque l'usufruit s'étend à l'universalité ou à une quote- part des biens du constituant, l'usufruitier, bien qu'il ne soit même dans ce cas qu'un successeur particulier ;, est cependant, en vertu de la maxime Bona non sunt nisi de- ducto œre aliéna. Li Wf, tenu de contribuer, dans la mesure et d'après le mode indiqués par l'art. 612 6, au paiement

3 Laurent, VII, 18. L'art. 611 ne parle que d'un recours à exercer contrôle nu-propriétaire, parce qu'il suppose que ce dernier est en même temps l'ivé- ritier ou le successeur universel du défunt. Mais il n'est pas douteux que, dans l'hypothèse contraire, les héritiers ou successeurs universels ne soient soumis, conformément à l'art. 874, au recours du légataire en usufruit.

4 Le recours contre le propriétaire serait fondé surTart. 609. Cpr. §231, texte 6, notes 28 à 30. Laurent, VII. 21.

3 Cpr.§ 175 ; § 714, texte no 3, notes 16 et 17. Riom, 20 juillet 186^2, S., 63, 2, 1. Voy. cep. Req., 8 février 1862, S., 63, 1, 34. Bordeaux, 19 février 1853, S., 53, 2, 227.

'J bis. Ou plutôt en vertu d'une règle d'équité, la maxime citée pourrait paraître s'appliquer également au cas d'usufruit à titre particulier. Lau- rent, VII, 19. Quant l'étendue de cette contribution de l'usufruitier uni- versel ou à titre universel, Cpr. Laurent, VII, 23 et suiv.

6 L'estimation à faire d'après cet article, n'a d'objet que lorsque l'usu- fruit porte sur la totalité ou une quote-part, soit des immeubles, soit des meubles ; et comme dans ce cas il s'agit de déterminer la valeur compa- rative des biens compris dans l'usufruit et de ceux qui ne s'y (rouventpas soumis, l'estimation de ces derniers est aussi nécessaire que celle des pre- miers. A ce double point de vue, la rédaction de l'art. 612 laisse à dési- rer. Marcadé, sur les art. (^10 et 612, 6. Demolombe, X, 533, 534. Toullier, III, 432. Proudhon, IV, 1892 et suiv. Duranton, IV, 632 et suiv. Salviat, I, p. 204. Laurent. VIL 29 et suiv. Riom. 12 février 1830. S., à -a date. Cpr. Civ. rej.. 12 juillet 1865, S.. 65. 1,449.

714 DES DROITS REELS.

des dettes et charges de l'hérédité, aulres toutefois que le droit de mutation à raison de la transmission delà nue- propriété. Ce droit constitue pour le nu-propriétaire une dette personnelle, et reste à sa charge en capital et inté- rêts 7, de telle sorte cpie si l'usufruitier avait été contraint de le payer, il aurait immédiatement son recours contre le nu -propriétaire, sans être obligé d'attendre la fin de l'usu- fruit pour l'exercer8.

Quant aux arrérages des rentes viagères et pensions ali- mentaires, l'usufruitier, universel ou à titre universel, est tenu de les acquitter dans la proportion de l'étendue de son legs, sans aucune répétition contre les héritiers et succes- seurs universels du défunt. Art. 6109.

L'obligation que les art. 610 et 612 imposent à l'usufrui- tier, dont le droit porte sur l'universalité ou sur une quote- part des biens de la succession, confère aux créanciers hé- réditaires, le droit de poursuivre directement ce dernier, en paiement des intérêts ou arrérages qui ont couru pen- dant la durée de l'usufruit l0, et d'invoquer, le cas échéant,

' Cela est d'autant moins contestable, que l'usufruitier est lui-môme obligé de payer un droit de mutation à raison de l'usufruit. Loi du 22 fri- maire an VIL art. 14, § M, et art. 13. §3 G et 7. Merlin, Quest., En- registrement^ 2. l. Proudbon, IV, 1870. Duranton, IV, 626. Salviat,

1, |>. 224. Demolombe, X, §4$. Cbampionnière et Rigaud, IV, 3883. (av. cass., 9 juin 1813, S., 13, 1, 122. Douai, 18 novembre 1834, S., 33,

2, 21). Toulouse, 27 mars 1835, S., 35, 2, 471. « Laurent, VII, 13. Paris, 4 avril 1811. S.. II, Sj, m. Civ. cass., 9

juin 1813, S.. 13. I, 3(i8. Civ. cass., 3 avril 180(i, S., (i(i, l, 223.

9 Cet article repose sur la môme idée que l'art. 388, dont il forme en quelque sorte la contre-partie. Cpr. Laurent, VII, 22 et 2(>.

10 Celte proposition ne saurait être contestée quant aux arrérages de rentes viagères ou dépensions alimentaires, qui restent à la charge del'ui sufriiilier sans aucune répétition de sa part, pille doit être admise, en eequi concerne les intérêts des dettes ordinaires, par analogie des dispositions des art. lt)()(.) et 1012, qui, bien que simplement fondés sur la règle Bon% non, sunt nisi deducto œrâ œlieno, n'en accordent pas moins une action directe aux créanciers héréditaires contre les légataires universels ou à titre universel. Déniante, Cours, II, 433 bit, Demolombe, X, 323 el 543. Bordeaux, 12 mars 1840, S., i(), 2, 207. Cpr. Req., 8 octobre 1862, S . 63, 1,34.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 233. 715

contre lui et sur ses biens personnels, l'application de l'art. 1978 10 àis.

Mais ces créanciers n'ont, môme contre l'usufruitier uni- versel ou à titre universel, aucune action personnelle et di- recte en remboursement du capital de leurs créances ".

Il est du reste bien entendu, que les créanciers hérédi- taires conservent leur droit de poursuite sur la pleine pro- priété des biens de la succession, y compris ceux qui for- ment l'objet d'un legs d'usufruit 12.

§ 233.

Des obligations et des droits du nu-pr opiné taire , pendant la

durée de V usufruit.

l°Le nu-propriétaire n'est, en cette seule qualité, tenu envers l'usufruitier à aucune obligation positive \ Servi- tus nunquam in faciendo consistit. C'est en vertu de ce principe que l'usufruitier n'a aucune action pour contrain- dre le nu-propriétaire à effectuer les grosses réparations, et que, dans le cas il les a faites lui-même, il n'a, aussi longtemps du moins que dure l'usufruit, aucune répétition à exercer contre ce dernier 2.

10 bis Dans le cas l'usufruitier a payé de ses deniers des dettes gre- vant le fonds soumis à l'usufruit, les intérêts du capital par lui avancé courent à rencontre du nu-propriétaire du jour de la cessation de l'usu- fruit, et non pas du jour de la demande en justice. L'on doit appliquer non les dispositions générales de l'art. 1153, étrangères aux rapports du nu- propriétaire et de l'usufruitier, mais les régies particulières établies par l'art. 612, Civ. rej., 23 avril 4860, S., 81, 1, 544. Dans le même sens Hérisson, Revue pratique, X, p. 38. Demolombe, X. 53J5 et suiv. Laurent. VII, 30.

11 Proudhon, II, 475 à 477. Demolombe, X, 522. Laurent. VII, 28. Bordeaux, 12 marslHiO, S.. 40, 2, 297.

18 Duranton,IV, 636 bis. Demolombe, loc. cit. Laurent loc. cit.

1 A la différence du bailleur qui doit faire joui?" le preneur (art. 1719), le nu-propriétaire est simplement tenu de laisser jouir l'usufruitier. De- molombe, X, 652 Laurent, VI, 43..

2 En disant que les grosses réparations demeurent à la charge du nu-

716 DES DROITS RÉELS.

La seule obligation qui pèse de droit sur le nu -proprié- taire en cette qualité, c'est de ne rien faire qui puisse, en quoi que ce soit, nuire aux droits de l'usufruitier. Art. 599, al. 1.

Ainsi, il ne peut, contre le gré de celui-ci, changer la forme de la chose grevée d'usufruit, élever des construc- tions nouvelles, ni exhausser les anciennes 8.

Ainsi encore, il ne peut abattre les arbres faisant partie d'une forêt de haute futaie non aménagée, à moins cepen- dant qu'il ne s'agisse d'arbres couronnés et dépérissants, ou que les boisa couper ne soient destinés à de grosses ré- parations que le nu-propriétaire se proposerait d'exécuter aux bâtiments compris dans l'usufruit \ Ce ne serait égale- propriétaire, l'art. 003, qui n'a d'autre objet que de déterminer les obliga- tions de l'usufruitier, a simplement voulu exprimer eette idée, que l'usu- fruitier n'est point, en général et sauf les cas d'exception qui y sont indi- qués, tenu de faire les réparations de cette espèce. C'est ce qui ressort évidemment de la con texture môme de l'article précité et de sa combinai- son avec les art. 600et 607. Toullier, III, 443 et 444. Proudhon, IV. 1675 à 1683 et 1686. Duranton, IV, 645, 616 et 620. Marcadé, sur les art. 605 à 607, nos 1 oi 2. Du Caurroy, Bonnier et R ou s tain, II, 204. Déniante, Cours, II. 449 bis, IV à VII. Hennequin, II, p. 435 et 436. Demolombe, X, 583, 384 et 592. Zachariae, § 228, texte et notes 10 à 12; § -229, texte in principio. Douai. 2 décembre 1834, S., 35, 2, 29. Caen, 7 novembre 1840, S., 41, 2, 6. Paris, 11 octobre 1860, S., 60, 2, 581. Toulouse, 9 fé- vrier I86:i. S., 65, 2, 160, et 23 mai 1881, S., 81, 2, 141. Cpr. encore les autorités citées à la note 3 du § 230. Voy.en sens contraire : Delvineourl, I. p. 367 : Benoit, De la dot, I, 179; Salviat, I, p. 169; Taulier, II, p. 327. Voy. aussi : Caen, 21 décembre 1839, S., 40, 2, 109; Bourges, 13 juin 1843, S., 43, 2. 513. Cpr. Laurent, VI, 548 à 550; VII, 43. Cet auteur se fonde sur le texte <le l'art. 605, portant que les grosses réparations de- meurant à la charge du propriétaire. La présente note répond à cette ob- servation. — Cpr. § 235, texte et note 7, sur la question de savoir si l'u- sufruitier est Pn droit, lors do la cessation de l'usufruit, de demander au nu-propriétaire, une indemnité en raison des grosses réparations qu'il aurait faites.

:; Toullier. 111,442. Duranlon, IV, 641 . Proudhon. III, 1466. Demolombe \. 653. Zachariae, g 229, texte et noie 2. Cpr. Laurent. VII, 10. Orléans. 14 décembre 1854, S., 55, 2, 254.

v Pothier, Du douaire, 240. Toullier, III. 141. Duranton, loc. cit. Prou- dhon, II. 880. Demolombe, X. i!8 et 657. Laurent, VII, 38. Poitiers, 2 avril 1818, S.. 18,2, 200. Cpr. Angers, 8 mars 1866, S., 67,2, 21.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 233. 717

ment que pour faire de pareilles réparations, que le nu- propriétaire serait autorisé à extraire, du fonds grevé d'u- sufruit, des pierres, de la chaux, ou du sable. En aucun cas il ne pourrait, même en offrant une indemnité à l'usufrui- tier, ni mettre en exploitation une futaie non aménagée, ni ouvrir une carrière, soit pour en vendre les produits, soit pour les employer à des constructions à élever sur un ter- rain non soumis à l'usufruit/.

La règle que le nu-propriétaire ne doit rien faire qui nuise à la jouissance de l'usufruitier, ne restreint que ses droits en cette qualité, et n'empêche pas qu'il ne puisse, comme propriétaire de fonds non compris dans l'usufruit, exercer librement toutes les facultés inhérentes à la propriété, alors même qu'il devrait résulter de cet exercice une diminu- tion des avantages dont jouissait l'usufruitier. Ace pointde vue, les droits du nu-propriétaire ne sont soumis à d'autres, limitations qu'à celles qui découlent des règles ordinaires du voisinage \

Du reste, lorsque le nu-propriétaire a lui-même consti- tué l'usufruit, ou qu'il se trouve être le successeur uni- versel du constituant, il est, en cette dernière qualité, obligé de délivrer à l'usufruitier l'objet grevé d'usufruit avec tous les accessoires indispensables à l'exercice de ce droit 7. Il est même tenu de lui en garantir la paisible jouissance, lorsque l'usufruit a été établi à titre onéreux, ou à titre de dot.

Le nu-propriétaire conserve l'exercice de tous les droits de propriété compatibles avec les obligations qui viennent d'être indiquées. Il peut donc Vendre l'objet soumis à l'u- sufruit 7 bisl le donner, le grever d'hypothèques ou de ser-

J Demolombc, X, 660. Vov. en sens contraire : Proudhon, II. 878 à 884.

G Hennequin, II, 474. Demolombe, X, 661. Gpr. Touiller, III, 442; Sal- viat, I, :28.vi et 486; Proudhon, II, 879. Laurent. VII, 41.

7 Ces accessoires sont appelés, en Droit romain, adminicula usus fruc- tks. Gpr. L. 1, §§ 1 et 3, 1). si usuf. pet. (7, 6).

7 bis. Laurent, VII, 35. Lorsque la chose vendue simultanément et pour un même prix, appartient pour l'usufruit à l'un des vendeurs, pour la

718 DES DROITS RÉELS.

vitudes, et exercer, à son occasion, toutes les actions qui appartiennent au propriétaire en cette qualité, par exem- ple une action en bornage 8. Mais les actes de disposition par lui faits n'apportent aucun changement au droit de l'u- sufruitier. Art. 621 et aïg. de cet article.

Le nu-propriétaire est autorisé à faire, sur la chose gre- vée d'usufruit, les actes matériels tendant à sa conserva- tion, lors même qu'il en résulterait pour l'usufruitier quel- que incommodité ou diminution de jouissance. C'est ainsi que le nu-propriétaire peut procéder aux grosses répara- tions des bâtiments soumis à l'usufruit; et ce, sans être tenu à aucune indemnité envers l'usufruitier, dans le cas même elles entraîneraient une privation de jouissance de plus de quarante jours 9. C'est ainsi encore que, dans le cas l'usufruit porte sur un domaine qui comprend des bâtiments, le nu-propriétaire est en droit de faire reconstruire les bâ- timents détruits par un incendie ou par tout autre acci- dent 10.

Etifin, le nu -propriétaire a, même pendant la durée de l'usufruit, le droit de contraindre l'usufruitier à l'accomplis- sement des obligations qui lui sont imposées, et de le pour- suite en paiement des indemnités dont il serait recevablë pour des dommages causés par sa faute. C'est ainsi que le nu-propriétaire peut actionner l'usufruitier pour le faire eondainner à effectuer les réparations d'entretien dont il est

nue-propriété à l'autre, chacun d'eux a droit à une portion du prix totaj correspondant à la valeur comparative de l'usufruit avec la nue-propriété.

D'où il suit que les créanciers du nu-propriétaire qui veulent exercer leurs droits sur la partie de ce prix al'IÏMVulc à la une propriété peUVéfil

eu demander la ventilation. Civ. cass., 24novembre IK.*>N. S., 59, 1,129. Lyon, 7 novembre 1863, S., 64, 2, 276.

H Toullier, III, 438. Duranton, IV, 641. Demolombe, X. <i.vis bis h 659. Zachariae, jj 229, i < * x t < ' in medio. Laurent, \TII. oS-37. Bordeauxi 23 juin 1836, S., 37, J2, 36.

" Toullier, III, \\±. Proudhon, II. 874. Demolombe, X, <>.^ et ^.\:\ Za- chariae, § 229, texte m [me. Cpr. Laurent. \ II. 39.

1(1 Proudhon, loc. cit. Demolombe., X, <>•><>. Laurent, loe. rit.

DE LA PROPRIÉTÉ. S 234. 719

tenu H, et à payer la valeur d'arbres qu'il aurait indûment abattus ls.

§234.

Des différentes manières dont F usufruit prend fin.

A. Aux termes de Fart. 017, l'usufruit s'éteint :

Par la mort de l'usufruitier \ Art. 617, al. 2.

Lorsque l'usufruit a été constitué par acte entre vifs, au profit de plusieurs personnes appelées à l'exercer simulta- nément, il s'éteint partiellement par le décès de chacune d'elles, à moins que le contraire ne doive être admis par interprétation de la volonté commune des parties. Le même principe de solution s'applique au cas l'usufruit a été établi par testament ~.

Lorsque plusieurs personnes sont appelées successive- ment à l'usufruit des mômes biens, il y a autant d'usufruits

11 Le nu-propriétaire n'est pas réduit à l'action en déchéance ouverte parl'art. 018. Proudhon, IV, 1648. Duvergier sur Toullier, III, 429, note a. Hennequin, II, 434. Taulier. II, 426. Demolomlie, X, 573. Za- chariae,fj 228, texte et note 7. Civ. cass., 27 juin 1825, S., 25, -1, 427. .Montpellier, 7 juin 1831, S., 32, 2, 10. Civ. cass., 10 janvier 1859, S., 59, 1, 225. Voy. en sens contraire : Amiens, ter juin 1822, S., 23, 2, 349. Cpr. aussi : Demolombe, X, 574; Civ. rej., 10 décembre 1828, S., 29, 1, 14.

12 Proudhon. IV, 2094. Salviat, I, 244. Demolombe, X, 395 à 397, 410 b is et 632. Req., 14 mars 1838, S., 38, 1, 741. Voy. en sens con- traire : Poitiers, 20 janvier 1857, S., 58, 2, 237.

1 Avant la loi du 31 mai 1854, l'usufruit s'éteignait par la mort civile, aussi bien que par la mort naturelle. Cpr. § (ri, texte no 2, notes 6 et 10; § 83 bis, texte et note 8. La preuve de la mort de l'usufruitier incombe au nu-propriétaire. Laurent, VU, 50 à 53.

- En Droit romain, l'usufruit légué à plusieurs personnes conjointement ne s'éteignait que par la mort du dernier des légataires, alors même que les autres n'étaient décédés qu'après avoir recueilli le legs. L. \, proe., et § 3, D. de usuf. accresc. (7,2). Mais la disposition de cette loi n'a pas été reproduite par le Code civil. Les art. 1043 à 1045, en effet, ne s'occu- pent que du droit d'accroissement auquel donne lieu la caducité d'unlegs non encore recueilli. Voy. § 726, texte in fine, notes 47 et 48. Laurent, XIV, 316 et 317.

720 DES DROITS RÉELS.

distincts, que de personnes au profit desquelles la constitu- tion en a eu lieu \ Dans ce cas, le décès de l'usufruitier en premier ordre, tout en ayant pour effet d'éteindre son droit, donne en même temps ouverture à celui de l'usufrui- tier en second ordre, et ainsi de suite, de sorte que l'usu- fruit ne fera définitivement retour à la nue-propriété que par la mort du dernier appelé.

L'usufruit établi au profit d'une personne morale, s'éteint par la cessation de l'existence légale de cette personne *, et en tout cas par le laps de trente ans \ Art. 619.

Le mode d'extinction dont il est ici question tient à l'es- sence même de l'usufruit, et ne peut être modifié par des conventions ou dispositions contraires \

Par l'expiration du temps pour lequel l'usufruit a été constitué, et notamment par la mort de la tierce personne dont la vie a été prise pour terme de sa durée. Art. 017. al. 3.

Quant à l'usufruit accordé jusqu'à ce qu'un tiers ait atteint un âge déterminé, il dure jusqu'à cette époque, encore que le tiers soit mort avant l'âge fixé, à moins cependant qu'il ne fût clairement établi que c'est la vie de ce tiers quia été prise comme terme incertain de la durée de l'usufruit, au- quel cas il s'éteindrait par son décès, àquelque époque qu'i] arrivât. Art. 620 \

Du reste, quel (pie soit le terme assigné à la durée de

•'■ Cpr. § 228, texteet note D'c.

i L. 21, D. quib. mod. usuf. amitt. (7, \). Proudhon, 1,330 et 331. Du- canton, IV, 664. Demolombe, X, 670. Laurent, VII, 53"

j Le legs annuel d'une somme d'argent, ou d'une certaine quantité de (leurres, ne doit pas rire confondu avec un legs d'usufruit. Un pareil le^s fait à une personne morale esi perpétuel. Le principe qui s'oppose à (pie la jouissance soit à toujours séparée de la nue-propriété, ne peut trouver d'application dans cette hypothèse. Proudhon, I. 331. Laurent. VII, 53.

" Cpr. §228, texte el notes3et4.

7 Cet article ne" renferme qu'une disposition déclarative de In volonté présumée des parties ou du disposant,* et doit, par conséquent, cesser dw recevoir application dans l'hypothèse exceptionnelle prévue au texte. Du* ranton, i\ - 659. Demolombe, X, <i7D. Cpr. Laurent, VIL :>:>. ;><;.

DE LA PROPRIETE, § 234. 721

l'usufruit, il ne s'en éteint pas moins par la mort de l'usu- fruitier, arrivée avant ce terme 8.

Par le non-usage pendant trente ans.

Ce mode d'extinction, qui n'est au fond qu'une pres- cription extinctive °, est régi par les règles ordinaires de cette espèce de prescription. Ainsi, il n'exige de celui qui s'en prévaut aucune condition de possession. Ainsi encore, les causes qui suspendent la prescription, telles que la mi- norité de l'usufruitier ou le caractère dotal de l'usufruit, suspendent également l'effet extinctif du non-usage 10.

Le mode d'extinction résultant du non-usage suppose que l'usufruit n'a été exercé, ni par l'usufruitier lui-même, ni, de son chef ou en son nom, par l'intermédiaire d'un tiers11. Il suppose de plus une absence complète de jouissance. Une jouissance, quoique incomplète, suffirait pour conser- ver le droit de l'usufruitier 12. 11 en serait de même d'une

8Toullier, III, 449. Proudhon, IV, 1965. Duranton, IV, 661. Demo- lombe, X, 680. Zachariae, § 230, note 9. Laurent, VII, 50. Voy. cep. Déniante, Cours, II, 461 bis.

'•> Cpr. art. 2262. Demolombe, X, 689 et 690. Laurent, VII, 61. Voy. en sens contraire : Zacharia1, § 209, texte in fine, et note 13.

10 Proudhon, IV, 2107. Duranton, IV, 672. Demolombe, X, 699. Lau- rent, VII, 61.

11 Par exemple, par un co-usufruitier, par un acquéreur à titre onéreux ou gratuit de l'usufruit, par un fermier, ou même par un simple ncgotio- rum gestor. Demolombe, X, 694. Laurent, VII, 62 et suiv. Civ. cass., 29 juillet 1864, S., 64, 1, 20. Le Droit romain admettait même que l'usu- fruitier était censé jouir delà chose soumise à l'usufruit, par cela seul qu'il jouissait du fermage pour lequel il l'avait louée, ou du prix en retour duquel il avait cédé l'exercice de son droit ; et ce, indépendamment de toute jouissance effective de la part du fermier ou du concessionnaire. LL. 38 et 39, D. De usuf. (7, 1). Cette doctrine, reproduite parPothier {Du douaire, no 251), et adoptée par Proudhon (IV, 2110), ne nous parait plus devoir être suivie sous l'empire du Code civil. À notre avis, la jouis- sance, exclusive du non-usage, doit matériellement porter sur la chose même soumise à l'usufruit, puisque, dans ce cas seulement, elle touche le nu-propriétaire et lui devient opposable. Demolombe, X, 69.v>. Voy. en sens contraire : Laurent, VII, 62.

12 Proudhon, IV, 2102. Demolombe, X, 696. Laurent. VII, 63. Gpr. Metz, 8 mai 1866, S., 67. 2, 231.

a 46

722 DES DROITS RÉELS.

jouissance excessive ou abusive 13. Quant à la jouissance qui n'aurait porté que sur une ou plusieurs des choses sou- mises à l'usufruit, elle ne conserverait pas le droit de l'u- sufruitier sur les autres, <i moins qu'elles ne fussent tou- tes comprises dans une seule et même universalité juridi- que .

Le non-usage n'entraîne l'extinction de l'usufruit qu'au- tant qu.il a duré trente années, sans qu'il y ait à cet égard à distinguer, entre l'usufruit établi sur des immeubles, et celui qui porte sur des meubles même corporels 1S.

Par la perte totale de la chose soumise à l'usufruit.

Sous ces expressions, on doit comprendre non-seulement la destruction physique, mais encore tout changement qui, survenu dans la forme constitutive et la manière d'être par- ticulière de ht chose, a pour résultat de la rendre impropre à l'usage en vue duquel l'usufruit a été établi 16.

13 Sauf, dans Ce cas, le droit du nu-propriétaire, de provoquer la chéancede l'usufruitier pour abus de jouissance. Art. 618. Cpr. texte, lett. B, infrà. Deinolombe, X, 696. Laurent, VII, 63.

u Laurent, VIL 63. Cpr. Deinolombe, X, 696 et î4ë.

18 Deinolombe, X, 891. Il est bien entendu qu'il ne s'agit ici que des rapports de l'usufruitier et du nu-propriétaire. Si un meuble corporel, grevé d'usufruit, avait passé entre les mains d'un tiers, l'usufruitier ne pourrait évidemment le réclamer que dans les cas exceptionnels le propriétaire serait lui-même autorisé à le revendiquer. Cpr. art. 2279, et g 183.

16 Les jurisconsultes romains enseignaient que l'usufruit s'éteint par ia transformation delà chose soumise à l'usufruit en une chose nouvelle (mu- tatio rei); et ils poussaient même assez loin les conséquences de ce prin- cipe, en tenant compte toutefois des usages de la vie pratique, et de l'in- tention présumée de celui qui avait constitué l'usufruit. Cpr. Elvers, Die lïnnisclic Servitutcnlehre, § 70. Dans notre ancienne jurisprudence, les opinions n'étaient pas unanimes, l'otliier (Du douaire, 2*>f>), rejetant comme dos subtilités les décisions des lois romaines, n'admettait même pas que l'usufruit s'éteignit par l'incendie du bâtiment qui en formait l'u- nique objet. Doma4, au contraire (Ltiis civiles, liv. 1, tit. XI, seet. VI. n,is 7 et 8), s'était prononcé pour la doctrine du Droit, romain. C'est aussi celli doctrine que les rédacteurs du Code paraissent, avoir voulu consacrer, du moins i-ii gétléràl, et sauf en ce qui concerne sprculnnonl, l'usufruit éta- bli sur des universalités <le fait, par exemple sur un troupeau. Arg. art. 624 et 616. Cpr. Delvincourl, 1, p. 374 et 372; Proudhon, V, 2538 et

DE PROPRIÉTÉ. § 234. 723

C'est ainsi que l'usufruit portant sur un bâtiment, s'éteint par l'incendie ou la ruine de ce bâtiment. Art. 624, al. 1. C'est ainsi encore que l'usufruit établi sur un étang s'éteint, lorsqu'il est mis à sec par la retraite définitive des eaux i7.

La perte de la chose n'entraîne l'extinction de l'usufruit que lorsqu'elle a été la suite d'un cas fortuit 18. Si elle avait été causée par la faute du nu-propriétaire ou de l'usufrui- tier, l'usufruit continuerait de subsister ; et ce serait d'a- près les règles relatives aux obligations respectives des parties, que se détermineraient les conséquences de cette perte. Que si elle avait été occasionnée par le fait d'un tiers, T usufruit ne s'éteindrait pas davantage : et l'usufrui- tier aurait droit, tant à la jouissance de ce qui resterait de la chose, sous une forme quelconque, qu'à celle des dom- mages-intérêts dont ce tiers serait passible 19.

On doit assimiler à la perte de la chose, sa mise hors du commerce, soit par un événement de la nature, soit par suite d'expropriation pour cause d'utilité publique, en ce sens du moins que l'usufruit est définitivement éteint quant à la chose même qui s'y trouvait soumise. Seulement, en pa- reil cas, et par exception à la règle qui sera ci- après indi- quée, la jouissance de l'usufruitier se reporterait, soit sur le terrain attribué au nu-propriétaire en vertu de l'art. 563, soit sur l'indemnité de dépossession. Loi du 3 mai 1841, art. 39.

L'extinction de l'usufruit par la perte totale de la chose est absolue, de sorte que l'usufruitier ne conserve aucun droit de jouissance, ni sur les accessoires qui dépendaient de cette chose, ni sur ce qui en resterait sous une forme

2536 ; Du Caurroy, Bonnier et Roustain, II, 233; Demolombe, X, 700 et 705 à 710. Laurent, VII, 6S à 68.

17 Demolombe, X, 710. Il n'en serait plus de même s'il n'y avait qu'un dessèchement momentané. Laurent, VII, 71. Voy. en sens contraire: Mar- cadé, sur l'art. 617, n°9.

18 Arg. art. 624. Vov. aussi : art. 616. Proudhon, V, 2527. Demolombe, X, 713.

15 Proudhon, IV, 1590 et suiv. Demolombe, loc cit.

724 DES DROITS REELS.

nouvelle et différente 20. C'est ainsi que l'usufruitier d'un bâtiment qui a été détruit par un incendie, n'a le droit de jouir ni du sol ni des matériaux. Art. 624, al. 1. il est tou- tefois à remarquer que, si le bâtiment incendié avait été as- suré, soit par l'usufruitier, soit même par le nu-propriétaire, l'usufruit se reporterait sur le montant de l'indemnité payée par la compagnie d'assurance 21.

Quant à la perte partielle de la chose soumise à l'usufruit, elle n'entraine pas l'extinction de ce droit, qui continue de subsister, non-seulement sur ce qui reste de la chose dans sa forme primitive, mais encore sur ses débris et sur ses accessoires. Art. 623. Ainsi, par exemple, lorsque l'usufruit porte sur un domaine, et qu'un bâtiment qui en fait partie vient à être incendié, l'usufruit continue de subsister, tant sur le surplus de ce domaine, que sur le sol et les matériaux du bâtiment incendié. Art. 624, al. 2. A plus forte raison, l'usufruit qui a pour objet une universalité de droit, ne s'é- teint-il pas par la perte de l'une ou de l'autre des choses comprises dans cette universalité 82.

L'usufruit définitivement éteint, par la destruction phy sique de la chose grevée de ce droit, par le changement de sa forme constitutive, ou enfin par la mise hors du com- merce, ne renaît pas, Lorsqu'elle se trouve rétablie dam son état primitif ou replacée dans le commerce, soit pa

20 Arg. art. 616, al. 1, et 624, al. u2. Proudhon, V, 2547 et2548.Demo lombe, X, TOI et 702. Laurent, VII, (58.

21 Gpr. sur le ras l'assurance a été faite par l'usufruitier : § 23M texte et note 9. Le principe indiqué dans celte note, que l'assurance n

peul jamais rire pour l'assuré une source de bénéfice, doit également rc cevoir son application au cas elle a clé faite par le nu-propriétaire. E faisant assurer le bâtiment incendié pour sa valeur en pleine propriété, n'a pu agir, en ce qui concerne la jouissance, que dans l'intérêt de l'usi fruitier, dont il s'est ainsi constitué le negotiorum yestor. et qui parsuil pourra, en offrant de bonifier au nu-propriétaire les intérêts des prime par lui payées, demandera exercer son usufruit sur l'indemnité payée pa

l'assureur. Golmar, 25 août 18*2(>, S., 28, 2,47.

22 L. 34, g 2, Ù.de usuf. (7, 1), Domat, Lois civiles, li\. 1. titre \ sect. VI, iv> \. Proudhon, V. $534. Demolombe, X. 704, Cpr. Laurenl VII, 68.

DE LA PROPRIETE. § 234. 725

le fait de l'homme, soit par un événement de la nature. Ainsi, lorsqu'une maison, qui formait l'unique objet de l'u- sufruit, a été incendiée par cas fortuit, la reconstruction de cette maison, par le nu-propriétaire ou par l'usufruitier, ne ferait pas renaître l'usufruit n. Ainsi encore, l'usufruit ne renaît pas, lorsque l'immeuble qui s'y trouvait soumis ayant été exproprié pour cause d'utilité publique, le nu- propriétaire vient à exercer le droit de préemption que lui accorde l'art. 60 de la loi du 3 mai 1841.

Mais il ne faut pas confondre avec les causes d'extinc- tion définitive de l'usufruit, les simples obstacles que des événements de la nature auraient apportés à son exercice. Si ces obstacles venaient à cesser avant l'écoulement d'un laps de trente ans, l'usufruit serait à considérer -comme n'ayant jamais cessé d'exister. C'est ce qui aurait lieu au cas de l'inondation d'un champ, ou de la disparition tem- poraire des eaux d'un étang M.

Aux termes de Fart. 617, l'usufruit s'éteindrait encore : Parla consolidation, c'est-à-dire par la réunion, sur une même tête, des deux qualités d'usufruitier et de pro- priétaire 23.

23 Proudhon, V, 2543. Duranton, IV, 679. Marcadé, sur l'art. 617, 8. Demolombe, X, 713 ter. Laurent, VII, 70. Si la reconstruction avait été faite par l'usufruitier, la position des parties serait réglée par l'art. 555. Golmar, 23 janvier 4831, S., 34, 2, 180.

2* La question de savoir si un événement de la nature constitue une cause d'extinction définitive de l'usufruit, ou ne forme qu'un obstacle tem- poraire à son exercice, peut, dans tel cas donné, rester de fait incertaine pendant un temps plus ou moins long. Mais on ne comprendrait pas que l'effet juridique de cette incertitude se prolongeât au delà du terme ordi- naire de la prescription. C'est dans cet esprit qu'a été conçu l'art. 704, dont la disposition doit, par voie d'analogie, et même a fortiori, ôtre étendue aux servitudes personnelles. Delvincourt, I, p. 374. Proudhon. V, 2551. Duranton, IV, 687. Déniante, Cours, II, 472 bis. Demolombe. X, 744. Laurent, VII, 74. Voy. en sens contraire : Taulier, II, p. 340. Suivant cet auteur, l'usufruit renaîtrait, à quelque époque que vînt à ces- ser l'obstacle qui s'opposait à son exercice.

s3 Dans le langage du Droit romain, le mot consolidatio ne s'appliquait qu'au cas l'usufruitier devenait propriétaire de la chose soumise à son droit. Cpr. § 3, Inst. de usuf. (4, 2); L. 3, § 2, I). de itsnf. accresc. (~,2\

726 PES DROITS RÉELS.

La consolidation peut avoir lieu dans deux hypothèses : dans celle l'usufruitier acquiert la nue-propriété en vertu d'un titre quelconque ; et clans celle où, en dehors de toute cause d'extinction proprement dite, l'usufruit vient à se réunir à la nue-propriété par l'acquisition qu'en fait le nu- propriétaire 26.

Dans l'une comme dans l'autre de ces hypothèses, la con- solidation constitue plutôt un obstacle à la continuation de l'exercice de l'usufruit sous sa forme propre, qu'un véri- table mode d'extinction de ce droit 27. Lorsque l'usufruitier vient à être évincé de la nue-propriété qu'il avait acquise, ou que son titre d'acquisition est résolu ex tune, l'usufruit reprend toute sa force 28. Il en serait de même si le nu- propriétaire venait, après avoir acquis l'usufruit, à perdre la nue-propriété, par suite d'éviction ou de la résolution ex tune du titre qui la lui avait conférée.

Du reste, la réunion de l'usufruit sur la tête du nu-pro- priétaire, ou celle de la nue-propriété sur la tête de l'usu-

IMais les rédacteurs du Code oui pris ce terme dans le sens plus général indiqué au texte.

26 II est évident qu'il ne peut être question de consolidation, même dans l'acception large que. les rédacteurs du Gode ontattribuée à ce terme. Lorsque l'usufruit l'ait retour à la nue-propriété par suite de son extinc- tion ; et c'est aussi ce qu'indique l'art. 617, en parlant de la réunion sur la même tête, des deux qualités d'usufruitier et de propriétaire, réunion qui suppose que l'usufruit existe encore au moment elle s'opère. M ar- cade (sur l'art. 017, l\) a donc critiqué à lort la définition que le Code donne de la consolidation ; et il est tombé dans une grave erreur en sou- tenant que, lorsque l'usufruitier donna ,)U vend son droit au pu-proprié- taire, L'usufruit finit absolument. Ce qu'il y a d'inexact, dans l'art. 617, <c u'csl pas la définition qu'il donne de la consolidation, mais l'effet ab- solu qu'il semble y attacher, en la rangeant parmi les causes d'extinction de l'usufruit. Cpr. Demolombe, X., 683. Laurent, VII, .r>7.

''n La consolidation n'est pas plus une véritable cause d'extinction de L'usufruit, que la ronl'usion n'est un mode d'extinction des obligations. Cpr. art. 1300; g 330, texte et note 7. Demolombe, X, 684. Laurent, VIL 88. Civ. cass., 7 novembre 1890, S., 1)0. I. U%.

28 L. :i7, I). de usuf. (7, I). Art. 1 77, et arg. (\o cet article. Touiller,

lll, m. Duranton, IV, 007 à 070. Proudhon,IV, 2075. Demolombe, \, 084 à 087.

DE LA PROPRIÉTÉ § 234. 727

fruitier, ne peuvent jamais porter atteinte aux sûretés spé- ciales des créanciers de ce dernier, Ces créanciers seraient donc autorisés à poursuivre la vente de l'usufruit sur le- quel ils auraient obtenu une hypothèque ou un gage, aux fins d'exercer, comme si cette réunion n'avait pas eu lieu, le droit de préférence qui leur compète 29.

B. D'un autre côté, l'usufruit peut, suivant l'art. 618, ces- ser par la déchéance encourue par l'usufruitier pour abus de jouissance. Cette déchéance, qui n'a jamais lieu de plein droit, ne doit être prononcée que pour des abus graves 30, imputables à l'usufruitier personnellement 31.

Les tribunaux jouissent en cette matière d'un pouvoir discrétionnaire, en vertu duquel ils sont autorisés, selon la gravité des cas, soit à prononcer l'extinction pure et sim- ple de l'usufruit, soit à prendre telle mesure qu'ils jugent convenable pour concilier les intérêts du nu-propriétaire et de l'usufruitier 31 bis. Ainsi, ils peuvent n'ordonner la ren- trée du nu-propriétaire dans la jouissance des objetsgrevés d'usufruit, que sous la condition de payer annuellement à l'usufruitier une somme déterminée, jusqu'à l'instant

29 Salviat, II, p. 41. Proudhon, IV, 2071 et suiv. Demolombe, X, 747 et 748. Gpr. Du Caurroy, Bonnier et Roustain, II, 148. Laurent, VU, .fi8. La eaution est-elle libérée par la consolidation ? Voy. Laurent, VU, l)\).

30 Pour qu'il y ait lieu à déchéance, il suffit de fautes lourdes de nature à compromettre le fond, môme sans allégation de fraude. Laurent, VII, 81. L'usufruitier se rendrait coupable d'un abus de cette nature, s'il ven- dait, comme lui appartenant, des objets soumis à son droit. Proudhon, V, 2422. Demolombe, X, 719. Laurent, VII, 82. Bordeaux, 19 avril 1847. S., 48, 2, 183. Quid de la location des meubles compris dans l'usufruit ? Voy. § 230, texte et note 51.

31 Proudhon, V, 2450 à 2439 . Demolombe, X, 718. Ou bien à la per- sonne que l'usufruitier laisse administrer en son nom, par exemple le mari, sauf toujours pour les tribunaux le droit d'apprécier sous quelle mesure il convient de tenir compte de ce qui est personnel à l'usufruitier et de ce qui a été fait en dehors de lui. Req., 6 août 1872, S., 72, 1, 317. Cpr. Laurent, VII, 81 .

31 bis. Laurent, VU, 84. Req., 6 août 1872, S., 72, 1, 317. Il en serait de même alors que l'usufruit porterait sur des choses fpngifalea. Req., 21 janvier 1845, S., 43, 1, 129. Douai, 11 janvier 1848, S., 48, 2,437.

728 DES DROITS RÉELS.

ce droit aurait cesser 3\ Ils peuvent aussi maintenir l'u- sufruitier dans sa jouissance, soit en le condamnant à four- nir caution malgré la dispense établie en sa faveur33, ou en admettant l'offre qu'il ferait de réparer les dommages cau- sés et de fournir des garanties pour l'avenir 8*, soit en éta- blissant un séquestre 33. Enfin, ils pourraient ne prononcer qu'une déchéance partielle, si les abus de jouissance repro- chés à l'usufruitier n'avaient porté que sur quelques-uns des objets soumis à son droit 38.

Les créanciers de l'usufruitier peuvent intervenir clans l'instance et demander, soit le versement entre leurs mains de la somme à payer annuellement par le nu-propriétaire, soit même le maintien de l'usufruit, en offrant la réparation des dégradations commises et des garanties pour ['avenir. Mais de pareilles offres n'emporteraient pas pour le juge la nécessité de maintenir l'usufruit 3T, lors même qu'elles

32 La disposition du 3e alinéa de l'art. 618 ne doit pas être restreinte au cas les créanciers interviennent dans la contestation. Observations du Tribunal (Locré, Lég., VIII, p. 257 et 258, no 16). Zachariae, § 230, note 15.

"a Gpr. § 229, texte 2 et note 30. Dcmolombe, X, 722. Ils peuvent prononcer contre l'usufruitier une condamnation à des dommages et inté- rêts. Dcmolombe, X, 632. Civ. cass., 10 janvier 1859,S., 59, 1, 225. Pau, 26 novembre 1873, S., 74, % 70.

84 Si les juges sont, aux termes du second alinéa de l'art. 618, autori- sés à admettre une pareille offre, lorsqu'elle est faite par les créanciers de l'usufruitier, à plus forte raison peuvent-ils l'accueillir, quand elle émane de l'usufruitier lui-même. Demolombc, X, 726.

85 Arg. art. 602. Deinante, Programme, I, 632. Dcmolombe, X, 722. Laurent, VII, 84.

36 Discussion au Conseil d'État (Locré, Lég., VIII, no 28, p. 243). Demolombe, X, 723. Pau, 26 novembre 1873, S., 74, 2, 70. Les mémos mesures peuvent être prises même vis-à-vis du père, usufruitier légal. Proudbon, V, 2425 et suiv. Gpr. Besançon, 4 juillet 1864, S., 65, 2, 69.

:,T 11 est évident, que L'intervention des créanciers, qui ne sont que des ayants-droit de l'usufruitier, ne peut légalement limiter le pouvoir dis- crétionnaire qui appartient aux tribunaux. Discussion au Conseil d'Etat (Locré, Lég., VIII, no 28, 242 et 243). Salviat, II, 58. Du Caurroy, Bonnier et Roustain, II, 229, Demolombc, X, 726, Laurent, VII. 85, 86,

DE LA PROPRIÉTÉ. § 234. 729

seraient faites par des créanciers antérieurs aux abus de jouissance reprochés à l'usufruitier 38.

C. Indépendamment des modes d'extinction indiqués aux art. 617 et 618, l'usufruit s'éteint encore, d'après les prin- cipes du Droit commun, par la révocation ex tune du droit de celui qui a établi l'usufruit, par la résolution du titre au moyen duquel il a été constitué 39, et par la renonciation de l'usufruitier.

La renonciation n'est un mode spécial d'extinction de l'u- sufruit, que lorsqu'elle est le résultat d'un acte unilatéral de la part de l'usufruitier ; si elle avait eu lieu par une con- vention, à titre onéreux ou gratuit, conclue avec le nu-pro- priétaire, elle constituerait plutôt une cession de l'usufruit, opérant consolidation dans la personne de ce dernier, qu'une véritable cause d'extinction de ce droit, et les effets en seraient régis par les principes ci-dessus exposés 40.

La renonciation unilatérale de l'usufruitier n'est soumise, pour sa validité, à aucune forme spéciale *\ Elle peut même avoir lieu tacitement, pourvu que la volonté de l'opérer ressorte, d'une manière non douteuse, des faits dont on pré- tend l'induire 41 bis.

Le seul concours de l'usufruitier à la vente de la chose grevée d'usufruit, ne devrait pas, en général, être consi- déré comme emportant de sa part renonciation à son droit. Art. 621. Dans le cas les faits et circonstances de la

38 Deniolombe, loc. cit. Laurent, VII, 85. Voy. en sens contraire Proudhon, V, 2432 et suiv.

39 Zachariae, § 230, texte, notes 10 el 11. Cpr. sur ces deux causes d'extinction : § 220 bis. et §302, texte no 4, lett. b. Laurent, VII, 72, 73, 87 et 75.

40 Gpr. texte, lett. A, no 5 supra. Demolombe, X, 728 et 729. Cpr. Lau- rent, VII, 88.

41 Pothier, Du douaire, no 248. Proudhon, V, 2206. Demolombe, X, 733. Rouen, 19 mai 1862, S., 63, 2, 29.Req., 23 janvier 1877, S., 79, 1, 444. Cpr. Laurent, VII, 72 et 75.

•-1 bis. Rouen, 22 janvier 1846, S., 47, 2, 28. Rouen, 19 mai 1862, S., 63, 2, 29. Giv. rej., 19 août 1872, S., 72, 1, 316. Req., 28 mai 1877, S., 78, 1, 126. Gpr. Laurent, VII, 74.

730 DES DROITS REELS.

cause conduiraient à admettre une solution contraire 42, oi aurait à déterminer, d'après la commune intention des par ties, si la renonciation de l'usufruitier a été faite tant dan l'intérêt du nu-propriétaire que du tiers acquéreur, ou s elle n'a eu lieu que dans l'intérêt de ce dernier, et si, pa suite, l'usufruit est éteint d'une manière absolue, ou s'il s trouve simplement converti en un droit de jouissance fcu le prix. Du reste, lorsque l'usufruitier est go- vendeur de 1 chose soumise à l'usufruit, son concours à la vente ne peu plus être envisagé comme emportant renonciation à soi droit, et constitue une cession à titre onéreux de l'usufruit fait concurremment avec la vente de la nue-propriété. El pareil cas, l'usufruitier a droit à la partie du prix représen tant la valeur de l'usufruit comparée à celle de la nue-pro priété ; mais il ne serait pas autorisé à exercer son usufrui sur la totalité du prix 43. Le droit qui dans cette hypothès appartient à l'usufruitier, compète également aux créan ciers ayant hypothèque sur l'usufruit**.

La renonciation dont il est ici question est efficace pa elle-même, en ce sens quelle éteint immédiatement l'usu fruit, et qu'elle ne peut plus être rétractée sous prétext

42 D'après le Droit romain, le consentement donne par l'usufruitier à 1 vente de la chose grevée d'usufruit, emportait renonciation tacite à so droit. L. 4, g 42» àv doli mali except. (44, 4). A notre avis, cette k suppose un consentement donné à la vente de la pleine propriété ; ol dans celte supposition, nons pensons que la solution qui s'y trouve énor cée, pourrait encore être exceptionnellement admise aujourd'hui, malgi la disposition de l'art. 621. Cet article, dont l'objet B été d'empêcher qu l'usufruitier ne fût privé de son droit par surprise, ne s'oppose pas à c qu'il puisse, à raison de son concours à la vente, et par appréciation de faits et circonstances de la cause, être considéré comme y ayant renoue d'une manière plus ou moins complète. Opr. Proudhon, V. 2173 et sun Demolombe,X, 730 et 734. Retj., 2 février 1852, S., 52,4, 178. Req 28 mai 1877. S., 78. I, 126.

♦•Laurent, VII, 3». Paris, 1 février 4832, S.. B2, 1, 304. Giv. cass, 21 novembre 1858, S., 59, 1, 129. Lyon, 7 novembre 1808,8., 64, 2, UJ7( Cpr. Douai, 23 décembre 18(11. S.. 62, u2, 170.

** Paris, 2 février 4888, S.. 32, 2,301.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 234. 731

que le nu-propriétaire ne l'aurait point encore accep- tée 45.

Mais lorsqu'il s'agit d'un usufruit établi sur des immeu- bles, la renonciation ne devient efficace à l'égard des tiers qui, du chef de l'usufruitier, ont acquis et dûment conservé des droits sur cet usufruit, que par la transcription de l'acte qui la renferme ou du jugement qui la constate, et à par- tir seulement de l'accomplissement de cette formalité 46. Loi du 23 mars 1855, art. 1, nos2 et 3.

Les créanciers de l'usufruitier sont admis à demander, par voie d'action paulienne, la rétractation de la renoncia- tion qu'il aurait faite au préjudice de leurs droits, sans être tenus de prouver l'existence d'une intention frauduleuse de sa part47. Art. 622.

D. Enfin, l'usufruit est encore susceptible de s'étein- dre par lusucapion de dix à vingt ans, accomplie au profit de celui qui, par juste titre et de bonne foi, a acquis a non domino la pleine propriété de l'immeuble 48

45 Si, eh règle générale, et surtout en matière de droits personnels, la renonciation ne devient irrévocable que par l'acceptation de celui auquel elle doit profiter, on peut admettre que l'acceptation cesse d'être néces- saire, lorsqu'il s'agit de la renonciation à un droit réel, qui restreignait l'exercice d'un droit plus étendu, ou qui primait un droit de môme na- ture. Dans ce cas, en effet, il n'y a aucun motif pour exiger, de la part du titulaire du droit restreint ou primé, une acceptation qui doitètre con- sidérée comme ayant existé virtuellement et d'avance. C'est dans cet esprit que paraissent avoir été rédigés les art. 621 et 2180, qui, en indiquant la renonciation à l'usufruit et à l'hypothèque comme cause d'extinction de ces droits, ne requièrent pas qu'elle soit acceptée pour produire cet effet. Demolombe, X, 733 bis. Req., 16 mars 1870, S., 70, 1, 281. Cpr. aussi les arrêts cités à la note 19 du §292. Voy. en sens contraire : Proudhon. Y, 2220 et 2221.

46 Cpr. Troplong, De la transcription, no 94 ; Rivière et Huguet, Ques- tion sur la transcription. 72; Flandin, De la transcription, I, 447 à 4o2.

47 Cpr. sur ce point, les développements donnés à la note 18 du § 313. Voy. cep. Demolombe, X, 73o ; Zachariœ, §230, texteetnote 16, et § 313, texte et note 7 .

48 Nous ne nous occupons pas du cas un usufruit a été indûment constitué sur des immeubles déjà grevés d'usufruit au profit d'une autre

732 DES DROITS RÉELS.

grevé de ce droit 49.

Lusufruit formant un démembrement de la propriété, el constituant pour l'usufruitier un bien compris dans son pa-

personne. L'usufruit indûment constitué peut, il est vrai,, se consolider pai l'usucapion de dix à vingt ans. Cpr. § 227, texte et note î™. Mais cette usucapion aura bien moins pour effet d'éteindre l'ancien usufruit, qu( d'en paralyser l'exercice pendant la vie de l'acquéreur du nouvel usufruit Delvincourt, I, p. 370. Demolombe, X, 741.

49 Cette proposition, nous le reconnaissons, n'est pas sans difficulté On peut objecter que l'acquéreur de la pleine propriété d'un immeuble n'ayant pas entendu acquérir et posséder l'usufruit comme tel, n'a pu, ï l'aide de la prescription acquisitive, réunir cet usufruit àla nue-propriété On peut dire encore que l'application de l'art. 2265 se trouve ici écarté( par le rapprochement des art. 2261- et 617, puisque ce dernier articli n'admet d'autre mode d'extinction de l'usufruit par voie de prescription que le non-usage pendant trente ans. Mais ces deux objections ne nous pa raissent pas décisives. Nous répondrons à la première, que si, in apicibn. juris, l'acquéreur n'a possédé l'usufruit que comme un attribut do pleine propriété (ususfructus causalis), et non comme un démembrement de cette dernière (ususfructus forma lis), il n'en a pas moins exercé er fait la jouissance que l'usufruitier aurait exercer, et s'est par subs litué en son lieu et place ; ce qui doit suffire pour la complète eonsoli dation de son acquisition. La seule conséquence à tirer de l'objection à la quelle nous répondons en ce moment, c'est que l'usufruit, n'ayant été pos sédé que comme attribut de la pleine propriété, ne peut s'acquérir d'ur côté et se perdre de l'autre que par sa réunion à la nue-propriété ; et c'es aussi ce que nous disons dans la suite du texte. Quant à la seconde objec tion, elle n'a point, en matière d'usufruit, une valeur absolue, puisqu'oi reconnaît généralement (pie, malgré la disposition de l'art. 2264, l'acqué reur de l'usufruit d'un immeuble déjà grevé d'usufruit peut, en vertu d< l'art. liCh), consolider son acquisition par l'usucapion de dix à vingt ans Cpr. § 227, texte et note !''«. Nous ajouterons qu'il serait peu rationné que l'usufruitier fût, par l'effet de la prescription acquisitive, privé de soi droit vis-à-vis <U» celui qui n'aurait acquis que l'usufruit, et quecependan il le conservât, malgré celte prescription, au regard de celui qui aurai acquis la pleine propriété. Dans ces deux hypothèses, en effet, un lier ayant cxvw()} au lieu et place de l'usufruitier, le droit de jouissance qU COmpétaità ce dernier, la même raison milite pour admettre l'usncapioi dans la seconde de ces hypothèses, aussi bien que la première, l'roudhon [V, 2123 à 2129. Troplong, De la jircscript/ou. Il, 854. Du Caurroy, Hou nier et Roustain, II. "llti. Taulier, II, p. 338. Demante, Cours. 11. 163 bis II. Demolombe, X, 712. Zacharite, g 230, note 13. Marcadé, art. 624, nj I . Laurent, VII, H(.) et suiv.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 235. 733

trimoine, celui-ci ne peut en être privé qu'au moyen d'une usucapion réunissant, quant à lui, toutes les conditions requises par le Droit commun. Ainsi, il faut que le tiers acquéreur ait ignoré, au moment de son acquisition, l'exis- tence de l'usufruit ; qu'il n'y ait eu, dans la personne de l'usufruitier, aucune cause de suspension de prescription ; et que la jouissance de l'acquéreur ait duré pendant le temps nécessaire, eu égard au domicile de l'usufruitier50. D'un autre coté, comme l'usufruit ne peut s'éteindre dans l'hypothèse actuelle que par suite de sa réunion à la nue- propriété, il faut que l'usucapion se trouve également ac- complie par rapport au nu-propriétaire, de sorte que les causes qui auraient empêché l'usucapion de s'accomplir à son égard, formeraient également obstacle à son accom- plissement au préjudice de l'usufruitier Bi,

Que si une personne avait acquis a domino la pleine pro- priété d'un immeuble grevé d'usufruit, dans l'ignorance de l'existence de ce droit, elle pourrait également le réunir à la nue-propriété, par une usucapion de dix à vingt ans ac- complie contre l'usufruitier personnellement S2. Mais, dans cette hypothèse, l'usufruit serait bien moins éteint, que simplement paralysé dans son exercice y3 ; et l'usufruitier aurait un recours en indemnité contre le nu-propriétaire parle fait duquel il a été privé de son droit de jouissance u.

§235.

Des conséquences de l'extinction de l'usufruit*

La cessation de l'usufruit, pour toute autre cause que la perte totale de la chose ou la consolidation sur la tête

80 Proudhon, IV, 2458.

51 Proudhon, IV, 2154 à -2156.

32 Duranton, IV. 678. Marcadé, sur l'art. 624, appendice 1.

53 Demolombc, X, 741. Voy. cep. Du Caurroy, Bonnier et Roustain, II,

; Marcadé, loc. cit. u Arg. art. 599, al. 1. Proudhon, IV, 2129. Demolombe, X, 741.

734

DES DROITS REELS.

de l'usufruitier, a pour effet direct et immédiat de faire ren- trer le nu-propriétaire dans le droit de jouissance dont il avait été temporairement privé \

11 a donc, dès le moment de la cession de l'usufruit, droit aux fruits naturels pendants par branches ou racines sur les fonds que l'usufruitier exploitait lui-même ; et ce, sans être tenu envers lui à aucune indemnité pour frais de la- bours ou de semences. Art. 585. Les fruits civils appartien- nent également, dès ce moment, au nu-propriétaire, en ce sens qu'ils se partagent, entre lui et l'usufruitier ou ses ayants-droit, dans la proportion indiquée par l'art. 586.

Le retour du droit de jouissance, s'opérant ipso facto nu profit du nu-propriétaire, impose à l'usufruitier ou à ses héritiers, l'obligation de restituer sans délai les objets qui se trouvaient soumis à l'usufruit ; et l'indue possession qu'ils en auraient conservée de fait après la cessation de l'u- sufruit, les rendrait passibles de dommages-intérêts. Cette proposition doit même s'appliquer aux sommes d'argent comprises dans l'usufruit, de sorte que, faute de restitution immédiate de ces sommes, l'intérêt en court de plein droit, nu profit du nu-propriétaire, du jour de l'extinction de l'u- sufruit 2.

La règle de restitution immédiate qui vient d'être posée,

1 Pothier, Du douaire, no 268. Proudhon, V,2570. Demolombe, X, 635. Laurent, VII, 92 et suiv.

2 Non obstat art. 1453, al. 3. Les rapports do l'usufruitier avec le nu- propriétaire, ne sont pas ceux d'un débiteur et d'un créancier ordinaires; et il s'agit bien moins ici de l'obligation de payer une somme d'argent, que de celle de restituer un capital usufructuaire, dont la jouissance ne peut pas s'étendre au delà <le la durée de l'usufruit. Nous ajouterons que l'usufruitier doit être présumé avoir placé ce capital, par cela même qu'il n'eu avait la jouissance qu'à titre d'usufruitier ; et qu'il ne serait pas juste que sa négligence à Le restituer privât le nu-propriétaire de la faculté d'en lirer profit. Demolombe, X, 637. Laurent, Vil, 95. Eleq., Il mars 1846, S.. '<<;, I. 561. Voy. cep. Req., 30 novembre 1829, S., 30, L, u2:$. Il esl bien entendu" que, si les héritiers de l'Usufruitier- avaient joui «l'un

capital iisul'riicliiairc dans la croyance que leur auteur en était proprié- taire, il n'en devraient les intérêts qu'à partir de la ceisation de leur bonne toi.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 235. 735

doit cependant recevoir un certain tempérament, quand il | s'agit d'une maison que l'usufruitier habitait lui-même avec sa famille. Dans ce cas, la veuve et les héritiers de l'usu- fruitier seraient autorisés à demander l'octroi d'un délai suffisant pour se procurer une autre habitation, mais à charge bien entendu de payer le loyer de la maison tant qu'ils continueraient de l'occuper 3.

L'usufruitier qui se trouve dans l'impossibilité de restituer

| en nature les objets dont il n'était pas devenu propriétaire,

et de justifier qu'ils ont péri sans sa faute, doit en payer la

valeur estimative au jour de l'ouverture de l'usufruit, avec

j dommages-intérêts s'il y a lieu 4.

L'obligation de restitution imposée à l'usufruitier ou à ses héritiers comprend, non seulement les objets qui se trouvaient ab initio soumis à l'usufruit, mais encore les accessions qu'ils ont pu recevoir par des événements de la nature, et même les améliorations provenant du fait de l'u- sufruitier, sauf seulement l'exercice de la faculté d'enlève- ment dont il sera parlé ci-après. Art. 599, al. 2, et arg. de cet article. Elle comprend également, après destruction de la chose, ce qui en reste sous une forme différente de celle sous laquelle elle formait l'objet de l'usufruit 5.

L'usufruitier qui a fait des avances pour le compte du nu-propriétaire, en acquittant des charges affectant la nue- propriété aussi bien que l'usufruit, est autorisé à demander le remboursement de ces avances 6, avec intérêts à partir du jour de la cessation de l'usufruit \

3 Proudhon, V, 2570 et 2583. Demolombe, X, 638 et 639. Cpr. Lau- rent, VII, 97.

4 Cpr. § 230, texte 1, notes 14 à 16; § 231, texte no 3, notes 6 à 8. 3 Art. 616, 624, et arg. de ees articles. Ainsi, lorsqu'un animal, objet

de l'usufruit, vient à périr par cas fortuit, l'usufruitier est tenu d'en rendre la peau. Demolombe, X. 312.

6 Art. 609, al. 3, et art. 612, al. 3. Cpr. § 231, texte 6, notes 27 à 32, et texte no 7, notes 3i et 35; § 232, texte et note 4. Zachariœ, § 231 texte et note 6.

"' Nec obstal art. 1153. al. 3. Cpr. note 2 suprà. Voy. aussi : § 441 texte et note 11. Dès qu'on admet que l'usufruitier ou ses héritiers sont de

736 DES DROITS RÉELS.

Lorsque l'usufruitier a exécuté lui-même des grosses ré- parations que le nu-propriétaire aurait négligé ou refusé de faire, il est en droit, lors de la cessation de l'usufruit, de s'en faire indemniser 8, mais jusqu'à concurrence seu- lement de la mieux value, ressortant encore à cette époque, des travaux qu'il a effectués 9.

Que si, en l'absence de toute convention conclue avec le nu-propriétaire, l'usufruitier avait élevé des construc- tions nouvelles sur le terrain soumis à l'usufruit, il serait

plein droit tenus des intérêts des sommes comprises clans l'usufruit, on doit, par une juste réciprocité, reconnaître qu'ils ont également droit, dès la cessation de l'usufruit, à la bonification des intérêts des avances faites pour le compte du nu-propriétaire. Civ. rej., 23 avril 1860, S., 61, 1,544. Cpr. Laurent, VII, 99.

8 Décider le contraire, en refusant à l'usufruitier tout droit à indemnité pour les grosses réparations qui tourneraient au profit du nu-propriétaire, ce serait contrevenir à la règle d'équité Nemo cumdamno alterius locuple- tior fierl débet. On objecterait en vain que, d'après le second alinéa de l'art. 599, l'usufruitier n'a aucune indemnité à réclamer pour les amélio- rations par lui faites, puisque des grosses réparations, quiconstituenttou- jours des impenses nécessaires, ne sauraient être assimilées à de simples améliorations, qui ne forment que des impenses utiles. Aussi la proposi- tion émise au texte est-elle généralement admise. Voy. les autorités citées à la note suivante. Voy. en sens contraire : Coulon, Quest. de droit, I, 267. Cpr. aussi : Bourges, 13juin 1843, S., 43, 2, 513.

9 Le nu-propriétaire n'étant pas terni de faire les grosses réparations. et le recours accordé à l'usufruitier n'étant fondé que sur la règle d'équité rappelée à la note précédente, ce recours ne peut avoir lieu que dans la mesure du profit que le nu-propriétaire retirera, après la cessation del'u- sufruit, des grosses réparations faites par l'usufruitier ; et ce d'autant plus, que ce dernier a profité lui-même, pendant toute la durée de sa jouissance, des avantages résultant de ces réparations. Bourjon, Droit commun delà France, au Litre De l'usufruit, chap. IV, n" 8. Duvergieï sur Toullier, III, note a. Bugnet sur Pothier, VJ, p. 438. Du Caurroy, Bonnierçt Roustain, 11,201. Demolombe, X, 593. Zachariœ, § 228, texte et note 12. Toulouse, 9 février 1865,S., 65, 2, 160 et 23 mai 1881, S.,81, 2. 141. Voy, en sens contraire : Proudhon, IV, 1694, et V, 2598 ; Toui- ller. III, 444; llonneqnin. II. 440. Laurent, VI, 550. Suivant ces der- niers ailleurs, l'usufruitier qui a l'ail exécuter des grosses réparations, au- rait (1 roi i au remboursement intégral du prix des matériaux et de la main- d'œuvre. Cpr. aussi dansée sens : Douai, 2 décembre 1831. S.. 35,2.29. Toulouse. 9 février 1805, S., 65, 2, 160.

DE LA PROPRIÉTÉ. S 235. 737

autorisé à réclamer du nu-propriétaire, qui prétendrait les conserver en vertu de son droit d'accession, le rembour- sement du prix des matériaux et de la main-d'œuvre, ou à enlever ces constructions, si ce dernier ne voulaitpas satis- faire à cette obligation 10.

Mais l'usufruitier n'a droit à aucune indemnité pour les simples améliorations, au nombre desquelles il faut ranger les ouvrages ajoutés à des constructions préexistantes, ainsi que les plantations faites dans le fonds soumis à l'u- sufruit11. Art. 599, al. 2.

Toutefois, l'usufruitier est autorisé à déduire du montant des dommages-intérêts dont il serait passible pour dégra- dations par lui commises, celui des améliorations qu'il au- rait effectuées 12.

D'un autre côté, la loi permet à l'usufruitier d'enlever les glaces, tableaux, et autres ornements qu'il aurait fait placer, à charge de rétablir les lieux dans leur état primi- tif. Art. 599, al. 3. Cette faculté d'enlèvement parait devoir s'étendre à tous les objets mobiliers placés par l'usufruitier pour l'amélioration du fonds, à l'exception seulement de ceux qui seraient devenus immeubles par nature13.

10 Cette proposition est contestée : Voir la note 23 du §204, la con- troverse est rappelée.

11 Voy. § 204, texte in fine, note 23 et 21.

12 Pour apprécier l'état de l'immeuble lors delà restitution qui doit en être faite, il faut bien moins l'envisager dans ses détails que dans son en- semble ; et, à ce point de vue, comme le fait remarquer Pothier, il ne peut être censé détérioré que sous la déduction de ce dont il est amélioré. Po- thier, Du douaire, no 277, et De la propriété, n<>3o0. Maleville, sur l'art. 399. Toullier, III, 428. Duranton, IV, 622. Proudhon, IV, 1664; et V, 2623. Dcmolombe, X, 647 et 648. Laurent, VI, 334. Voy. en sens con- traire : Zacliari*, § 231, note 2.

13 Les termes et autres ornements qu'on lit dans l'art. 399, ne parais- sent pas y avoir été insérés dans un sens restrictif, puisqu'il n'existe au- cun motif rationnel pour distinguer, quant à la faculté d'enlèvement, en- tre les ornements et les autres objets mobiliers que l'usufruitier a attachés au fonds dans l'intérêt de sa jouissance, alors du moins qu'ils ne sont pas devenus immeubles par nature. En effet, ces objets n'ayant pas été placés par le propriétaire lui-même, ont conservé leur nature de meubles, sans

h 47

738 Î)1£S DROITS RÉELS.

APPENDICE A LUSUFRU1T

nu <fiiasi-usul*i*uit. De l'usufruit d'un l'omis de commerce et de celui d'un troupeau.

§236.

Du quasi-usufruit.

Le quasi-usufruit est celui qui porte sur des objets dont on ne peut faire usage sans les consommer. Art. 587.

Le quasi-usufruitier doit, comme l'usufruitier propre- ment dit, faire dresser, avant son entrée en jouissance, un inventaire contenant la description exacte de la quantité et de la qualité des objets soumis à l'usufruit. Il est aussi tenu en principe de fournir, pour sûreté des restitutions à faire à la fin de l'usufruit, un cautionnement dont l'importance se détermine d'aprèg la valeur des objets sur lesquels porte son droit1. Les explications données au §229 sur cette dou- ble obligation, s'appliquent également au quasi-usufruit.

A la dili'érence de l'usufruit proprement dit, le quasi- usufruit, qui, sous ce rapport, présente une grande analo- gie avec le prêt de consommation, transfère au qùasî-usu- fruitier, La propriété des choses formant l'objet de son droit.

Ce dernier es1 donc autorisé à en disposer librement*;

se transformer en immeubles par destination, et sont ainsi restés la pro- priété de l'usufruitier. Si ce dernier n'est point autorisé à enlever les objets mobiliers qui, bien que placés par lui, Ont revêtu le caractère d'immeu- bles par nature3 c'est qu'ils sont devenus propriété du hu-propriétaire, en vertu du principe de l'accession. Gpr. sur la manière de distinguer ces

deux classes d'objets : § t64, texte n" I, noies 62 à 66. Yov. dans le

sens de notre opinion : Dcmoïombë, X, 042$ Zacharî'ae, § 231, note 3.

Yov. en sens contraire : l'roudlion, III, \\\"1.

1 Proûdhon, m, 1 o:;. Dembîômbè, \, °288. fcachari», % 288, texte et note 3. * L'art. 587 porte de « pareille quantité, qualité et valeur. » Nous avons

supprimé «huis le texte ces derniers mots, < | m i semblent exiger, pour la

DE LA PROPRIÉTÉ. § 236. 739

et peut, à la fin de l'usufruit, se libérer à son choix, soit parla restitution en pareille quantité, de choses de même qualité 2&j's? soit par le paiement de leur valeur estimative au jour de la cessation de son droit \ Art. 587.

restitution en nature des objets soumis à un quasi-usut'ruit, une condition qui, en réalité, n'est pas requise. Lorsque l'usufruitier veut restituer en nature les objets qu'il a reçus, il peut et doit, pour se libérer, rendre, en pareille quantité, des objets de même qualité, sans égard à leur diminu- tion ou augmentation de valeur pendant la durée de l'usufruit. Sous ce rapport, l'art. 1892 nous parait plus exactement rédigé que l'art. 587. Marcadé. sur l'art. 587, 2. Déniante, Cours, II, 126 bis, II. Demolombe, X. 294. Laurent, VI, 409.

2 bis. D'où il résulte que le quasi-usufruit ne s'éteint point en règle gé- nérale par l'abus de jouissance. Laurent, VII, 80.

3 Dclvincourt, I, part. II, 351. ïroplong, Du prêt, 219 ; De la so- ciété, II, 590 ; et Du contrat de mariage, IV, 3159. Zachariae, §225, texte et note 5. Massé, Droit comm., II, 1409 et suiv.Deux autres opinions ont été émises sur ce point. D'après la première, l'usufruitier jouirait bien de la faculté de se libérer, soit en nature, soit en argent ; mais, dans ce dernier cas, l'estimation des objets à restituer devrait se faire d'après leur valeur, au jour de l'ouverture de l'usufruit, et non à celui de sa cessa- tion. Voy. en ce sens : ïoullicr, III, 398. Proudhon, V, 2634. Cette pre- mière opinion doit être rejetée, comme contraire au principe sur lequel reposent les dispositions des art. 1897 et 1903, et comme conduisant à des conséquences inadmissibles. Il en résulterait, en effet, que si la valeur des objets soumis à l'usufruit avait diminué, l'usufruitier les restituerait en nature, et que si, au contraire, elle avait augmenté, il rembourserait le montant de leur estimation au jour de l'ouverture de l'usufruit, ce qui mettrait de son côté toutes les chances favorables, et du côté du nu-pro- priétaire toutes les chances défavorables. La seconde opinion, en refu- sant à l'usufruitier l'alternative que nous lui reconnaissons, enseigne que ce dernier doit toujours et uniquement, soit le montant de l'estimation, lorsque les objets soumis à l'usufruit ont été évalués lors de l'ouverture de ce droit, soit une pareille quantité d'objets de même qualité, dans l'hy- pothèse contraire : Voy. en ce sens : Duranton, IV, 577. Du Gaurroy, Bon- nieretRoustain,II,168. Marcadé, sur l'art. 587, no 2. Demante,II, 126 bis, I. Demolombe, X, 291 à 293. Laurent, VI, 408. Mais cette interprétation distributive ne se concilie guère avec le texte de l'art. 587, qui, sans distin- guer entre les deux hypothèses qu'on est obligé d'y supposer, donne, d'une manière absolue, à l'usufruitier, la faculté de se libérer, à son choix, par une restitution en nature ou en argent. Xous reconnaissons bien, ainsi que cela ressortira de la suite du texte, que si les objets sujets à l'usufruit ont été estimés dans la vue de déterminer le mode et le taux de la restitution,

740 DES DROITS RÉELS.

Que si la valeur des objets soumis au quasi-usufruit avait été fixée dans le titre constitutif de ce droit, ou si, lors de son ouverture, ils avaient été estimés dans la vue de déter- miner le mode et le taux de la restitution, le quasi-usufrui- tier, devenu débiteur du montant de l'estimation, serait tenu de le rembourser, et ne pourrait, d'un autre côté, être contraint à payer la valeur actuelle des objets qu'il a reçus.

De V usufruit a un fonds de commerce.

Un fonds de commerce comprenant non-seulement des marchandises, mais encore le matériel de rétablissement ainsi que l'achalandage, et même, selon les cas, des ins- truments de fabrication et des brevets d'invention, ne sau- rait être rangé dans la classe des choses qui se consom- ment par le premier usage 4 : un pareil fonds constitue une sorte d'universalité (universum corpus) '% qui continue de

l'usufruitier pourra et devra se libérer en remboursant le montant de l'es- timation, si ce n'est par application de Tari. 587, du moins en vertu de la dérogation conventionnelle apportée à sa disposition. Ce que nous ne saurions admettre, c'est qu'un pareil effet soit attaché à toute estimation faite dans des circonstances quelconques, par exemple lors de l'inventaire de la succession de celui qui a constitué l'usufruit, et sans qu'il y ait à examiner, si elle a eu lieu pour servir de règle à la restitution. C'est aussi dans le sens de notre opinion que parait, devoir être entendue la loi 7, I). de usuf. carum rer. quae usu consurn, (7. 5).

v C'est, ;i tort que Zachariae (§225, texte et note 2) range un fonds de commerce parmi les choses qui se consomment par l'usage, etqui ne sont susceptibles <pie d'un quasi-usufruit.

5 On dit ordinairement, en se fondant sur la loi 77, § l(>, I). de lc<j.{"2{)), et sur l'interprétation qu'en a donnée Cujas (in lib. Vîll Hcsponsorum l'apiniani), qu'un tonds de commerce constitue une sorte d'universalité juridique [universum jus, nomenjuris), bien que Papinien et Cujas après lui ne parlent pas d'un tonds de commerce eu général, niais spécialement d'une mensa argentaria, ou d'un établissement de banque, qui, se com- posant essentiellement et principalement de créances cl de dettes, c'est-à- dire de choses incorporelles, ne seconçoil lui-même (pie comme un objet

df1 celle nature. Or, il en esl autrement d'un fonds de commerce ordi- naire, qui, comprenant principalement des marchandises ou autres choses corporelles, ne constitue, malgré sa nature particulière, et bien qu'il

DE LA PROPRIÉTÉ. § 236. 741

subsister, tant par la conservation des objets qui ne sont pas destinés à être vendus, que par le renouvellement suc- cessif des marchandises qui en font partie.

Il suit de qu'en principe, l'usufruitier d'un fonds de commerce n'en devient pas propriétaire r>. Le contraire ne devrait être admis, qu'autant que l'intention de faire pas- sera l'usufruitier, la propriété même du fonds de commerce résulterait, soit du titre constitutif de l'usufruit ou des cir- constances de son établissement, soit des arrangements pris lors de son ouverture 7.

puisse accidentellement renfermer des objets incorporels, qu'une univer- salité de fait. Voilà pourquoi un pareil fonds n'est, à notre avis, qu'un universum corpus, et non un universurnjus. La distinction que nous éta- blissons ici n'est pas seulement de théorie; il en ressort cette importante conséquence pratique, qu'un fonds de commerce ne comprend pas de plein droit, et sauf intention contraire des parties ou du disposant, les dettes actives ou passives, tandis qu'on arriverait à un résultat diamé- tralement contraire, si on y voyait un nomen juris assimilable à une hé- rédité. Voy. Proudhon, III, 1025 à 1028, et IV, 1851. Troplong, Du con- trat de mariage, IV, 3160 à 3163. Marcadé, sur l'art. 584, 2. Genly, de l'usuf., n<> 141. Demolombe, X, 307. Laurent, VI, 417 etsuiv. Ruben de Couder, Dictionnaire de droit comm., fonds de commerce, 19. Aix, 12 mars 1878, S., 78, 2, 265. Cpr. Lèhre, Des fonds de commerce, nos 10 et s.

6 Marcadé, sur l'art. 581, no 2, et sur l'art. 1553, no 1. Troplong, op. et loc. citt. Demolombe, X, 307. Laurent, VI, 422. Req., 10 avril 1814, S., 14, 1,238. Req., 13décembre 1842, S., 43, 1, 22. Voy. en senscon- traire : Proudhon, III, 1010 à 1024. Du Caurroy. Bonnier et Roustain. II, 170. Civ. cass., 9 messidor an XI, S., 4, 1, 29, et Merlin, Rép., Usufruit,! 4, no 9. Rouen, 5 juillet 1824. S., 25. 2, 132. Gpr. aussi : Toulouse, 18 décembre 1832, S., 33, 2, 209. La question résolue au texte est très importante, dans le cas surtout où, l'usufruitier ayant con- tinué le commerce et étant ultérieurement tombé en faillite, il s'agit de savoir si le nu-propriétaire n'a d'autre droit que celui de se présenter au passif comme créancier du montant de l'estimation du fonds decommereo, ou s'il est fondé à s'en faire reconnaître propriétaire, sauf aux créanciers à poursuivre la vente de l'usufruit de ce fonds. Gpr. Lèbrc, loc. cit.

7 C'est dans des circonstances de cette nature qu'ont été rendus les ar- rêts suivants de la Cour de cassation : Civ. cass., 9 messidor an XI, S., i, 1. 29 ; Req., 13 décembre 1842. S.. 43. 1. 22. Les considérations de fait auxquelles se sont attachées les Cours do Rouen et de Toulouse, dans les arrêts cités à la note 6 supra, étaient, à notre avis, insuffisantes pour justifier la conclusion qu'elles on ont tirée.

742 DES DROITS RÉELS.

L'usufruitier d'un fonds de commerce est autorisé à l'ex- ploiter à ses risques et périls, bien qu'il n'en soit pas de- venu propriétaire. Il peut même être requis de continuer cette exploitation ; s'il s'y refusait, le nu-propriétaire se- rait en droit d'exiger la vente du fonds de commerce comme tel, avec son achalandage et les avantages qui y sont atta- chés 8.

L'usufruitier d'un fonds de commerce, qui, sans être de- venu propriétaire, en a continuer exploitation, est autorisé, comme il y est obligé, de le restituer dans létat il se trouve lors de la cessation de l'usufruit, sauf aux parties à se tenir compte, d'après la nouvelle estimation qui en sera faite à cette époque, de la différence en plus ou en moins que présenterait cette estimation, avec celle qui a eu lieu lors de l'ouverture de l'usufruit9.

Le mode de restitution avec décompte qui vient d'être indiqué, s'applique même au cas le fonds de commerce se composerait, à la fin de l'usufruit, de marchandises qui ne seraient plus exactement les mêmes, quant à leur na- ture, forme et qualité, que celles qui le composaient lors de son ouverture, pourvu que d'ailleurs elles rentrent dans le même genre de négoce l0. Ge mode de restitution s'appli-

8 II ne saurait appartenir à l'usufruitier, on cessant, l'exploitation d'un fonds de commerce, ci en en vendant les marchandises, de priver le nu- propriétaire du bénéfice de l'achalandage et des autres avantages qui peu,- ventêtre attachés à un pareil tonds. Laurent, VI, 420. Voy. en seps con- traire : proudhqn,, III. n11 \i)±2. Gpr. § 22&, texte et note u20. En tout, cas. l'usufruitier qui oc \ oui pas continuel- l'exploitation est tenu d'appeler le nu-propriétaire, avant de procéder à la vente du tonds. Ai\. 1:2 mars

I87K. s.. 78, 2, 265.

C| (le mode 4e restitution, auquel conduit la combinaison des disposi- tions des art.. oK7 ci .'>K(.), se trouve indiqué parla nature particulière d'un

tonds de coinmorec. qui, l>ien que non l'on^ihlo on soi, comprend (•('pen- dant des choses (pic leur destination fend essentiellement longibles. Cpr. Demolombe, \, 3Q7.

10 Les distinctions que Proudhon (III. Kilo et sniv.) a cherché ;i éta- blir ;i ce sujet, en s'attachanl auxqualités particulières et individuelles des marchandises composanl tel ou tel tonds de commerce, doivent être reje- tées, par le motif que la destination coïftmunedes marchandises comprises

DE LA PROPRIÉTÉ. § 236. 743

que également au matériel de l'établissement et aux instru- ments de fabrication. n. Quant aux brevets d'invention, la restitution doit s'en faire par la remise des titres qui les établissent, sans que l'usufruitier soit tenu à aucune boni- fication pour ceux dont la durée serait expirée 12, et sans que, d'un autre côté, il puisse réclamer aucune indemnité à raison des annuités qu'il aurait acquittées.

L'usufruitier qui, par sa faute, a laissé dépérir le fonds de commerce, ou les objets qui en dépendent, est pour ce fait, passible de dommages-intérêts envers le nu-proprié- taire 13.

De r usufruit d'un troupeau.

Un troupeau, bien que se composant d'un certain nombre d'animaux individuellement distincts les uns des autres, n'en constitue pas moins un objet unique 14.

C'est sur cet objet unique, plutôt que sur les têtes de bétail individuellement envisagées, que porte l'usufruit d'un troupeau.

L'usufruitier d'un troupeau a droit à tous ses produits, notamment au lait, à la tonte, et aux engrais. Il a égale- ment droit au croit, mais sous certaines restrictions qui ré- sultent de son obligation de conserver et d'entretenir le troupeau.

dans un fonds de commerce quelconque, les rend toutes fongibles. Cpr. Demolombe, toc. cit. Laurent, VI, 423.

11 En vain dirait-on que, ces objets ne se consommant pas parle pre- mier usage, la restitution doit s'en faire conformément à l'art. 589, et qu'ainsi l'usufruitier se libère valablement en les restituant dans l'état ils se trouvent, non détériorés par sa faute. Cette objection ne reposerait que sur une notion inexacte de l'usufruit d'un fonds de commerce, qui ne donne pas à l'usufruitier le droit de jouir du matériel et des instru- ments de fabrication attachés à un pareil fonds, comme de meubles ordi- naires, mais seulement comme faisant partied'un universum corpus, qu'il est tenu d'entretenir en bon état.

12 Arg. art. 588. Cpr. § 230, texte n«2 et notes 18 à 20.

13 Cpr. Req., 13 décembre 1842, S., 43, 1, 22.

14 Est enim gregis uniim corpus ex disttantibus capitipus. § 18. lnst.de leg. (2, 20). Cpr. Laurent. VI. \ Il et 412.

744 DES DROITS RÉELS.

Le croit étant naturellement destiné à tenir le troupeau au complet, l'usufruitier n'y a droit qu'à la condition d'em- ployer au remplacement des têtes de bétail qui viendraient à périr, non-seulement le croit à venir et les jeunes bêtes encore en sa possession 13, mais même le prix de celles dont il aurait disposé, fût-ce à une époque le troupeau était au complet 16. Art. 616, al. 2.

L'usufruitier est autorisé à disposer des têtes de bétail qui seraient devenues impropres à la reproduction, à la charge de les remplacer, non seulement jusqu'à concur- rence du croit, mais encore, le cas échéant, au moyen du prix qu'il en a retiré 17.

D'un autre côté, l'usufruitier est en droit de garder les

15 Les auteurs paraissent généralement d'accord sur ce premier point. Cpr. Proudhon, 111,1094; Duranton, IV, 630 ; Du Gaurroy, Bonnier et Roustain, II, 217; Marcadé, sur l'art. 616, 2; Demolombe, X, 315. Laurent, VI. 536. Bourges, 12 juin 1872, S., 73, 2, 12. Voy. cep. Taulier, II, p. 334. Cet auteur enseigne que l'usufruitier n'est tenu au remplace- ment qu'avec le croit postérieur aux pertes.

16 Proudhon, III, 1093 et 1095. Du Gaurroy, Bonnier et Roustain, loc. cit. Voy. en sens contraire : Marcadé et Demolombe, locc. citt. L'usufrui- tier acquiert sans doute la propriété des jeunes bêtes, qui viennent à naître le troupeau étant au complet, et il a dés lors la faculté de les vendre ; mais ce droit de disposition est subordonné à la condition que le troupeau restera au complet. C'est ce que Marcadé cl Demolombe reconnaissent eux-mêmes, puisqu'ils enseignent que l'usufruitier doit procéder au rem- placement des bêtes qui ont péri, non-seulement avec le croit à venir, mais encore au moyen du croit antérieur qui se trouve encore en sa pos- session, cl donl cependant il était devenu propriétaire. Or, ce point ad- mis, on ne pourrait, sans inconséquence, dispenser l'usufruitier de tenir compte de ce croit antérieur, par cela seul qu'il en aurait disposé. Celle distinction, peu rationnelle en elle-même, serait également contraire à la disposition de l'art. 616, qui soumet, d'une manière absolue, l'usufruitier a L'obligation de remplacer, jusqu'à concurrence du croit, les têtes de â- lail qui ont péri, sans le dégager de celle obligation quant au croît d* ut il aurait disposé. Il est, du reste, bien entendu que ce remplacement ne peut pas être exigé immédiatement, et que ce sera seulement, lors de la cessation de l'usufruit, que l'usufruitier, faute de représenter le nombre de botes dont le troupeau se composait à son origine, devra tenir compte des têtes manquantes, jusqu'à concurrence du croit.

17 Cpr. Proudhon, lll, 1094; Demolombe, V 314.

DE LA PROPRIÉTÉ. § 237. 745

peaux des bêtes qui ont péri, lorsqu'il les a remplacées. Au cas contraire, il en doit compte au nu-propriétaire 18. Art. 616.

L'usufruit d'un troupeau ne s'éteint par la perte de la chose qu'autant que le troupeau a péri en entier 19, par ac- cident ou par maladie ; et, dans ce cas, l'usufruitier ne doit compte au nu-propriétaire que des cuirs ou de leur valeur. Art. 616, al. 1er.

Lors de la cessation de l'usufruit par une autre cause que la perte du troupeau, l'usufruitier est tenu de repré- senter un nombre de têtes de bétail égal à celui dont le trou- peau se composait à l'ouverture de son droit. Faute de sa- tisfaire à cette obligation, à laquelle il ne peut se soustraire qu'en prouvant que les bêtes manquantes ont péri par cas fortuit, et que le croit a été insuffisant pour combler le dé- ficit, il doit bonifier au nu-propriétaire, la valeur des tètes de bétail qu'il ne représente pas.

IL De l'usage et de l'habitation. I § 237.

De rasage.

L'usage est un droit réel, temporaire ou viager, qui donne à l'usager, la faculté de se servir de la chose d'autrui et d'en percevoir les fruits, mais jusqu'à concurrence seu- lement de ses besoins et de ceux de sa famille. Art, 630.

Bien que l'art, 625 dise que le droit d'usage s'établit de

18 Gpr. Proudhon et Demolombe, locc. citt.

19 D'après le Droit romain, l'usufruit d'un troupeau s'éteint, lorsque le nombre de bêtes qui le composait se trouve tellement réduit., qu'on ne peut plus considérer ce qui en reste comme constituant un troupeau. L. 31, D. quib. mod. usuf. amit. (7, 4). L. 3, proe., D. de abig. (47, 14). Cette dé- cision a été implicitement rejetée par l'art, 616. qui suppose que l'usu- fruit continue de subsister, tant que le troupeau n'a pas entièrement péri. Demolombe, X, 316. Laurent, YIl, 69.

746 DES DROITS RÉELS.

la même manière que liisufruit, on ne trouve cependant dans le Code aucun exemple de droit d'usage légal1.

Le droit d'usage peut, de même que l'usufruit, se consti- tuer, soit par une convention à titre onéreux ou gratuit, soit par acte de dernière volonté ; et tout ce qui a été dit au S 228, sur rétablissement de l'usufruit par titre, s'applique également à l'usage.

D'un autre côté, l'usage peut, lorsqu'il porte sur des im- meubles, s'acquérir, comme l'usufruit, par la prescription de dix à vingt ans ou de trente ans, à la condition que l'u- sager ait lui-même possédé le fonds qu'il prétend grevé de ce droit 2.

Les obligations de l'usager, lors de son entrée en jouis- sance, sont les mêmes que celles de l'usufruitier. Art. 626. Toutefois, l'usager est dispensé de fournir caution et de faire dresser un état des immeubles 2 bisy lorsqu'il n'est

1 Le caractère propre du droit d'usage est nettement établi parDomat, Lois civiles, liv. I, tit. XI, section II, art. 1er. Les art. 1465 et 1570 ne sont pas constitutifs d'un véritable droit d'usage ou d'habitation. Du Gaurroy, Bonnier et Roustain, II, 234. Marcadé, sur l'art. 625. Taulier, IL p. 243j Déniante, Cours, II, 474 bis. Demolombe, X, 759. Yoy. en sens con- traire : Proudhon, VI, 2752 et 2709 ; Hennequin, Iï, 527 ) Zachariœ, § 231 et 233. Les actes à titre onéreux ou gratuit constitutifs de droits d'usagfj ou d'habitation doivent être transcrits : sinon ils ne sont pas opposables aux tiers. Loi du 23 mais 1855, art. 2, 1. Suprà, § 174, no 3. Cpr. § 228, texte et notes 6 et suiv.

2 Proudhon, VI, 2754. Duranton, V, 7. Cpr. Dnvergier sur Toullier, II, 469, nole5. Demolombe, X, 760. Lancent, VII, 106. Ces derniers au- teurs semblent admettre la possibilité de la prescription acquisitive, mêrnS dans le cas l'usager, n'ayant pas possédé le fonds prétendu assu- jetti, aurait simplement reçu une portion des fruits de ce fonds des mains de relui qui a constitué le droit d'usage. A notre avis, celle décision doit être rejetée, comme contraire à la maxime Sine VQSsessiQne, usilcapio con- tingere nonpotest. La délivrance périodique d une portion des fruits d'un fonds, faite a non domino, ne saurait, bien qu'elle ait eu lieu à titre d'usage, être considérée comme constituanl.au prolitdu prétendu usager, des faits de possession opposables au véritable propriétaire. Cpr. aussi : Zachariaa, §^32, texte et note \ his. Cet auteur repousse sans distinction l'usucapiori

en matière d'usage.

" bis. (ïpr. su/trà. §229, 2°, texte : en ce qui touche la situation de l'u-

DE LA PROPRIÉTÉ. § 237. 747

pas mis en possession des objets sur lesquels porte son droit, et qu'il ne fait que recevoir des mains du proprié- taire, une portion des fruits ou revenus de ces objets3.

Les droits de l'usager se règlent, en premier lieu, d'a- près le titre constitutif, qui peut lui accorder des avanta- ges plus ou moins considérables. Art. 628 3 bis,

A défaut de stipulations particulières sur l'étendue du droit d'usage, la loi trace à ce sujet les règles suivantes. Art. 629.

a. La portion de fruits à laquelle l'usager a droit, se dé- termine d'après ses besoins et ceux de sa famille, en ce sens qu'il ne peut réclamer les diverses espèces de fruits provenant des fonds soumis à l'usage, que dans la mesure de ce qui est nécessaire à sa consommation et à celle de sa famille, relativement à chacune de ces espèces de fruits'. Art. 630, al. Ie'.

Sous l'expression famille, il faut ici comprendre : le con- joint de l'usager, dans le cas même celui-ci n'aurait pas encore été marié lors de la constitution du droit d'u- sage 5 ; ses enfants, qu'ils soient nés antérieurement ou pos-

sager qui ne pourrait fournir caution,, voyez môme paragraphe, texte, notes 16 et suiv. Demolombe, X, 794. Laurent, VII, 118.

3 Delvincourt, 1, p. 372. Marcadé, sur l'art. 626. Demolombe, X, 792. Zachariae, § 232, texte et note 2. Laurent, VII, 118.

3 bis. Laurent, VII, 108, 109.

1 Ainsi, l'usager d'un vignoble n'a droit à ses produits que jusqu'à con- currence de sa consommation en vin, sans pouvoir exiger la vendange entière, pour se procurer, au moyen de l'excédant, les autres denrées ali- mentaires qui lui seraient nécessaires. Proudhon, VI, 2770 et 2771. De- mante, Cours, II, 476 bis. Demolombe, X, 772. Gpr. Laurent, VII, 109.

■' Arg. art. 630, al. 2, et art. 632. Discours au Corps législatif, par Gary [Locré, Lég., VIII, 298 et 299, no 31). Proudhon, VI, 2677. Duranton, V, 18. Taulier, II, 345. Déniante, Cours, H, 476. Demolombe, VI, 776. Zachariae § 232, note 6. Voy. cep. Henncquin, II, p. 537 et 538. Quid si une veuve au profit de laquelle son mari a constitué un droit d'usage ou d'habitation, venait à se remarier ? Tout en admettant en principe le maintien de ce droit, et même son extension aux besoins de la nouvelle famille, nous reconnaissons qu'on pourrait facilement décider le contraire bar interprétation du titre constitutif. Cpr. en sens divers : Delvincourt, 1. 373. Salviat, il, 183 et 210. Proudhon, VI, 2S13. Demolombe, X. 777: Zachari*, loc. cit. Laurent, VII, 110.

748 DES DROITS RÉELS.

térieurement à cette époque, et sans qu'il y ait à distinguer entre les enfants légitimes ou légitimés, les enfants natu- rels reconnus, et les enfants adoptifs 6 ; enfin les domesli- ques, ou autres serviteurs attachés à la famille, tels que les précepteurs ou institutrices des enfants \ Art. 630, al. 2.

Mais les parents collatéraux, et même les ascendants de l'usager, ne sont point à considérer comme faisant partie de sa famille pour le règlement de son droit 8, à moins que le contraire ne doive être admis, par interprétation de l'in- tention du constituant, pour les parents que l'usager entre- tenait déjà chez lui lors de la constitution du droit du- sage 9.

b. L'usager ne peut, ni céder, ni louer son droit; en d'au-* très ternies, il lui est interdit de se substituer, par voie de cession ou de location, une tierce personne pour l'exercice de son droit. Art. 031 8 bis. Il résulte de laque le droit d'u- sage ne peut pas non plus être saisi par les créanciers de l'usager, peu importe que ce droit ait été constitué à titre gratuit ou à titre onéreux "'. Mais rien ne s'oppose à cequ4

,; Duranton. V, 10. Duvergier sur Toullier, III, 469, note 5. Marcadé, sur Tari. 030, n<> 1. Du Caurroy, Bonnicret Roustain, 11, 237. Demolombe, X. 778. Zacharise, § -32, texte et note 5. Voy. en sens contraire : Pnm<l- lion, VI, 2779. Cpr. aussi : llennequin, 11. 539.

7 Cpr. § 2, Inst. de nsn et habit. (2. 5). Du Caurroy, Bonnier et Rous- tain, loc. cit. Demolombe, X. 778.

» Proudhon, VI, 2776, 2778, 2817. Duranton, V. 19. Taulier, II 345. Demolombe, X, 777. Voy. cep. Delvincourt, I. 373 ; Du Caurroy, Bonnier et Roustain, loc. cit. ; Zachariae, § 232, texte et note (>.

9 Demolombe, X, 780. Cpr. Delvincourt, Du Caurroy, Bonnier et Rous tain, et Zachariae, locc. citt. Laurent. VII, 110.

bis. Laurent, VII, 111, 112.

10 Voy. aussi : art. 2118 cbn. 2204. Cpr. § 359, texte et note 8. Prou dhon, VI. 2793. in fine. Duranton, V, 23 et 46. Troplong, Des hypothè- ques, III, 778 bis. Taulier, II. 346. Déniante, Cours, II, '<77 bis. Mimerel Revue critique, 1854, IV. p. 122. 7. Genty, n" 344. Demolombe, X 7X()H 789. Zachariœ, $232. noie 8. Laurent, VII. 113. 144, 117. Cham béry, 8 mars 1862, S., 62, 2. 529. Voy. en sens contraire : Aix, i février 1853, S.. 53, 2. 465. Si un débiteur s'était fait constituer un droit d'u sage, moyennant l'abandon <l<v certains biens, mobiliers <>n immobiliers

DE LA PROPRIÉTÉ. § 237. 749

l'usager vende la portion de fruits dont il est devenu pro- priétaire, soit par la perception qu'il en a faite lui-même, soit par la délivrance qu'il en a obtenue " ; et, dans ce cas, ses créanciers sont également autorisés saisir cette por- tion de fruits, à moins qu'il ne s'agisse d'un usage qui, cons- titué à titre gratuit, doive être considéré comme revêtant un caractère alimentaire 12.

En cas de silence du titre constitutif, l'usager de fonds ruraux est, en principe, fondé à exiger la délivrance de ces fonds pour les exploiter lui-même 13. Ce principe, dont l'ap- plication ne saurait faire difficulté dans le cas l'usager absorbe la totalité ou la majeure partie des fruits, est ce- pendant sujet à modification dans l'hypothèse contraire. Il appartiendrait alors aux tribunaux de régler la position des parties, soit en établissant entre elles un partage de jouissance, soit en laissant l'exploitation des fonds au pro- priétaire, à charge de remettre annuellement à l'usager, la portion de fruits qui lui revient, et sous telles autres conditions à déterminer suivant les circonstances lf,

qu'il aurait ainsi soustraits aux poursuites de ses créanciers, ces derniers pourraient, le cas échéant, provoquer la rétractation d'une pareille con- vention, comme faite en fraude de leurs droits. Mais c'est une question toute différente de celle que nous avons résolue au texte.

11 Du Caurroy. Bonnier et Roustain, II, 237. Déniante, Cours, IL 477 bis. Demolombe, X, 773. Laurent, VII, 116. Voy. en sens contraire : Ma- leville, sur Fart. 630. Duranton. Y, 25. Hennequin, H, 534. Zaeharia1. § 232, texte et note 7.

12 Cpr. Déniante, op. et loc. citt. Demolombe, X, 790.

13 Ce droit découle pour l'usager de la nature même de l'usage, qui est un droit réel de jouissance. C'est aussi ce que suppose l'art. 626, qui sou- met l'usager à l'obligation de faire des états et inventaires. Cpr. texte et note 3 suprà. Demolombe, X, 771. Laurent, VII, 111. Voy. en sens con- traire : Du Caurroy, Bonnier et Roustain, II, 240 et 261.

14 Cpr. en sens divers : Proudhon, VI, 2760 et suiv. Duranton, V, 27. Duvergier sur Toullier, II. 469, note 5 . Marcadé, sur l'art. 630, n<> 2. Taulier, II, 347. Demolombe, loc. cit. Zachariae, § 232, note 2. Lors- que le testateur a légué à une personne l'usufruit d'un immeuble, et à une autre l'usage du même immeuble, le droit d'usage s'exerce d'abord : l'usufruitier n'a que les fruits qui ne sont pas nécessaires aux besoins de l'usager. Duranton, V, n<> 13.

750 DES DROITS REELS.

L'usager est, pendant la durée de l'usage, soumis âtîj mêmes obligations que l'usufruitier. Ainsi, il doit jouir en ])on père de famille. Art. 627. D'un autre côté, il est tenu de supporter les charges des fruits. Lorsqu'il ne prend qu'une portion des fruits, il n'est tenu de ces charges que dans la proportion des émoluments qu'il perçoit. Il sup- porte, dans la même mesure, les frais de culture des fond.- qu'il n'exploite pas lui-même 1:\ Art. 635.

Les règles sur l'extinction de l'usufruit s'appliquent éga- lement à l'usage, à cette modification près que, l'usagf étant incessible et insaisissable, les créanciers de l'usagei ne seraient, ni admis à attaquer la renonciation faite pai ce dernier à son droit, ni recevables à intervenir sur la de- mande en déchéance formée contre lui pour abus de jouis- sance lè. Art. 625 17.

Du droit if habitation.

Le droit d'habitation n'est qu'un droit d'usage ayant .poiu objet une maison d'habitation 18. C'est ce qui ressort de l'en

18 On a voulu soutenir que les frais de culture devaient être prélevé sur le produit, brut des fonds soumis à l'usage, el que l'usager avait l droit d'exiger, sur le produit net, toute la portion de fruits nécessaire ; sesbestoins. Voy. Proudhon, VI, 52791 à U27<K ; \)\\ Caurroy, Bonniera Roustain, 11,241. Waïs cette manière de voir est en opposition formel avec l'art. (;;;;,. <>| aurait pour résultat de transformer le droit d'usage ci une créance alimentaire contre le propriétaire. Duvergie'r sur Toullier, 1! i69, note Ire. Dcmantc, Cours, II, 479 bis. Demolombe, X. 800 et 801 Laurent. VII. 120.— On remarquera, du reste, que l'art. 635 ne pari que des frais de culture, et non des semences, qui se prélèvent en naïur sur produit brut. Cpr. Duranlon, V, :$8. Déniante, op. et loc. Cil. Demolombe, X. 802. Laurent, VIL 120 à 123.

19 Proudhon, VI, 2795 à 282Îu\ Demolombe, X, 764. L'usage s'élein parla morî de l'usager. Cpr. toutefois, Laurent, VII, 107, 124.

17 A la différence de l'usufruit, l'usage constitué à titre graduit, el ri votant comme tel un caractère alimentaire, ne s'éteignait pas par la moi civile de l'usager. A.rg. art. 25, al. :>. Cjpr. $$84, noir ln'. fefaleville, si Tari, (il 7. Marcadé, sur l'art. 6zï>. Demolombe, X. 763. Zachariae, § 231

l.exl.e et note II. Voy. cep. lYoudlion, Vf, 2795 et 2825.

18 Le droit d'habitation, tel qu'il est établi par Gode, n'est que ieusù

I

DE LA PROPRIÉTÉ. § 238. 751

semble des dispositions des art. 625 à 635 19, et surtout de l'art. 634. En étendant au droit d'habitation la défense de louer, déjà établie pour le droit d'usage par l'art. 631, l'ar- ticle précité a fait en effet disparaître l'une des principales différences qui, d'après les lois romaines, existaient entre Yusus œdium et Yhabitatio.

Les règles précédemment développées, en ce qui con- cerne l'usage, s'appliquent également au droit d'habita- tion. Spécialement, celui auquel compète un pareil droit dans une maison dont il n'occupe qu'une partie, est tenu de contribuer, clans la proportion de cette partie, aux ré- parations d'entretien de la maison entière, sans pouvoir se soustraire à cette obligation, en offrant de supporter seul les dépenses d'entretien du logement qu'il habite 20. Art. 635.

xdium des Romains, et ne constitue plus un droit d'une nature particu- lière. Cpr. || 2 et 5, Inst. de usu et habit. (2, 5). Hcnnequin, II, 524. Dcmolornbe, X, 753. Zachariae, § 233, texte et note D'e. Quant à l'étendue du droit d'habitation, et spécialement de la jouissance du jardin attenant à la maison. V. Proudhon, VI, 2805 et suiv. Demolombe, X, 775.

19 En effet, les art. 625 à 629 et 635 sont communs à l'usage et au droit d'habitation. D'un autre côté, les art. 633 et 634 ne font que repro- duire, pour le droit d'habitation, les dispositions des art. 630 et 631 re- latives à l'usage. Quant à la règle posée par l'art. 632, quoique parais- sant spéciale au droit d'habitation, elle s'applique également au droit d'u- sage. Cpr. texte no 1 et note 5 suprà. L'on enseigne généralement que le droit d'habitation assuré dans un contrat de mariage au profit de l'é- poux survivant est soumis à l'obligation du cautionnement. Merlin, Rép., Habitation, sect. I, § 2, no 4. Proudhon, VI, 2818 et suiv. Sauf, dit cet auteur, pour la femme survivante : mais cette exception peut être consi- dérée comme arbitraire.

20 Proudhon, VI, 2824. Demolombe, X, 797. Nous ne parlons pas des réparations locatives qui, pour le logement occupé par le titulaire du droit d'habitation, restent, bien entendu, à sa charge exclusive. Cpr. art. 1754 et 1755;| 367, texte no 4.

FIN BU DEUXIÈME VOLUM&

TABLE DES MATIÈRES

CONTENUES

DANS LE DEUXIÈME VOLUME

OC003-0-

DROIT CIVIL THÉORIQUE FRANÇAIS.

SECONDE PARTIE. DES DROITS CIVILS CONSIDÉRÉS SOUS LE RAPPORT DES OBJETS AUXQUELS ILS s'aPPLIQUE.NT .

§§

Pages .

Introduction .

162 I. Des objets des droits civils en général 1

II. Des différentes divisions des choses et des biens.

A. De la distinction des choses considérées en elles- mêmes.

163 1. De la division des choses en meubles et en im- meubles. — Généralités 5

164 Continuation. Des immeubles corporels 6

164 bis Continuation. Des meubles corporels 27

165 Continuation. Extension aux objets incorporels, de la division des choses corporelles en meubles et en immeubles 30

166 2. Des choses qui se consomment et de celles qui ne

se consomment pas par l'usage ; et, accessoirement,

des choses fongibleset de celles qui ne le sont pas. 40

167 3. Des choses divisibles et des choses indivisibles. 4. Des choses principales et des choses accessoires, 42

B. De la distinction des choses relativement au droit de propriété.

168 1. Des choses qui sont ou non susceptibles de pro- priété. 1° Res communes. Res nullius et derelictœ.

n 48

754 TABLE DES MATIERES.

£§ Pages.

Des cours d'eau qui ne font pas partie du domaine public 43

169 Continuation. Des choses comprises dans le do-

maine public 48

170 Continuation. Des choses formant l'objet d'un droit

de propriété proprement dit , et spécialement de celles qui se trouvent comprises dans le domaine privé de l'État, des départements et des communes. 63

171 2. Des choses qui sont clans le commerce, et de celles

qui n'y sont pas 68

172 111. Des différentes espèces de droits 72

IV. Notions générales surl'acquisition des droits réels et des droits personnels proprement dits.

173 Des différentes manières d'acquérir en général. ... 74

174 De l'acquisition par l'effet des conventions en parti-

culier. — Notions générales sur la transcription. . 77

174 bis De la manière dont s'effectue la transcription. Des

actes qui, sous le rapport de leur forme, sont sus- ceptibles d'y être soumis. Des personnes qui peuvent ou qui doivent la requérir. 91

175 Des différentes espèces de successeurs 95

176 De la position des successeurs particuliers, au point

de vue des droits qui leur compétent en cette qualité. 9 7

176 bis Delà, position des successeurs particuliers, en ce qui

concerne les obligations de leur auteur 102

V. De la possession et des actions possessoires. ... 104

A. De la possession.

177 Notion de la possession 105

178 Des objets susceptibles de possession ou de quasi-

possession 109

1 79 De l'acquisition et de la perte de la possession, et de

la quasi-possession 111

180 Des vices de la possession (Précarité. Clandestinité.

Violence) 122

181 De la translation, de l'accession, et de la continuation

de la possession 133

182 Des effets de la possession et de la quasi-possession en

général 139

TABLE DES MATIERES. 755

§§ Pages.

183 Des effets de la possession en matière mobilière en

particulier 143

183 bis Des titres au porteur perdus ou volés. Loi des 15 juin-

5 juillet 1872 160

B. Des actions possessoires.

184 Notions générales 178

1. Des règles communes aux diverses actions pos- sessoires.

185 Des choses et des droits susceptibles de former l'objet

d'une action possessoire 180

186 De lacompétence en matière d'actionspossessoires.

De l'introduction de ces actions, du délai clans lequel elles doivent être intentées , et de leur instruction. Des rapports du possessoire et du pétitoire .... 204

2. Des règles spéciales aux diverses actions pos- sessoires.

187 a. De la complainte. 222

188 b. De la dénonciation de nouvel œuvre 245

189 c. De la réintégrande 247

Livre premier. Des droits sur les objets exté- rieurs, considérés individuellement. Première division. Des droits réels (jus rerum). Titre premier. Delà propriété.

190 Introduction 255

190 bis Appendice. De la propriété des noms patrony-

miques, commerciaux et industriels et des surnoms. 263

Chapitre I. Des facultés inhérentes à la propriété, et de son étendue quant aux objets sur lesquels elle porte.

191 I. Des facultés inhérentes à la propriété 270

192 II. De l'étendue de la propriété quant aux objets sur

lesquels elle porte 280

Chapitre IL Des restrictions et des limites aux- quelles est soumis et dans lesquelles se trouve cir- conscrit l'exercice du droit de propriété. Des

756 TABLE DES MATIERES.

§§ Pages.

obligations légales imposées au propriétaire comme tel.

193 I. Des restrictions apportées, dans l'inlérêt public, à

l'exercice du droit de propriété 291

IL Des limites dans lesquelles se trouve circonscrit l'exercice du droit de propriété, pour l'intérêt réci- proque de fonds voisins.

194 Généralités 302

195 1. De la défense de déverser, sur le fonds voisin, des

eaux pluviales, ménagères ou industrielles, et spé- cialement de l'égout des toits 309

196 2. Des jours et des vues sur un fonds voisin 312

197 3. De la distance à laquelle les arbres doivent être

tenus du fonds voisin. Des branches qui s'éten- dent sur ce fonds, et des racines qui s'y avancent. 324

198 4. De la distance à observer et des ouvrages intermé-

diaires à établir pour empêcher que certains tra- vaux ou dépôts faits dans un fonds, ne deviennent dommageables aux fonds voisins 332

III. Desobligations légales imposéesauxpropriétaires de fonds contigus, dans leur intérêt réciproque.

199 1. Du bornage 335

200 2. De la clôture forcée 354

Chapitre III. Desmanières l'acquérir la propriété.

200 bis Notions générales 359

201 I. De l'occupation. De l'occupation proprementditc

(Chasse. Pêche). De l'occupation par fait de guerre. De l'invention {Trésor. Épaves) 359

IL De l'accession.

202 Généralités 376

203 1. De l'accession d'une chose immobilière à unimmeu-

b\e(AUuvion. Avulsion. Iles, îlots cl atterissements.

Lit abandonné) 378

204 2. De l'accession de choses mobilières à un immeuble. 392 2<Kr; 3. De l'accession d'un meuble à un meuble 403

BS

TABLE DES MATIERES. 757

ss Pages.

206 III. De l'acquisition des fruits perçus par un posses-

seur de bonne foi 405

IV. De l'acquisition de la propriété par l'effet des conventions.

207 Aperçu historique 419

208 De la transcription des actes entre vifs, à titre oné-

reux, et des jugements, au point de vue de la trans- mission de la propriété immobilière, d'après la lé- gislation antérieure à la loi du 23 mars 1855. ... 427

209 De la transcription des actes entre vifs, à titre onéreux,

et des jugements, au point de vue de la transmission de la propriété immobilière, d'après la loi du 23 mars 1855 429

V. De l'usucapion ou de la prescription acquisitive.

210 Notions préliminaires 475

A . Des règles communes à l'usucapion et à la prescrip- tion proprement dite.

211 Des personnes qui peuvent prescrire, et de celles con-

tre lesquelles on peut prescrire 477

212 Du temps requis pour prescrire, et principalement de

la manière de le calculer 479

213 Du moment auquel la prescription devient possible et

commence à courir, ou de son point de départ en

général 481

214 De la suspension de la prescription 490

215 De l'interruption de la prescription 504

2 15 bis Desdispositions transitoires relativesà la prescription. 529

B.Desrèglesparticulièresàl'usucapiondelapropriété.

216 Généralités 533

217 De la possession requise pour l'usucapion 535

218 Des conditions spécialement requises pour l'usucapion

par dix à vingt ans, et des effets qui sont attachésà

son accomplissement 541

Chapitre IV. Des actions qui naissent du droit de propriété.

219 Action en revendication. Action négatoire. . . . 559

758 TABLE DES MATIERES.

§§ Pages

Chapitre V. De l'extinction, de la perte, et de la . révocation de la propriété. 220 De l'extinction absolue et de la perte relative de la

propriété 573

220 bis De la révocation de la propriété 574

Appendice à la propriété. Des formes particulières que peut affecter le droit de propriété.

A. De la copropriété portant sur des choses indivi- duellement considérées.

221 1. De la copropriété ordinaire 578

22 1 bis 2 . De la copropriété résultant du concours de plusieurs

propriétaires ayant droit chacun à des produits différents d'un même fonds 585

221 ter 3. Delà copropriété avec indivision forcée 588

222 4. De la mitoyenneté 596

223 B. De la propriété restreinte à certaines parties maté-

riellement déterminées d'un immeuble corporel. 622 De la propriété de constructions établies sous le sol d'autrui, et de la propriété restreinte à certai- nes parties d'un bâtiment 622

Du droit de superficie 623

Des mines 630

G. De la propriété pleine ou moins pleine.

224 Notions générales. Aperçu historique sur le do-

maine direct et le domaine utile, et sur le rachat

des rentes foncières 636

224 bisDe Pemphytéose temporaire 644

224 ter Des rentes foncières, d'après la législation actuelle. 650

Titre deuxième. Des servitudes.

225 Notion et division des servitudes 656

Chapitre I. Des servitudes personnelles.

I. De l'usufruit.

226 Notion de l'usufruit 660

227 Des différentes manières dont l'usufruit peut être

établi 663

>;s

iii

:h

SU

656

TABLE DES MATIÈRES. ?59

§§ Pages.

228 De l'établissement de l'usufruit par la volonté du pro-

priétaire 665

229 Des obligations de l'usufruitier avant son entrée en

jouissance 670

230 Des droits de l'usufruitier. 680

231 Des obligations de l'usufruitier pendant la durée de

sa jouissance 700

232 De la position de l'usufruitier, quant aux dettes qui

grevaient le patrimoine du constituant ou qui for- ment des charges de son hérédité 712

233 Des obligations et des droits du nu-propriétaire pen-

dant la durée de l'usufruit 715

234 Des différentes manières dont l'usufruit prend fin. . 719

235 Des conséquences de l'extinction de l'usufruit. . . . 733

Appendice à l'usufruit.

236 Du quasi-usufruit. De l'usufruit d'un fondscle com-

merce, et de celui d'un troupeau 738

237 II. De l'usage etde l'habitation 745

FIN DE LA TABLE DU DEUXIEME VOLUME.

Laval. Imprimerie et stéréotypie, E. JAMIN, 41, rue de la Paix,

I TABLE DE TOME II

Suppii II.

TABLE DU TOME II

Indiquant les articles du Gode civil et des autres codes, ainsi que les lois spéciales, examinés dans le deuxième volume.

Note. Pour la table du Code civil, les pages contenant le commen- taire principal des articles sont précédées d'un astérisque *. Celles qui ne renferment que des développements accessoires sont indiquées par le signe : Cpr.

Code Civil.

Articles.

6, 132,

137

384.

-453,

464

472.

475

516,

517

518-519

Paragraphes. Pages.

215 b(â Cpr. 529 à 533.

191 Cpr. 272.

176 Cpr. 101.

220 Cpr. 578.

175... Cpr. 97.

227 Cpr. 664.

230

Cpr. Cpr.

668.

684

215 Cpr. 517.

215 Cpr. 519.

214 Cpr. 492.

162 163. 164 164,

Cpr. 2.

o.

*6.

*6 à 10.

223 Cpr. 626 h 628.

520-521 164,

40 à 15.

223 Cpr. 623 à 626, 630 à 636.

522

164

*,

19.

4 TABLE DU TOME DEUXIEME.

Articles. Paragraphes. Pages.

523 164 *7.

524 164 *15 à 26.

201 Cpr. 360, 367, 368.

525 164 *23à25.

526 163 Cpr. 5.

164 Cpr. 6.

165 *30 à 35.

224 fos Cpr. 646.

527 lUbis *27.

528 164 bis *27.

529 163 Cpr. 5.

165 *35à40.

224 ter Cpr. 650.

530 224 *643-644.

224 ter *650 à 655.

228 Cpr. 666.

231.... Cpr. 709-710.

531 164 Cpr. 7.

164 *27-28.

532 164 *11.

164 bis *28.

533 à 536 164 bis *28 à 30.

537 170 *63à68.

538 169 *48 k 63.

170 Cpr. 63-64.

539 168 Cpr. 45.

170 *64à66.

540 169 *55.

170 Cpr. 64.

541 170 *64.

171 Cpr. 68-69.

542 170 *67.

543 165 Cpr. 30-31.

172 *73.

221 Cpr. 578 à 585.

221 bis Cpr. 585 h 588.

221 ter Cpr. 588 h 596.

222 Cpr. 596 à 621.

TABLE DU TOME DEUXIÈME.

Articles. Paragraphes. Pages.

543 223 Gpr. 622 à 636.

224 Cpr. 636 à 644.

224 bis Gpr. 644 à 649.

225 Cpr. 656.

544 168 Cpr. 43-44.

190 *255 à 262.

190 bis *263 h 269.

191 *270 à 28).

545 190 Cpr. 258-259.

193 *297 à 301.

222 Cpr. 610-611.

546 192.... *282 h 287.

223 Cpr. 626-627.

547 192 *288à290.

206 Cpr. 405.

219 Cpr. 567-568.

548 192 *290.

219 Cpr. 568.

549-550 206 *405 h 419.

219 *567-568.

551 202 *376 à 378.

552 191 Cpr. 270 à 272.

192 *280-281.

192 Cpr. 286-287.

223 Cpr. 622 à 636.

553 192 *281-282.

223 *622-623.

554 204 *392 à 393.

555 164 Cpr. 8 à 10.

204 *393à402.

223 Cpr. 626 :i 628.

556 à 558 170 Cpr. 63-64.

192 ... Cpr. 282.

203 *378à386.

230 Cpr. 691.

559 203 *386& 388.

560-561 170 Cpr. 63-64.

203 *388 à 392.

6 TABLE DU TOME DEUXIÈME.

Articles. Paragraphes. Pages.

560-561 230 Cpr. 691.

*391-392.

Cpr. 573.

*391-392.

Cpr. 573.

Cpr. 692.

Cpr. 19.

Cpr. 360.

........ *378.

*403 à 405.

*660 à 663.

*680 h 700.

*663-664.

*665 à 679.

*665.

*661.

*684.

*288 à 290.

*289.

. . . *682.

*734.

*289.

*683.

Cpr. 708.

*734.

Cpr. 40-41.

*66 1-662.

*738 à 740.

Cpr. 740 à 743.

*684 à 686.

Cpr. 714.

*683-684.

Cpr. 742-743.

*686 h 689.

Cpr. 084.

*692 à 69S.

*691 .

*691-

562

. . 203

220

563

. . 203

220

230

564

. . 164

201

202

. . 205

578

. . 226

230

579

. . 227

228

580

. . 228

581

. . 226

582

. . 230

583-584

. . 192

585

. . 192

230

235

586

. . 192

230

231

235

587

. . 166

226

236

236

588

. . 230

232

589

. . 230

236

590 à 594...

. . 230

230

595

. . 230

596

. . 230

597

. . 230

TABLE DU TOME DEUXIEME.

Articles.

598 599,

600

601

602-603 . 604

605

606 607

608, 609

610 à 612

613 614 615 616

617

618,

619,

620,

621

622

Paragraphes.

230

204

231

233

235

229

230

233

229

231

229

229

230

231

233

235

231

231

233

231

231

232

235

232

235

231

231

231

234

236

234

234

234

234

234

234

234

623-624 234

Pages.

*689 à 692.

Cpr. 399 à 402,

Cpr. 701.

*715à719.

*735 à 738.

*670 à 672.

*680-681.

Cpr. 715-716.

*673 à 679.

*701.

*673-674.

*674.

Cpr. 681 .

*701 h 706.

*715 à 716.

*736.

*703 à 706.

*706.

Cpr. 715-716.

*707-708.

*708-709.

Cpr. 713.

Cpr. 735.

*712 à 715.

Cpr. 735.

•740-714.

*701 à 703.

♦701-702.

Cpr. 723.

*743à745,

*719 à 727.

Cpr. 731 à 733.

*727 à 729.

*720.

*720.

*729à731.

*731.

*722 à 725.

8 TABLE DU TOME DEUXIEME.

Articles. Paragraphes, Pages.

625 237 *745-746, 749-750..

626 237 *746-747, 751.

627 237 *750.

628-629 237 *747 à 750.

630 237 *747-748.

237 Cpr. 750-751.

631 237 *748.

237 Cpr. 750-751.

632 237 *750-751.

237 Cpr. 747.

633 237 *750-751.

634 237 *750-751. Cpr. les passages

cités sous l'art. 631.

635 237 *750-751.

636 225 *657.

637 à 639 193 Cpr. 291-292.

194 Cpr. 302-303.

643 ancien 210 Cpr. 476.

644-645 185 Cpr. 199 à 201.

646 199 *335à353.

647-648 191 *272 h 280.

653 222 *596à 603.

654 222 *601-602.

655 222 *603à 605.

656 222 *604.

222 Cpr. 596-597.

657 222 *605-606.

222 Cpr. 597, 609-610.

658-659 222 *606 h 610.

222 Cpr. 597.

660 222 *609.

661 222 *610 h 616.

222 Cpr. 621.

66-2 221 ter *595.

222 Cpr. 605.

663 200 *354ft 3B8.

664 221 ter *592 à 896.

666 à 668 222 *(> 1 6 à 62 1 .

TABLE DU TOME DEUXIEME.

Articles. Paragraphes. Pages.

669 , 222 *620.

670 222 *621.

671 197 *324 à 327.

672 194 Gpr. 302-303.

194 Cpr. 304 et suiv.

197 *327-329.

673 197 *329-330.

674 194 Cpr. 303.

198 *332 à 335.

675 222 *609.

222 Cpr. 614 à 616.

676-677 194 Cpr. 302-303.

196. *312à317.

222 Cpr. 608-609.

678 à 680 194 Cpr. 302-303.

196 *312 à 314, 317 à 324.

222.. Cpr. 614 a 616.

681 194 Cpr. 302-303.

195 *309 à 312.

685 210 Cpr. 475-476.

688 179., Cpr. 117.

690 173 Cpr. 76-77.

691 173 Cpr. 76.

182 Cpr. 142.

185 Cpr. 192 à 196.

215 bis Cpr. 532.

216 Cpr. 533.

692 à 694 185 Cpr. 194.

696 167 Cpr. 43.

703 179 Cpr. 120.

704 179 Cpr. 120.

705-707 179 Cpr. 120.

709-710 214 Cpr. 503.

215 Cpr. 522.

711 173.. *74 à 77.

174 *77-78.

200 fo* *359.

712 173 *74 à 79.

10

TABLE DU TOME DEUXIEME.

Articles. Paragraphes.

712 200 ôw

216

713 168

714,

715

716

717 754,

170.

168

168.

169

201.

192,

201.

170.

201.

228,

ô)QG)

214

779

802 209...

815... 221...

816 221...

817-818 165...

838 à 840 221....

841 221....

843, 845, 859,

860 220 bis.

861-862 219....

865 2ÏQ bis.

871 iie bis.

S77 883

887

906

939

941

950

952 220 bis

954 176...

220 bis

215 214 221. 221

228. 174 175 230.

Pages.

*359.

Cpr. 534.

Cpr. 45 et les passages cités

sous l'art. 539. *65-66. *43 à 45. Cpr. 45 à 47. Cpr. 48. *359 à 368. Cpr. 281. *369 h 372. *65-66. *372 à 376. Cpr. 668. Cpr. 712. Cpr. 498. Cpr. 441-442. Cpr. 582 à 584. Cpr. 581-582. Cpr. 40. Cpr. 584. Cpr. 579.

Cpr. 576. Cpr. 569-570. Cpr. 576. Cpr. 102. Cpr. 512. Cpr. 503. Cpr. 584-585. Cpr. 585. Cpr. 665. Cpr: 78. Cpr. 97. Cpr. 684. Cpr. 577. Cpr. 101. Cpr. 577.

TABLE DU TOME DEUXIÈME. 11

Articles. Paragraphes. Pages.

956 220 bis Cpr. 577-578.

958 176 Cpr. 101.

220 ôw Cpr. 578.

963 176 Cpr. 101.

1044-1045 234 Cpr. 719.

1122 175 Cpr. 97.

1128 171 Cpr. 68.

1136 à 1138. . . . 179 Cpr. 113.

1138 174 *77 etsuiv.

1140 207 *419à427.

1141 174 *79.

176 Cpr. 102.

183 *156-157.

1146 194 Cpr. 307.

1149 223 Cpr. 634-635.

1153 235 Cpr. 734.

1165 176 Cpr. 99.

1166 175 Cpr. 95.

1179 209 Cpr. 441.

1180 213 Cpr. 486.

1183 176 Cpr. 101.

1199 214 Cpr. 502-503.

215 *521-522.

1206 215 Cpr. 521-522.

1217-1218 214 Cpr. 503.

215 Cpr. 522.

1221 215 Cpr. 522-523.

1222-1223 214 Cpr. 503.

215 Cpr. 522.

1224 214 Cpr. 503.

215........... Cpr. 522-523.

1234 215 Cpr. 523.

1291 166 *42.

1304 201.... Cpr. 372.

1318 218........... Cpr. 547.

1322 175 Cpr. 97.

1325 218 Cpr. 547.

1328 175 Cpr. 97.

12 TABLE DU TOME DEUXIÈME.

Articles. Paragraphes. Pages.

1328 218 Cpr. 547.

1331 215 Cpr. 517-518.

1337 215 Cpr. 515-516.

1351 230 Cpr. 699-700.

1352 183 Cpr. 144-145.

1379 219 Cpr. 567.

1381 219 Cpr. 567.

1382-1383 183 Cpr. 156-157.

194 Cpr. 302 à 309.

209 Cpr. 459.

218 Cpr. 557.

219 Cpr. 568.

1402 210 Cpr. 475.

1428 214 Cpr. 495.

1465 237 Cpr. 746.

1476 221 Cpr. 584.

1550..... 229 Cpr. 677.

1560 214 Cpr. 493.

1561 171 Cpr. 72.

213 Cpr. 481.

214 Cpr. 493, 502.

1562 214 Cpr. 495.

1568 226 Cpr. 661.

1570 237 Cpr. 745.

1589 209 Cpr. 431.

1598 171 Cpr. 68, 72.

1614-1615 164 *15à 27.

167 Cpr. 43.

L61S 167 Cpr. 43.

165V 165 Cpr. 34.

1673 176 Cpr. 101.

1681 176 Cpr. 101.

L686 ;i 1688... . 221 »B84.

1711 230 Cpr. 693.

1718 230 Cpr. 692 à 696.

1727 219 Cpr. 562.

it:;; 231 Cpr. 702.

1743 172 Cpr. 74.

TABLE DU TOME DEUXIÈME. 13

Articles. Paragraphes. Pages.

1743 174 Cpr. 84.

176 Cpr. 101.

1859 221 Cpr. 582.

1872 221 Cpr. 584-585.

1912 224 ter Cpr. 653.

1926 219 Cpr. 561.

1932 166 Cpr. 42.

1978 220 bis Cpr. 575.

2091 172 Cpr. 74.

2102 183 Cpr. 159.

2103 224 ter Cpr. 653.

2111 209 Cpr. 463.

2147 174 Cpr. 87 à 90.

2180 209 Cpr. 474.

213 Cpr. 489-490

215 Cpr. 520.

2181 174 bis Cpr. 91-92, 94.

209 Cpr. 474.

2182 207 *421 à 424.

208 *427 à 429.

2199 174 bis *94.

2200 174 Cpr. 87 à 90.

lUbis Cpr. 94-95.

2205 221 Cpr. 579.

2219 210 *475 à 477.

2226 171..... Cpr. 68.

216 *533.

2227 211 *477-478.

2228 177 *105 à 108.

2229 180 *122 à 133.

187 Cpr. 226 à 228.

189 Cpr. 247.

217 *535à541.

2230 180 *128.

2231 180... 425.

2232 179 *119.

2233 180 *131 à 133.

180 Cpr. 130.

14 TABLE DU TOME DEUXIÈME.

Articles. Paragraphes. Pages.

2234 217 *540-541.

2235 181 *133àl39.

187 Cpr. 231.

218 Cpr. 542-543.

2236 180 *124àl26.

180 Cpr. 128-129.

187 Cpr. 224.

2237 181 *137 à 139.

206 Cpr. 412-413.

2238 180 *126-127, 129.

181 Cpr. 139.

185 Cpr. 194.

2239 181 Cpr. 138.

181 *139.

2240 180 *125.

217 *535-536.

2241 217 *535.

2242 215 *504.

2243 179 *115-116.

215 *504et520.

2244 215 *504 à 519, 525 526.

2245 215 *505, 509.

215 Cpr. 513.

2246 215 *506.

2247 215 *507 à 509.

2248 215. *515 à 518, 524.

2249 215 *520 h 522, 524.

2250 215 *523.

2251 211 *477 à 479.

213 Cpr. 481 h 490.

214 *497 h 501.

2252 214 *490à 413.

2253 214 *495.

2254 214 *495.

2255 214 *493.

2256 214 *493à49i.

2257 213 *483i\485.

213 Cpr. 4SI à &83.

Articles.

2258

2259

2260-2261 . .

2263

2280 2281

2266 2267

2268.

2269.

2278. 2279.

TABLE DU TOME DEUXIÈME.

Paragraphes. Pages.

214 *496à 498.

214 *498.

212 *479-480.

196 Cpr. 322-323.

197 Cpr. 328.

201 Cpr. 372, 376.

216 *533-534.

224 ter Cpr. 651.

234 Cpr. 721-722.

213 Cpr. 483.

215.. *518.

209 Cpr. 472.

211 Cpr. 478.

216 *533-534.

218 *541 à 558.

227 Cpr. 663.

234 Cpr. 731-732.

211 Cpr. 478.

218 *555-556.

206 Cpr. 408-409.

218 *542à544.

213 Cpr. 485-486.

218 *552.

206 Cpr. 413.

218 *552~553.

214 Cpr. 491.

183 *143 à 159.

201 Cpr. 372, 376.

204 Cpr. 392.

205 Cpr. 403.

206 Cpr. 418-419.

234 Cpr. 722.

183 *149-150.

183.. Cpr. 154.

213 Cpr. 481.

214 Cpr. 502.

215^5 *529 à 533.

15

16 TABLE DU TOME DEUXIÈME

Code de Procédure civile.

Articles. Paragraphes. Pages.

3 186 206.

189 249.

23... 180 122 à 124.

184 178-179.

185 180 à 204.

186 207 à 210.

187 222 à 245.

24 186 210.

25 186 210 à 222.

26 186 220-221.

27 186 219 à 222.

48 215 510.

57 215 509.

65 215 507.

174 214 498.

402 215 507.

403 215 507.

563 215 513.

565 215 513.

601 215 513.

626 164 10.

628 215 513.

641 215 513.

677 215 513.

693 215 524.

909 229 672.

930 229 672.

941 229 670, 672.

Code de Commerce.

64 214 491.

106 214 491.

189 214 491.

248 527-528.

574 219 561.

TABLE DU TOME DEUXIÈME. 17

Code Pénal.

Articles Paragraphes. Pages.

259 190 bis 268.

388 201 368.

Code Forestier.

8 à 14 199 340.

61 à 85 185 189.

225 657.

119-120... ... 185 189.

122 193 296.

124 193 296.

150 ..... 197 330.

219 193

Ordonnance réglementaire du Code Forestier.

57 à 66 199 340.

Lois, Ordonnances, Décrets, etc. Paragraphes. Pages.

0. de Moulins, 1566, art. 1er 171 71.

0. 1667, titre XV11I, art. 180 124.

0. août 1669, tit. XXXI, art. 16 et 17. 201 373.

0. août 1681, liv. II, tit. VII, art. 1er. 169 50.

Liv. III, tit. IX et X 201 368.

Liv. IV, tit. IX, art. 24 à 27 170 66.

Liv. IV, tit. IX, art. 27 it 29, 35, 38. 201 373.

Liv. IV, lit. IX, art. 29 201 365.

Liv. V, tit. art. 1*' 201 365.

Liv. V, tit. VII 170 66.

Arrêt du Conseil du 27 février 1765.. 193.. . . 292.

Règlement du 26 juillet 1778 201 368-369.

L. 4 août-3 novembre 1789, art. 7. . 165 38.

L. 11 août-3 novembre 1789 224 640.

L. 22 décembre 1789-8 janvier 1790. 199 340.

Suppit il. 2

18 TABLE DU TOME DEUXIÈME.

Lois, Ordonnances, Décrets, etc. Paragraphes. Pages.

L. 15-28 mars 1790, art. 19 169 62.

224 640.

L. 26 juillet-15 août 1790 223 624.

Instruction des 12-20 août 1790. . . . 168 47.

L. 16-24 août 1790, tit. XI, art. 3. . 193 292.

L. 20-27 septembre 1790, art. 8. . . . 225 657.

L. 7-14 octobre 1790 169 57.

Art. 1er 193 292.

L. 28-octobre-5 novembre 1790, tit.

III, art. 15 215 513.

L. 22 novembre-ler décembre 1790. . 171 71 .

Art. 3 201 374-375.

L. 23 novembre-ler décembre 1790. . 224 ter. . 652.

L. 18-29 décembre 1790 224 640.

224 bis.. 644.

224 ter.. 654.

L. 13-20 avril 1791, tit. I«, art. 7.. . 201 374.

Titre Ier, art. 12 et 13 223 624.

L. 7 juin-6 août 1791, art. 7 et 8. . . 223 624.

Art. 11 223 628-629.

L. 8-10 juillet 1791, tit. Ie<\ art. 29. 193 292.

Titre IV, art. 1 et 2 169 55.

Art. 2 171 69.

L. 6-22 août 1791 170 65.

Titre II, art. 23 193 297.

Titre IX, art. 2 et 5 201 374. *

Constitution des 3-14 septembre 1791 ,

art. 17 193 297.

L. 15 septembre-16 octobre 1791 ... 224 ter. . 645. L. des 28 septembre-6 octobre 1791.

Titre Ier, section III, art. 5. 201 361.

Titre Ier, section IV, art. 20 201 362.

Titre VI, section VI, art. 1er ^3 301.

L. 25-28 août 1792 224 640.

L. 28 août-14 septembre 1792 225 657.

L. 11-19 septembre 1792 193 294.

223 629-680.

L. 28 mars 1793, art. 43 214 409.

TABLE DU TOME DEUXIÈME. 19

Lois, Ordonnances, Décrets, etc. Paragraphes. Pages.

Constitution du 24 juin 1793, art. 19. 193 297.

L. 17 juillet 1793 224 640.

L. 14 frimaire an n 193 294.

L. 15 fructidor an n 190 bis. . 265.

D. 19 brumaire an m 193 297.

L. 9 messidor an m 224 bis. . 645-6U>.

Constitution du 5 fructidor an m. . . 193 297.

L. 13 messidor an m « 193 294.

L. 11 germinal an iv 170 65.

201 374.

Arrêté du 19 pluviôse an v 201 362.

L. 13 fructidor an v 193 296.

Arrêté du 3 nivôse an vi 230 689.

L. 11 brumaire an vu 224 bis. . 645-646.

224 ter. . 650 à 652.

Art. 6 et 7 165 35.

Art. 26 et 28 207 421 à 423, 427.

L. 3 frimaire an vu, art. 103 168 46.

L. 22 frimaire an vu, art. 27 224 ter. . 650.

Art. 69, § 2, 11 224 ter. . 650.

L. 14 ventôse an vu 171 71.

L. 28 pluviôse an vnr, art. 4 193 301.

Avis du Conseil d'État du 4 thermi- dor an vm , 224 639-641 .

Arrêté du 27 nivôse an ix 201 365.

L. 17 floréal an ix 201 365.

L. 15-16 floréal an x 170 67.

Avis Conseil d'État du 3 nivôse an xi. 225 658.

L. 25 ventôse an xi, art. 68. 218 547.

L. 11-21 germinal an xi 190 bis. . 265.

L. 14 floréal an xi 231 708.

Arrêté du 2 prairial an xi 201 369.

Avis Conseil d'État des 21 ventôse et

23 messidor an xi 224 639, 641.

Arrêté du 25 fructidor an xi 193 296.

Avis Conseil d'État du 2 pluv. an xn. 225 658.

L. 5 ventôse an xn 170 67.

L. 30 ventôse an xn, art. 3 224 643.

20 TABLE DU TOME DEUXIÈME.

Lois, Ordonnances, Décrets, etc. Paragraphes. Pages.

L. 30 ventôse an xn, art. 7 224 bis: . 648.

D. 16 floréal an xn 193 296.

Avis du Conseil d'État des 2-6 plu- viôse an xin 169 60.

L. 9 ventôse an xin 223 624.

L. 16 septembre 1807, art. 30 203 381.

Art. 41 203 384.

Titre XI 193 297.

Art. 50 à 53 193 298.

Art. 55 à 58 193 301.

D. 6 janvier 1808, art. 7 165 34.

D. 1er )nars |808 165 34.

Art. 40 a 46, 54 à 63 171 70.

D. 30 décembre 1809, art. 44 et 92.. 225 658.

D. 3 mars 1810, art. 34 et 35 165 34.

D. 16 mars 1810, art. 13 165... . 34.

L. 21 avril 1810 193 295.

. . 630.

-. 631.

. . 632.

. . 690.

. . 14, 20.

.. 37.

. . 632.

.. 631.

Art.

5 à 8

223

Art.

6

223

Art.

7

223

Art.

7

230

Art.

164

Art.

8

165

Art.

10

223

Art.

17 et 18

223

Art. Art.

Art Art. Art. 23 avril 1 13 août U

19

223

21

223

52

165

42

223

49

223

D.

SIO

169

D.

$10

170

201

T).

15 octobre

1810

193

. . 632.

. . 37.

.. 631.

. . 63(1.

. . 62.

.. 65.

.. 374.

. . 293.

1). ±\ décembre 181 1 , art. 54 169 55.

D. 6 novembre 1813, art. 130121. 225 658.

I). 15 décembre 1813 193 297.

Charte de 1814, art. 10 193 297.

TABLE DU TOME DEUXIÈME. 21

Lois, Ordonnances, Décrets, etc. Paragraphes Pages

0. 20 août 1814 201 362.

0. 14 janvier 1815 193 293.

L. 28 avril 1816, art. 91 165 38.

190 258.

Art. 172-229 193 296.

L. 25 mars 1817 171 71.

L. 10 mars 1819, art. 2 à 6 193 296.

L. 17 juillet 1819, art. 1<* 171 70.

L. 12 mars 1820 171 71.

L. 3 mars 1822 170 65.

201 374.

O. 25 juin 1823 193 293.

O. 29 octobre 1823 193 293.

O. 10 février 1824, art. 4. . . 171 70.

O. 20 août 1824 193 293.

O. 9 février 1825 193 293.

O. 5 novembre 1826 193 293.

Règlement du 1er décembre 1827. . . 193 297.

O. 20 septembre 1828 193 293.

L. 15 avril 1829, art. !«>* 169 50.

Art. 1er 201 366-367.

Art. 2 201 367.

Art. 3 201 365,367.

Art. 5 201 366 à 368.

Art. 10 201 366.

Art. 42 201 368.

O. 22 février 1829 170 65.

Charte de 1830, art. 9 193 297.

L. 30 mars 1831 193 298, 301.

Art. 13 et 14 193 301.

L. 31 janvier 1833, art. 170 65.

201 374.

0.31 mai 1833.... 193 293.

O. 10 juillet 1835 201 365.

L. 21 mai 1836, art. 15 193 299-300.

Art. 15 199 343.

Art. 16 193 298.

Art. 17-18 193 301.

22 TABLE DU TOME DEUXIÈME.

Lois, Ordonnances, Décrets, etc. Paragraphes. Pages.

L. 18 juillet 1837, art. 31 169 49.

0. 27 janvier 1837 193 293.

0. 25 mars 1838 193 293.

L. 27 avril 1838 193. . . . 295.

Art. 6, 9 et 10 223...., 636.

L. 25 mai 1838. art. 6, 1" 186 204.

186 206-207.

188 245 à 247.

189 247 à 254.

Art. 6, n* 2 199 348 à 353.

Art. 6, no 3 198 335.

L. 30 juin 1838, art. 39 213 485.

L. 6 juin 1840 201 366

L. 17 juin 1840 193. . : . . 295.

L. 3 mai 1841 193 297.

Art. 16 208 429.

Art. 39 229 679.

234 723.

Art. 60 234 725.

0. 26 juin 1841 193 295.

0. 18 avril 1842 193 295

L. 3 mai 1844 201 360.

Art. 1,3, 4 201 362.

Art. 4 201 363.

Art. 11 201 363.

Art. 16 201 363.

Art. 20 174..,.. 80.

0. 9 novembre 1 844 201 365.

L. 12 mai 1845, art. 3 171 70.

L. 7 juin 1845 231 709.

L. 15 juillet 1845, art. 1"' 169 56.

Titre 193... . 293.

0. 27 janvier 1846 193 292-295.

0. 15 novembre 1846 193 293.

Constitua 4 novembre 1848, art. 11 . 193 297.

L. 19 janvier, 7 mars, 13 avril 1850. 193 294.

L. 18 mai 1850 170 67.

L. 16 juin 1S5I 190 262-263.

TABLE DU TOME DEUXIEME.

Lois, Ordonnances, Décrets, etc. Paragraphes.

D. 9 janvier 1852 201

D. 25 mars 1852, art. 5 et 17 201

D. 26 mars 1852 . . . . 193

Sénatus- Consulte du 12 décembre

1852, art. 3 170

Art. 7 et 8 171

Sénatus -Consulte du 25 décembre

1852 193

D. 4 juillet 1853 201

D. 10 août et 8 novembre 1853. .... 171

L. 31 mai 1854 234

L. 23 mars 1855 207

208

Art. 1er 174 ,.

209

234.

Art. 2 174.

Art. 3 209.

Art. 4,

Art. 6

Art. 9

Art. 11

L. 5 mai 1855, art. 17

D. 28 avril 1856 portant promulga- tion de la déclaration du 16 avril 1856

L. 14 juillet 1856 .

L. 21 juillet 1856

D. 28 octobre 1857

L. 28 mai 1858

D. 16 octobre 1858.. B

D. 8-12 janvier 1859

218. 174. 209. 209. 174. 209. 170. 201 .

201 . . . 193.... 223... 223..., 190 bis.

193

190 bis.

23

Pages.

365. 362. 292.

67. 70.

297.

365.

70.

719.

427.

427 à 429.

80 à 82.

429 à 431,446

à 456. 667-668. 731. 81-82. 429-430, 471

à 474. 548. 81-82. 455. 474. 90. 456. 65. 374.

369. 296. 629. 630. 268. 296. 268.

24

TABLE DU TOME DEUXIEME.

Lois, Ordonnances, Décrets, etc. Paragraphes.

L. 18 juin 1859.. 193

D. 27 juillet 1859 193

D. 19 novembre 1859 201

D. 22 novembre 1859 193

D. 28 janvier 1860 193

L. l«r avril 1860 165

Sénatus-Consulte du 20 juin 1860. . . 171

L. 28 juillet 1860 193

D. 6 février 1861 193

D. 27 avril 1861 193

D. 31 juillet 1861 193

D. 10 mai 1862 201

D. 21 mai 1862 193

D. 8 février 1863 201

Sénatus-Consulte du 22 avril 1863 . . 190

L. 20 mai 1863 165

L. 25 mai 1864 193

L. 1er juin 1864 170

L. 8 juin 1864 193

D. 1er novembre 1864 193

D. 25 janvier 1865 193

L. 21 juin 1865 193

D. 26 août 1865 193

D. 18 avril 1866 193

L. 9 mai 1866 193

D. 31 décembre 1866 193

D. 8 février 1868 193

201

D. 14 août 1869 193

L. 27 juillet 1870 193

L. 12 mai 1871 171

183

183 Mi*. L. 10 août 1871. art. 44 et 86 185

193

Art. 55 215

L. 16 septembre et 2 octobre 1871 . . 190 bis. . D. 20 octobre 1871 201

Pages.

292.

365.

295.

296.

34.

70.

294-295.

294.

295.

295.

365

366.

262-263.

34.

294.

67.

298 à 30 1 .

295.

293.

294.

293.

293.

295.

293.

301.

365.

296.

296-297.

71.

146.

162.

185.

298 à 300.

513.

288.

365.

TABLE DU TOME DEUXIEME.

25

Lois, Ordonnances, Décrets, etc. Paragraphes.

D. 31 janvier 1872 193

L. 15 juin 1872 183 bis..

Art. 1er 183 6/*..

Art. 2 à 10 183 6/5..

Art. 3 183 6/5..

Art. 4 183 bis..

Art. 5 183 6/5..

Art. 6 183 6/5..

Art. 7 183 bis. .

Art. 8 183 6/*..

Art. 9 183 6/5..

Art. 10 183 6/5..

Art. 11 à 14 183 6/5..

Art. 12 183 6/5..

Art. 14 183 6/5..

Art. 15 183 6/5..

Art. 16 183 6/5..

L. 2 août 1872 193

L. 20 décembre 1872 . 169

L. 21 décembre 1872 193

D. 31 mars 1873 170. ...

201

L. 24 juillet 1873 193

L. 26 juillet 1873 190 6/5. .

L. 10 décembre 1874 183

L. 28 janvier 1875 193

D. 10 août 1875 201.. .

D. 20 novembre 1875 201

D. 19 décembre 1876 201

L. 3 juillet 1877 193

D. 15 décembre 1877 193

D. 7 mai 1878 193

D. 18 mai 1878..... 201

D. 22 avril 1879 193

D. 23 juillet 1879 201

D. 30 avril 1880 193

L. 11 juin 1880 193

L. 27 juillet 1880 223

Pages.

293.

160 à 178.

177.

163-164, 176.

165.

166.

168.

166.

165.

167.

166.

164.

168.

169, 172.

170.

167.

173-174. 296. 49.

296.

67.

365.

297.

263.

154.

296.

367.

365.

365.

297.

295.

293.

367.

293.

366.

293.

293.

630.

2b TABLE DU TOME DEUXIEME.

Lois, Ordonnances, Décrets, etc. Paragraphes. Pages.

L. 27 juillet 1880, art. 5 223 630.

Art. 6 223 630-631.

Art. 7 223 630 à 632.

Art. 8 223 630.

Art. 10 223 632.

Art. 17-18 223 631.

Art. 19 223 630-631.

Art. 21 223 631-632.

Arl. 42 223 631.

Art. 43 223 633-634.

Art. 44 223 634.

Art. 49 223 636.

L. 30 juillet 1880 193 297.

D. 26 février 1881 ... 193 293.

D. 6 août 1881 193 293.

L. 20 août 1881 193 298 à 301

Art. 1er 169 58.

Art. 4 193 300.

Art. 5 à 7 185 186-187.

Art. 5 186 208.

Art. 33 169 58.

D. 14 novembre 1881 193. - . 295.

L. 4 avril 1882 193 295.

D. 11 juillet 1882 193 295.

L. 15 juillet 1882 170 65.

201 374.

D. août 1882 193 295.

L. 3 août 1882 201 362.

D. 23 novembre 1882 201 362.

D. 1" mars 1883 193 296.

D. 20 juin 1883 193 293.

D. 23 octobre 1883 193 295.

D. 19 février 1884 201 365.

L. 5 avril 1884, art. 90 201 362.

Art. 97 193 292.

Art. 122 186 206.

Art. 124 186 200.

215 :>i:;-514.

TABLE DU TOME DEUXIEME,

27

Lois, Ordonnances, Décrets, etc. Paragraphes.

L. 5 avril 1884, art. 133 169

Art. 136 225

D. 30 juin 1884 201

D. 16 juin 1885 201

L. 10 juillet 1885 183

D. 30 avril 1886 201

D. 3 mai 1886 193

D. 23 novembre 1886 193

L. 10 décembre 1886 171

L. 30 mars 1887, art. 1 à 3. 169

Art. 6 et 7 169

Art. 8 et 9 169

L. 28 avril 1887 190 bis..

L. 1er mars 1888 201

D. 11 avril 1888 193

D. 5 mai 1888 193

L. 22 décembre 1888 193

L. 9 juillet 1889, art. 191

Art. 2 191

Art. 3 191

Art. 4 à 9 191

Art. 4 191

Art. 6 191

Art. 10 191

Art. 11 191

L. 22 juin 1890 191

D. 23 juin 1890 193

Pages.

49.

658.

365.

366.

154.

365.

293.

297.

70.

o4.

55.

53.

263.

364.

296.

293.

294.

273-274.

274-276.

276.

276.

278.

278-279.

277.

278.

273 à 279.

297.

SUPPLÉMENT AU TOME II

SUPPLÉMENT AU TOME II

Additions et modifications apportées par des lois ou décrets récents aux matières contenues dans le tome II.

De la propriété.

Cours d'eau ne faisant pas partie du domaine public.

§ 168.

Pages 45 à 47. La loi du 8 avril 1898, sur le régime des eaux, a, dans ses art. 2 et 3, posé des règles nouvelles relativement à la propriété des cours d'eau non navigables ni flottables.

Les dispositions de cette loi ayant été analysées au tome III, § 246, note 1, nous nous bornerons, sur le point qui nous occupe, à nous en référer aux explications four- nies dans cette partie de l'ouvrage.

Des choses comprises dans le domaine public. Fleuves et rivières navigables.

§ 169.

Page 50. La loi du 8 avril 1898, appliquant les principes consacrés par la législation antérieure ainsi que par la doctrine et la jurisprudence, a rangé dans les choses faisant partie du domaine public, les fleuves et rivières navigables et flottables avec trains et bateaux, et elle a précisé, dans ses art. 34 et 35, les conditions de cette affectation.

Conformément à l'observation présentée, supra, § 168,

4 SUPPLEMENT AU TOME DEUXIEME.

nous renvoyons, sur ce point, aux développements donnés au tome III, § 246, note 1.

Des restrictions apportées dans l'intérêt public, à l'exercice du droit de propriété.

§193.

Pages S90 à 297. Il convient d'ajouter les textes suivants aux lois indiquées au § 193, comme ayant apporté, dans un intérêt public, des restrictions à l'exer- cice du droit de propriété, ou réglementé des restrictions de cette nature :

Les différentes dispositions législatives indiquées au tome III, à la note 1 bis du § 239 ;

La loi du 30 mars 1887 sur les monuments histo- riques dont le commentaire est donné au § 169 ;

La loi du 29 décembre 1892, réglant les conditions dans lesquelles des propriétés privées peuvent être occu- pées temporairement pour l'étude ou l'exécution de tra- vaux publics;

La loi du 25 juin 189o, qui interdit l'établissement, sans 1 autorisation de l'Administration, de conducteurs électriques dans une certaine zone autour des lignes télé- graphiques ou téléphoniques ;

La loi de finances du 13 avril 1 900, qui impose à tout propriétaire l'obligation de supporter sur son terrain l'exécution 1 des travaux de triangulation et d'arpentage ou de nivellement faits pour le compte de l'Etat, des départements ou des communes, ainsi que l'installation des bornes, signaux et repères nécessaires à ces travaux, sous réserve du payement ultérieur d'une indemnité. Art 19.

Elle dispose que le règlement de cette indemnité est attribué au Conseil de préfecture pour les dommages

1 Celle loi renvoie à l'art. 1er de celle de J892 pour les formalités devant précéder les opérations et pour les conditions dans lesquelles le travail s'accomplit. Art. 19.

SUPPLÉMENT AU TOME DEUXIÈME. 5

causés aux propriétés ou aux récoltes, mais que dans le cas d'établissement définitif d'une borne ou d'un signal, il est indispensable, à déîaut de cession amiable du terrain nécessaire à la conservation de ces ouvrages ', de recourir à une expropriation, dans les formes de la loi du 21 mai 1836. Elle excepte même de l'expropriation les propriétés bâties, ainsi que les cours et jardins y attenant. Art. 20 et 21 ;

La loi du 17 avril 4901, complétant les dispositions législatives sur les réquisitions militaires3, et suivant laquelle l'autorité militaire a le droit, pour l'exécution des exercices de tir, soit d'occuper momentanément les propriétés privées, soit d'en interdire l'accès pendant les tirs, à l'exception toutefois des habitations et des bâti- ments, cours et jardins y attenant. Art. 1er.

Des indemnités sont d'ailleurs accordées, à raison tant de la privation de jouissance que des dégâts matériels résultant desdits exercices. Elles sont réglées par des commissions spéciales, et en cas de désaccord, par le juge, de paix ou le tribunal. Art. 2.

Pages 297 à 302. Faisons enfin remarquer que l'art. 5 de la loi de finances du 13 avril 1900 a étendu diverses dispositions de la loi du 3 mai 1841, sur l'expro- priation pour cause d'utilité publique, aux actes et contrats relatifs à l'acquisition des terrains même clos ou bâtis, poursuivie en exécution d'un plan d'alignement régulièrement approuvé, pour l'ouverture, le redresse- ment, l'élargissement des rues ou places publiques, des chemins vicinaux et des chemins ruraux reconnus.

Défense de déverser, sur les fonds d1 autrui, des eaux pluviales ou autres,

§195. Pages 309 à 312. Les règles exposées au § 19o,

2 Les dispositions de l'art. 13 de la loi du 3 mai '1841 sont étendues à ces cessions.

3 Voy. art. 28 de la loi du 24 juillet 1873, et la loi du 3 juillet 1877.

Suppl' H. 3

G SUPPLÉMENT AU TOME DEUXIÈME.

en matière d'écoulement des eaux pluviales ou de source, se trouvent modifiées aujourd'hui par la loi du 8 avril 4898, qui a apporté une addition importante à l'art. 640 du Code civil.

Aux termes de l'art. tor de cette loi, transformant l'art. 641 du Code civil, le propriétaire du fonds inférieur est tenu de recevoir les eaux découlant de l'héritage supé- rieur, alors même que la disposition primitive des lieux a été modifiée par la main de l'homme, mais en pareil cas, il a droit à une indemnité.

Nous renvoyons, pour l'examen détaillé de cette dispo- sition nouvelle, aux développements donnés au tome III, § 240, texte 5.

Bornage.

Délimitation des cours d'eau navigables. §199.

Page 341. La doctrine du Tribunal des conflits, sur la délimitation des fleuves et rivières navigables ou flottables avec bateaux, trains ou radeaux, a été consacrée législativement par l'art. 36 de la loi du 8 avril 1898.

Conformément à l'observation présentée, supra au § 168, nous renvoyons, sur ce point, au tome 111, § 246, note 1.

Revision du cadastre.

Page 353. La loi du 17 mars 1898, relative à la revision du cadastre, contient des dispositions nouvelles en matière de délimitation et de bornage des propriétés.

Elle prévoit l'organisation, dans les communes voulant participer à cette revision, de commissions ou de syndi- cats investis d'attributions spéciales.

La Commission de délimitation ou de bornage, présidée par le maire ou son délégué et comprenant des proprié- taires de la commune, un suppléant de juge de paix ou un notaire, ainsi qu'un agent de l'Administration des

SUPPLEMENT AU TOME DEUXIEME. *

contributions indirectes !, a pour mission de procéder à la reconnaissance des propriétaires apparents des immeubles à cadastrer, de constater s'il y a lieu, l'accord des intéressés sur les limites respectives de leurs héri- tages, et de diriger, s'ils le désirent, le bornage de ces immeubles.

En l'absence d'un semblable accord, la Commission concilie les parties, si faire se peut, et à défaut de conci- liation ou de comparution des intéressés, elle détermine provisoirement les limites des fonds. Elle dresse un procès-verbal détaillé de ses opérations. Art. 1, 3, 4, l'y de la loi du 17 mars 1898.

La délimitation provisoire est portée à la connaissance des intéressés qui ont un délai d'un an pour s'entendre sur les limites de leurs immeubles ou pour introduire une action devant la juridiction compétente.

Passé ce délai, les limites déterminées provisoirement deviennent définitives, sauf les droits du propriétaire réel s'il venait à se révéler; toutefois, la réclamation de ce dernier ne pourrait avoir d'effet qu'entre lui et ses voi- sins immédiats. Art. 7.

Un syndicat de délimitation et de bornage peut être formé soit pour la commune entière, soit pour une partie seulement du territoire communal.

Il exerce, par l'organe de son comité directeur, les mêmes pouvoirs que la Commission et se substitue à cette dernière pour tous les terrains compris dans l'asso- ciation. Art. 6.

L'association syndicale est libre ou autorisée.

Dans le premier cas, les parties contractantes peuvent convenir que la délimitation sera accompagnée du bor- nage des immeubles, et qu'il sera procédé à des remem- brements. Les pouvoirs nécessaires sont conférés, à cet effet, au Comité directeur.

Les associations syndicales autorisées sont établies soit

1 Voy. s-ur le mode d'éleclion ou de désignation des différents membres de la Commission, le texte de l'art. 4 de la loi.

8 SUPPLEMENT AU TOME DEUXIEME.

sur ki demande d'un ou de plusieurs propriétaires inté- ressés, soit sur l'initiative du maire ou du préfet. Elles sont soumises aux règles ordinaires établies par les lois du 21 juin 18B5 et du 22 décembre 1888. Art. 6 \

Après les opérations de délimitation ci-dessus indi- quées et l'achèvement des travaux techniques, le plan cadastral est déposé pendant trois mois à la mairie de la commune les intéressés sont admis à en prendre con- naissance. Art. 3, in fine, et art. 8.

A défaut de réclamation dans ledit délai, les résultats de l'arpentage sont réputés conformes à la délimitation, sous réserve de la tolérance fixée par les règlements. Art. 83.

Tout changement de limite à opérer sur les plans du nouveau cadastre devra être préalablement constaté par un procès-verbal de délimitation ou de bornage dressé en présence des parties ou de leurs mandataires et certifié par elles. Art. 9.

Dans les communes il a été procédé au renouvelle- ment ou à la revision des plans et registres cadastraux, la désignation des immeubles, d'après les données du cadastre, deviendra obligatoire dans tous les actes soit authentiques, soit sous-seing privé, ainsi que dans les jugements translatifs ou déclaratifs de propriété ou de droits réels immobiliers. L'inobservation de cette pres- cription ou l'inexactitude de la désignation donnera lieu à une amende recouvrée comme en matière d'enregistre- ment. Art. 9.

Nous devons rappeler qu'aux termes de la loi de finances du 13 août 1900, les propriétaires sont tenus, sous certaines conditions, de laisser pénétrer dans leurs terrains les agents de l'Administration chargés des tra- vaux de triangulation et d'arpentage, et de supporter

* Toutefois, les alinéas 3 et i de l'art. 9 de la loi de 1865, modifiée par celle de 1 888 ne sont pas applicables en notre matière (môme article).

-"Néanmoins, en cas d'erreur matérielle, les réclamations sont tou- jours recevantes (mAinc article). .

SUPPLÉMENT AU TOME DEUXIÈME. 9

l'établissement de bornes et signaux nécessaires à l'exécu- tion desdits travaux. Art. 19, 20 et 21 de la loi de 1900 4. Signalons enfin un décret en date du 9 juin 1898 ayant créé au Ministère des finances un service dit « du a renouvellement, de la revision et de la conservation du « cadastre », et ayant prescrit diverses autres mesures pour assurer l'exécution de la loi du 17 mars 1898.

De r accession. Du changement de cours des fleuves

cl rivières.

§ 203.

Page 391. L'art. 563 du Code civil relatif à l'attri- butkm du lit abandonné, en cas de changement de direc- tion d'un cours d'eau, a été abrogé par l'art. 37 de la loi du 8 avril 1898, et remplacé par des dispositions nouvelles tant pour les fleuves et rivières navigables (art. 563 nouveau) que pour les cours d'eau non navi- gables. Art. 4, 5, 6 de la loi de 1898.

En ce qui concerne la propriété des alluvions, relais, atterrissements, îles et îlots, la loi de 1898 a, par ses art. 7 et 39, maintenu les règles posées par le Code civil \ Il faut remarquer, toutefois, que la loi ne s'explique pas sur l'avulsion (art. 559 du Code civil) relativement aux fleuves et rivières faisant partie du domaine public. Art. 39 précité.

Ainsi qu'il a été dit, supra § 168, il y a lieu de se reporter, pour l'examen détaillé de la loi de 1898, au tome III, § 246, note 1.

Servitudes personnelles.

Usufruit légal.

§ 227.

Page 664. La loi du 9 mars 1891, modifiant

4 Le détail de ces dispositions a été donné, svpra, dans le Supplément au | 193.

1 Voy. sur ces divers points, § 203, texte, lettre a à d.

10 SUPPLÉMENT AU TOME DEUXIÈME.

Fart. 7G7 du Code civil, a créé un droit d'usufruit au profit du conjoint survivant sur la succession du pré- décédé.

Les dispositions de cette loi seront étudiées dans la partie de l'ouvrage ayant trait aux droits du conjoint sur- vivant, notamment aux §§ G06 et 639.

TABLE DES MATIÈRES

CONTENUES

DANS LE SUPPLÉMENT AU DEUXIÈME VOLUME

DE LA PROPRIÉTÉ.

§§ Pages.

108. Des cours d'eau ne faisant pas partie du domaine public, ... 3

169. Des choses comprises dans le domaine public. Fleuves et

rivières navigables 3

193. Des restrictions apportées dans l'intérêt public à l'exercice

du droit de propriété 4,

195. De la défense de déverser, sur les fonds d'aulrui, des eaux

pluviales ou autres 5

DU BORNAGE.

199. Délimitation des cours d'eau navigables. Revision du

cadastre G

203. De l'accession. Du changement de cours des fleuves et

rivières 9

DES SERVITUDES PERSONNELLES.

227. De l'usufruit légal 9

Pari?, Imprimerie R. Cuapelot et Cc, rue Christine, 2.

ERRATA

Page 300 (texte).

Au lieu de: dans l'année de la modification.

Lire : dans l'année de la notification aux riverains.

Page 657 (texte).

Au lieu de: en ce qu'elle forme un caractère inséparable Lire : en ce qu'elle forme un accessoire inséparable.

Tome 11.

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